Église en sortie 6 octobre 2017

Cette semaine à Église en sortie on rencontre le moine et théologien sur le thème de son tout dernier livre « Dieu derrière la porte: La foi au-delà des confessions. On vous présente un reportage sur le colloque organisé à l’Université Laval intitulé « Au coeur de la foi… la mission« . Dans la troisième partie de l’émission, Francis Denis s’entretient avec l’abbé Laurent Touze, professeur à l’Université pontificale de la Sainte-Croix à Rome sur le rôle de la prière dans la vie spirituelle chrétienne.

Une conférence pour la dignité des enfants dans le monde numérique

Le mardi 3 octobre, avait lieu, à l’université pontificale Grégorienne de Rome, l’ouverture officielle de la conférence sur la « Dignité des enfants dans le monde digital ». Pour l’occasion, dignitaires, politiciens, spécialistes et membres d’ONG et religieux sont réunis afin non seulement de manifester leur soutien à la cause de la protection des enfants mais également pour en apprendre un peu plus sur tous les dangers potentiels qui se trouvent au bout de leurs doigts lorsqu’ils surfent sur le net. Parmi les prises de parole, trois interventions ont particulièrement retenu l’attention.

Une approche multidisciplinaire et tournée vers l’action

S’est d’abord exprimé le père Hans Zollner s.j. Président du Centre pour la protection des mineurs de l’Université Grégorienne. Dans son allocution, l’organisateur principal de la conférence a démontré comment ce problème inédit de l’immense vulnérabilité des jeunes face aux médias sociaux nécessite une approche multidisciplinaire et multisectoriel : « Au-delà des disciplines et malgré la diversité des points de vue, nous sommes réunis par l’un des plus puissants principes qui tient l’humanité ensemble : la dignité des enfants » a-t-il affirmé.

Ainsi, ces deux jours d’écoute, de réflexion et de dialogue permettront aux participants de réaliser l’ampleur du problème et attireront l’attention du monde entier sur cette problématique : « Protéger les enfants est notre engagement ». Le problème est si grand qu’une action internationale et concertée s’avère incontournable. Tous doivent mettre la main à la pâte qu’ils soient gouvernements, industries du sport, de l’informatique, systèmes d’éducation et câblodistributeurs. C’est pourquoi une déclaration commune sera élaborée durant la conférence afin d’orienter et d’aider à la conscientisation aux dangers qui guettent de plus en plus d’enfants.

Un appui de taille

Le Cardinal secrétaire d’État du Vatican Pietro Parolin était également présent à l’ouverture de la conférence. Dans son allocution, il a tout d’abord manifesté l’appui du Saint-Siège à cette initiative : « L’Église doit travailler sur plusieurs fronts […] nous devons répandre et consolider une nouvelle culture de protection des enfants –une réelle protection- qui leur garantisse efficacement qu’ils peuvent grandir en santé et dans un environnement sécuritaire ».

Faisant écho aux mots choisis par le pape François pour décrire l’abus de mineurs, le Cardinal Parolin a terminé son intervention en montrant l’engagement de l’Église contre cette plaie sociale, en affirmant : « dénigrer l’enfant ou abuser d’enfants est pour le chrétien, non seulement un crime, mais aussi un sacrilège, une profanation de ce qui est sacré, à la présence de Dieu en chaque être humain.

Des solutions multisectorielles

L’une des interventions parmi les plus intéressantes fut, selon moi, celle de la baronne Joanna Shields qui a bien su démontrer l’urgence de la situation. Citant de nombreuses recherches, elle a souligné à quel point l’omniprésence des médias sociaux et leurs supports technologiques influencent les comportements, les relations, l’humeur, ayant même des conséquences biologiques sur le développement du cerveau. Elle affirme que « celle qu’on appelle la « iGeneration » dort moins, sort moins, se rencontre moins. Remettant à plus tard des comportements qui, pendant des décennies, marquaient la transition vers l’âge adulte […] des recherches montrent qu’une augmentation de temps passé devant les écrans est directement reliée au malheur ».

