Message du Saint-Père François pour la 38ème journée mondiale de la jeunesse

Les délégués canadiens accompagnés par le cardinal Lacroix pour la messe d’ouverture des Journées mondiales de la jeunesse à Lisbonne en 2023. Photo © Sel + Lumière Média, 2023.

MESSAGE DU SAINT-PÈRE FRANÇOIS
POUR LA 38ème JOURNÉE MONDIALE DE LA JEUNESSE

26 novembre 2023

Joyeux dans l’espérance (cf. Rm 12, 12)

Voici le texte intégral:

Chers jeunes,

en août dernier, j’ai rencontré des centaines de milliers de vos semblables, venus du monde entier à Lisbonne pour les Journées Mondiales de la Jeunesse. Au temps de la pandémie, dans les nombreuses incertitudes, nous avions nourri l’espérance que cette grande célébration de la rencontre avec le Christ et avec d’autres jeunes pourrait voir le jour. Cette espérance s’est réalisée et, pour beaucoup d’entre nous qui étions présents, et moi aussi, elle a dépassé toutes les attentes ! Que notre rencontre à Lisbonne a été belle ! Une véritable expérience de transfiguration, une explosion de lumière et de joie !

À la fin de la messe de clôture au “Champ de la grâce”, j’ai indiqué la prochaine étape de notre pèlerinage intercontinental : Séoul, en Corée, en 2027. Mais auparavant, je vous ai donné rendez-vous à Rome, en 2025 pour le Jubilé des jeunes, où vous serez également des “pèlerins de l’espérance”.

Vous, les jeunes, vous êtes en effet la joyeuse espérance d’une Église et d’une humanité toujours en marche. Je voudrais vous prendre par la main et parcourir avec vous le chemin de l’espérance. Je voudrais parler avec vous de nos joies et de nos espérances, mais aussi des tristesses et des angoisses de nos cœurs et de l’humanité souffrante (cf. Const. past. Gaudium et spes, n. 1). Au cours de ces deux années de préparation au Jubilé, nous méditerons d’abord sur l’expression paulinienne « Joyeux dans l’espérance » (cf. Rm 12, 12), puis nous approfondirons celle du prophète Isaïe : « Ceux qui mettent leur espérance dans le Seigneur […] marchent sans se fatiguer » (Is 40, 31).

D’où provient cette joie ?

« Ayez la joie de l’espérance » (Rm 12, 12) est une exhortation de saint Paul à la communauté de Rome qui se trouve dans une période de grave persécution. En réalité, la “joie de l’espérance” prêchée par l’Apôtre jaillit du mystère pascal du Christ, de la puissance de sa résurrection. Elle n’est pas le fruit de l’effort humain, de l’ingéniosité ni du savoir-faire. Elle est la joie qui découle de la rencontre avec le Christ. La joie chrétienne vient de Dieu lui-même, du fait que nous nous savons aimés de Lui.

Benoît XVI, réfléchissant à l’expérience qu’il avait vécue lors des Journées Mondiales de la Jeunesse à Madrid, en 2011, demandait : la joie, « d’où vient-elle ? Comment s’explique-t-elle ? Il y a certainement de nombreux facteurs qui agissent ensemble. Mais celui qui est décisif est […] la certitude qui provient de la foi : je suis voulu. J’ai une mission dans l’histoire. Je suis accepté, je suis aimé ». Et il précise : « En fin de compte, nous avons besoin d’un accueil inconditionnel. C’est seulement si Dieu m’accueille et que j’en deviens sûr, que je sais définitivement : il est bien que j’existe. […] Il est bien d’exister comme personne humaine, même dans des temps difficiles. La foi rend heureux à partir de l’intérieur » (Discours à la Curie romaine, n. 22 décembre 2011).

Où est mon espérance ?

La jeunesse est une période pleine d’espoirs et de rêves, nourris par les belles réalités qui enrichissent nos vies : la splendeur de la création, les relations avec nos proches et nos amis, les expériences artistiques et culturelles, les connaissances scientifiques et techniques, les initiatives qui promeuvent la paix, la justice et la fraternité, et autres choses encore. Nous vivons cependant une époque où, pour beaucoup, y compris des jeunes, l’espérance semble être la grande absente. Beaucoup de vos semblables, qui connaissent la guerre, la violence, le harcèlement et diverses formes de détresses, sont malheureusement en proie au désespoir, à la peur et à la dépression. Ils se sentent comme enfermés dans une sombre prison, incapables de voir les rayons du soleil. Le taux élevé de suicide chez les jeunes dans plusieurs pays en est la preuve dramatique. Dans un tel contexte, comment éprouver la joie et l’espérance dont parle saint Paul ? Il y a plutôt un risque que le désespoir prenne le dessus, la pensée qu’il est inutile de faire du bien sous prétexte qu’il ne serait apprécié et reconnu par personne, comme nous le lisons dans le Livre de Job : « Où donc est mon espoir ? Mon espérance, qui l’entrevoit ? » (Jb 17, 15).

Face aux drames de l’humanité, en particulier à la souffrance des innocents, nous aussi demandons au Seigneur, comme nous le prions dans certains Psaumes : “Pourquoi ?” Or, nous pouvons faire partie de la réponse de Dieu. Créés par Lui à son image et à sa ressemblance, nous pouvons être une expression de son amour qui fait naître la joie et l’espérance même là où cela semble impossible. Il me vient à l’esprit le personnage principal du film “La vie est belle” ; un jeune père qui, avec délicatesse et imagination, parvient à transformer la dure réalité en une sorte d’aventure et de jeu, donnant de la sorte à son fils un “regard d’espérance” en le protégeant des horreurs du camp de concentration, en sauvegardant son innocence et en empêchant la méchanceté humaine de lui voler son avenir. Mais il ne s’agit pas seulement d’histoires inventées ! C’est ce que nous voyons dans la vie de tant de saints qui ont été des témoins de l’espérance même au milieu de la méchanceté humaine la plus cruelle. Nous pensons à saint Maximilien Marie Kolbe, à sainte Joséphine Bakhita ou au couple de bienheureux Józef et Wiktoria Ulma avec leurs sept enfants.

