Homélie de béatification des 19 martyrs d’Algérie

Vous trouverez ci-dessous le texte complet de l’homélie du Cardinal Giovanni Angelo Becciu, Préfet de la Congrégation de la Cause des Saints et envoyé spécial du Saint-Père, tel que prononcée lors de la célébration de la béatification des 19 martyrs d’Algérie au Sanctuaire Notre-Dame de Santa Cruz d’Oran:

Chers frères et sœurs !
Le passage de l’Apocalypse (Ap 7, 9-17), proclamé dans la deuxième lecture, nous présente

la « foule immense » (v.9) de ceux qui ont déjà atteint le but du salut éternel vers lequel nous sommes tous en route : le royaume de l’espérance, le royaume de ceux qui voient Dieu comme il est. L’Apôtre Jean dans sa vision riche en symboles les voit debout, devant le trône de Dieu, « vêtus de robes blanches », couleur de la lumière divine et de la gloire pascale. Mais la blancheur des robes est obtenue en les plongeant dans le sang rouge du Christ : ces élus ont fait l’expérience de la « grande épreuve ; ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau » (v.14). La splendeur est atteinte à travers le creuset de la souffrance, du don de soi, de la croix. En participant à la passion et à la mort de Jésus, le roi des martyrs, on atteint la lumière : per crucem ad lucem (par la croix jusqu’à la lumière) dit l’antique adage chrétien. De cette façon « ce qui reste à souffrir des épreuves du Christ dans ma propre chair, je l’accomplis pour son corps qui est l’Eglise » (Col 1, 24) souligne saint Paul.

Ces sauvés serrent dans leurs mains une palme, qui dans l’Ancien Testament est le signe du triomphe et de l’acclamation ; la souffrance, l’engagement rigoureux du témoignage, le renoncement à soi-même ne conduisent pas à la mort mais introduisent dans la gloire ; ils ne produisent pas l’échec mais la vie et le bonheur. La scène de l’Apocalypse montre ensuite le chœur puissant des saints qui chantent d’une voix forte : « Le salut appartient à notre Dieu qui siège sur le trône et à l’Agneau » (Ap 7, 10).

Le texte de l’Apocalypse nous a ainsi retracé le portrait du bienheureux et du saint : il appartient seulement à Dieu, il paraît en tout point de la terre et à toute époque de l’histoire, il vit avec fidélité même dans l’épreuve en parcourant le chemin de la croix, il atteint le but glorieux de l’éternité où il vivra pour toujours dans la joie, dans les chants, dans la gloire, dans cet infini tourbillon de lumière et de paix qu’est Dieu.

Dans la foule immense de ceux qui ont atteint un destin de gloire, l’Eglise désire appeler aujourd’hui par leur nom 19 nouveaux Bienheureux, tués entre 1994 et 1996 dans des lieux et des temps différents mais dans le même contexte agité. Sur cette terre, ici en Algérie, ils ont annoncé l’amour inconditionnel du Seigneur envers les pauvres et les exclus, en témoignant de leur appartenance au Christ et à l’Eglise jusqu’au martyre. Il est beau de penser maintenant qu’ils se trouvent parmi ceux qui sont passés à travers « la grande épreuve et qui ont lavé leurs robes et les ont blanchies par le sang de l’Agneau » (v. 14). Provenant de huit Instituts différents, nos frères et nos sœurs vivaient dans ce pays où ils accomplissaient diverses missions ; ils furent forts et persévérants dans leur service de l’Evangile et de la population, malgré le climat menaçant de violence et d’oppression qui les entourait. En lisant leurs biographies on demeure frappés d’apprendre comment tous, bien conscients du risque qu’ils courraient, décidèrent courageusement de rester sur place jusqu’au bout ; en eux s’est développée une forte spiritualité du martyre enracinée dans la perspective de se sacrifier eux-mêmes et d’offrir leur vie pour une société de réconciliation et de paix.

Les Bienheureux Pierre Claverie et ses 18 compagnons et compagnes martyrs portent sur eux le sceau salvifique de la Rédemption du Christ. En inscrivant leurs noms dans le livre des sauvés et des Bienheureux, l’Eglise désire reconnaître l’exemplarité de leur vie vertueuse, l’héroïsme de la mort de ces extraordinaires artisans de paix et de ces témoins de la fraternité, et en même temps, rendre le suprême hommage à Jésus, Rédempteur de l’homme. Dans le Christ, l’Eglise désire adorer le Dieu vivant : puisque la gloire de Dieu est l’homme qui reçoit de lui la plénitude de vie.

Cette plénitude de vie, la Vierge Marie – dont nous célébrons aujourd’hui l’Immaculée Conception – en a fait l’expérience de façon incomparable, quand l’Archange Gabriel lui a annoncé qu’elle avait trouvé grâce auprès de Dieu et que par l’action de l’Esprit Saint elle concevrait Jésus, le Fils du Très-Haut. « Réjouis-toi, comblée de grâce : le Seigneur est avec toi » (Lc 1, 28). Nous aussi aujourd’hui, en contemplant ces nouveaux Bienheureux, nous sommes invités à dépasser toute étroitesse d’esprit et à nous réjouir, parce qu’en eux nous voyons resplendir le mystère de l’éternelle sainteté de Dieu ; sainteté qui nous est proposée à travers une nouvelle actualisation de l’Evangile par nos martyrs qui en ont témoigné jusqu’à l’effusion du sang. Nous nous souvenons d’eux comme de fidèles disciples du Christ qui ont aimé la pauvreté, qui ont été sensibles à la souffrance et attentionnés aux personnes abandonnées, qui ont pris part à l’angoisse et à l’affliction de leurs frères. Ces témoins héroïques de l’amour de Jésus sont allés jusqu’à la racine même de l’expérience que l’homme fait de ses propres limites : l’humiliation, les larmes, la persécution.

Ils se sont conformés pleinement au sacrifice du Christ qui, selon le prophète Isaïe, s’est identifié avec le Serviteur souffrant du Seigneur ; lui qui, comme nous l’avons entendu dans la première lecture, s’offrant « en sacrifice de réparation, […] par suite de ses tourments, verra la lumière et justifiera les multitudes » (cf. Is 53, 10b.11). Cela arrive justement par la Croix, puisque dans la mort de Jésus, Dieu s’est définitivement fait proche de l’humanité et l’homme a acquis pleine conscience de sa dignité et de son élévation. Par leur mort en martyrs, les nouveaux Bienheureux eux aussi sont entrés dans la lumière de Dieu, et d’en-haut ils veillent sur les personnes qu’ils ont servies et aimées, priant sans cesse pour tous, même pour ceux qui les ont frappés. Ils continuent ainsi cette mission prophétique de la miséricorde et du pardon, dont ils ont été des témoins au cours de leur vie terrestre. Que leur exemple suscite en tous le désir de promouvoir ce que le Saint-Père François a défini comme « la culture de la miséricorde qui donne naissance à une véritable révolution » (cf. Lettre apostolique Misericordia et misera, n. 20). En accueillant la dynamique du pardon, admirablement vécue par les nouveaux Bienheureux, nous souhaitons que l’Algérie puisse dépasser définitivement cette terrible période de violence et de malheur et nous prions pour cela !

