Conflit russo-ukrainien: où est Dieu à travers la guerre?

(Image: courtoisie de Unsplash)

Les yeux du monde entier sont fixés sur l’Ukraine. Nos cœurs se tournent vers nos semblables qui souffrent d’une attaque brutale. De terribles tragédies comme celle-là soulèvent la question suivante: où est Dieu?

Bien que ce soit difficile à voir, Dieu n’est pas absent. Dieu est là. Dieu pleure. Dieu est du côté de ceux qui souffrent et il entend leur cri. Notre Dieu n’est pas indifférent, ou déconnecté. Il ne vit pas dans un palais lointain, ou un yacht luxueux. Dieu est au milieu de la souffrance, au cœur même des traumatismes et des tragédies du monde. 

Il ne fait aucun doute que Dieu accompagne les familles ukrainiennes qui sont contraintes de fuir et de se séparer. Dieu pleure sur les corps qui nous laissent insensibles. En même temps, Dieu donne du courage aux citoyens russes qui osent protester face à la cruauté, risquant leur liberté pour dire non à la guerre. Dieu œuvre pour faire avancer les négociations sur le chemin de la paix. Dieu inspire les journalistes et les caméramans qui mettent leur vie en danger pour transmettre la réalité vécue des gens. 

L’histoire nous montre que c’est souvent dans les ténèbres les plus écrasantes que Dieu fait briller la lumière la plus rayonnante. Pensons à la cellule obscure de saint Maximilien Kolbe à Auschwitz, qui se sacrifie pour sauver la vie de son codétenu. Au cœur de l’horreur, Dieu répond en faisant briller une lueur d’amour. 

Dieu ne se contente pas d’observer la souffrance du monde à la manière d’un spectateur. Dieu se fait proche. Il nous dit lui-même : « Ne crains pas, car je suis avec toi, n’aie pas peur, car je suis ton Dieu; je te fortifierai, je te secourrai » (Isaïe 41, 10). Sa fidélité n’est pas éteinte par les ténèbres du monde: « Quand tu passeras à travers les eaux, je serai avec toi; et à travers les fleuves, ils ne te submergeront pas; quand tu marcheras dans le feu, tu ne seras pas brûlé, et la flamme ne te consumera pas » (Isaïe 43, 2). Dieu ouvre un chemin là où il n’y en a pas. La vie que Dieu nous donne vainc la mort, elle-même. 

En effet, Dieu désire tellement être proche de nous qu’il s’est fait homme, a souffert comme nous et a partagé notre mortalité. C’est ce que le cardinal Michael Czerny avait à l’esprit et au cœur lorsqu’il s’est rendu en Ukraine au nom du pape François et de tous les chrétiens : « être proche de son peuple, de ses enfants qui souffrent, c’est la manière que Dieu a choisie pour entrer dans l’histoire du monde. Même au prix de finir sur la croix ». Le Créateur de l’univers est né, un nourrisson persécuté sous la coupe d’ un régime d’oppression impitoyable. La Sainte Famille a été contrainte de fuir sa patrie, menacée par le roi Hérode, assoiffé de sang. Le Christ a été mis à mort sous la bannière de l’Empire romain. Jésus a déclaré les persécutés « bienheureux » (Matthieu 5, 10-11). La victoire de la résurrection ouvre un chemin de vie même à travers les ravins de la mort. 

Ici et maintenant, Jésus ressuscité vient racheter les situations les plus désespérées. Jésus ne prend pas les armes. Son arme est l’amour. Le Christ ne massacre pas nos ennemis. Il change les cœurs. Le chemin du Christ passe par notre désir d’un lendemain meilleur et d’un monde plus solidaire, plus fraternel, plus humain. La paix du Christ nous conduit à la vraie liberté, bien plus grande que la simple absence de guerre et d’oppression. 

« Des fleuves de sang et de larmes coulent en Ukraine ». Ce ne sont pas que des larmes humaines: les larmes de Dieu se mêlent aux nôtres. Ce n’est pas seulement le sang des soldats et des civils, mais le sang du Christ qui vient racheter notre misère et notre souffrance les plus profondes. 

Jésus porte la croix des ukrainiens avec eux. Il nous appelle à faire de même. Serons-nous Simon de Cyrène pour les hommes, les femmes et les enfants d’Ukraine – par nos prières, notre solidarité, notre soutien financier et matériel? Dieu est avec eux, et il veut leur venir en aide à travers toi et moi. Osons être une « armée désarmée qui travaille à la reconstruction de cette humanité que les armes tentent de détruire ».

Jésus, par le sang de ta croix, guérit les blessures de ceux qui souffrent. Fais que Ta paix prenne racine dans les cœurs endurcis pour mettre fin à l’horreur de la guerre. Marie, Reine d’Ukraine, Reine de la Paix, priez pour nos frères et sœurs ukrainiens!  

La santé est un tout: réflexion sur la 29e Journée mondiale des malades

(Image par truthseeker08 de Pixabay)  Aujourd’hui 11 février, l’Église célèbre la fête de Notre-Dame de Lourdes ainsi que la 29eJournée mondiale du malade. Il est évident que les circonstances de pandémie ont donné une signification particulière au thème de cette année : Vous n’avez qu’un seul maître et vous êtes tous frères (Mt 23, 8). Comment donc mettre « La relation de confiance à la base du soin des malades »au centre des soins de santé ? Voilà une question à laquelle la prière peut apporter sagesse et discernement.

Une relation d’accueil

Dans son message pour l’édition 2021 de cette Journée, le pape François soulignait que « Pour qu’une thérapie soit bonne, l’aspect relationnel est décisif car il permet d’avoir une approche holistique de la personne malade » (no 4). Qu’est-ce que ce lien spécial qui unit un malade à son soignant ? Les circonstances nous en disent beaucoup sur celle-ci. D’abord, puisque personne ne désire être malade, personne ne désire a priori aller chez le médecin. Cela peut donc être difficile mais le soignant doit toujours pallier au malaise du patient par un excès d’accueil et de bonté proportionnel à la souffrance du malade. Faire la connaissance d’une personne lorsqu’on est en souffrance peut grandement affecter l’humeur de la rencontre !  Certes cela peut paraître ingrat, mais une fois la guérison obtenue, le patient trouvera certainement l’énergie pour remercier. Cette remarque préliminaire nous aide à comprendre que la relation soignant/soigné doit s’insérer dans une vision globale de la médecine qui, par un certain réalisme, témoigne tant des possibilités que des limites de la profession médicale.

