Un pèlerin au service de la paix, du dialogue et de la réconciliation

( Image: courtoisie Vatican News) Vous trouverez ci-dessous une contribution spéciale de Carl Hétu, directeur national de l’Association catholique d’aide à Orient (CNEWA- CANADA) en lien avec la visite historique du Pape François en Irak:

Bien des gens se posent des questions.  Pourquoi le pape François se rend-il en Irak du 5 au 8 mars, en ces temps difficiles de pandémie, d’instabilité politique et de rumeurs de menaces sur sa vie?

Une raison ressort : faire preuve de solidarité envers les chrétiens de ce pays. Il n’en a pas été beaucoup question dans les bulletins d’information du soir, mais les chrétiens d’Irak se sont retrouvés sans protection et maltraités — menaces, enlèvements, tortures, assassinats — au cours des 17 dernières années. Il n’est pas exagéré de dire que la plupart ont été contraints de fuir. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 1,5 million de chrétiens vivaient en Irak en 2003. Aujourd’hui, il en reste à peine 180 000. La montée de l’EIIS à l’été 2014 leur a porté un dernier coup, obligeant plus de 100 000 d’entre eux à fuir pour sauver leur vie en quittant Mossoul et les plaines de Ninive pour trouver refuge dans le nord du Kurdistan irakien.  Il n’est pas étonnant que le pape s’arrête à ces trois endroits. Les chrétiens locaux ont vécu un véritable cauchemar, et beaucoup d’évêques, de religieuses, de prêtres et de simples fidèles ont été martyrisés — en raison de leur foi.   

Connu pour sa capacité à établir des ponts, le pape François rencontrera un grand nombre de groupes chrétiens dans le pays, notamment des catholiques syriaques et des chrétiens orthodoxes, des catholiques chaldéens et des Assyriens de l’Est, ainsi que des chrétiens arméniens (tant de l’Église catholique que de l’Église apostolique). Une fois encore, le pape sait que leur survie dépend de cette importante unité entre les chrétiens.    

L’unité entre les chrétiens du monde entier est au cœur de la papauté du pape François, comme il l’a clairement indiqué lors de son premier voyage en Israël et en Palestine. Il a non seulement prié avec le patriarche œcuménique de Constantinople, Bartholomée Ier, mais il a également entamé une relation de travail durable avec lui, après 1000 ans de dissensions.    

Mais le pape sait aussi que cela ne suffit pas. Les chrétiens du Moyen-Orient ont dû apprendre à composer avec une majorité musulmane au cours des 1400 dernières années au moins. S’ils sont encore dans la région aujourd’hui, c’est parce qu’ils ont pu prendre leur place et développer des liens solides avec les dirigeants musulmans malgré quelques moments sombres de l’histoire. Aujourd’hui, les chrétiens sont confrontés à une de leurs périodes les plus difficiles, comme le révèlent les chiffres : plus de 2,5 millions de personnes ont été forcées de quitter non seulement leur pays, mais aussi tout le Moyen-Orient en seulement 17 ans, beaucoup d’entre elles quittant l’Irak et la Syrie. C’est le pire déclin des chrétiens depuis le génocide arménien de 1915. Le développement de relations solides avec les dirigeants musulmans est donc, à l’évidence, une priorité centrale de toute visite papale. Ainsi, comme le pape l’a fait lors de ses voyages en Palestine, en Égypte, en Turquie et aux Émirats arabes unis, il rencontrera des dirigeants tels que le grand ayatollah Sistani à Najaf, principal chef spirituel des musulmans chiites irakiens.

De nombreux experts estiment cependant qu’il est trop tard pour les chrétiens irakiens. Il est vrai que ces derniers étaient autrefois reconnus pour entretenir d’excellentes relations avec les autres groupes ethniques et religieux de leur pays. Animés par l’esprit d’entreprise, ils ont largement contribué à son développement socio-économique, en créant des emplois ainsi que des services sociaux et des établissements de soins de santé pouvant apporter de l’aide aux plus défavorisés, quelle que soit leur religion.

Qu’ils aient raison ou tort, si nous regardons au sud-ouest de Bagdad, près de la mer Méditerranée, nous pouvons voir quelles contributions même un petit nombre de chrétiens peuvent encore apporter à une société en devenir. Malgré 73 ans de conflits et de guerre entre la Palestine et Israël, et maintenant, une occupation illégale de la Palestine par Israël, le rôle social des chrétiens reste important. Même s’ils ne représentent que 1% (51 000 habitants) de la population des Territoires palestiniens, les chrétiens assurent 45 % de tous les services sociaux locaux. Or eux aussi sont dans une situation difficile, et bien des gens se demandent combien de temps il faudra pour que la plupart quittent leur foyer et la Terre sainte.  

Pour l’Association catholique d’aide à l’Orient (CNEWA), une agence papale ayant œuvré sans relâche dans la région depuis 1926, ces conflits sans fin détruisent nos chances d’un meilleur avenir. Pour les chrétiens qui restent, la visite du pape constitue un rappel concret du fait qu’ils ne sont pas seuls et un encouragement à poursuivre leur mission, laquelle consiste à offrir une variété de services aux jeunes, aux personnes âgées, aux victimes de violence et à d’autres personnes dans le besoin — indépendamment de leurs croyances religieuses. Nous continuerons à soutenir ces activités.

Par ses actions et ses paroles, le pape François démontre que la religion peut ouvrir la voie à la paix par le dialogue et la réconciliation. Il rappelle également aux observateurs ainsi qu’aux personnes d’influence de la région que la paix — à l’échelle locale, régionale et mondiale — ne pourra vraiment être instaurée que si toutes les personnes d’ethnies, de religions et de nationalités différentes prennent le temps de se rencontrer, surmontent leurs divergences, reconnaissent leurs objectifs communs, leur humanité, et développent des liens d’amitié et de confiance.

Une journée pour une nouvelle fraternité humaine

(Image: Courtoisie VaticanNews) Aujourd’hui, jeudi 4 février 2021, se tient la première « Journée internationale de la fraternité humaine ». Pleinement impliqué dans cette initiative internationale votée « à l’unanimité par l’Assemblée des Nations Unies le 21 décembre 2020 », le Saint-Siège a mis de l’avant une participation centrée sur le rôle des grandes religions dans la construction d’une véritable culture de la paix. Deux événements récents manifestent cet engagement du Saint-Siège au service de la fraternité humaine. En lien avec la signature du document sur la « Fraternité humaine » co-signé avec Grand Imam d’Al-Azhar Ahmad Al-Tayyeb et sa plus récente encyclique « Fratelli Tutti », le pape François souhaite que l’implication de l’Église soit comprise comme une manifestation de ce « courage de l’altérité », courage permettant de comprendre que «celui qui est différent de moi, culturellement et religieusement, ne doit pas être vu et traité comme un ennemi, mais accueilli comme un compagnon de route, avec la ferme conviction que le bien de chacun réside dans le bien de tous ». Dans ce contexte, les religions ont non seulement une grande responsabilité mais aussi une capacité unique pour rendre notre monde plus fraternel.