La mort tragique des Bienheureux Pierre Claverie et de ses 18 compagnons et compagnes martyrs est une semence tombée en terre dans des moments difficiles, fécondée par la souffrance qui portera des fruits de réconciliation et de justice. C’est cela notre mission de chrétiens : semer chaque jour les germes de la paix évangélique, pour jouir des fruits de la justice. Par cette Béatification nous voudrions dire à l’Algérie tout entière seulement ceci : l’Eglise ne désire rien d’autre que servir le peuple algérien, témoignant de son amour envers tous.

En tout point de la terre, les chrétiens sont animés du désir de contribuer concrètement à construire un avenir lumineux d’espérance par la sagesse de la paix, pour édifier une société fondée sur le respect réciproque, sur la collaboration, sur l’amour. Une telle société pourra pleinement se réaliser si chacun s’efforce de développer la pédagogie du pardon, si nécessaire aussi dans ce pays.

La communauté chrétienne dans ce pays répand de petites mais significatives semences de paix. Par cette Béatification, elle peut se sentir confortée dans sa présence en Algérie ; par ces 19 martyrs, que s’affermisse en elle la conviction que sa précieuse présence près de ce peuple est justifiée par le désir d’être lumière et signe de l’amour de Dieu pour la population tout entière.

Le témoignage lumineux de ces Bienheureux constitue un exemple vivant et proche pour tous. Leur vie et leur mort est un appel direct à nous tous chrétiens et en particulier à vous, frères ou sœurs dans la vie religieuse, à être fidèles à tout prix à votre vocation propre, en servant l’Evangile et l’Eglise dans une vie de vraie fraternité, dans la persévérance et dans le témoignage du choix radical de Dieu.

Je ne peux pas terminer sans exprimer une vive gratitude aux Congrégations religieuses auxquelles nos frères appartenaient comme aussi à leurs familles naturelles qui ont tant souffert de leur perte, mais qui maintenant peuvent se réjouir avec toute l’Eglise de les savoir Bienheureux dans le ciel. Nous sommes tous réconfortés par la certitude que nos frères et nos sœurs martyrs, par leur sacrifice, par leur intercession constante et par leur protection, feront produire sur cette terre des fruits abondants de bonté et de partage fraternel.

Pour cela nous nous adressons à eux et nous disons : Bienheureux Pierre Claverie et ses 18 compagnons et compagnes martyrs, priez pour nous !

[01995-FR.01] [Texte original: Français]

Église en Sortie 23 novembre 2018

Cette semaine à Église en Sortie, on vous présente un épisode spécial d’Église en sortie dans lequel Francis Denis reçoit la chanteuse Natasha St-Pier pour parler de son tout dernier album « Aimer c’est tout donner » où elle interprète en chansons différents textes de sainte Thérèse de Lisieux. On vous présente le vidéo-clip de la chanson « Le Cantique des Cantiques » interprétée en collaboration avec le groupe Glorious.

Ad Deum qui laetificat juventutem meam !


Credit photo:CNS/Paul Haring
Lundi dernier était publié le document final du Synode des évêques sur « Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel ». Présenté au Saint-Père selon les règles établies par le Motu Proprio Epicospalis Communio, ce texte d’une cinquantaine de pages, passé au vote paragraphe par paragraphe, a pour but d’orienter les réflexions du Saint-Père pour l’écriture de l’Exhortation apostolique post-synodale qui portera sur ce thème. Divisé en trois parties et suivant le modèle de l’épisode des disciples d’Emmaüs, ce document manifeste l’attitude fondamentale que doivent avoir les membres de l’Église pour un apostolat soucieux à la fois des besoins spirituels et humains des jeunes mais également de leur rythme et de leurs attentes spécifiques.

« Ils marchaient avec eux » (Lc 24,15)

Comme toute action pastorale de l’Église, les recommandations présentes dans ce document disponible jusqu’à maintenant qu’en italien, cherchent à incarner l’attitude de Jésus telle que présentée dans l’évangiles. En ce sens, l’épisode des disciples d’Emmaüs est on ne peut plus approprié.  S’inspirant de cette proximité de Jésus qui se mit à l’écoute des peurs et incompréhensions des disciples qui ne saisissaient pas encore le sens des événements de Jérusalem, de même, le document manifeste l’attitude d’écoute des pères synodaux qui ont cherché à « illuminer ce qu’ils ont pu reconnaître du contexte dans lequel évolue la jeunesse d’aujourd’hui » (no 4).

En ce sens, on reconnaît l’importance et la centralité d’enjeux tels que la construction de l’identité des jeunes en manifestant particulièrement les différents types de relations qui influent grandement sur leur développement. Sont donc mentionnées l’importance de la famille, les amitiés et les différentes influences présentes dans les traditions et les cultures. Sans résumer outre mesure, nous pourrions dire que l’Église a conscience de la complexité de la réalité de la jeunesse contemporaine et cherche à manifester son désir de les accompagner.

« Leurs yeux s’ouvrirent » (Lc 24, 31)

La deuxième partie du document met plutôt l’emphase sur l’attitude de Jésus qui, après les avoir écoutés, leur adresse une parole adaptée (no 77) à leur vision du monde et à leur compréhension des problèmes existentiels auxquels ils sont confrontés (no 58-62). Cherchant à se conformer à ce regard du Christ tant Divin qu’Humain, les évêques reconnaissent la jeunesse et les jeunes comme un don de Dieu (no 63) que l’Église ne peut négliger. Comme le disait l’introït de la Messe d’antan « ad Deum qui laetificat juventutem meam » (À ce Dieu qui fut la joie de ma jeunesse), l’Église doit aujourd’hui faire preuve d’ingéniosité afin que la jeunesse elle-même lui fasse redécouvrir le Dieu de la joie. Une démarche de dialogue et d’échange (no 122) doit donc s’établir afin que les jeunes puissent eux-mêmes traduire et incarner le riche patrimoine de foi, de sagesse et de sainteté hérité du passé.

