Homélie du pape François pour la messe de minuit 2023

La crèche traditionnelle de la place Saint-Pierre. © Sel + Lumière Média, 2023.

Le dimanche 24 décembre, le pape François a prononcé l’homélie de la messe de minuit. Il a déclaré que dans le Christ enfant, « nous voyons, non pas un dieu de colère et de châtiment, mais le Dieu de la miséricorde, qui prend chair et entre dans le monde dans la faiblesse, annoncé par l’annonce : « sur la terre, paix entre ceux qu’il favorise » (Luc 2:14). »

Voici le texte intégral:

SOLENNITÉ DE LA NATIVITÉ DU SEIGNEUR

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Basilique vaticane
Dimanche 24 décembre 2023

Le recensement sur toute la terre (cf. Lc 2, 1). Tel est le contexte dans lequel Jésus est né et sur lequel l’Évangile s’attarde. Il aurait pu l’évoquer rapidement, mais il en parle avec précision. Ce faisant, il met en évidence un fort contraste : tandis que l’empereur compte les habitants du monde, Dieu y entre presque en secret ; tandis que ceux qui commandent cherchent à s’élever parmi les grands de l’histoire, le Roi de l’histoire choisit la voie de la petitesse. Aucun des puissants ne le remarque, seuls quelques bergers, relégués aux marges de la vie sociale.

Mais le recensement en dit plus. Dans la Bible, il n’a pas laissé un bon souvenir. Le roi David, succombant à la tentation des grands nombres et à une prétention malsaine à l’autosuffisance, avait commis un grave péché précisément en recensant le peuple. Il voulait en connaître la force et, en neuf mois environ, il obtint le nombre de ceux qui savaient manier l’épée (cf. 2 S 24, 1-9). Le Seigneur s’indigna et un malheur s’abattit sur le peuple. En cette nuit, cependant, Jésus le “Fils de David”, après neuf mois dans le sein de Marie, naît à Bethléem, la ville de David. Il ne sanctionne pas le recensement et se laisse humblement dénombrer.Un parmi tant d’autres. Nous ne voyons pas un dieu en colère qui châtie, mais le Dieu miséricordieux qui s’incarne, qui entre faible dans le monde, avec la proclamation : « Paix sur la terre aux hommes » (Lc 2, 14) qui le précède. Et notre cœur, ce soir, est à Bethléem, où le Prince de la paix est encore rejeté par la logique perdante de la guerre, avec le fracas des armes qui, aujourd’hui encore, l’empêche de trouver une place dans le monde (cf. Lc 2, 7).

Le recensement de la terre entière, en somme, manifeste d’une part la trame trop humaine qui traverse l’histoire : celle d’un monde en quête de pouvoir et de puissance, de célébrité et de gloire, où tout se mesure à l’aune des réalisations et des résultats, des chiffres et des nombres. C’est l’obsession de la performance. Mais en même temps, dans le recensement, le chemin de Jésus, qui vient nous chercher par l’incarnation, se singularise. Il n’est pas le Dieu de la performance, mais le Dieu de l’incarnation. Il ne renverse pas les injustices d’en haut par la force, mais d’en bas par l’amour ; il ne se déploie pas avec un pouvoir illimité, mais s’immerge dans nos limites ; il n’évite pas nos fragilités, mais les assume.

Frères et sœurs, nous pouvons nous demander cette nuit : en quel Dieu croyons-nous ? Au Dieu de l’incarnation ou au Dieu de la performance ? Oui, parce que il y a un risque de vivre Noël avec en tête une idée païenne de Dieu. Comme s’il était un maître puissant dans le ciel, un dieu lié au pouvoir, au succès mondain et à l’idolâtrie du consumérisme. Toujours revient la fausse image d’un dieu détaché et susceptible, qui se comporte bien avec les bons et se fâche avec les mauvais ; un dieu fait à notre image, utile seulement pour résoudre nos problèmes et supprimer nos maux. Au contraire, Il n’utilise pas de baguette magique, Il n’est pas le dieu commercial du “tout et tout de suite” ; il ne nous sauve pas en appuyant sur un bouton, mais il se fait proche pour changer la réalité de l’intérieur. Et pourtant, combien est ancrée en nous l’idée mondaine d’un dieu distant et contrôleur, rigide et puissant, qui aide les siens à l’emporter sur les autres !Très souvent, cette image est enracinée en nous. Mais il n’en est pas ainsi : il est né pour tous, lors du recensement de toute la terre.

Tournons-nous donc vers le « Dieu vivant et vrai » (1 Th 1, 9) : vers Lui qui est au-delà de tout calcul humain et qui pourtant se laisse recenser par nos comptages ; vers Lui qui révolutionne l’histoire en l’habitant ; vers Lui qui nous respecte jusqu’à nous permettre de le rejeter ; vers Lui qui annule le péché en le prenant sur Lui, qui n’enlève pas la souffrance mais la transforme, qui n’enlève pas les problèmes de nos vies mais qui donne à nos vies une espérance plus grande que les problèmes. Il désire tellement embrasser nos existences que, infini, il devient pour nous fini ; grand, il devient petit ; juste, il habite nos injustices. Frères et sœurs, telle est la merveille de Noël : non pas un mélange d’affections sentimentales et de conforts mondains, mais la tendresse sans précédent de Dieu qui sauve le monde en s’incarnant. Regardons l’Enfant, regardons sa mangeoire, regardons la crèche, que les anges appellent « le signe » (Lc 2, 12) : elle est en effet le signe révélateur du visage de Dieu, qui est compassion et miséricorde, tout-puissant toujours et seulement dans l’amour.Il se fait proche, il se fait proche, tendre et compatissant, c’est la manière d’être de Dieu : proximité, compassion, tendresse.

Sœurs et frères, émerveillons-nous car “il s’est fait chair” (cf. Jn 1, 14). Chair : un mot qui rappelle notre fragilité et que l’Évangile utilise pour nous dire que Dieu est entré au plus profond de notre condition humaine. Pourquoi est-Il allé si loin ? – nous nous demandons –. Parce qu’en nous tout est important pour Lui, parce qu’Il nous aime au point de nous considérer comme plus précieux que tout le reste. Frères et sœurs, pour Dieu qui a changé l’histoire lors du recensement, tu n’es pas un numéro, mais tu es un visage ; ton nom est inscrit dans son cœur. Mais toi, en regardant ton cœur, les performances qui ne sont pas à la hauteur, le monde qui juge et ne pardonne pas, peut-être vis-tu mal ce Noël, en pensant que tu ne fais pas bien, en nourrissant un sentiment d’inadéquation et d’insatisfaction à cause de tes fragilités, de tes chutes, de tes problèmes et de tes péchés. Mais aujourd’hui, s’il te plait, laisse l’initiative à Jésus qui te dit : “C’est pour toi que je me suis fait chair, c’est pour toi que je me suis fait semblable à toi”. Pourquoi restes-tu dans la prison de tes tristesses ? Comme les bergers qui ont laissé leurs troupeaux, laisse l’enclos de tes mélancolies et embrasse la tendresse de l’enfant Dieu. Et fais-le sans masque ni armure, jette en lui tes angoisses et il prendra soin de toi (cf. Ps 55, 23). Lui, qui s’est fait chair, n’attend pas tes performances mais ton cœur ouvert et confiant. Et en Lui tu redécouvriras qui tu es : un fils bien-aimé de Dieu, une fille bien-aimée de Dieu. Maintenant tu peux y croire, car, ce soir, le Seigneur est venu dans la lumière pour illuminer ta vie et ses yeux brillent d’amour pour toi.Nous avons du mal à croire en cela, que les yeux de Dieu brillent d’amour pour nous.

Oui, le Christ ne regarde pas les numéros, mais les visages. Mais qui Le regarde, au milieu des innombrables choses et de la course folle d’un monde toujours affairé et indifférent ? Qui le regarde ? À Bethléem, alors que beaucoup de gens, pris dans l’ivresse du recensement, allaient et venaient, remplissaient les gîtes et les auberges en parlant de choses et d’autres, certains étaient proches de Jésus : Marie et Joseph, les bergers, puis les mages. Apprenons d’eux. Ils ont les yeux fixés sur Jésus, le cœur tourné vers Lui. Ils ne parlent pas, mais ils adorent.Cette nuit, frères et sœurs, est le temps de l’adoration : adorer.

L’adoration est le moyen d’accueillir l’incarnation. Car c’est dans le silence que Jésus, le Verbe du Père, se fait chair dans nos vies. Faisons, nous aussi, comme à Bethléem qui signifie “maison du pain” : tenons-nous devant Lui, Pain de Vie. Redécouvrons l’adoration, car adorer ce n’est pas perdre son temps, mais permettre à Dieu d’habiter notre temps. C’est faire fleurir en nous la semence de l’incarnation, c’est collaborer à l’œuvre du Seigneur qui change le monde comme un levain. Adorer c’est intercéder, réparer, permettre à Dieu de redresser l’histoire. Un grand conteur d’épopées écrivait à son fils : « Je t’offre la seule grande chose à aimer sur terre : le Saint Sacrement. Tu y trouveras le charme, la gloire, l’honneur, la fidélité et le vrai chemin de toutes tes amours sur terre » (J.R.R. Tolkien, Lettre n. 43, mars 1941).

Frères et sœurs, ce soir, l’amour change l’histoire. Fais-nous croire, Seigneur, au pouvoir de ton amour, si différent du pouvoir du monde. Seigneur, fais que comme Marie, Joseph, les bergers et les mages, nous nous rassemblons autour de Toi pour T’adorer. Rendus par Toi plus semblables à Toi, nous pourrons témoigner au monde de la beauté de Ton visage.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Homélie du pape François pour la conclusion de l’Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques

Conclusion de l’Assemblée générale ordinaire du synode des évêques. Photo © Sel + Lumière Média.

L’Assemblée générale 2023 du Synode sur la synodalité s’est achevée par la messe du 29 octobre, 30e dimanche du temps ordinaire. Dans son homélie, le pape François a déclaré : « Nous pouvons avoir beaucoup de bonnes idées sur la façon de réformer l’Église, mais rappelons-nous : adorer Dieu et aimer nos frères et sœurs de son amour, voilà la grande et éternelle réforme. »

Lisez le texte intégral de son homélie ci-dessous :

Messe du 30ème dimanche du temps ordinaire
Conclusion de l’Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques
Homélie de Sa Sainteté

C’est vraiment avec un prétexte qu’un docteur de la Loi se présente à Jésus, et seulement pour le mettre à l’épreuve. Il s’agit cependant d’une question importante, une question toujours actuelle, qui se fraye parfois un chemin dans nos cœurs et dans la vie de l’Église : « Quel est le grand commandement ? » (Mt 22, 36). Nous aussi, plongés dans le fleuve vivant de la Tradition, nous nous demandons : quelle est la chose la plus importante ? Quel est le centre propulseur ? Qu’est-ce qui compte le plus, au point d’être le principe inspirateur de tout ? Et la réponse de Jésus est claire : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Mt 22, 37-39).

Frères cardinaux, frères évêques et prêtres, religieuses et religieux, sœurs et frères, au terme de cette étape du chemin que nous avons parcouru, il est important de regarder le “principe et le fondement” sur lequel tout commence et recommence : aimer. Aimer Dieu par toute notre vie et aimer notre prochain comme soi-même. Non pas nos stratégies, non pas les calculs humains, non pas les manières du monde, mais aimer Dieu et le prochain : voilà le cœur de tout. Mais comment traduire cet élan d’amour ? Je vous propose deux verbes, deux mouvements du cœur sur lesquels je voudrais réfléchir : adorer et servir. Aimer Dieu se fait à travers l’adoration et le service.

Le premier verbe, adorer. Aimer, c’est adorer. L’adoration est la première réponse que nous pouvons donner à l’amour gratuit, à l’amour surprenant de Dieu. L’émerveillement de l’adoration est essentiel dans l’Église, surtout à notre époque où nous avons perdu l’habitude de l’adoration. Adorer c’est en effet reconnaître dans la foi que Dieu seul est Seigneur et que notre vie, le chemin de l’Église, le destin de l’histoire dépendent de la tendresse de son amour. Il est le sens de la vie.