La possibilité d’allumer l’espérance dans le cœur des hommes, à partir du témoignage chrétien, a été magistralement mise en lumière par saint Paul VI lorsqu’il a rappelé : « Un chrétien ou un groupe de chrétiens au sein de la communauté humaine dans laquelle ils vivent […] rayonnent, d’une façon toute simple et spontanée, leur foi en des valeurs qui sont au-delà des valeurs courantes, et leur espérance en quelque chose qu’on ne voit pas, dont on n’oserait pas rêver » (Exhort. ap. Evangelii nuntiandi, n. 21).

La “petite” espérance

Le poète français Charles Péguy, au début de son poème sur l’espérance, parle des trois vertus théologales – la foi, l’espérance et la charité – comme de trois sœurs qui marchent ensemble :

« La petite espérance s’avance entre ses deux grandes sœurs et on ne prend pas seulement garde à elle.
[…]
C’est elle, cette petite qui entraîne tout.
Car la Foi ne voit que ce qui est.
Et elle, elle voit ce qui sera.
La Charité n’aime que ce qui est.
Et elle, elle aime ce qui sera.
[…]
En réalité, c’est elle qui fait marcher les deux autres.
Et qui les traîne.
Et qui fait marcher tout le monde ».
(Le porche du mystère de la deuxième vertu, Gallimard, 1986)

Je suis moi aussi convaincu de ce caractère humble, “petit”, et pourtant fondamental de l’espérance. Pensez-y : comment pourrions-nous vivre sans espérance ? À quoi ressembleraient nos journées ? L’espérance est le sel du quotidien.

L’espérance, lumière qui brille dans la nuit

Dans la tradition chrétienne du Triduum pascal, le Samedi saint est le jour de l’espérance. Entre le Vendredi saint et le Dimanche de Pâques, il est comme un intermédiaire entre le désespoir des disciples et leur joie pascale. Il est le lieu où naît l’espérance. L’Église, ce jour-là, commémore en silence la descente aux enfers du Christ. Nous pouvons le voir sous forme picturale dans de nombreuses icônes. Elles nous montrent le Christ rayonnant de lumière qui descend dans les ténèbres les plus profondes et les traverse. C’est ainsi : Dieu ne se contente pas de regarder avec compassion nos lieux de mort ou de nous appeler de loin, mais Il entre dans nos expériences des enfers comme une lumière qui resplendit dans les ténèbres, et Il en triomphe (cf. Jn 1, 5). Un poème en langue sud-africaine xhosa l’exprime bien : « Bien que toute espérance soit perdue, avec ce poème, je réveille l’espérance. Mon espérance est réveillée parce que j’espère dans le Seigneur. J’espère que nous nous unirons ! Restez forts dans l’espérance, car l’heureuse issue est proche ».

Si nous y réfléchissons bien, il s’agit là de l’espérance de la Vierge Marie qui est restée forte au pied de la croix de Jésus, certaine que l’“heureuse issue” était proche. Marie est la femme de l’espérance, la Mère de l’espérance. Au Calvaire, « espérant contre toute espérance » (Rm 4, 18), elle n’a pas laissé s’éteindre dans son cœur la certitude de la résurrection annoncée par son Fils. C’est elle qui remplit le silence du Samedi Saint d’une attente aimante et pleine d’espérance, en inculquant aux disciples la certitude que Jésus vaincra la mort et que le mal n’aura pas le dernier mot.

L’espérance chrétienne n’est pas un optimisme facile ni un placebo pour les crédules : elle est la certitude, enracinée dans l’amour et dans la foi, que Dieu ne nous laisse jamais seuls et qu’il tient sa promesse : « Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi » (Ps 22, 4). L’espérance chrétienne n’est pas une négation de la souffrance et de la mort, elle est une célébration de l’amour du Christ ressuscité qui est toujours avec nous, même lorsqu’il semble loin. Le Christ lui-même est pour nous la grande lumière de l’espérance et la boussole dans notre nuit, car il est “l’étoile radieuse du matin” » (Exhort. ap. Christus vivit, n. 33).

Nourrir l’espérance

Lorsque l’étincelle de l’espérance a été allumée en nous, il y a parfois le risque qu’elle soit étouffée par les soucis, les peurs et les fardeaux de la vie quotidienne. Mais une étincelle a besoin d’air pour continuer à briller et se raviver en un grand feu d’espérance. C’est la douce brise de l’Esprit Saint qui nourrit l’espérance. Nous pouvons contribuer à la nourrir de différentes manières.

L’espérance est nourrie par la prière. On conserve et renouvelle l’espérance en priant. On maintient l’étincelle de l’espérance allumée en priant. « La prière est la première force de l’espérance. Tu pries et l’espérance grandit, tu vas de l’avant » (Catéchèse, 20 mai 2020). Prier, c’est comme prendre de la hauteur : souvent lorsque nous sommes au sol, nous ne voyons pas le soleil parce que le ciel est couvert de nuages. Mais si nous montons au-dessus des nuages, la lumière et la chaleur du soleil nous enveloppent, et nous retrouvons dans cette expérience la certitude que le soleil est toujours présent, même quand tout semble gris.

Chers jeunes, lorsque l’épais brouillard de la peur, du doute et de l’oppression vous entoure et que vous ne parvenez plus à voir le soleil, prenez le chemin de la prière. Car « si personne ne m’écoute plus, Dieu m’écoute encore » (Benoît XVI, Lett. enc. Spe Salvi, n. 32). Prenons chaque jour le temps de nous reposer en Dieu face aux angoisses qui nous assaillent : « Je n’ai mon repos qu’en Dieu seul ; oui, mon espoir vient de lui » (Ps 61, 6).

L’espérance est nourrie par nos choix quotidiens. L’invitation à se réjouir dans l’espérance, que saint Paul adresse aux chrétiens de Rome (cf. Rm 12, 12), nécessite des choix très concrets dans la vie de tous les jours. Je vous invite donc à choisir un style de vie fondé sur l’espérance. Je vous donne un exemple : sur les réseaux sociaux, il semble plus facile de partager les mauvaises nouvelles que les nouvelles d’espérance. Je vous fais donc une proposition concrète : essayez de partager une parole d’espérance chaque jour. Devenez des semeurs d’espérance dans la vie de vos amis et de tous ceux qui vous entourent. En effet, « l’espérance est humble, et c’est une vertu qui se travaille – disons – tous les jours […]. Chaque jour, il faut se rappeler que nous avons le dépôt, qui est l’Esprit, qui travaille en nous avec de petites choses » (Méditation du matin, 29 octobre 2019).

