Homélie du pape François lors de la Veillée pascale 2024

Le samedi 30 mars 2024, le pape François a prononcé l’homélie de la veillée pascale dans la basilique Saint-Pierre.

Il a souligné que la résurrection « est la Pâque du Christ, la révélation de la puissance de Dieu : la victoire de la vie sur la mort, le triomphe de la lumière sur les ténèbres, la renaissance de l’espérance au milieu des ruines de l’échec. »

Participez à notre célébration du Seigneur ressuscité avec des vidéos, des réflexions et bien plus encore, à l’adresse suivante : https://slmedia.org/fr/paques

Lisez le texte intégral de l’homélie ci-dessous : 

Homélie de Sa Sainteté le Pape François
Veillée Pascale en la nuit Sainte
Basilique Saint-Pierre
30 mars 2024

Les femmes se rendent au tombeau aux premières lueurs du jour, mais elles gardent en elles les ténèbres de la nuit. Bien qu’elles soient en chemin, elles sont encore immobiles : leur cœur est resté au pied de la croix. Encore étourdies par les larmes du Vendredi saint, elles sont paralysées par la douleur, elles sont enfermées dans le sentiment que tout est maintenant fini, qu’une pierre a été posée sur l’histoire de Jésus. C’est justement la pierre qui est au centre de leurs pensées. Elles se demandent : « Qui nous roulera la pierre pour dégager l’entrée du tombeau ? » (Mc 16, 3). Mais lorsqu’elles arrivent sur place, la force surprenante de Pâques les bouleverse : «  Levant les yeux – dit le texte – elles s’aperçoivent qu’on a roulé la pierre, qui était pourtant très grande » (Mc 16, 4).

Arrêtons-nous, chers frères et sœurs, sur ces deux moments qui nous conduisent à la joie inouïe de Pâques : dans un premier temps, les femmes se demandent avec angoisse qui roulera la pierre ; dans un deuxième temps, levant les yeux, elles voient que la pierre a déjà été roulée.

Tout d’abord – premier temps – il y a la question qui hante leurs cœurs brisés par la douleur : qui roulera la pierre du tombeau pour nous ? Cette pierre représentait la fin de l’histoire de Jésus, enseveli dans la nuit de la mort. Lui, la vie venue dans le monde, il a été tué ; Lui qui a manifesté l’amour miséricordieux du Père, on ne lui a pas fait pitié ; Lui qui a libéré les pécheurs du poids de la condamnation, il a été condamné à la croix. Le Prince de la paix qui avait délivré une femme adultère de la fureur violente des pierres, git enseveli derrière une grosse pierre. Cette pierre, obstacle insurmontable, était le symbole de ce que les femmes portaient dans leur cœur, le point final de leur espérance : tout s’était brisé contre elle, avec le sombre mystère d’une douleur tragique qui avait empêché la réalisation de leurs rêves.

Frères et sœurs, cela peut nous arriver aussi. Nous sentons parfois qu’une pierre tombale a été lourdement placée à l’entrée de notre cœur, étouffant la vie, éteignant la confiance, nous emprisonnant dans le tombeau des peurs et de l’amertume, bloquant le chemin vers la joie et l’espérance. Ce sont des “pierres de la mort”  et nous les rencontrons le long du chemin, dans toutes ces expériences et ces situations qui nous volent l’enthousiasme et la force d’avancer : dans les souffrances qui nous touchent et dans la mort d’êtres chers qui laissent en nous des vides insurmontables ; nous les rencontrons dans les échecs et les peurs qui nous empêchent d’accomplir le bien qui nous tient à cœur ; nous les rencontrons dans toutes les fermetures qui freinent nos élans de générosité et ne nous permettent pas de nous ouvrir à l’amour ; nous les rencontrons dans les murs de caoutchouc de l’égoïsme – ce sont de véritables murs de caoutchouc – égoïsme et indifférence qui repoussent l’engagement à construire des villes et des sociétés plus justes et à taille humaine ; nous les rencontrons dans toutes les aspirations à la paix brisées par la cruauté de la haine et la férocité de la guerre. Lorsque nous vivons ces déceptions, nous avons le sentiment que nombre de rêves sont destinés à être brisés, et nous nous demandons, nous aussi, avec angoisse : qui nous roulera la pierre du tombeau ?