Pour ce faire, le document met l’emphase sur la dimension vocationnelle de la foi. En effet, aux jeunes parvenus à cet  âge crucial de la vie où des choix fondamentaux sont à faire, l’Église doit manifester et donner les moyens de suivre l’appel universel à la sainteté (no 84) dans le cadre de leur vocation personnelle (no 80). Accompagner (no 93) et transmettre les outils de discernement (no 104) nécessaires que sont une relation personnelle avec le Christ (no 114), des idées claires sur les notions de liberté (no 76), vérité, amour, justice, etc., des initiatives pouvant canaliser le besoin de radicalité et de don de soi de la jeunesse ne sont que quelques pistes abordées par le document.

« À l’instant même ils partirent » (Lc 24,33)

Mettant en évidence l’énergie nouvelle qu’inculque l’écoute de la Parole lorsqu’elle s’adresse à nous personnellement, l’Église veut, avec les jeunes, se mettre en marche sur le chemin de la mission. Comprenant que cette démarche de la rencontre et de ce désir de transmission de la foi est au centre du renouvellement de l’Église, les évêques réunis en synode semblent vouloir redonner à l’Église un « visage relationnel » (no 122). À l’heure où l’on assiste au niveau mondial « aux défis du bas niveau de participation et de l’influence disproportionnée de petits groupes de pression » (no 127), l’Église peut, plus que jamais montrer l’exemple d’une gouvernance responsable et participative.

Devenir une Église pleinement consciente de l’urgence de l’évangélisation suggère donc de revenir à l’essentiel tout en faisant preuve de cette créativité que seules des communautés vivantes parce que priantes peuvent réaliser. Passer des structures aux relations sera vraisemblablement l’un des mots d’ordre des prochaines réflexions sur l’avenir de l’Église. Pour ce faire, le document emploie la figure chère au pape François : le polyèdre. Ne cherchant plus à uniformiser les structures, la solide unité de la foi transmise par les apôtres et en communion avec le successeur de Pierre nous invite à un nouvel espace de liberté où pourront s’épanouir « des personnes de sensibilités, de provenance et de cultures diverses » (no 131).

Prochain rendez-vous : Panama 2019 

Alors que les évêques présents au Synode sur « Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel » sont, pour la plupart, de retour chez eux, l’Église dans son ensemble se prépare à la célébration des Journées mondiales de la Jeunesse 2019 au Panama en janvier prochain. Au cours des dernières décennies, cet événement central de la vie de l’Église a su nous montrer un nouveau visage de l’Église; non pas en contradiction avec les profils ecclésiaux du passé mais plutôt en cohérence avec une vision organique de la tradition et du patrimoine de l’Église héritée des motions de l’Esprit Saint à travers les âges.

Pour suivre cette jeunesse enflammée, Télévision Sel et Lumière sera fidèle au poste pour vous faire vivre les Journées mondiales de la Jeunesse 2019, cet événement incontournable de la vie de l’Église d’aujourd’hui et de demain. Un rendez-vous à ne pas manquer!

Homélie du pape François lors des canonisations de Paul VI et Oscar Romero


Crédit: CNS photo/Paul Haring

(14 septembre 2018) Vous trouverez ci-dessous le texte de l’homélie du pape François telle que prononcée ce matin sur la Place Saint-Pierre lors de la célébration de canonisation de 7 nouveaux saints dont celles de Paul VI et Oscar Romero: 

La deuxième Lecture nous a dit qu’« elle est vivante, la Parole de Dieu, énergique et plus coupante qu’une épée » (He 4, 12). Il en est vraiment ainsi : la Parole de Dieu n’est pas seulement un ensemble de vérités ou un récit spirituel édifiant, non, c’est une Parole vivante, qui touche la vie, qui la transforme. Là Jésus en personne, lui qui est la Parole vivante de Dieu, parle à nos cœurs.

L’Évangile, en particulier, nous invite à la rencontre avec le Seigneur, à l’exemple de cet ‘‘homme’’ qui ‘‘court à sa rencontre’’ (cf. Mc 10, 17). Nous pouvons nous identifier à cet homme, dont le texte ne mentionne pas le nom, presque pour suggérer qu’il peut représenter chacun d’entre nous. Il demande à Jésus comment « avoir la vie éternelle en héritage » (v. 17). Il demande la vie pour toujours, la vie en plénitude : qui d’entre nous ne la voudrait pas ? Mais, remarquons-le, il la demande comme un héritage à posséder, comme un bien à obtenir, à conquérir par ses forces. En effet, pour posséder ce bien, il a observé les commandements depuis son enfance et pour atteindre l’objectif il est disposé à en observer d’autres ; c’est pourquoi il demande : « Que dois-je faire pour avoir ? »

La réponse de Jésus le désoriente. Le Seigneur fixe le regard sur lui et l’aime (cf. v. 12). Jésus change de perspective : des préceptes observés pour obtenir des récompenses à l’amour gratuit et total. Cet homme parlait en termes de demande et d’offre, Jésus lui propose une histoire d’amour. Il lui demande de passer de l’observance des lois au don de soi, du faire pour soi-même à l’être avec Lui. Et il lui fait une proposition de vie ‘‘tranchante’’ : « Va, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres […] puis viens, suis-moi » (v. 21). À toi aussi, Jésus dit : ‘‘Viens, suis-moi’’. Viens : ne reste pas sur place, car il ne suffit pas de ne faire aucun mal pour appartenir à Jésus. Suis- moi : ne marche pas derrière Jésus seulement quand cela te convient, mais cherche-le chaque jour ; ne te contente pas d’observer les préceptes, de faire un peu d’aumône et de dire quelques prières : trouve en lui le Dieu qui t’aime toujours, le sens de ta vie, la force de te donner.

Jésus dit encore : « Vends ce que tu as et donne-le aux pauvres ». Le Seigneur ne fait pas des théories sur la pauvreté et la richesse, mais il va directement à la vie. Il te demande de laisser ce qui appesantit ton cœur, de te libérer des biens pour lui faire une place à lui, l’unique bien. On ne peut pas suivre vraiment Jésus quand on est alourdi par les choses. Car, si le cœur est surchargé par les biens, il n’y aura pas de place pour le Seigneur, qui deviendra une chose parmi les autres. C’est pourquoi la richesse est dangereuse et – dit Jésus – rend même difficile le salut. Non pas parce que Dieu est sévère, non ! Le problème est de notre côté : le fait d’avoir trop, le fait de vouloir trop étouffe notre cœur et nous rend incapables d’aimer. C’est pourquoi saint Paul rappelle que « la racine de tous les maux, c’est l’argent » (1 Tm 6, 10). Nous le voyons : là où on met l’argent au centre, il n’y a pas de place pour Dieu et il n’y en a pas non plus pour l’homme.