En l’adorant, nous nous redécouvrons libres. C’est pourquoi l’amour du Seigneur dans l’Écriture est souvent associé à la lutte contre l’idolâtrie. Ceux qui adorent Dieu rejettent les idoles car, alors que Dieu libère, les idoles asservissent. Elles nous trompent et ne tiennent jamais leurs promesses car elles sont « ouvrages de mains humaines » (Ps 113b, 4). L’Écriture est sévère à l’égard de l’idolâtrie parce que les idoles sont l’œuvre de l’homme qui les manipule, alors que Dieu est toujours le Vivant, qui est ici et au-delà, « qui n’est pas fait comme je le pense, qui ne dépend pas de ce que j’attends de lui, qui peut donc bouleverser mes attentes, précisément parce qu’il est vivant. La preuve que nous n’avons pas toujours une idée juste de Dieu, c’est que nous sommes parfois déçus : je m’attendais à ceci, j’imaginais que Dieu se comportait ainsi, et je me suis trompé. Nous nous engageons ainsi sur la voie de l’idolâtrie en voulant que le Seigneur agisse selon l’image que nous nous sommes faite de lui » (C.M. Martini, I grandi della Bibbia. Esercizi spirituali con l’Antico Testamento, Firenze 2022, 826-827). Et c’est un risque que nous pouvons toujours courir : penser que nous “contrôlons Dieu”, enfermer son amour dans nos schémas. Au contraire, son action est toujours imprévisible, elle va au-delà, et c’est pourquoi cet agir de Dieu exige émerveillement et adoration. L’émerveillement est si important !

Nous devons toujours lutter contre les idolâtries ; les idolâtries mondaines qui découlent souvent de la vanité personnelle, comme la soif de succès, l’affirmation de soi à tout prix, l’avidité pour l’argent – le diable entre par la poche, ne l’oublions pas -, l’attrait du carriérisme ; mais aussi les idolâtries déguisées en spiritualité : ma propre spiritualité, mes propres idées religieuses, mes prouesses pastorales… Soyons vigilants pour ne pas nous mettre au centre plutôt que Lui. Et revenons à l’adoration. Qu’elle soit centrale pour nous, pasteurs : consacrons chaque jour du temps à l’intimité avec Jésus Bon Pasteur devant le tabernacle. Adorer. Que l’Église soit adoratrice : dans chaque diocèse, dans chaque paroisse, dans chaque communauté, adorons le Seigneur ! Parce que ce n’est que de cette manière que nous nous tournerons vers Jésus et non vers nous-mêmes ; parce que ce n’est qu’à travers un silence d’adoration que la Parole de Dieu habitera nos paroles ; parce que ce n’est que devant Lui que nous serons purifiés, transformés et renouvelés par le feu de son Esprit. Frères et sœurs, adorons le Seigneur Jésus !

Le second verbe est servir. Aimer, c’est servir. Dans le grand commandement, le Christ lie Dieu et le prochain pour qu’ils ne soient jamais séparés. Il n’existe pas d’expérience religieuse qui soit sourde aux cris du monde, une véritable expérience religieuse. Il n’y a pas d’amour de Dieu sans implication dans le soin du prochain, sous peine de pharisaïsme. Nous pouvons en effet avoir beaucoup de belles idées pour réformer l’Église, mais rappelons-nous : adorer Dieu et aimer nos frères de son amour, voilà la grande et durable réforme. Être une Église adoratrice et une Église du service qui lave les pieds de l’humanité blessée, qui accompagne le chemin des personnes fragiles, faibles et laissées-pour-compte, qui va tendrement à la rencontre des plus pauvres. C’est ce que Dieu a ordonné, nous l’avons entendu, dans la première lecture.

Frères et sœurs, je pense à ceux qui sont victimes des atrocités de la guerre ; aux souffrances des migrants, à la douleur cachée de ceux qui se retrouvent seuls et dans la pauvreté ; à ceux qui sont écrasés par les fardeaux de la vie ; à ceux qui n’ont plus de larmes, à ceux qui n’ont plus de voix. Et je pense à combien de fois, derrière de belles paroles et de douces promesses, des formes d’exploitation sont encouragées ou rien n’est fait pour les empêcher. C’est un péché grave que d’exploiter les plus faibles, un péché grave qui ronge la fraternité et dévaste la société. Nous, disciples de Jésus, nous voulons apporter au monde un autre levain, celui de l’Évangile : Dieu à la première place, et avec Lui ceux qu’Il préfère, les pauvres et les faibles.

Telle est, frères et sœurs, l’Église dont nous sommes appelés à rêver : une Église au service de tous, au service des derniers. Une Église qui n’exige jamais un bulletin de “bonne conduite”, mais qui accueille, sert, aime, pardonne. Une Église aux portes ouvertes qui soit un port de miséricorde. « L’homme miséricordieux – dit Chrysostome – est un port pour ceux qui sont dans le besoin : le port accueille et sauve du danger tous les naufragés ; qu’ils soient méchants, bons, ou qu’ils soient ce qu’ils sont […], le port les abrite dans son anse. Toi donc aussi, quand tu verras à terre un homme qui a fait naufrage dans la pauvreté, ne le juge pas, ne lui demande pas compte de sa conduite, mais délivre-le du malheur » (Discours sur le pauvre Lazare, II, 5).

Frères et sœurs, l’Assemblée synodale s’achève. Dans cette « conversation de l’Esprit », nous avons pu expérimenter la tendre présence du Seigneur et découvrir la beauté de la fraternité. Nous nous sommes écoutés les uns les autres et surtout, dans la riche variété de nos histoires et de nos sensibilités, nous nous sommes mis à l’écoute de l’Esprit-Saint. Aujourd’hui, nous ne voyons pas le fruit complet de ce processus, mais avec anticipation, nous pouvons regarder l’horizon qui s’ouvre devant nous : le Seigneur nous guidera et nous aidera à être une Église plus synodale et plus missionnaire, qui adore Dieu et sert les femmes et les hommes de notre temps, en allant porter à tous la joie consolatrice de l’Évangile.

Frères et sœurs : pour tout ce que vous avez fait au sein du Synode et continuez à faire, je vous dis merci ! Merci pour le chemin que nous avons parcouru ensemble, pour l’écoute et le dialogue. En vous remerciant, je voudrais formuler un vœu pour nous tous : que nous puissions grandir dans l’adoration de Dieu et dans le service au prochain. Adorer et servir. Que le Seigneur nous accompagne. Et en avant, dans la joie !

 

 

Homélie du pape François lors de la messe d’ouverture du Synode 2023

L’Assemblée générale 2023 du Synode sur la synodalité a débuté par la Sainte Messe le 4 octobre, en la fête de Saint François d’Assise. Dans son homélie, le pape François a affirmé que « le Synode sert à nous rappeler ceci : notre Mère l’Église a toujours besoin d’être purifiée, d’être « réparée », car nous sommes un peuple composé de pécheurs pardonnés – les deux éléments : pécheurs pardonnés – qui ont toujours besoin de revenir à la source qu’est Jésus et de se remettre sur les chemins de l’Esprit pour atteindre tout le monde avec son Évangile. »

Messe avec les nouveaux cardinaux et le Collège des cardinaux
Ouverture de l’Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques
Homélie de Sa Sainteté
Place Saint-Pierre
Mercredi 4 octobre 2023

Voici le texte intégral:

L’Évangile que nous venons d’entendre est précédé par le récit d’un moment difficile de la mission de Jésus, que nous pourrions définir comme un moment de “désolation pastorale” : Jean Baptiste doute qu’il soit vraiment le Messie ; de nombreuses villes qu’il a traversées, malgré les miracles accomplis, ne se sont pas converties ; les gens l’accusent d’être un glouton et un ivrogne, alors qu’un peu plus tôt ils s’étaient plaints du Baptiste parce qu’il était trop austère (cf. Mt 11, 2-24). Cependant, nous voyons que Jésus ne se laisse pas abattre par la tristesse, mais il lève les yeux vers le ciel et bénit le Père parce qu’il a révélé aux simples les mystères du Royaume de Dieu : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits » (Mt 11, 25). Au moment de la désolation, Jésus a donc un regard capable de voir au-delà: il loue la sagesse du Père et il est capable de discerner le bien caché qui grandit, la semence de la Parole accueillie par les simples, la lumière du Royaume de Dieu qui se fraye un chemin même dans la nuit. 

Chers frères cardinaux, frères évêques, sœurs et frères, nous sommes à l’ouverture de l’Assemblée synodale. Et nous n’avons pas besoin d’un regard immanent, fait de stratégies humaines, de calculs politiques ou de batailles idéologiques. Nous ne sommes pas ici pour mener une réunion parlementaire ou un plan de réforme. Non. Nous sommes ici pour marcher ensemble sous le regard de Jésus, qui bénit le Père et accueille tous ceux qui sont fatigués et opprimés. Partons donc du regard de Jésus, un regard qui bénit et qui accueille.

1. C’est avant tout un regard qui bénit. Bien qu’il ait fait l’expérience du rejet et qu’il ait vu tant de dureté de cœur autour de lui, le Christ ne se laisse pas emprisonner par la déception, il ne devient pas amer, il n’éteint pas la louange ; son cœur, enraciné dans le primat du Père, reste serein même dans la tempête. 

Ce regard qui bénit du Seigneur nous invite aussi à être une Église qui, avec un esprit joyeux, contemple l’action de Dieu et discerne le présent. Et qui, au milieu des vagues parfois agitées de notre temps, ne se décourage pas, ne cherche pas d’échappatoires idéologiques, ne se barricade pas derrière des convictions acquises, ne cède pas aux solutions faciles, ne se laisse pas dicter son agenda par le monde. Telle est la sagesse spirituelle de l’Église, résumée avec sérénité par saint Jean XXIII : « Il est nécessaire avant tout que l’Église ne détourne jamais son regard de l’héritage sacré de vérité qu’elle a reçu des anciens. Mais il faut aussi qu’elle se tourne vers les temps présents, qui entraînent de nouvelles situations, de nouvelles formes de vie et ouvrent de nouvelles voies à l’apostolat » (Discours pour l’ouverture solennelle du Concile œcuménique Vatican II, 11 octobre 1962). 

Le regard qui bénit de Jésus nous invite à être une Église qui n’affronte pas les défis et les problèmes d’aujourd’hui avec un esprit de division et de conflit, mais qui, au contraire, tourne les yeux vers Dieu qui est communion et, avec crainte et humilité, le bénit et l’adore, le reconnaissant comme son unique Seigneur. Nous Lui appartenons et – ne l’oublions pas – nous n’existons que pour Le 

porter au monde. Comme nous l’a dit l’apôtre Paul, « la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste notre seule fierté » (Ga 6, 14). Cela nous suffit, Il nous suffit. Nous ne voulons pas de gloires terrestres, nous ne voulons pas paraitre beaux aux yeux du monde, mais le rejoindre avec la consolation de l’Évangile, pour mieux témoigner, à tous, de l’amour infini de Dieu. En effet, comme l’a dit Benoît XVI en s’adressant à une Assemblée synodale, « La question pour nous est la suivante : Dieu a parlé, Il a vraiment rompu le grand silence, Il s’est montré, mais comment pouvons-nous faire arriver cette réalité à l’homme d’aujourd’hui afin qu’elle devienne salut? » (Méditation au cours de la 1ère Congrégation générale de la XIIIe Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques, 8 octobre 2012). Telle est la question fondamentale. Et c’est la tâche première du Synode : recentrer notre regard sur Dieu, pour être une Église qui regarde l’humanité avec miséricorde. Une Église unie et fraternelle, qui écoute et dialogue ; une Église qui bénit et encourage, qui aide ceux qui cherchent le Seigneur, qui secoue avec bienveillance les indifférents, qui ouvre des chemins pour initier les personnes à la beauté de la foi. Une Église qui a Dieu en son centre et qui, par conséquent, ne se divise pas à l’intérieur et n’est jamais dure à l’extérieur. C’est ainsi que Jésus veut l’Église, son Épouse.

