Pour guérir les blessures du Canada : le Pape François et les peuples autochtones

Julian Paparella avec Lina, survivante des écoles résidentielles qui a 90 ans, le matin des excuses présentées par le pape François à Maskwacis, en Alberta, le 24 juillet 2022.

Julian Paparella avec Lina, survivante des écoles résidentielles qui a 90 ans, le matin des excuses présentées par le pape François à Maskwacis, en Alberta, le 24 juillet 2022.

Sur place à Maskwacis, en Alberta, pour assister à l’arrivée du pape François qui allait présenter ses excuses tant attendues aux peuples autochtones du Canada sur leurs propre terres, j’ai été profondément ému. Deux choses m’ont frappé simultanément. Premièrement, la souffrance, la douleur et le traumatisme intergénérationnel qui ont ravagé les communautés et les familles autochtones. Deuxièmement, l’humilité, le courage et la compassion du pape, qui a parcouru une telle distance pour démontrer sa proximité.

J’ai vu devant moi un berger et un pèlerin qui est venu de Rome jusqu’aux prairies de l’Alberta rurale pour aider à guérir les blessures les plus profondes du Canada. Ces blessures ont si souvent été tragiquement ignorées, cachées et rejetées. On était là, au milieu de l’Alberta rurale, par un lundi matin pluvieux, dans un endroit dont la plupart des Canadiens n’avaient jamais entendu parler, et le chef de file des 1,3 milliard de catholiques du monde était arrivé afin d’oeuvrer pour la vérité, à la justice, à la réconciliation et à la guérison dans notre pays. Le successeur de saint Pierre est venu jusqu’ici pour nous faire avancer sur le chemin que nous devons prendre ensemble. Ce fut une expérience qui a fait couler des larmes à beaucoup d’entre nous.

La route à double sens du bon Samaritain

En vivant tout cela directement, je n’ai pu m’empêcher de penser à la parabole du bon Samaritain de Jésus (Luc 10,25-37). Comme l’homme de la parabole de Jésus, le pape François a écouté le cri des autochtones, des abus et des blessés sur le bord de la route de la société canadienne. Il a refusé de faire comme les autres qui ont fait la sourde oreille et ont fermé les yeux. Il a insisté pour aller de l’avant avec nos frères et sœurs autochtones, en prenant au sérieux leur besoin de guérison et en agissant en conséquence.

Mais le pape François n’est pas le seul à avoir suivi les traces du bon Samaritain l’été dernier. De nombreux autochtones m’ont confié qu’ils ne voulaient pas que le pape présente des excuses comme une simple formalité politique ou une obligation légale. Ils voulaient plutôt des excuses venant du cœur, qui les toucheraient dans leur cœur. Ils disent que pour guérir, ils doivent pardonner. C’est une leçon d’humilité et une source d’inspiration pour nous tous. Nos frères et sœurs autochtones ont le désir de pardonner. Pour beaucoup d’entre eux, ils voulaient que le pape s’excuse afin de pouvoir pardonner à l’Église. Ainsi, les autochtones eux-mêmes sont comme le bon Samaritain, qui sort l’Église du caniveau pour qu’ensemble nous puissions avancer sur le chemin de la guérison.

Le chemin de la guérison pour nos frères et sœurs autochtones

J’étais bouleversé en écoutant les hommes et les femmes autochtones au cours de la visite du pape. Leurs histoires et leurs visages témoignent de décennies de souffrance, mais aussi d’un espoir indéfectible pour l’avenir. Comme l’a dit une femme le jour des excuses du pape à Maskwacis : « Je suis reconnaissante d’être ici aujourd’hui, parce que tant de membres de ma famille, d’amis et de camarades de classe n’ont pas pu voir le pape venir au Canada et entendre ses excuses ». Une autre femme a partagé que dans sa communauté isolée des Territoires du Nord-Ouest, rien que dans le mois précédant la visite du pape, quatre jeunes s’étaient suicidés. Il s’agissait de jeunes pères et mères de famille, laissant leurs enfants derrière eux.

Le traumatisme intergénérationnel causé par les pensionnats et les abus subis par les autochtones a des répercussions durables sur la vie quotidienne de leurs communautés, encore aujourd’hui. Un très grand nombre d’entre eux ont été arrachés à leur foyer. Cela signifie que leurs parents n’ont pas appris à être parents, et qu’ils ne l’ont pas été non plus. Le cercle de la vie familiale a été brisé. Pourtant, malgré cette obscurité, au milieu du fléau de la toxicomanie et du suicide, beaucoup d’entre eux ont pu persévérer, obtenir de l’aide, surmonter les ombres de leur vie et regarder vers la lumière. Ces survivants sont des héros canadiens, avec des noms, des visages, des amis et des familles. En tant que pays, nous leur devons le même respect, le même engagement et le même amour que le pape François est venu leur témoigner.

Avancer ensemble

En tant qu’habitants du Canada, nous avons encore tant à apprendre sur les premiers peuples qui ont accueilli sur leurs terres les générations de migrants qui ont suivi. Tant d’étapes doivent encore être franchies dans notre cheminement ensemble. L’été 2022 a été une route à double sens du bon Samaritain, mais la route ne s’arrête pas là. En tant que catholique et canadien, je suis plus convaincu que jamais que nous devons prendre au sérieux le chemin de la guérison et de la réconciliation si nous voulons que notre pays soit une société juste, humaine et fraternelle. Nous ne pouvons continuer à avancer sans entendre les cris des blessés. Le pape a tendu les bras et les autochtones lui ont répondu. Il est temps que nous fassions tous de même. Suivons les paroles de Jésus : « Va, et toi aussi, fais de même » (Luc 10,37).