Jésus est radical. Il donne tout et demande tout : il donne un amour total et demande un cœur sans partage. Aujourd’hui également, il se donne à nous comme Pain vivant ; pouvons-nous lui donner en échange des miettes ? À lui qui s’est fait notre serviteur jusqu’à aller sur la croix pour nous, nous ne pouvons pas répondre uniquement par l’observance de quelques préceptes. À lui qui nous offre la vie éternelle, nous ne pouvons pas donner un bout de temps. Jésus ne se contente pas d’un ‘‘pourcentage d’amour’’ : nous ne pouvons pas l’aimer à vingt, à cinquante ou à soixante pour cent. Ou tout ou rien !

Chers frères et sœurs, notre cœur est comme un aimant : il se laisse attirer par l’amour, mais peut s’attacher d’un côté seulement et doit choisir : ou bien il aimera Dieu ou bien il aimera la richesse du monde (cf. Mt 6, 24) ; ou bien il vivra pour aimer ou bien il vivra pour lui-même (Mc 8, 35). Demandons-nous de quel côté nous sommes. Demandons-nous où nous en sommes dans notre histoire d’amour avec Dieu. Nous contentons-nous de quelques préceptes ou suivons-nous Jésus comme des amoureux, vraiment disposés à quitter quelque chose pour lui ? Jésus interroge chacun d’entre nous et nous sommes tous, en tant qu’Église, en chemin : sommes-nous une Église qui ne prêche que de bons préceptes ou une Église-épouse qui s’abandonne dans l’amour pour son Seigneur ? Le suivons-nous vraiment ou retournons-nous sur les pas du monde, comme cet homme ? Au total, Jésus nous suffit-il ou bien cherchons-nous beaucoup de sécurités du monde ? Demandons la grâce de savoir quitter par amour du Seigneur : quitter les richesses, les nostalgies de rôles et de pouvoirs, les structures qui ne sont plus adaptées à l’annonce de l’Évangile, les poids qui freinent la mission, les liens qui attachent au monde. Sans un saut en avant dans l’amour, notre vie et notre Église souffrent d’une « autosatisfaction égocentrique » (Evangelii gaudium, n. 95) : on cherche la joie dans un plaisir passager, on s’enferme dans les palabres stériles, on s’installe dans la monotonie d’une vie chrétienne sans élan, où un peu de narcissisme couvre la tristesse de rester inachevé.

Il en fut ainsi pour cet homme, qui – dit l’Évangile – « s’en alla tout triste » (v. 22). Il s’était attaché aux préceptes et à ses nombreux biens, il n’avait pas donné son cœur. Et, bien qu’ayant rencontré Jésus et accueilli son regard d’amour, il s’en est allé triste. La tristesse est la preuve de l’amour inachevé. C’est le signe d’un cœur tiède. Par contre, un cœur détaché des biens, qui aime librement le Seigneur, répand toujours la joie, cette joie dont on a besoin aujourd’hui. Le saint Pape Paul VI a écrit : « C’est au cœur de leurs angoisses que nos contemporains ont besoin de connaître la joie, de sentir son chant (Exhort. ap. Gaudete in Domino, I). Aujourd’hui, Jésus nous invite à retourner aux sources de la joie, qui sont la rencontre avec lui, le choix courageux de prendre des risques pour le suivre, le goût de quitter quelque chose pour embrasser sa vie. Les saints ont parcouru ce chemin.

Paul VI l’a fait, à l’exemple de l’Apôtre dont il a pris le nom. Comme lui, il a consacré sa vie à l’Évangile du Christ, en traversant de nouvelles frontières et en se faisant son témoin dans l’annonce et dans le dialogue, prophète d’une Église ouverte qui regarde ceux qui sont loin et prend soin des pauvres. Paul VI, y compris dans la difficulté et au milieu des incompréhensions, a témoigné de manière passionnée de la beauté et de la joie de suivre Jésus totalement. Aujourd’hui, il nous exhorte encore, avec le Concile dont il a été le sage timonier, à vivre notre vocation commune : la vocation universelle à la sainteté. Non pas aux demi-mesures, mais à la sainteté. Il est beau qu’avec lui et avec les autres saints et saintes d’aujourd’hui, il y ait Mgr Romero, qui a quitté les certitudes du monde, même sa propre sécurité, pour donner sa vie selon l’Évangile, aux côtés des pauvres et de son peuple, avec le cœur attaché à Jésus et à ses frères. Nous pouvons en dire autant de Francesco Spinelli, de Vincenzo Romano, de Maria Caterina Kasper, de Nazaria Ignazia de Sainte Thérèse de Jésus et de Nunzio Sulprizio. Tous ces saints, dans des contextes différents, ont traduit par leur vie la Parole d’aujourd’hui, sans tiédeur, sans calculs, avec le désir de risquer et de quitter. Que le Seigneur nous aide à imiter leurs exemples !

[01595-FR.01] [Texte original: Italien]

Nunzio Sulprizio: modèle de patience et de gentillesse dans la souffrance

Laïc italien (a travaillé comme apprenti forgeron)
Jour de fête : 5 mai
13 avril 1817 – 5 mai 1836

Nunzio Sulprizio est né le 13 avril 1817, alors que lEurope connaissait une grande famine, mais cette épreuve na pas été laspect le plus difficile de son enfance. Quand son père mourut, il navait que trois ans et deux ans plus tard, sa mère mourut également. Au milieu de ces tragédies, Nunzio a été envoyé chez sa grand-mère, mais elle est également décédée alors quil navait que huit ans. Il a pu supporter une telle perte, en partie parce qu’il prenait le temps dassister à la messe, même encore petit garçon, apprenant à connaitre Dieu et à suivre lexemple de Jésus et des saints et des saintes.

La douleur de perdre parents et grand-mère à un si jeune âge aurait semblé suffisante pour quiconque, pourtant l’enfant continua d’éprouver des difficultés dans sa vie, ayant été envoyé chez un oncle qui était violent et cruel. Cet oncle na pas permis à Nunzio daller à lécole et la plutôt engagé comme apprenti forgeron. Malheureusement pour le garçon, la réalité était moins celle dun apprentissage que celle dune servitude. Son oncle était dur avec lui, le battant souvent ou ne le nourrissant pas adéquatement, et si l’oncle croyait que son neveu avait besoin dêtre réprimandé ou corrigé, il le traitait plus durement.

Un jour, en 1831, la situation devint trop pénible pour Sulprizio. Son oncle lenvoya chercher du matériel dans les collines. Il revint de ce travail épuisé ce soir-là, ayant une jambe enflée et une fièvre brûlante qui lobligea à se mettre au lit. Le lendemain matin, il saperçut quil ne pouvait plus se tenir debout. Bien que son oncle ait été indifférent à la situation, le travail avait visiblement été trop lourd pour Nunzio. Plus tard, son état fut diagnostiqué comme la gangrène dans une jambe.

