Comment s’y prendre pour une conversation dans l’Esprit ? Des étapes vers une Église synodale

Tout au long de l’Assemblée synodale ici à Rome, une nouvelle méthode est utilisée pour la première fois. Il s’agit des conversations dans l’Esprit, dont vous avez peut-être déjà entendu parler.

Il s’agit d’inviter l’Esprit Saint dans nos conversations, afin qu’il puisse nous unir au milieu de nos différences et de notre diversité, en nous aidant à passer du « je » au « nous » – non pas pour effacer notre singularité, mais pour nous rassembler dans l’harmonie d’être des frères et des sœurs dans le Christ au service des autres.

Notre espoir est qu’en faisant l’expérience personnelle des conversations dans l’Esprit, les participants à ce Synode pourront réfléchir ensemble à la manière dont Dieu appelle l’Église dans le monde d’aujourd’hui à être une Église plus capable d’écouter, de discerner les besoins de notre temps et d’agir en conséquence à la lumière de l’Évangile.

Tout le monde peut utiliser cette méthode de conversation dans l’Esprit, non seulement ici à Rome, mais dans le monde entier, dans nos paroisses, nos diocèses, nos communautés, et même dans nos familles. La méthode peut être adaptée en fonction des circonstances et de la situation. Elle peut être particulièrement utile lorsqu’il y a une décision à prendre, pour laquelle nous avons besoin de l’aide de Dieu. Les conversations dans l’Esprit peuvent également s’avérer extrêmement utiles lorsque nous sommes confrontés à un conflit ou à un désaccord. Dieu peut nous aider à sortir de l’impasse, en ouvrant une nouvelle voie là où nous pensions qu’elle n’était pas possible. Alors comment s’y prendre ?

Les conversations dans l’Esprit commencent par une question spécifique sur laquelle nous aimerions discerner. Par exemple, comment notre paroisse peut-elle être plus missionnaire ? Ou, en tant que diocèse, comment créer plus d’unité entre nos diverses communautés ? Ou encore, en tant que famille, où devrions-nous envoyer nos enfants à l’école ? Une fois que nous avons notre question de discernement, voici quelques étapes de base pour avoir une conversation dans l’Esprit.

Tout d’abord, il peut être utile de se préparer personnellement. Confie la conversation à Dieu et réfléchis dans la prière à la question de discernement, en lisant également la Parole de Dieu pour y puiser de l’inspiration. Parle à Jésus de la question qui te préoccupe. Demande à Dieu de te guider, toi et tout le groupe, pour suivre sa volonté.

Deuxièmement, écoutez la Parole de Dieu en groupe. Choisissez un passage de l’Écriture qui correspond à la question posée. Priez ensemble, chantez ensemble. Soyez unis en Dieu.

Troisièmement, à une table ou assis en cercle, chaque personne a l’occasion de prendre la parole et partager ce que Dieu lui a dit au sujet de la question. Si le groupe est trop grand pour que chacun ait le temps de partager, vous pouvez vous diviser en petits groupes. Au cours de ce premier tour de table, chaque personne peut s’exprimer à son tour sans être interrompue par un autre membre du groupe. L’une après l’autre, chaque personne partage jusqu’à ce que tout le monde ait eu l’occasion de s’exprimer. Il y a ensuite un moment de silence pour que ce que les autres ont dit puisse résonner en nous.

Quatrièmement, nous faisons à nouveau le tour du cercle et chaque personne a la possibilité de répondre brièvement à ce qui l’a frappée dans ce que les autres ont partagé au cours du premier tour. Ensuite, nous observons à nouveau un temps de silence pour écouter dans nos cœurs ce qui a été partagé lors de ce deuxième tour.

Cinquièmement, la dernière étape de la conversation dans l’Esprit est un échange libre entre les participants, qui dialoguent entre eux sur la base de ce qui a émergé afin de discerner et de recueillir ensemble les fruits de l’entretien dans l’Esprit qui vient d’avoir lieu. Nous reconnaissons les points communs entre nous, ainsi que les différences. Nous essayons d’entendre ce que l’Esprit Saint nous dit en tant que groupe afin que nous puissions avancer dans une direction commune. Nous nous demandons : « Quels sont les pas que l’Esprit Saint nous appelle à faire ensemble ? » Enfin, nous concluons par une prière ou un chant d’action de grâce à Dieu.

Pour plus de détails et de ressources sur la manière d’avoir des conversations dans l’Esprit, consultez le document de travail pour l’Assemblée synodale actuelle, appelé « Instrumentum Laboris » en latin. Il est disponible en ligne à l’adresse www.synod.va, où vous trouverez également de nombreuses autres ressources synodales.

