Homélie du pape François – 20 octobre 2024

Le pape François présidant la messe et la canonisation le 20 octobre 2024. © Sel + Lumière Média, 2024.

Au cours de la messe et de la canonisation, la Canadienne Marie-Léonie Paradis et treize autres bienheureux ont été canonisés. Dans son homélie, le pape François a évoqué la relation entre Jésus et ses disciples, Jacques et Jean.

Lisez le texte intégral de son homélie ci-dessous.

MESSE ET CANONISATION DES BIENHEUREUX:
MANUEL RUIZ LÓPEZ AVEC SES SEPT COMPAGNONS ET FRANCESCO, MOOTI ET RAFFAELE MASSABKI,GIUSEPPE ALLAMANO, MARIE-LÉONIE PARADIS ET ELENA GUERRA

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS 

Place Saint-Pierre
XXIXe dimanche du Temps ordinaire, 20 octobre 2024

 

Jésus demande à Jacques et Jean : « Que voulez-vous que je fasse pour vous ? » (Mc 10, 36). Et tout de suite après, il les exhorte : « Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire, être baptisé du baptême dans lequel je vais être plongé ? » (Mc 10, 38). Jésus pose des questions et nous aide à discerner, parce que les questions nous font découvrir ce qui est en nous, elles éclairent ce que nous portons dans notre cœur et que nous ne savons pas souvent.

Laissons-nous interroger par la Parole du Seigneur. Imaginons qu’il demande à chacun de nous : “Que veux-tu que je fasse pour toi ?” ; et la deuxième question : “Peux-tu boire ma coupe ?”.

Par ces questions, Jésus met en évidence le lien et les attentes des disciples à son égard, avec les ombres et les lumières propres à toute relation. Jacques et Jean sont en effet liés à Jésus mais ont des exigences. Ils expriment le désir d’être proches de lui, mais seulement pour occuper une place d’honneur, pour jouer un rôle important, pour « siéger, l’un à la droite et l’autre à la gauche, dans la gloire » (Mc 10, 37). Ils pensent évidemment à Jésus comme à un Messie, un Messie victorieux, glorieux et attendent qu’Il partage sa gloire avec eux. Ils voient en Jésus le Messie, mais ils l’imaginent selon la logique du pouvoir.

Jésus ne s’arrête pas aux paroles des disciples, mais Il va plus loin, Il écoute et lit dans le cœur de chacun d’eux et même de chacun de nous. Et dans le dialogue, à travers deux questions, Il essaie de faire ressortir le désir qui se cache dans ces demandes.

Il demande d’abord : « Que voulez-vous que je fasse pour vous ? ». Cette question dévoile les pensées de leur cœur, met en lumière les attentes cachées et les rêves de gloire que les disciples cultivent secrètement. C’est comme si Jésus demandait : “Qui veux-tu que je sois pour toi ?” et, ainsi, il démasque ce qu’ils désirent vraiment : un Messie puissant, un Messie victorieux qui leur donnera une place d’honneur. Et parfois dans l’Église vient cette pensée : l’honneur, le pouvoir…

Ensuite, avec la deuxième question, Jésus réfute cette image du Messie et les aide à changer leur regard, à se convertir : « Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire, être baptisé du baptême dans lequel je vais être plongé ? ». Il leur révèle ainsi qu’Il n’est pas le Messie qu’ils croient, mais le Dieu de l’amour, qui s’abaisse pour rejoindre les humbles, qui se fait faible pour relever les faibles, qui œuvre pour la paix et non pour la guerre, qui est venu pour servir et non pour être servi. La coupe que le Seigneur boit est l’offrande de sa vie, c’est sa vie donnée par amour, jusqu’à la mort et la mort sur la croix.

Et alors, à sa droite et à sa gauche, il y aura deux larrons, suspendus comme lui à la croix et non assis sur des sièges de pouvoir ; deux larrons cloués avec le Christ dans la douleur et non assis dans la gloire. Le roi crucifié, le juste condamné devient l’esclave de tous : c’est vraiment le Fils de Dieu ! (cf. Mc 15, 39). Ce n’est pas celui qui domine qui gagne, mais celui qui sert par amour. Nous le répétons : Ce n’est pas celui qui domine qui gagne, mais celui qui sert par amour. La Lettre aux Hébreux nous le rappelait également : « Nous n’avons pas un grand prêtre incapable de compatir à nos faiblesses, mais un grand prêtre éprouvé en toutes choses » (He 4, 15).