Il devint très malade et, le 20 juin 1832, il entra à lhôpital des Incurables à Naples pour se faire soigner. Malheureusement, il y resta hospitalisé pour le reste de sa vie. Cétait une situation quil supportait avec beaucoup de patience en offrant sa douleur à Dieu. On lui attribue les paroles suivantes : « Jésus a tellement souffert pour nous et, par ses mérites, nous attendons la vie éternelle. Si nous souffrons un peu, nous goûterons à la joie du paradis. Jésus a beaucoup souffert pour moi. Pourquoi ne devrais-je pas souffrir pour lui ? Je mourrais pour convertir même un seul pécheur. » Cette foi et cette attitude lont amené à aider les autres autant qu’il le pouvait. Bien que souffrant lui-même, le jeune homme aidait les patients à lhôpital et faisait tout ce quil pouvait pour soulager leur misère.

Comme sa douleur persistait, les médecins décidèrent de lui amputer la jambe en 1835 et, même sil saméliorait parfois, sa situation devint sérieuse en mars 1836 ; sa fièvre et ses souffrances augmentaient. Nunzio est décédé deux mois plus tard, le 5 mai 1836, des suites de sa maladie prolongée et dun cancer des os. Il navait que 19 ans.

Durant sa souffrance, Nunzio a toujours été considéré comme un homme doux et pieux. En dépit de sa maladie, il a servi les autres et a été dévoué à sa foi. Des décennies plus tard, cette sainteté conduisit le pape Léon XIII à proposer Sulprizio comme un modèle pour les travailleurs. Lorsque le pape Paul VI le béatifia, le 1er décembre 1963, le Saint-Père le proposa également comme modèle pour les jeunes. Il est clair que par de petits moyens Nunzio a eu un effet puissant sur ceux qui lentouraient, sur lÉglise et sur le monde.

Vincenzo Romano: prêtre au milieu du peuple

Prêtre diocésain de larchidiocèse de Naples
Jour de fête : 20 décembre
3 juin 1751 – 20 décembre 1831

Vincenzo Romano est né à Torre del Greco, en Italie, le 3 juin 1751, dune famille pauvre, mais pieuse. Il a été baptisé Domenico Vincenzo Michele Romano, surnommé « Vincenzo » en lhonneur de Vincent Ferrer, le saint préféré de la famille Romano. Il passa les premières années de sa vie dans une atmosphère familiale très religieuse, étudiant les écrits de saint Alphonse de Liguori et acquérant une forte dévotion au Saint-Sacrement.

Bien que son père ait dabord espéré qu’il devienne un orfèvre, ce dernier soutint la décision de son fils de devenir prêtre. Au début, Vincenzo a eu du mal à se faire accepter à cause du nombre élevé de séminaristes et du clergé local, mais il fut admis au séminaire diocésain de Naples à lâge de 14 ans.

Ordonné en 1775, P. Romano a travaillé à la paroisse Sainte-Croix, qui comprenait à lépoque toute la ville de Torre del Greco, la ville la plus peuplée du territoire de Naples. Ses manières simples, sa préoccupation pour les enfants orphelins et son travail auprès des autres candidats à la prêtrise furent remarqués par de nombreuses personnes.

Après la terrible éruption du Vésuve le 15 juin 1794, qui détruisit presque complètement la ville et léglise paroissiale, il s’est immédiatement dévoué au difficile travail de reconstruction matérielle et spirituelle de la ville et de léglise. Il a consacré de nombreuses heures à l’organisation des efforts de reconstruction de la ville et était même prêt à travailler de ses propres mains pour nettoyer les décombres.

Bien que souvent opprimé par des groupes politiques et par son entourage, P. Vincenzo fit preuve de résilience tout au long de son séjour à Sainte-Croix et a veillé à toujours accorder une attention particulière à léducation des enfants et à lévangélisation de la population. On dit quil a été un prédicateur qui proclamait le message de lÉvangile dune manière simple et visant à éduquer les fidèles.

Malheureusement, le 1er janvier 1825, il est tombé et sest fracturé le fémur gauche, ce qui a entrainé un déclin constant de son état de santé. Il mourut dune pneumonie à Torre del Greco le 20 décembre 1831 après une longue et douloureuse maladie, mais a laissé un héritage de charité fraternelle engagée et de bonté. Reconnu pour sa sainteté et son dévouement envers son peuple, P. Romano a été béatifié par Paul VI le 17 novembre 1963 à Rome. Son corps ayant été enterré dans la basilique Sainte-Croix, cest là que Jean-Paul II la vénéré le 11 novembre 1990, lors de sa visite pastorale à léglise de Naples.

Suivant lexemple du Bon Pasteur, P. Vincenzo Romano était une figure simple, mais puissante pour les gens de Torre del Greco. Il a passé toute sa vie à guider la communauté dont il avait la direction, la confirmant dans la foi et lédifiant par son amour.

Maria Katharina Kasper: Une vie au service de Jésus-Christ

Vierge et fondatrice de l’Institut des Pauvres Servantes de Jésus-Christ
Jour de fête : 2 février
26 mai 1820 – 2 février 1898

Née à Dernbach, en Allemagne, Katharina Kasper était une enfant maladive et manquait souvent l’école. Cependant, la lecture était son passe-temps favori et elle aimait particulièrement la Bible et L’Imitation de Jésus-Christ de Thomas a Kempis. Une fille extravertie au fort caractère moral, elle se rendait souvent avec sa mère dans un sanctuaire marial voisin et y emmenait d’autres enfants, leur racontant des histoires sur Dieu et Marie. Cest durant ces premières années que sa vocation religieuse sest manifestée et qu’elle a ressenti un grand désir de se consacrer au Seigneur.

Encore enfant, Katharina était sensible aux besoins de ceux et celles qui lentouraient, une qualité qui la menée à une vie de service et à un travail ardu. Jeune femme, elle s’est consacréeà aider les pauvres, les malades et les délaissés. Puis, à la mort de son père, elle commença à travailler comme ouvrière agricole, vendant son tissage et fendant des pierres pour la construction de routes afin de subvenir à ses besoins et à ceux de sa mère dont la santé était fragile.

Son travail ardu et ses actes de charité ordinaires furent remarqués par dautres personnes dans le village et, sur les encouragements de son directeur spirituel, Katharina et quatre autres femmes formèrent une communauté religieuse : les Pauvres Servantes de Jésus-Christ. Elle aurait préféré entrer dans un ordre déjà établi, mais il ny avait pas de congrégations religieuses féminines dans sa région. Elle fonda donc sa propre communauté. Le 15 août 1851, ces « sœurs de Dernbach » prononcèrent les vœux publics de pauvreté, de chasteté et dobéissance devant lévêque Pierre Joseph Blum de Limburg et commencèrent à servir les plus démunis.