Esprit Saint, viens ancrer nos conversations en toi afin que nous puissions discerner le chemin à suivre et avancer en tant qu’Église synodale dans nos paroisses, nos diocèses et nos familles. Amen.

 

La coresponsabilité synodale dans la mission évangélisatrice

LA CORESPONSABILITÉ SYNODALE  

DANS LA MISSION ÉVANGÉLISATRICE. 

Comment partager les dons et les tâches au service de l’Évangile ? 

Carlos María Galli 

Doyen de la Faculté de théologie de l’Université catholique d’Argentine 

Membre de la Commission théologique internationale – Coordinateur de l’équipe théologique et pastorale du CELAM 

 

L’Instrumentum Laboris place le thème de la coresponsabilité dans la mission au centre du  discernement (B.2). Il fait référence à l’échange entre les Églises sur les sujets de la communion  (IL 35) et de la mission (IL 22, 41). Il suggère une question préalable aux cinq questions qui  suivent : Comment partager les dons et les missions au service de l’Évangile ? Cette réflexion  théologique examine le lien intrinsèque entre synodalité et mission (1) ; la coresponsabilité des  baptisés (2) ; le partage au service de l’Evangile (3).

 

1. L’Église synodale est missionnaire. L’Église missionnaire est synodale.

1. La Constitution Episcopalis Communio souligne la finalité évangélisatrice du Synode. Aujourd’hui, à un moment historique où l’Église se dirige vers « une nouvelle étape  d’évangélisation » [EG 1], qui lui demande de se constituer « dans toutes les régions de la terre  en « état permanent de mission » [EG 25], le Synode des évêques est appelé, comme toute autre  institution ecclésiastique, à se convertir toujours d’avantage en « un canal approprié pour  l’évangélisation du monde d’aujourd’hui plutôt que pour l’auto-préservation » [EG 27]).

2. L’Église, comme la Trinité et l’Eucharistie, est un mystère de communion missionnaire. Le  Synode consacré aux jeunes a développé l’expression intégratrice de la synodalité missionnaire.  Il a fait une réception créative du document de la Commission théologique internationale sur  la synodalité, qui affirme :

« Dans l’Église, la synodalité est vécue au service de la mission. « L’Église pèlerine est  missionnaire par sa nature même (Ecclesia peregrinans natura sua missionaria est) (AG 2),  « elle existe pour évangéliser » (EN 14). Tout le peuple de Dieu est le sujet de l’annonce de  l’Évangile. En lui, chaque baptisé est appelé à être un protagoniste de la mission parce que nous  sommes tous des disciples missionnaires » (SIN 53).  

Le texte cite le décret conciliaire Ad gentes : « L’Église pèlerine est missionnaire par nature »  (AG 2) et l’exhortation de Paul VI Evangelii nuntiandi : « L’Église existe pour évangéliser » (EN  14).

3. En ouvrant ce processus synodal, l’évêque de Rome a condensé ces grandes lignes du  Concile. Le Document préparatoire à cette Assemblée identifie l’Église synodale et l’Église en  marche (DP 15). La Constitution Praedicate Evangelium souligne le lien entre synodalité et mission (EP 4). Le document pour l’étape continentale affirme que la synodalité conduit au  renouveau missionnaire. Le texte de l’Assemblée ecclésiale d’Amérique latine et des Caraïbes  affirme que « l’Église en chemin, en pèlerinage vers la plénitude du Royaume, est missionnaire  parce qu’elle est synodale et est synodale parce qu’elle est missionnaire ». L’Instrumentum  Laboris affirme : « La mission constitue l’horizon dynamique à partir duquel penser l’Église  synodale, à laquelle elle imprime un élan vers « l’extase », qui consiste à sortir de soi-même » (IL  51).

4. Le Concile Vatican II a développé l’expression nature missionnaire pour dire que la mission  est essentielle. Elle découle « de la mission du Fils et du Saint-Esprit, selon le dessein de Dieu  le Père » (AG 2). Une ecclésiologie dynamique affirme non seulement que l’Église a une  mission, mais que la mission du Dieu trinitaire a une Église. L’Église pélerine est historique et  eschatologique. Nous sommes en chemin, nous sommes des synodes missionnaires, nous  allons ensemble proclamer l’Évangile du Royaume de Dieu. La synodalité est missionnaire, la  mission est synodale. L’expression Église synodale missionnaire (IL 54) renforce l’ecclésialité  et le dynamisme de la mission : « Allez et faites de toutes les nations des disciples » (Mt 28,19).

 

2. La coresponsabilité de tous les baptisés dans la mission. 

Jésus a promis aux apôtres : « Vous recevrez une force, celle de l’Esprit Saint qui viendra sur  vous, et vous serez mes témoins… jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1,8). L’Esprit est le  principal acteur de l’évangélisation (EN 75). La rencontre de Jérusalem est le modèle de la vie  synodale au service de la mission (cf. Ac 15, 1-35). Le discernement effectué sous la conduite  de l’Esprit a confirmé la vocation universelle du Peuple que Dieu forme dans et à partir des  peuples de la terre (Ac 15, 14).