À ce stade, Jésus peut aider les disciples à se convertir, à changer de mentalité : « Vous le savez : ceux que l’on regarde comme chefs des nations les commandent en maîtres ; les grands leur font sentir leur pouvoir » (Mc 10, 42). Mais il ne doit pas en être ainsi pour ceux qui suivent un Dieu qui s’est fait serviteur, pour atteindre chacun par son amour. Ceux qui suivent le Christ, s’ils veulent être grands, doivent servir, en apprenant de Lui.

Frères et sœurs, Jésus dévoile les pensées, dévoile les désirs et les projets de notre cœur, démasquant parfois nos attentes de gloire, de domination, de pouvoir, de vanité. Il nous aide à penser, non plus selon les critères du monde, mais selon le style de Dieu qui se fait dernier pour que les derniers soient élevés et deviennent les premiers. Et souvent ces questions de Jésus, avec son enseignement sur le service, sont aussi incompréhensibles, incompréhensibles pour nous qu’elles l’étaient pour les disciples. Mais en Le suivant, en marchant sur ses pas et en acceptant le don de son amour qui transforme notre façon de penser, nous pouvons nous aussi apprendre le style de Dieu : le style de Dieu, le service. N’oublions pas les trois mots qui illustrent le style de service de Dieu : proximité, compassion et tendresse. Dieu se fait proche pour servir ; il se fait compatissant pour servir ; il se fait tendre pour servir. Proximité, compassion et tendresse…

C’est ce que nous devons viser : non pas le pouvoir, mais le service. Le service est le mode de vie chrétien. Il ne s’agit pas d’une liste de choses à faire, comme si, une fois faites, nous pouvions considérer que notre tour est fini ; celui qui sert avec amour ne dit pas : “maintenant, ce sera le tour de quelqu’un d’autre”. Cela c’est la pensée d’employés, pas celle de témoins. Le service naît de l’amour et l’amour ne connaît pas de limites, il ne fait pas de calculs, il dépense et donne. L’amour ne se contente pas de produire pour obtenir des résultats, il n’est pas une performance occasionnelle, il naît du cœur, un cœur renouvelé par l’amour et dans l’amour.

Lorsque nous apprenons à servir, chaque geste d’attention et de soin, chaque expression de tendresse, chaque œuvre de miséricorde devient un reflet de l’amour de Dieu. Et ainsi nous tous – et chacun de nous – nous poursuivons l’œuvre de Jésus dans le monde.

Dans cette lumière, nous pouvons nous souvenir des disciples de l’Évangile qui sont aujourd’hui canonisés. Tout au long de l’histoire troublée de l’humanité, ils ont été des serviteurs fidèles, des hommes et des femmes qui ont servi, dans le martyre et dans la joie, comme Frère Manuel Ruiz Lopez et ses compagnons. Ce sont des prêtres et des personnes consacrées ardents, et ardents de passion missionnaire, comme le Père Giuseppe Allamano, Sœur Paradis Marie Léonie et Sœur Elena Guerra. Ces nouveaux saints ont vécu le style de Jésus : le service. La foi et l’apostolat qu’ils ont exercés n’ont pas alimenté en eux les désirs mondains et les envies de pouvoir mais, au contraire, ils les ont rendus serviteurs de leurs frères et sœurs, créatifs dans le bien, inébranlables dans les difficultés, généreux jusqu’à la fin.

Demandons avec confiance leur intercession, afin que nous puissions nous aussi suivre le Christ, le suivre dans son service et devenir des témoins d’espérance pour le monde.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Homélie du pape François lors de la messe d’ouverture 2024 | Synode sur la synodalité

La place Saint-Pierre durant la messe d’ouverture de la session 2024 du Synode. © Sel + Lumière Média, 2024.

La session 2024 de l’Assemblée générale du Synode sur la synodalité a débuté par la sainte messe le 2 octobre, fête des Anges gardiens. Dans son homélie, le pape François a rappelé : « L’Esprit Saint est le maître de l’harmonie et il est capable de créer une seule voix parmi tant de voix différentes. Voyez comment l’Esprit a créé l’harmonie entre les différences le matin de la Pentecôte. L’Église a besoin de « lieux paisibles et ouverts » à créer avant tout dans nos cœurs, où chaque personne se sent accueillie, comme un enfant dans les bras de sa mère, et comme un enfant élevé sur la joue de son père. »

Vous pouvez regarder l’intégralité de la messe sur Sel + Lumière TV et sur Sel + Lumière Plus.