 

Conflit russo-ukrainien: où est Dieu à travers la guerre?

(Image: courtoisie de Unsplash)

Les yeux du monde entier sont fixés sur l’Ukraine. Nos cœurs se tournent vers nos semblables qui souffrent d’une attaque brutale. De terribles tragédies comme celle-là soulèvent la question suivante: où est Dieu?

Bien que ce soit difficile à voir, Dieu n’est pas absent. Dieu est là. Dieu pleure. Dieu est du côté de ceux qui souffrent et il entend leur cri. Notre Dieu n’est pas indifférent, ou déconnecté. Il ne vit pas dans un palais lointain, ou un yacht luxueux. Dieu est au milieu de la souffrance, au cœur même des traumatismes et des tragédies du monde. 

Il ne fait aucun doute que Dieu accompagne les familles ukrainiennes qui sont contraintes de fuir et de se séparer. Dieu pleure sur les corps qui nous laissent insensibles. En même temps, Dieu donne du courage aux citoyens russes qui osent protester face à la cruauté, risquant leur liberté pour dire non à la guerre. Dieu œuvre pour faire avancer les négociations sur le chemin de la paix. Dieu inspire les journalistes et les caméramans qui mettent leur vie en danger pour transmettre la réalité vécue des gens. 

L’histoire nous montre que c’est souvent dans les ténèbres les plus écrasantes que Dieu fait briller la lumière la plus rayonnante. Pensons à la cellule obscure de saint Maximilien Kolbe à Auschwitz, qui se sacrifie pour sauver la vie de son codétenu. Au cœur de l’horreur, Dieu répond en faisant briller une lueur d’amour. 

Dieu ne se contente pas d’observer la souffrance du monde à la manière d’un spectateur. Dieu se fait proche. Il nous dit lui-même : « Ne crains pas, car je suis avec toi, n’aie pas peur, car je suis ton Dieu; je te fortifierai, je te secourrai » (Isaïe 41, 10). Sa fidélité n’est pas éteinte par les ténèbres du monde: « Quand tu passeras à travers les eaux, je serai avec toi; et à travers les fleuves, ils ne te submergeront pas; quand tu marcheras dans le feu, tu ne seras pas brûlé, et la flamme ne te consumera pas » (Isaïe 43, 2). Dieu ouvre un chemin là où il n’y en a pas. La vie que Dieu nous donne vainc la mort, elle-même. 

En effet, Dieu désire tellement être proche de nous qu’il s’est fait homme, a souffert comme nous et a partagé notre mortalité. C’est ce que le cardinal Michael Czerny avait à l’esprit et au cœur lorsqu’il s’est rendu en Ukraine au nom du pape François et de tous les chrétiens : « être proche de son peuple, de ses enfants qui souffrent, c’est la manière que Dieu a choisie pour entrer dans l’histoire du monde. Même au prix de finir sur la croix ». Le Créateur de l’univers est né, un nourrisson persécuté sous la coupe d’ un régime d’oppression impitoyable. La Sainte Famille a été contrainte de fuir sa patrie, menacée par le roi Hérode, assoiffé de sang. Le Christ a été mis à mort sous la bannière de l’Empire romain. Jésus a déclaré les persécutés « bienheureux » (Matthieu 5, 10-11). La victoire de la résurrection ouvre un chemin de vie même à travers les ravins de la mort. 

Ici et maintenant, Jésus ressuscité vient racheter les situations les plus désespérées. Jésus ne prend pas les armes. Son arme est l’amour. Le Christ ne massacre pas nos ennemis. Il change les cœurs. Le chemin du Christ passe par notre désir d’un lendemain meilleur et d’un monde plus solidaire, plus fraternel, plus humain. La paix du Christ nous conduit à la vraie liberté, bien plus grande que la simple absence de guerre et d’oppression. 

« Des fleuves de sang et de larmes coulent en Ukraine ». Ce ne sont pas que des larmes humaines: les larmes de Dieu se mêlent aux nôtres. Ce n’est pas seulement le sang des soldats et des civils, mais le sang du Christ qui vient racheter notre misère et notre souffrance les plus profondes. 

Jésus porte la croix des ukrainiens avec eux. Il nous appelle à faire de même. Serons-nous Simon de Cyrène pour les hommes, les femmes et les enfants d’Ukraine – par nos prières, notre solidarité, notre soutien financier et matériel? Dieu est avec eux, et il veut leur venir en aide à travers toi et moi. Osons être une « armée désarmée qui travaille à la reconstruction de cette humanité que les armes tentent de détruire ».

Jésus, par le sang de ta croix, guérit les blessures de ceux qui souffrent. Fais que Ta paix prenne racine dans les cœurs endurcis pour mettre fin à l’horreur de la guerre. Marie, Reine d’Ukraine, Reine de la Paix, priez pour nos frères et sœurs ukrainiens!  