Allumer le flambeau de l’espérance

Vous sortez parfois le soir avec vos amis et, s’il fait nuit, vous prenez votre smartphone et allumez la torche pour faire de la lumière. Lors de grands concerts, vous êtes des milliers à faire bouger ces lampes modernes au rythme de la musique, créant ainsi une ambiance particulière. La nuit, la lumière nous fait voir les choses d’une manière nouvelle, et même dans l’obscurité, une dimension de beauté apparaît. Il en va de même pour la lumière de l’espérance qu’est le Christ. Par Lui, par sa résurrection, notre vie est illuminée. Avec lui, nous voyons tout sous un jour nouveau.

On raconte que lorsque les gens s’adressaient à saint Jean-Paul II pour lui parler d’un problème, sa première question était : “Comment cela se présente-t-il à la lumière de la foi ?” Un regard éclairé par l’espérance fait également apparaître les choses sous un jour différent. Je vous invite donc à adopter ce regard dans votre vie quotidienne. Animé par l’espérance divine, le chrétien est rempli d’une joie différente qui vient de l’intérieur. Les défis et les difficultés, il y en a et il y en aura toujours, mais si nous sommes habités par une espérance “pleine de foi”, nous les affronterons en sachant qu’ils n’ont pas le dernier mot et nous deviendrons nous-mêmes un petit flambeau d’espérance pour les autres.

Chacun de vous peut l’être dans la mesure où sa foi devient concrète, collant à la réalité et aux histoires de ses frères et sœurs. Pensons aux disciples de Jésus qui, un jour, sur une haute montagne, l’ont vu resplendir d’une lumière glorieuse. S’ils étaient restés là-haut, cela aurait été un beau moment pour eux, mais les autres auraient été laissés de côté. Il fallait qu’ils descendent. Nous ne devons pas fuir le monde, mais aimer notre époque dans laquelle Dieu nous a placés non sans raison. Nous ne pouvons être heureux qu’en partageant, avec les frères et sœurs que le Seigneur nous donne jour après jour, la grâce reçue.

Chers jeunes, n’ayez pas peur de partager avec les autres l’espérance et la joie du Christ ressuscité ! L’étincelle qui s’est allumée en vous, entretenez-la, mais en même temps donnez-la : vous constaterez qu’elle grandira ! Nous ne pouvons pas garder l’espérance chrétienne pour nous, comme un beau sentiment, parce qu’elle est destinée à tout le monde. Soyez particulièrement proches de vos amis qui peuvent sourire en apparence mais qui pleurent à l’intérieur, pauvres en espérance. Ne vous laissez pas contaminer par l’indifférence et l’individualisme : restez ouverts, comme des canaux à travers lesquels l’espérance de Jésus peut s’écouler et se répandre dans les milieux où vous vivez.

« Il vit, le Christ, notre espérance et il est la plus belle jeunesse de ce monde » (Exhort. ap. Christus vivit, n. 1). C’est ce que je vous ai écrit il y a presque cinq ans, après le Synode des jeunes. Je vous invite tous, en particulier ceux qui sont impliqués dans la pastorale des jeunes, à vous saisir du Document final de 2018 et de l’Exhortation apostolique Christus vivit. Le moment est venu de faire le point ensemble et de travailler avec espérance à la pleine mise en œuvre de ce Synode inoubliable.

Confions toute notre vie à Marie, Mère de l’Espérance. Elle nous apprend à porter en nous Jésus, notre joie et notre espérance, et à le donner aux autres. Bon cheminement, chers jeunes ! Je vous bénis et vous accompagne par la prière. Et vous aussi, priez pour moi !

 

 

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Homélie du pape François pour les funérailles du pape émérite Benoît XVI

Le 5 janvier, le pape François a présidé la messe des funérailles du pape émérite Benoît XVI sur la place Saint-Pierre. Lisez ci-dessous le texte intégral de l’homélie qu’il a prononcée à cette occasion solennelle :

Homélie du pape François

Place Saint-Pierre

Jeudi 5 janvier 2023

« Père, entre tes mains je remets mon esprit » ( Lc 23, 46). Ce sont les dernières paroles que le Seigneur a prononcées sur la croix ; son dernier soupir – pourrait-on dire -, qui confirme ce qui a caractérisé toute sa vie : une permanente remise de soi entre les mains de son Père. Des mains de pardon et de compassion, de guérison et de miséricorde, des mains d’onction et de bénédiction qui le poussèrent à se livrer aussi aux mains de ses frères. Le Seigneur, ouvert aux histoires qu’il rencontrait sur son chemin, s’est laissé ciseler par la volonté de Dieu en prenant sur ses épaules toutes les conséquences et les difficultés de l’Évangile, jusqu’à voir ses mains meurtries par amour : « Vois mes mains », dit-il à Thomas ( Jn 20, 27), et il le dit à chacun de nous, « Vois mes mains ». Des mains meurtries qui vont à la rencontre et ne cessent de s’offrir, afin que nous connaissions l’amour que Dieu a pour nous et que nous croyions en lui (cf. 1 Jn 4, 16) [1].

« Père, entre tes mains je remets mon esprit » est l’invitation et le programme de vie qui inspire et veut modeler comme un potier (cf. Is 29, 16) le cœur du pasteur, jusqu’à ce que palpitent en lui les mêmes sentiments que ceux du Christ Jésus (cf. Ph 2, 5). Dévouement reconnaissant de service au Seigneur et à son Peuple qui naît du fait d’avoir accueilli un don totalement gratuit : : “Tu m’appartiens… Tu leur appartiens”, susurre le Seigneur ; “Tu es sous la protection de mes mains, sous la protection de mon coeur. Reste dans le creux de mes mains et donne-moi les tiennes” [2]. C’est la condescendance de Dieu et sa proximité capable de se placer dans les mains fragiles de ses disciples pour nourrir son peuple et dire avec lui : prenez et mangez, prenez et buvez, ceci est mon corps, mon corps qui s’offre pour vous (cf. Lc 22, 19). La synkatabasis totale de Dieu .