La santé dans l’humilité

Accueillir l’autre par dévouement et avec patience n’est pas tout. Il faut aussi de la part du soignant une certaine dose d’humilité. Parfois affectés par le « complexe de Dieu » certains médecins ont une estime trop grande de leur propre capacité et, par le fait même, exacerbe les attentes des patients. Cette dynamique n’est pas saine, ni pour le soignant, ni pour le malade. Dans ce cas de figure, le soignant, loin de travailler pour le bien du malade, cherche, par l’entremise de celui-ci, à atteindre ses objectifs personnels de performance. On risque alors l’acharnement thérapeutique. Devant une telle logique, la confiance du malade peut être affectée, entraînant ainsi des conséquences néfastes dans sa volonté de suivre le traitement prescrit. Pour pallier à cette logique qui mine l’institution même de la médecine, le Pape invite à

« Établir un pacte entre ceux qui ont besoin de soin et ceux qui les soignent ; un pacte fondé sur la confiance et le respect réciproques, sur la sincérité, sur la disponibilité, afin de surmonter toute barrière défensive, de mettre au centre la dignité du malade, de protéger la professionnalité des agents de santé et d’entretenir un bon rapport avec les familles des patients. » (No 4).

Pour ce faire, l’univers médical doit retrouver une vision de la santé en accord avec une vision globale de la personne humaine.

La santé est un tout

Dans nos sociétés, nous associons trop souvent la notion de « santé » à sa dimension purement biologique. Or, bien qu’essentielle au déploiement de beaucoup de potentialité humaine, la santé biologique ou sa privation dans la maladie n’est pas seule garante d’une vie accomplie. Bien qu’il soit parfois difficile de le concevoir, la réalisation de nos plus profondes aspirations ne dépend pas de notre santé physique. Combien de saints (je pense à saint Ignace ou sainte Thérèse de Lisieux) ont découvert leur vocation au cours d’une maladie qui les avait cloués au lit ? Les maux que sont la souffrance et la mort ne doivent pas nous empêcher de voir que notre destinée ultime se trouve au-delà du biologique. Bien sûr les maladies et virus sont des maux à combattre. Ce combat ne doit toutefois pas se faire au détriment de ce qui donne sens à l’existence humaine. Tout à la santé physique nous fait oublier que la santé est un tout.

Marie, Santé des malades

Alors que cette année 2021 s’ouvre dans l’espoir de vaincre la pandémie qui nous affecte tous, le recours à Marie, Santé des malades, peut nous être grandement profitable. Tant dans l’accueil des malades que dans l’expérience fructueuse de la maladie, du développement et de la pratique d’une médecine véritablement humaine que dans la diffusion d’une vision globale de la santé personnelle et collective, Marie nous apprend à « méditer » (Lc 2, 19) dans nos cœurs le cours des événements afin d’y trouver les principes de notre action. Par l’intercession de Marie nous retrouverons cette « confiance » à l’intérieur de laquelle nous pourrons « fleurir comme enfants de l’unique Père, appelés à vivre une fraternité universelle » (No 1)

Vous trouverez ci-dessous la Messe de Notre-Dame de Lourdes, présidée par Mgr Christian Lépine, en provenance de la cathédrale Marie-Reine-du-Monde de Montréal:

La Foi en temps de crise – S.E. Mgr Gérald Cyprien Lacroix

La Foi en temps de crise : Entrevue spéciale de Francis Denis avec S.E. Mgr Gérald Cyprien Lacroix, archevêque de Québec et primat du Canada sur les initiatives pastorales en temps de COVID-19.

La Foi en temps de crise – Mgr René Guay, évêque de Chicoutimi

La Foi en temps de crise : Entrevue spéciale de Francis Denis avec Mgr René Guay, évêque de Chicoutimi sur les initiatives pastorales en temps de COVID-19.

Nunzio Sulprizio: modèle de patience et de gentillesse dans la souffrance

Laïc italien (a travaillé comme apprenti forgeron)
Jour de fête : 5 mai
13 avril 1817 – 5 mai 1836

Nunzio Sulprizio est né le 13 avril 1817, alors que lEurope connaissait une grande famine, mais cette épreuve na pas été laspect le plus difficile de son enfance. Quand son père mourut, il navait que trois ans et deux ans plus tard, sa mère mourut également. Au milieu de ces tragédies, Nunzio a été envoyé chez sa grand-mère, mais elle est également décédée alors quil navait que huit ans. Il a pu supporter une telle perte, en partie parce qu’il prenait le temps dassister à la messe, même encore petit garçon, apprenant à connaitre Dieu et à suivre lexemple de Jésus et des saints et des saintes.

La douleur de perdre parents et grand-mère à un si jeune âge aurait semblé suffisante pour quiconque, pourtant l’enfant continua d’éprouver des difficultés dans sa vie, ayant été envoyé chez un oncle qui était violent et cruel. Cet oncle na pas permis à Nunzio daller à lécole et la plutôt engagé comme apprenti forgeron. Malheureusement pour le garçon, la réalité était moins celle dun apprentissage que celle dune servitude. Son oncle était dur avec lui, le battant souvent ou ne le nourrissant pas adéquatement, et si l’oncle croyait que son neveu avait besoin dêtre réprimandé ou corrigé, il le traitait plus durement.

Un jour, en 1831, la situation devint trop pénible pour Sulprizio. Son oncle lenvoya chercher du matériel dans les collines. Il revint de ce travail épuisé ce soir-là, ayant une jambe enflée et une fièvre brûlante qui lobligea à se mettre au lit. Le lendemain matin, il saperçut quil ne pouvait plus se tenir debout. Bien que son oncle ait été indifférent à la situation, le travail avait visiblement été trop lourd pour Nunzio. Plus tard, son état fut diagnostiqué comme la gangrène dans une jambe.

Il devint très malade et, le 20 juin 1832, il entra à lhôpital des Incurables à Naples pour se faire soigner. Malheureusement, il y resta hospitalisé pour le reste de sa vie. Cétait une situation quil supportait avec beaucoup de patience en offrant sa douleur à Dieu. On lui attribue les paroles suivantes : « Jésus a tellement souffert pour nous et, par ses mérites, nous attendons la vie éternelle. Si nous souffrons un peu, nous goûterons à la joie du paradis. Jésus a beaucoup souffert pour moi. Pourquoi ne devrais-je pas souffrir pour lui ? Je mourrais pour convertir même un seul pécheur. » Cette foi et cette attitude lont amené à aider les autres autant qu’il le pouvait. Bien que souffrant lui-même, le jeune homme aidait les patients à lhôpital et faisait tout ce quil pouvait pour soulager leur misère.

Comme sa douleur persistait, les médecins décidèrent de lui amputer la jambe en 1835 et, même sil saméliorait parfois, sa situation devint sérieuse en mars 1836 ; sa fièvre et ses souffrances augmentaient. Nunzio est décédé deux mois plus tard, le 5 mai 1836, des suites de sa maladie prolongée et dun cancer des os. Il navait que 19 ans.