La paix, entre architecture et artisanat

Alors que notre monde vit une crise sanitaire, pour plusieurs, sans précédent, il est central de penser à l’état des lieux de notre monde pour tenter de modifier les mauvaises routes qui nous désorientaient jusqu’à présent. Guidée par des principes dirigés vers le développement global de la personne, la reprise pourrait être l’occasion de développer des relations humaines et politiques véritablement au service du bien commun. Comment donc être un acteur de cette culture de la paix dans notre vie quotidienne ? Pour le pape François :

Les processus efficaces d’une paix durable sont avant tout des transformations artisanales réalisées par les peuples, où chaque être humain peut être un ferment efficace par son mode de vie quotidien. Les grandes transformations ne sont pas produites dans des bureaux ou dans des cabinets. (No 231)

Bien que les grandes organisations internationales aient un rôle irremplaçable en facilitant l’amitié entre les États et les différentes institutions de la société civile, nous sommes tous appelés à prendre notre part de responsabilité. La fraternité n’est donc pas seulement une « architecture » mise de l’avant par des professionnels, elle est également un « artisanat » auquel toute personne peut participer. Cela est tout particulièrement vrai pour les croyants. Par la prière, la connaissance approfondie de sa propre foi (ce que le Pape nomme « le devoir d’identité »)ainsi que le dialogue, les hommes et les femmes de toutes les religions sont appelés à faire rayonner l’apport des grandes traditions religieuses en faveur de la fraternité universelle.

L’amitié dans la liberté

Cette pandémie a bien évidemment eu comme première conséquence, outre la maladie de ceux qui ont eu le malheur d’être infectés, la diminution sinon une perte considérable de notre liberté de mouvement. Cette expérience, vécue presque universellement, peut nous rendre sensibles à ce que signifie pour beaucoup de croyants du monde les restrictions en matière de liberté religieuse. Comment, en effet, faire la promotion d’une fraternité universelle sans permettre à nos frères et sœurs en humanité de prier et de vivre leur foi librement ? Comme le dit le Pape :

« Nous, chrétiens, nous demandons la liberté dans les pays où nous sommes minoritaires, comme nous la favorisons pour ceux qui ne sont pas chrétiens là où ils sont en minorité (No 279).

Si l’amitié ne se trouve que dans la liberté, et que celle-ci n’est véritablement possible que dans un cadre politique et légal respectant la liberté religieuse, nous devons, chacun à son niveau, mettre en pratique ce principe fondamental. L’invitation du Grand Imam d’Al-Azhar, Ahmad Al-Tayyeb adressée au pape François à participer à une réunion en visioconférence en présence du Cheikh Mohammed Ben Zayed d’Abou Dhabi peut être comprise en ce sens. En soulignant l’engagement commun au service de cette fraternité humaine, cette invitation est en soit un exemple de cette esprit de liberté et, donc, de fraternité. Elle manifeste que l’amitié est possible non pas, en faisant fi des différences mais, bien au contraire, en les assumant pleinement.

Un prix pour l’engagement en faveur de la fraternité

Créé en 2019 dans la foulée de ce nouveau canal du dialogue islamo-chrétien ouvert sous le pontificat du pape François, le « Prix Zayed de la Fraternité humaine »sera remis aujourd’hui 4 février par visioconférence. Grâce à Vatican news[12], KTO TV et Sel + Lumière Média, vous serez en mesure d’écouter cette cérémonie exceptionnelle. Les lauréats de cette année sont Latifah Ibn Ziaten, fondatrice de l’Association Imad pour la jeunesse et la paix et António Guterres, 9e Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies. Laissons-nous inspirer par ces modèles d’un engagement au service de la fraternité universelle. Un rendez-vous à ne pas manquer !

(Vidéo: Courtoisie PC Interreligious Dialogue Journée Internationale de la Fraternité Humaine)

Église en sortie 13 octobre 2017

Cette semaine à Église en sortie, on vous présente un reportage sur la vie et la spiritualité des moines trappistes de l’Abbaye Val Notre-Dame au Québec. Dans la deuxième partie d’émission, Francis Denis reçoit la journaliste, écrivaine et éditrice chez Médiaspaul Marie-Andrée Lamontagne sur le livre intitulé « Val Notre-Dame: l’Abbaye dans les bois.

Discours du pape François aux autorités de Colombie lors de la visite au palais présidentiel

Vous trouverez ci-dessous le discours du pape François aux Membres du gouvernement et autorités de la République de Colombie lors de la visite au palais présidentiel de Bogotà: 

Monsieur le Président,
Membres du Gouvernement de la République et du Corps Diplomatique Distinguées Autorités,
Représentants de la société civile,
Mesdames et Messieurs,

Je salue cordialement Monsieur le Président de la Colombie, le Docteur Juan Manuel Santos, et je le remercie pour son aimable invitation à visiter cette Nation en un moment particulièrement important de son histoire; je salue les membres du Gouvernement de la République et du Corps Diplomatique. Et, à travers vous, représentants de la société civile, je voudrais saluer affectueusement tout le peuple colombien, en ces premiers instants de mon voyage apostolique.

Je viens en Colombie, en suivant les traces de mes prédécesseurs, le bienheureux Paul VI et saint Jean-Paul II et, comme eux, je suis animé du désir de partager avec mes frères colombiens le don de la foi, qui s’est si fortement enracinée en ces terres, et l’espérance qui palpite dans le cœur de tous. Ce n’est qu’ainsi, avec foi et espérance, qu’on peut surmonter les nombreuses difficultés du chemin et construire un pays qui soit une patrie et une maison pour tous les Colombiens.

La Colombie est une Nation bénie de nombreuses manières ; la nature généreuse non seulement permet l’admiration pour sa beauté, mais aussi invite à un respect minutieux de sa biodiversité. La Colombie est le deuxième pays au monde en biodiversité, et en le parcourant, on peut goûter et voir combien le Seigneur a été bon (cf. Ps 33, 9), en la dotant d’une si grande diversité de flore et de faune à travers ses forêts arrosées par la pluie, à travers ses déserts, à travers le Chocó, les falaises de Cali ou les chaînes de montagnes comme celles de la Macarena et tant d’autres lieux. De même, sa culture est exubérante ; et le plus important : la Colombie est riche par la qualité humaine de ses habitants, hommes et femmes à l’esprit accueillant et bon ; des personnes dotées de ténacité et de courage pour surmonter les obstacles.