Un dévouement priant, qui se façonne et s’affine silencieusement entre les carrefours et les contradictions que le pasteur doit affronter (cf. 1 P 1, 6-7) et l’invitation confiante à paître le troupeau (cf. Jn 21, 17). Comme le Maître, il porte sur ses épaules la fatigue de l’intercession et l’usure de l’onction pour son peuple, surtout là où la bonté doit lutter et où les frères voient leur dignité menacée (cf. He 5, 7-9). Dans cette rencontre d’intercession, le Seigneur continue à générer la douceur capable de comprendre, d’accueillir, d’espérer et de parier au-delà des incompréhensions que cela peut susciter. Une fécondité invisible et insaisissable, qui naît du fait de savoir dans quelles la confiance a été placée (cf. 2 Tm 1, 12). Une confiance priante et adoratrice, capable d’interpréter les actions du pasteur et d’adapter son cœur et ses décisions aux temps de Dieu (cf. Jn 21, 18) : « Être le pasteur veut dire aimer, et aimer veut dire aussi être prêt à souffrir. Aimer signifie: donner aux brebis le vrai bien, la nourriture de la vérité de Dieu, de la parole de Dieu, la nourriture de sa présence » [3].

Et aussi un dévouement soutenu par la consolation de l’Esprit, qui le précède toujours dans la mission : dans la quête passionnée de communiquer la beauté et la joie de l’Évangile (cf. Exhort. Ap. Gaudete et exsultate, n. 57), dans le témoignage fécond de ceux qui, comme Marie, restent de bien des manières au pied de la croix, dans cette paix douloureuse mais solide qui n’agresse ni ne soumet ; et dans l’espérance obstinée mais patiente que le Seigneur accomplira sa promesse, comme il l’avait promis à nos pères et à sa descendance à jamais (cf. Lc 1, 54-55).

Nous aussi, fermement attachés aux dernières paroles du Seigneur et au témoignage qui a marqué sa vie, nous voulons, en tant que communauté ecclésiale, suivre ses traces et confier notre frère aux mains du Père : que ces mains de miséricorde trouvent sa lampe allumée avec l’huile de l’Évangile qu’il a répandue et dont il a témoigné durant sa vie (cf. Mt 25, 6-7).

Saint Grégoire le Grand, à la fin de la Règle pastorale, invite et exhorte un ami à lui offrir cette compagnie spirituelle : « Au milieu des tempêtes de ma vie, je me console par la confiance que tu me tiendras à flot sur la table de tes prières, et que, si le poids de mes fautes m’abat et m’humilie, tu me prêteras le secours de tes mérites pour me relever ». C’est la conscience du pasteur qu’il ne peut pas porter tout seul ce que, en réalité, il ne pourrait jamais supporter tout seul et, par conséquent, il sait s’abandonner à la prière et au soin du peuple qui lui est confié [4]. C’est le peuple fidèle de Dieu qui, rassemblé, accompagne et confie la vie de celui qui a été son pasteur. Comme les femmes de l’Évangile au sépulcre, nous sommes ici avec le parfum de la gratitude et l’onguent de l’espérance pour lui démontrer, encore une fois, l’amour qui ne se perd pas. Nous voulons le faire avec la même onction, sagesse, délicatesse et dévouement qu’il a su prodiguer au cours des années. Nous voulons dire ensemble: “Père, entre tes mains nous remettons son esprit”.

Benoît, fidèle ami de l’Époux, que ta joie soit parfaite en entendant sa voix, définitivement et pour toujours !

Texte courtoisie de la Libreria Editrice Vaticana

Testament spirituel du Pape émérite Benoît XVI

Photo de Stefano Spaziani

Un an après le début de son pontificat, le Pape émérite Benoît XVI a rédigé son testament spirituel. Il y remercie Dieu, ses parents et ses proches, et réfléchit aux perspectives et aux défis de la théologie au XXe siècle. Le Vatican l’a publié le jour de son décès, le 31 décembre 2022.


Lisez le texte intégral ci-dessous :

Testament spirituel du Pape émérite Benoît XVI
29 août 2006

Si, à cette heure tardive de ma vie, je jette un regard sur les décennies que j’ai parcourues, je vois d’abord combien de raisons j’ai de rendre grâce. Tout d’abord, je remercie Dieu lui-même, le donateur de tout bon cadeau, qui m’a donné la vie et m’a guidé à travers divers moments de confusion, me relevant toujours quand je commençais à glisser et me redonnant toujours la lumière de son visage. Avec le recul, je vois et je comprends que même les parties sombres et fatigantes de ce voyage étaient pour mon salut et que c’est en elles qu’Il m’a bien guidé.

Je remercie mes parents, qui m’ont donné la vie dans une période difficile et qui, au prix de grands sacrifices, m’ont préparé avec leur amour un magnifique foyer qui, comme une lumière vive, illumine tous mes jours jusqu’à aujourd’hui. La foi lucide de mon père nous a appris à croire, nous ses enfants, et elle a toujours tenu bon au milieu de toutes mes réalisations scientifiques ; la profonde dévotion et la grande bonté de ma mère sont un héritage pour lequel je ne saurais la remercier suffisamment. Ma sœur m’a assisté pendant des décennies de manière désintéressée et avec une attention affectueuse ; mon frère, avec la lucidité de ses jugements, sa résolution vigoureuse et la sérénité de son cœur, m’a toujours ouvert la voie ; sans sa constance qui me précède et m’accompagne, je n’aurais pas pu trouver le bon chemin.

Du fond du cœur, je remercie Dieu pour les nombreux amis, hommes et femmes, qu’il a toujours placés à mes côtés ; pour les collaborateurs à toutes les étapes de mon parcours ; pour les enseignants et les étudiants qu’il m’a donnés. Je les confie avec gratitude à sa bonté. Et je veux remercier le Seigneur pour ma belle patrie dans les Préalpes bavaroises, dans laquelle j’ai toujours vu briller la splendeur du Créateur lui-même. Je remercie les gens de ma patrie, car c’est en eux que j’ai expérimenté, encore et encore, la beauté de la foi. Je prie pour que notre terre reste une terre de foi et je vous en prie, chers compatriotes : ne vous laissez pas détourner de la foi. Et enfin, je remercie Dieu pour toute la beauté que j’ai pu expérimenter à chaque étape de mon chemin, mais surtout à Rome et en Italie, qui est devenue ma deuxième maison.