2. Après le regard qui bénit, nous contemplons le regard du Christ qui accueille. Alors que ceux qui se croient sages ne reconnaissent pas l’œuvre de Dieu, lui se réjouit dans le Père parce qu’il se révèle aux petits, aux simples, aux pauvres en esprit. Ainsi, tout au long de sa vie, il adopte ce regard hospitalier envers les plus faibles, les souffrants, les laissés-pour-compte. C’est vers eux, en particulier, qu’il se tourne, en disant ce que nous avons entendu : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos » (Mt 11, 28).

Ce regard accueillant de Jésus nous invite également à être une Église hospitalière. Dans une époque complexe comme la nôtre, de nouveaux défis culturels et pastoraux apparaissent, qui requièrent une attitude intérieure cordiale et douce, afin que nous puissions nous confronter sans crainte. Dans le dialogue synodal, dans cette belle “marche dans l’Esprit Saint” que nous entreprenons ensemble en tant que Peuple de Dieu, nous pouvons grandir dans l’unité et l’amitié avec le Seigneur pour regarder les défis d’aujourd’hui avec son regard ; pour devenir, selon une belle expression de saint Paul VI, une Église qui « se fait conversation » (Lett. enc. Ecclesiam suam, n. 67). Une Église dont “le joug est doux” (cf. Mt 11, 30), qui n’impose pas de fardeaux et qui répète à chacun : “Venez, vous qui êtes fatigués et opprimés, venez, vous qui vous êtes égarés ou qui vous sentez loin, venez, vous qui avez fermé les portes de l’espérance : l’Église est là pour vous”.

3. Frères et sœurs, Peuple saint de Dieu, face aux difficultés et aux défis qui nous attendent, le regard qui accueille et bénit Jésus nous empêche de tomber dans certaines tentations dangereuses : être une Église rigide, qui s’arme contre le monde et regarde en arrière ; être une Église tiède, qui se soumet aux modes du monde ; être une Église fatiguée, repliée sur elle-même. Marchons ensemble, humbles, ardents et joyeux. Marchons sur les traces de saint François d’Assise, le saint de la pauvreté et de la paix, le “fou de Dieu” qui a porté dans son corps les stigmates de Jésus et s’est dépouillé de tout pour se revêtir de Lui. Saint Bonaventure raconte que, tandis qu’il priait, le Crucifié lui dit : « Va et répare mon église » (Legenda maior, II, 1). Le Synode sert à nous rappeler ceci : notre Mère l’Église a toujours besoin d’être purifiée, d’être “réparée”, parce que tous nous sommes un Peuple de pécheurs pardonnés, qui ont toujours besoin de revenir à la source qu’est Jésus et de se remettre sur les chemins de l’Esprit pour rejoindre tout le monde avec son Évangile. François d’Assise, à une époque de grandes luttes et de divisions entre les pouvoirs temporel et religieux, entre l’Église institutionnelle et les courants hérétiques, entre les chrétiens et les autres croyants, n’a critiqué ni critiqué personne, mais il a pris à bras le corps les armes de l’Évangile : l’humilité et l’unité, la prière et la charité. Faisons de même !

Et si le saint Peuple de Dieu, et ses pasteurs, partout dans le monde, nourrit des attentes, des espoirs et même quelques craintes à l’égard du Synode que nous commençons, souvenons-nous qu’il ne s’agit non pas d’un rassemblement politique, mais d’une convocation dans l’Esprit ; non pas d’un parlement polarisé, mais d’un lieu de grâce et de communion. L’Esprit Saint brise souvent nos attentes pour créer quelque chose de nouveau qui dépasse nos prédictions et notre négativité. Ouvrons-nous à Lui et invoquons-Le, Lui le protagoniste, l’Esprit Saint. Et avec Lui, marchons, dans la confiance et la joie. 

 

 

Homélie du pape François durant la veillée œcuménique de prière

Homélie du pape François lors de la veillée œcuménique de prière par laquelle il demande à l’Esprit le don de l’écoute pour les participants au Synode : « Écoute de Dieu jusqu’à entendre avec Lui le cri du peuple ; écoute du peuple, jusqu’à y respirer la volonté à laquelle Dieu nous appelle »

VEILLÉE ŒCUMÉNIQUE DE PRIÈRE

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Place Saint-Pierre
Samedi 30 septembre 2023

Voici le texte intégral:

« Together ». « Ensemble ». Comme la communauté chrétienne des premiers temps le jour de la Pentecôte ; comme un seul troupeau, aimé et rassemblé par un seul Pasteur, Jésus ; comme la grande foule de l’Apocalypse, nous sommes ici, frères et sœurs « de toutes nations, tribus, peuples et langues » (Ap 7, 9), provenant de communautés et de pays différents, filles et fils du même Père, animés par l’Esprit reçu au baptême, appelés à la même espérance (cf. Ep 4, 4-5).

Merci pour votre présence. Merci à la communauté de Taizé pour cette initiative. Je salue très chaleureusement les chefs d’Églises, les responsables et les délégations des différentes traditions chrétiennes, et je vous salue tous, en particulier les jeunes : merci. Merci d’être venus prier pour nous et avec nous, à Rome, avant l’Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques, à la veille de la retraite spirituelle qui la précède. « Syn-odos » : marchons ensemble, pas seulement les catholiques, mais tous les chrétiens, tout le peuple des baptisés, tout le Peuple de Dieu, parce que « seul l’ensemble peut être l’unité de tous » (J.A. Möhler, Symbolik oder Darstellung der dogmatischen Gegensätze der Katholiken und Protestanten nach ihren öffentlichen Bekenntnisschriften, II, Köln-Olten 1961, 698).

Comme la grande foule de l’Apocalypse, nous avons prié en silence, en écoutant un « grand silence » (cf. Ap 8, 1). Et le silence est important, il est puissant : il peut exprimer une douleur indicible face au malheur, mais aussi, dans les moments de joie, une allégresse qui dépasse les mots. C’est pourquoi je voudrais réfléchir brièvement avec vous sur son importance dans la vie du croyant, dans la vie de l’Église et dans le chemin d’unité des chrétiens. L’importance du silence.

Premièrement, le silence est essentiel dans la vie du croyant. En effet, il se trouve au début et à la fin de l’existence terrestre du Christ. Le Verbe, la Parole du Père, s’est fait « silence » dans la mangeoire et sur la croix, dans la nuit de la Nativité et dans celle de Pâques. Ce soir, nous, chrétiens, nous nous tenons en silence devant le Crucifix de Saint-Damien, comme des disciples à l’écoute devant la croix, qui est la cathèdre du Maître. Notre silence n’a pas été vide, mais a été un moment rempli de foi, d’attente et de disponibilité. Dans un monde plein de bruit, nous ne sommes plus habitués au silence, et nous avons même parfois du mal à le supporter parce qu’il nous met face à Dieu et face à nous-mêmes.Et pourtant, il est le fondement de la parole et de la vie. Saint Paul dit que le mystère du Verbe incarné a été « gardé depuis toujours dans le silence » (Rm 16, 25), il nous enseigne que le silence garde le mystère, comme Abraham gardait l’Alliance, comme Marie gardait dans son sein et méditait dans son cœur la vie de son Fils (cf. Lc 1, 31 ; 2, 19 51). Par ailleurs, la vérité n’a pas besoin de cris violents pour atteindre le cœur des hommes. Dieu n’aime pas les proclamations et les clameurs, le bavardage et le vacarme : Dieu préfère plutôt, comme il l’a fait avec Élie, parler dans le « murmure d’une brise légère » (1 R 19,12), dans un « fin silence sonore ». Et alors, nous aussi, comme Abraham, comme Élie, comme Marie, nous avons besoin de nous libérer de tant de bruits pour entendre sa voix. Car ce n’est que dans notre silence que sa Parole résonne.

Deuxièmement, le silence est essentiel dans la vie de l’Église. Les Actes des Apôtres racontent qu’après le discours de Pierre au Concile de Jérusalem, « toute la multitude garda le silence » (Ac 15, 12) en se préparant à recevoir le témoignage de Paul et de Barnabé sur les signes et les prodiges que Dieu avait accomplis parmi les nations. Et cela nous rappelle que le silence dans la communauté ecclésiale rend possible la communication fraternelle dans laquelle l’Esprit Saint harmonise les points de vue ; parce qu’Il est harmonie. Être synodal veut dire s’accueillir les uns les autres en ayant conscience que nous avons tous quelque chose à témoigner et à apprendre, en nous mettant ensemble à l’écoute de « l’Esprit de vérité » (Jn 14, 17) pour savoir ce qu’il « dit aux Églises » (Ap 2, 7). Et le silence permet justement le discernement, à travers l’écoute attentive des « gémissements inexprimables » (Rm 8, 26) de l’Esprit qui résonnent, souvent cachés, dans le Peuple de Dieu. Demandons donc à l’Esprit le don de l’écoute pour les participants au Synode : « Écoute de Dieu jusqu’à entendre avec Lui le cri du peuple ; écoute du peuple, jusqu’à y respirer la volonté à laquelle Dieu nous appelle » (Discours à l’occasion de la Veillée de prière préparatoire au Synode sur la Famille, 4 octobre 2014).

Enfin, troisièmement, le silence est essentiel sur le chemin de l’unité des chrétiens. En effet, il est fondamental pour la prière qui est le point de départ de l’œcuménisme et sans laquelle il est stérile. Jésus, en effet, a prié pour que ses disciples « soient un » (Jn 17, 21). Le silence qui devient prière permet d’accueillir le don de l’unité « comme le Christ la veut », « avec les moyens qu’il veut » (cf. P. Cᴏᴜᴛᴜʀɪᴇʀ, Prière pour l’unité), et non comme le fruit autonome de nos efforts et selon des critères purement humains. Plus nous nous tournons ensemble vers le Seigneur dans la prière, plus nous sentons que c’est Lui qui nous purifie et nous unit au-delà des différences. L’unité des chrétiens grandit dans le silence devant la croix, comme les semences que nous recevrons et qui représentent les différents dons accordés par l’Esprit Saint aux diverses traditions : nous avons le devoir de les semer, avec la certitude que Dieu seul donne la croissance (cf. 1 Co 3, 6). Elles seront un signe pour nous, appelés à notre tour à mourir silencieusement à l’égoïsme pour grandir, sous l’action de l’Esprit Saint, dans la communion avec Dieu et la fraternité entre nous.

C’est pourquoi, frères et sœurs, nous demandons dans la prière commune de réapprendre à faire silence : pour écouter la voix du Père, l’appel de Jésus et le gémissement de l’Esprit. Demandons que le Synode soit un kairós de fraternité, un lieu où l’Esprit Saint purifie l’Église des bavardages, des idéologies et des polarisations. Alors que nous nous dirigeons vers l’important anniversaire du grand Concile de Nicée, demandons de pouvoir adorer unis, et en silence comme les Mages, le mystère du Dieu fait homme, certains que, plus nous serons proches du Christ, plus nous serons unis entre nous. Et comme les sages d’Orient furent conduits à Bethléem par une étoile, que la lumière céleste nous guide vers l’unique Seigneur et vers l’unité pour laquelle Il a prié. Frères et sœurs, mettons-nous en route ensemble, désireux de le rencontrer, de l’adorer et de l’annoncer « pour que le monde croie » (Jn 17, 21).

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Homélie du pape François lors de la messe à la Steppe Arena

Le dimanche 3 septembre, lors de sa visite apostolique en Mongolie, le pape François a prononcé l’homélie de la messe à la Steppe Arena. Il a dit : « Seul l’amour satisfait la soif de nos cœurs, seul l’amour guérit nos blessures, seul l’amour nous apporte la vraie joie. C’est la voie que Jésus nous a enseignée, c’est le chemin qu’il a ouvert devant nous. »

Voici le texte intégral:

HOMÉLIE DU SAINT-PÈRE

Steppe Arena (Oulan-Batar)
Dimanche 3 septembre 2023

Avec les paroles du psaume, nous avons prié : « Ô Dieu, […] mon âme a soif de toi ; après toi languit ma chair, terre aride, altérée, sans eau » (Ps 63, 2). Cette merveilleuse invocation accompagne le voyage de notre vie, au milieu des déserts que nous sommes appelés à traverser. Et c’est précisément dans cette terre aride que nous parvient une bonne nouvelle : nous ne sommes pas seuls sur notre chemin ; nos aridités n’ont pas le pouvoir de rendre notre vie stérile à jamais ; le cri de notre soif n’est pas ignoré. Dieu le Père a envoyé son Fils pour nous donner de l’eau vive de l’Esprit Saint afin de désaltérer notre âme (cf. Jn 4, 10). Et Jésus – nous venons de l’entendre dans l’Évangile – nous montre le chemin pour être désaltérés : c’est le chemin de l’amour, qu’il a parcouru jusqu’au bout, jusqu’à la croix, et sur lequel il nous appelle à le suivre « en perdant la vie pour la retrouver » à nouveau (cf. Mt 16, 24-25).