Cette rencontre m’offre l’occasion d’exprimer mon appréciation pour les efforts faits tout au long des dernières décennies, pour mettre fin à la violence armée et trouver des chemins de réconciliation. Au cours de l’année écoulée, on a avancé certainement de manière significative. Les pas faits font grandir l’espérance, dans la conviction que la recherche de la paix est un travail toujours inachevé, une tâche sans répit et qui exige l’engagement de tous. Travail qui nous demande de ne pas relâcher l’effort de construire l’unité de la nation et, malgré les obstacles, les différences et les diverses approches sur la manière de parvenir à la cohabitation pacifique, de persévérer dans la lutte afin de favoriser la ‘‘culture de la rencontre’’ qui exige de mettre au centre de toute action, sociale et économique, la personne humaine, sa très haute dignité, et le respect du bien commun. Que cet effort nous fasse fuir toute tentation de vengeance et de recherche d’intérêts uniquement particuliers et à court terme ! Plus difficile est le chemin qui conduit à la paix et à l’entente, plus nous devons nous engager à reconnaître l’autre, à guérir les blessures et à construire des ponts, à serrer les liens et à nous entraider (cf. Exhort. Ap. Evangelii gaudium, n. 67).

La devise de ce pays dit : « Liberté et ordre ». Dans ces deux mots se trouve tout un enseignement. Les citoyens doivent être respectés dans leur liberté et protégés par un ordre stable. Ce n’est pas la loi du plus fort, mais la force de la loi, approuvée par tous, qui régit la cohabitation pacifique. Il faut des lois justes pouvant garantir cette harmonie et aider à surmonter les conflits qui ont déchiré cette Nation durant des décennies ; des lois qui ne naissent pas de l’exigence pragmatique de mettre de l’ordre dans la société mais du désir de s’attaquer aux causes structurelles de la pauvreté qui génèrent exclusion et violence. Ce n’est qu’ainsi qu’on soigne la maladie qui fragilise et rend indigne la société et la laisse toujours au seuil de nouvelles crises. N’oublions pas que l’iniquité est la racine des maux sociaux (cf. ibid., n.202).

Dans cette perspective, je vous encourage à poser le regard sur tous ceux qui, aujourd’hui, sont exclus et marginalisés par la société, ceux qui ne comptent pas pour la majorité et qui sont repoussés et mis à l’écart. Nous sommes tous nécessaires pour créer et former la société. Celle-ci n’est pas constituée uniquement par quelques-uns de ‘‘pur-sang’’, mais par tous. Et c’est ici que s’enracinent la grandeur et la beauté d’un pays, dans lequel tous ont une place et tous sont importants. Il y a de la richesse dans la diversité. Je pense à ce premier voyage de saint Pierre Claver depuis Cartagena jusqu’à Bogota en naviguant sur le Magdalena : sa stupéfaction est la nôtre. Hier et aujourd’hui, nous posons le regard sur les différentes ethnies et sur les habitants des zones les plus reculées, les paysans. Nous arrêtons le regard sur les plus faibles, sur ceux qui sont exploités et maltraités, sur ceux qui n’ont pas de voix, parce qu’on les en a privé ou qu’on ne la leur a pas donnée, ou qu’on ne la leur reconnaît pas. Nous arrêtons le regard également sur la femme, sur son apport, sur son talent, sur sa façon d’être ‘‘mère’’ dans les multiples tâches. La Colombie a besoin de la participation de tous pour s’ouvrir à l’avenir avec espérance.

L’Église, fidèle à sa mission, s’engage pour la paix, la justice et le bien de tous. Elle est consciente que les principes évangéliques constituent une dimension significative du tissu social colombien, et pour cela, peuvent apporter beaucoup à la croissance du pays. En particulier, le respect sacré de la vie humaine, surtout la plus faible et sans défense, est une pierre angulaire dans la construction d’une société sans violence. En outre, nous ne pouvons nous empêcher de souligner l’importance sociale de la famille, voulue par Dieu comme le fruit de l’amour des époux, « lieu où l’on apprend à vivre ensemble dans la différence et à appartenir aux autres » (Ibid. n. 66). Et s’il vous plaît, je vous demande d’écouter les pauvres, ceux qui souffrent. Regardez-les dans les yeux et laissez-vous interroger à tout moment par leurs visages sillonnés de souffrance et par leurs mains suppliantes. En eux, on apprend d’authentiques leçons de vie, d’humanité, de dignité. Car, ceux-là, qui gémissent dans les chaînes, comprennent, bien-sûr, les paroles de celui qui est mort sur la croix – comme le dit le texte de votre hymne national –.

Mesdames et Messieurs, vous avez devant vous une belle et noble mission, qui est en même temps une tâche difficile. L’encouragement de votre grand compatriote Gabriel García Márquez résonne dans le cœur de chaque Colombien : « Sans doute, face à l’oppression, le pillage et l’abandon, notre réponse est la vie. Ni les déluges ni les pestes, ni les famines ni les cataclysmes, ni même les guerres éternelles tout au long des siècles ne sont parvenus à réduire l’avantage tenace de la vie sur la mort. Un avantage qui augmente et s’accélère ». Est donc possible, poursuit l’écrivain, « une nouvelle et irrésistible utopie de la vie, où personne ne peut décider pour les autres, ni même la façon de mourir, où vraiment l’amour est certain et le bonheur possible, et où les lignées condamnées à cent ans de solitude ont, enfin et pour toujours, une seconde opportunité sur la terre » (Discours de réception du Prix Nobel, 1982).

Beaucoup de temps a été passé dans la haine et dans la vengeance… La solitude de la confrontation permanente se compte déjà par décades et semble avoir duré cent ans ; nous ne voulons pas que quelque genre de violence que ce soit limite ou sacrifie ne serait-ce qu’une seule vie de plus. Et j’ai voulu venir ici pour vous dire que vous n’êtes pas seuls, que nous sommes nombreux, nous qui voulons vous accompagner sur ce chemin; ce voyage se veut un encouragement pour vous, un apport qui en quelque sorte aplanit le chemin vers la réconciliation et la paix.

Vous êtes présents dans mes prières. Je prie pour vous, pour le présent et pour l’avenir de la Colombie.

[01226-FR.01] [Texte original: Espagnol]

Chevaliers de Colomb, un Ordre qui porte du fruit depuis 135 ans!