Pourtant, ces mêmes femmes qui avaient les ténèbres dans le cœur témoignent d’une chose extraordinaire : en levant les yeux, elles ont vu que la pierre avait déjà été roulée, alors qu’elle était très grande. Voilà la Pâque du Christ, voici la force de Dieu : la victoire de la vie sur la mort, le triomphe de la lumière sur les ténèbres, la renaissance de l’espérance dans les décombres de l’échec. C’est le Seigneur, le Dieu de l’impossible, qui a roulé pour toujours la pierre et commencé à ouvrir nos cœurs, pour que l’espérance n’ait pas de fin. C’est donc vers Lui que nous devons, nous aussi, lever les yeux.

Et alors – deuxième temps – : levons nos yeux vers Jésus. Après avoir assumé notre humanité, il est descendu dans les abîmes de la mort et les a traversés par la puissance de sa vie divine, ouvrant une brèche de lumière infinie pour chacun. Ressuscité par le Père dans sa chair, dans notre chair, par la force de l’Esprit Saint, il a ouvert une page nouvelle pour le genre humain. Dès lors, si nous laissons Jésus nous prendre par la main, aucune expérience d’échec et de douleur, aussi douloureuse soit-elle, ne peut avoir le dernier mot sur le sens et le destin de notre vie. Désormais, si nous nous laissons saisir par le Ressuscité, aucune défaite, aucune souffrance, aucune mort ne pourra arrêter notre marche vers la plénitude de la vie. Dorénavant, « nous, chrétiens, nous disons que cette histoire … a un sens, un sens qui embrasse toute chose, un sens qui n’est plus corrompu par des absurdités et des obscurités … un sens que nous appelons Dieu … C’est vers Lui que confluent toutes les eaux de notre transformation ; elles ne s’enfoncent pas dans les abîmes du néant et de l’absurde … parce que son tombeau est vide et que Lui, qui était mort, s’est montré comme le vivant » (K. RAHNER, Qu’est-ce que la Résurrection ? Méditations sur le Vendredi saint et Pâques, Brescia 2005, 33-35).

Frères et sœurs, Jésus est notre Pâque, Il est Celui qui nous fait passer des ténèbres à la lumière, qui s’est lié à nous pour toujours et nous sauve des abîmes du péché et de la mort, nous entraînant dans la ruée lumineuse du pardon et de la vie éternelle. Frères et sœurs, levons les yeux vers Lui, accueillons Jésus, le Dieu de la vie, dans nos vies, renouvelons-Lui notre “oui” aujourd’hui, et aucune pierre ne pourra étouffer nos cœurs, aucune tombe ne pourra enfermer la joie de vivre, aucun échec ne pourra nous condamner au désespoir. Frères et sœurs, levons les yeux vers Lui et demandons-Lui que la puissance de sa résurrection fasse rouler les pierres qui oppressent nos âmes. Levons les yeux vers Lui, le Ressuscité, et marchons avec la certitude que, sur le fond obscur de nos attentes et de nos morts, se trouve déjà la vie éternelle qu’Il est venu apporter.

Sœur, frère, que ton cœur explose de joie en cette nuit sainte, en cette nuit sainte! chantons ensemble la résurrection de Jésus : « Chantez, chantez-le tous, fleuves et plaines, déserts et montagnes… chantez le Seigneur de la vie qui sort du tombeau, plus brillant que mille soleils. Peuples brisés par le mal et meurtris par l’injustice, peuples sans place, peuples martyrs, chassez en cette nuit les chantres du désespoir. L’homme des douleurs n’est plus en prison : il a ouvert une brèche dans la muraille, il se hâte de venir à vous. Que le cri inattendu s’élève dans les ténèbres : il est vivant, il est ressuscité ! Et vous, frères et sœurs, petits et grands … vous qui êtes dans la misère, vous qui vous sentez indignes de chanter … une flamme nouvelle traverse votre cœur, une fraîcheur nouvelle imprègne votre voix. C’est la Pâque du Seigneur – frères et sœurs – c’est la fête des vivants » (J-Y. QUELLEC, Dieu face nord, Ottignies 1998, 85-86).

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Homélie du pape François lors de la messe Chrismale du Jeudi Saint 2024

Le jeudi saint 28 mars 2024, le pape François a prononcé l’homélie de la messe chrismale annuelle à la basilique Saint-Pierre. Cette messe spéciale, célébrée dans les cathédrales du monde entier, est l’occasion pour chaque évêque de consacrer les huiles saintes qui seront utilisées tout au long de l’année dans son diocèse et pour les prêtres de renouveler leurs vœux. P

Lisez le texte intégral ci-dessous. 