Arrêtons-nous ensemble sur ces deux aspects : la soif qui nous habite et l’amour qui nous désaltère.

Avant tout, nous sommes appelés à reconnaître la soif qui nous habite. Le psalmiste crie à Dieu sa soif ardente parce que sa vie ressemble à un désert. Ses mots ont une résonance particulière dans une terre comme la Mongolie : un territoire immense, riche d’histoire, une terre pleine de culture, mais aussi marqué par l’aridité de la steppe et du désert. Beaucoup d’entre vous sont habitués à la beauté et à la difficulté de marcher, une action qui rappelle un aspect essentiel de la spiritualité biblique, représentée par la figure d’Abraham et, plus généralement, précisément du peuple d’Israël et de tout disciple du Seigneur : en effet, tous, nous sommes tous des « nomades de Dieu », des pèlerins en quête du bonheur, des voyageurs assoiffés d’amour. Le désert évoqué par le psalmiste se réfère donc à notre vie : nous sommes cette terre aride qui a soif d’une eau limpide, d’une eau qui désaltère en profondeur ; c’est notre cœur qui aspire à découvrir le secret de la vraie joie, celle qui, même au milieu des aridités existentielles, peut nous accompagner et nous soutenir. Oui, nous portons en nous une soif inextinguible de bonheur ; nous sommes à la recherche d’un sens et d’une orientation pour notre vie, d’une motivation pour les activités que nous menons chaque jour ; et surtout nous sommes assoiffés d’amour, car c’est seulement l’amour qui nous satisfait vraiment, qui nous fait sentir bien – l’amour nous fait nous sentir bien -, qui nous ouvre à la confiance, en nous faisant goûter la beauté de la vie. Chers frères et sœurs, la foi chrétienne répond à cette soif ; elle la prend au sérieux ; elle ne la supprime pas, elle ne cherche pas à l’étancher avec des palliatifs ou des substituts : non ! Car notre grand mystère se trouve dans cette soif : elle nous ouvre au Dieu vivant, au Dieu Amour qui vient à notre rencontre pour faire de nous ses enfants et des frères et sœurs entre nous.

Nous en arrivons ainsi au deuxième aspect : l’amour qui nous désaltère. Il y a d’abord eu notre soif, existentielle, profonde, et pensons maintenant à l’amour qui nous désaltère. C’est le contenu de la foi chrétienne : Dieu, qui est amour, dans son Fils Jésus, s’est fait proche de toi, de moi, de nous tous, il veut partager ta vie, tes peines, tes rêves, ta soif de bonheur. Certes, nous nous sentons parfois comme une terre déserte, aride et sans eau, mais il est tout aussi vrai que Dieu prend soin de nous et nous offre l’eau limpide et rafraîchissante, l’eau vive de l’Esprit qui, jaillissant en nous, nous renouvelle, en nous libérant du danger de la sécheresse. Cette eau nous est donnée par Jésus. Comme l’affirme saint Augustin, « si nous nous reconnaissons dans l’assoiffé, nous nous reconnaîtrons aussi dans le désaltéré » (Sur le Psaume 62, 3). En effet, si tant de fois dans notre vie nous faisons l’expérience du désert, de la solitude, de la fatigue, de la stérilité, nous ne devons cependant pas oublier ceci : « Pour que nous ne tombions pas en défaillance dans ce désert – ajoute Augustin – le Seigneur répand en nos cœurs la divine rosée de sa parole […]. Nous sommes altérés et nous pouvons nous rafraîchir au moyen de la grâce que Dieu nous accorde. […] Le Seigneur a pris pitié de notre infortune ; il a tracé pour nous une voie dans le désert de notre vie, il nous a donné Notre-Seigneur Jésus-Christ », qui est la voie dans le désert de la vie. « Pour nous consoler dans ce désolant pèlerinage, des prédicateurs de sa parole ont été envoyés par lui vers nous ; il nous a donné de l’eau pour nous désaltérer dans cette aride solitude, car il a rempli ses Apôtres de l’Esprit-Saint qui est devenu en eux une source d’eau vive, jaillissant jusqu’à la vie éternelle » (ibid. 3.8). Ces paroles, chers frères et sœurs, rappellent votre histoire : dans les déserts de la vie et dans la difficulté d’être une petite communauté, le Seigneur ne vous laisse pas manquer de l’eau de sa Parole, surtout à travers les prédicateurs et les missionnaires qui, oints par l’Esprit Saint, en sèment la beauté. Et la Parole toujours, toujours nous ramène à l’essentiel, à l’essentiel de la foi : se laisser aimer par Dieu pour faire de notre vie une offrande d’amour. Car seul l’amour nous désaltère vraiment. N’oublions pas que seul l’amour désaltère vraiment.

C’est ce que Jésus dit d’un ton fort à l’apôtre Pierre dans l’Évangile d’aujourd’hui. Celui-ci n’accepte pas que Jésus doive souffrir, être accusé par les chefs du peuple, passer par la passion et mourir sur la croix. Pierre réagit, Pierre proteste, il voudrait convaincre Jésus qu’il a tort, car selon lui – et c’est ce que nous pensons si souvent nous aussi – le Messie ne peut pas finir vaincu, et ne peut absolument pas mourir crucifié, comme un malfaiteur abandonné par Dieu. Mais le Seigneur réprimande Pierre, parce que sa façon de penser est « selon le monde », dit le Seigneur, et non selon Dieu (cf. Mt 16, 21-23). Si nous pensons que le succès, le pouvoir, les choses matérielles, suffisent à étancher la soif ardente de notre vie, c’est une mentalité mondaine qui ne conduit à rien de bon et, bien plus, nous laisse plus arides qu’auparavant. Jésus, au contraire, nous montre le chemin : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la trouvera » (Mt 16, 24-25).

Frères et sœurs, le meilleur chemin est celui-ci : embrasser la croix du Christ. Au cœur du christianisme, se trouve cette nouvelle bouleversante, cette nouvelle extraordinaire : lorsque tu perds ta vie, lorsque tu l’offres généreusement dans le service, lorsque tu la risques en l’engageant dans l’amour, lorsque tu en fais un don gratuit pour les autres, alors elle te revient en abondance, elle répand en toi une joie qui ne passe pas, une paix du cœur, une force intérieure qui te soutient. Et nous avons besoin de paix intérieure.

C’est la vérité que Jésus nous invite à découvrir, que Jésus veut vous révéler à tous, à cette terre de Mongolie : il n’est pas nécessaire d’être grand, riche ou puissant pour être heureux : non ! Seul l’amour désaltère notre cœur, seul l’amour guérit nos blessures, seul l’amour nous donne la vraie joie. Et c’est la voie que Jésus a enseignée et ouverte pour nous.

Écoutons donc frères et sœurs, nous aussi, la parole que le Seigneur dit à Pierre : « Passe derrière moi » (Mt 16, 23), c’est-à-dire : deviens mon disciple, fais le même chemin que moi et ne pense plus selon le monde. Alors, avec la grâce du Christ et de l’Esprit Saint, nous pourrons marcher sur le chemin de l’amour. Même quand aimer signifie se renier soi-même, lutter contre les égoïsmes personnels et mondains, prendre le risque de vivre la fraternité. Car s’il est vrai que tout cela exige des efforts et des sacrifices et signifie parfois devoir monter sur la croix, il est encore plus vrai que lorsque nous perdons notre vie pour l’Évangile, le Seigneur nous la donne en abondance, pleine d’amour et de joie, pour l’éternité.

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Remerciement à la fin de la messe

 

Je voudrais profiter de la présence de ces deux frères évêques, l’évêque émérite de Hong Kong et l’évêque actuel de Hong Kong, pour saluer chaleureusement le noble peuple chinois. À tout le peuple, je souhaite le meilleur, et d’aller toujours de l’avant, de toujours progresser ! Et aux catholiques chinois, je demande d’être de bons chrétiens et de bons citoyens. À tous. Merci.

Merci, Éminence, pour vos paroles, et merci pour votre don ! Vous avez dit qu’en ces jours vous avez touché du doigt combien m’est cher le Peuple de Dieu qui est en Mongolie. Certes, je suis parti pour ce pèlerinage avec beaucoup d’attente, avec le désir de vous rencontrer et de vous connaître, et maintenant je remercie Dieu pour vous parce que, à travers vous, Il aime accomplir de grandes choses dans la petitesse. Merci, parce que vous êtes de bons chrétiens et d’honnêtes citoyens. Allez de l’avant, avec douceur et sans peur, en ressentant la proximité et l’encouragement de toute l’Église, et surtout le regard tendre du Seigneur qui n’oublie personne et qui regarde avec amour chacun de ses enfants.

Je salue les frères évêques, les prêtres, les personnes consacrées et tous les amis venus ici de différents pays, en particulier de diverses régions de l’immense continent asiatique, où je suis honoré de me trouver et que j’étreins avec une grande affection. J’exprime ma gratitude particulière à ceux qui aident l’Église locale, en la soutenant spirituellement et matériellement.

Ces jours-ci, d’importantes délégations du gouvernement ont participé à chaque événement : je remercie Monsieur le Président et les Autorités pour l’accueil et leur cordialité, ainsi que pour tous les préparatifs effectués. J’ai touché du doigt la traditionnelle cordialité : merci !

Je salue également de tout cœur les frères et sœurs d’autres Confessions chrétiennes et religions : continuons à grandir ensemble dans la fraternité, comme des semences de paix dans un monde tristement endeuillé par trop de guerres et de conflits.

Et je voudrais adresser une pensée reconnaissante à tous ceux qui ont travaillé ici, beaucoup et depuis si longtemps, pour rendre ce voyage beau, pour rendre ce voyage possible, et à tous ceux qui l’ont préparé par la prière.

Éminence, vous nous avez rappelé que le mot “merci” en langue mongole vient du verbe “se réjouir”. Mes remerciements s’accordent avec cette merveilleuse intuition de la langue locale, parce qu’ils sont pleins de joie. C’est un grand merci à toi, peuple mongol, pour le don de l’amitié que j’ai reçu ces jours-ci, pour ta capacité authentique d’apprécier même les aspects les plus simples de la vie, de garder avec sagesse les relations et les traditions, de cultiver le quotidien avec soin et attention.

La Messe est action de grâce, “Eucharistie”. La célébrer sur cette terre m’a rappelé la prière du père jésuite Pierre Teilhard de Chardin, adressée à Dieu il y a exactement 100 ans, dans le désert d’Ordos, non loin d’ici. Il dit ainsi : « Je me prosterne, ô Seigneur, devant votre Présence dans l’Univers devenu ardent et, sous les traits de tout ce que je rencontrerai, et de tout ce qui m’arrivera, et de tout ce que je réaliserai en ce jour, je vous désire, je vous attends ». Le Père Teilhard était engagé dans des recherches géologiques. Il désirait ardemment célébrer la Messe, mais il n’avait ni pain ni vin avec lui. C’est alors qu’il composa sa “Messe sur le monde”, exprimant ainsi son offrande : « Recevez, Seigneur, cette Hostie totale que la Création, mue par votre attrait, vous présente à l’aube nouvelle ». Et une prière similaire était déjà née en lui alors qu’il se trouvait au front pendant la Première Guerre mondiale, où il travaillait comme brancardier. Ce prêtre, souvent incompris, avait l’intuition que « l’Eucharistie est toujours célébrée, en un sens – dans un certain sens –, sur l’autel du monde » et qu’elle est « le centre vital de l’univers, le foyer débordant d’amour et de vie inépuisables » (Enc. Laudato si’, n. 236), même à notre époque de tensions et de guerres. Prions donc aujourd’hui avec les paroles du père Teilhard : « Verbe étincelant, Puissance ardente, Vous qui pétrissez le Multiple pour lui insuffler votre vie, abaissez, je vous prie, sur nous, vos mains puissantes, vos mains prévenantes, vos mains omniprésentes».