À tous ceux que j’ai lésés d’une manière ou d’une autre, je demande pardon de tout mon cœur.

Ce que j’ai dit auparavant à mes compatriotes, je le dis maintenant à tous ceux qui, dans l’Église, ont été affectés à mon service : restez fermes dans la foi! Ne vous laissez pas troubler ! Il semble souvent que la science – les sciences naturelles d’une part et la recherche historique (en particulier l’exégèse des Saintes Écritures) d’autre part – soient capables d’offrir des résultats irréfutables en contraste avec la foi catholique. J’ai vécu les transformations des sciences naturelles depuis longtemps et j’ai pu voir comment, au contraire, des certitudes apparentes contre la foi se sont évanouies, se révélant être non pas des sciences, mais des interprétations philosophiques ne relevant qu’en apparence de la science ; tout comme, d’autre part, c’est dans le dialogue avec les sciences naturelles que la foi aussi a appris à mieux comprendre la limite de la portée de ses revendications, et donc sa spécificité. Depuis soixante ans, j’accompagne le chemin de la théologie, en particulier des sciences bibliques, et avec la succession des différentes générations, j’ai vu s’effondrer des thèses qui semblaient inébranlables, se révélant de simples hypothèses : la génération libérale (Harnack, Jülicher etc.), la génération existentialiste (Bultmann etc.), la génération marxiste. J’ai vu et je vois comment, à partir de l’enchevêtrement des hypothèses, le caractère raisonnable de la foi a émergé et émerge encore. Jésus-Christ est vraiment le chemin, la vérité et la vie – et l’Église, avec toutes ses insuffisances, est vraiment son corps.

Enfin, je demande humblement : priez pour moi, afin que le Seigneur, malgré tous mes péchés et mes insuffisances, me reçoive dans les demeures éternelles. De tout cœur, ma prière va à tous ceux qui, jour après jour, me sont confiés.

Texte avec l’aimable autorisation du Bureau de presse du Saint-Siège

Merci pape émérite Benoît XVI

Le pape Benoît XVI s’adressant à son audience générale sur la place Saint-Pierre au Vatican le 20 avril 2011. Le pape Benoît XVI est décédé le 31 décembre 2022, à l’âge de 95 ans, dans sa résidence au Vatican. (Photo CNS/Paul Haring)

 

 

« Le cœur du christianisme est le mystère pascal de la mort et de la résurrection du Christ….. Le centre de tout cela est le Dieu trinitaire et, par conséquent, l’amour en tant qu’Alpha et Omega du monde. [Ces déclarations indiquent la même vérité : participer au témoignage de Jésus en mourant dans la foi et l’amour. Cette foi et cet amour sont simultanément l’acceptation de ma vie par Dieu et ma volonté d’embrasser l’acceptation divine. Et tout cela vient du Dieu qui ne peut être amour qu’en tant que Dieu trinitaire et qui, en étant ainsi amour, rend le monde supportable après tout.  »
-Joseph Ratzinger (Benoît XVI), Extrait traduit de la version originale en anglais du livre: Eschatology (1988), p. 100.

 

Faisant écho à ses paroles, nous prions pour que Dieu accueille le Pape émérite Benoît XVI dans la vie éternelle et qu’il connaisse cette « acceptation divine » qu’il a embrassée dans cette vie. Nous rendons grâce à Dieu pour ce « simple et humble ouvrier dans la vigne du Seigneur », qui a fidèlement servi l’Église en nous guidant tous vers une connaissance plus profonde des dons de la foi et de l’amour de Dieu. Nous le rejoignons, avec le Saint-Père le Pape François et toute l’Église, dans l’espérance de la résurrection.
Le bureau de presse du Saint-Siège a indiqué que son corps « sera dans la basilique Saint-Pierre pour que les fidèles puissent lui faire leurs adieux » à partir du lundi 2 janvier 2023. L’équipe de Sel + Lumière Média continue de suivre les communications du bureau de presse et partagera toute information actualisée dès qu’elle sera disponible.

Que l’âme du Pape émérite Benoît XVI, et de tous les fidèles défunts, repose en paix.

 

Déclaration du Président de la Conférence des évêques catholiques du Canada sur le décès du pape émérite Benoît XVI

Le pape Benoît XVI arrive pour célébrer la messe de la veille du Nouvel An dans la basilique Saint-Pierre au Vatican, le 1er janvier 2010. Le pape Benoît XVI est décédé le 31 décembre 2022, à l’âge de 95 ans, dans sa résidence au Vatican. (Photo CNS/Paul Haring)

Déclaration de Mgr Raymond Poisson, évêque de St-Jérôme-Mont-Laurier et

président de la Conférence des évêques catholiques du Canada
à l’occasion du décès du pape émérite Benoît XVI

Aujourd’hui, les évêques du Canada se joignent au pape François et au peuple de Dieu qui pleurent le décès du pape émérite Benoît XVI; ils rendent grâce à Dieu pour sa vie de service humble et dévoué. Benoît XVI laisse derrière lui un grand héritage d’enseignement qui continuera de nous inspirer, tant par les trois encycliques qu’il a rédigées que par les nombreux discours publics qu’il a prononcés à travers le monde en tant que Souverain Pontife. Le pape Benoit XVI, « Cardinal Ratzinger », a été un guide fidèle et sûr de la doctrine catholique tout au long de ses divers offices auprès du Saint Siège.

En tant que Pape, il nous a mis au défi « d’oser aimer » – de faire de « toute votre existence une joyeuse entreprise du don de vous-mêmes à Dieu et à vos frères, à l’imitation de Celui qui a vaincu la haine et la mort pour toujours par l’amour (cf. Ap 5, 13) », et de trouver la paix, le réconfort et l’inspiration dans l’amour que le Christ a pour chacun de nous.