Théologie de la synodalité avec Gilles Routhier

Cette semaine à Parrêsia, Francis Denis s’entretient du thème de la synodalité avec le prêtre et théologien Gilles Routhier. Sont notamment abordés les thèmes de la histoire de l’Église, de l’ecclésiologie, des défis de l’Église en 2021 ainsi que des différentes étapes du processus synodale de trois ans et des intentions du pape François en convoquant cette assemblée. Tout cela et bien plus sur Parrêsia, votre balado qui prend le temps de penser.

Synode 2023: communion, participation et mission avec Julian Paparella


Cette semaine à Parrêsia, Francis Denis s’entretient du processus synodale culminant avec la XVIe Assemblée générale dy Synode des évêques à Rome en 2023. Sont notamment abordés les thèmes de la Synodalité, de spiritualité, des étapes locales, continentales et universelles, de la complémentarité des ministères et des intuitions du pape François pour l’Église au XXIe siècle. Tout cela et bien plus sur Parrêsia, votre balado qui prend le temps de penser.

Saint Pierre, saint Paul et l’unité du genre humain

Ce mardi 29 juin, l’Église universelle fête la solennité des saints apôtres Pierre et Paul. La liturgie du jour revêt un caractère spécial à Rome puisqu’elle est non seulement présidée par le Pape (successeur de Pierre) mais également parce qu’elle est célébrée situé au-dessus du tombeau même du chef des apôtres. Outre cette commémoration et l’action de grâce pour la vie de ces deux témoins de la foi apostolique, cette journée est une invitation à réfléchir et nous inspirer des enseignements qu’ils nous ont tous deux laissés. 

Pierre ou l’unité par l’universalité

Nous connaissons tous ce passage de l’Évangile où Jésus affirme sans équivoque : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église » (Mt 16,18). Ce mandat pastoral divin manifeste à quel point la mission de Pierre est celle du maintien de l’identité même de l’Église. Lorsque l’on construit un bâtiment, la pierre fondatrice doit toujours être parfaitement proportionnée et, d’une certaine manière, contenir en gestation l’ensemble de l’édifice à venir. Pierre devait donc, sous l’impulsion de l’Esprit Saint, incarner et devenir le signe des qualités essentielles de l’Église que sont l’unicité, la sainteté, la catholicité et l’apostolicité. Comme on le dit dans le CREDO, l’Église est « Une, Sainte, Catholique et Apostolique ». Comme le disait le pape émérite Benoît XVI en 2005 dans son homélie pour cette solennité :

La Catholicité n’exprime pas qu’une dimension horizontale, le rassemblement de nombreuses personnes dans l’unité ; elle exprime également une dimension verticale : ce n’est qu’en tournant le regard vers Dieu, seulement en s’ouvrant à Lui que nous pouvons devenir vraiment une seule chose.

Notre attachement à Pierre et ses successeurs est donc le signe que nous sommes en lien avec l’intention que Dieu a donnée à l’Église dès sa fondation. Par notre union à l’évêque de Rome, c’est-à-dire par l’écoute attentive et la mise en pratique de ses enseignements, nous avons la garantie que nous sommes sur le droit chemin. Nous sommes certains de ne pas nous laisser égarer par des fausses doctrines qui ont toujours pour résultat la division. Aujourd’hui, c’est donc unis au pape François que nous pouvons également recevoir les grâces attachées au véritable culte « en esprit et en vérité » (Jn 4, 23). Grâce à ce charisme de l’unité, tous les chrétiens peuvent pleinement recevoir en eux la présence salvatrice du Christ. Ainsi donc, « Par Lui, avec Lui et en Lui », l’unité verticale avec Dieu est rétablie. Cela a aussi pour effet de solidifier l’unité de la communauté.

À la verticalité, le charisme de Pierre ajoute donc l’horizontalité nécessaire au déploiement de la grâce au sein même de nos communautés. Par l’unité que chaque membre entretient avec Dieu le Père, Fils et Esprit Saint, se déploie une unité mystérieuse au sein des chrétiens. Personnellement transfigurés par la Grâce de l’adoption filiale qui fait de nous des fils et des filles d’un même Père, l’unité désormais solidifiée peut dès lors rayonner au-delà de ses frontières. Cette catholicité « horizontale » permet donc de garder les portes grandes ouvertes afin d’accueillir tous ceux qui sentent l’appel à la plénitude de la vie et de l’existence.

Paul : modèle missionnaire par excellence

 L’unité incarnée par le ministère et la vie de Pierre et de ses successeurs devait être « complétée » par un autre charisme, tout aussi nécessaire et cohérent avec le premier. Alors que la communauté croyante est réunie par Dieu autour de Pierre, cette dernière ne peut se contenter de rester sur place. Elle ne peut souffrir d’un entre-soi « autoréférentiel » (no 94)comme le dit le pape François. Bien que les portes restent toujours ouvertes, la force de la charité vécue doit faire un pas de plus dans le don. Elle nous pousse au-dehors, à la rencontre de toute personne humaine. Historiquement, c’est à Paul que fut donné la grâce d’être le modèle du missionnaire. D’incarner l’élan qui découle de la catholicité de l’Église.

À travers les siècles, des milliers de missionnaires allaient suivre son exemple. Parcourant tous les continents de la terre à toutes les époques, les chrétiens n’ont jamais cesser de proposer le Christ à tous. Cette dynamique missionnaire allait cependant garder ce caractère d’universalité en cherchant, non seulement à inclure tous les peuples et cultures dans l’assemblée priante mais également en cherchant à transfigurer de l’intérieur toutes les réalités humaines. Ainsi, chaque « langue, peuple ou nation » allait désormais être en mesure d’inclure la Révélation dans sa vie propre et déployer toujours un peu plus la beauté et la grandeur de la création nouvelle s’opérant dans l’histoire.