CNS photo/Teak Phillips, St. Louis Review

Comme vous avez pu le constater tout au long de notre programmation de cette semaine dédiée à la couverture de leur Convention Suprême à Saint-Louis, les Chevaliers de Colomb du monde entier sont plus que jamais engagés à faire resplendir « l’Amour et la Puissance de Dieu » dans notre monde. Ces hommes laïcs constitués en Ordre, ont su intégrer, à la fois, l’appel universel à la sainteté (LG, no. 40) du Concile Vatican II et à la fois la mission propre du laïcat qu’est la sanctification du monde ( AA, no.16). Cette fidélité à ces deux enseignements de l’Église s’est particulièrement manifestée dans le discours de monsieur Carl Anderson, Chevalier suprême de cette cavalerie, aujourd’hui âgée de 135 ans.

Travail, dons et recrutement

Le rapport annuel présenté lors de la session du mardi après-midi devant près de 2000 représentants de tous les États a montré toute la vigueur de l’Ordre fondé par le Vénérable Michael J. McGivney ptre. En effet, on peut lire dans ce document que les Chevaliers de Colomb ont donné en 2016, 177 $ millions de dollars pour des œuvres de charité partout dans le monde. À cela s’ajoutent les 75 millions d’heures de bénévolat effectuées dans la même année. Faisant référence à l’histoire de la ville hôte de l’événement, monsieur Carl Anderson a souligné ce qui anime cet effort titanesque : « être [comme le roi saint Louis ] des témoins de cette radieuse et attirante communion fraternelle dont notre Église et notre monde ont tellement besoin ». Enfin, on ne peut passer sous silence la constante augmentation du nombre de membres qui totalise aujourd’hui 1 941 728 personnes de par le monde. Pour stimuler la croissance des États souffrant d’une diminution, monsieur Anderson a notamment demandé qu’un accent particulier soit mis à l’intégration des plus jeunes générations dans les activités et campagnes de recrutement dans le but d’assurer une relève.

Une nouveauté a également fait son apparition cette année. Le quatrième degré de l’ordre aura prochainement à sa disposition un nouveau costume. D’un style militaire napoléonien, les Chevaliers de Colomb du 4e degrés se sont donc doté d’un costume plus en conformité avec l’attirail militaire du 21e siècle.

Une compagnie en santé de corps et d’esprit

Comme l’affirmait le Chevalier Suprême dans son discours annuel : « L’année dernière, nous avons atteint notre objectif avec une 16e année consécutive de croissance de ventes avec un nouveau record soit 8,54 milliards en nouvelles assurances sur la vie. Ainsi, la Mutuelle des Chevaliers de Colomb détient à l’heure actuelle une force d’assurance de 105 milliard $ ». À cette réussite phénoménale doit s’ajouter le succès au point de vue de la probité des affaires puisque l’Assurance des Chevaliers de Colomb pour la quatrième année se trouve dans le palmarès des compagnies les plus éthiques du monde (World’s Most Ethical Company®) par Institut Ethisphere. De cette façon, les Chevaliers de Colomb peuvent être des témoins, à la fois, de la compatibilité de l’éthique catholique des affaires avec la génération de profits. Dans un monde où, d’un côté, on confond trop souvent profits et cupidité, ou de l’autre, on considère l’éthique comme un frein aux bénéfices d’une entreprise, la mutuelle des Chevaliers de Colomb manifeste la complémentarité entre éthique et business.

Des bénéfices au profit des pauvres

En plus des montants astronomiques en dons mentionnés plus haut, on peut souligner, à mon sens, certaines des activités caritatives soutenues grâce à cet argent. D’abord, la priorité absolue des Chevaliers est la défense et la promotion de la dignité humaine. Construire une « culture de la vie » n’est pas une mince affaire dans un monde où l’économisme monopolise trop souvent les discours et décisions politiques.

En ce sens, le programme d’achat de machines à ultra-son pour échographie est une de leur plus grande fierté. En effet, offrir à la mère une image de l’enfant à naître qu’elle porte en son sein constitue souvent un moment primordial dans la décision de le garder. Comme l’a dit Carl Anderson : « grâce aux 1000 machines supplémentaires, nous estimons pouvoir sauver quatre enfants par semaine, contribuant ainsi à accueillir en notre monde un million d’enfants qui n’auraient vraisemblablement pas vu le jour sans ce programme ».

À cette initiative concrète s’ajoute le travail et le temps dédiés à la défense publique de la vie de la conception à la mort naturelle. Défense qui se manifeste visiblement dans l’implication des Chevaliers de Colomb dans la Marche pour la vie à Washington et Ottawa à chaque année. Cette manifestation permet de conscientiser des milliers de personnes chaque année à la cause de la dignité humaine dans tous les pays où les Chevaliers sont présents.

Enfin, on ne pourrait passer sous silence l’effort gigantesque pour venir en aide aux chrétiens persécutés au Moyen-Orient et qui sont victime d’une véritable « génocide ». Carl Anderson a demander à ce qu’un effort supplémentaire de 2000 $ par conseil soit effectué afin de sauver et reconstruire une ville chrétienne.

Au service de l’évangélisation du Continent numérique

En dernier lieu, j’aimerais souligner la remarque faite par le Chevalier suprême sur l’importance de soutenir la présence de l’Église dans l’univers médiatique. Comment ne pas s’enorgueillir de la mention toute spéciale faite à plusieurs reprises au père Thomas Rosica c.s.b. et télévision Sel et Lumière : « Nous continuerons à soutenir fortement le travail de Sel et Lumière » a-t-il affirmé (2 :07 :03).

Pour notre part, nous étions très heureux de pouvoir être sur place pour couvrir cet événement incontournable de l’Église en Amérique du Nord. J’espère sincèrement que vous avez apprécié les entrevues, liturgies et témoignages présentés en direct de Saint-Louis tout au long de la semaine. N’hésitez pas à visiter notre site internet pour voir ou revoir les différents moments de cette semaine exceptionnelle. En espérant vous revoir l’année prochaine à Baltimore !

Homélie du pape François lors du Consistoire pour la création de 5 nouveaux cardinaux

Aujourd’hui à 16 heures en la basilique Saint-Pierre de Rome, le pape François a tenu un Consistoire ordinaire public en vue de la création de cinq nouveaux cardinaux. La partie essentielle de cette cérémonie comprend l’imposition de la barrette, la présentation de l’anneau ainsi que l’assignement d’un titre de diaconie qui signifie service. La célébration a débuté par  des prières, entre autres d’action de grâce, et la lecture d’un passage de l’Évangile selon saint Marc (10, 32-45).

Par la suite, le Saint-Père a lu la formule de création des cardinaux et prononcé solennellement le nom des nouveaux cardinaux, proclamant ainsi leur ordre officiel. Le rite s’est poursuivi avec la profession de foi des nouveaux cardinaux devant le Peuple de Dieu ainsi que le serment de fidélité et d’obéissance au pape François et à ses successeurs.