En tant que Canadiens et Canadiennes, nous lui sommes particulièrement reconnaissants pour ses efforts visant à guérir les blessures de notre passé. Benoît XVI a été le premier Pape à rencontrer des victimes d’abus par des membres du clergé. Il a reconnu publiquement le fléau des abus commis par ces derniers, s’en est excusé et a renforcé les processus de l’Église pour répondre aux allégations, notamment en facilitant la poursuite ou la suspension de l’état clérical des personnes ayant été reconnues responsables d’abus.

Le pape Benoît XVI a également invité les membres d’une délégation canadienne, composée de représentants et représentantes des communautés autochtones, ainsi que des diocèses et des communautés religieuses catholiques du Canada, à une réunion privée en avril 2009 pour discuter de leur expérience des pensionnats. Au cours de cette rencontre, le Pape a écouté leurs récits et a exprimé son regret et sa tristesse pour les souffrances éprouvées par de nombreux Autochtones dans le système des pensionnats.

Quelques années plus tard, il a canonisé la première sainte autochtone d’Amérique du Nord, sainte Kateri Tekakwitha, également appelée le « Lys des Mohawks ».

Alors que nous prions pour le repos éternel de son âme, nous prions pour que l’amour et l’espoir que le pape émérite Benoît XVI a trouvé dans le Seigneur ressuscité puissent continuer de nous inspirer et de nous réconforter dans les épreuves et les tribulations de nos propres vies sur terre.

Que la paix lui soit accordée alors qu’il repose pour toujours en communion avec le Père, le Fils et l’Esprit Saint.

Lettre du Pape émérite Benoît XVI concernant le rapport sur les abus dans l’Archidiocèse de Munich et Freising

(Image: Courtoisie de Cathopic)

Le 8 février 2022, le Vatican a publié une lettre du pape émérite Benoît XVI dans laquelle il demande pardon pour ses manquements à l’égard de la crise des abus sexuels dans l’Église. Cette lettre est une réponse à un récent rapport sur les abus sexuels dans l’archidiocèse allemand de Munich et Freising pendant la période 1945-2019. Le cardinal Joseph Ratzinger, aujourd’hui pape émérite Benoît XVI, a été archevêque de 1977 à 1982.

Cité du Vatican, 6 février 2022

Chères sœurs et chers frères !

À la suite de la présentation du rapport sur les abus dans l’archidiocèse de Munich et Freising, le 20 janvier 2022, je tiens à adresser à chacun une parole personnelle. En effet, même si je n’ai été archevêque de Munich et de Freising qu’un peu moins de cinq ans, au plus profond de moi subsiste cependant une profonde appartenance à l’archidiocèse de Munich comme à ma patrie.

Je voudrais avant tout exprimer un mot de sincères remerciements. Durant ces jours d’examen de conscience et de réflexion, j’ai reçu plus d’encouragement, d’amitié et de signes de confiance que je n’aurais imaginé. Je voudrais remercier en particulier le petit groupe d’amis qui, avec abnégation, a rédigé pour moi mon mémoire de 82 pages, pour le cabinet d’avocats de Munich, que je n’aurais pas pu écrire seul. Aux réponses aux questions posées par le cabinet d’avocats, s’ajoutait la lecture et l’analyse de près de 8000 pages d’actes en format numérique. Ces collaborateurs m’ont ensuite aidé à étudier et à analyser l’expertise de près de 2000 pages. Le résultat sera publié ultérieurement en annexe de ma lettre.

Durant le travail gigantesque de ces jours-ci – l’élaboration de la prise de position – s’est produit un oubli concernant ma participation à la réunion de l’Ordinariat du 15 janvier 1980. Cette erreur, qui s’est malheureusement vérifiée, n’a pas été intentionnellement voulue et j’espère qu’elle est excusable. J’ai fait en sorte que l’archevêque Gänswein la signale dans la déclaration à la presse du 24 janvier 2022. Cela n’enlève rien au soin et au dévouement qui ont été et qui sont, pour ces amis, un impératif absolu. J’ai été profondément affecté par le fait que cette erreur ait été utilisée pour douter de mon honnêteté, voire même pour me présenter comme un menteur. J’ai été d’autant plus ému par les multiples expressions de confiance, les témoignages cordiaux et les émouvantes lettres d’encouragement qui me sont parvenues de la part de nombreuses personnes. Je suis particulièrement reconnaissant pour la confiance, l’appui et la prière que le Pape François m’a exprimés personnellement. Je voudrais enfin remercier la petite famille du monastère “Mater Ecclesiæ”, dont la communion de vie aux heures heureuses et difficiles me donne cette solidité intérieure qui me soutient.

Il est nécessaire qu’à ces paroles de remerciement suive maintenant une confession. Je suis à chaque fois plus profondément touché que jour après jour, l’Église mette au début de la célébration de la Sainte Messe – au cours de laquelle le Seigneur nous donne sa Parole ainsi que Lui-même – la confession de notre faute et la demande de pardon. Nous prions publiquement le Dieu vivant de pardonner notre faute, notre grande et très grande faute. Il est clair que les mots “très grande” ne s’appliquent pas de la même manière à chaque jour, à chaque jour particulier. Mais chaque jour me demande si, aujourd’hui, je ne devrais pas parler d’une très grande faute. Et il me dit d’une manière consolante que, aussi grande que puisse être ma faute aujourd’hui, le Seigneur me pardonne si je me laisse scruter par lui en toute sincérité et si je suis réellement disposé à me changer moi-même.

Dans toutes mes rencontres avec les victimes d’abus sexuels de la part de prêtres, surtout pendant mes nombreux voyages apostoliques j’ai regardé dans les yeux les conséquences d’une très grande faute et j’ai appris à comprendre que nous sommes nous-mêmes entraînés dans cette grande faute quand nous la négligeons ou quand nous ne l’affrontons pas avec la décision et la responsabilité nécessaires, comme il est trop souvent arrivé et qu’il arrive encore. Comme lors de ces rencontres, je ne peux qu’exprimer, une fois encore, à l’égard de toutes les victimes d’abus sexuels ma profonde honte, ma grande douleur et ma demande sincère de pardon. J’ai eu de grandes responsabilités dans l’Église catholique. Ma douleur est d’autant plus grande pour les abus et les erreurs qui se sont produits au cours de mon mandat en différents lieux. Chaque cas d’abus sexuel est terrible et irréparable. Aux victimes d’abus sexuels, j’exprime ma profonde compassion et mon regret pour chaque cas.