Katharina prit le nom de « Maria » et, pendant cinq mandats consécutifs comme supérieure de lordre, elle fut connue dans la vie religieuse comme « Mère Maria ». Le pape Pie IX accorda à lordre le Décret de louange le 9 mars 1860 et lordre reçut lapprobation officielle du pape Léon XIII le 21 mai 1890. Sous la direction de Mère Maria, les Pauvres Servantes de Jésus-Christ (ADJC) entreprirent leur travail auprès des pauvres, des malades et des enfants. Bien que tel fût leur ministère au début, elles sont souvent davantage reconnues par lamour et la simplicité de leur service que par un ministère particulier.

Maria Katharina subit une crise cardiaque le 27 janvier 1898 et mourut dans la maison mère de la congrégation à Dernbach à laube de la fête de la Présentation. Elle fut béatifiée le 16 avril 1978 par le pape Paul VI sur la place Saint-Pierre, louée par le Saint-Père comme une femme « de foi et de courage ».

Durant toute sa vie, Maria Katharina s’est efforcée de reconnaître la volonté de Dieu dans toutes les situations ; cet esprit a été transmis aux sœurs de sa congrégation. Par cette ouverture aux autres et à Dieu, lordre a étendu lamour et la vision de Mère Maria bien au-delà des frontières de lAllemagne, alors que leur ministère a continué à grandir et à se répandre dans des pays tels que lAngleterre, les États-Unis, les Pays-Bas, lInde, le Mexique, le Brésil, le Kenya et le Nigeria.

Nazaria Ignacia de Sainte-Thérèse-de-Jésus​

Nazaria Ignacia de Sainte-Thérèse-de-Jésus

Fondatrice de la congrégation des Missionnaires croisées de lÉglise
Jour de fête : 6 juillet
10 janvier 1889 – 6 juillet 1943

« Toi, Nazaria, suis-moi. » À 9 ans seulement, Nazaria Ignacia March Mesa a entendu ces mots, ressentant son premier appel du Seigneur. « Je vais suivre Jésus, a-t-elle répondu, daussi près que le peut une créature humaine. »

Née à Madrid en 1889 dans une grande famille espagnole, Nazaria acquit rapidement une foi solide. Sa famille s’opposa souvent à sa foi et, si lasse de ses dévotions, elle lempêcha même une fois daller à la messe. Cependant, Nazaria persista dans sa conviction, et après que sa famille eut déménagée au Mexique en 1904, elle continua sa dévotion et décida de se joindre à linstitut des Petites sœurs des personnes âgées abandonnées (Instituto de Hermanitas de Ancianos Desamparados) en 1908, prenant le nom de Nazaria Ignacia de Sainte-Thérèse-de-Jésus et prononça ses vœux perpétuels en 1915. L’institut l’envoya travailler à Oruro, en Bolivie, où elle aida les personnes âgées, pauvres et abandonnées.

Après quelques années en Bolivie, sœur Nazaria, inspirée par les exercices spirituels de saint Ignace de Loyola, commença à se sentir appelée à établir un nouvel ordre consacré à la mission, à lévangélisation et à léducation religieuse. Le 16 juin 1925, elle fonda les Missionnaires de la Croisade pontificale (renommée plus tard congrégation des Missionnaires croisées de lÉglise). Cétait la première communauté religieuse bolivienne pour femmes. Leur mission était de soutenir la catéchisation des enfants et des adultes, tout en soutenant les prêtres, en menant des missions et en imprimant des tracts religieux. Comme supérieure de la congrégation, Mère Nazaria travailla avec diligence pour surmonter lopposition et les difficultés, faisant tout ce qui était en son pouvoir pour que cette nouvelle congrégation grandisse. Elle eut même une audience privée avec le pape Pie XI en 1934 dans laquelle elle lui dit quelle était prête à mourir pour lÉglise, mais le pape lui répondit : « Ne meurs pas, mais vis et travaille pour lÉglise. »

Dans cet esprit, la congrégation a poursuivi ses travaux en Bolivie tout en fondant des maisons et des œuvres dans plusieurs pays. Dirigées par Mère Nazaria, les sœurs ont travaillé pour aider de nombreuses personnes dans le besoin. Elles se sont occupées des femmes, des orphelins et des soldats, ont créé un magazine pour les femmes dans la vie religieuse et ont même aidé à former le premier syndicat de travail pour les femmes. En commençant en Bolivie, leur travail sest étendu à l’Amérique du Sud et au Portugal, à l’Espagne, la France, l’Italie et au Cameroun.

De retour à Buenos Aires, Mère Nazaria commença à souffrir d’une pneumonie au début de 1943 et mourut le 6 juillet de la même année. Sa renommée et celle de sa congrégation continuèrent à se répandre après sa mort. La congrégation des Croisées missionnaires de lÉglise reçut la reconnaissance officielle du Vatican le 9 juin 1947 et Nazaria Ignacia de Sainte-Thérèse-de-Jésusfut béatifiée par Jean-Paul II le 27 septembre 1992.

Mère Nazaria a laissé derrière elle une grande réputation de sainteté et de bonté. Elle est reconnue pour avoir toujours recommandé aux supérieures des maisons de sa congrégation une approche maternelle envers les sœurs sous leur responsabilité, n’oubliant pas leur rôle de mère de la maison. Un grand nombre la considère comme une visionnaire pour son époque par sa proposition que lÉglise catholique soit ouverte à vraiment rencontrer les gens, et ce, des décennies avant les débats et les documents du Concile Vatican II.

Instrumentum Laboris: chemin de créativité pour l’action pastorale de l’Église

CNS photo/Vatican Media

Le 8 mai dernier, l’Église publiait l’Instrumentum Laboris du Synode à venir portant sur « Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel ». D’une soixantaine de pages, ce document a pour but de guider les réflexions et les discussions des pères synodaux lors de la rencontre d’octobre prochain. Divisé en trois parties et s’inspirant d’une panoplie de sources (dont le pré-synode des jeunes), ce texte explore à la fois la réalité concrète des jeunes d’aujourd’hui, la foi, le discernement ainsi que les choix propres à cette étape de la vie. Nous parcourrons ces trois parties dans les prochaines semaines. Ce texte étant de par sa nature, universel, je m’attarderai surtout aux éléments concernant davantage la jeunesse occidentale.