Finalement, les nouveaux cardinaux, selon l’ordre de leur création, se mettent à genoux devant le Saint-Père qui leur impose le zucchetto et la barrette cardinalice et leur remet l’anneau de cardinal. Le Pape assigne à chaque cardinal une église de Rome en signe de participation à la charge pastorale du Pape dans son diocèse de Rome. Cette partie de la célébration se termine par l’échange de la paix entre le Pape et les nouveaux cardinaux.

Vous trouverez ci-dessous le texte de l’homélie du pape François telle que prononcée lors de ce consistoire :

«Jésus marchait devant eux». C’est l’image qui nous vient de l’Évangile que nous avons entendu (Mc 10, 32-45), et qui constitue aussi l’arrière-fond de l’acte que nous accomplissons: un Consistoire pour la création de nouveaux Cardinaux.

Jésus marche résolument vers Jérusalem. Il sait bien ce qui l’attend et il en a parlé plusieurs fois à ses disciples. Mais entre le cœur de Jésus et le cœur des disciples, il y a une distance, que seul l’Esprit Saint pourra combler. Jésus le sait; c’est pourquoi, il est patient avec eux, il leur parle avec franchise, et surtout il les précède, il marche devant eux.

Le long du chemin, les disciples eux-mêmes sont distraits par des intérêts non cohérents avec la “direction” de Jésus, avec sa volonté qui ne fait qu’un avec la volonté du Père. Par exemple – nous l’avons entendu – les deux frères Jacques et Jean pensent qu’il serait beau de s’asseoir à la droite et la gauche du roi d’Israël (cf. v. 37). Ils ne regardent pas la réalité! Ils croient voir et ne voient pas, savoir et ne savent pas, comprendre mieux que les autres et ne comprennent pas…

La réalité au contraire est tout autre, c’est celle que Jésus garde présente à l’esprit et qui guide ses pas. La réalité, c’est la croix, c’est le péché du monde qu’il est venu prendre sur lui et déraciner de la terre des hommes et des femmes. La réalité, ce sont les innocents qui souffrent et meurent à cause des guerres et du terrorisme; ce sont les esclavages qui ne cessent pas de nier la dignité, même à l’époque des droits humains; la réalité, ce sont les camps de réfugiés qui parfois ressemblent plus à un enfer qu’à un purgatoire; la réalité, c’est le rejet systématique de tout ce qui ne sert plus, y compris les personnes.

C’est cela que Jésus voit, tandis qu’il marche vers Jérusalem. Durant sa vie publique, il a manifesté la tendresse du Père, guérissant tous ceux qui étaient sous l’emprise du malin (cf. Ac 10, 38). Maintenant il sait qu’est venu le moment d’aller au bout, d’arracher la racine du mal, et pour cela, il va résolument vers la croix.

Nous aussi, frères et sœurs, nous sommes en chemin avec Jésus sur cette route. En particulier, je m’adresse à vous, très chers nouveaux Cardinaux. Jésus « marche devant vous » et il vous demande de le suivre résolument sur son chemin. Il vous appelle à regarder la réalité, à ne pas vous laisser distraire par d’autres intérêts, par d’autres perspectives. Il ne vous a pas appelés à devenir “des princes” de l’Église, à “être assis à sa droite ou à sa gauche”. Il vous appelle à servir comme lui et avec lui. A servir le Père et les frères. Il vous appelle à affronter, avec la même attitude que lui, le péché du monde et ses conséquences dans l’humanité d’aujourd’hui. En le suivant, Lui, vous marchez vous aussi devant le peuple saint de Dieu, gardant le regard fixé sur la croix et sur la résurrection du Seigneur.

Et alors, par l’intercession de la Vierge Mère, invoquons avec foi l’Esprit Saint, pour qu’il comble toute distance entre nos cœurs et le cœur du Christ, et que toute notre vie devienne un service à Dieu et à nos frères.

[01026-FR.01] [Texte original: Italien]

Le dialogue dans la vérité: réflexion sur « Nos voisins évangéliques »

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Cette semaine, la Commission épiscopale pour l’unité chrétienne, les relations religieuses avec les Juifs et le dialogue interreligieux de la Conférence des évêques catholiques du Canada publiait un document intitulé « Nos voisins évangéliques : Réflexion sur l’évangélisme chrétien ». Cette brochure de 12 pages, se veut une ressource pour les catholiques afin qu’ils en apprennent davantage sur le christianisme évangélique à travers «  l’histoire et les croyances des évangéliques et en prêtant une attention particulière aux relations entre les évangéliques et les catholiques ». Je retiens de ma lecture une foule d’informations tant historiques que théologiques ainsi qu’une posture cohérente avec le souhait du pape François pour que « la collaboration interreligieuse et œcuménique montre que les hommes et les femmes ne doivent pas oublier leur propre identité, ethnique ou religieuse, pour vivre en harmonie avec leurs frères et sœurs ».

Regard historique et théologique 

La première chose que l’on note, c’est que les différences qui séparent les catholiques des évangéliques s’enracinent dans une longue histoire. En effet, on commémore cette année le 500ième anniversaire de la Réforme protestante ! L’évangélisme est donc un mouvement chrétien issu de la tradition protestante , ce qui implique l’acceptation des principes théologiques qui y sont liés tels que « l’autorité exclusive de l’Écriture » et « la justification par la seule foi » (p.2). Le document de la CECC offre ensuite une description des différentes explications et implications de ces principes avant de présenter quelques-unes de ces manifestations dans la vie concrète de nos frères protestants. On explique ainsi les expressions tels que « born again », de « revivalism » ou de « fondamentalisme », tout en spécifiant que « les évangéliques forment un groupe diversifié » (p.4).

D’une perception à une autre

Ce qui est significatif dans ce document, c’est que l’on ose sortir de l’énumération des traits distinctifs, à la manière d’une encyclopédie, pour prendre en compte l’expérience concrète que ces mêmes différences peuvent avoir sur la vie quotidienne des membres des deux communautés chrétiennes. On offre ainsi pour les deux perspectives, un dialogue qui tient compte des critiques réciproques.

En effet, on se demande d’abord ce que pensent les catholiques des évangéliques ? On offre alors un portrait réaliste des éléments dont les catholiques peuvent naturellement faire l’éloge comme leur attachement à la Parole de Dieu telle que transmise dans la Bible mais également l’emphase mise sur la relation personnelle au Christ. capture-decran-2016-10-22-a-10-36-39Toutefois, on ne cache pas les réticences que les catholiques peuvent également avoir face à une certaine tendance à interpréter l’Écriture Sainte d’une manière trop littérale sans tenir compte de la Tradition c’est-à-dire la vie des chrétiens qui nous ont précédés ou, en d’autres termes, « la grande communauté chrétienne qui s’étend aussi bien à travers le temps que dans l’espace » (p.7). Enfin, l’unité de l’Église catholique et sa structure hiérarchique bien définie, expliquent comment « l’aspect transconfessionnel de l’évangélisme engendrent une sorte de corps indéfini que les catholiques ont de la difficulté à identifier au Corps du Christ » (p.7).

