Conférence des États parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP28): discours du Saint-Père

Le samedi 2 décembre 2023, le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État du Vatican, a prononcé le discours du pape François lors de la conférence COP28 à Dubaï (Émirats Arabes Unis). Le Saint-Père a affirmé que « c’est à cette génération d’écouter le cri des peuples, des jeunes et des enfants, et de jeter les bases d’un nouveau multilatéralisme. Pourquoi ne pas commencer précisément à partir de notre maison commune ? Le changement climatique signale la nécessité d’un changement politique. Sortons de l’étroitesse de l’intérêt personnel et du nationalisme ; ce sont des approches qui appartiennent au passé. Unissons-nous autour d’une vision alternative : cela contribuera à une conversion écologique. »

Voici le texte intégral:

Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire Général des Nations Unies,
Illustres Chefs d’État et de Gouvernement,
Mesdames et Messieurs,

Je ne peux malheureusement pas être présent parmi vous comme je l’aurais voulu, mais je suis avec vous parce que l’heure est grave. Je suis avec vous parce que, aujourd’hui plus que jamais, l’avenir de tous dépend du présent que nous choisissons. Je suis avec vous parce que la dévastation de la création est une offense à Dieu, un péché non seulement personnel mais aussi structurel qui se répercute sur l’être humain, en particulier sur les plus faibles, un grave danger qui pèse sur chacun et risque de déclencher un conflit entre les générations. Je suis avec vous parce que le changement climatique est « un problème social global qui est intimement lié à la dignité de la vie humaine » (Exhort. ap. Laudate Deum, n. 3). Je suis avec vous pour poser la question à laquelle nous sommes appelés à répondre à présent : œuvrons-nous pour une culture de la vie ou bien de la mort ? Je vous le demande de manière pressante : choisissons la vie, choisissons l’avenir ! Écoutons le gémissement de la terre, prêtons attention au cri des pauvres, tendons l’oreille aux espérances des jeunes et aux rêves des enfants ! Nous avons une grande responsabilité : faire en sorte que leur avenir ne soit pas refusé.

Il est avéré que les changements climatiques en cours résultent du réchauffement de la planète, causé principalement par l’augmentation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, provoquée elle-même par l’activité humaine qui est devenue insoutenable pour l’écosystème au cours des dernières décennies. La volonté de produire et de posséder s’est transformée en obsession et a conduit à une avidité sans limite qui a fait de l’environnement l’objet d’une exploitation effrénée. Le climat devenu fou sonne comme une alarme pour stopper ce délire de toute-puissance. Reconnaissons de nouveau avec humilité et courage notre limite comme unique voie pour vivre en plénitude.

Qu’est-ce qui fait obstacle à ce chemin ? Les divisions qui existent entre nous. Mais un monde entièrement connecté, comme celui d’aujourd’hui, ne peut pas être déconnecté de ceux qui le gouvernent, avec des négociations internationales qui « ne peuvent pas avancer de manière significative en raison de la position des pays qui mettent leurs intérêts nationaux au-dessus du bien commun général » (Lett. enc. Laudato sì’, n. 169). Nous assistons à des positions rigides, voire inflexibles, qui tendent à protéger des revenus de particuliers et ceux de leurs entreprises, en se justifiant parfois sur la base de ce que d’autres ont fait dans le passé, avec des renvois périodiques de responsabilité. Mais le devoir auquel nous sommes appelés aujourd’hui ne concerne pas le passé, mais l’avenir ; un avenir qui, qu’on le veuille ou non, sera à tous ou ne sera pas.

Les tentatives de faire retomber la responsabilité sur les nombreux pauvres et sur le nombre de naissances sont particulièrement frappantes. Ce sont des tabous auxquels il faut absolument mettre fin. Ce n’est pas la faute des pauvres puisque près de la moitié du monde la plus pauvre n’est responsable que de 10 % à peine des émissions polluantes, alors que l’écart entre les quelques riches et les nombreux démunis n’a jamais été aussi abyssal. Ces derniers sont en fait les victimes de ce qui se passe : pensons aux populations autochtones, à la déforestation, au drame de la faim, à l’insécurité en eau et alimentaire, aux flux migratoires induits. Les naissances ne sont pas un problème, mais une ressource : elles ne sont pas contre la vie, mais pour la vie, alors que certains modèles idéologiques et utilitaristes, imposés avec des gants de velours aux familles et aux populations, représentent de véritables colonisations. Il ne faut pas pénaliser le développement de nombre pays, déjà chargés de lourdes dettes économiques, mais considérer l’impact de quelques nations, responsables d’une dette écologique inquiétante envers tant d’autres (cf. ibid., nn. 51-52). Il conviendrait de trouver les moyens appropriés pour supprimer les dettes financières qui pèsent sur divers peuples, à la lumière également de la dette écologique qui leur est due.

Mesdames et Messieurs, je me permets de m’adresser à vous, au nom de la maison commune que nous habitons, comme à des frères et sœurs, pour nous poser la question suivante : quelle est la porte de sortie ? Celle que vous emprunter ces jours-ci : la voie qui consiste à être ensemble, le multilatéralisme. En effet, « le monde devient tellement multipolaire, et en même temps tellement complexe, qu’un cadre différent pour une coopération efficace est nécessaire. Il ne suffit pas de penser aux rapports de force […]. Il s’agit d’établir des règles globales et efficaces » (Laudate Deum, n. 42). Il est préoccupant, en ce sens, que le réchauffement de la planète s’accompagne d’un refroidissement général du multilatéralisme, d’une défiance croissante à l’égard de la Communauté internationale, d’une perte de la « conscience commune d’être […] une famille de nations » (S. Jean-Paul II, Discours à la 50ème Assemblée Générale de l’Organisation des Nations Unies, New York, 5 octobre 1995, 14). Il est essentiel de rétablir la confiance, fondement du multilatéralisme.

Cela vaut tant pour la protection de la création que pour la paix : ce sont les questions les plus urgentes et elles sont liées. Combien d’énergie l’humanité gaspille-t-elle dans les si nombreuses guerres en cours, comme en Israël et en Palestine, en Ukraine et en beaucoup d’autres régions du monde : des conflits qui ne résoudront pas les problèmes mais les accroîtront ! Combien de ressources sont-elles gaspillées en armements, qui détruisent des vies et ruinent la maison commune ! Je renouvelle une proposition : « Avec les ressources financières consacrées aux armes ainsi qu’à d’autres dépenses militaires, créons un Fonds mondial, en vue d’éradiquer une bonne fois pour toutes la faim » (Lett. enc. Fratelli tutti, n. 262 ; cf. saint Paul VI, Lett. Enc. Populorum Progressio, n. 51) et mettre en œuvre des activités qui favorisent le développement durable des pays les plus pauvres, en luttant contre le changement climatique.

Il appartient à cette génération de prêter l’oreille aux peuples, aux jeunes et aux enfants pour jeter les bases d’un nouveau multilatéralisme. Pourquoi ne pas commencer par la maison commune ? Les changements climatiques mettent en évidence la nécessité d’un changement politique. Sortons des ornières des particularismes et des nationalismes, ce sont des modèles du passé. Adoptons une vision alternative et commune : elle permettra une conversion écologique, car « il n’y a pas de changement durable sans changement culturel » (Laudate Deum, n. 70). J’assure en cela l’engagement et le soutien de l’Église catholique, active en particulier dans l’éducation et la sensibilisation à la participation commune, ainsi que dans la promotion des styles de vie, car la responsabilité est celle de tous, et celle de chacun est fondamentale.

Sœurs et frères, un changement de rythme qui ne soit pas une modification partielle de cap, mais une nouvelle façon de procéder ensemble, est essentiel. Si sur le chemin de la lutte contre le changement climatique, ouvert à Rio de Janeiro en 1992, l’Accord de Paris a marqué « un nouveau départ » (ibid., n. 47), il faut maintenant relancer la marche. Il est nécessaire de donner un signe d’espoir concret. Que cette COP soit un tournant : qu’elle manifeste une volonté politique claire et tangible, conduisant à une accélération décisive de la transition écologique, à travers des formes qui aient trois caractéristiques : qu’elles soient « efficaces, contraignantes et facilement contrôlables » (ibid., n. 59). Qu’elles soient mises en œuvre dans quatre domaines : l’efficacité énergétique, les sources renouvelables, l’élimination des combustibles fossiles et l’éducation à des modes de vie moins dépendants de ces derniers.