Durant sa souffrance, Nunzio a toujours été considéré comme un homme doux et pieux. En dépit de sa maladie, il a servi les autres et a été dévoué à sa foi. Des décennies plus tard, cette sainteté conduisit le pape Léon XIII à proposer Sulprizio comme un modèle pour les travailleurs. Lorsque le pape Paul VI le béatifia, le 1er décembre 1963, le Saint-Père le proposa également comme modèle pour les jeunes. Il est clair que par de petits moyens Nunzio a eu un effet puissant sur ceux qui lentouraient, sur lÉglise et sur le monde.

Homélie du pape François lors de la Messe au Parc O’Higgins de Santiago, Chili

Vous trouverez ci-dessous le texte officiel de l’homélie du pape François lors de la Messe célébrée au Parc O’Higgins de Santiago au Chili:

«Voyant les foules» (Mt 5, 1). En ces premières paroles de l’Évangile, nous trouvons dans quelle attitude Jésus veut venir à notre rencontre, cette même attitude par laquelle Dieu a toujours surpris son peuple (cf. Ex 3, 7). La première attitude de Jésus est de voir, c’est de regarder le visage des siens. Ces visages suscitent l’amour viscéral de Dieu. Ce ne sont pas des idées ou des concepts qui font agir Jésus… ce sont les visages, ce sont les personnes; c’est la vie qui crie vers la Vie que le Père veut nous transmettre.

En voyant les foules, Jésus regarde le visage des personnes qui le suivaient et le plus beau, c’est de constater qu’en retour ils trouvent dans le regard de Jésus l’écho de leurs quêtes et aspirations. De cette rencontre naît la liste des béatitudes qui sont l’horizon vers lequel nous sommes invités et les défis à affronter. Les béatitudes ne naissent pas d’une attitude passive face à la réalité, ni ne peuvent non plus trouver leur origine dans un spectateur devenant un triste auteur de statistiques de ce qui se passe. Elles ne proviennent pas de prophètes de malheur qui se contentent de semer de la désillusion. Ni non plus de mirages qui nous promettent le bonheur avec un ‘‘clic’’, le temps d’ouvrir et de fermer les yeux. Par contre, les béatitudes naissent du cœur compatissant de Jésus qui rencontre le cœur d’hommes et de femmes qui veulent et désirent une vie bénie; d’hommes et de femmes qui savent ce qu’est la souffrance ; qui connaissent le désarroi et la douleur qu’on éprouve quand ‘‘tout s’affaisse sous vos pieds’’ ou que ‘‘les rêves sont noyés’’ et que le travail de toute une vie s’écroule ; mais qui sont davantage tenaces et davantage combatifs pour aller de l’avant; qui sont davantage capables de reconstruire et de recommencer.

Que le cœur chilien est capable de reconstruire et de recommencer! que vous êtes capables de vous lever après de nombreuses chutes! C’est à ce cœur que Jésus fait appel ; c’est à ce cœur que sont destinées les béatitudes.

Les béatitudes ne naissent pas d’attitudes critiques ni de ‘‘bavardages à bon marché’’ de ceux qui croient tout savoir mais ne veulent s’engager ni à rien ni avec personne, et finissent ainsi par bloquer toute possibilité de créer des processus de transformation et de reconstruction dans nos communautés, dans nos vies. Les béatitudes naissent du cœur miséricordieux qui ne se lasse pas d’espérer. Et il fait l’expérience que l’espérance «est le jour nouveau, l’extirpation d’une immobilité, la remise en cause d’une prostration négative » (PABLO NERUDA, El habitante y su esperanza, p. 5).

En disant heureux le pauvre, celui qui pleure, la personne affligée, le malade, celui qui a pardonné…, Jésus vient extirper l’immobilité paralysante de celui qui croit que les choses ne peuvent pas changer, de celui qui a cessé de croire au pouvoir régénérateur de Dieu le Père et en ses frères, spécialement en ses frères les plus fragiles, en ses frères rejetés. Jésus, en proclamant les béatitudes, vient remettre en cause cette prostration négative appelée résignation qui nous fait croire que nous pouvons vivre mieux si nous esquivons les problèmes ou nous enfermons dans nos conforts, si nous nous endormons dans un conformisme tranquillisant (Cf. Exhort. Ap. Evangelii gaudium, n. 2). Cette résignation qui nous conduit à nous isoler de tout le monde, à nous diviser, à nous séparer ; à devenir aveugles face à la vie et à la souffrance des autres.

Les béatitudes sont ce jour nouveau pour tous ceux qui continuent de miser sur l’avenir, qui continuent de rêver, qui continuent de se laisser toucher et pousser par l’Esprit de Dieu.

Qu’il nous fait du bien de penser que Jésus, depuis le Cerra Renca ou Puntilla vient nous dire : heureux…! Oui, heureux vous et vous; heureux vous qui vous laissez contaminer par l’Esprit de Dieu et qui luttez et travaillez pour ce jour nouveau, pour ce Chili nouveau, car le royaume des cieux vous appartiendra. «Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu» (Mt 5, 9).

Face à la résignation qui, comme une méchante rumeur, compromet les relations vitales et nous divise, Jésus nous dit: heureux ceux qui œuvrent pour la réconciliation. Heureux ceux qui sont capables de se salir les mains et de travailler pour que d’autres vivent en paix. Heureux ceux qui s’efforcent pour ne pas semer de la division. Ainsi, la béatitude fait de nous des artisans de paix; elle nous invite à nous engager pour que l’esprit de réconciliation gagne de l’espace parmi nous. Veux-tu l’épanouissement? Veux-tu le bonheur? Heureux ceux qui œuvrent pour que les autres puissent avoir une vie épanouie. Veux-tu la paix? Travaille pour la paix.

Je ne peux m’empêcher d’évoquer ce grand pasteur de Santiago, quand lors d’un Te Deum il disait: «Si tu veux la paix, travaille pour la justice… Et si quelqu’un nous demande ‘‘qu’est-ce que la justice?’’ ou si au contraire elle consiste simplement à ‘‘ne pas voler’’, nous lui dirons qu’il existe une autre justice: celle qui exige que chaque homme soit traité comme homme» (Card. Raúl SILVA HENRÍQUEZ, Homélie lors du Te Deum Œcuménique, 18 septembre 1977).

Semer la paix par la proximité, dans le voisinage! En sortant de sa maison et en regardant les visages, en allant à la rencontre de celui qui est dans une mauvaise passe, qui n’a pas été traité comme une personne, comme un digne enfant de ce pays. C’est pour nous l’unique façon de tisser un avenir de paix, de recoudre une réalité qui peut s’effilocher. L’artisan de paix sait qu’il faut souvent vaincre de grandes ou de petites mesquineries et des ambitions, qui trouvent leur origine dans la prétention de grandir et de ‘‘se faire un nom’’, de gagner du prestige au détriment des autres. L’artisan de paix sait qu’il ne suffit pas de dire: je ne fais de mal à personne, puisque comme disait saint Albert Hurtado: «C’est très bien de ne pas faire de mal, mais il est très difficile de faire du bien» (Meditación radial, avril 1944).