2. L’Esprit « distribue ses dons à chacun comme il veut » (1 Co 12,11). « À chacun est donnée la  manifestation de l’Esprit pour le bien commun » (1 Co 12,7). Les hommes et les femmes  baptisés sont appelés à partager les dons et les missions dans chaque Église locale – diocèse ou  éparchie -, dans les groupements d’Églises particulières aux niveaux régional, national et  continental, et dans l’Église tout entière.

À la suite de Vatican II et de Paul VI, le pape François enseigne que c’est tout le peuple de Dieu  qui proclame l’Évangile (EG 111-134 ; cf. AG 35, EN 59). Ce qui appartient à l’ensemble du  peuple de Dieu appartient à tous les membres du peuple de Dieu. Le mouvement va du « nous »  au « je » : l’Église est le sujet communautaire de la mission et en elle chacun est appelé à  évangéliser. Chaque chrétien peut dire « Malheur à moi si je n’annonce pas l’Evangile » (1 Cor  9,16) et « Je suis une mission » (EG 273). Nous sommes une mission, « nous sommes tous  toujours des disciples missionnaires » (EG 119-121) et c’est pourquoi nous réfléchissons  aujourd’hui sur la mission (B.2.1).

4. Le baptême et la foi sont les fondements de la vocation universelle à la sainteté et à la  mission. Chaque chrétien est appelé à la plénitude de l’amour et à l’annonce de l’Évangile. Le  renforcement de la coresponsabilité devrait nous aider à voir comment les charismes laïcs  enrichissent les communautés chrétiennes et améliorent la vie des pauvres ; comment recréer  des liens de mutualité, de réciprocité et de complémentarité entre hommes et femmes ;  comment reconnaître et promouvoir la dignité des femmes dans l’Église (B.2.2-3).

5. Nous aurons à discuter sur les échanges entre individus, communautés, institutions et  mouvements dans l’Église locale ; et sur les difficultés d’articulation entre laïcs, vie consacrée  et ministère ordonné dans une Église ministérielle (B.2.2). Il existe plusieurs types de ministères et de ministres qui tiennent leur ministère du baptême. Stables : les mères et les  pères ; spontanés : ceux qui animent des prières populaires ; reconnus : les bénévoles de Caritas  ou les chantres liturgiques ; institués : les catéchistes laïcs. Il y en a de nouveaux : mon père était ministre de l’écoute dans sa paroisse. Les ministères ordonnés seront également analysés  dans une optique missionnaire (B.2.4 ; B.2.5). Nous pouvons tous progresser dans la  conversion pastorale.

 

3. Le partage des dons et des missions au service de l’Évangile. 

1. En traitant de la catholicité, la Constitution Lumen Gentium fait référence aux richesses  culturelles et aux diversités ecclésiales. Dans ce contexte, elle considère l’échange entre les  Églises. 

« De là découlent des liens de communion intime (vincula intimae communionis) entre les  diverses parties de l’Église en ce qui concerne les richesses spirituelles, les travailleurs  apostoliques et les aides temporelles. Les membres du Peuple de Dieu sont appelés à partager  les biens (ad communicandum enim bona), et ces paroles de l’Apôtre peuvent s’appliquer à  chaque Église: ‘En bons intendants des multiples grâces de Dieu, que chacun, ayant reçu le don  qu’il a reçu, se mette au service des autres’ (1 P 4, 10) » (LG 13c). 

2. La grâce fait que les évangélisés deviennent des évangélisateurs et les disciples des  missionnaires. Les anciennes Églises transmettent la foi et forment de nouvelles églises qui, en  grandissant, donnent de leur pauvreté et deviennent des églises sœurs. De nombreux  immigrants deviennent des missionnaires spontanés et contribuent à dynamiser la foi. Ils  apportent avec eux non seulement leur pauvreté, leurs besoins et leurs péchés, mais aussi leurs  richesses, leurs valeurs et leurs vertus, en particulier leur foi, qui peut constituer une précieuse  contribution à l’évangélisation.

3. La mise en commun des biens fait partie du mode de vie illustré dans les résumés des Actes  des Apôtres :

« Tous se réunissaient régulièrement pour écouter l’enseignement des apôtres et participer à la  vie commune (koinonia), à la fraction du pain et aux prières… Tous les croyants étaient unis et  mettaient leurs biens en commun : ils vendaient leurs propriétés et leurs biens et distribuaient  l’argent entre eux selon les besoins de chacun… » (Ac 2, 42-47).  