Dans un deuxième temps, on se demande ce qui, dans la pratique catholique, peut sembler étranger à un christianisme authentique tel que le conçoivent les évangéliques. D’abord, bien que l’on souligne les nombreuses avancées du dialogue œcuménique, on affirme qu’un certain nombre de cette mouvance ne sont toujours pas certains que les catholiques soient de véritables chrétiens (p.8). De plus, on montre comment l’accent mis sur la relation personnelle avec le Christ peut pousser les évangéliques à parler de leur salut « à l’imparfait » c’est-à-dire comme quelque chose de déjà accompli tandis que, du côté catholique, on a souvent tendance à parler du salut « au futur », mettant ainsi l’accent davantage sur la dimension ultime c’est-à-dire après la mort.

Le dialogue, une responsabilité partagée

Dans la dernière partie du document, on trouve une analyse de la réalité du dialogue œcuménique aujourd’hui tout en manifestant l’ouverture que nous devons avoir pour être fidèles au souhait du Christ « Ut unum sint ».

Le contexte actuel et l’expansion rapide du phénomène de sécularisation doivent nous pousser à dépasser nos différences et les blessures héritées du passé afin d’offrir au monde un témoignage plus à même de convaincre de la véracité de la Révélation chrétienne. Toutefois, puisque l’estime mutuelle qui se construit peu à peu entre les deux communautés « scandalise certaines personnes » (p.11), le document de la CECC insiste sur le contexte dans lequel ce dialogue est en mesure de porter des fruits. En ce sens, pour que la vérité puisse être au centre des aspirations de tous les interlocuteurs, il est essentiel que des liens de charité profonde soient d’abord créés entre les membres. Ainsi le travail œcuménique ne pourra être concluant que s’il « s’établit au quotidien dans la vie chrétienne des croyants […] le succès du dialogue à venir dépend en grande partie de vous » (p.11).

Tant du point de vue de la richesse des informations contenues dans ce document que de la place laissée à l’expérience concrète des croyants des deux communautés, il est possible de conclure que ce document de la CECC remplit bien son mandat d’instrument au service de l’œcuménisme. Que ce soit dans le fait d’affirmer haut et fort les points de désaccord inhérents aux identités respectives que dans l’estime mutuelle et dans la capacité de reconnaître l’autre d’abord comme un frère « dans le contexte d’une foi commune » (p.5), ce document est certainement un outil de premier plan facilitant cette responsabilité missionnaire  qui nous incombe à tous.

Allocution du pape François lors de la Veillée de prière avec les jeunes des JMJ de Cracovie

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Chers jeunes,

Il est beau d’être ici avec vous en cette veillée de prière.
À la fin de son témoignage courageux et émouvant, Rand nous a demandé quelque chose. Il a dit : ‘‘Je vous demande sincèrement de prier pour mon cher pays’’. Une histoire marquée par la guerre, par la douleur, par la perte, qui finit avec une demande : celle de la prière. Qu’y a-t-il de mieux que de commencer notre veillée en priant ?

Nous venons de diverses parties du monde, de continents, de pays, langues, cultures, peuples différents. Nous sommes ‘‘fils’’ de nations qui peut-être qui sont en train de discuter à cause de divers conflits, ou même sont en guerre. Pour d’autres, nous venons de pays qui peuvent être en ‘‘paix’’, qui n’ont pas de conflits belliqueux, où beaucoup des choses douloureuses qui arrivent dans le monde font seulement partie des nouvelles et de la presse. Mais nous sommes conscients d’une réalité : pour nous, aujourd’hui et ici, provenant de diverses parties du monde, la douleur, la guerre que vivent de nombreux jeunes, ne sont plus une chose anonyme, elles ne sont plus une nouvelle de la presse, elles ont un nom, un visage, une histoire, une proximité. Aujourd’hui, la guerre en Syrie est la douleur et la souffrance de tant de personnes, de tant de jeunes comme le courageux Rand, qui se trouve au milieu de nous et nous demande de prier pour son cher pays.

Il y a des situations qui peuvent nous paraître lointaines jusqu’à ce que, de quelque manière, nous les touchions. Il y a des réalités que nous ne comprenons pas parce nous ne les voyons qu’à travers un écran (du téléphone portable ou de l’ordinateur). Mais lorsque nous entrons en contact avec la vie, avec ces vies concrètes non plus médiatisées par les écrans, alors il nous arrive quelque chose de fort, nous sentons l’invitation à nous impliquer : ‘‘Assez des villes oubliées’’, comme dit Rand ; il doit plus jamais arriver que des frères soient ‘‘entourés par la mort et par les tueries’’, sentant que personne ne les aidera. Chers amis, je vous invite à prier ensemble pour la souffrance de tant de victimes de la guerre, afin qu’une fois pour toutes, nous puissions comprendre que rien ne justifie le sang d’un frère, que rien n’est plus précieux que la personne que nous avons à côté. Et dans cette demande de prière, je veux vous remercier également, Natalia et Miguel, parce que vous aussi vous avez partagé avec nous vos batailles, vos guerres intérieures. Vous nous avez présenté vos luttes, et comment vous les avez surmontées. Vous êtes des signes vivants de ce que la miséricorde veut faire en nous.

À présent, nous, nous ne mettrons pas à crier contre quelqu’un, nous ne mettrons pas à nous quereller, nous ne voulons pas détruire. Nous, nous ne voulons pas vaincre la haine par davantage de haine, vaincre la violence par davantage de violence, vaincre la terreur par davantage de terreur. Et notre réponse à ce monde en guerre a un nom : elle s’appelle fraternité, elle s’appelle lien fraternel, elle s’appelle communion, elle s’appelle famille. Nous célébrons le fait de venir de diverses cultures et nous nous unissons pour prier. Que notre meilleure parole, notre meilleur discours soit de nous unir en prière. Faisons un moment de silence et prions ; mettons devant Dieu les témoignages de ces amis, identifions-nous avec ceux pour lesquels ‘‘la famille est un concept inexistant, la maison rien qu’un endroit où dormir et manger’’, ou bien avec ceux qui vivent dans la peur de croire que leurs erreurs et leurs péchés les ont exclus définitivement. Mettons en présence de notre Dieu également vos ‘‘guerres’’, les luttesCapture d’écran 2016-07-30 à 13.57.31 que chacun porte avec soi, dans son cœur.