Homélie de Sa Sainteté le Pape François
Messe chrismale
Jeudi Saint
28 mars 2024

« Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui » (Lc 4, 20). Ce passage de l’Évangile est toujours frappant, il nous permet de visualiser la scène d’imaginer ce moment de silence où tous les regards étaient fixés sur Jésus, dans un mélange d’étonnement et de méfiance. Nous savons cependant comment cela s’est terminé : après que Jésus eut démasqué les fausses attentes de ses compatriotes, ceux-ci « devinrent furieux » (Lc 4, 28), sortirent et le chassèrent hors de la ville. Leurs yeux s’étaient fixés sur Jésus, mais leurs cœurs n’étaient pas disposés à changer sur sa parole. Ils ont ainsi perdu la chance de leur vie.

Mais ce soir, Jeudi saint, un autre croisement de regards a lieu. Le protagoniste est le premier pasteur de notre Église, Pierre. Au début, lui non plus ne s’est pas fié à la parole “démasquante” que le Seigneur lui a adressée : « Tu m’auras renié trois fois » (Mc 14, 30). Il a ainsi “perdu de vue” Jésus et l’a renié au chant du coq. Mais ensuite, quand « le Seigneur, se retournant, posa son regard sur » lui, celui-ci « se souvint de la parole que le Seigneur lui avait dite […] Il sortit et, dehors, pleura amèrement » (Lc 22, 61-62). Ses yeux furent inondés de larmes qui jaillirent d’un cœur blessé, le libérant des fausses convictions et justifications. Ses larmes amères ont changé sa vie.

Les paroles et les gestes de Jésus, pendant des années, n’avaient pas fait dévier Pierre de ses attentes qui étaient semblables à celles des habitants de Nazareth. Lui aussi attendait un Messie politique et puissant, fort et décidé, et face au scandale d’un Jésus faible, arrêté sans opposer de résistance, il déclara : « Non, je ne le connais pas ! » (Lc 22, 57). Et c’est vrai, il ne le connaissait pas. Il a commencé à le connaître quand, dans l’obscurité du reniement, il a fait place aux larmes de la honte, aux larmes du repentir. Et il le connaîtra vraiment quand, « peiné parce que, pour la troisième fois, Jésus lui demandait : “M’aimes-tu ?” », il se laissera pleinement traverser par le regard de Jésus. Alors du « non, je ne le connais pas ! », il passera au : « Seigneur, toi, tu sais tout » (Jn 21, 17).

Chers frères prêtres, la guérison du cœur de Pierre, la guérison de l’Apôtre, la guérison du pasteur a lieu lorsque, blessé et repentant, on se laisse pardonner par Jésus : elle passe par les larmes, les pleurs amers, la douleur qui nous permet de redécouvrir l’amour. C’est pourquoi je souhaite partager avec vous quelques réflexions sur un aspect plutôt négligé – mais essentiel – de la vie spirituelle. Je vous le propose aujourd’hui avec un mot peut-être désuet, mais qu’il est bon je crois de redécouvrir : la componction.

Le mot évoque la piqûre : la componction est une “piqûre au cœur”, une perforation qui le blesse, faisant couler les larmes du repentir. Un épisode concernant encore saint Pierre nous aide. Transpercé par le regard et par les paroles de Jésus ressuscité, le jour de la Pentecôte, purifié et embrasé par l’Esprit, il proclame aux habitants de Jérusalem : « Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous avez crucifié. » (cf. Ac 2, 36). Les auditeurs ressentent à la fois le mal qu’ils ont fait et le salut que le Seigneur leur accorde, et « en entendant ces choses – dit le texte – ils furent touchés au cœur » (Ac 2, 37).

Voici la componction : elle n’est pas un sentiment de culpabilité qui abat, ni un scrupule qui paralyse, mais elle est une piqûre salutaire qui brûle à l’intérieur et guérit, parce que le cœur, lorsqu’il voit son mal et se reconnaît pécheur, s’ouvre, accueille l’action de l’Esprit Saint, eau vive qui l’émeut et fait couler des larmes sur son visage. Celui qui jette le masque et laisse Dieu regarder dans son cœur reçoit le don de ces larmes, les eaux les plus saintes après celles du baptême. [1] Chers frères prêtres, je vous souhaite cela aujourd’hui.