Le Concile appelle les choses partagées dona et bona. Lumen gentium 13 mentionne trois types  de biens : les richesses spirituelles (divitias espirituales), les travailleurs apostoliques (operarios  apostolicos), les ressources matérielles (temporalia subsidia). Ensemble, ils représentent les  grâces multiples de Dieu. 

 4. Parmi les richesses spirituelles, il y a l’autocommunication de Dieu, le Corps du Christ, la  vie de l’Esprit, la Parole, la grâce, l’Église. Ces biens sont le fondement de la communio  sanctorum. Cette formule du Credo a deux significations interdépendantes : la communion  entre les personnes saintes (sancti) et celle entre les choses saintes (sancta). L’Eucharistie est  communion et partage. « Puisqu’il n’y a qu’un seul pain, nous sommes tous un seul corps, même  si nous sommes nombreux, parce que nous participons à un seul pain » (1 Co 10,17). Les  richesses spirituelles comprennent les trésors du peuple de Dieu : révélation, charité, sainteté, sagesse, liturgie, spiritualité, culture, art, kérygme, théologie, etc.

 5. Le travailleur apostolique est l’évangélisateur évangélisé. Le premier bien qu’il partage est  sa personne, car l’amour est don de soi. Saint Paul dit : « Nous avons eu pour vous un tel amour  que nous avons voulu vous donner non seulement l’Évangile de Dieu, mais aussi notre propre  vie : vous nous êtes devenus si chers » (1 Th 2,8). Les talents sont des dons à mûrir pour le  bénéfice des autres (Mt 23,14-30). Le temps, c’est la vie que nous donnons comme ouvriers de la première heure ou de la dernière (Mt 20,1-16).

 6. « La multitude de ceux qui avaient cru n’avait qu’un seul cœur et qu’une seule âme. Personne  ne considérait comme sien ce qu’il possédait, mais tout leur était commun » (Actes 4:32). Si nous partageons des dons spirituels, comment ne pas partager des biens matériels ? « Ils  résolurent de faire une collecte (koinonia) pour les saints de Jérusalem… Ils le firent  spontanément, bien qu’ils fussent redevables envers eux. En effet, si les païens participaient à  leurs biens spirituels, ils devaient à leur tour leur rendre la pareille avec des biens matériels » (Rm 15, 26-27). Lors de la Conférence d’Aparecida, les directeurs d’Adveniat et de Misereor,  qui aident beaucoup nos Églises, nous ont remerciés pour la vitalité de la foi et de l’amour des pauvres. 

 7. Comment partager les dons et les missions ? « Donnez gratuitement ce que vous avez reçu  gratuitement » (Mt 10,8). La mission sert le don de la rencontre avec le Christ par débordement,  témoignage, annonce, attraction. 

L’amour de Dieu est beaucoup plus (pollô mallon) que le péché : « Car si la défaillance d’un  seul homme a causé la mort de tous, la grâce de Dieu et le don accordé par la grâce d’un seul  homme, Jésus-Christ, ont été déversés bien plus abondamment sur tous » (Rm 5,15). Paul a  modifié le verbe abonder (perisseuo), ajouté le préfixe « sur » (hyper), créant ainsi le verbe  surabonder. « Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé » (Rm 5,17). La logique du  « beaucoup plus » engendre l’espérance.  

C’est dans cette espérance que, par l’action de l’Esprit, je souhaite que là où la communion  abonde, la synodalité surabonde et là où la synodalité abonde, la mission surabonde.

La communion : les noces de l’Agneau

Le retable de Gand : L’adoration de l’agneau (Source : Wikimedia Commons)

La communion : les noces de l’Agneau 

Contribution théologique – 9 octobre 2023 

Anna Rowlands 

Professeur St Hilda de pensée et de pratique sociales catholiques Département de théologie et de religion et Centre d’études catholiques,  Université de Durham, Royaume-Uni 

Cher Saint-Père, frères et sœurs, 

 

Pouvons-nous trouver le courage de faire face à la réalité telle qu’elle est vraiment ? C’est la  question merveilleusement stimulante que nous a posé le père Timothy. Il nous a présenté le  paradoxe de notre appel à ressembler au Christ : entendre, voir et ressentir la condition de notre  monde, tout en étant aussi honnêtes que possible avec nous-mêmes, car nous ne trouvons pas  facile de supporter la réalité. La section B1 de l’Instrumentum Laboris nous conduit au cœur  de ce paradoxe chrétien fondamental : l’espérance et la difficulté, la beauté et la liberté de  l’appel de Dieu ainsi que les défis posés par la croissance dans la sainteté. L’Instrumentum  Laboris – utilisant le langage de Lumen Gentium § 1 – nous invite à réfléchir sur la mission de  l’Église d’être dans le Christ le signe et l’instrument de l’unité avec Dieu et de toute l’humanité.  La vie de communion nous est offerte comme le don gratuit de vivre ensemble dans le Christ,  en apprenant à « supporter » la réalité, avec douceur, générosité, amour et courage, pour la paix  et le salut du monde entier. 