Je comprends de plus en plus la répugnance et la peur que le Christ a ressenti sur le Mont des Oliviers quand il a vu tout ce qu’il allait devoir surmonter intérieurement. Que les disciples dorment à ce moment-là, représente malheureusement la situation qui, aujourd’hui encore, se reproduit, et par laquelle je me sens aussi interpellé. Ainsi, je ne peux que prier le Seigneur, les anges et tous les saints et vous aussi, chères sœurs et frères, de prier pour moi le Seigneur notre Dieu.

Bientôt, je serai face au juge ultime de ma vie. Bien que, regardant en arrière ma longue vie, je puisse avoir beaucoup de motifs de frayeur et de peur, mon cœur reste joyeux parce que je crois fermement que le Seigneur n’est pas seulement le juge juste mais, en même temps, l’ami et le frère qui a déjà souffert lui-même mes manquements et qui, en tant que juge, est en même temps mon avocat (Paraclet). À l’approche de l’heure du jugement, la grâce d’être chrétien me devient toujours plus claire. Être chrétien me donne la connaissance, bien plus, l’amitié avec le juge de ma vie et me permet de traverser avec confiance la porte obscure de la mort. À ce propos, me revient sans cesse à l’esprit ce que Jean rapporte au début de l’Apocalypse: il voit le Fils de l’homme dans toute sa grandeur et tombe à ses pieds comme mort. Mais Lui, posant sur lui sa main droite, lui dit: “Ne crains pas! C’est moi….” (cf. Ap 1, 12-17).

Chers amis, avec ces sentiments, je vous bénis tous.

Benoît XVI

Texte et traduction de l’original allemand avec l’aimable autorisation du Bureau de presse du Saint-Siège.

Le dialogue: un enrichissement mutuel

blog_1438954927 (Image: Courtoisie Catholic News Service)

Depuis maintenant plusieurs décennies, notre monde subit des changements inédits. En effet, à la grande mobilité que nous offrent les moyens modernes de transport tel que l’avion, viennent s’ajouter les technologies de communication qui nous permettent d’être en contact avec n’importe qui, n’importe où sur la planète. À ces deux modifications majeures s’ajoute la prise de conscience toujours plus accrue de notre commune humanité ainsi que de la nécessité de la coexistence. À l’instar des deux précédents millénaires, il n’est plus possible pour quiconque de se réfugier dans un milieu social et culturel homogène. Cette situation qui avait l’avantage d’être, à certains points de vue, plus « confortable », avait le fâcheux désavantage de nous priver du regard de l’autre qui est très souvent, facteur de progrès. De cette nouvelle réalité de la coexistence et des différents défis qui se présentent à nous Canadiens, la Conférence des évêques catholiques du Canada a pris l’initiative de publier un document intitulé « Catholiques et musulmans au Canada : croyants et citoyens dans la société ». Enfin, ce document me semble être un instrument incontournable pour relever ce que le Cardinal Tauran a appelé les trois défis du dialogue islamo chrétien: le défi de l’identité, le défi de l’altérité et le défi de la sincérité.

Le défi de l’altérité : nos différences sont sources d’enrichissement

Ce court document de huit pages présente les grandes lignes du nécessaire « pas en avant » en matière de connaissance religieuse des catholiques sur la foi de nos frères et sœurs musulmans. Citant un texte rédigé par des savants de l’Islam affirmant que « l’avenir du monde dépend de la paix entre musulmans et chrétiens », la CECC propose d’abord des informations générales sur cette « religion du livre ». Retraçant les grandes lignes de l’histoire religieuse musulmane qui est centrée sur la personnalité de son fondateur Muhammad qui « en méditant dans une caverne sur le mont Hira, reçut ce qu’il crut être des révélations divines »[4], le document donne de l’information sur ses concepts religieux fondamentaux et ce qu’il est convenu d’appeler les « cinq piliers de l’Islam »[5]. Cette partie informative ne serait pas complète sans ces importantes indications sur les subdivisions majeures de l’Islam que sont le Sunnisme, le Chiisme et le Soufisme.

Le défi de l’identité : savoir et accepter ce que nous sommes

Après ce regard sur le contenu de la foi islamique, le document explore les similitudes qu’elle peut avoir avec la foi catholique comme par exemple, la croyance en un seul Dieu, créateur et miséricordieux. Prendre conscience des éléments communs entre nous peut être l’occasion d’une redécouverte de sa propre foi, du bien fondée de cette dernière et des fruits que cette vérité a pu produire de beau dans d’autres contextes. Par exemple, s’interroger sur la façon dont les musulmans comprennent et vivent la miséricorde de Dieu pourrait éclairer notre propre expérience. [Read more…]

Vers une encyclique sur l’écologie

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Image: Courtoisie de CNS

Le 5 mars 2015, le cardinal Peter Turkson, président du Conseil Pontifical Justice et Paix, prononçait un discours au Trócaire 2015 (l’Agence irlandaise catholique d’aide pour le développement international) à l’Université pontificale Saint-Patrick à Maynooth en Irlande. Ce discours était d’une importance capitale puisqu’il est considéré par plusieurs comme étant un prélude à la prochaine encyclique du pape François qui portera sur l’écologie. Dans ce discours prononcé en langue anglaise, le cardinal Turkson explique ce que l’Église entend lorsqu’elle parle d’écologie. La formule à retenir est celle « d’écologie globale ». En fait, cette expression vise à mettre sous un même toit certaines problématiques qui sont parfois considérées séparément, ce qui nuit à leur résolution. En effet, l’originalité de l’Église est qu’elle voit la racine commune des problèmes liés au soin de l’environnement, au développement des pays et à « l’écologie humaine ». Pour le cardinal Turkson, le pape François cherche avant tout à apporter la « chaleur de l’espoir ». Sa prochaine encyclique montrera donc le rôle bénéfique de la foi catholique dans la résolution de problèmes dont « les régulations, les politiques et les orientations sont nécessaires pour faire face à la pauvreté et aux changements climatiques mais peuvent rester sans effet si elles ne sont pas accompagnées d’une conversion morale et d’un changement du cœur »[2]. Tout cela en plus d’apporter des principes clairs qui peuvent orienter les décideurs politiques et ceux du monde des affaires. Pour ce faire, le Cardinal guinéen a voulu expliciter 4 principes fondamentaux à prendre en compte et à respecter pour un juste
souci de la création.