Ajoutant à cela le contenu souvent dégradant que l’on trouve sur internet tel que la pornographie, la présence de pédophiles et de prédateurs, le phénomène des bulles culturelles, les fausses nouvelles, il y a de quoi s’inquiéter. D’où, selon elle, l’importance d’une action globale et concertée. En ce sens, plusieurs solutions technologiques, politiques et judiciaires seront étudiées lors de cette semaine à l’Université grégorienne. Parmi ces initiatives, on retrouvera, bien sûr, au centre des conversations, l’organisation « Weprotect » fondée par Joanna Shields à la demande du gouvernement du Royaume-Unis et devenue un leader dans la lutte pour la protection des enfants dans le monde numérique.

Comme vous pouvez le constater, cette semaine dédiée à la protection des enfants dans le monde numérique n’est que le début d’une gigantesque entreprise. Devant l’immensité de la tâche, nous ne devons pas nous décourager mais y trouver une impulsion nouvelle vers l’engagement : « Si nous ne le faisons pas qui le fera ? » affirmait le père Zollner s.j. devant l’audience. Se joignant de tout cœur à cette cause, nous vous présenterons tout au long de la semaine des entrevues et des résumés des discutions de cette conférence internationale qui saura certainement influencer le monde dans la bonne direction.

Vidéo des intentions de prière du Pape octobre 2017

Puissions-nous toujours respecter la dignité et les droits des travailleurs, dénoncer les situations dans lesquelles ces droits sont menacés, et œuvrer au progrès authentique de l’homme et de la société. Prions pour le monde du travail afin que le respect et la sauvegarde des droits soient assurés à tous et que soit donnée aux chômeurs la possibilité de contribuer avec un emploi à l’édification du bien commun.
Réseau Mondial de Prière du Pape (Apostolat de la Prière – https://www.preierdupape.net). Si vous souhaitez visionner les autres vidéos des intentions du Pape, elles sont disponibles sur https://lavideodupapa.org Avec la collaboration du Centre de Télévision du Vatican (http://www.ctv.va) Idée et réalisation : http://www.lamachi.com

Sur la route du diocèse de Rimouski

À première vue, l’Église du Québec souffre d’une grande pauvreté. Parallèlement, la société québécoise vit difficilement les conséquences de la désertification spirituelle et du vacuum religieux. Toutefois, si on y regarde de plus près, on perçoit une panoplie de raisons d’espérer. Comme l’ont affirmé les évêques du Québec au pape François (Rapport ad limina 2017, AECQ) : « C’est sur le terrain, auprès des gens que nous voyons émerger cette nouvelle Église, fragile mais combien enracinée dans la foi, l’espérance et l’amour ».

Au cours de cette émission, Francis Denis nous invite Sur la route du diocèse de Rimouski, à la rencontre des différents visages de cette Église qui, de par sa pauvreté même, fait resplendir sur le monde le « visage miséricordieux du Père » (Misericordiae Vultus, no 17). Production originale de S+L, Sur la route des diocèses est diffusée les derniers vendredis du mois à 19h30 et en rediffusion les lundis suivants à 20h30.

Une semaine sous le signe de la conversion pastorale

 

Comme à chaque année, les évêques du Canada se sont réunis pour une semaine de réflexion, de prière et de discussion sur les sujets de l’heure de l’Église catholique au Canada. Parmi les nombreux dossiers traités durant la semaine, quelques-uns ont particulièrement retenu mon attention.

Visite du Cardinal Marc Ouellet

Chaque année, la CECC invite une sommité d’un domaine donné pour parler d’un sujet qui préoccupe les évêques. Succédant au cardinal Willem Jacobus Eijk qui, on se le rappelle, avait parlé l’année dernière de la réalité de l’euthanasie aux Pays-Bas, c’était au tour du Préfet de la Congrégation des évêques de s’adresser à l’entièreté de l’épiscopat canadien sur le thème de l’exhortation apostolique post-synodale Amoris laetitia.