La première chose à dire sur la communion est donc qu’elle est la réalité de la vie même de  Dieu, l’être de Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit. En ce sens, elle est la chose la plus réelle qui  soit : le fondement de la réalité et la source de l’être de l’Église.  

Notre première action vis-à-vis de cette réalité est une réception joyeuse, pas anxieuse ni  compétitive. Participer à la vie de communion est l’honneur et la dignité de notre vie. La  communion est la manière dont nous comprenons le but ultime de Dieu pour toute l’humanité  : attirer la création qu’il a aimée à naître toujours plus complètement dans sa propre vie, dans  l’étreinte, et, ce faisant, nous envoyer renouveler la face de la terre. L’appel à être une Église  au service du Royaume est décrit dans Lumen Gentium § 9 : « afin qu’elle soit pour tous et pour  chacun le sacrement visible de cette unité salvatrice ». L’Église montre et donne accès à la  communion avec Dieu, qui est communion pour toute la création. La communion devient alors  notre être et notre agir. 

Un ami me racontait que Raymond Brown, bibliste américain, aimait enseigner à ses étudiants  que le langage de la koinonia apparaissait pour la première fois dans le Nouveau Testament en  relation avec la pratique de l’échange d’argent, exprimant l’idée d’un pot commun de l’Église.  L’argent – la monnaie de l’Église n’est pas l’argent liquide – notre pot commun est plutôt la  richesse des dons, des charismes et des grâces que Dieu répand dans l’Église, qu’il « distribue  […] avec sa propre autorité » (Bas., fid. 3), et que nous sommes appelés à discerner. En tant que  chrétiens baptisés, nous mettons tous la main à la pâte. 

Nous pensons la communion comme le premier et le dernier mot d’une démarche synodale :  l’origine et l’horizon de notre chemin. Avec le Christ et son Esprit au centre, la communion  constitue la force centrale dans cette salle.

On dit souvent en plaisantant que Dieu s’est fait chair et que les théologiens ont remis Dieu en  mots… Comme je n’ai pas beaucoup de temps, je choisirai trois dimensions différentes de la  pensée sur la communion pour les évoquer très brièvement. 

Tout d’abord, la communion, c’est la beauté l’unité dans de la diversité. Dans un monde  moderne qui tend à la fois à l’homogénéité et à la fracture, la communion est un langage de  beauté, une harmonie d’unité et de pluralité. Cette beauté réside dans la célébration de la  richesse et de la diversité d’une création qui rend gloire à Dieu, une pluralité qui ne s’achève  que lorsque chaque chose créée a épuisé sa création et que tout est ramené à Dieu par le Christ  dans l’Esprit.  

Saint Bonaventure, le grand théologien franciscain, a magnifiquement écrit sur la façon dont  la pluralité de la création permet à l’ensemble des différentes couleurs de la lumière divine de  briller. La lumière divine est perçue à travers une communion qui rayonne dans une glorieuse  diversité – de personnes, de créatures, de cultures, de langues, de liturgies, de dons et de  charismes. Henri de Lubac a souligné que l’Église n’est jamais en compétition avec la culture.  C’est dans les cultures qu’elle habite, qu’elle confesse et reçoit le Christ. Une communion qui  rayonne est d’une diversité authentique, non compétitive, et dont le seul point d’unité est en  Dieu Trinité. 

Face à une mondanité qui vénère si souvent la force compétitive et assertive ainsi qu’une  logique de possession plutôt que de relation, Dieu nous attire dans une communion d’humilité  et de service. Jean-Marie Tillard a écrit que, contrairement à toute autre entité dans le monde,  c’est en embrassant la faiblesse, la souffrance et la pauvreté que l’Église « réussit » à devenir le  signe de la grâce de Dieu. Notre beauté n’est pas celle du monde. La section B1 nous invite à  grandir dans la communion en réfléchissant avec humilité avec ceux qui sont vulnérables,  souffrants ou faibles ainsi que sur les vulnérabilités et les faiblesses de l’Église. Dans la Section  B1, nous nous demandons avec courage comment être plus proches des plus pauvres, plus  capables d’accompagner tous les baptisés dans la diversité des situations humaines, en nous  libérant des faux pouvoirs, en étant plus proches de nos frères chrétiens et plus engagés dans  nos cultures particulières.  