Il faut cependant bien comprendre ce que signifie pleurer sur nous-mêmes. Il ne s’agit pas de nous pleurer dessus, comme nous sommes souvent tentés de le faire. C’est le cas, par exemple, lorsque nous sommes déçus ou inquiets à cause de nos attentes qui ont échoué, du manque de compréhension des autres, peut-être des confrères et des supérieurs. Ou bien lorsque, par un étrange et malsain plaisir de l’âme, nous aimons ressasser les torts que nous avons reçus pour nous apitoyer sur notre sort, en pensant n’avoir pas reçu ce que nous méritions et en imaginant que l’avenir ne peut que nous réserver de continuelles surprises négatives. Cela – enseigne saint Paul – c’est la tristesse selon le monde, opposée à la tristesse selon Dieu. [2]

Pleurer sur nous-mêmes, au contraire, c’est nous repentir sérieusement d’avoir attristé Dieu avec le péché ; c’est reconnaître que nous sommes toujours en dette et jamais en crédit ; c’est admettre que nous avons perdu le chemin de la sainteté, n’ayant pas su garder la foi en l’amour de Celui qui a donné sa vie pour nous. [3] C’est regarder en moi-même et regretter mon ingratitude et mon inconstance ; c’est réfléchir avec tristesse sur ma duplicité et mes mensonges ; c’est descendre dans les méandres de mon hypocrisie, l’hypocrisie cléricale, chers frères, cette hypocrisie dans laquelle beaucoup, beaucoup tombent… Faites attention à l’hypocrisie cléricale. Pour ensuite, à partir de là, lever le regard vers le Crucifié et me laisser émouvoir par son amour qui pardonne toujours et relève, qui ne déçoit jamais les attentes de ceux qui se confient en Lui. Ainsi les larmes continuent à couler et purifient le cœur.

La componction, en effet, demande un effort mais redonne la paix ; elle ne provoque pas d’angoisse mais soulage l’âme de ses fardeaux parce qu’elle agit dans la blessure du péché, en nous disposant à y recevoir la caresse du Seigneur qui transforme le cœur quand il est « brisé et broyé » (Ps 51, 19), adouci par les larmes. La componction est donc l’antidote à la sclérocardie, cette dureté du cœur tant dénoncée par Jésus (cf. Mc 3, 5 ; 10, 5). Le cœur, en effet, sans repentir et sans pleurs, se raidit : il devient d’abord routinier, puis insouciant aux problèmes et indifférent aux personnes, puis froid et presque impassible, comme enveloppé d’une coque incassable, et finalement un cœur de pierre. Mais, comme la goutte creuse la pierre, les larmes creusent lentement les cœurs endurcis. On assiste ainsi au miracle de la tristesse, de la bonne tristesse qui conduit à la douceur.

Nous comprenons alors pourquoi les maîtres spirituels insistent sur la componction. Saint Benoît invite à « confesser chaque jour à Dieu dans la prière ses fautes passées avec larmes et gémissements » [4], et il affirme qu’en priant, « ce n’est pas dans un flot de paroles mais dans la pureté du cœur et les larmes de la componction que nous serons exaucés ». [5] Et si, pour saint Jean Chrysostome, une seule larme éteint un brasier de fautes, [6] l’ Imitation du Christ recommande : « Disposez votre coeur à la componction », car « à cause de la légèreté de notre coeur et de l’insouciance de nos défauts, souvent nous ne sentons pas les maux de notre âme ». [7] La componction est le remède parce qu’elle nous ramène à la vérité sur nous-mêmes, de sorte que la profondeur de notre être de pécheurs révèle la réalité infiniment plus grande de notre être de pardonnés, la joie d’être pardonné. L’affirmation d’Isaac de Ninive n’est donc pas surprenante : « Celui qui oublie la mesure de ses propres péchés, oublie la mesure de la grâce de Dieu à son égard ». [8]

Certes, chers frères et sœurs, toute renaissance intérieure naît toujours de la rencontre entre notre misère et sa miséricorde – notre misère et sa miséricorde se rencontrent -, toute renaissance intérieure passe par notre pauvreté d’esprit qui permet à l’Esprit Saint de nous enrichir. On comprend dans cette lumière les affirmations fortes de nombre de maîtres spirituels. Pensons à celles, paradoxales, de saint Isaac : « Celui qui connaît ses propres péchés […] est plus grand que celui qui, par la prière, ressuscite les morts. Celui qui pleure une heure sur lui-même est plus grand que celui qui sert le monde entier par la contemplation […]. Celui à qui il est donné de se connaître lui-même est plus grand que celui à qui il est donné de voir les anges ». [9]