Construire la paix est un processus qui nous place en face d’un défi et stimule notre créativité à créer des relations permettant de voir dans mon voisin non pas un étranger, un inconnu, mais un enfant de ce pays.

Confions-nous à la Vierge Immaculée qui depuis le Cerra San Cristobal protège et accompagne cette ville. Qu’elle nous aide à vivre et à désirer l’esprit des béatitudes; pour que partout dans cette ville on entende comme un susurrement : «Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu» (Mt 5, 9).

[00053-FR.01] [Texte original: Espagnol]

Reconnaissance des vertus héroïques du Cardinal Van Thuan

CNS photo/L’Osservatore Romano via EPA

Nguyen Van Thuan

Prisonnier politique du régime communiste pendant 13 ans, dont 9  en confinement, l’expérience de François Xavier Nguyen Van Thuan est un témoignage puissant de foi en l’Eucharistie, du pouvoir du pardon et de la valeur rédemptrice de la croix. Les textes spirituels du cardinal Van Thuan, spécialement ceux qu’il a écrits en prison où il célébrait la Messe en secret avec une goutte de vin dans la paume de sa main, ont fait le tour du monde et ont donné de l’espoir à des millions de personnes. Qui peut oublier les mots de saint Jean-Paul II à son propos  concluant  la retraite du carême de la Curie romaine en 2001 retraite  prêchée par le Cardinal Van Thuan lui-même :

« Avec la simplicité et le souffle de l’inspiration divine, il nous a guidés sur le chemin de l’approfondissement de notre vocation de témoins de l’espoir évangélique en ce début de troisième millénaire. Témoin de la croix durant ses longues années d’emprisonnement au Vietnam, il nous a fréquemment fait le récit de ses souffrances lorsqu’il était en prison et, ainsi, il nous a renforcés dans cette certitude consolante selon laquelle, lorsque tout s’écroule autour de nous, et même en nous, le Christ est notre support indéfectible. »

Au mois de septembre 2007, la cause de béatification du Cardinal Van Thuan fut ouverte à Rome. Comme prisonnier, il fut victime des pires tortures et d’une déshumanisation la plus complète. Toutefois, Van Thuan n’a jamais cessé d’aimer ses gardes de prison qui pourtant abusaient de lui. Certains des gardiens furent si touchés par son exemple qu’ils se convertirent plus tard au christianisme. Van Thuan écrit : « ni les armes, ni les menaces mais seul l’amour chrétien peut changer les cœurs… c’est l’amour qui prépare le chemin de l’annonce de l’Évangile. Omnia Vincit Amor, « L’amour peut tout conquérir ».

Télévision Sel + Lumière a produit un documentaire touchant sur la vie de ce saint homme dont la première mondiale a eu lieu au Congrès Eucharistique international de Québec en 2008. Ce film a contribué à répandre le message d’amour et d’espérance du cardinal Van Thuan. Dès lors que le pape François a signé le décret reconnaissant les vertus héroïques de cet extraordinaire homme de foi, François Xavier Nguyen Van Thuan, mort en 2002 à Rome,  est actuellement sur le chemin de la béatification et de la canonisation.

Homélie du pape François pour le dimanche des Rameaux

Vous trouverez ci-dessous le texte de l’homélie du pape François telle que prononcée lors de la Messe du dimanche des Rameaux (9 avril 2017) en la Place Saint-Pierre au Vatican:

Cette célébration a comme une double saveur, douce et amère ; elle est joyeuse et douloureuse, car nous y célébrons le Seigneur qui entre dans Jérusalem et qui est acclamé par ses disciples en tant que roi. Et en même temps, le récit évangélique de sa passion est solennellement proclamé. C’est pourquoi notre cœur sent le contraste poignant et éprouve dans une moindre mesure ce qu’a dû sentir Jésus dans son cœur en ce jour, jour où il s’est réjoui avec ses amis et a pleuré sur Jérusalem.

Depuis 32 ans, la dimension joyeuse de ce dimanche a été enrichie par la fête des jeunes : les Journées Mondiales de la Jeunesse, qui sont célébrées cette année au niveau diocésain, mais qui sur cette Place connaîtront sous peu un moment toujours émouvant, d’horizons ouverts, avec le remise de la Croix par les jeunes de Cracovie à ceux du Panama.

L’Évangile proclamé avant la procession (cf. Mt 21, 1-11) décrit Jésus qui descend du mont des Oliviers monté sur un ânon, sur lequel personne n’est jamais monté. Cet Évangile met en exergue l’enthousiasme des disciples, qui accompagnent le Maître par de joyeuses acclamations et on peut vraisemblablement imaginer comment cet enthousiasme a gagné les enfants et les jeunes de la ville, qui se sont unis au cortège par leurs cris.  Jésus lui-même reconnaît dans cet accueil joyeux une force imparable voulue par Dieu, et il répond aux pharisiens scandalisés : « Je vous le dis, si eux se taisent, les pierres crieront » (Lc 19, 40).

Mais ce Jésus, qui selon les Écritures, entre justement ainsi dans la ville sainte, n’est pas un naïf qui sème des illusions, un prophète ‘‘new age’’, un vendeur d’illusions, loin de là : il est un Messie bien déterminé, avec la physionomie concrète du serviteur, le serviteur de Dieu et de l’homme qui va vers la passion ; c’est le grand Patient de la douleur humaine.

Donc, tandis que nous aussi, nous fêtons notre Roi, pensons aux souffrances qu’il devra subir au cours de cette Semaine. Pensons aux calomnies, aux outrages, aux pièges, aux trahisons, à l’abandon, à la justice inique, aux parcours, aux flagellations, à la couronne d’épines…, et enfin à la via crucis jusqu’à la crucifixion.

Il l’avait clairement dit à ses disciples : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive «  (Mt 16, 24). Il n’a jamais promis honneurs et succès. Les Évangiles sont clairs. Il a toujours prévenu ses amis que sa route était celle-là, et que la victoire finale passerait par la passion et la croix. Et cela vaut pour nous également. Pour suivre fidèlement Jésus, demandons la grâce de le faire non pas par les paroles mais dans les faits, et d’avoir la patience de supporter notre croix : de ne pas la rejeter, de ne pas la jeter, mais en regardant Jésus, de l’accepter et de la porter, jour après jour.

Et ce Jésus, qui accepte d’être ovationné tout en sachant bien que le ‘‘crucifie-[le]’’ l’attend, ne nous demande pas de le contempler uniquement dans les tableaux ou sur les photographies, ou bien dans les vidéos qui circulent sur le réseau. Non ! Il est présent dans beaucoup de nos frères et sœurs qui aujourd’hui, aujourd’hui connaissent les souffrances comme lui : ils souffrent du travail d’esclaves, ils souffrent de drames familiaux, de maladies… Ils souffrent à cause des guerres et du terrorisme, à cause des intérêts qui font mouvoir les armes et qui les font frapper. Hommes et femmes trompés, violés dans leur dignité, rejetés… Jésus est en eux, en chacun d’eux, et avec ce visage défiguré, avec cette voix cassée, il demande à être regardé, à être reconnu, à être aimé.