(SILENCE)

Tandis que nous priions m’est venue à l’esprit l’image des Apôtres le jour de Pentecôte. Une scène qui peut nous aider à comprendre tout ce que Dieu rêve de réaliser dans notre vie, en nous et avec nous. Ce jour, par peur, les disciples étaient enfermés. Ils se sentaient menacés par un entourage qui les persécutait, qui les contraignait à rester dans une petite chambre, les obligeant à demeurer figés et paralysés. La crainte s’était emparée d’eux. Dans ce contexte, il s’est passé quelque chose de spectaculaire, quelque chose de grandiose. L’Esprit Saint est venu et des langues comme de feu se sont posées sur chacun d’eux, les poussant à une aventure dont ils n’auraient jamais rêvé.

Nous avons écouté trois témoignages ; nous avons touché, de nos cœurs, leurs histoires, leurs vies. Nous avons vu comment eux, comme les disciples, ils ont vécu des moments semblables, ont connu des moments où ils ont été en proie à la peur, où il semblait que tout croulait. La peur et l’angoisse qui naissent de la conscience qu’en sortant de la maison on peut ne plus revoir ses proches, la peur de ne pas se sentir apprécié et aimé, la peur de ne pas avoir d’autres opportunités. Ils ont partagé avec nous la même expérience qu’ont faite les disciples, ils ont fait l’expérience de la peur qui mène à un seul endroit : à la fermeture. Et lorsque la peur se terre dans la fermeture, elle est toujours accompagnée de sa ‘‘sœur jumelle’’, la paralysie ; nous sentir paralysés. Sentir qu’en ce monde, dans nos villes, dans nos communautés, il n’y a plus d’espace pour grandir, pour rêver, pour créer, pour regarder des horizons, en définitive pour vivre, est l’un des pires maux qui puissent nous affecter dans la vie. La paralysie nous fait perdre le goût de savourer la rencontre, de l’amitié, le goût de rêver ensemble, de cheminer avec les autres.

Dans la vie, il y a une autre paralysie encore plus dangereuse et souvent difficile à identifier, et qu’il nous coûte beaucoup de reconnaître. J’aime l’appeler la paralysie qui naît lorsqu’on confond le BONHEUR avec un DIVAN ! Oui, croire que pour être heureux, nous avons besoin d’un bon divan. Un divan qui nous aide à nous sentir à l’aise, tranquilles, bien en sécurité. Un divan – comme il y en a maintenant, modernes, avec des massages y compris pour dormir – qui nous garantissent des heures de tranquillité pour nous transférer dans le monde des jeux vidéo et passer des heures devant le computer. Un divan contre toute espèce de douleur et de crainte. Un divan qui nous maintiendra enfermés à la maison sans nous fatiguer ni sans nous préoccuper. Le divan-bonheur est probablement la paralysie silencieuse qui peut nous nuire davantage ; parce que peu à peu, sans nous en rendre compte, nous nous endormons, nous nous retrouvons étourdis et abrutis tandis que d’autres – peut-être plus éveillés, mais pas les meilleurs – décident de l’avenir pour nous. Sûrement, pour beaucoup il est plus facile et avantageux d’avoir des jeunes étourdis et abrutis qui confondent le bonheur avec un divan ; pour beaucoup, cela est plus convenable que d’avoir des jeunes éveillés, désireux de répondre au rêve de Dieu et à toutes les aspirationsdu cœur.

Mais la vérité est autre : chers jeunes, nous ne sommes pas venus au monde pour ‘‘végéter’’, pour vivre dans la facilité, pour faire de la vie un divan qui nous endorme ; au contraire, nous sommes venus pour autre chose, pour laisser une empreinte. Il est très triste de passer dans la vie sans laisser une empreinte. Mais quand nous Capture d’écran 2016-07-30 à 13.57.26choisissons le confort, en confondant bonheur et consumérisme, alors le prix que nous payons est très mais très élevé : nous perdons la liberté.

Justement ici, il y a une grande paralysie, lorsque nous commençons à penser que le bonheur est synonyme de confort, qu’être heureux, c’est marcher dans la vie, endormi ou drogué, que l’unique manière d’être heureux est d’être comme un abruti. Il est certain que la drogue fait du mal, mais il y a beaucoup d’autres drogues socialement acceptées qui finissent par nous rendre beaucoup ou de toute manière plus esclaves. Les unes et les autres nous dépouillent de notre plus grand bien : la liberté.

Chers amis, Jésus est le Seigneur du risque, du toujours ‘‘au-delà’’. Jésus n’est pas le Seigneur du confort, de la sécurité et de la commodité. Pour suivre Jésus, il faut avoir une dose de courage, il faut se décider à changer le divan contre une paire de chaussures qui t’aideront à marcher, sur des routes jamais rêvées et même pas imaginées, sur des routes qui peuvent ouvrir de nouveaux horizons, capables de propager la joie, cette joie qui naît de l’amour de Dieu, la joie que laissent dans ton cœur chaque geste, chaque attitude de miséricorde. Aller par les routes en suivant la ‘‘folie’’ de notre Dieu qui nous enseigne à le rencontrer en celui qui a faim, en celui qui a soif, en celui qui est nu, dans le malade, dans l’ami qui a mal tourné, dans le détenu, dans le réfugié et dans le migrant, dans le voisin qui est seul. Aller par les routes de notre Dieu qui nous invite à être des acteurs politiques, des personnes qui pensent, des animateurs sociaux. Il nous incite à penser à une économie plus solidaire. Dans les milieux où vous vous trouvez, l’amour de Dieu nous invite à porter la Bonne Nouvelle, en faisant de notre propreCapture d’écran 2016-07-30 à 14.02.15 vie un don fait à lui et aux autres.

Vous pourrez me dire: Père, mais cela n’est pas pour tous, c’est uniquement pour quelques élus ! Oui, et ces élus sont tous ceux qui sont disposés à partager leur vie avec les autres. De la même façon que l’Esprit Saint a transformé le cœur des disciples le jour de Pentecôte, il a fait de même avec nos amis qui ont partagé leurs témoignages. J’emprunte tes mots, Miguel : tu nous disais que le jour où dans la ‘‘Facenda’’ ils t’ont confié la responsabilité d’aider au meilleur fonctionnement de la maison, alors tu as commencé à comprendre que Dieu te demandait quelque chose. C’est ainsi qu’a commencé la transformation.

Voilà le secret, chers amis, que nous sommes appelés à expérimenter. Dieu attend quelque chose de toi, Dieu veut quelque chose de toi, Dieu t’attend. Dieu vient rompre nos fermetures, il vient ouvrir les portes de nos vies, de nos visions, de nos regards. Dieu vient ouvrir tout ce qui t’enferme. Il t’invite à rêver, il veut te faire voir qu’avec toi le monde peut être différent. C’est ainsi : si tu n’y mets pas le meilleur de toi-même, le monde ne sera pas différent.

