Image: Courtoisie de CNS
La semaine dernière, deux attentats terroristes perpétrés contre des militaires canadiens faisaient deux morts et allaient mettre en état de choc le pays tout entier. Il est maintenant établi que ces actes ignobles ont été commis au nom de l’idéologie islamiste. Devant une telle tragédie, plusieurs réactions sont possibles. L’Église, comme une Mère attentive à nos besoins, nous offre quelques pistes et critères pour orienter notre réflexion. Je vous invite donc à revisiter avec moi l’exhortation apostolique du pape François « Evangelii Gaudium » qui nous éclaire sur deux points fondamentaux et pertinents devant les événements que nous avons vécus.
Le devoir de rencontre
Dans ce document, le pape François reconnaît que les relations « avec les croyants de l’Islam acquièrent à notre époque une grande importance »[2]. Pour nous catholiques, qui sommes appelés à vivre une conversion missionnaire, il est important de comprendre que nous ne pouvons exclure personne de cette mission qui nous incombe de « prêcher l’Évangile à toutes créatures » (Mc 16, 16). En effet, cette nouvelle ouverture s’adresse à tous. Pour ce faire, nous devons entreprendre un travail sur nous-mêmes. Pour le pape François, ce travail se situe d’abord dans la perspective d’une meilleure compréhension de soi et de l’autre. De fait, un examen rapide montre bien la proximité des musulmans avec la foi chrétienne. Le Concile Vatican II affirme, qu’avec nous ils : « professent avoir la foi d’Abraham, adorent avec nous le Dieu unique, miséricordieux, futur juge des hommes au dernier jour » (no.16). En ce sens, nous pouvons nous compter chanceux d’avoir des concitoyens capables de nous rappeler des éléments de notre propre identité que nous avons peut-être oubliée. Par exemple, quelle joie devrions-nous ressentir d’être encourager, à l’exemple des musulmans, à « consacrer du temps chaque jour à la prière, et de participer fidèlement à leurs rites religieux » (no 252) ? Sans se voiler la face devant la menace réelle que représente une certaine résurgence d’un l’Islam politique, cette mission d’évangélisation par le dialogue avec l’Islam peut aussi nous aider à combattre la tentation des raccourcis intellectuels menant à « d’odieuses généralisations ».
Le progrès par le dialogue
Dans l’Evangelii Gaudium, le pape François nous donne un bon exemple du comment exercer ce dialogue en s’adressant directement à eux. Après avoir exhorter les pays à majorité musulmane ou officiellement musulmans à respecter et protéger les libertés fondamentales des minorités religieuses présentes sur leur territoire, le pape leur a offert certaines lignes pouvant les aider à faire face à la tentation islamiste présente au sein de leur communauté. Ce devoir d’entraide nous incombe particulièrement à nous qui sommes appelés à :
« reconnaître les valeurs des autres, de comprendre les préoccupations sous jacentes à leurs plaintes, et de mettre en lumière les convictions communes [et à] accueillir avec affection et respect les immigrés de l’Islam qui arrivent dans nos pays » (no. 253)
En ce sens, il est intéressant de se pencher sur deux éléments qui, selon moi, nous montrent la meilleure attitude à adopter. Pour le pape François, malgré le danger que représentent les « épisodes de fondamentalisme violent qui nous inquiètent » nous devons manifester de « l’affection envers les vrais croyants de l’Islam ». Par l’usage des mots « vrais croyants » l’évêque de Rome montre que les vrais fidèles de l’Islam sont ceux qui croient et non ceux qui savent. Cet acte de croire en Dieu qui se révèle, qui unit les chrétiens et les musulmans, nous porte à nous éloigner de certains comportements comme le prosélytisme qui vise à imposer sa religion aux autres. De plus, le simple acte de croire en la parole d’une Personne aide à garder une certaine humilité devant la complexité des rapports sociaux et des moyens pour parvenir au vrai progrès politique. Cette humilité permet également de ne pas négliger les apports positifs de la modernité et de comprendre que, pardonnez-moi l’expression, Dieu est assez grand pour se défendre tout seul ! Ainsi, un authentique acte de croire relativise les prétentions de ceux qui voient dans l’application d’une loi, comme le veut l’idéologie islamiste, une solution à tous les problèmes de la société. Enfin, « croire véritablement » implique de faire référence à d’autres principes comme la dignité de l’homme et la grandeur de sa destinée.
Le deuxième élément proposé par le pape François est celui d’encourager les musulmans à mieux manifester que « le véritable Islam et l’adéquate interprétation du Coran s’opposent à toute violence » (no 253) . Le véritable Islam, comme dit le Pape, doit se concentrer sur son identité de religion puisque c’est en tant que tel qu’il s’oppose à toute violence : « la violence est contraire à la raison. Elle est contraire à la nature de Dieu et à la nature de l’âme »[8]. Ainsi, dans un premier temps, puisque l’Islam est une religion, elle doit se concentrer sur les éléments religieux présents en elle et insister sur ces derniers. Dans un deuxième temps, le Coran doit être lu à la lumière certaines vérités fondamentales et religieuses présentes en lui : 1) Suivre l’exemple et l’attitude d’Abraham (Nostra Aetate, no 3); 2) Approfondir la connaissance de Jésus et de Marie qui « sont objets de profonde vénération » et 3) promouvoir, avec les chrétiens, un « engagement éthique et d’agir avec miséricorde envers les plus pauvres » (no. 252). Ce qui signifie être des promoteurs d’un monde plus juste où la paix et la liberté sont des valeurs non négociables.
Les actes terroristes des dernières semaines ont eu pour conséquence une grande manifestation d’un patriotisme qui réchauffe les cœurs. Cependant, l’amour de la patrie ne doit pas se limiter à cette sympathie extérieure. Il doit se concrétiser par un engagement de tous les Canadiens, incluant les membres des communautés musulmanes, pour la justice, la paix et la liberté. Cela coïncide également avec les valeurs fondamentales des religions. En ce sens, le pape François nous exhorte tous à une meilleure compréhension mutuelle qui passe par une meilleure connaissance de soi. Seulement ainsi serons-nous en mesure de faire face, ensemble, au risque de ne pas être à la hauteur de notre dignité et de notre vocation à la communion entre nous et avec Dieu.