Ce n’est pas un autre Jésus : c’est le même qui est entré à Jérusalem au milieu des rameaux de palmiers et d’oliviers agités. C’est le même qui a été cloué à la croix et est mort entre deux malfaiteurs. Nous n’avons pas un autre Seigneur en dehors de lui : Jésus, humble Roi de justice, de miséricorde et de paix.

Vous pouvez également visionner la vidéo complète de cette célébration au lien suivant:

Message du pape François pour la 32e Journée mondiale de la jeunesse (Panama 2019)

« Le Puissant fit pour moi des merveilles » (Lc 1, 49)

Chers jeunes,
Nous voici de nouveau en chemin après notre merveilleuse rencontre à Cracovie, où nous avons célébré les XXXIèmes Journées Mondiales de la Jeunesse et le Jubilé des jeunes, dans le cadre de l’Année Sainte de la Miséricorde. Nous nous sommes laissés guider par saint Jean-Paul II et par sainte Faustine Kowalska, apôtres de la miséricorde divine, pour donner une réponse concrète aux défis de notre temps. Nous avons vécu une forte expérience de fraternité et de joie, et nous avons donné au monde un signe d’espérance ; les divers drapeaux et langues n’étaient pas un motif de conflit et de division, mais une occasion afin d’ouvrir les portes des cœurs, de construire des ponts.

Au terme des Journées Mondiales de Cracovie, j’ai indiqué la prochaine destination de notre pèlerinage qui, par la grâce de Dieu, nous conduira au Panama en 2019. La Vierge Marie nous accompagnera sur ce chemin, elle que toutes les générations disent bienheureuse (cf. Lc 1, 48). Le nouveau tronçon de notre itinéraire se relie au précédent, qui était centré sur les Béatitudes, mais nous pousse à aller de l’avant. J’ai en effet à cœur que vous les jeunes vous puissiez marcher non seulement en faisant mémoire du passé, mais en ayant également le courage dans le présent et l’espérance pour l’avenir. Ces attitudes, toujours vivantes dans la jeune Femme de Nazareth, sont exprimées clairement dans les thèmes choisis pour les trois prochaines Journées Mondiales de la Jeunesse. Cette année (2017), nous réfléchirons sur la foi de Marie lorsqu’elle a déclaré dans le Magnificat : « Le Puissant fit pour moi des merveilles » (Lc 1, 49). Le thème de l’année prochaine (2018) – « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu » (Lc 1, 30) – nous fera méditer sur la charité pleine de courage avec laquelle la Vierge a accueilli l’annonce de l’ange. Les Journées Mondiales de la Jeunesse 2019 s’inspireront des paroles « Voici la servante du Seigneur; que tout m’advienne selon ta parole » (Lc 1, 30), réponse de Marie à l’ange, pleine d’espérance.

En octobre 2018, l’Église célèbrera le Synode des Évêques sur le thème : « Les jeunes, la foi et le discernement des vocations ». Nous nous interrogerons sur la manière dont vous les jeunes, vous vivez l’expérience de la foi au milieu des défis de notre temps. Et nous affronterons aussi la question de la façon dont vous pourrez faire mûrir un projet de vie, en discernant votre vocation, entendue au sens large, c’est-à-dire au mariage, dans l’environnement laïc et professionnel, ou à la vie consacrée et au sacerdoce. Je voudrais qu’il y ait une grande syntonie entre le parcours vers les Journées Mondiales de la Jeunesse du Panama et le cheminement synodal.

Notre temps n’a pas besoin de ‘‘jeunes-divan’’
Selon l’Évangile de Luc, après avoir accueilli l’annonce de l’ange et après avoir dit son ‘‘oui’’ à l’appel à devenir mère du Sauveur, Marie se lève et va en toute hâte visiter sa cousine Elisabeth, qui est à son sixième mois de grossesse (cf. 1, 36.39). Marie est très jeune ; ce qui lui a été annoncé est un don immense, mais comporte aussi des défis très grands ; le Seigneur l’a assurée de sa présence et de son soutien, mais beaucoup de choses demeurent encore obscures dans son esprit et dans son cœur. Pourtant Marie ne s’enferme pas chez elle, elle ne se laisse pas paralyser par la peur ou par l’orgueil. Marie n’est pas le genre de personne qui, pour être à l’aise, a besoin d’un bon divan où se sentir bien installée et à l’abri. Elle n’est pas une jeune-divan ! (cf. Discours à l’occasion de la Veillée, Cracovie, 30 juillet 2016). Si sa cousine âgée a besoin d’une aide, elle ne tarde pas et se met immédiatement en route.

Le chemin pour rejoindre la maison d’Elisabeth est long : 150 kilomètres environ. Mais la jeune de Nazareth, poussée par l’Esprit Saint, ne connaît pas d’obstacles. Sûrement, les journées de marche l’ont aidée à méditer sur l’événement merveilleux dans lequel elle était impliquée. Il en est de même avec nous également lorsque nous nous mettons en pèlerinage : au long du chemin, nous reviennent à l’esprit les faits de la vie, et nous pouvons en mûrir le sens et approfondir notre vocation, révélée ensuite dans la rencontre avec Dieu et dans le service des autres.

Le Puissant fit pour moi des merveilles
La rencontre entre les deux femmes, l’une jeune et l’autre âgée, est pleine de la présence de l’Esprit Saint, et chargée de joie ainsi que d’émerveillement (cf. Lc 1, 40-45). Les deux mamans, tout comme les enfants qu’elles portent dans leur sein, dansent presque de joie. Elisabeth , touchée par la foi de Marie, s’exclame : « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur » (v. 45). Oui, l’un des grands dons que la Vierge a reçu est celui de la foi. Croire en Dieu est un don inestimable, mais qui demande aussi à être reçu ; et Elisabeth bénit Marie pour cela. À son tour, elle répond par le chant du Magnificat (cf. Lc 1, 46-55), où nous trouvons l’expression : « Le Puissant fit pour moi des merveilles » (v. 49).

C’est une prière révolutionnaire, celle de Marie, le chant d’une jeune pleine de foi, consciente de ses limites mais confiante en la miséricorde divine. Cette petite femme courageuse rend grâce à Dieu parce qu’il a regardé sa petitesse et pour l’œuvre de salut qu’il a accomplie en faveur de son peuple, des pauvres et des humbles. La foi est le cœur de toute l’histoire de Marie. Son cantique nous aide à comprendre la miséricorde du Seigneur comme moteur de l’histoire, aussi bien de l’histoire personnelle de chacun de nous que de l’humanité entière.