S’il vous plaît : allons de l’avant, ne revenons pas en arrière. Il est bien connu que divers accords et engagements pris « n’ont été que peu mis en œuvre parce qu’aucun mécanisme adéquat de contrôle, de révision périodique et de sanction en cas de manquement, n’avait été établi » (Laudato si’, n. 167). Il s’agit ici de ne plus reporter mais de mettre en œuvre, et de ne pas seulement souhaiter, le bien de vos enfants, de vos citoyens, de vos pays, de notre monde. Soyez les artisans d’une politique qui donne des réponses concrètes et cohérentes, en démontrant la noblesse du rôle que vous jouez, la dignité du service que vous accomplissez. Car c’est à cela que sert le pouvoir, à servir. Il ne sert à rien de préserver aujourd’hui une autorité dont on se souviendra demain que pour son incapacité à intervenir quand cela était urgent et nécessaire (cf. ibid., n. 57). L’histoire vous en sera reconnaissante. De même que les sociétés dans lesquelles vous vivez, au sein desquelles règne une division néfaste entre “supporters” : entre les catastrophistes et les indifférents, entre les écologistes radicaux et les négationnistes du climat… Il ne sert à rien d’entrer dans des factions ; dans ce cas, comme pour la cause de la paix, cela ne mène à aucune solution. C’est la bonne politique qui est la solution : si le sommet donne un exemple concret de cohésion, la base en profitera, là où de très nombreuses personnes, en particulier des jeunes, s’impliquent déjà dans la promotion du soin de la maison commune.

Que 2024 marque un tournant. J’aimerais qu’un événement survenu en 1224, soit de bon augure. Cette année-là, François d’Assise composa le Cantique des créatures. Il le fit après une nuit passée dans la douleur physique, devenu complètement aveugle. Après cette nuit de lutte, porté dans son âme par une expérience spirituelle, il voulut louer le Très-Haut pour ces créatures qu’il ne pouvait plus voir, mais qu’il sentait être ses frères et sœurs, parce que provenant d’un même Père et partagées avec les autres hommes et femmes. Un sentiment inspiré de fraternité le conduisit à transformer la douleur en louange et la peine en engagement. Peu après, il ajouta un verset dans lequel il louait Dieu pour ceux qui pardonnent, et il le fit pour régler – avec succès ! – une querelle scandaleuse entre l’Autorité du lieu et l’évêque. Moi aussi je porte le nom de François, avec un ton vibrant d’une prière, je voudrais vous dire : laissons de côté les divisions et unissons nos forces ! Et, avec l’aide de Dieu, sortons de la nuit des guerres et des dévastations environnementales pour transformer l’avenir commun en une aube de lumière. Merci.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Message de Sa Sainteté le pape François pour la Journée mondiale de prière pour la sauvegarde de la création

Jeunes randonneurs traversant un pont en bois. iStock photo.

Journée mondiale de prière pour la sauvegarde de la création
Message de Sa Sainteté
Vendredi 1er septembre 2023

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs!

“Que la justice et la paix jaillissent” est cette année le thème du Temps œcuménique de de la Création, inspiré des paroles du prophète Amos : « Que le droit jaillisse comme une source ; la justice, comme un torrent qui ne tarit jamais » (5, 24).

Cette image expressive d’Amos nous dit ce que Dieu désire. Dieu veut que règne la justice, essentielle à notre vie d’enfants à l’image de Dieu, comme l’est l’eau à notre survie physique. Cette justice doit émerger là où elle est nécessaire, et non pas se cacher en profondeur ou disparaître comme l’eau qui s’évapore, avant qu’elle n’ait pu nous soutenir. Dieu veut que chacun cherche à être juste en toute situation, qu’il s’efforce toujours de vivre selon ses lois et de permette ainsi à la vie de s’épanouir pleinement. Lorsque nous cherchons d’abord le royaume de Dieu (cf. Mt 6, 33), en maintenant une juste relation avec Dieu, l’humanité et la nature, alors la justice et la paix peuvent jaillir, comme un courant inépuisable d’eau pure, nourrissant l’humanité et toutes les créatures.

Par une belle journée d’été de juillet 2022, j’ai médité sur ces questions lors de mon pèlerinage sur les rives du lac Sainte-Anne, dans la province d’Alberta, au Canada. Ce lac a été et est toujours un lieu de pèlerinage pour de nombreuses générations d’autochtones. Comme je l’ai dit à cette occasion, accompagné par le son des tambours : « Combien de cœurs sont arrivés ici, anxieux et essoufflés, appesantis par les fardeaux de la vie, et ont trouvé près de ces eaux la consolation et la force pour aller de l’avant ! Ici aussi, immergé dans la création, se fait entendre un autre battement, le battement maternel de la terre. Et comme le battement des bébés, depuis le sein maternel, est en harmonie avec celui des mères, ainsi pour grandir en tant qu’êtres humains, nous avons besoin d’ajuster les rythmes de la vie avec ceux de la création qui donne la vie ». [1]

En ce Temps de la Création, attardons-nous sur ces battements de cœur : les nôtres, ceux de nos mères et de nos grands-mères, les battements de cœur de la création et du cœur de Dieu. Aujourd’hui, ils ne sont pas en harmonie, ils ne battent pas ensemble dans la justice et la paix. Trop de gens sont empêchés de s’abreuver à ce fleuve puissant. Écoutons donc l’appel à être aux côtés des victimes de l’injustice environnementale et climatique, et à mettre fin à cette guerre insensée à la création.

Nous voyons les effets de cette guerre en beaucoup de fleuves qui s’assèchent. « Les déserts extérieurs se multiplient dans notre monde, parce que les déserts intérieurs sont devenus très grands », a déclaré Benoît XVI. [2] Le consumérisme rapace, alimentée par des cœurs égoïstes, bouleverse le cycle d’eau de la planète. L’utilisation effrénée des combustibles fossiles et l’abattage des forêts entraînent une hausse des températures et de graves sécheresses. Des pénuries d’eau effrayantes touchent de plus en plus nos habitations, des petites communautés rurales aux grandes métropoles. En outre, les industries prédatrices épuisent et polluent nos sources d’eau potable par des pratiques extrêmes telles que la fracturation hydraulique pour l’extraction du pétrole et du gaz, les projets de méga-extraction incontrôlée et l’élevage intensif d’animaux. « Sœur eau », comme l’appelle saint François, est pillée et transformée en « marchandise sujette aux lois du marché » (Enc. Laudato si’, n. 30).

Le Groupe Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC) affirme qu’une action urgente pour le climat nous permettrait de ne pas manquer l’occasion de créer un monde plus durable et plus juste. Nous pouvons, nous devons, empêcher les pires conséquences de se produire. « Il y a tant de choses que l’on peut faire ! » (ibid., n. 180), si, comme autant de ruisseaux et de torrents, nous finissons par nous réunir en un puissant fleuve pour irriguer la vie de notre merveilleuse planète et de notre famille humaine pour les générations à venir. Joignons nos mains et accomplissons des pas courageux pour que la justice et la paix coulent sur toute la Terre.

Comment pouvons-nous contribuer au puissant fleuve de la justice et de la paix en ce Temps de la Création ? Que pouvons-nous faire, en particulier en tant qu’Églises chrétiennes, pour restaurer notre maison commune afin qu’elle grouille à nouveau de vie ? Nous devons décider de transformer nos cœurs, nos modes de vie et les politiques publiques qui régissent nos sociétés.