Frères et sœurs de la Mongolie, merci pour votre témoignage, bayarlalaa ! [merci !]. Que Dieu vous bénisse. Vous êtes dans mon cœur et vous y resterez. Souvenez-vous de moi, s’il vous plaît, dans vos prières et dans vos pensées. Merci.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

Homélie du pape François lors de la messe de clôture au « Parque Tejo » | Journées Mondiales de la Jeunesse à Lisbonne 2023

Dimanche, le 6 août 2023
Sixième jour des Journées Mondiales de la Jeunesse à Lisbonne et la Fête de la Transfiguration, le pape François a présenté l’homélie lors de la messe de clôture des JMJ au « Parque Tejo ».

Voici le texte intégral de l’homélie :

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Messe de clôture pour les Journées Mondiales de la Jeunesse
Parque Tejo, Lisbonne
Dimanche, le 6 août 2023

« Seigneur, il est bon que nous soyons ici ! » (Mt 17, 4). Ces paroles, que l’apôtre Pierre a adressées à Jésus sur la montagne de la Transfiguration, nous voulons aussi les faire nôtres après ces journées intenses. Tout ce que nous sommes en train de vivre avec Jésus est beau, ce que nous avons fait ensemble. Et la manière dont nous avons prié est belle, avec une grande joie dans le cœur. Nous pouvons alors nous demander : qu’est-ce que nous remporterons avec nous en retournant à vie quotidienne?

Je voudrais répondre à cette question par trois verbes, en suivant l’Évangile que nous avons entendu. Qu’est-ce que nous remporterons ? : briller, écouter, ne pas craindre. Qu’est-ce que nous remporterons avec nous ? Je réponds par ces trois mots : briller, écouter, ne pas craindre.

Le premier : Briller. Jésus est transfiguré. L’Évangile dit : « Son visage devint brillant comme le soleil » (Mt 17, 2). Il venait d’annoncer sa passion et sa mort sur la croix, brisant ainsi l’image d’un Messie puissant et mondain, décevant les attentes des disciples. Maintenant, pour les aider à accepter le projet d’amour de Dieu sur chacun de nous, Jésus prend trois d’entre eux, Pierre, Jacques et Jean, Il les conduit sur la montagne et est transfiguré. Ce « bain de lumière » les prépare à la nuit de la passion.

Mes amis, chers jeunes, nous avons aujourd’hui encore besoin d’un peu de lumières, d’un éclair de lumière qui soit espérance pour affronter tant d’obscurités qui nous assaillent dans la vie, tant de défaites quotidiennes, pour y faire face avec la lumière de la résurrection de Jésus. Il est la lumière qui ne se couche jamais, Il est la lumière qui brille même dans la nuit. « Notre Dieu a fait briller nos yeux », dit le prêter Esdras (Esd 9, 8). Notre Dieu illumine. Il illumine notre regard, Il illumine notre cœur, Il illumine notre esprit, Il illumine notre désir de faire quelque chose dans la vie. Toujours avec la lumière du Seigneur.

Mais je voudrais vous dire que nous ne devenons pas lumineux lorsque nous sommes sous les projecteurs, non, c’est une erreur. Nous ne devenons pas lumineux lorsque nous affichons une image parfaite, bien ordonnée, bien finie, non. Et non plus lorsque nous nous sentons forts et victorieux. Forts et victorieux mais pas lumineux. Nous brillons quand, en accueillant Jésus, nous apprenons à aimer comme Lui. Aimer comme Jésus : cela nous rend lumineux, cela nous conduit à accomplir des œuvres d’amour. Ne te trompe pas, mon ami, tu deviendras lumière le jour où tu feras des œuvres d’amour. Mais lorsque, au lieu de faire des œuvres d’amour envers les autres, tu te regardes toi-même, comme un égoïste, là, la lumière s’éteint.

Le deuxième verbe est écouter. Sur la montagne, une nuée lumineuse recouvre les disciples. Et le Père parle de cette nuée elle. Et que dit-il ? « Écoutez-le », « Celui-ci est mon Fils bien aimé » (Mt 17, 5). Tout est là : tout ce qu’il y a à faire dans la vie réside dans ce mot : écoutez-le. Écouter Jésus. Tout le secret est là. Écoute ce que Jésus te dit. « Je ne sais pas ce qu’il me dit ». Prends l’Évangile et lis ce que Jésus dit, ce qu’il dit à ton cœur. Car Il a pour nous des paroles de vie éternelle, Il nous révèle que Dieu est Père, qu’Il est amour. Il nous montre le chemin de l’amour. Écoute Jésus. Car, même si c’est avec de la bonne volonté, nous nous engageons sur des chemins qui semblent être des chemins d’amour mais qui, en fin de compte, sont des égoïsmes déguisés en amour. Faites attention aux égoïsme déguisés en amour ! Écoute-le, car Il te dira quel est le chemin de l’amour. Écoute-le.

Briller est le premier mot, soyez lumineux ; écouter, pour ne pas s’égarer ; et enfin, le troisième mot : ne pas avoir peur. N’ayez pas peur. Un mot qui revient si souvent dans la Bible, dans les Évangiles : « N’ayez pas peur ». Ce sont les dernières paroles que Jésus adresse aux disciples au moment de la Transfiguration : « N’ayez pas peur » (Mt 17, 7).

À vous, jeunes, qui avez vécu cette joie, – j’allais dire cette gloire et, de fait, notre rencontre est une sorte de gloire – à vous qui nourrissez de grands rêves mais souvent obscurcis par la crainte de ne pas les voir réalisés; à vous qui pensez parfois ne pas y arriver – un peu de pessimisme nous assaille parfois – ; à vous, jeunes, qui, en ces temps, êtes tentés de vous décourager, de vous juger peut-être inadaptés ou de cacher la douleur en la masquant d’un sourire ; à vous, jeunes, qui voulez changer le monde – et c’est bien de vouloir changer le monde – et qui voulez lutter pour la justice et la paix ; à vous, jeunes, qui y mettez votre engagement et votre imagination, bien que cela vous semble ne pas suffire; à vous, jeunes, dont l’Église et le monde ont besoin comme la terre a besoin de pluie ; à vous, jeunes, qui êtes le présent et l’avenir ; oui, précisément à vous, jeunes, Jésus dit aujourd’hui : « N’ayez pas peur ».

Dans un bref moment de silence, que chacun répète à lui-même dans son cœur ces paroles : « N’ayez pas peur ».

Chers jeunes, je voudrais regarder chacun de vous dans les yeux et vous dire : sois sans crainte, n’aie pas peur ! Mais je vous dis en plus une chose très belle : ce n’est plus moi, c’est Jésus lui-même qui vous regarde maintenant. Il vous regarde, Lui qui vous connaît. Il connaît le cœur de chacun d’entre vous, il connaît la vie de chacun d’entre vous, il connaît les joies, il connaît les peines, les succès et les échecs, il connaît votre cœur. Et aujourd’hui, il vous dit, ici, à Lisbonne, en ces Journées Mondiales de la Jeunesse : « N’ayez pas peur, n’ayez pas peur, courage, n’ayez pas peur ! ».

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de Libreria Editrice Vaticana.

Homélie du pape François lors des Vêpres avec les évêques, les prêtres, les diacres, les personnes consacrées, les séminaristes et les agents pastoraux au « Mosteiro dos Jerónimos ».

Mercredi, le 2 août 2023
Le pape François a prononcé l’homélie lors des Vêpres avec les évêques, les prêtres, les diacres, les personnes consacrées, les séminaristes et les agents pastoraux au « Mosteiro dos Jerónimos » à Lisbonne.

Voici le texte intégral :

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Les Vêpres avec les évêques, les prêtres, les diacres, les personnes consacrées, les séminaristes et les agents pastoraux
Mosteiro dos Jerónimos, Lisbonne
Mercredi, le 2 août 2023

Chers frères Évêques,
chers prêtres et diacres, personnes consacrées et séminaristes,
chers agents pastoraux, frères et sœurs, bonsoir ! 

Je suis heureux d’être parmi vous pour vivre, avec un grand nombre de jeunes, les Journées Mondiales de la Jeunesse, mais aussi pour partager votre cheminement ecclésial, vos luttes et vos espérances. Je remercie Monseigneur José Ornelas Carvalho pour les paroles qu’il m’a adressées. Je voudrais prier avec vous pour que, comme il l’a dit, nous devenions avec les jeunes, audacieux pour étreindre le « rêve de Dieu et pour trouver des voies de participation joyeuse, généreuse et transformante, pour l’Église et pour l’humanité » . 

Je me suis immergé dans la beauté de votre pays, une terre de jonction entre le passé et l’avenir, un lieu de traditions anciennes et de grands changements, embelli par des vallées luxuriantes et des plages dorées donnant sur la beauté infinie de l’océan qui borde le Portugal. Cela me ramène au contexte du premier appel des disciples, que Jésus appela sur les rives de la Mer de Galilée. Je voudrais m’arrêter sur cet appel qui met en lumière ce que nous venons d’entendre dans la brève lecture des vêpres : le Seigneur nous a sauvés et nous a appelés non pas selon nos œuvres, mais selon sa grâce (cf. 2 Tm 1, 9). C’est ce qui s’est passé dans la vie des premiers disciples, lorsque Jésus, en passant, « vit deux barques qui se trouvaient au bord du lac ; les pêcheurs en étaient descendus et lavaient leurs filets » (Lc 5, 2). Jésus monte alors dans la barque de Simon et, après avoir parlé aux foules, transforme la vie de ces pêcheurs en les invitant à prendre le large et à jeter leurs filets. Nous remarquons immédiatement un contraste : d’une part, les pêcheurs descendent de la barque pour laver leurs filets, c’est-à-dire pour les nettoyer, les garder en bon état et rentrer chez eux ; d’autre part, Jésus monte dans la barque et les invite à jeter à nouveau leurs filets pour pêcher. Les différences sont manifestes : les disciples descendent, Jésus monte ; ils veulent ranger les filets, Lui veut qu’ils soient jetés à nouveau à la mer pour pêcher

Tout d’abord, les pêcheurs descendent de la barque pour laver leurs filets. C’est la scène que Jésus a sous les yeux et il s’y arrête précisément. Il vient à peine de faire sa prédication dans la synagogue de Nazareth, mais ses concitoyens l’ont chassé de la ville et ont même essayé de le tuer (cf. Lc 4, 28-30). Il sort alors du lieu sacré et commence à prêcher la Parole parmi les gens, sur les routes où les femmes et les hommes de son temps peinent chaque jour. Le Christ veut apporter la proximité de Dieu précisément dans les lieux et les situations où les gens vivent, luttent, espèrent, en serrant parfois dans leurs mains les échecs et les revers, tout comme ces pêcheurs qui n’avaient rien pris durant la nuit. Jésus regarde avec tendresse Simon et ses compagnons qui, fatigués et amers, lavent leurs filets, faisant un geste répétitif, mais aussi fatigué et résigné : il ne restait plus qu’à rentrer à la maison les mains vides. 

Parfois, dans notre cheminement ecclésial, nous pouvons faire l’expérience d’une lassitude similaire lorsqu’il nous semble tenir dans nos mains que des filets vides. C’est un sentiment assez répandu dans les pays de vieille tradition chrétienne qui connaissent de nombreux changements sociaux et culturels, et qui sont de plus en plus marqués par la sécularisation, l’indifférence à l’égard de Dieu, un recul croissant de la pratique de la foi. Et cela est souvent accentué par la déception et la colère que certains ressentent à l’égard de l’Église, parfois à cause de notre mauvais témoignage et des scandales qui en ont défiguré le visage et qui appellent à une purification humble et constante, en partant du cri de douleur des victimes, toujours à accueillir et à écouter. Mais le risque, lorsque qu’on se sent découragé, est de descendre de la barque en restant pris dans les filets de la résignation et du pessimisme. Au contraire, nous devons apporter au Seigneur nos peines et nos larmes, pour ensuite affronter les situations pastorales et spirituelles en y faisant face avec ouverture de cœur, et en faisant ensemble l’expérience de nouvelles voies à suivre, confiants que Jésus continue à prendre par la main et à relever son Épouse bien-aimée. 