Lorsque Dieu touche le cœur d’un jeune, d’une jeune, ceux-ci deviennent capables d’actions vraiment grandioses. Les ‘‘merveilles’’ que le Puissant a faites dans l’existence de Marie nous parlent aussi de notre voyage dans la vie, qui n’est pas un vagabondage sans signification, mais un pèlerinage qui, même avec toutes ses incertitudes et ses souffrances, peut trouver en Dieu sa plénitude (cf. Angelus, 15 août 2015). Vous me direz : ‘‘Père, mais je suis très limité, je suis pécheur, que puis-je faire ?’’. Quand le Seigneur nous appelle, il ne s’arrête pas à ce que nous sommes ou à ce que nous avons fait. Au contraire, au moment où il nous appelle, il regarde tout ce que nous pourrions faire, tout l’amour que nous sommes capables de libérer. Comme la jeune Marie, vous pouvez faire en sorte que votre vie devienne un instrument pour améliorer le monde. Jésus vous appelle à laisser votre empreinte dans la vie, une empreinte qui marque l’histoire, votre histoire et l’histoire de beaucoup (cf. Discours à l’occasion de la veillée, Cracovie 30 juillet 2016).

Être des jeunes ne veut pas dire être déconnectés du passé
Marie a à peine dépassé l’âge de l’adolescence, comme beaucoup d’entre vous. Pourtant, dans le Magnificat, elle prête une voix de louange à son peuple, à son histoire. Cela nous montre qu’être jeune ne veut pas dire être déconnecté du passé. Notre histoire personnelle s’insère dans une longue suite, dans un cheminement communautaire qui nous a précédés dans les siècles. Comme Marie, nous appartenons à un peuple. Et l’histoire de l’Église nous enseigne que, même lorsqu’elle doit traverser des mers agitées, la main de Dieu la guide, lui fait surmonter des moments difficiles. L’expérience authentique de l’Église n’est pas comme un flashmob, où on se donne rendez-vous, se réalise une performance et puis chacun va son chemin. L’Église porte en elle une longue tradition, qui se transmet de génération en génération, en s’enrichissant en même temps de l’expérience de chacun. Votre histoire a aussi sa place dans l’histoire de l’Église.

Faire mémoire du passé sert également à accueillir les interventions inédites que Dieu veut réaliser en nous et à travers nous. Et cela nous invite à nous ouvrir pour être choisis comme ses instruments, collaborateurs de ses projets de salut. Vous aussi, jeunes, vous pouvez faire de grandes choses, assumer de grandes responsabilités, si vous reconnaissez l’action miséricordieuse et toute puissante de Dieu dans votre vie.

Je voudrais vous poser quelques questions : comment ‘‘sauvez-vous’’ dans votre mémoire les événements, les expériences de votre vie ? Comment traitez-vous les faits et les images imprimés dans vos souvenirs ? Certains, particulièrement blessés par les circonstances de la vie, auraient envie de ‘‘reconfigurer’’ leur passé, de se servir du droit à l’oubli. Mais je voudrais vous rappeler qu’il n’y a pas de saint sans passé, ni de pécheur sans avenir. La perle naît d’une blessure de l’huître ! Jésus, par son amour, peut guérir nos cœurs, en transformant nos blessures en d’authentiques perles. Comme disait saint Paul, le Seigneur peut manifester sa force à travers nos faiblesses (cf. 2 Co 12, 9).

Cependant, nos souvenirs ne doivent pas demeurer tous entassés, comme dans la mémoire d’un disque dur. Et il n’est pas possible d’archiver tout dans un ‘‘nuage’’ virtuel. Il faut apprendre à faire de manière à ce que les faits du passé deviennent une réalité dynamique, sur laquelle réfléchir et dont tirer un enseignement et un sens pour notre présent et notre avenir. Découvrir le fil rouge de l’amour de Dieu qui relie toute notre existence est une tâche ardue, mais nécessaire.

Beaucoup de personnes disent que vous les jeunes, vous êtes sans mémoire et superficiels. Je ne suis pas du tout d’accord ! Il faut cependant reconnaître que ces temps-ci il est nécessaire de récupérer la capacité de réfléchir sur sa propre vie et de la projeter vers l’avenir. Avoir un passé, ce n’est pas la même chose que d’avoir une histoire. Dans notre vie, nous pouvons avoir de nombreux souvenirs, mais combien de souvenirs construisent vraiment notre mémoire? Combien sont significatifs pour nos cœurs et aident à donner un sens à notre existence ? Les visages des jeunes, dans les ‘‘social’’, apparaissent dans de nombreuses photographies qui relatent des événements plus ou moins réels, mais nous ne savons pas dans tout cela ce qui est une ‘‘histoire’’, une expérience qui puisse être racontée, ayant un objectif et un sens. Les programmes de télévision sont remplis de ce qu’on appelle ‘‘reality show’’, mais ils ne sont pas des histoires réelles, ce ne sont que des minutes qui s’écoulent devant un écran, durant lesquelles les personnages vivent au jour le jour, sans un projet. Ne vous laissez pas égarer par cette fausse image de la réalité ! Soyez protagonistes de votre histoire, décidez de votre avenir !

Comment rester connecté, en suivant l’exemple de Marie
On dit de Marie qu’elle gardait toutes les choses en les méditant dans son cœur (cf. Lc 2,19.51). Cette humble jeune fille de Nazareth nous enseigne par son exemple à conserver la mémoire des événements de la vie, mais aussi à les assembler, en reconstruisant l’unité des fragments, qui ensemble peuvent composer une mosaïque. Comment pouvons-nous nous exercer concrètement en ce sens ? Je vous fais quelques suggestions.

À la fin de chaque journée, nous pouvons nous arrêter pendant quelques minutes pour nous rappeler les beaux moments, les défis, ce qui a bien marché et ce qui est allé de travers. Ainsi, devant Dieu et nous-mêmes, nous pouvons manifester les sentiments de gratitude, de repentir et de confiance, si vous le voulez, en les écrivant dans un carnet, une espèce de journal spirituel. Cela signifie prier dans la vie, avec la vie et sur la vie, et sûrement cela vous aidera à percevoir mieux les merveilles que le Seigneur fait pour chacun d’entre vous. Comme disait saint Augustin, nous pouvons trouver Dieu dans les vastes champs de notre mémoire (cf. Les confessions, Livre X, 8, 12).