Un appel universel

Reprenant les grandes orientations formulé par Benoît XVI, c’est-à-dire de celui que l’on a appelé le « pape vert », le cardinal Turkson a mentionné que le souci pour l’environnement n’est pas réservé à une catégorie de personnes ou de pays mais nous concerne tous. Ce qui implique qu’aucun organisme et aucune personnalité ne peut monopoliser le discours et le souci de l’environnement. Prendre soin de la création est une responsabilité qui incombe à tous. De plus, s’il veut prendre soin de la nature qui est hors de lui, il doit prendre soin de sa propre nature. En d’autres termes, protéger la nature implique de protéger la nature humaine contre ce qui la rend malade. Comme le disait Benoît XVI :

« L’Église ne peut pas et ne doit pas se limiter à transmettre à ses fidèles uniquement le message du salut. Elle a une responsabilité à l’égard de la création et doit faire valoir cette responsabilité également en public. Et en le faisant, elle ne doit pas seulement défendre la terre, l’eau et l’air comme des dons de la création appartenant à tous. Elle doit également protéger l’homme contre la destruction de lui-même. Il est nécessaire qu’il existe quelque chose comme une écologie de l’homme, entendue d’une juste manière. »[4].

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« Le cardinal doit être incardiné dans l’Eglise et docile à l’Esprit »

BXVI Consistory 2015Cité du Vatican, 14 février 2015 (VIS). Ce matin en la Basilique vaticane, le Saint-Père a imposé la barrette et attribué leur titre cardinalice au nouveaux Cardinaux. Sur les vingt désignés ne manquait que Mgr.José de Jesús Pimiento Rodríguez, retenu pour raison de santé et d’âge. Il recevra le cardinalat dans quelques jours en Colombie. Présent auprès des Cardinaux, Benoît XVI a été applaudi par l’assemblée puis salué par son successeur. Au début de la cérémonie, le nouveau Cardinal Préfet du Tribunal suprême de la signature Apostolique, Mgr.Dominique Mamberti s’est adressé au Pape au nom de ses confrères: Devenir cardinal, a-t-il dit, « nous insère de manière particulière dans l’histoire de l’Eglise de Rome qui, selon la belle formule d’Ignace d’Antioche, préside à la charité. Ainssi sommes nous invités à sortir de nous mêmes et de nos commodes habitudes pour servir la mission de l’Eglise, ce qui implique ouvrir encore plus notre horizon ». Avant de remettre la barrette, l’anneau et le titre à chacun des élus, le Pape François a prononcé l’allocution suivante:

Chers frères cardinaux,

Le cardinalat est certainement une dignité, mais elle n’est pas honorifique. Le mot « cardinal », qui évoque la « charnière », le dit bien ; ce n’est donc pas quelque chose d’accessoire, de décoratif, qui fait penser à une décoration, mais un pivot, un point d’appui et de mouvement essentiel à la vie de la communauté. Vous êtes des « pivots » et vous êtes incardinés dans l’Église de Rome, qui « préside au rassemblement universel de la charité » (Conc. Oecum. Vat. II, Const. Lumen Gentium, 13 ; cf. Ign. Ant., Ad Rom., Prologue). Dans l’Église, toute présidence vient de la charité, doit s’exercer dans la charité et a comme fin la charité. En cela aussi l’Église qui est à Rome joue un rôle exemplaire : à la manière dont elle préside dans la charité, toute Église particulière est appelée, dans son domaine, à présider dans la charité. [Read more…]

L’Évangile de la joie face au terrorisme

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Image: Courtoisie de CNS

La semaine dernière, deux attentats terroristes perpétrés contre des militaires canadiens faisaient deux morts et allaient mettre en état de choc le pays tout entier. Il est maintenant établi que ces actes ignobles ont été commis au nom de l’idéologie islamiste. Devant une telle tragédie, plusieurs réactions sont possibles. L’Église, comme une Mère attentive à nos besoins, nous offre quelques pistes et critères pour orienter notre réflexion. Je vous invite donc à revisiter avec moi l’exhortation apostolique du pape François « Evangelii Gaudium » qui nous éclaire sur deux points fondamentaux et pertinents devant les événements que nous avons vécus.

Le devoir de rencontre

Dans ce document, le pape François reconnaît que les relations « avec les croyants de l’Islam acquièrent à notre époque une grande importance »[2]. Pour nous catholiques, qui sommes appelés à vivre une conversion missionnaire, il est important de comprendre que nous ne pouvons exclure personne de cette mission qui nous incombe de « prêcher l’Évangile à toutes créatures » (Mc 16, 16). En effet, cette nouvelle ouverture s’adresse à tous. Pour ce faire, nous devons entreprendre un travail sur nous-mêmes. Pour le pape François, ce travail se situe d’abord dans la perspective d’une meilleure compréhension de soi et de l’autre. De fait, un examen rapide montre bien la proximité des musulmans avec la foi chrétienne. Le Concile Vatican II affirme, qu’avec nous ils : « professent avoir la foi d’Abraham, adorent avec nous le Dieu unique, miséricordieux, futur juge des hommes au dernier jour » (no.16). En ce sens, nous pouvons nous compter chanceux d’avoir des concitoyens capables de nous rappeler des éléments de notre propre identité que nous avons peut-être oubliée. Par exemple, quelle joie devrions-nous ressentir d’être encourager, à l’exemple des musulmans, à « consacrer du temps chaque jour à la prière, et de participer fidèlement à leurs rites religieux » (no 252) ? Sans se voiler la face devant la menace réelle que représente une certaine résurgence d’un l’Islam politique, cette mission d’évangélisation par le dialogue avec l’Islam peut aussi nous aider à combattre la tentation des raccourcis intellectuels menant à « d’odieuses généralisations ». [Read more…]

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