En effet, dès que les apôtres descendent pour laver les outils utilisés, Jésus monte dans la barque et les invite à jeter à nouveau leurs filets. Il vient nous chercher dans nos solitudes et dans nos crises pour nous aider à recommencer. Aujourd’hui encore, il passe sur les rivages de notre existence pour réveiller l’espérance et dire à nous aussi, comme à Simon et aux autres : « Avance au large, et jetez vos filets pour la pêche. » (Lc 5, 4). Frères et sœurs, ce que nous vivons est certainement une époque difficile, mais le Seigneur demande aujourd’hui à cette Église : « Veux-tu descendre de la barque et sombrer dans la déception, ou me laisser monter et permettre à la nouveauté de ma Parole de reprendre en main le gouvernail ? Veux-tu simplement t’accrocher au passé que tu as derrière toi, ou bien jeter à nouveau avec enthousiasme les filets pour la pêche ? » Voilà ce que le Seigneur nous demande : de réveiller notre préoccupation pour l’Évangile. Et nous pouvons dire qu’il s’agit d’une « bonne » préoccupation que l’immensité de l’océan vous donne, à vous Portugais : quitter le rivage non pas pour conquérir le monde, mais pour le réjouir de la consolation et de la joie de l’Évangile. Nous pouvons lire dans cette optique les paroles de l’un de vos grands missionnaires, le père António Vieira, appelé « Paiaçu » , « Père grand » : il disait que Dieu vous a donné une petite terre pour naître, mais qu’en vous ouvrant sur l’océan, il vous a donné le monde entier pour mourir : « Pour naître, peu de terre ; pour mourir, toute la terre : pour naître, le Portugal ; pour mourir, le monde » (A. VIEIRA, Homélies, Vol. III, Tome VII, Porto 1959, p. 69). Jeter de nouveau les filets et étreindre le monde avec l’espérance de l’Évangile : c’est à cela que nous sommes appelés ! Le moment n’est pas venu de s’arrêter et d’abandonner, d’amarrer la barque sur le rivage ou de regarder en arrière. Nous ne devons pas fuir ce moment parce qu’il nous ferait peur et nous réfugier dans des formes et des styles du passé. Non, c’est un temps de grâce que le Seigneur nous donne pour nous aventurer sur la mer de l’évangélisation et de la mission. 

Mais, pour ce faire, nous avons aussi besoin de faire des choix. Je voudrais en indiquer trois, inspirés par l’Évangile. 

Tout d’abord, avancer au large. Pour jeter à nouveau les filets à la mer, il est nécessaire de quitter le rivage des déceptions et de l’immobilisme, de nous éloigner de cette tristesse douceâtre et de ce cynisme ironique qui nous assaillent face aux difficultés. Cela est nécessaire pour passer du défaitisme à la foi, comme Simon qui, après avoir peiné toute la nuit pour rien, dit : « Sur ta parole, je vais jeter les filets » (Lc 5, 5). Mais pour faire confiance chaque jour au Seigneur et à sa Parole, les mots ne suffisent pas, beaucoup de prière est nécessaire. Ce n’est que dans l’adoration, devant le Seigneur, que l’on retrouve le goût et la passion de l’évangélisation. On surmonte alors la tentation de mener une « pastorale de la nostalgie et des regrets » et on trouve le courage d’avancer au large, sans idéologies et sans mondanités, animé d’un seul désir : que l’Évangile parvienne à tous. Vous avez beaucoup d’exemples sur cette route et, puisque nous sommes entourés de jeunes, j’aimerais rappeler un jeune de Lisbonne, Saint João de Brito, qui, il y a des siècles, au milieu de nombreuses difficultés, est parti pour l’Inde et a commencé à parler et à s’habiller de la même manière que ceux qu’il rencontrait afin d’annoncer Jésus. Nous aussi, nous sommes appelés à plonger nos filets dans l’époque que nous vivons, à dialoguer avec tous, à rendre l’Évangile compréhensible, même si, pour le faire, nous risquons quelque tempêtes. Comme les jeunes qui viennent ici du monde entier pour défier les vagues géantes de Nazaré, nous avançons au large sans peur. Ne craignons pas d’affronter la haute mer car, au milieu de la tempête et face aux vents contraires, Jésus vient à notre rencontre et nous dit : « Confiance ! c’est moi ; n’ayez plus peur ! » (Mt 14, 27) 

Un deuxième choix : mener ensemble la pastorale. Dans le texte, Jésus confie à Pierre la tâche d’avancer au large, mais il parle ensuite au pluriel en disant « jetez les filets » (Lc 5, 4) : Pierre conduit la barque, mais tous sont dans la barque et tous sont appelés à jeter les filets. Et lorsqu’ils prennent une grande quantité de poissons, ils ne pensent pas y arriver tout seuls, ils ne considèrent pas le don comme une possession et une propriété privée, mais, dit l’Évangile, « ils font signe à leurs compagnons de l’autre barque de venir les aider » (Lc 5, 7). Ils remplissent ainsi deux barques, et non une seule. 1- signifie solitude, fermeture, prétention à l’autosuffisance ; 2- signifie relation. L’Église est synodale, elle est communion, entraide, chemin commun. C’est ce à quoi tend le synode en cours qui aura, en octobre prochain, son premier moment en assemblée. Sur la barque de l’Église, il doit y avoir de la place pour tous : tous les baptisés sont appelés à y monter et à jeter les filets, en s’engageant personnellement dans l’annonce de l’Évangile. C’est un grand défi, surtout dans les contextes où les prêtres et les personnes consacrées sont épuisés parce que, alors que les besoins pastoraux augmentent, ils sont de moins en moins nombreux. Nous pouvons cependant considérer cette situation comme une occasion d’impliquer les laïcs dans un enthousiasme fraternel et une saine créativité pastorale. Les filets des premiers disciples deviennent alors une image de l’Église qui est un « réseau de relations » humaines, spirituelles et pastorales. S’il n’y a pas de dialogue, de coresponsabilité et de participation, l’Église vieillit. Je le dirais ainsi : jamais un Évêque sans son presbyterium et le peuple de Dieu ; jamais un prêtre sans ses confrères ; et tous ensemble – prêtres, religieuses, religieux et fidèles laïcs –, en tant qu’Église, jamais sans les autres, sans le monde. Sans mondanité, mais avec le monde. Dans l’Église, on s’aide, on se soutient les uns les autres, et on est appelé à répandre, également à l’extérieur, un climat constructif de fraternité. D’autre part, saint Pierre écrit que nous sommes les pierres vivantes utilisées pour la construction d’un édifice spirituel (cf. 1 P 2, 5). Je voudrais ajouter : vous, fidèles portugais, êtes aussi une « calçada » , vous êtes les pierres de valeur de ce pavement accueillant et splendide sur lequel l’Évangile doit marcher : pas même une pierre ne doit manquer, sinon on le remarque tout de suite. Voilà l’Église qu’avec l’aide de Dieu nous sommes appelés à construire ! 

Enfin, le troisième choix : devenir pêcheurs d’hommes. Jésus confie aux disciples la mission de prendre le large sur la mer du monde. Souvent, dans l’Écriture, la mer est associée au lieu du mal et des puissances adverses que les hommes ne parviennent pas à maîtriser. Par conséquent, pêcher les personnes et les sortir de l’eau c’est les aider à se relever de là où elles ont sombré, les sauver du mal qui risque de les engloutir, les ressusciter de toutes les formes de mort. L’Évangile, en effet, est une annonce de vie sur la mer de la mort, de liberté dans les tourbillons de l’esclavage, de lumière dans l’abysse des ténèbres. Comme l’affirme saint Ambroise, « les instruments de pêche des Apôtres sont les filets qui ne font point périr leur prise, mais la conservent et la retirent des abîmes à la lumière » (Exp. Luc. IV, 68-79). Dans la société actuelle, il y a beaucoup de ténèbres, même ici au Portugal. Nous avons l’impression que l’enthousiasme, le courage de rêver, la force d’affronter les défis, la confiance dans l’avenir ont disparu ; et, pendant ce temps, nous naviguons dans les incertitudes, dans la précarité économique, dans la pauvreté en amitié sociale, dans le manque d’espérance. C’est à nous, en tant qu’Église, qu’est confiée la tâche de nous plonger dans les eaux de cette mer en jetant le filet de l’Évangile, sans pointer du doigt mais en apportant aux hommes de notre temps une proposition de vie nouvelle, celle de Jésus : susciter l’accueil de l’Évangile dans une société multiculturelle ; rendre proche le Père dans les situations de précarité et de pauvreté qui se multiplient, en particulier chez les jeunes ; apporter l’amour du Christ là où la famille est fragile et les relations blessées ; transmettre la joie de l’Esprit là où règnent la démoralisation et le fatalisme. Un de vos écrivains a écrit : « Pour parvenir à l’infini, et je crois que nous pouvons y parvenir, nous avons besoin d’un port, d’un seul, sûr, et de là partir vers l’Infini » (F. PESSOA, Livro do Desassossego, Lisboa 1998, 247). Nous rêvons de l’Église portugaise comme d’un « port sûr » pour tous ceux qui font face aux traversées, aux naufrages et aux tempêtes de la vie. 

Je vous remercie de tout cœur, frères et sœurs, pour votre écoute, pour ce que vous faites, pour votre exemple et pour votre constance. Merci beaucoup. Je vous confie à la Vierge de Fatima, à la garde de l’ange du Portugal et à la protection de vos grands saints, en particulier, ici à Lisbonne, de saint Antoine, apôtre infatigable, prédicateur inspiré, disciple de l’Évangile attentif aux maux de la société et plein de compassion pour les pauvres : qu’il intercède pour vous et vous donne la joie d’une nouvelle pêche miraculeuse. Et, s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation du Bureau de presse du Saint-Siège.

Une visitation permanente : L’homélie du patriarche de Lisbonne, le cardinal D. Manuel Clemente lors de la messe d’ouverture au « Parque Eduardo VII » | Journées Mondiales de la Jeunesse à Lisbonne 2023

Photo avec l’aimable autorisation du P. Richard Rasnacis.

Mardi, le 1 août 2023
Le premier jour des Journées Mondiales de la Jeunesse à Lisbonne, le cardinal Manuel Clemente, patriarche de Lisbonne, a présenté l’homélie lors de la messe d’ouverture des Journées Mondiales de la Jeunesse au « Parque Eduardo VII ».

Voici le texte intégral de l’homélie :

HOMÉLIE DU CARDINAL CLEMENTE

Messe d’ouverture pour les Journées Mondiales de la Jeunesse
Parque Eduardo VII, Lisbonne
Mardi, le 1 août 2023

Très chers amis venus du monde entier pour les Journées Mondiales de la Jeunesse à Lisbonne 2023,

Bienvenue à tous ! Bienvenue également à toutes les personnes de la portée œcuménique, interreligieuse et de bonne volonté qui sont ici rassemblées en ces jours. Je souhaite que vous vous sentiez « à la maison », dans cette maison commune dans laquelle nous vivrons les JMJ. Bienvenue !

La Messe que nous célébrons, dans l’attente de la venue de notre cher pape François, est celle de la Visitation de Notre-Dame, qui rejoint le thème général de ces JMJ : Marie se leva et s’en alla en hâte à la rencontre d’Élisabeth. C’est un passage de l’Évangile qui nous inclut, nous aussi.

Nous venons de l’entendre : « En ces jours-là, Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse, dans une ville de Judée. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth. »

Elle se mit en route, se rendit avec empressement vers la région montagneuse, elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth. Trois points sur lesquels je m’arrêterai brièvement, dans cette parole inaugurale.

Marie se mit en route. Un voyage difficile et sans les moyens de transport dont nous disposons aujourd’hui. Et, comme vous, elle était jeune ; cela faisait peu de temps qu’elle avait conçu Jésus de la manière que rapporte l’Évangile.