Frères, venons-en à nous, prêtres, et demandons-nous combien la componction et les larmes sont présentes dans notre examen de conscience et dans notre prière. Demandons-nous si, avec les années, les larmes augmentent. À cet égard, il est bon que le contraire se produise par rapport à la vie biologique, où, quand on grandit, on pleure moins que lorsqu’on est enfant. Dans la vie spirituelle, en revanche, où il est important de devenir un enfant (cf. Mt 18, 3), celui qui ne pleure pas régresse, il vieillit intérieurement tandis que celui qui parvient à une prière plus simple et plus intime, faite d’adoration et d’émotion devant Dieu ; celui-là mûrit. Il s’attache de moins en moins à lui-même et de plus en plus au Christ, et devient pauvre en esprit. Il se sent ainsi plus proche des pauvres, les bien-aimés de Dieu, qu’auparavant – comme l’écrit saint François dans son testament – il tenait à l’écart parce qu’il était dans le péché, mais dont la compagnie d’amère qu’elle était devient douce. [10] Ainsi, celui qui a de la componction dans le cœur se sent de plus en plus frère de tous les pécheurs du monde, il se sent davantage frère, sans aucun sentiment de supériorité ou de dureté de jugement, mais toujours avec le désir d’aimer et de réparer.

Et cela, chers frères est une autre caractéristique de la componction : la solidarité. Un cœur docile, animé de l’esprit des Béatitudes, devient naturellement enclin à la componction pour les autres : au lieu de se mettre en colère et de se scandaliser du mal fait par ses frères, il pleure leurs péchés. Il ne se scandalise pas. Il se produit une sorte de renversement. La tendance naturelle à être indulgent avec soi-même et inflexible avec les autres s’inverse et, par la grâce de Dieu, on devient ferme avec soi-même et miséricordieux avec les autres. Et le Seigneur recherche, surtout parmi ceux qui Lui sont consacrés, ceux qui pleurent les péchés de l’Église et du monde, en se faisant instrument d’intercession pour tous. Combien de témoins héroïques dans l’Église nous montrent cette voie ! Pensons aux moines du désert, en Orient et en Occident ; à l’intercession continue, faite de gémissements et de larmes, de saint Grégoire de Narek ; à l’offrande franciscaine pour l’Amour non aimé ; aux prêtres, comme le Curé d’Ars, qui ont vécu de pénitence pour le salut des autres. Chers frères, ce n’est pas de la poésie, c’est le sacerdoce !

Chers frères, à nous, ses pasteurs, le Seigneur ne demande pas de jugements méprisants à l’endroit de ceux qui ne croient pas, mais de l’amour et des larmes pour ceux qui sont loin. Les situations difficiles que nous voyons et que nous vivons, le manque de foi, les souffrances que nous touchons qui, au contact d’un cœur en componction, ne suscitent pas la fermeté dans la polémique, mais la persévérance dans la miséricorde. Combien nous avons besoin d’être libérés de la dureté et des récriminations, des égoïsmes et des ambitions, des rigidités et des insatisfactions, pour nous abandonner à Dieu, se confier et trouver en Lui une paix qui sauve de toute tempête! Adorons, intercédons et pleurons pour les autres : nous permettrons au Seigneur de faire des merveilles. Et n’ayons pas peur : Il nous surprendra !

Notre ministère en bénéficiera. Aujourd’hui, dans une société sécularisée, nous courons le risque d’être très actifs et en même temps de nous sentir impuissants, avec le résultat de perdre l’enthousiasme avec la tentation de “baisser les bras”, de nous enfermer dans la plainte et de laisser la grandeur des problèmes l’emporter sur la grandeur de Dieu. Nous devenons alors amers et irritables, toujours à dire du mal, toujours à trouver une occasion pour nous plaindre. Mais si, au contraire, l’amertume et la componction portent sur notre propre cœur et non pas sur le monde, le Seigneur ne manquera pas de nous visiter et de nous relever. Comme nous y exhorte l’Imitation du Christ : « N’attire pas à toi les affaires des autres, et ne t’embarrasse pas dans celles des grands. Aie toujours l’œil sur toi d’abord, et reprends-toi particulièrement toi-même, de préférence à tes meilleurs amis. Si tu n’as pas la faveur des hommes, garde-toi de t’en attrister ; mais que ta peine soit de ne pas avoir dans ta vie cette sagesse, cette circonspection qui conviendrait à un serviteur de Dieu ». [11]