Tout d’abord, contribuons à ce puissant fleuve en transformant nos cœurs. C’est essentiel pour que toute autre transformation puisse commencer. C’est la “conversion écologique” que saint Jean-Paul II nous a exhortés à entreprendre : le renouvellement de notre relation avec la création, de sorte que nous ne la considérions plus comme un objet à exploiter, mais que nous la chérissions comme un don sacré du Créateur. Rendons-nous compte donc qu’une approche d’ensemble exige que nous pratiquions le respect écologique selon quatre directions : envers Dieu, envers nos semblables d’aujourd’hui et de demain, envers l’ensemble de la nature et envers nous-mêmes.

En ce qui concerne la première de ces dimensions, Benoît XVI a identifié un besoin urgent de comprendre que la Création et la Rédemption sont inséparables : « Le Rédempteur est le Créateur et si nous n’annonçons pas Dieu dans cette grandeur totale qui est la sienne – de Créateur et de Rédempteur – nous dévalorisons également la Rédemption ». [3] La création fait référence au mystérieux et magnifique acte de Dieu qui consiste à créer cette majestueuse et belle planète et cet univers à partir de rien, ainsi qu’au résultat de cet acte, toujours en cours, que nous expérimentons comme un don inépuisable. Au cours de la liturgie et de la prière personnelle dans la « grande cathédrale de la création », [4] nous nous souvenons du Grand Artiste qui crée tant de beauté et nous réfléchissons au mystère du choix amoureux de créer le cosmos.

Deuxièmement, nous contribuons à l’écoulement de ce puissant fleuve en transformant nos modes de vie. Partant de l’admiration reconnaissante du Créateur et de la création, repentons-nous de nos “péchés écologiques”, comme le dit mon frère, le Patriarche Œcuménique Bartholomée. Ces péchés blessent le monde naturel, et aussi nos frères et sœurs. Avec l’aide de la grâce de Dieu, adoptons des modes de vie avec moins de gaspillage et moins de consommation inutile, en particulier là où les processus de production ne sont pas durables et toxiques. Cherchons à être attentifs le plus possible à nos habitudes et à nos choix économiques, afin que tous s’en portent mieux : nos semblables, où qu’ils soient, et aussi les enfants de nos enfants. Collaborons à la création continue de Dieu par des choix positifs : en faisant un usage le plus modéré possible des ressources, en pratiquant une sobriété joyeuse, en éliminant et en recyclant les déchets, et en utilisant les produits et services, de plus en plus disponibles, qui sont écologiquement et socialement responsables.

Enfin, pour que le fleuve puissant continue de couler, nous devons transformer les politiques publiques qui régissent nos sociétés et qui façonnent la vie des jeunes d’aujourd’hui et de demain. Des politiques économiques qui favorisent l’enrichissement scandaleux de quelques-uns et la dégradation des conditions de vie du plus grand nombre signifient la fin de la paix et de la justice. Il est évident que les Nations les plus riches ont accumulé une “dette écologique” ( Laudato si’, n. 51). [5] Les dirigeants mondiaux participant au sommet COP28, prévu à Dubaï du 30 novembre au 12 décembre de cette année, doivent écouter la science et entamer une transition rapide et équitable pour mettre fin à l’ère des combustibles fossiles. Selon les engagements de l’Accord de Paris visant à réduire le risque de réchauffement global, il est absurde de permettre la poursuite de l’exploration et de l’expansion des infrastructures liées aux combustibles fossiles. Élevons la voix pour mettre fin à cette injustice faite aux pauvres et à nos enfants, qui subiront les pires impacts du changement climatique. J’en appelle à toutes les personnes de bonne volonté pour qu’elles agissent en fonction de ces orientations concernant la société et la nature.

Une autre perspective parallèle est spécifique à l’engagement de l’Église catholique pour la synodalité. Cette année, la clôture du Temps de la Création, le 4 octobre, fête de saint François, coïncidera avec l’ouverture du Synode sur la Synodalité. Comme les fleuves alimentés par mille petits ruisseaux et de plus grands torrents, le processus synodal qui a commencé en octobre 2021 invite toutes les composantes, au niveau personnel et communautaire, à converger en un fleuve majestueux de réflexion et de renouveau. L’ensemble du peuple de Dieu est engagé dans un passionnant chemin de dialogue et de conversion synodale.

De même, comme un bassin fluvial avec ses nombreux affluents, grands et petits, l’Église est une communion d’innombrables Églises locales, de communautés religieuses et d’associations qui se nourrissent de la même eau. Chaque source apporte sa contribution unique et irremplaçable, jusqu’à ce que toutes confluent dans le vaste océan de l’amour miséricordieux de Dieu. De même qu’un fleuve est une source de vie pour l’environnement qui l’entoure, de même notre Église synodale doit être une source de vie pour la maison commune et tous ceux qui y vivent. Et de même qu’un fleuve donne vie à toutes sortes d’espèces animales et végétales, de même une Église synodale doit donner vie en semant justice et paix dans tous les lieux qu’elle atteint.

En juillet 2022 au Canada, j’ai évoqué la mer de Galilée où Jésus a guéri et consolé beaucoup de personnes, et où il a proclamé “une révolution de l’amour”. J’ai appris que le Lac Sainte-Anne est aussi un lieu de guérison, de consolation et d’amour, un lieu qui nous rappelle que « la fraternité est véritable si elle unit ceux qui sont éloignés, que le message d’unité que le Ciel envoie sur la terre ne craint pas les différences et nous invite à la communion, à la communion des différences, pour repartir ensemble, parce que tous – tous ! – nous sommes des pèlerins en marche » . [6]

En ce Temps de la Création, en tant que disciples du Christ dans notre marche synodale commune, vivons, travaillons et prions pour que notre maison commune regorge à nouveau de vie. Que l’Esprit Saint continue de planer sur les eaux et qu’il nous guide pour « renouveler la face de la terre » (c. Ps 104, 30).

Rome, Saint-Jean-de-Latran, le 13 mai 2023.


[1]  Homélie près du Lac Ste. Anne, Canada, 26 juillet 2022.

[2] Homélie de la Messe inaugurale du Pontificat, 24 avril 2005.

[3] Rencontre avec le clergé du diocèse de Bressanone, 6 août 2008.

[4]  Message pour la Journée Mondiale de Prière pour la Sauvegarde de la Création, 21 juillet 2022.

[5] « Il y a, en effet, une vraie “ dette écologique ”, particulièrement entre le Nord et le Sud, liée à des déséquilibres commerciaux, avec des conséquences dans le domaine écologique, et liée aussi à l’utilisation disproportionnée des ressources naturelles, historiquement pratiquée par certains pays » ( Laudato si’, n. 51).

[6]  Homélie près du Lac Ste. Anne, Canada, 26 juillet 2022.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

9 façons simples de vivre Laudato si’

(Photo par RODNAE Productions de Pexels)

Le pape François a écrit Laudato si’ pour nous inciter à contempler la nature comme création de Dieu, à nous soucier plus profondément de notre maison commune et à reconnaître que notre traitement de la nature est lié à la fraternité, à la justice et à la fidélité envers notre Dieu et notre prochain.

Si nous apprécions Laudato si’, comment pouvons-nous vivre ses enseignements de manière concrète? Comment faire en sorte que Laudato si’ fasse partie de nos vies, où que nous nous trouvions?

La bonne nouvelle est que c’est beaucoup plus simple qu’on pourrait le penser!

En tant que chrétiens, si nous répondons à l’appel à vivre plus simplement, à nous éloigner du consumérisme effréné et de la culture du jetable, nous serons déjà sur la bonne voie!

Comme le dit le pape François:

« [Saint François d’Assise] vivait avec simplicité et dans une merveilleuse harmonie avec Dieu, avec les autres, avec la nature et avec lui-même. En lui, on voit jusqu’à quel point sont inséparables la préoccupation pour la nature, la justice envers les pauvres, l’engagement pour la société et la paix intérieure. » (LS, 10)

Voici 9 façons simples de vivre comme l’encourage Laudato si’:

1. Achetez dans une friperie

Vous cherchez un pull, un sac à main, un chapeau ou un nouveau livre? Pensez à l’acheter dans une friperie! Vous soutenez peut-être une cause en faisant vos achats, et vous plongerez également la durée de vie d’un article dont le seul crime a été d’être dépassé ou inutile dans un espace particulier. De plus, on peut trouver dans les friperies des articles de grande qualité, à une fraction du prix courant dans les magasins de détail. Beaucoup de mes amis (et moi-même) ont fait de belles trouvailles dans les friperies!