Dès sa naissance, l’Église est inséparable du drame humain : dans un abri précaire, sur la croix,  à la Pentecôte. Notre catholicité continue d’être vécue au milieu du drame humain. Nous  parlons de communion, non pas en raison d’une perfection tranquille qui se trouverait juste hors  de notre portée, mais en raison de la lutte nécessaire dans chaque culture et dans chaque  contexte pour la vérité, la beauté et la bonté. La section B1 nous invite à réfléchir positivement  au sens que nous trouvons dans ces lieux de rencontre et de lutte, à entendre les échos et les  différences qui s’expriment. 

Deuxièmement, la communion existe dans des réalités concrètes et tangibles. C’est la vie  qui offre du pain aux affamés, la guérison à ceux qui souffrent, le repos à ceux qui sont troublés.  L’image la plus concrète et la plus vivante de la communion est peut-être celle du festin, le  repas de noces de l’Agneau. Dieu fait appel à nos sens : goûter et voir, prendre et manger.  

C’est dans l’Eucharistie que les différentes dimensions de la communion se rencontrent : c’est  le lieu où la communion des fidèles se manifeste, où nous recevons les dons de Dieu pour le  peuple de Dieu. L’ordre sacramentel nous enseigne, en nous nourrissant, la communion. 

La représentation scripturale de la fête est également une image qui perturbe l’ordre naturel des  choses. Dans le festin qui est préparé, les faibles, les méprisés et les souffrants seront les  premiers. Il en est ainsi en raison de la proximité de Dieu avec ceux qui souffrent et de la  proximité de beaucoup de ceux qui souffrent avec le mystère de Dieu. Un survivant d’agression  commise par clerc m’a écrit lorsqu’il a su que je participerais au Synode. Il m’a dit : « Soyez  audacieux quant au besoin de guérison. C’est un chemin pascal que nous devons parcourir  ensemble. Et dites-leur que l’Eucharistie est salvatrice ». Tous les survivants d’agressions ne  sont pas de cet avis, mais je partage ce message parce qu’il a le caractère d’une prophétie de  communion ; il appelle à la repentance et proclame la vérité centrale de notre foi. 

Les amitiés scandaleuses de Jésus qui ont rassemblé une communauté de disciples étaient  souvent des amitiés de table. Et les amitiés de table sont importantes. Lorsque je travaillais avec une association catholique d’aide aux réfugiés à Londres, je demandais aux réfugiés qui  venaient chercher de l’aide pourquoi ils choisissaient ce service en particulier. Je n’oublierai  jamais leur réponse : parce qu’ici, je suis accueilli à la porte par mon nom et que le personnel  s’assoit et mange avec nous à la même table. Cela me donne de la dignité, cela me rend mon  humanité. Dans les autres centres, le personnel ne mange pas avec nous. La fiche B1.1  concentre nos discussions sur ces questions d’une communion digne où l’Église rencontre le  Christ qui est déjà à table avec les plus pauvres.  

Troisièmement, la communion est une participation qui nous lie aux autres à travers le  temps et l’espace. Le terme koininia des Écritures est instructif ; il implique : une participation  à une réalité partagée dont personne n’est, en principe, exclu. C’est une réalité qui devient de  plus en plus elle-même au fur et à mesure qu’elle se répand, dispersée aux quatre coins du  monde et partagée de manière plus intime et plus complète entre les Églises. Accepter la vérité  signifie qu’il y a toujours plus de vérité à découvrir. 

Nous agissons toujours à la lumière de ce qui a été. Nous agissons maintenant et nous agissons  vers ce qui nous appelle – vers l’unité au service du royaume. Chacune de ces actions – déjà  commencées mais toujours en devenir – nous lie aux réalités du passé – actions joyeuses qui  doivent être poursuivies, actions néfastes dont on doit se repentir et guérir – Elle nous lie à la  louange de Dieu et à l’appel de notre prochain dans le présent, et vers l’avenir où nous aspirons  à être reçus. Si le langage de la communion est un langage pascal et donc porteur d’espérance,  c’est en grande partie parce qu’il relie le passé, le présent et l’avenir comme par un fil d’or. À  une époque où l’on cherche souvent à rompre ces liens, notre foi s’y accroche. C’est l’un des  repères qui nous est donné pour nous orienter. 

Cette réalité d’une communion qui rayonne, mystérieuse mais tout à fait concrète, déjà là mais  encore en devenir, offerte comme le pain de vie qui sauve le monde et la parole qui sauve des  vies, devant être exprimée dans chaque contexte – local, régional, mondial – habité par l’Église ;  c’est la réalité de cet horizon paradoxal de l’espérance, que, si nous en avons le courage, le  Seigneur nous invite à rejoindre.

Que pouvons-nous attendre du Synode ?

Conférence de presse du 5 octobre, le lendemain de l’ouverture officielle de l’Assemblée générale 2023.