Pierre, Paul et l’unité du genre humain

On l’aura compris, les saints apôtres Pierre et Paul sont plus que jamais pertinent pour notre époque. À l’heure de la globalisation, de la mondialisation des communications, de la diversité et complexité des rapports sociaux, une culture de la rencontre est plus que jamais nécessaire. En ce sens, la dynamique missionnaire de l’Apôtre des nations et la force de l’unité de Pierre peuvent nous inspirer et, ainsi, transformer les diverses tensions en occasions d’échange et d’acceptation du mystère de notre humanité commune. Ce mystère, nous le savons, ne saura jamais totalement épuisé ni par les uns, ni par les autres. Au « choc des civilisations » nous devons substituer une « culture de la rencontre » capable d’affirmer les différences afin que tous aient l’opportunité de manifester leur portion du mystère du genre humain qui leur est donné d’incarner.

Écologie intégrale et préservation du patrimoine: l’intuition de l’AECQ

(Image: courtoisie Pixabay) Le 17 juin dernier, l’Assemblée des évêques catholiques du Québec publiait un document de réflexion sur « les relations entre la sauvegarde de l’environnement et le patrimoine immobilier des communautés chrétiennes ». Intitulé « Crise climatique et patrimoine religieux », ce texte manifeste non seulement, les principes qui doivent présider au mouvement de reconversions architecturales et immobilisées de l’Église au Québec et l’esprit dans lequel elles doivent s’opérer mais également donne des exemples concrets pouvant être une source d’inspiration. S’inscrivant dans la ligne du pape François et de son encyclique Laudato sì, les évêques du Québec nous invitent donc à discerner les différentes avenues dans lesquelles notre Église peut trouver sa place dans cette prise de consciente écologique. En ce sens, il est primordial de s’interroger sur le propre de la mission de l’Église dans cet enjeu crucial de notre temps.

L’écologie intégrale contre la bétonisation du monde

On le sait, les défis environnementaux qui nous affectent aujourd’hui ont beaucoup à voir avec les façons de voir qui ont prévalu au siècle passé. Souvent mues par un optimisme naïf et une foi simpliste dans le progrès technique, nos sociétés se sont développées sans égard au rythme et cycle de la nature. De plus, lorsque nous regardons le patrimoine architectural de cette même époque, on se rend vite compte que le réflexe était trop souvent de mettre du béton partout. D’une idée erronée du développement découlait malheureusement une esthétique de la laideur. Ou se pourrait-il que ce soit l’inverse ? Se pourrait-il qu’une éducation aux beaux-arts aurait pu éviter ces excès ? Comment donc s’assurer de ne pas répéter les erreurs du passé ? Pour Jésus comme pour l’Église, la solution procède toujours de la prière et du surplus de charité découlant de cette dernière. En ce sens, il est clair que la préservation du patrimoine religieux et culturel de l’Église aura un effet sur la mobilisation en faveur de l’environnement mais celle-ci ne sera réelle que dans la logique d’une contemplation plus grande du Mystère qu’elle présente au monde.

Dans son encyclique Laudato sì, la pape François nous invite à délaisser une sortie du « paradigme technocratique » (no 109)pour embrasser la voie de la création et de la contemplation qui arrive « à dépasser le pouvoir objectivant en une sorte de salut qui se réalise dans le beau et dans la personne qui le contemple » (no 112). En ce sens, la préservation et le rayonnement de ces joyaux que sont nos églises sont des pierres angulaires de cette œuvre d’éducation « environnementale [et qui] demeure un enjeu pastoral significatif » (no 4.1). Ainsi, le sens profondément écologique de l’Évangile présuppose donc une redécouverte du nœud de la conversion écologique qui se trouve dans l’attitude contemplative. En ce sens, les beaux-arts dont nos églises regorgent sont des alliés précieux dont notre société ne peut se passer sans conséquences pour la planète. Paradoxalement, nous devons comprendre que notre monde a besoin de communautés témoignant de l’efficacité de la contemplation. Pour l’Église, la crise climatique est donc, d’abord et avant tout, une invitation à remettre l’adoration eucharistique au centre de notre vie ecclésiale. Étant intérieurement transformées par cette « attitude d’adoration » (no 127), nos communautés sauront faire preuve de la créativité nécessaire pour surmonter les défis qui sont les nôtres.