2. Donnez à une friperie

Les vêtements de vos enfants sont-ils devenus trop grands ? Vous avez de l’équipement sportif dont vous n’avez pas besoin? Une chaise qui prend trop de place? Ne les jetez pas! Donnez-les plutôt à une friperie. Les friperies sont toujours à la recherche de dons, et c’est bien mieux que de laisser ces objets (souvent en parfait état) dans la rue pour qu’ils finissent dans une décharge. Faites le pas supplémentaire de donner vos articles, et participez ainsi à « l’esprit de partage » mentionné de Laudato si’.

3. Au lieu de plats à emporter, mangez à la maison

Les plats à emporter peuvent être pratiques et plaisants, mais ils génèrent beaucoup de déchets! De l’emballage des aliments au sac en plastique dans lequel ils sont transportés en passant par les ustensiles jetables qui les accompagnent, il arrive souvent qu’après un repas à emporter, on se retrouve avec une énorme pile de déchets à jeter. Lorsque possible, envisagez de manger à la maison ou de préparer un repas à emporter à l’avance, avec des aliments déjà présents dans votre cuisine. Vous contribuerez ainsi à la protection de notre planète et, bien souvent, à celle de votre porte-monnaie aussi!

4. Demandez-vous si vous en avez vraiment besoin

Laudato si’ nous invite à « remplacer la consommation par le sacrifice » et à « passer progressivement de ce que je veux à ce dont le monde a besoin ». De cette façon, nous pouvons nous libérer de l’avidité et de la compulsion. Avant d’acheter un article dans un magasin ou sur Amazon, demandez-vous si vous en avez vraiment besoin. Scrutez votre cœur et examinez d’où vient le véritable désir de cet article! S’il n’est pas vraiment nécessaire, choisissez de le laisser sur l’étagère au lieu de l’ajouter aux choses que vous possédez déjà.

5. Cultivez un jardin potager

Cultiver son propre potager peut être une activité merveilleuse à faire avec les enfants, en famille, ou simplement comme un nouveau passe-temps! C’est aussi un excellent moyen de cultiver notre amour et notre respect pour la nature et de voir comment, grâce au raffinement de la création divine, elle subvient à nos besoins. Envisagez de faire pousser des tomates, des petits pois ou même des herbes aromatiques dans votre jardin, ou votre espace extérieur. Si vous vivez dans un appartement, pas de problème ! Il existe de nombreux légumes que vous pouvez faire pousser à l’intérieur. BONUS : au moment de la récolte, partagez ce que vous avez fait pousser avec vos amis, votre famille et vos voisins! 

6. Envisagez des versions sans déchets des produits couramment achetés

De nombreux articles ménagers pour la cuisine, le nettoyage et l’hygiène personnelle peuvent être remplacés par des alternatives qui n’auront pas besoin d’être jetées immédiatement après utilisation ou simplement lorsque leurs contenants en plastique seront vides. Pensez à vous débarrasser de la culture du jetable en optant pour des bandes ou de la poudre à lessive, des emballages alimentaires en cire d’abeille, des serviettes en coton ou en bambou, des filtres à café réutilisables ou des barres de savon à vaisselle – pour ne citer que quelques exemples!

7. Faire une promenade, courir ou s’asseoir à l’extérieur

Par Laudato si’, le Pape François nous invite à contempler la nature avec autant d’amour et d’admiration que saint François d’Assise. Il écrit:

« Je crois que François est l’exemple par excellence de la protection de ce qui est faible et d’une écologie intégrale, vécue avec joie et authenticité. […] C’était un mystique et un pèlerin qui vivait avec simplicité et dans une merveilleuse harmonie avec Dieu, avec les autres, avec la nature et avec lui-même. […C]haque fois qu’il regardait le soleil, la lune ou les animaux même les plus petits, sa réaction était de chanter, en incorporant dans sa louange les autres créatures. Il entrait en communication avec toute la création, et il prêchait même aux fleurs  »en les invitant à louer le Seigneur, comme si elles étaient dotées de raison » ».  (LS 10-11)

Passez du temps à l’extérieur, que ce soit en marchant, en courant ou simplement en vous asseyant, dans l’esprit de saint François : en louant Dieu pour chacune de ses créatures, pour la bonté et la beauté de tout ce qu’il a fait.

8. Encouragez un ami

Vous pratiquez déjà l’une de ces façons de vivre Laudato si’? Vous avez commencé à faire autre chose que ce qui est mentionné ici? Encouragez vos amis, votre famille et vos communautés à se joindre à vous pour tenter de vivre dans une communion plus harmonieuse avec notre maison commune. Invitez les autres à « cultiver et garder » le jardin du monde (Genèse, 2:15) avec vous pour les générations futures. Travaillons ensemble, en fraternité, comme nous y encourage le pape François!

9. Priez pour la planète

Quand vous aurez un moment, priez pour notre Terre afin que l’humanité puisse vivre – comme l’a dit saint Jean-Paul II, et comme le souligne le Pape François dans Laudato si’ – une conversion écologique globale. Priez pour que tous les peuples puissent reconnaître notre Créateur dans tout ce qu’il a créé : qu’ils puissent voir la nature comme une expression de la gloire de Dieu et non comme une ressource à piller. Au fait, le Dicastère pour la Promotion du Développement Humain Intégral a lancé une campagne de prières de 40 jours basée sur les objectifs de Laudato si’, à partir du 4 octobre. Également, on peut voir la vidéo du Pape en Français ici. Envisagez de vous joindre au mouvement en priant pour l’Église universelle, dans le contexte de cette encyclique.

Comme le souligne le pape François, « Tous, nous pouvons collaborer comme instruments de Dieu pour la sauvegarde de la création, chacun selon sa culture, son expérience, ses initiatives et ses capacités » (LS 14). Que vous choisissiez d’adopter une ou l’ensemble de ces actions, votre contribution est une étape importante pour vivre l’appel au peuple de Dieu exprimé dans Laudato si’.

Écologie intégrale et préservation du patrimoine: l’intuition de l’AECQ

(Image: courtoisie Pixabay) Le 17 juin dernier, l’Assemblée des évêques catholiques du Québec publiait un document de réflexion sur « les relations entre la sauvegarde de l’environnement et le patrimoine immobilier des communautés chrétiennes ». Intitulé « Crise climatique et patrimoine religieux », ce texte manifeste non seulement, les principes qui doivent présider au mouvement de reconversions architecturales et immobilisées de l’Église au Québec et l’esprit dans lequel elles doivent s’opérer mais également donne des exemples concrets pouvant être une source d’inspiration. S’inscrivant dans la ligne du pape François et de son encyclique Laudato sì, les évêques du Québec nous invitent donc à discerner les différentes avenues dans lesquelles notre Église peut trouver sa place dans cette prise de consciente écologique. En ce sens, il est primordial de s’interroger sur le propre de la mission de l’Église dans cet enjeu crucial de notre temps.

L’écologie intégrale contre la bétonisation du monde

On le sait, les défis environnementaux qui nous affectent aujourd’hui ont beaucoup à voir avec les façons de voir qui ont prévalu au siècle passé. Souvent mues par un optimisme naïf et une foi simpliste dans le progrès technique, nos sociétés se sont développées sans égard au rythme et cycle de la nature. De plus, lorsque nous regardons le patrimoine architectural de cette même époque, on se rend vite compte que le réflexe était trop souvent de mettre du béton partout. D’une idée erronée du développement découlait malheureusement une esthétique de la laideur. Ou se pourrait-il que ce soit l’inverse ? Se pourrait-il qu’une éducation aux beaux-arts aurait pu éviter ces excès ? Comment donc s’assurer de ne pas répéter les erreurs du passé ? Pour Jésus comme pour l’Église, la solution procède toujours de la prière et du surplus de charité découlant de cette dernière. En ce sens, il est clair que la préservation du patrimoine religieux et culturel de l’Église aura un effet sur la mobilisation en faveur de l’environnement mais celle-ci ne sera réelle que dans la logique d’une contemplation plus grande du Mystère qu’elle présente au monde.