Que pouvons-nous attendre du processus synodal en cours ? Comme dans tout vrai processus de discernement, où l’on essaie d’entendre la volonté de Dieu, la réponse courte est que nous ne savons pas vraiment. Il n’y a pas de scénario préétabli pour ce chemin synodal. Il s’agit d’un pèlerinage où l’on prie ensemble, où l’on s’écoute les uns les autres et où l’on découvre ensemble, en tant qu’Église, ce que Dieu a à nous dire en cette période de l’histoire de l’humanité. 

Il y a cependant des choses dont nous pouvons être sûrs qu’elles ne sortiront pas de ce synode. Les synodes n’ont pas pour but de changer notre foi. Il n’est pas question de ne plus croire en la résurrection de Jésus, par exemple. Il ne s’agit pas non plus de changer le Credo ou de réviser l’Évangile. Le Synode actuel cherche plutôt à nous aider à devenir l’Église que Jésus ressuscité nous appelle à être dans le monde d’aujourd’hui, afin qu’au milieu des réalités de notre temps, nous puissions vivre et partager l’Évangile de manière féconde avec tous nos frères et sœurs en humanité.

Pour accomplir cette tâche ambitieuse, le pape François a voulu impliquer tout le monde ! C’est pourquoi, d’une manière totalement inédite, le pape a voulu entendre tous les membres de l’Église. C’est le premier synode à commencer par une phase diocésaine, qui s’est déroulée à partir d’octobre 2021, afin d’écouter les voix des personnes dans les paroisses et les églises locales. Ensuite, il y a eu une phase continentale, afin que les diverses cultures de tous les pays du monde puissent apporter leur contribution pour enrichir notre compréhension de la manière dont Dieu appelle l’Église à travers le monde. Et enfin, deux Assemblées à Rome : l’une en octobre 2023 et l’autre un an plus tard en octobre 2024. Ces deux Assemblées rassemblent un plus grand nombre de participants que d’habitude : c’est la plus grande Assemblée synodale jamais organisée à Rome. Il y a une année entre ces deux Assemblées pour que les participants puissent continuer à prier, à réfléchir et à parler avec d’autres de la direction que l’Esprit Saint nous appelle à prendre en tant qu’Église aujourd’hui. Pour la première fois, des laïcs ont été nommés membres à part entière du Synode, avec le droit de vote, aux côtés des évêques. Cela signifie que les préoccupations et les perspectives des catholiques ordinaires, hommes et femmes, auront toute leur place dans ce processus de discernement.

Le titre de ce synode nous donne un aperçu de ce dont il s’agit : « Pour une Église synodale : Communion, Participation et Mission ». Devenir une Église synodale, c’est approfondir la communion par laquelle Dieu nous unit en tant que ses fils et filles ; c’est ouvrir des espaces où chacun peut participer, car nous avons tous un rôle à jouer dans la famille de Dieu ; et enfin, c’est accomplir la mission que Dieu nous confie en tant qu’Église au 21e siècle, comme levain dans la pâte de la société au service de l’avènement du royaume de Dieu. Nous pouvons espérer une Église plus accueillante, plus inclusive, une Église caractérisée par la miséricorde que Jésus nous montre dans l’Évangile. En même temps, nous devons reconnaître qu’une Église plus accueillante et plus miséricordieuse commence par nous-mêmes. Il ne s’agit pas seulement de documents provenant de Rome, il s’agit de la manière dont nous vivons nos vocations de chrétiens jour après jour, du type de communautés que nos paroisses et nos diocèses sont pour nous et pour les autres. Quant aux documents, on peut s’attendre à ce qu’un document de synthèse émerge de cette première session de l’Assemblée synodale à Rome, puis un document final à l’issue de la deuxième session en octobre prochain, et probablement une exhortation apostolique du Saint-Père, possiblement promulguée en 2025. Il s’agirait de nouveaux pas en avant sur la base des riches ressources déjà issues de ce processus synodal depuis 2021 :

Le Synode n’est pas une question d’idéologies ou de slogans, ni de changement de notre foi. Il s’agit plutôt de demander à Dieu de nous dire comment l’Église fondée par Jésus peut continuer à porter du fruit au milieu des joies et des défis du monde d’aujourd’hui, comment nos pratiques pastorales peuvent être renouvelées et converties pour mieux remplir notre mission. Il s’agit de devenir une Église capable de discerner le chemin à suivre et de faire rayonner les dons de chacun.

Dieu notre Père, nous te demandons de nous prendre par la main et de marcher avec nous. Inspire-nous avec audace et humilité pour vivre tes rêves pour l’Église de notre temps. Marie, Mère de l’Église, prie pour nous. Amen.