Vous aussi, vous vous êtes mis en route. Pour beaucoup d’entre vous, le chemin a été difficile à cause de la distance, des correspondances et des coûts que le voyage a suscités. Il a fallu rassembler des ressources financières, développer des activités pour les obtenir et compter sur une solidarité qui, grâce à Dieu, ne vous a pas fait défaut.

Venant de loin ou de plus près, vous vous êtes mis en route. Il est très important de se mettre en route. C’est ainsi que nous devons envisager notre propre vie, comme un chemin à parcourir, en faisant de chaque jour une nouvelle étape.

Il est vrai que beaucoup de choses peuvent vous arrêter, chers amis, avec la possibilité de remplacer la réalité véritable, la seule qui rejoint la route des autres, telle qu’elle est réellement, par l’apparence virtuelle d’un monde à la carte. Un monde à la carte, accessible devant un écran et dépendant d’un clic qui peut le transformer en un monde différent.

Le virtuel nous maintient assis, devant des moyens qui nous utilisent facilement alors que c’est nous qui pensons les utiliser. Bien au contraire, la réalité consiste à nous mettre en route, à la rencontre des autres et du monde tel qu’il est, tant pour l’admirer que pour le rendre meilleur.

Soyons reconnaissants envers les moyens de communication car ils nous ouvrent la possibilité de mieux nous connaître, nous, les autres et le monde. Nous vivons médiatiquement et nous ne saurions plus vivre d’une autre manière. Nous pouvons compter sur le soutien de ces outils, mais ne nous dispensons pas de cheminer par nous-mêmes, d’être directement en contact avec la réalité qui nous touche et qui touche tout le monde, ni de la vérifier directement.

Cela a valu la peine de parcourir le chemin que vous avez parcouru pour venir ici et de vous rencontrer pendant ces journées, dans la diversité que vous représentez et dans la qualité que vous apportez, chacun et chacune, de chaque terre, langue et culture. Rien ne peut remplacer ce chemin personnel et en groupe, à la rencontre du chemin de tous.

Marie portait déjà dans son ventre le « fruit béni » qu’était Jésus. Les chrétiens Le portent aussi, spirituellement mais réellement, parce qu’ils Le reçoivent dans la parole, dans les sacrements et dans la charité, où Il S’offre. Et comme nous croyons en Jésus comme chemin vers Dieu, nous cheminons avec Lui pour Le porter aux autres. Dans le même élan qui poussait Marie, dans le même Esprit qui nous pousse. En route !

Marie s’en alla en hâte vers la région montagneuse, comme nous l’avons aussi entendu.

Ce n’est pas par hasard que le texte parle de la hâte de Marie, de même que, dans d’autres passages de l’Évangile, il est question de l’urgence de l’annonce, du témoignage et de la visitation permanente envers les autres. C’est ce que nous devons faire, nous aussi.

Chers jeunes, nous savez très bien que, quand le cœur est plein, il déborde rapidement. Qu’il est impossible d’étouffer ce qui se passe dans votre âme, quand c’est vraiment fort et mobilisateur !

Marie emmenait avec elle Jésus Lui-même, qu’elle avait conçu. Et Jésus est « Dieu avec nous », pour être Dieu avec tous. D’où la hâte de L’amener à Élisabeth, même en gravissant des montagnes.

Vous connaissez cette « hâte », parce que d’autres se sont aussi empressés de venir à votre rencontre pour vous porter Jésus et tout ce qu’Il vous offre comme horizons larges et comme vie en abondance.

Vous n’avez même pas besoin de toujours comprendre les mots, comme cela se passe en ce moment, avec toutes les langues ici réunies. Parce que vos yeux parlent et parce que vous vous sentez sûrs de vous et confiants, dans l’atmosphère chrétienne que vous créez ensemble et dans les gestes simples par lesquels vous communiquez. Il y a vraiment une « hâte dans l’air », qui circule entre vous et le point où vous arriverez ces jours-ci. Un air où l’Esprit Saint Lui-même circule, avec la rapidité que seul Dieu a et communique.

Quand j’ai dit au pape François que cela était précisément le thème de nos JMJ (« Marie se leva et s’en alla en hâte »), il a ajouté que oui, en hâte, mais pas avec impatience.

En réalité, l’impatience est pour ce que nous n’avons pas encore et que nous désirons avec de l’inquiétude. La hâte est différente, c’est partager ce que nous portons déjà. C’est donc une urgence sereine et sans violence. Comme vous êtes arrivés et comme vous serez ici, portant aux autres ce qui vous y amène.

À ce propos, je me rappelle un passage datant des premiers chrétiens, vraiment dans une société qui tardait à les comprendre : « Honorez dans vos cœurs la sainteté du Seigneur, le Christ. Soyez prêts à tout moment à présenter une défense devant quiconque vous demande de rendre raison de l’espérance qui est en vous ; mais faites-le avec douceur et respect. Ayez une conscience droite… » (1P 3, 15-16).

Ainsi serez-vous, dans cette hâte sans impatience, comme qui partage ce qu’il a déjà. C’est ce qui vous a amenés ici et ce que vous porterez, et qui sera accru par la grâce de ces journées !

Finalement, le texte dit que Marie entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth.

Chers amis, vous aussi, vous viendrez de cette manière les uns vers les autres, avec une salutation vraie et joyeuse.

L’Évangile nous rapporte la joie de cette rencontre entre Marie et Élisabeth et celle de la reconnaissance mutuelle dans laquelle elle s’est produite. La salutation de Marie a été telle qu’elle a suscité chez sa parente l’exclamation que nous répétons si souvent : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni ! » Et aux paroles d’Élisabeth, Marie a répondu par l’un des plus beaux hymnes que nous chantons depuis lors, le Magnificat.

Il est très important qu’il en soit ainsi avec vous et avec tout le monde. En vérité, chaque rencontre que nous pourrons vivre doit être inaugurée par une vraie salutation, par laquelle nous échangerons entre nous des paroles d’accueil sincère et de partage véritable.

Lisbonne vous accueille d’un cœur entier, de même que toutes les autres terres portugaises où vous êtes déjà allés ou sur lesquelles vous vous rendrez. Ce pays est aussi le vôtre. Vous êtes accueillis par les familles et les institutions qui mettent à votre disposition leurs espaces et leurs services. En les remerciant toutes, j’entrevois en chacune la maison d’Élisabeth, qui a accueilli Marie, mais aussi Jésus, que cette dernière lui portait !

Cela manque beaucoup dans le monde où nous vivons, dans lequel nous ne faisons pas assez attention aux personnes que nous rencontrons.

Avec Marie, apprenons à saluer tout le monde et chacun. Pratiquons cela intensément tout au long de ces Journées Mondiales de la Jeunesse. Le monde nouveau commence dans la nouveauté de chaque rencontre et dans la sincérité de la salutation que nous pourrons échanger. Pour que nous soyons des personnes parmi d’autres, en visitation mutuelle et permanente ! – Je vous souhaite à tous d’heureuses et de stimulantes Journées Mondiales de la Jeunesse !

Texte reproduit avec l’aimable autorisation du Bureau de presse des Journées Mondiales de la Jeunesse

Homélie du pape François lors de la Journée mondiale des grands-parents et des personnes âgées

 

Le dimanche 23 juillet 2023, 16e dimanche du temps ordinaire, le pape François a prononcé l’homélie de la Journée mondiale des grands-parents et des personnes âgées en la basilique Saint-Pierre.

Voici le texte intégral de l’homélie :

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Journée mondiale des grands-parents et des personnes âgées
16e dimanche du temps ordinaire
Dimanche, 23 juillet 2023

Pour nous parler du royaume de Dieu, Jésus utilise des paraboles. Il raconte des histoires simples qui touchent le cœur de celui qui écoute. Ce langage rempli d’images ressemble à celui que les grands-parents utilisent souvent avec leurs petits-enfants, peut-être en les prenant sur leurs genoux : ils transmettent de cette manière une sagesse importante pour la vie. En pensant aux grands-parents et aux personnes âgées, racines dont les plus jeunes ont besoin pour devenir adultes, je voudrais relire les trois récits de l’Évangile d’aujourd’hui en partant d’un aspect qu’ils ont en commun : grandir ensemble.

Dans la première parabole, ce sont le bon grain et l’ivraie qui poussent ensemble, dans le même champ (cf. Mt 13, 24-30). C’est une image qui nous aide à faire une lecture réaliste : Dans l’histoire de l’humanité, comme dans la vie de chacun, coexistent ombres et lumières, amour et égoïsme. Le bien et le mal s’entremêlent au point d’apparaître inséparables. Cette approche réaliste nous aide à regarder l’histoire sans idéologies, sans optimismes stériles ni pessimismes néfastes. Le chrétien habité par l’espérance de Dieu n’est pas un pessimiste, mais il n’est pas non plus un naïf qui vit dans un monde de fables, qui fait semblant de ne pas voir le mal et qui dit que « tout va bien ». Non, le chrétien est réaliste : il sait qu’il y a du bon grain et de l’ivraie dans le monde, et il regarde en lui-même, reconnaissant que le mal ne vient pas seulement « de l’extérieur », que ce n’est pas toujours la faute des autres, qu’il n’y a pas besoin de « s’inventer » des ennemis à combattre pour éviter de faire la lumière en soi-même. Il se rend compte que le mal vient de l’intérieur, de la lutte intérieure que nous menons tous.

Mais la parabole nous pose une question : lorsque nous voyons le bon grain et l’ivraie coexister dans le monde, que devons-nous faire ? Comment devons-nous nous comporter ? Dans le récit, les serviteurs voudraient arracher l’ivraie immédiatement (cf. v. 28). Cette attitude est bien intentionnée, mais impulsive voire agressive. On s’illusionne sur le fait que l’on pourrait arracher le mal par ses propres forces pour faire la pureté. C’est une tentation qui revient souvent : une « société pure », une « Église pure » mais, pour atteindre cette pureté, l’on risque d’être impatient, intransigeant, voire violent à l’égard de ceux qui sont tombés dans l’erreur. Alors, avec l’ivraie, on arracherait aussi le bon grain et on empêcherait les gens de se frayer un chemin, de grandir, de changer. Écoutons plutôt ce que dit Jésus : « Laissez pousser ensemble le bon grain et l’ivraie jusqu’au moment de la moisson » (cf. Mt 13, 30). Qu’il est beau ce regard de Dieu, cette pédagogie miséricordieuse qui nous invite à être patient avec les autres, à accueillir – dans la famille, dans l’Église et dans la société – les fragilités, les retards et les limites : non pas pour s’y habituer avec résignation ni pour les justifier, mais pour apprendre à intervenir avec respect, en continuant à prendre soin du bon grain avec douceur et patience. En se rappelant toujours une chose : la purification du cœur et la victoire définitive sur le mal sont essentiellement l’œuvre de Dieu. Et nous, surmontant la tentation de séparer le bon grain de l’ivraie, nous sommes appelés à comprendre quels sont les manières et les moments les meilleurs pour agir.

Je pense aux personnes âgées et aux grands-parents, qui ont déjà parcouru un long chemin dans la vie et qui, s’ils regardent en arrière, voient beaucoup de belles choses qu’ils ont réussies à accomplir, mais aussi des défaites, des erreurs, des choses pour lesquelles – comme on dit –  « si c’était à refaire, je ne le referais pas ». Mais aujourd’hui, le Seigneur nous rejoint de sa douce parole qui nous invite à accueillir le mystère de la vie avec sérénité et patience, à Lui laisser le jugement, à ne pas vivre de regrets et de remords. Comme s’Il voulait nous dire : « Regardez le bon grain qui a germé sur le chemin de votre vie et faites-le grandir encore, en me confiant tout, à moi qui pardonne toujours : à la fin, le bien sera plus fort que le mal ». La vieillesse est un temps béni aussi pour cette raison: elle est la saison pour se réconcilier, pour regarder avec tendresse la lumière qui a progressé malgré les ombres, dans l’espérance confiante que le bon grain semé par Dieu l’emportera sur les mauvaises herbes avec lesquelles le démon a voulu infester notre cœur.