Dans son encyclique Laudato sì, la pape François nous invite à délaisser une sortie du « paradigme technocratique » (no 109)pour embrasser la voie de la création et de la contemplation qui arrive « à dépasser le pouvoir objectivant en une sorte de salut qui se réalise dans le beau et dans la personne qui le contemple » (no 112). En ce sens, la préservation et le rayonnement de ces joyaux que sont nos églises sont des pierres angulaires de cette œuvre d’éducation « environnementale [et qui] demeure un enjeu pastoral significatif » (no 4.1). Ainsi, le sens profondément écologique de l’Évangile présuppose donc une redécouverte du nœud de la conversion écologique qui se trouve dans l’attitude contemplative. En ce sens, les beaux-arts dont nos églises regorgent sont des alliés précieux dont notre société ne peut se passer sans conséquences pour la planète. Paradoxalement, nous devons comprendre que notre monde a besoin de communautés témoignant de l’efficacité de la contemplation. Pour l’Église, la crise climatique est donc, d’abord et avant tout, une invitation à remettre l’adoration eucharistique au centre de notre vie ecclésiale. Étant intérieurement transformées par cette « attitude d’adoration » (no 127), nos communautés sauront faire preuve de la créativité nécessaire pour surmonter les défis qui sont les nôtres.

Faire fleurir la richesse des personnalités

Chercher le propre de l’apport de la spiritualité chrétienne dans le « virage vert » de nos sociétés doit, comme le disent les évêques, être beaucoup plus que « l’effet d’une nouvelle mode verte » (no3). C’est donc en cherchant et en s’enracinant dans son propre patrimoine que l’Église pourra trouver l’inspiration nécessaire pour faire preuve de créativité. L’expérience de plus de deux millénaires montrent en effet que l’Église est constituée avant tout de personnes divines et humaines qui, dans la relation d’Amour de haut en bas et de bas en haut, devient par le fait même le lieu privilégié pour faire émerger la personnalité de ses membres. On prend souvent pour acquis que les personnes humaines sont toutes uniques et que cette unicité n’a pas besoin d’être enrichie. Or, personne n’est auto-suffisant. Comme le dit le pape François, les capacités des hommes c’est-à-dire :

La capacité de réflexion, l’argumentation, la créativité, l’interprétation, l’élaboration artistique, et d’autres capacités inédites, montrent une singularité qui transcende le domaine physique et biologique. La nouveauté qualitative qui implique le surgissement d’un être personnel dans l’univers matériel suppose une action directe de Dieu, un appel particulier à la vie et à la relation d’un Tu avec un autre tu. (No 81)

On peut, en effet, comparer l’Église à un jardin qui, donnant les nutriments et éléments essentiels à leur croissance, permet aux fleurs d’éclore et de resplendir de leur caractère propre. Être des lieux de développement de l’intégralité des personnes humaines aura évidemment des effets sur les relations que ceux-ci entretiennent avec la nature. On peut dire, par conséquent, qu’à l’origine de beaucoup de difficultés du monde actuel, il y a avant tout la tendance, pas toujours consciente, à faire de la méthodologie et des objectifs de la techno-science un paradigme de compréhension qui conditionne la vie des personnes et le fonctionnement de la société (no107).

L’écologie intégrale exige donc que nos communautés soient des lieux d’éducation et de déploiement de la personnalité de chacun de ses membres. Ainsi, rayonnant de personnalités riches et pleinement développées du point de vue spirituel, intellectuel, affectif, professionnel, etc., l’Église sera beaucoup plus en mesure d’offrir sa contribution unique aux défis environnementaux. C’est en vertu de la création même que toutes choses sont établies selon leur ordonnance et leurs lois et leurs valeurs propres, que l’homme doit peu à peu apprendre à connaître, à utiliser et à organiser. (Gaudium et Spes, no2). Parce qu’elle aura su, à l’intérieur de son propre fonctionnement, intégrer la logique même de la création, l’Église pourra de nouveau témoigner par des solutions créatives, originales et pleinement humaine.

La paroisse au rythme de l’écologie intégrale

Que ce soit dans la justesse de son intuition, la reconnaissance des différentes tendances de notre époque ou par l’apport d’exemples concrets aptes à nous motiver dans les années à venir, le plus récent texte du Conseil Église et société de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec est un très bon instrument pour faire un pas dans la transition écologique. Reflétant les liens intimes que le traitement du patrimoine bâti de l’Église avec le manque de respect pour l’environnement du XXe siècle, nous comprenons mieux l’opportunité pastorale que peut représenter cette prise de conscience de l’urgence climatique. Espérons que nos communautés saisiront cette occasion rêvée de faire rayonner la Présence réelle de Dieu pour nous aujourd’hui et maintenant.

Église en Sortie – 15 février 2021

Dans cet épisode d’Église en Sortie, on fait mémoire du christianisme social au Québec avec l’historien Frédéric Barriault. On vous présente un reportage sur l’église de la Visitation de l’île-Dupas. Et on parle du livre « l’âme retrouvée: le cadeau d’une crise » et avec le théologien et auteur Jean-François Gosselin. Église en sortie est tous les lundis à 20H30 et en reprise les vendredis à 19H30. Sur les ondes de Sel + Lumière, votre chaîne canadienne de télévision catholique.

Église en sortie 14 septembre 2020

Cette semaine à Église en Sortie, on parle de la spiritualité pour changer le monde avec l’éditeur à la Revue « Relations » Emiliano Arpin-Simonetti. On vous présente la chronique des actualités de la rue avec l’abbé Claude Paradis. Et on s’entretient de la Société Canadienne de Mariologie avec la théologienne Sr. Celia Chua.

Vers une création nouvelle

En marge de l’année « Laudato Sì » décrétée par le pape François, nous poursuivons aujourd’hui nos réflexions sur le thème de la création. C’est un fait établi, la planète montre, depuis un moment déjà, les signes d’un épuisement systématique qui met en péril l’ensemble des écosystèmes. Cette invitation du Saint-Père nous porte donc à reconsidérer notre foi à la lumière du dogme de la Création. Enrichis de nos réflexions, nous serons plus en mesure de faire preuve de discernement lorsque viendra le temps de passer à l’action. 

La Foi en un Dieu Créateur 

La doctrine de la création fait partie du cœur même de notre Foi. Chaque dimanche, lors de la récitation du CREDO, nous affirmons croire en un Dieu « Créateur du ciel et de la terre, de l’univers visible et invisible ». Or, tant dans la liturgie de la Parole que dans l’Eucharistie, ne mettons-nous pas davantage l’accent sur l’action salvatrice de Dieu ? Ne portons-nous pas notre attention sur le Christ venu « pour nous sauver » ? Pourquoi est-il important de garder en tête qu’Il est, à la fois, notre Sauveur et notre Créateur ?

Dans son célèbre prologue, saint Jean nous enseigne qu’ « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu. C’est par lui que tout est venu à l’existence » (Jn 1, 1-3). L’évangéliste met donc clairement l’emphase sur l’égalité, l’unité mais introduit une certaine distinction entre le Verbe (le Fils) et Dieu (le Père). Cela manifeste donc que l’acte créateur est l’œuvre de toute la Trinité. Or, ces versets mettent également l’accent sur l’action du Verbe dans l’acte créateur. Cela est certainement dû au fait qu’à l’époque de Jean, certaines doctrines « néo-platoniciennes » enseignaient l’existence d’un « démiurge » : d’un créateur du monde mais inégal au premier principe. Pour éviter tout quiproquo, saint Jean, sous l’inspiration du Saint Esprit, souligne que, bien qu’au commencement « Le Verbe était Dieu », « Rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui » (Jn 1, 3). La seconde Personne de la Trinité était et est toujours pleinement présente dans l’acte créateur. Mais, pour revenir à la question initiale : qu’est-ce que cela apporte de plus de savoir que Celui qui nous sauve est, en même temps, Celui qui nous a créé ?