Faire fleurir la richesse des personnalités

Chercher le propre de l’apport de la spiritualité chrétienne dans le « virage vert » de nos sociétés doit, comme le disent les évêques, être beaucoup plus que « l’effet d’une nouvelle mode verte » (no3). C’est donc en cherchant et en s’enracinant dans son propre patrimoine que l’Église pourra trouver l’inspiration nécessaire pour faire preuve de créativité. L’expérience de plus de deux millénaires montrent en effet que l’Église est constituée avant tout de personnes divines et humaines qui, dans la relation d’Amour de haut en bas et de bas en haut, devient par le fait même le lieu privilégié pour faire émerger la personnalité de ses membres. On prend souvent pour acquis que les personnes humaines sont toutes uniques et que cette unicité n’a pas besoin d’être enrichie. Or, personne n’est auto-suffisant. Comme le dit le pape François, les capacités des hommes c’est-à-dire :

La capacité de réflexion, l’argumentation, la créativité, l’interprétation, l’élaboration artistique, et d’autres capacités inédites, montrent une singularité qui transcende le domaine physique et biologique. La nouveauté qualitative qui implique le surgissement d’un être personnel dans l’univers matériel suppose une action directe de Dieu, un appel particulier à la vie et à la relation d’un Tu avec un autre tu. (No 81)

On peut, en effet, comparer l’Église à un jardin qui, donnant les nutriments et éléments essentiels à leur croissance, permet aux fleurs d’éclore et de resplendir de leur caractère propre. Être des lieux de développement de l’intégralité des personnes humaines aura évidemment des effets sur les relations que ceux-ci entretiennent avec la nature. On peut dire, par conséquent, qu’à l’origine de beaucoup de difficultés du monde actuel, il y a avant tout la tendance, pas toujours consciente, à faire de la méthodologie et des objectifs de la techno-science un paradigme de compréhension qui conditionne la vie des personnes et le fonctionnement de la société (no107).

L’écologie intégrale exige donc que nos communautés soient des lieux d’éducation et de déploiement de la personnalité de chacun de ses membres. Ainsi, rayonnant de personnalités riches et pleinement développées du point de vue spirituel, intellectuel, affectif, professionnel, etc., l’Église sera beaucoup plus en mesure d’offrir sa contribution unique aux défis environnementaux. C’est en vertu de la création même que toutes choses sont établies selon leur ordonnance et leurs lois et leurs valeurs propres, que l’homme doit peu à peu apprendre à connaître, à utiliser et à organiser. (Gaudium et Spes, no2). Parce qu’elle aura su, à l’intérieur de son propre fonctionnement, intégrer la logique même de la création, l’Église pourra de nouveau témoigner par des solutions créatives, originales et pleinement humaine.

La paroisse au rythme de l’écologie intégrale

Que ce soit dans la justesse de son intuition, la reconnaissance des différentes tendances de notre époque ou par l’apport d’exemples concrets aptes à nous motiver dans les années à venir, le plus récent texte du Conseil Église et société de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec est un très bon instrument pour faire un pas dans la transition écologique. Reflétant les liens intimes que le traitement du patrimoine bâti de l’Église avec le manque de respect pour l’environnement du XXe siècle, nous comprenons mieux l’opportunité pastorale que peut représenter cette prise de conscience de l’urgence climatique. Espérons que nos communautés saisiront cette occasion rêvée de faire rayonner la Présence réelle de Dieu pour nous aujourd’hui et maintenant.

L’Église, les jeunes et la mondialisation avec Charles Mercier

Cette semaine à Parrêsia, Francis Denis s’entretient du livre « L’Église, les jeunes et la mondialisation: Une histoire des JMJ » avec l’historien et professeur à l’Université de Bordeaux Charles Mercier. Sont notamment abordés les thèmes de l’intention fondatrice de saint Jean-Paul II, les dynamiques organisationnels aux niveaux nationales, internationales et ecclésiales ainsi que l’interconnexion des Journée mondiales de la jeunesse avec le phénomène de la mondialisation.Tout cela et bien plus sur Parrêsia, votre balado qui prend le temps de penser.

Prendre sur soi le visage pauvre du Christ

(Image: courtoisie Pixabay) Dimanche dernier 13 juin 2021 était publié le Message du pape François pour la 5e journée mondiale des pauvres qui aura lieu le 14 novembre prochain. Abordant de nombreux thèmes pastoraux et sociaux, le Pape a soulevé les questionnements et défis que nous devrons relever en cette année qui verra certainement surgir les conséquences négatives du confinement. Qu’est-ce que Jésus nous apprend sur la réalité de la pauvreté? Comment adapter notre regard sur celle-ci afin de mieux y faire face? Comment l’Église peut-elle retrouver sa véritable identité en incluant les pauvres à sa mission évangélisatrice ? Voilà quelques questions auxquelles le Pape a essayé de répondre.

L’enseignement de Jésus sur la pauvreté

Ce message est d’abord un commentaire à la parole de Jésus dans l’évangile de Marc selon laquelle « Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous » (Mc 14, 7). Selon le Souverain pontife, cette phrase n’est pas un encouragement à rester indifférents aux pauvres. En d’autres termes, le fait de la permanence de la pauvreté ne nous exonère pas de la responsabilité que nous avons envers les personnes les plus vulnérables. La figure du Christ doit, au contraire, nous faire prendre conscience que « le premier pauvre c’est Lui, le plus pauvre parmi les pauvres parce qu’il les représente tous. » (no1).

Jésus transfigure donc la pauvreté elle-même en l’adoptant pour Lui-même. Aimer Jésus et vouloir le suivre implique donc nécessairement un raisonnable détachement face aux réalités terrestres qui peuvent potentiellement nous éloigner de Lui. De nouveau regard devant la pauvreté nous révèle que « la pauvreté n’est pas le fruit de la fatalité, mais le signe concret de sa présence parmi nous » (no2). Ainsi, comprendre le fait que les pauvres « vous en aurez toujours » n’est pas une mauvaise nouvelle. Au contraire,  elle est une invitation à reconnaître la présence de Dieu qui, elle aussi, sera « toujours » parmi nous.