Messe d’ouverture de la session 2024
de la XVIe Assemblée générale du Synode des évêques

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Place Saint-Pierre
Mercredi 2 octobre 2024

Nous célébrons cette Eucharistie à l’occasion de la mémoire liturgique des saints Anges Gardiens, alors que nous rouvrons la Session plénière du Synode des Évêques. À l’écoute de ce que nous suggère la Parole de Dieu, nous pouvons alors prendre trois images comme point de départ de notre réflexion : la voix, le refuge et l’enfant.

La voix. Sur le chemin vers la Terre promise, Dieu recommande au peuple d’écouter la “voix de l’ange” qu’Il a envoyé (cf. Ex 23, 20-22). C’est une image qui nous touche de près car le Synode est aussi un chemin où le Seigneur met entre nos mains l’histoire, les rêves et les espérances d’un grand peuple : des sœurs et des frères dispersés dans toutes les parties du monde, animés par notre même foi, animés par le même désir de sainteté, afin qu’avec eux et pour eux nous cherchions à comprendre quel chemin parcourir pour arriver là où Il veut nous conduire. Mais comment pouvons-nous nous mettre à l’écoute de la “voix de l’ange” ?

Une manière consiste certainement à nous approcher avec respect et attention, dans la prière et à la lumière de la Parole de Dieu, de toutes les contributions recueillies au cours de ces trois années d’intense travail, de partage, de confrontation et d’effort patient de purification de l’esprit et du cœur. Il s’agit, avec l’aide de l’Esprit Saint, d’écouter et de comprendre les voix, c’est-à-dire les idées, les attentes, les propositions, pour discerner ensemble la voix de Dieu qui parle à l’Église (cf. Renato Corti, Quale prete?, Notes inédites). Comme nous l’avons rappelé à plusieurs reprises, notre assemblée n’est pas une assemblée parlementaire mais un lieu d’écoute en communion, où, comme le dit saint Grégoire le Grand, ce que quelqu’un possède partiellement en lui-même, un autre le possède complètement, et bien que certains aient des dons particuliers, tout appartient aux frères dans la “charité de l’Esprit” (cf. Homélies sur les Évangiles, XXXIV).

Mais pour que cela se produise, il y a une condition : nous libérer de ce qui, en nous et parmi nous, peut empêcher la “charité de l’Esprit” de créer l’harmonie dans la diversité. Ceux qui, avec arrogance, présument et prétendent d’en avoir le droit exclusif, ne sont pas en mesure d’entendre la voix du Seigneur (cf. Mc 9, 38-39). Au contraire, chaque parole doit être accueillie avec gratitude et simplicité, pour devenir un écho de ce que Dieu a donné au bénéfice des frères (cf. Mt 10, 7-8). Concrètement, veillons à ne pas transformer nos contributions en points à défendre ou en agendas à imposer, mais offrons-les comme des dons à partager, prêts même à sacrifier ce qui est particulier, si cela peut servir à faire naître ensemble quelque chose de nouveau selon le projet de Dieu. Sinon, nous finirons par nous enfermer dans des dialogues de sourds, où chacun essaiera d’“apporter de l’eau à son moulin” sans écouter les autres, et surtout sans écouter la voix du Seigneur.

Nous n’avons pas les solutions aux problèmes que nous rencontrons, mais Lui les a (cf. Jn 14,6), et rappelons-nous qu’on ne plaisante pas dans le désert : si l’on ne prête pas attention au guide, en prétendant se suffire à soi-même, on peut mourir de faim et de soif en entraînant aussi les autres avec soi. Mettons-nous donc à l’écoute de la voix de Dieu et de son ange, si nous voulons vraiment poursuivre en toute sécurité notre chemin malgré les limites et les difficultés (cf. Ps 23, 4).

Cela nous amène à la deuxième image : le refuge. Le symbole est celui des ailes qui protègent : « Tu trouves sous son aile un refuge » (Ps 91, 4). Les ailes sont des instruments puissants, capables de soulever un corps du sol par leurs mouvements vigoureux. Cependant, même si elles sont fortes, elles peuvent aussi se baisser et se rassembler, devenir un bouclier et un nid accueillant pour les petits qui ont besoin de chaleur et de protection.