Croire en la bonté de la création

Dans un premier temps, cela nous évite d’imputer à Dieu l’existence du mal. Si Dieu s’est incarné en Jésus-Christ en vue de nous sauver par l’entremise de sa passion et de sa mort sur la Croix, il devient évident que l’existence du mal ne peut lui être créditée. Comme le dit le pape François, le Christ n’était pas « sado-masochiste ». De plus, saint Paul écrit : « Tout est créé par lui et pour lui. Il est avant toute chose, et tout subsiste en lui » (Col, 16-17), cela montre bien que la création en tant que telle n’est pas mauvaise mais bonne. Le péché ne peut donc pas s’identifier aux êtres mais au non-respect de leur nature. Par exemple, ce n’est pas la nourriture qui est mauvaise mais son abus, ce n’est pas la sexualité qui est mauvaise mais son exercice en dehors de l’amour véritable, etc. 

S’agenouiller à la Messe devant le crucifix signifie donc, non seulement un acte d’adoration devant l’œuvre rédemptrice de Dieu, mais également une profession de foi en la bonté et en la valeur inestimable de toute la création. Par son sacrifice, notre Sauveur manifeste aussi l’accomplissement de son œuvre créatrice. Il accomplit ce qui était « prévu avant tous les siècles ». Or, cette prise de conscience est primordiale si nous voulons que les choses s’améliorent.

En effet, il n’est pas rare aujourd’hui d’entendre certaines personnes qui, par un souci légitime de l’environnement, dénigrent l’être humain. Selon eux, pour le bien de la création, il vaudrait mieux que l’humanité n’existe pas. Or, comme nous l’avons vu, la vision chrétienne est aux antipodes de cette conception. Sous prétexte de défendre la nature, certains sont prêts à en exclure une bonne partie. Dénigrer l’humanité c’est aussi dénigrer son environnement. Au contraire, le christianisme nous invite à, non seulement considérer l’humanité comme partie prenante de la création, mais aussi à croire en sa capacité de faire le bien. Ainsi puisque, la croix est le lieu et le symbole de la création nouvelle, les chrétiens sont invités à faire de leur vie un témoignage de l’efficacité transformatrice de Dieu sur la création toute entière. Sur l’autel, ce n’est pas seulement l’humanité qui est sauvée mais aussi, et à travers elle, c’est la création entière qui est transfigurée. Dans ce contexte, prendre sa croix signifiera aussi prendre sur soi la responsabilité d’agir en protecteur du monde créé.

Le discernement pour éviter le pire

Nous le voyons de plus en plus clairement, avoir de beaux sentiments ne suffira pas à inverser la tendance qui va dans le sens de la dégradation de la création. Tant par sa Révélation d’un Dieu créateur et sauveur, Jésus-Christ nous invite non seulement à retrouver une juste conception de la création  mais aussi à redécouvrir cette confiance en l’humanité, celle-là même dont Il a fait preuve lors de son ultime Sacrifice. De cela surgiront une attitude de contemplation devant l’univers et de nouvelles pistes de solution pour faire face à l’avenir. 

«Tout est lié»: une année pour une prise de conscience

Le 24 mai dernier, le pape François annonçait la tenue d’une année consacrée à l’encyclique « Laudato Sì »[1]pour souligner le cinquième anniversaire de la publicationde ce document programmatique de son pontificat. Cette année sera donc l’occasion de redécouvrir ce thème de la sauvegarde de la maison commune en approfondissant nos réflexions sur cet enjeu crucial pour notre temps. Dans ce contexte, j’ai donc cru approprié d’écrire une série d’articles sur l’amour de la création qui, j’ose l’espérer, pourront nous aider à cheminer personnellement et collectivement vers un monde plus propre et plus respectueux de la nature.

Environnement ou création ?

Dans le langage courant, nous utilisons souvent le terme « environnement » pour parler du monde qui nous entoure. La tradition chrétienne, cependant, a toujours préféré celui de « création ». Ce qui n’est pas anodin puisque l’utilisation de ce mot a deux significations implicites. D’abord, on comprend que l’humanité est le centre de l’univers créé. Lorsque nous y pensons, le mot « environnement » signifie ce qui nous entoure. Deuxièmement, ce mot introduit une séparation de l’humanité avec le reste l’univers puisque si l’environnement est tout ce qui est autour de nous, c’est que nous n’en faisons pas vraiment partie. Pour ces deux raisons, l’Église préfère parler de « création ».

En effet, le mot création a le double mérite d’éviter les deux écueils que je viens de souligner. Par ce terme, on comprend tout de suite que l’humanité, bien qu’ayant une place de choix dans la création, ne l’a toutefois pas créée. L’humanité n’en est donc ni le centre et n’est pas non plus un démiurge pensant pouvoir en faire ce qu’il veut. Toutes prétentions à imposer au réel ses propres volontés indépendamment des lois de la nature voulues par le créateur sont donc implicitement exclues dans l’utilisation du terme « création ». Comprendre que seul Dieu est le maître et possesseur de l’univers signifie aussi que l’humanité n’est pas à l’extérieur de l’environnement mais à l’intérieur de la création.

Ni dieux, ni bêtes

Comprendre la profondeur du mot création nous porte également à découvrir deux tendances que l’on trouve aujourd’hui sous des formes inédites.Comme l’enseigne la Doctrine sociale de l’Église : « Une vision de l’homme et des choses sans aucune référence à la transcendance a conduit à réfuter le concept de création et à attribuer à l’homme et à la nature une existence complètement autonome » (CDSE no 464). Cette illusion d’autonomie a aujourd’hui deux visages.

L’immense pouvoir que nous donnent les technologies modernes pose plus que jamais la question des principes guidant leur utilisation. Or, la crise climatique actuelle est la preuve que, contrairement à ce que nous avons fait par le passé, nous ne pouvons plus « réduire de manière utilitariste la nature à un simple objet de manipulation et d’exploitation » (CDSE no 463). Notre vocation personnelle et collective est un appel à la responsabilité. Chacun à son niveau, nous devons donc nous interroger sur notre rapport avec l’ordre créé par Dieu qui se trouve, comme nous l’avons vu, tant à l’intérieurqu’à l’extérieurde nous. Mon opinion personnelle est que la santé de la planète ne se réalisera que si la santé spirituelle et morale de l’homme est prise au sérieux. Malheureusement, cela ne semble pas être la priorité à l’heure actuelle.

L’urgence de prendre au sérieux les enjeux climatiques en porte aussi plusieurs à entretenir un rapport nocif avec la création en la faisant «prévaloir sur la personne humaine au plan de la dignité(CDSE no 463).La nature n’est pas une déesse ! Même si nous la considérons responsable du désastre actuel, il ne sert à rien de sous-estimer la valeur de notre propre dignité. C’est justement du manque de conscience de sa propre grandeur qu’on procédés les courses effrénées au profit et à sans égards aux cycles et aux limites de notre planète. En d’autres termes, c’est parce que nous avons trop souvent abaissé notre conception de la nature humaine à celle de consommateur que nous sommes restés volontairement aveugles à l’épuisement des ressources.  Ainsi,  notre engagement en faveur de notre maison commune dépendra en grande partie d’une juste conception de nous-mêmes. Ni dieux, ni bêtes.

Duc in altum

Alors que nous amorçons la troisième décennie du XXIe siècle, le Pape nous invite à poursuivre la réflexion sur les liens qui nous unissent avec Dieu, entre nous et avec toute la création. Les derniers mois ont été particulièrement révélateurs de la grandissante interconnexion de l’humanité. Prions pour que cette connexion soit l’occasion de véritablement entreprendre un changement de paradigme en faveur d’un monde où la dignité de tous les êtres sera reconnue à sa juste valeur, ni plus ni moins. 