La pauvreté, un mal permanent transfiguré

Comprendre la pauvreté et sa haute valeur spirituelle ne doit pas nous empêcher d’être sensibles aux malheurs humains qui nous entourent. Tout au contraire. Par la foi, nous comprenons mieux que le combat contre la pauvreté ne peut se suffire d’une vision purement matérielle.

Notre engagement ne consiste pas exclusivement en des actions ou des programmes de promotion et d’assistance ; ce que l’Esprit suscite n’est pas un débordement d’activisme, mais avant tout une attention à l’autre qu’il considère comme un avec lui  (no2).

Être attentif au pauvre présuppose donc une très haute conscience de sa dignité en tant que personne et des différents besoins qui en découlent. Par exemple, donner à manger aux indigents est certes nécessaire mais cela ne doit qu’être un premier pas. Nul ne pourrait se satisfaire d’être spectateur de sa propre vie. Ils doivent être conscients que leur existence a un sens et, qu’eux aussi, peuvent participer activement à l’amélioration de nos sociétés et diminuer le fardeau de la souffrance en ce monde. En ce sens, une pastorale adaptée à la dignité du pauvre cherchera donc à « reconnaître la force salvifique de leur existence, et à les mettre au centre du cheminement de l’Église » (no2).

S’adapter pour mieux rejoindre

On a souvent mis l’accent sur la contemplation du Christ dans le pauvre. Il est cependant beaucoup plus rare d’entendre parler de la contemplation du pauvre dans Christ. Cela est certainement dû au fait que la pauvreté (et la souffrance en général) nous rend souvent inconfortables. Comme le dit le pape François : « Nous devrions avouer avec une grande humilité que nous sommes souvent des incompétents devant les pauvres » (no 7). Ce malaise ne doit cependant pas nous arrêter. En effet, la grâce de la contemplation et l’annonce du Seul Dieu crucifié devrait nous donner ce surplus d’audace nécessaire à assumer ce visage pauvreté.

Durant plusieurs siècles, les ordres religieux ont cherché des moyens concrets pour adopter ce visage. Par exemple, on peut penser à la simplicité de leur habillement ou, même, de leur coupe de cheveux (tonsure monastique) qui cherchaient à embrasser volontairement l’apparence de celui qui n’a que faire des conventions sociales. Nous avons donc une riche tradition qui peut toujours nous inspirer. Toutefois, et cela concerne d’abord les laïcs, prendre sur soi le visage pauvre du Christ pourrait s’exprimer, selon les paroles du pape, en adoptant un style de vie cohérent et apte, par une constante vigilance à surmonter « l’état de bien-être relatif auquel on s’est habitué (et qui) rend plus difficile l’acceptation des sacrifices et des privations » (no 9) nécessaires au mouvement « d’évangélisation qui rencontre en premier lieu les pauvres là où ils se trouvent » (no 9).

Un message pour préparer ce qui s’en vient

On le sait, la crise sanitaire que nous avons vécue ne pourrait qu’être le premier acte d’une crise économique globale qui pourrait affecter l’ensemble de nos sociétés. En ce sens, le Message pour la 5e Journée Mondiale des pauvres 2021 est un bon moyen pour se préparer dans la prière et la réflexion aux différents engagements qui pourraient découler d’une sensibilité accrue aux défis qui nous entourent. Ainsi, de par cette « solidarité sociale et la générosité dont beaucoup, grâce à Dieu, sont capables, combinées à des projets clairvoyants de promotion humaine », (no 5) nous pourrons sortir grandis de cette période traumatique de notre histoire.

La question migratoire, du politique au spirituel

(Image : courtoisie de Unsplash)

Le Pape François, à l’occasion d’un message pour la Journée mondiale du Migrant et du Réfugié, rappelait l’importance des questions migratoires, un enjeu social et politique de portée internationale auquel il a été particulièrement attentif durant son pontificat. Le Saint-Père a fait connaître aux chrétiens  – et à tous les hommes de bonne volonté, selon la formule consacrée – son désir de voir l’humanité progresser vers un degré plus élevé d’universalité, vers une unité plus aboutie. 

Avec un langage parfois fort, le Pape a ainsi condamné dans les dernières années certaines formes excessives de nationalisme et de crispation identitaire, qui ont pour effet de nous enfermer dans nos particularités et de voiler le visage du Christ que nous devons voir dans notre prochain. 

L’Église catholique, assemblée universelle 

L’unité espérée du genre humain, l’espérance d’une humanité réconciliée et pacifiée, est en un sens profondément enracinée dans le cœur de l’homme. Notre foi est fondée sur la promesse d’une Jérusalem nouvelle, d’une cité rénovée par la Grâce et pour la gloire de Dieu, regroupant les Élus dans un vaste chœur céleste, par delà les frontières du temps et de l’espace. 

Cette espérance, nous le savons, n’est pas destinée à trouver complète satisfaction ici-bas, sur notre Terre, par des moyens techniques et politiques. C’est en vue de Dieu seul et en Son temps que le monde tel que nous le connaissons trouvera sa fin, que nous prendrons part à sa perfection. 

Cela ne veut pas dire, cependant, que nos vies sur Terre sont dépourvues de signification, d’importance ou de consistance. Tels que Dieu nous a faits, ils nous est donné de participer ensemble, les uns pour les autres, à la poursuite d’un bien commun qui dépasse notre individualité, et même la communauté la plus proche de la famille.