En lisant le Magnificat, nous voyons combien Marie connaissait la Parole de Dieu. Chaque verset de ce cantique a son parallèle dans l’Ancien Testament. La jeune mère de Jésus connaissait bien les prières de son peuple. Sûrement, ses parents, ses grands-parents les lui ont enseignées. Combien la transmission de la foi d’une génération à l’autre est importante ! Il y a un trésor caché dans les prières que nous enseignent nos anciens, dans cette spiritualité vécue dans la culture des humbles que nous appelons piété populaire. Marie recueille le patrimoine de foi de son peuple et le recompose dans un chant complètement sien, mais qui est en même temps un chant de l’Église entière. Et toute l’Église le chante avec elle. Pour que, vous aussi jeunes, vous puissiez chanter un Magnificat complètement vôtre et faire de votre vie un don à l’humanité entière, il est fondamental de vous relier à la tradition historique et à la prière de ceux qui vous ont précédés. D’où l’importance de bien connaître la Bible, la Parole de Dieu, de la lire chaque jour en la confrontant avec votre vie, en lisant les événements quotidiens à la lumière de ce que le Seigneur vous dit dans les Saintes Écritures. Dans la prière et dans la lecture priante de la Bible (ce qu’on appelle la lectio divina), Jésus réchauffera vos cœurs, éclairera vos pas, également dans les moments sombres de votre existence (cf. Lc 24, 13-35).

Marie nous enseigne aussi à vivre dans une attitude eucharistique, c’est-à-dire à rendre grâce, à cultiver la louange, à ne pas nous fixer uniquement sur les problèmes et sur les difficultés. Dans la dynamique de la vie, les supplications d’aujourd’hui deviendront des motifs d’action de grâce de demain. Ainsi, votre participation à la Sainte Messe et les moments où vous célébrez le sacrement de la Réconciliation seront en même temps sommet et point de départ : vos vies se renouvèleront chaque jour dans le pardon, en devenant une louange permanente au Tout-Puissant : « Fiez-vous au souvenir de Dieu : […] sa mémoire est un cœur tendre de compassion, qui se plaît à effacer définitivement toutes nos traces de mal. » (Homélie lors de la Sainte Messe des Journées Mondiales de la Jeunesse, Cracovie, 31 juillet 2016).

Nous avons vu que le Magnificat jaillit du cœur de Marie au moment où elle rencontre Elisabeth, sa cousine âgée. Celle-ci, par sa foi, par son regard avisé et par ses paroles, aide la Vierge à mieux comprendre la grandeur de l’action de Dieu en elle, de la mission qu’il lui a confiée. Et vous, vous rendez-vous compte de la source extraordinaire de richesse qu’est la rencontre entre les jeunes et les personnes âgées ? Quelle importance accordez-vous aux personnes âgées, à vos grands-parents ? Justement, vous aspirez à ‘‘prendre l’envol’’, vous portez dans vos cœurs de nombreux rêves, mais vous avez besoin de la sagesse et de la vision des personnes âgées. Tandis que vous ouvrez vos ailes au vent, il est important que vous découvriez vos racines et que vous recueilliez le témoignage des personnes qui vous ont précédés. Pour construire un avenir qui ait du sens, il faut connaître les événements passés et prendre position face à eux (cf. Exhort. ap. postsyn. Amoris laetitia, nn. 191.193). Vous, jeunes, vous avez la force, les personnes âgées ont la mémoire et la sagesse. Comme Marie face à Elisabeth, dirigez votre regard vers les personnes âgées, vers vos grands-parents. Ils vous diront des choses qui passionneront votre esprit et toucheront votre cœur.

Fidélité créatrice pour construire des temps nouveaux
Certes, vous avez peu d’années sur vos épaules et pour cela il peut vous sembler difficile d’accorder la valeur due à la tradition. Ayez bien présent à l’esprit que cela ne veut pas dire être traditionaliste. Non ! Quand Marie, dans l’Évangile, dit « le Puissant fit pour moi des merveilles », elle entend que ces ‘‘merveilles’’ ne sont pas finies, mais continuent à se réaliser dans le présent. Il ne s’agit pas d’un passé lointain. Savoir faire mémoire du passé ne signifie pas être nostalgique ou rester attaché à une période déterminée de l’histoire, mais savoir reconnaître ses propres origines, pour retourner toujours à l’essentiel et se lancer avec une fidélité créatrice dans la construction des temps nouveaux. Ce serait un malheur et cela ne servirait à personne de cultiver une mémoire paralysante, qui fait faire toujours les mêmes choses de la même manière. C’est un don du ciel de pouvoir voir que beaucoup d’entre vous, avec vos interrogations, rêves et questions, s’opposent à ceux qui disent que les choses ne peuvent pas être différentes.

Une société qui ne valorise que le présent tend aussi à dévaluer tout ce qui est hérité du passé, comme par exemple les institutions du mariage, de la vie consacrée, de la mission sacerdotale. Celles-ci finissent par être vues comme dénuées de sens, comme des modèles dépassés. On pense vivre mieux dans des situations dites ‘‘ouvertes’’, en se comportant dans la vie comme dans un reality show, sans objectif et sans but. Ne vous laissez pas tromper ! Dieu est venu élargir les horizons de notre vie, dans toutes les directions. Il nous aide à accorder la valeur due au passé, pour mieux projeter un avenir de bonheur : mais cela n’est possible que si l’on vit d’authentiques expériences d’amour, qui se concrétisent dans la découverte de l’appel du Seigneur et dans l’adhésion à cet appel. Et c’est l’unique chose qui nous rend vraiment heureux.

Chers jeunes, je confie votre cheminement vers Panama, ainsi que l’itinéraire de préparation du prochain Synode des Évêques, à la maternelle intercession de la Bienheureuse Vierge Marie. Je vous invite à vous souvenir de deux événements importants de 2017 : les trois cents ans de la redécouverte de l’image de la Vierge Aparecida, au Brésil ; et le centenaire des apparitions de Fatima, au Portugal, où, par la grâce de Dieu, je me rendrai, en tant que pèlerin, en mai prochain. Saint Martin de Porres, l’un des saints patrons de l’Amérique Latine et des Journées Mondiales de la Jeunesse 2019, dans son humble service quotidien, avait l’habitude d’offrir les meilleures fleurs à Marie, comme signe de son amour filial. Cultivez, vous aussi, comme lui, une relation de familiarité et d’amitié avec la Vierge, en lui confiant vos joies, vos inquiétudes et vos préoccupations. Je vous assure que vous ne le regretterez pas.

Que la jeune de Nazareth, qui dans le monde entier a pris mille visages et noms pour se rendre proche de ses enfants, intercède pour chacun de nous et nous aide à chanter les merveilles que le Seigneur accomplit en nous et par nous.