Top 10 actualité catholique en 2019

(CNS photo/Paul Haring) Le nouvel an approche à grand pas et avec lui le temps des bilans et des résolutions pour l’année à venir. Sans plus attendre, je vous présente les faits saillants de l’actualité 2019 qui, selon moi, résument bien cette fin de décennie que nous avons vécue cette année.

1) Journée Mondiale de la Jeunesse au Panama (janvier 2019)

On peut dire que l’année 2019 a débuté en force avec la célébration des Journées mondiales de la jeunesse au Panama. Correspondant davantage au calendrier de l’Hémisphère sud, le mois de janvier a donc pu ouvrir cette année par une célébration joyeuse de la foi où des centaines de milliers de jeunes ont pu célébrer et approfondir leur relation avec le Christ. Sous le thème de la réponse de Marie à l’annonce de l’Incarnation par l’ange, « Me voici, qu’il me soit fait selon ta parole », cette rencontre mondiale a pu manifester la ferveur d’une jeunesse de plus en plus conscient du rôle central qu’elle doit jouer dans l’Église et conscient d’être appelée développer dans la décennie à venir. Vous pouvez lire l’ensemble des discours du pape François lors de ces JMJ Panama 2019 au lien suivant.

2) Rencontre pour la protection des mineurs au Vatican (février 2019)

L’année a commencé sur le ton peu réjouissant d’une prise en compte globale des abus perpétrés contre des mineurs et des personnes vulnérables par des représentants officiels de l’Église. Organisé par la Commission pontificale pour la protection des mineurs, et la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, ce sommet avait convoqué tous les évêques présidents des conférences épiscopales du monde de se présenter afin de faire le point sur la situation actuelle. Bien que les abus contre les mineurs représentent un problème dont les dimensions dépassent largement l’Église catholique, le Pape a clairement voulu manifester qu’il avait pleinement conscience de l’ampleur du scandale et des mesures drastiques qui doivent être prises. Avec la globalisation et la prolifération de la pornographie juvénile et la traite des êtres humains, la lutte pour la protection des mineurs prendra malheureusement de plus en plus de place dans l’actualité de la décennie à venir. Par sa transparence et son leadership, l’Église pourra ainsi se porter efficacement à la défense des enfants dans un monde qui leur est de plus en plus hostile. Un des fruits de cette prise de conscience de l’Église est certainement l’ouverture à l’Université Saint-Paul d’Ottawa d’un premier « Centre pour la protection des mineurs et des personnes vulnérables ».

3) Exhortation apostolique Christus Vivit (mars 2019)

Portant sur le thème de la jeunesse, ce texte d’une soixantaine de pages est exceptionnel de par son style direct et son ton très personnel. Composée de neuf chapitres, cette prise de parole du pape François cherche à manifester non seulement comment l’invitation universelle du Christ à la participation à sa vie divine répond à toutes les aspirations de la jeunesse mais également jusqu’à quel point le renouvellement de l’Église dépend de son dynamisme propre. Christus Vivit est un texte émouvant et plein d’espérance pour le présent et l’avenir de la société. Il s’agit d’une prise de parole personnelle du Pape, en dialogue avec les jeunes du monde entier qu’il a pu rencontrer durant son pontificat. Plusieurs initiatives émergeront dans l’Église de cette invitation du Pape à faire davantage de place aux jeunes dans l’Église.

4) Loi sur la laïcité de l’État et liberté religieuse

Plus près de nous, le gouvernement Legault a voulu mettre sur pied ce qu’il considère être une vision cohérente de la laïcité. Parallèlement à la loi sur la laïcité de l’État restreignant le droit des professeurs et de toutes personnes en position d’autorité de porter un signe religieux, ce gouvernement en a également profité pour retirer le crucifix de l’Assemblée Nationale. Toutefois, certains se sont désolés que le débat sur le contenu du projet de loi 21 ait bifurqué pour devenir une question de principe sur l’autonomie de l’autorité du Québec face à Ottawa. Alors qu’à l’heure actuelle des recours s’organisent pour contester la loi devant les tribunaux, on ne peut qu’espérer que la place de la religion en général, et de la foi catholique en particulier, soit davantage reconnue comme une force positive pour la société. Loin de porter préjudice à l’indépendance des institutions, l’implication des catholiques dans la vie sociale et politique continue de jouer rôle irremplaçable dans notre société. Espérons que 2020 sera l’occasion de redécouvrir la richesse sociale de l’implication des catholiques au Québec.

5) Les jeunes et l’environnement

L’un des phénomènes qui a eu le plus d’impact en 2019 fut certainement l’implication de nombreux jeunes pour la cause du climat. Quoique portée par une jeunesse souvent anxieuse face à son futur, ce mouvement des grèves pour le climat s’est principalement incarné dans la figure de Greta Thunberg. Bien qu’utilisant souvent un langage alarmiste qui a déplu à plusieurs, cette jeune suédoise a néanmoins eu un grand impact sur le mouvement environnemental. L’Église, principalement suite à la publication de l’encyclique Laudato sì par le pape François, n’est pas restée sur le banc des spectateurs. Pleinement investi dans la promotion d’une écologie intégrale, elle est aujourd’hui à l’écoute de cette jeunesse qui cherche une vision du monde plus cohérente et respectueuse de la nature que ne le propose l’économisme marchand. Ce dialogue entre foi et culture continuera bien évidemment dans les prochaines années. À vous d’être à l’écoute.

6) Canonisation du cardinal John Henri Newman

Le 13 octobre dernier était canonisé au Vatican le cardinal anglais John Henri Newman. Baptisé et éduqué dans l’anglicanisme, la vie du saint cardinal Newman regorge de péripéties et d’occasions où il a pu manifester la force de sa confiance en Dieu. Converti au catholicisme suite à ses études du développement organique du dogme dans l’histoire de l’Église, il entra chez les oratoriens où il a pu rayonner par l’écriture et certaines polémiques dans un climat pas toujours ouvert au débat d’idées. Saint Cardinal Newman est un modèle de rigueur intellectuelle et de fidélité à la vérité même lorsque cela entraîne des choix déchirants voir irréversible. Son « Apologia pro vita sua » saura certainement alimenter les groupes de lecture dans les prochaines années.

7) Mois missionnaire extraordinaire (Octobre 2019)

Cela fait désormais plusieurs années que nous sommes, comme Église, en chemin de conversion missionnaire. Le pape François a néanmoins tenu à décréter un mois missionnaire extraordinaire qui s’est tenu durant tout le mois d’octobre 2019. En effet, le Pape avait demandé à ce que soit célébré le 100eanniversaire de la lettre apostolique « Maximum Illud »de Benoît XV sur l’activité accomplie par les missionnaires dans le monde par un mois complet dédié à prier afin que soit renouvelée« l’ardeur de l’activité évangélisatrice de l’Église ad gentes ». Au pays, il convient de souligner le grand travail des Œuvres pontificales missionnaires qui ont su susciter et enrichir les activités pastorales dans les diocèses partout au Québec et au Canada francophone. Enfin, par son enracinement dans la théologie du baptême, le thème de « Bapstisés et envoyés »a certainement permis de faire redécouvrir à plusieurs catholiques la grandeur et la beauté de ce sacrement qui appelle à la conversion personnel le et au partage de cette vie divine reçu au moment où nous sommes réellementplongés dans la mort et la résurrection du Christ. En avant la mission !