Le temps qu’aujourd’hui nous vivons n’a pas besoin de jeunes-divan, mais de jeunes avec des chaussures, mieux encore, chaussant des crampons. Il n’accepte que des joueurs titulaires sur le terrain, il n’y a pas de place pour des réservistes. Le monde d’aujourd’hui vous demande d’être des protagonistes de l’histoire, parce que la vie est belle à condition que nous voulions la vivre, à condition que nous voulions y laisser une empreinte. L’histoire aujourd’hui nous demande de défendre notre dignité et de ne pas permettre que ce soient d’autres qui décident notre avenir. Le Seigneur, comme à la Pentecôte, veut réaliser l’un des plus grands miracles dont nous puissions faire Capture d’écran 2016-07-30 à 14.03.39l’expérience : faire en sorte que tes mains, mes mains, nos mains se transforment en signes de réconciliation, de communion, de création. Il veut tes mains pour continuer à construire le monde d’aujourd’hui. Il veut construire avec toi.

Tu me diras : Père, mais moi, j’ai bien des limites, je suis pécheur, que puis-je faire ? Quand le Seigneur nous appelle, il ne pense pas à ce que nous sommes, à ce que nous étions, à ce que nous avons fait ou cessé de faire. Au contraire, au moment où il nous appelle, il regarde tout ce que nous pourrions faire, tout l’amour que nous sommes capables de propager. Lui parie toujours sur l’avenir, sur demain. Jésus te projette à l’horizon. C’est pourquoi, chers amis, aujourd’hui, Jésus t’invite, il t’appelle à laisser ton empreinte dans la vie, une empreinte qui marque l’histoire, qui marque ton histoire et l’histoire de beaucoup.

La vie d’aujourd’hui nous dit qu’il est très facile de fixer l’attention sur ce qui nous divise, sur ce qui nous sépare. On voudrait nous faire croire que nous enfermer est la meilleure manière de nous protéger de ce qui fait mal. Aujourd’hui, nous les adultes, nous avons besoin de vous, pour nous enseigner à cohabiter dans la diversité, dans le dialogue, en partageant la multi culturalité non pas comme une menace mais comme une opportunité : ayez le courage de nous enseigner qu’il est plus facile construire des ponts que d’élever des murs ! Et tous ensemble, demandons que vous exigiez de nous de parcourir les routes de la fraternité. Construire des ponts : savez-vous quel le premier pont à construire ? Un pont que nous pouvons réaliser ici et maintenant : nous serrer les mains, nous donner la main. Allez-y, faites-le maintenant, ici ce pont primordial, et donnez-vous la main. C’est le grand pont fraternel, et puissent les grands de ce monde apprendre à le faire !… toutefois non pour la photographie, mais pour continuer à construire des ponts toujours plus grands. Que ce pont humain soit semence de nombreux autres ; il sera une empreinte.

Aujourd’hui Jésus, qui est le chemin, t’appelle à laisser ton empreinte dans l’histoire. Lui, qui est la vie, t’invite à laisser une empreinte qui remplira de vie ton histoire et celle de tant d’autres. Lui, qui est la vérité, t’invite à abandonner les routes de la séparation, de la division, du non-sens. Es-tu d’accord ? Que répondent tes mains et tes pieds au Seigneur, qui est chemin, vérité et vie ?

Témoignage de Miguel, 34 ans d’Asunción au Paraguay lors de la Veillée de prière avec le pape François

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Je m’appelle Miguel, j’ai 34 ans, je viens de Asunción, au Paraguay. Nous sommes onze frères et sœurs et je suis le seul à avoir des problèmes avec la drogue. J’ai vaincu mon addiction à la « Fazenda de la Esperanza San Rafael » (Maison de l’Espérance San Rafael) à Rio Grande do Sul, au Brésil.

J’ai pris de la drogue pendant 16 ans, à partir de l’âge de 11 ans. J’ai toujours eu de grandes difficultés dans les relations avec ma famille, je ne me sentais ni aimé ni proche d’eux. On se disputait sans arrêt et on vivait constamment stressés. Je ne me souviens pas de m’être assis à table avec eux. Pour moi la famille était un concept inexistant, et la maison était juste un endroit pour dormir et manger.

À l’âge de 11 ans je me suis enfui de la maison car le vide en moi était trop grand. Je continuais les cours, mais je voulais la «liberté». Quelques mois après, je me suis drogué pour la première fois sur le chemin de l’école. Cela ne faisait qu’approfondir le vide qui était en moi, je ne voulais pas rentrer à la maison, faire face à ma famille, faire face à moi-même. Ensuite j’ai abandonné l’école et mes parents m’ont fermé les portes de la maison, car ils avaient perdus tout espoir. À 15 ans, j’ai commis un délit pour lequel je suis allé en prison. En me rendant visite, mon père m’a demandé si je voulais changer et j’ai répondu « Oui ». Sorti de prison, peu de temps après je suis retourné à la criminalité. Un jour, j’ai commis un crime et j’ai été à nouveau mis en prison, cette fois-ci pour six ans, années durant lesquelles j’ai beaucoup souffert. Je ne pouvais pas comprendre pourquoi aucun de mes frères et sœurs ne m’avaient pas rendu visite. Ainsi, les années ont passé et j’ai purgé ma peine. Mes parents sont restés toujours liés à l’Église.

Après ma sortie de prison, un prêtre, ami de la famille, m’a invité à voir un endroit appelé “Fazenda de la Esperanza” (Maison de l’Espérance). J’étais sans but dans la vie. Toutes ces années perdues étaient fortement visibles dans mes yeux, sur mon visage. J’ai accepté d’y aller, et pour la première fois j’ai senti ce qu’était une vraie famille. Au début, les relations avec les autres et la vie commune étaient très difficiles pour moi. Là-bas, la méthode de guérison se fait au travers de la Parole de Dieu. J’avais un colocataire que je ne pouvais pas alors pardonner. J’avais besoin de paix, et lui, il avait besoin d’amour. Pendant les sept mois que j’ai passés dans cet endroit, il me fut demandé de faire quelque chose pour améliorer la vie dans la maison. C’est ainsi que j’ai compris que Dieu voulait quelque chose de moi. Ce camarade a reçu une lettre de sa femme. Leurs relations n’étaient pas très bonnes. Cela m’a aidé à mieux le comprendre. Je lui ai donné cette lettre et il m’a dit « Frère, peux-tu me pardonner ? » et je lui ai répondu « Oui, bien sûr. Dès ce moment, j’eu une excellente relation avec lui. Dieu nous transforme vraiment, IL nous restaure !

J’ai recouvré complètement ma santé il y a 10 ans, j’étais responsable de la maison «Quo Vadis ? » à la Maison de l’Ésperance à Cerro Chato, pendant trois ans.

Trad. : Joasia Kierska

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