C’est un symbole de ce que Dieu fait pour nous, mais c’est aussi un modèle à suivre, particulièrement en cette période d’assemblée. Parmi nous, chers frères et sœurs, il y a beaucoup de personnes fortes, préparées, capables de s’élever vers les hauteurs avec les mouvements vigoureux de la réflexion et des intuitions brillantes. Tout cela est une richesse qui nous stimule, nous pousse, nous oblige parfois à penser plus ouvertement et à aller de l’avant avec détermination, et qui nous aide également à rester fermes dans la foi, y compris devant les défis et les difficultés. Mais c’est un don qui doit être associé, au moment opportun, à la capacité de détendre les muscles et de se pencher, pour s’offrir l’un à l’autre comme une étreinte accueillante et un lieu de refuge : être, comme le disait saint Paul VI, « une maison […] de frères, un atelier d’intense activité, un cénacle d’ardente spiritualité » (Discours au Conseil de Présidence de la C.E.I., 9 mai 1974).

Chacun ici se sentira libre de s’exprimer d’autant plus spontanément et librement qu’il percevra autour de lui la présence d’amis qui l’aiment et qui respectent, apprécient et désirent écouter ce qu’il a à dire.

Et pour nous, ce n’est pas seulement une technique de “facilitation” – il est vrai qu’il y a des “facilitateurs” dans le Synode, mais c’est pour nous aider à mieux avancer – ce n’est pas seulement une technique de facilitation du dialogue ni une dynamique de communication de groupe. Étreindre, protéger et prendre soin fait partie de la nature même de l’Église. Étreindre, protéger et prendre soin. L’Église est par sa vocation même de lieu accueillant de rassemblement, où « la charité collégiale exige une parfaite harmonie, d’où résultent sa force morale, sa beauté spirituelle, son exemplarité » (ibid.). Ce mot est très important : “harmonie”. Il n’y a pas de majorité, de minorité ; cela peut être un premier pas. Ce qui est important, ce qui est fondamental, c’est l’harmonie, l’harmonie que seul l’Esprit Saint peut créer. Il est le maître de l’harmonie, qui, avec beaucoup de différences, est capable de former une seule voix, avec beaucoup de voix différentes. Repensons au matin de la Pentecôte, à la façon dont l’Esprit a créé cette harmonie dans les différences. L’Église a besoin de “lieux paisibles et ouverts”, à créer avant tout dans les cœurs, où chacun se sente accueilli comme un enfant dans les bras de sa mère (cf. Is 49, 15 ; 66, 13) et comme un enfant élevé sur la joue de son père (cf. Os 11, 4 ; Ps 103, 13).Nous arrivons ainsi à la troisième image : l’enfant. C’est Jésus Lui-même, dans l’Évangile, qui “le place au milieu”, qui le montre aux disciples, les invitant à se convertir et à se faire petits comme lui. Ils Lui avaient demandé qui était le plus grand dans le royaume des cieux : Il répond en les encourageant à se faire petits comme un enfant. Mais pas seulement : Il ajoute aussi qu’en accueillant un enfant en son nom, on l’accueille Lui-même (cf. Mt 18,1-5).

Et pour nous, ce paradoxe est fondamental. Le Synode, étant donné son importance, nous demande en un certain sens d’être “grands” – dans l’esprit, dans le cœur, dans la vision –, parce que les questions à traiter sont “grandes” et délicates, et que les scénarios dans lesquels elles s’inscrivent sont vastes, universels. Mais c’est justement pour cela que nous ne pouvons pas nous permettre de quitter des yeux l’enfant que Jésus continue à placer au centre de nos réunions et de nos tables de travail, pour nous rappeler que la seule façon d’être “à la hauteur” de la tâche qui nous est confiée est de nous faire petits et de nous accueillir les uns les autres, avec humilité, tels que nous sommes.

Rappelons-nous que c’est précisément en se faisant petit que Dieu nous « démontre ce qu’est la véritable grandeur, et même ce que signifie être Dieu » (Benoît XVI, Homélie pour la Solennité du Baptême du Seigneur, 11 janvier 2009). Ce n’est pas par hasard que Jésus dit que les anges des enfants « voient sans cesse la face de [son] Père qui est aux cieux » (Mt 18, 10) : ils sont donc comme un “télescope” de l’amour du Père.

Demandons au Seigneur, dans cette Eucharistie, de vivre les jours qui nous attendent sous le signe de l’écoute, de la garde réciproque et de l’humilité, pour écouter la voix de l’Esprit, pour nous sentir accueillis et accueillir avec amour et pour ne jamais perdre de vue les yeux confiants, innocents et simples des petits dont nous voulons être la voix, et à travers lesquels le Seigneur continue de faire appel à notre liberté et à notre besoin de conversion.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

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