La médiation de la communauté politique

C’est ainsi qu’Aristote, comme saint Thomas d’Aquin et plusieurs après eux, ont parlé de l’homme comme d’un animal politique, destiné à prendre part à la vie commune, inscrit dans une communauté politique ordonnée au bien commun. Cette tradition est d’ailleurs au cœur de la doctrine sociale de l’Église, qui nous prévient des excès de l’idéologie. 

Vivre selon cette nature politique qui est la nôtre vient avec des exigences particulières, qui correspondent aux limites de notre expérience humaine. Nous ne pouvons communier politiquement au bien de l’humanité sans prendre part, plus concrètement, à des communautés politiques plus petites, plus circonscrites, plus limitées en quelque sorte. 

Que ce soit dans le cadre de la cité des Grecs, de l’empire comme à Rome ou de la nation européenne, nous ne pouvons vivre politiquement que dans un contexte précis, une forme politique donnée, comme dirait le philosophe catholique Pierre Manent. Nous ne pouvons nous priver de cette médiation. 

Nouveaux défis, nouvelles communautés?

Ainsi se pose pour le chrétien le problème de l’appartenance politique, de laquelle découle la question migratoire. D’un côté, nous appartenons au Christ et à l’Église, qui réalise une association humaine universelle, dans laquelle nous sommes tous frères et par laquelle nous aspirons au Salut et à l’amitié divine. C’est, pour ainsi dire notre véritable maison, notre authentique demeure. 

De l’autre côté, cependant, nous sommes appelés à nous organiser collectivement et politiquement dans des ensembles plus restreints, mais bien réels et dont les caractéristiques, en cela qu’elles répondent à notre nature, sont de soi excellentes. Le sentiment d’appartenance à la communauté politique, l’attachement qu’on y porte, est sain. Le désir de voir cette communauté se développer de manière adéquate et se protéger contre la menace est naturel. 

Malheureusement, l’émergence de défis dont la portée est internationale, comme les crises écologiques, migratoires et sanitaires suscite chez certains de profondes inquiétudes, qui peuvent conduire, lorsqu’encouragées par des personnalités politiques irresponsables, au repli sur soi, à un protectionnisme excessif qui oppose l’homme à l’homme et lui fait perdre de vue l’unité de l’humanité en Christ. 

Le difficile jeu des appartenances

Le contexte de la crise migratoire, vécue de manière particulièrement intense en Europe continentale, a ainsi contribué à l’émergence de mouvements politiques qui profitent de ces inquiétudes plutôt qu’ils ne cherchent à formuler des solutions pratiques et réalistes aux problèmes politiques bien concrets que cette situation représente pour ceux qui, de part et d’autre, vivent les effets de cette crise. La condamnation de ces excès est justifiée. 

Les chrétiens sont appelés à voir dans le pauvre, le miséreux, l’exclu, un autre Christ et à lui ouvrir les portes de leurs cœurs. Cette exigence évangélique, certes radicale, est appelée à être vécue par chacun selon sa situation de vie, ses possibilités concrètes et les moyens dont il dispose. À l’impossible, nul n’est tenu. 

Aussi, dans la recherche du bien commun et dans la formulation de solutions aux difficultés parfois extrêmes auxquelles une communauté politique peut faire face, les responsables politiques qui sont des chrétiens ne peuvent faire abstraction de cette exigence. Ils doivent être en mesure de la réaliser sans mettre en péril les aspirations, les désirs, les besoins et la sécurité des communautés dont ils ont la charge, la très haute responsabilité de gouverner. 

Un animal politique… et spirituel? 

À la recherche du bien commun de la société politique, le citoyen, qu’il exerce ou non une charge politique d’importance, a le devoir premier de maintenir cette société dans l’être et de voir aux meilleures façons de réaliser certains biens pour ceux qui en font partie. Le caractère politique de l’expérience humaine, voulu par Dieu, n’a pas été aboli par Lui avec l’avènement de son Fils. 

À la recherche du bien commun de l’Église, qui embrasse potentiellement l’humanité entière, le chrétien se veut ouvert et disponible, attentifs aux motions de l’Esprit et capable, avec la Grâce de Dieu, de faire le témoignage de Son amour auprès de ceux qui souffrent le plus. 

Chacun de nous est en un sens appelé à vivre de cette double vocation, politique et spirituelle, civique et mystique, selon les moyens qui sont les nôtres et devant les épreuves qui se présentent inévitablement à nous. Impatients que nous sommes devant Dieu, nous devons résister à la tentation de vouloir faire descendre son éternelle Cité plus près de nous, au risque de troubler notre perspective sur le réel et, se faisant, de nous montrer incapable de porter la charge, provisoire, qui est la nôtre. 

Un pèlerin au service de la paix, du dialogue et de la réconciliation

( Image: courtoisie Vatican News) Vous trouverez ci-dessous une contribution spéciale de Carl Hétu, directeur national de l’Association catholique d’aide à Orient (CNEWA- CANADA) en lien avec la visite historique du Pape François en Irak:

Bien des gens se posent des questions.  Pourquoi le pape François se rend-il en Irak du 5 au 8 mars, en ces temps difficiles de pandémie, d’instabilité politique et de rumeurs de menaces sur sa vie?