Du Vatican, 27 février 2017
Mémoire de Saint Gabriel de l’Addolorata

[00396-FR.01] [Texte original: Français]

FRANÇOIS

Message du pape François pour la 25e Journée mondiale des malades

CNS photo/Max Rossi, Reuters

Émerveillement pour tout ce que Dieu accomplit :
« Le Puissant fit pour moi de grandes choses … » (Lc 1,49)

Chers frères et sœurs,
Le 11 février prochain sera célébrée, dans toute l’Église et de façon particulière à Lourdes,

la XXVème Journée mondiale du malade, sur le thème : Émerveillement pour tout ce que Dieu accomplit : « Le Puissant fit pour moi de grandes choses … » (Lc 1,49). Instituée par mon prédécesseur saint Jean-Paul II en 1992, et célébrée pour la première fois justement à Lourdes le 11 février 1993, cette Journée constitue une occasion d’attention spéciale à la condition des malades et, plus généralement, de ceux qui souffrent ; et en même temps elle invite qui se prodigue en leur faveur, à commencer par les proches, les personnels de santé et les volontaires, à rendre grâce pour la vocation reçue du Seigneur d’accompagner les frères malades. En outre, cette occasion renouvelle dans l’Église la vigueur spirituelle pour développer toujours mieux cette part fondamentale de sa mission qui comprend le service envers les derniers, les infirmes, les souffrants, les exclus et les marginaux (cf. Jean-Paul II Motu proprio Dolentium hominum, 11 février 1985, n. 1). Les moments de prière, les Liturgies eucharistiques et l’Onction des malades, le partage avec les malades et les approfondissements bioéthiques et théologico-pastoraux qui auront lieu à Lourdes en ces jours offriront certainement une nouvelle et importante contribution à ce service.

Me plaçant dès à présent spirituellement près de la Grotte de Massabielle, devant l’effigie de la Vierge Immaculée, en qui le Tout-Puissant a fait de grandes choses pour la rédemption de l’humanité, je désire exprimer ma proximité à vous tous, frères et sœurs qui vivez l’expérience de la souffrance, et à vos familles ; comme aussi mon appréciation à tous ceux qui, dans leurs différents rôles et dans toutes les structures sanitaires répandues dans le monde, agissent avec compétence, responsabilité et dévouement pour votre soulagement, votre traitement et votre bien-être quotidien. Je désire vous encourager tous, malades, personnes qui souffrent, médecins, infirmières, proches, volontaires, à contempler en Marie, Salut des malades, la garante de la tendresse de Dieu pour chaque être humain et le modèle de l’abandon à sa volonté ; et à trouver toujours dans la foi, nourrie par la Parole et par les Sacrements, la force d’aimer Dieu et les frères aussi dans l’expérience de la maladie.

Comme sainte Bernadette, nous sommes sous le regard de Marie. L’humble jeune fille de Lourdes raconte que la Vierge, qu’elle a appelée “la Belle Dame”, la regardait comme on regarde une personne. Ces simples paroles décrivent la plénitude d’une relation. Bernadette, pauvre, analphabète et malade, se sent regardée par Marie comme une personne. La Belle Dame lui parle avec grand respect, sans prendre un air supérieur. Cela nous rappelle que chaque malade est et reste toujours un être humain, et doit être traité comme tel. Les infirmes, comme les porteurs de handicaps même très lourds, ont leur inaliénable dignité et leur mission dans la vie, et ne deviennent jamais de simples objets, même si parfois ils peuvent sembler seulement passifs, mais en réalité, ce n’est jamais ainsi.

Bernadette, après être allée à la Grotte, grâce à la prière transforme sa fragilité en soutien pour les autres, grâce à l’amour devient capable d’enrichir son prochain, et surtout, elle offre sa vie pour le salut de l’humanité. Le fait que la Belle Dame lui demande de prier pour les pécheurs nous rappelle que les infirmes, les personnes qui souffrent, ne portent pas seulement en eux le désir de guérir mais aussi celui de vivre chrétiennement leur vie, en arrivant à la donner comme d’authentiques disciples missionnaires du Christ. Marie donne à Bernadette la vocation de servir les malades et l’appelle à être Sœur de la Charité, une mission qu’elle exprime dans une mesure si haute qu’elle devient un modèle auquel chaque agent de santé peut se référer. Demandons donc à l’Immaculée Conception la grâce de savoir nous mettre toujours en relation avec le malade comme avec une personne qui, certainement, a besoin d’aide, parfois aussi pour les choses les plus élémentaires, mais qui porte en elle un don personnel à partager avec les autres.

Le regard de Marie, Consolatrice des affligés, illumine le visage de l’Église dans son engagement quotidien pour les personnes dans le besoin et celles qui souffrent. Les fruits précieux de cette sollicitude de l’Église pour le monde de la souffrance et de la maladie sont un motif de remerciement au Seigneur Jésus, qui s’est fait solidaire avec nous, en obéissance à la volonté du Père et jusqu’à la mort de la croix, afin que l’humanité soit rachetée. La solidarité du Christ, Fils de Dieu né de Marie, est l’expression de la toute-puissance miséricordieuse de Dieu qui se manifeste dans notre vie – surtout quand elle est fragile, blessée, humiliée, marginalisée, souffrante – infusant en elle la force de l’espérance qui nous fait nous relever et nous soutient.

Tant de richesse d’humanité et de foi ne doit pas être perdue, mais plutôt nous aider à nous confronter à nos faiblesses humaines et, en même temps, aux défis présents dans le monde de la santé et de la technologie. À l’occasion de la Journée Mondiale du Malade nous pouvons trouver un nouvel élan pour contribuer à la diffusion d’une culture respectueuse de la vie, de la santé et de l’environnement ; une impulsion nouvelle à lutter pour le respect de l’intégralité et de la dignité des personnes, également à travers une approche juste des questions bioéthiques, de la protection des plus faibles et de la sauvegarde de l’environnement.

À l’occasion de la XXVème Journée mondiale du Malade, je renouvelle ma proximité dans la prière et mon encouragement aux médecins, aux infirmiers, aux volontaires et à toutes les personnes consacrées engagées au service des malades et des indigents ; aux institutions ecclésiales et civiles qui œuvrent dans ce domaine ; et aux familles qui prennent soin avec amour de leurs proches malades. À tous, je souhaite d’être toujours des signes joyeux de la présence et de l’amour de Dieu, en imitant le témoignage lumineux de tant d’amis de Dieu parmi lesquels je rappelle saint Jean de Dieu et saint Camille de Lellis, patrons des hôpitaux et du personnel de santé, et sainte Mère Teresa de Calcutta, missionnaire de la tendresse de Dieu.

Frères et sœurs, tous, malades, personnels de santé et volontaires, élevons ensemble notre prière à Marie, afin que sa maternelle intercession soutienne et accompagne notre foi et nous obtienne du Christ son Fils l’espérance sur le chemin de la guérison et de la santé, le sens de la fraternité et de la responsabilité, l’engagement pour le développement humain intégral et la joie de la gratitude chaque fois qu’elle nous émerveille par sa fidélité et sa miséricorde.

O Marie, notre Mère,
qui, dans le Christ, accueille chacun de nous comme un enfant, soutiens l’attente confiante de notre cœur,
secours-nous dans nos infirmités et nos souffrances,
guide-nous vers le Christ ton fils et notre frère,
et aide-nous à nous confier au Père qui accomplit de grandes choses.

Je vous assure tous de mon souvenir constant dans la prière et je vous adresse de grand cœur la Bénédiction apostolique.

Le 8 décembre 2016, Fête de l’Immaculée Conception. FRANCISCUS

[01996-FR.01] [Texte original: Français]

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