Dans son ensemble, la première partie offre une description de ce en quoi consiste être jeune aujourd’hui. Partant des caractéristiques objectives qui constituent de tout temps cette étape de la vie que l’on nomme « jeunesse », il contient de nombreux éléments pour réfléchir aux beautés et aux défis que représente le fait d’être jeune au XXIe siècle.

Sans prétendre à l’exhaustivité, nous sommes invités, dans un premier temps, à considérer plusieurs caractéristiques objectives de cette étape de la vie et, dans un deuxième temps, à voir ses conditions de réalisation à l’heure actuelle. Ainsi, l’Instrumentum Laboris montre les chemins de créativité pour l’action pastorale de l’Église.

La liberté au service du développement

On souligne d’abord le fait que la jeunesse est une étape du développement de la personne humaine; une période de transition entre l’enfance et l’âge adulte où se construisent tout particulièrement des éléments comme l’identité (no 16), les compétences professionnelles (no 154), les talents, la créativité (no 27), la capacité d’aimer (no 79), le sens critique (no 75), etc. Toutefois, la jeunesse de notre époque semble traiter cette étape d’une manière très particulière. En effet, on note d’abord que « la transition à l’âge adulte est devenue un chemin long, complexe et non linéaire, où alternent des pas en avant et des pas en arrière » (no 16) tout en soulignant la « demande d’espaces croissants de liberté, d’autonomie et d’expression (no 8).

Faire le pont entre la volonté de développement personnel inhérente à la jeunesse sans que soient perçus les choix nécessaires à cette évolution comme étant des atteintes à la liberté de chaque personne, voilà un nœud où l’Église peut manifester toute sa pertinence. En effet, « la joie de l’Évangile fait grandir le désir ; non seulement cultiver ses rêves, mais aussi franchir des pas concrets en intégrant les contraintes de la vie » (no 125).

Des chercheurs de sens

Une deuxième caractéristique des jeunes de tout temps est leur ardeur à chercher la vérité. De fait « les jeunes sont de grands chercheurs de sens et tout ce qui rejoint leur quête de sens pour donner de la valeur à leur vie suscite leur attention et motive leurs efforts (no 7). De cet élément fondamental découle, par exemple, l’importance qu’ils accordent à toutes les formes d’art (no 38) ainsi qu’une insatisfaction croissante « par rapport à une vision du monde purement immanente, véhiculée par le consumérisme et par le réductionnisme scientiste » (no 63). Devant l’immensité des possibilités qu’offre notre monde ultra connecté, on peut comprendre l’émergence de « la déprime et l’ennui » (no 35) croissant chez les jeunes pour qui disponibilité rime avec indifférence et apathie. Comme on dit « trop de choix c’est comme pas assez ».

Dans ce contexte, l’Église est en mesure d’offrir une verticalité de laquelle émerge une hiérarchie de priorités. Les jeunes d’aujourd’hui peuvent donc être très sensibles aux propositions de l’Évangile. Le besoin que l’on ressent fortement chez les jeunes religieux d’une « exigence de radicalité́ est forte » (no 72) en est un exemple. Comment l’Église peut-elle offrir ce sain encadrement qui, respectant les exigences de la liberté, offre le repère essentiel pour faire des choix éclairés ? Voilà une question à laquelle le Synode pourra offrir des éléments de réponse.

Des modèles pour une vie réussie

Une troisième caractéristique de la jeunesse est celle d’être « le moment d’un saut qualitatif, au niveau de l’implication personnelle, dans les relations et les engagements, et de la capacité d’intériorité et de solitude » (no 18). Or, cette évolution représente souvent un saut vers l’inconnu, une période mouvementée où semble indispensable la présence de « modèles » (no 21) permettant au jeune de concevoir positivement pour lui-même ce qu’il n’est pas encore. Or, notre société faillit trop souvent à fournir ces mêmes modèles si essentiels à la formation de la personnalité. Par exemple, on peut concevoir les conséquences dramatiques du fait de « l’absence de leadership fiable, à différents niveaux et dans le domaine civil aussi bien qu’ecclésial » (no 59) ainsi que « la figure paternelle dont l’absence ou l’évanescence dans certains contextes, en particulier occidentaux, produit ambiguïtés et vides ». Comme l’affirme le document, « le point problématique est alors la liquidation de l’âge adulte, qui est la vraie marque de l’univers culturel occidental. Il ne nous manque pas seulement des adultes dans la foi, il nous manque des adultes “tout court” » (no 14).

Nul doit être surpris de la culture de l’isolement et de « l’entre-soi » qui fait que « malgré le fait de vivre dans un monde hyper-connecté, la communication entre les jeunes se limite aux personnes qui leur ressemblent » (no 56-58). Faute de modèles à la hauteur de leurs attentes, les jeunes se regroupent souvent entre eux, empêchant ainsi tout « saut qualitatif » par effet de stagnation. Dans ce contexte, l’Église doit offrir à la jeunesse les modèles dont elle a plus que jamais besoin. Les saints passés, présents et à venir doivent et l’appel universel à la sainteté fera donc assurément l’objet de discussions lors du Synode.

Changement d’époque, changement de paradigme

Le monde vit actuellement de profondes transformations. Étrangement, la société actuelle ressemble, en de nombreux points, à la jeunesse elle-même. Tout comme la jeunesse, notre culture n’est, par elle-même, ni en mesure de réconcilier la liberté avec les choix essentiels au plein épanouissement humain, ni en mesure de donner du sens à la vie, à la souffrance en lui donnant son horizon vertical, ni en mesure d’offrir les modèles nécessaires au déploiement du potentiel présent en chaque jeune.

L’Église doit donc prendre ses responsabilités en devenant elle-même le lieu de tous les épanouissements. Alors que l’époque même dans laquelle nous vivons peut être qualifiée « d’ère de la jeunesse », ces jeunes peuvent s’engager avec l’Institution ecclésiale dans une relation de collaboration réciproque. Pendant que l’une recevra les instruments pour gagner en maturité, l’autre pourra, grâce aux talents et à la fougue de la jeunesse, passer au travers de notre époque de transition sans y avoir perdu trop de plume.

La semaine prochaine, nous poursuivrons notre analyse de l’Instrumentum Laboris en explorant la réalité de la foi et du discernement vocationnel.