Voyons maintenant la deuxième parabole. Le Royaume des cieux, dit Jésus, est l’œuvre de Dieu qui agit silencieusement dans les trames de l’histoire, au point de paraître une chose petite et invisible, comme une minuscule graine de moutarde. Mais « quand elle a poussé, elle dépasse les autres plantes potagères et devient un arbre, si bien que les oiseaux du ciel viennent et font leurs nids dans ses branches » (Mt 13, 32). Il en est ainsi également de notre vie, frères et sœurs : nous venons au monde petits, nous devenons adultes, puis âgés ; nous sommes au début une petite graine, puis nous nous nourrissons d’espérances, nous réalisons des projets et des rêves dont le plus beau est de devenir comme cet arbre qui ne vit pas pour lui-même mais pour faire de l’ombre à ceux qui le désirent et pour offrir un lieu à ceux qui veulent y construire leur nid. C’est ainsi que, dans cette parabole, le vieil arbre et les oiseaux grandissent ensemble.

Je pense aux grands-parents : qu’ils sont beaux ces arbres luxuriants sous lesquels les enfants et les petits-enfants font leur propre « nid », apprennent l’ambiance d’un foyer et connaissent la tendresse d’une étreinte. Il s’agit de grandir ensemble : l’arbre verdoyant et les petits qui ont besoin du nid, les grands-parents avec leurs enfants et leurs petits-enfants, les personnes âgées avec les plus jeunes. Frères et sœurs, nous avons besoin d’une nouvelle alliance entre les jeunes et les anciens, pour que la sève de ceux qui ont une longue expérience de la vie derrière eux irrigue les pousses d’espérance de ceux qui grandissent. Dans cet échange fécond, nous apprenons la beauté de la vie, nous créons une société fraternelle et, dans l’Église, nous permettons la rencontre et le dialogue entre la tradition et la nouveauté de l’Esprit.

Enfin, la troisième parabole, où le levain et la farine croissent ensemble (cf. Mt 13, 33). Ce mélange fait croître toute la pâte. Jésus utilise précisément le verbe « mélanger », qui rappelle cet art qui est « la mystique de vivre ensemble, de se mélanger, de se rencontrer, de se prendre dans les bras », et de « sortir de soi-même pour s’unir aux autres » (Exhortation apostolique Evangelii gaudium, n. 87). Cela permet de vaincre les individualismes et les égoïsmes, et aide à générer un monde plus humain et plus fraternel. Aujourd’hui, la Parole de Dieu nous invite à veiller à ce que, dans nos vies et dans nos familles, nous ne marginalisions pas les personnes âgées. Veillons à ce que nos villes surpeuplées ne deviennent pas des  « concentrations de solitude » ; que la politique, appelée à pourvoir aux besoins des plus fragiles, n’oublie pas les personnes âgées, laissant le marché les reléguer au rang de « déchets improductifs ». Qu’à force de poursuivre à toute vitesse les mythes de l’efficacité et de la performance, nous ne devenions pas incapables de ralentir pour accompagner ceux qui peinent à suivre. De grâce, mélangeons-nous, grandissons ensemble.

Frères et sœurs, la Parole divine nous invite à ne pas nous séparer, à ne pas nous renfermer, à ne pas penser que nous pouvons y arriver seuls, mais à grandir ensemble. Écoutons-nous les uns les autres, dialoguons, soutenons-nous réciproquement. N’oublions pas les grands-parents et les personnes âgées : par une caresse de leur part, nous avons été relevés à maintes reprises, nous avons repris la route, nous nous sommes sentis aimés, nous avons été guéris intérieurement. Ils se sont sacrifiés pour nous et nous ne pouvons pas les retirer de l’agenda de nos priorités. Grandissons ensemble, avançons ensemble : que le Seigneur bénisse notre voyage.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

Homélie du pape François lors de la solennité des saints Apôtres Pierre et Paul 2023

Le pape François présidant la messe solennelle des saints Apôtres Pierre et Paul, basilique Saint-Pierre au Vatican.

 

Le jeudi 29 juin 2023, le pape François a présidé la messe de la solennité des saints Apôtres Pierre et Paul de la basilique Saint-Pierre au Vatican.

Voici le texte intégral de l’homélie:

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Basilique Saint-Pierre
Jeudi, 29 juin 2023

Pierre et Paul, deux Apôtres amoureux du Seigneur, deux colonnes de la foi de l’Église. Alors que nous contemplons leur vie, l’Évangile nous interpelle aujourd’hui avec la question que Jésus pose aux siens : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » (Mt 16, 15). C’est la question fondamentale, la plus importante : qui est Jésus pour moi ? Qui est Jésus dans ma vie ? Regardons comment les deux Apôtres y ont répondu.

La réponse de Pierre pourrait se résumer en un mot : la suite. Pierre a vécu à la suite du Seigneur. Ce jour-là, à Césarée de Philippe, Jésus interrogea ses disciples. Pierre répondit avec une belle profession de foi : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16, 16) ;une réponse impeccable, précise, ponctuelle, on pourrait dire une réponse parfaite de “catéchisme”. Mais cette réponse est le fruit d’un cheminement : ce n’est qu’après avoir vécu l’aventure fascinante consistant à suivre le Seigneur, après avoir marché avec Lui et derrière Lui pendant longtemps, que Pierre parvient à cette maturité spirituelle qui l’amène, par grâce, par pure grâce, à une profession de foi si limpide.

L’évangéliste Matthieu nous raconte en effet que tout avait commencé sur les rives de la mer de Galilée, lorsque Jésus était passé et l’avait appelé, avec son frère André ; et « aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent » (Mt 4, 20).Pierre a tout laissé pour se mettre à la suite du Seigneur. Et l’Évangile souligne “aussitôt”. Pierre n’a pas dit à Jésus qu’il devait y réfléchir, il n’a pas fait de calculs pour voir si cela lui convenait, il n’a pas cherché d’alibi pour reporter la décision ; il a laissé ses filets et l’a suivi, sans demander aucune sécurité à l’avance.Il devait tout découvrir au jour le jour, à la suite, en suivant Jésus et en marchant derrière Lui. Et ce n’est pas par hasard que les dernières paroles, rapportées dans les Évangiles, que Jésus lui adresse sont : « Toi, suis-moi » (Jn 21, 22), c’est cela se mettre à sa suite.

Pierre nous dit qu’à la question “qui est Jésus pour moi ?”, il ne suffit pas de répondre par une formule doctrinale irréprochable, pas même avec une idée que nous nous sommes faite une fois pour toutes. Non. C’est en nous mettant à la suite du Seigneur que nous apprenons chaque jour à Le connaître. C’est en devenant ses disciples et en accueillant sa Parole que nous devenons ses amis et que nous faisons l’expérience de son amour qui nous transforme.Pour nous aussi, retentit cet “aussitôt”. Si nous pouvons reporter beaucoup de choses dans la vie, suivre Jésus ne peut être reporté ; pour cela on ne peut hésiter, on ne peut trouver d’excuses. Faisons attention car certaines excuses sont revêtues de spiritualité, comme lorsque nous disons “Je ne suis pas digne”, “Je ne suis pas capable”, “moi, qu’est-ce que je peux faire ?”. C’est là une ruse du diable qui nous vole la confiance en la grâce de Dieu, en nous faisant croire que tout dépendrait de nos capacités.

Nous détacher de nos sécurités – sécurités terrestres -, immédiatement, et suivre Jésus chaque jour : voilà la consigne que Pierre nous donne aujourd’hui en nous invitant à être une Église-à-la-suite.Une Église-à-la-suite. Une Église qui veut être disciple du Seigneur et humble servante de l’Évangile. De cette manière seulement elle sera capable de dialoguer avec tous, et devenir un lieu d’accompagnement, de proximité et d’espérance pour les femmes et les hommes de notre temps. Seulement de cette manière, même la personne la plus éloignée qui nous regarde souvent avec méfiance ou indifférence pourra enfin reconnaître avec le Pape Benoît : « L’Église est le lieu de rencontre avec le Fils du Dieu vivant et, ainsi, elle est le lieu de rencontre entre nous » (Homélie du 2ème Dimanche de l’Avent, 10 décembre 2006).

Et maintenant venons-en à l’Apôtre des nations. Si la réponse de Pierre consiste dans la suite, celle de Paul se trouve dans l’annonce, l’annonce de l’Évangile. Pour lui aussi, tout a commencé par grâce, à l’initiative du Seigneur. Sur le chemin de Damas, alors qu’il persécutait avec fierté les chrétiens, barricadé dans ses convictions religieuses, Jésus ressuscité vient à sa rencontre et l’aveugle de sa lumière. Mieux, grâce à cette lumière, Saul réalise à quel point il est aveugle. Enfermé dans l’orgueil de sa rigide observance, il découvre en Jésus l’accomplissement du mystère du salut. Il considère désormais toutes ses sécurités humaines et religieuses comme des “ordures” par rapport à la sublimité de la connaissance du Christ (cf. Ph 3, 7-8). Paul consacre ainsi sa vie à parcourir la terre et la mer, les villes et les villages, sans se soucier des difficultés et des persécutions, pour annoncer Jésus-Christ. En regardant son histoire, il semble presque que, plus il annonce l’Évangile, plus il connaît Jésus. L’annonce de la Parole aux autres lui permet de pénétrer les profondeurs du mystère de Dieu, à lui Paul qui a écrit « Malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile ! » (1 Co 9, 16) ; à lui qui confesse : « Pour moi, vivre c’est le Christ » (Ph 1, 21).

Par conséquent, Paul nous dit qu’à la question “qui est Jésus pour moi ?”, on ne répond pas par une religiosité intimiste qui nous laisserait tranquilles, sans nous laisser ébranler par le souci d’apporter l’Évangile aux autres. L’Apôtre nous enseigne que nous grandissons dans la foi et dans la connaissance du mystère du Christ d’autant plus que nous sommes ses annonciateurs et témoins.  Et cela arrive toujours : quand nous évangélisons, nous sommes évangélisés.C’est une expérience de tous les jours : quand nous évangélisons, nous sommes évangélisés. La Parole que nous apportons aux autres nous revient parce que, dans la mesure où nous donnons, nous recevons beaucoup plus (cf. Lc 6, 38).  Et cela est également nécessaire à l’Église aujourd’hui : mettre l’annonce au centre. Être une Église qui ne se lasse pas de se répéter : “Pour moi, vivre c’est le Christ” et “Malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile”. Une Église qui a besoin d’annoncer comme d’oxygène pour respirer ; qui ne peut pas vivre sans transmettre l’étreinte de l’amour de Dieu et la joie de l’Évangile.

Frères et sœurs, célébrons Pierre et Paul. Ils ont répondu à la question fondamentale de la vie – qui est Jésus pour moi ? – en suivant le Christ et en annonçant l’Évangile. Il est beau de grandir comme une Église à la suite, comme une Église humble qui ne tient jamais pour acquise la recherche du Seigneur. Il est beau de devenir une Église extravertie, qui ne trouve pas sa joie dans les choses du monde mais dans l’annonce de l’Évangile au monde, pour semer dans le cœur des personnes la question de Dieu. Porter partout, avec humilité et joie, le Seigneur Jésus : dans notre ville de Rome, dans nos familles, dans les relations et les quartiers, dans la société civile, dans l’Église, dans la politique, dans le monde entier, spécialement là où se trouvent la pauvreté, la dégradation, la marginalisation.

Et, aujourd’hui, alors que certains de nos frères Archevêques reçoivent le Pallium, signe de la communion avec l’Église de Rome, je voudrais leur dire : soyez des apôtres comme Pierre et Paul. Soyez des disciples à la suite et des apôtres de l’annonce, apportez la beauté de l’Évangile partout, à tout le Peuple de Dieu. Et enfin, je désire adresser mon salut affectueux à la Délégation du Patriarcat Œcuménique, envoyée par le très cher Frère Sa Sainteté Bartholomée. Merci pour votre présence, merci : avançons ensemble, avançons ensemble à la suite et dans l’annonce de la Parole, en grandissant dans la fraternité. Que Pierre et Paul nous accompagnent et intercèdent pour nous tous.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

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