8) Synode sur l’Amazonie (octobre 2019)

Au mois d’octobre dernier, le Saint-Père convoquait de nombreux évêques du monde entier pour discuter et discerner des enjeux liés à la région amazonienne dans le cadre d’un Synode extraordinaire sur cette partie du globe. Se sont donc réunis évêques, experts et des membres des populations locales afin de voir ce que l’Église peut faire pour améliorer sa pratique pastorale dans la région. Furent donc abordés des thèmes tels que l’inculturation, l’évangélisation ainsi que l’application et l’engagement pour une écologie intégrale. Comme me le disait Mgr Lionel Gendron p.s.s., ancien président de la Conférence des évêques catholiques du Canada et participant au Synode sur l’Amazonie, « Le Canada partage beaucoup de points communs avec la région amazonienne tels que de grands territoires inoccupés, la protection de l’environnement ainsi que la présence importante des peuples autochtones » (24 :41min). Il sera donc intéressant de suivre les évolutions et les documents qui émergeront de ce Synode. À suivre

9) Les voyages apostoliques du pape François

Chaque année, le pape François a un horaire chargé de voyage apostolique qui lui font parcourir le monde à la rencontre des catholiques et des hommes et femmes de bonne volonté. L’année 2019 ne fit pas exception à la règle puisqu’il a eu la chance de se rendre au Panama, aux Émirats arabes unis, au Maroc, en Bulgarie et Macédoine du Nord, en Roumanie, au Mozambique, Madagascar et à l’Île Maurice, en Thaïlande et, finalement, au Japon. Chacune de ces visites est unique mais je prends le temps de souligner sa visite à l’Île Maurice puisque j’ai personnellement eu la chance de d’y mettre les pieds. En effet, lors de cette brève visite, le Pape n’a pas manqué de souligner l’importance de la jeunesse et comment l’intégration sociale de cette dernière doit être une priorité pour toute société : « Nos jeunes, sont notre première mission ! […] Ne nous laissons pas voler le visage jeune de l’Église et de la société ; ne laissons pas les marchands de la mort voler les prémices de cette terre !»Prenons au sérieux l’avenir de la jeunesse en l’impliquant de plus en plus dans l’ensemble des processus sociaux et institutionnels. C’est peut-être bousculant mais, comme le dit le Pape, cela donnera « un nouveau souffle » à la mission de l’Église et de la société dans son ensemble.

10) Une présence ecclésiale en croissance au Québec

Partie intégrante de sa conversion missionnaire, la présence de l’Église sur le continent numérique ne cesse de croître partout dans le monde. Le Québec et le Canada francophone ne fait pas exception à ce constat. Ayant moi-même l’occasion de me rendre sur le terrain à la rencontre des acteurs locaux, je sens un réel engouement et une volonté ferme d’offrir un témoignage de foi crédible dans tous les milieux. Loin des attitudes parfois défaitistes qui ne laissent pas beaucoup de place à l’espérance, les différents diocèses sont pleinement engagés à rendre l’Église présente et pertinente dans un monde en profonde transformation. L’Église étant « Experte en humanité » comme le disait saint Paul VI, les communautés ecclésiales sont on ne peut mieux placées pour offrir, à la fois, des repères stables face aux grands bouleversements mais également le discernement pour s’ouvrir aux changements qui doivent être faits. Par sa présence en ligne, les diocèses seront des acteurs importants dans leur communauté locale. La décennie commence sur le bon pied à ce niveau !

Une année consacrée à la jeunesse

Comme vous avez pu le constater dans cette sélection bien personnelle des événements qui ont marqué l’actualité de l’Église en 2019, la jeunesse a occupé une place centrale. Que ce soit par les JMJ, la publication de Christus vivit, la protection des personnes mineures, etc. l’Église a conscience que les jeunes ne sont pas seulement le futur mais également le présent de l’Église. Prions pour qu’au début de cette décennie qui s’ouvre devant nous, une nouvelle génération de catholiques ait gagné en maturité, en profondeur dans sa relation au Christ et qu’elle ait trouvé une place dans l’Église d’ici et d’ailleurs. Cette place, nous l’apercevons déjà de loin mais je suis persuadé que les jeunes catholiques sauront nous surprendre par leur créativité, leur enthousiasme et leur fidélité à la foi qu’ils ont reçue. Bonne année à tous !

« Hebdomada Papae » : j’en perds mon latin !

(Credit photo: Vatican Média) Le 8 juin dernier, une nouvelle émission radiophonique entrait en ondes sur Radio Vatican. Intitulé « Hebdomada Papae: notitiae vaticanae latine redditae », ce radiojournal a la particularité d’être diffusé dans la langue de Cicéron : le latin. Offrant des nouvelles hebdomadaires sur les événements significatifs de l’agenda du Pape, cette « nouveauté » semble paradoxalement anachronique. En effet, quelle utilité une telle émission peut-elle avoir en 2019 ? À qui peut bien s’adresser une telle programmation ? Loin de l’uniformisation actuelle de l’univers Podcast qui tend à généraliser l’usage de l’anglais, il me semble que cette initiative met de l’avant l’attachement de l’Église pour la diversité des cultures et pour sa propre tradition.

Un patrimoine vivant

L’intention avouée d’Andrea Tornielli, directeur éditorial de Vatican News, est de « faire revivre la langue officielle de l’Église catholique ». En effet, lorsque l’on parle de la langue latine, c’est souvent avec réticence. « C’est une langue morte ! » ou encore « Ça ne sert à rien !» ne sont que deux exemples de la myriade de préjugés tenaces qui continuent d’être véhiculés contre elle par la culture actuelle. Or,comme le dit le pape François :

Nous voyons aujourd’hui une tendance à homogénéiser les jeunes, à dissoudre les différences propres à leur lieu d’origine, à les transformer en êtres manipulables, fabriqués en série. Il se produit ainsi une destruction culturelle qui est aussi grave que la disparition des espèces animales et végétales. (CV no186)

Cette préservation d’une connaissance de base de la langue latine est donc constitutive d’une véritable « écologie intégrale » (LS no 145). Cela est vrai pour de nombreuses raisons. D’abord, l’universalité de l’Église requiert qu’elle ait une langue propre. N’étant ni française, ni anglaise, ni italienne, ni chinoise mais bien « catholicos », l’Église ne pourrait faire de l’une d’ elles sa langue officielle sans être perçue comme privilégiant une culture au détriment des autres. Pour les églises particulières, la langue vernaculaire est de mise dans la plupart des cas. Toutefois, pour les églises de tradition et de rite latin, le Concile Vatican II demande « À ce que les fidèles puissent dire ou chanter ensemble, en langue latine, aussi les parties de l’ordinaire de la messe qui leur reviennent » (SC no 54). De fait, et cela va de soi, la grande majorité du patrimoine ecclésial ayant été écrit en latin, il est indispensable d’avoir une certaine connaissance des « éléments latins ».

Une langue construite sur du roc

Une autre raison majeure en faveur d’une redécouverte du latin découle des racines culturelles et linguistiques latines de la langue française. En effet, le français est une langue latine et de fait, s’enracine dans la logique syntaxique, grammaticale et étymologique de cette langue millénaire. Avoir une base de latin permet donc de saisir la profondeur et la polysémie des termes, mots et concepts que nous utilisons tous les jours. À l’heure où l’on constate une perte de la richesse , une fragilisation de la présence francophone au Québec  ou du déclin de la qualité du français à tous les niveaux , il me semble qu’un certain retour au latin ne serait pas superflu. En effet, il m’apparaît contradictoire de prétendre chérir la langue française tout en négligeant une connaissance et une appréciation de base de ses racines. Notre langue française ne fut pas bâtie sur du « sable » mais sur le « roc » (Mt 7, 25-27) du latin. Affaiblir l’un allait forcément entraîner l’affaiblissement de l’autre.   Comment pouvoir sensibiliser et propager l’amour d’une langue sans en connaître les racines ? Et comment les francophones du Canada pourraient-ils redécouvrir ce patrimoine si l’Église Elle-même le négligeait ?

Ainsi, puisque trop souvent « les limites culturelles des diverses époques ont conditionné cette conscience de leur propre héritage éthique et spirituel, […]c’est précisément le retour à leurs sources qui permet aux religions de mieux répondre aux nécessités actuelles » (LS no 200) . Le patrimoine littéraire, religieux et linguistique du latin mérite d’être connu et utilisé. C’est ce que cette nouvelle émission radiophonique concrétise. Placet !

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