Enfin, je voudrais souligner un aspect essentiel : la componction n’est pas tant le fruit de notre exercice, mais elle est une grâce et, comme telle, elle doit être demandée dans la prière. La repentance est un don de Dieu, elle est le fruit de l’action de l’Esprit Saint. Pour faciliter sa croissance, je partage deux petits conseils. Le premier est de ne pas regarder la vie et l’appel dans une perspective d’efficacité et d’immédiateté, liée seulement à aujourd’hui et à ses urgences et attentes, mais dans l’ensemble du passé et de l’avenir. Du passé, en rappelant la fidélité de Dieu – Dieu est fidèle –, en se souvenant de son pardon, en s’ancrant dans son amour ; et de l’avenir, en pensant au but éternel auquel nous sommes appelés, à la fin dernière de notre existence. Élargir les horizons, chers frères, élargir les horizons aide à dilater le cœur, stimule à rentrer en soi avec le Seigneur et à vivre la componction. Un deuxième conseil qui en découle : redécouvrir la nécessité de nous consacrer à une prière qui ne soit pas due et fonctionnelle, mais gratuite, calme et prolongée. Frère comment est ta prière ? Revenir à l’adoration – as-tu oublié d’adorer ?-, revenir à la prière du cœur. Répétons : Jésus, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur. Ressentons la grandeur de Dieu dans notre petitesse de pécheurs, afin de regarder en nous-mêmes et de nous laisser traverser par son regard. Redécouvrons la sagesse de notre Sainte Mère l’Église qui nous introduit dans la prière avec toujours l’invocation du pauvre qui crie : Dieu viens à mon aide.

Bien aimés, revenons enfin à saint Pierre et à ses larmes. L’autel placé sur son tombeau ne peut que nous faire penser à combien de fois, nous qui disons chaque jour « Prenez et mangez-en tous : ceci est mon Corps livré pour vous », nous décevons et attristons Celui qui nous aime au point de faire de nos mains les instruments de sa présence. Il est donc bon de faire nôtres les paroles avec lesquelles nous nous préparons à voix basse : « Le cœur humble et contrit, nous te supplions, Seigneur, accueille-nous », et encore : « Lave-moi de mes fautes, Seigneur, et purifie-moi de mon péché ». Frères, la certitude que nous a donnée aujourd’hui la Parole nous console en toutes choses: le Seigneur, consacré par l’onction (cf. Lc 4, 18), est venu « guérir ceux qui ont le cœur brisé » (Is 61, 1). Alors, si le cœur est brisé, il peut être pansé et guéri par Jésus. Merci, chers prêtres, merci pour vos cœurs ouverts et dociles ; merci pour vos peines et merci pour vos larmes ; merci parce que vous apportez la merveille de la miséricorde – pardonnez toujours, soyez miséricordieux – ; et apportez cette miséricorde, apportez Dieu aux frères et aux sœurs de notre temps. Chers prêtres, que le Seigneur vous réconforte, vous confirme et vous récompense. Merci.

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[1] « L’Église a de l’eau et des larmes : l’eau du baptême, les larmes de la pénitence ». (S. Ambroise, Epistula extra collectionem, I, 12).

[2] « Une tristesse vécue selon Dieu produit un repentir qui mène au salut, sans causer de regrets, tandis que la tristesse selon le monde produit la mort » ( 2 Cor 7, 10).

[3] Cf. S. Jean Chrisostome, De compunctione, I, 10.

[4] Règle, IV, 57.

[5] Ivi, XX, 3.

[6] Cf. De paenitentia. VII, 5.

[7] Chap. XXI

[8] Discours acétiques (III Coll.), XII.

[9] Discours acétiques (I Coll.), XXXV (vers. grecque).

[10] Cf. FF 110.

[11] Chap XXI.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Quel est le sens du Carême ?

Photo de Cristian Gutiérrez, LC sur Cathopic.

Nous voici de nouveau dans le temps de Carême. Quel est le sens du Carême ? 

Souvent, nous considérons le Carême comme un moment dur où nous devons serrer les dents et nous efforcer de nous améliorer. Nous voulons peut-être perdre du poids, alors nous renonçons au chocolat. Nous voulons améliorer notre santé, alors nous renonçons à l’alcool. Nous nous concentrons sur nos efforts humains et sur le degré d’autodiscipline que nous pouvons rassembler pour nous améliorer. Mais est-ce vraiment là le sens du carême ? 