 

Théologie de la synodalité avec Gilles Routhier

Cette semaine à Parrêsia, Francis Denis s’entretient du thème de la synodalité avec le prêtre et théologien Gilles Routhier. Sont notamment abordés les thèmes de la histoire de l’Église, de l’ecclésiologie, des défis de l’Église en 2021 ainsi que des différentes étapes du processus synodale de trois ans et des intentions du pape François en convoquant cette assemblée. Tout cela et bien plus sur Parrêsia, votre balado qui prend le temps de penser.

Synode 2023: communion, participation et mission avec Julian Paparella


Cette semaine à Parrêsia, Francis Denis s’entretient du processus synodale culminant avec la XVIe Assemblée générale dy Synode des évêques à Rome en 2023. Sont notamment abordés les thèmes de la Synodalité, de spiritualité, des étapes locales, continentales et universelles, de la complémentarité des ministères et des intuitions du pape François pour l’Église au XXIe siècle. Tout cela et bien plus sur Parrêsia, votre balado qui prend le temps de penser.

Les attentes du pape François pour le Québec

CNS photo/Gregory A. Shemitz

Le 19 janvier dernier, l’Assemblée des évêques catholiques du Québec publiait un message aux communautés chrétiennes. Faisant suite à leur visite ad limina du printemps dernier, ce document intitulé « Lève-toi, va, approche-toi, écoute » résume les faits saillants de l’expérience romaine, présente les différentes invitations du Saint-Père, exprime l’accueil fait à celles-ci et propose quelques grandes orientations.

Un pèlerinage auprès du successeur de Pierre

Durant ces trois semaines de retraite, de pèlerinage et de rencontres dans les différents dicastères de la Curie romaine, c’est les trois rencontres avec le Pape qui semblent avoir particulièrement marqué les évêques. Non seulement « l’esprit du pape François, son écoute, sa volonté de dialoguer » sont soulignés mais aussi l’attitude de l’Institution vaticane entière qui présente, selon les évêques, une nouvelle ouverture à la « situation sociale et ecclésiale au Québec » : « le pape François nous a partagé sa préoccupation particulière pour le Québec » peut-on retrouver dans le document.

Cette attention spéciale du pape n’était pas la seule raison permettant aux évêques de se sentir à la maison. La Curie romaine semblait avoir évolué jusqu’à y une certaine ressemblance avec l’Église au Québec. On la présente comme étant « en changement » « dans ses boîtes », désinstallée par les nombreuses réorganisations voulues par le Pape » (p.2). Ce type d’instabilité, les évêques du Québec en subissent constamment les contrecoups, étant eux-mêmes « une Église sans doute plus pauvre, parfois fatiguée mais jamais découragée » (p.4), d’où le sentiment d’une commune espérance.

Le programme du Pape pour le Québec

Plus de 10 ans s’étant écoulés depuis la dernière visite de l’AECQ à Rome, il est clair que plusieurs dossiers devaient être abordés. Sans entrer dans tous les détails, les évêques soulignent l’importance d’entrer toujours plus profondément dans une perspective missionnaire. Pour ce faire, deux conseils semblent émerger des conversations avec le Saint-Père. D’abord, comprendre que la mission de l’Église passe par une meilleure compréhension du monde et de ses enjeux actuels. Les évêques interprètent cette interpellation comme soulignant l’importance d’une « investissement spécial dans les communications » (p.2) ainsi que de « s’engager socialement » (p.2).

Ensuite, loin de sous-estimer le rôle des évêques, le Pape leur a dressé le portrait d’un leadership épiscopal au service du salut des âmes. « Nous sommes appelés », peut-on lire sous la plume des évêques,  « à être des hommes de prière, d’écoute, familiers de la Parole de Dieu et attentifs aux signes de l’Esprit… » (p.4).

Des changements à venir

Sans entrer dans les particularités de chaque diocèse, ce document nous prépare à un accueil concret des volontés de transformation missionnaire telle que voulue par le pape François. À travers un « nouveau partage des responsabilités en Église », un « meilleur réseautage » et un « partage des ressources », un développement de « réflexes synodaux », nous percevons la profonde unité des évêques du Québec qui voient de plus en plus leur mission commune d’évangélisation de la Belle Province.

À la lecture de ce document, on perçoit d’abord l’atmosphère intensément priante et chaleureuse vécue durant cette visite ad limina 2017. Que ce soit par l’accueil réciproque, les réformes de part et d’autre ou la profonde unité de vision entre l’épiscopat québécois et l’épiscopat, si j’ose dire, « romain », tout porte à croire à une intensification des collaborations.  Une chose est certaine, l’Église du Québec est appelée à devenir chef de file de cette nouvelle évangélisation en faisant preuve decette créativité qui a fait la réputation du Québec de par le monde.

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