Une raison ressort : faire preuve de solidarité envers les chrétiens de ce pays. Il n’en a pas été beaucoup question dans les bulletins d’information du soir, mais les chrétiens d’Irak se sont retrouvés sans protection et maltraités — menaces, enlèvements, tortures, assassinats — au cours des 17 dernières années. Il n’est pas exagéré de dire que la plupart ont été contraints de fuir. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 1,5 million de chrétiens vivaient en Irak en 2003. Aujourd’hui, il en reste à peine 180 000. La montée de l’EIIS à l’été 2014 leur a porté un dernier coup, obligeant plus de 100 000 d’entre eux à fuir pour sauver leur vie en quittant Mossoul et les plaines de Ninive pour trouver refuge dans le nord du Kurdistan irakien.  Il n’est pas étonnant que le pape s’arrête à ces trois endroits. Les chrétiens locaux ont vécu un véritable cauchemar, et beaucoup d’évêques, de religieuses, de prêtres et de simples fidèles ont été martyrisés — en raison de leur foi.   

Connu pour sa capacité à établir des ponts, le pape François rencontrera un grand nombre de groupes chrétiens dans le pays, notamment des catholiques syriaques et des chrétiens orthodoxes, des catholiques chaldéens et des Assyriens de l’Est, ainsi que des chrétiens arméniens (tant de l’Église catholique que de l’Église apostolique). Une fois encore, le pape sait que leur survie dépend de cette importante unité entre les chrétiens.    

L’unité entre les chrétiens du monde entier est au cœur de la papauté du pape François, comme il l’a clairement indiqué lors de son premier voyage en Israël et en Palestine. Il a non seulement prié avec le patriarche œcuménique de Constantinople, Bartholomée Ier, mais il a également entamé une relation de travail durable avec lui, après 1000 ans de dissensions.    

Mais le pape sait aussi que cela ne suffit pas. Les chrétiens du Moyen-Orient ont dû apprendre à composer avec une majorité musulmane au cours des 1400 dernières années au moins. S’ils sont encore dans la région aujourd’hui, c’est parce qu’ils ont pu prendre leur place et développer des liens solides avec les dirigeants musulmans malgré quelques moments sombres de l’histoire. Aujourd’hui, les chrétiens sont confrontés à une de leurs périodes les plus difficiles, comme le révèlent les chiffres : plus de 2,5 millions de personnes ont été forcées de quitter non seulement leur pays, mais aussi tout le Moyen-Orient en seulement 17 ans, beaucoup d’entre elles quittant l’Irak et la Syrie. C’est le pire déclin des chrétiens depuis le génocide arménien de 1915. Le développement de relations solides avec les dirigeants musulmans est donc, à l’évidence, une priorité centrale de toute visite papale. Ainsi, comme le pape l’a fait lors de ses voyages en Palestine, en Égypte, en Turquie et aux Émirats arabes unis, il rencontrera des dirigeants tels que le grand ayatollah Sistani à Najaf, principal chef spirituel des musulmans chiites irakiens.

De nombreux experts estiment cependant qu’il est trop tard pour les chrétiens irakiens. Il est vrai que ces derniers étaient autrefois reconnus pour entretenir d’excellentes relations avec les autres groupes ethniques et religieux de leur pays. Animés par l’esprit d’entreprise, ils ont largement contribué à son développement socio-économique, en créant des emplois ainsi que des services sociaux et des établissements de soins de santé pouvant apporter de l’aide aux plus défavorisés, quelle que soit leur religion.

Qu’ils aient raison ou tort, si nous regardons au sud-ouest de Bagdad, près de la mer Méditerranée, nous pouvons voir quelles contributions même un petit nombre de chrétiens peuvent encore apporter à une société en devenir. Malgré 73 ans de conflits et de guerre entre la Palestine et Israël, et maintenant, une occupation illégale de la Palestine par Israël, le rôle social des chrétiens reste important. Même s’ils ne représentent que 1% (51 000 habitants) de la population des Territoires palestiniens, les chrétiens assurent 45 % de tous les services sociaux locaux. Or eux aussi sont dans une situation difficile, et bien des gens se demandent combien de temps il faudra pour que la plupart quittent leur foyer et la Terre sainte.  

Pour l’Association catholique d’aide à l’Orient (CNEWA), une agence papale ayant œuvré sans relâche dans la région depuis 1926, ces conflits sans fin détruisent nos chances d’un meilleur avenir. Pour les chrétiens qui restent, la visite du pape constitue un rappel concret du fait qu’ils ne sont pas seuls et un encouragement à poursuivre leur mission, laquelle consiste à offrir une variété de services aux jeunes, aux personnes âgées, aux victimes de violence et à d’autres personnes dans le besoin — indépendamment de leurs croyances religieuses. Nous continuerons à soutenir ces activités.

Par ses actions et ses paroles, le pape François démontre que la religion peut ouvrir la voie à la paix par le dialogue et la réconciliation. Il rappelle également aux observateurs ainsi qu’aux personnes d’influence de la région que la paix — à l’échelle locale, régionale et mondiale — ne pourra vraiment être instaurée que si toutes les personnes d’ethnies, de religions et de nationalités différentes prennent le temps de se rencontrer, surmontent leurs divergences, reconnaissent leurs objectifs communs, leur humanité, et développent des liens d’amitié et de confiance.

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