En réalité, le Carême ne porte pas tant sur ce que nous pouvons faire pour Dieu, ou pour nous-mêmes, mais plutôt sur ce que Jésus fait pour nous et sur la manière dont nous pouvons nous mettre sur sa longueur d’onde. Le Carême, c’est le temps privilégié pour accompagner Jésus dans sa montée vers Jérusalem, lieu de notre salut, de la mort et la résurrection du Christ. Le Carême consiste à se mettre au diapason du sacrifice que Jésus fait de lui-même, un sacrifice qu’aucune de nos actions ne pourra jamais égaler ou atteindre. Le don de Jésus est totalement unique, une fois pour toutes. 

Chaque année, nous faisons l’expérience du Carême afin de nous ouvrir davantage pour recevoir le don de son sacrifice pour nous. L’accent n’est pas tant mis sur ce que nous pouvons ou ne pouvons pas faire, mais sur ce que Jésus a fait, fait et fera pour nous. La dureté du désert de Carême est adoucie par la miséricorde, la tendresse et la compassion de Dieu qui vient nous faire avancer avec lui. Le Carême est un chemin de conversion sur lequel Dieu nous prend par la main comme un Père pour marcher avec son Fils Jésus. 

Le Carême nous prépare à ce que nous célébrerons le Jeudi Saint, le Vendredi Saint et le Dimanche de Pâques, lorsque nous verrons Jésus se livrer pour nous, donner sa vie et ressusciter le troisième jour. Il ne s’agit pas seulement d’un temps lourd à supporter, mais d’un moment propice, une saison favorable, pour grandir avec le Seigneur, pour nous laisser saisir par lui, pour trouver plus de force, de ferveur et d’enthousiasme à sa suite. Ce n’est pas seulement l’occasion de se laisser fortifier par Dieu face à nos tentations, nos mauvais penchants, mais encore plus l’opportunité de nous laisser transfigurer, façonner, modeler par le Christ, à son image. Pour devenir davantage fils et filles du Père dans l’Esprit Saint. 

En ce sens, les trois pratiques qui caractérisent le Carême – la prière, le jeûne et les actes de charité – sont des clés d’entrée dans cette dynamique de la grâce par laquelle Dieu nous transforme petit-à-petit. 

Jésus nous invite à l’accompagner dans ce pèlerinage de la mort à la vie nouvelle, et il est à l’œuvre tout au long du Carême pour nous conduire sur ce chemin qu’il a déjà emprunté avant nous. Comment Jésus t’appelle-t-il à te tourner vers lui pendant ce Carême ? Comment le Christ t’invite-t-il à être plus conscient de ce qu’il fait en toi et autour de toi ? Quels nouveaux chemins Jésus veut-il ouvrir pour toi pendant ce Carême, afin de vivre plus pleinement sa mort et sa résurrection à Pâques ? En même temps, souvenons-nous que nous ne sommes pas seuls sur ce chemin de Carême. Nous vivons ce temps ensemble, en Église, comme des compagnons de route à la suite du Christ. 

Jésus, envoie ton Esprit pour nous renouveler, nous fortifier, nous transformer pendant ces 40 jours. Marche avec nous, guide nos pas, prends-nous par la main, alors que nous marchons ensemble à ta suite.

Triduum pascal

Messe Chrismale présidée par le pape François
Basilique St Pierre
jeudi 28 mars 9h et 13h en anglais

Messe de la dernière Cène
Oratoire St Joseph de Montréal
Jeudi 28 mars 19h30 HE en direct

Célébration de la Passion du Seigneur
Basilique St Pierre
Vendredi 29 mars en direct midi rediffusion en anglais 20h30 et 1h30 du matin

Chemin de Croix
Colisée de Rome en direct 16h15 HE
Rediffusion 18h en français
23h en anglais

Vigile pascale
Basilique St Pierre
Samedi 29 mars 15h30 en direct,
rediffusion 23h30 en anglais

Vigile pascale de Notre Dame de Paris
Samedi 29 mars en Français 18h30 HE

Messe de Pâques et bénédiction Urbi et Orbi
Place St Pierre en direct 4h15 HE rediffusion 14h en français
10h – 20h30 et minuit en anglais

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