Homélie du pape François pour la Solennité des saints apôtres Pierre et Paul

CNS photo/Paul Haring

Vous trouverez ci-dessous le texte complet de l’homélie du pape François telle que prononcée lors de la Messe de la Solennité des saints apôtres Pierre et Paul et dans laquelle les nouveaux archevêques du monde entier on reçu le Pallium:

Les lectures proclamées nous permettent d’entrer en contact avec la tradition apostolique, celle qui «n’est pas une transmission de choses ou de paroles, une collection de choses mortes. LaTradition est le fleuve vivant qui nous relie aux origines, le fleuve vivant dans lequel les origines sont toujours présentes» (Benoît XVI, Catéchèse, 26 avril 2006) et nous offrent les clés du Royaume des cieux (cf. Mt 16, 19). Tradition pérenne et toujours nouvelle qui ravive et rafraîchit lajoie de l’Evangile, et nous permet ainsi de confesser avec nos lèvres et notre cœur: «“Jésus-Christ est Seigneur!” à la gloire de Dieu le Père» (Ph 2, 11).

Tout l’Evangile veut répondre à la question qui habitait le cœur du Peuple d’Israël et qui aujourd’hui encore ne cesse d’habiter tant de visages assoiffés de vie: «Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre?» (Mt 11, 3). Question que Jésus reprend et pose à ses disciples: «Et vous que dites-vous? Pour vous qui suis-je?» (Mt 16, 15).

Pierre, prenant la parole, attribue à Jésus le titre le plus grand avec lequel il pouvaitl’appeler: «Tu es le Messie» (cf. Mt 16, 16); c’est-à-dire l’Oint, le Consacré de Dieu. J’aime savoirque c’est le Père qui a inspiré cette réponse à Pierre qui voyait comment Jésus “oignait” son peuple. Jésus, l’Oint qui, de village en village, marchait avec l’unique désir de sauver et de soulagerquiconque était considéré comme perdu: “il oint” le mort (cf. Mc 5, 41-42 ; Lc 7, 14-15), il oint le malade (cf. Mt 6, 13); Jc 5, 14), il oint les blessures (cf. Lc 10, 34), il oint le pénitent (cf. Mt 6, 17).Il oint l’espérance (cf. Lc 7, 38.46; 10, 34; Jn 11, 2; 12, 3). Dans une telle onction, chaque pécheur, chaque vaincu, chaque malade, chaque païen – là où il se trouvait – a pu se sentir un membre aiméde la famille de Dieu. Par ses gestes, Jésus lui disait d’une façon personnelle: tu m’appartiens.Comme Pierre, nous aussi nous pouvons confesser avec nos lèvres et notre cœur non seulement ce que nous avons entendu, mais aussi l’expérience concrète de notre vie: nous avons été ressuscités,soignés, renouvelés, remplis d’espérance par l’onction du Saint. Chaque joug d’esclavage est détruitgrâce à son onction (cf. Is 10, 27). Il n’est pas permis de perdre la joie et la mémoire de nous savoir délivrés, cette joie qui nous porte à confesser: “Tu es le Fils du Dieu vivant” (cf. Mt 16, 16).

Et il est intéressant ensuite de noter ce qui suit ce passage de l’Evangile dans lequel Pierreconfesse la foi: «À partir de ce moment, Jésus commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallaitpartir pour Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des grands prêtres et des scribes, être tué, et le troisième jour ressusciter» (Mt 16, 21). L’Oint de Dieu porte l’amour et la miséricorde du Père jusqu’aux conséquences extrêmes. Cet amour miséricordieux demande d’aller dans tous lescoins de la vie pour rejoindre chacun, même si cela coûte “la bonne réputation”, les commodités, lasituation… le martyre.

Devant cette annonce si inattendue, Pierre réagit «Dieu t’en garde, Seigneur! cela net’arrivera pas» (Mt 16, 22) et se transforme immédiatement en pierre d’achoppement sur la route du Messie; et en croyant défendre les droits de Dieu, sans s’en apercevoir, il s’est transformé en sonennemi (il l’appelle “Satan”). Contempler la vie de Pierre et sa confession signifie aussi apprendre à connaître les tentations qui accompagneront la vie du disciple. A la manière de Pierre, comme Eglise, nous serons toujours tentés par ces “murmures” du Malin qui seront une pierre d’achoppement pour la mission. Et je dis “murmures” parce que le démon séduit en cachette, faisanten sorte qu’on ne reconnaisse pas son intention, «sa conduite est celle d’un séducteur: il demande le secret et ne redoute rien tant que d’être découvert» (S. Ignace de Loyola, Exercices spirituels n. 326).

Au contraire, participer à l’onction du Christ, c’est participer à sa gloire, qui est sa Croix:Père, glorifie ton Fils… «Père, glorifie ton nom» (Jn 12, 28). Gloire et croix en Jésus Christ vont ensemble et ne peuvent pas se séparer; parce que lorsqu’on abandonne la croix, même si nousentrons dans la splendeur éblouissante de la gloire, nous nous tromperons, parce que celle-ci ne sera pas la gloire de Dieu, mais la tromperie de l’adversaire.

Nous sentons souvent la tentation d’être chrétiens en maintenant une distance prudente avec les plaies du Seigneur. Jésus touche la misère humaine, nous invitant à rester avec Lui et à toucherla chair souffrante des autres. Confesser la foi avec nos lèvres et notre cœur demande – comme il l’ademandé à Pierre – d’identifier les “murmures” du malin. Apprendre à discerner et découvrir ces“couvertures” personnelles et communautaires qui nous maintiennent à distance de la réalité du drame humain ; qui nous empêchent d’entrer en contact avec l’existence concrète des autres et, endéfinitive, de connaître la force révolutionnaire de la tendresse de Dieu (cf. Exhort. Ap. Evangelii gaudium, n. 270).

En ne séparant pas la gloire de la croix, Jésus veut délivrer ses disciples, son Eglise, des triomphalismes vides: vides d’amour, vides de service, vides de compassion, vides de peuple. Ilveut la délivrer d’une imagination sans limites qui ne sait pas mettre de racines dans la vie duPeuple fidèle ou, ce qui serait pire, croire que le service du Seigneur lui demande de se débarrasser des chemins poussiéreux de l’histoire. Contempler et suivre le Christ exige de laisser le cœur s’ouvrir au Père et à tous ceux avec lesquels il a voulu s’identifier (cf. S. Jean-Paul II, Lett. Ap.Novo millennio ineunte, n. 49), et cela avec la certitude qu’il n’abandonne pas son peuple.

Chers frères, la question: «Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre?» (Mt 11, 3) continue d’habiter des millions de visages. Confessons avec nos lèvres et notre cœur: Jésus-Christ est Seigneur (cf. Ph 2, 11). C’est notre cantus firmus que nous sommes invités à entonner tous les jours. Avec la simplicité, la certitude et la joie de savoir que «l’Eglise brille non de sa propre lumière, mais de celle du Christ. Tirant sa propre splendeur du Soleil de justice, ensorte qu’elle peut dire: “ Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi” (Ga 2, 20)» (S. Ambroise Hexaemeron, IV, 8, 32).

[01090-FR.02] [Texte original: Italien]

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