Dans son allocution présentée en deux parties, le Cardinal Ouellet a pu offrir les éléments fondamentaux permettant une juste interprétation du document du pape François tout en déployant le riche patrimoine théologique et anthropologique qui s’y trouve.

Commission pour la doctrine

Parmi les nombreuses commissions de la CECC, la commission pour la doctrine joue certainement un rôle fondamental. En effet, après chaque rencontre annuelle, les évêques soumettent une série de sujets qui demandent certaines clarifications concernant la vie et la doctrine de l’Église. Mgr Lépine, jusqu’alors président de la commission a pu présenter à l’assemblée les fruits de leur travail. En ce sens, venait tout juste d’être publié un nouveau document intitulé « Découvrir l’unité de la vie et de l’amour : Réflexion sur les fondements d’une théologie de l’amour humain » dans lequel les évêques proposent plusieurs points centraux de la Révélation chrétienne sur des sujets brûlant d’actualité comme l’amour, la liberté et « le rôle de la différence sexuelle et son lien avec la fécondité humaine » (no 5).

Traite d’êtres humains

La présentation de la Commission Justice et paix a particulièrement retenu l’attention puisque traitant d’un sujet troublant : le trafic d’êtres humains. Mgr Raymond Poisson, évêque de Joliette et président de la Commission, a notamment souligné son implication dans le groupe « Santa Marta ». Fondée par le pape François, cette initiative regroupe des intervenants des corps policiers et ecclésiaux dans le but de lutter contre la traite humaine.

Trop souvent ignorée du grand public, cette tragédie connaît une croissance fulgurante partout dans le monde, y compris au Canada. Défini généralement comme « l’exploitation de l’être humain par l’être humain », le trafic humain peut prendre plusieurs formes telles que l’exploitation sexuelle, le vol d’organes, le travail forcé et non payé, l’immigration illégale, etc.

Pour faire face à cette menace grandissante au Canada, les corps policiers doivent souvent collaborer avec des acteurs du milieux afin de venir au secours de personnes en situation irrégulière qui, dans la plupart des cas, hésitent à demander de l’aide aux forces de l’ordre de peur d’être déportées. Ainsi, la collaboration de tous les acteurs permet une lutte plus efficace contre ce fléau. La CECC s’est engagé à poursuivre son implication au sein du groupe Santa Marta.

Consécration

Le moment fort de la semaine fut certainement la Consécration du Canada au Cœur Immaculé de la Vierge Marie en la Basilique-Cathédrale Notre-Dame d’Ottawa où tous les évêques s’étaient réunis pour une célébration eucharistique haute en émotions. Dans son homélie commémorant à la fois le 150e de la Confédération canadienne, le 50e de Développement et Paix ainsi que la fête liturgique des saints Martyrs canadiens, le Cardinal primat du Canada Gérald Cyprien Lacroix a exhorté les fidèles présents sur place ou à la télévision à retrouver l’ardeur des saints fondateurs de notre pays : « C’est l’heure d’évangéliser pour que la joie de l’Évangile rayonne partout dans ce grand pays ! C’est ce que nous avons de meilleur à offrir au peuple canadien que nous aimons tant et dans lequel nous sommes engagés à vivre et servir » a-t-il affirmé.

Nouvel exécutif

L’assemblée plénière a également procédé à l’élection de l’exécutif de la CECC. Mgr Lionel Gendron, évêque de Saint-Jean-Longueuil a été élu président de la Conférence en même temps qu’un nouveau vice-président en la personne de Mgr Richard Gagnon, archevêque de Winnipeg.

Que ce soit par l’approfondissement d’Amoris laetitia, l’écoute des compte-rendus des différentes commissions, les décisions, les élections ou les moments de prière intense, cette semaine bien remplie fut certainement l’occasion pour les évêques du Canada de faire le plein d’énergie nécessaire à leur mission cruciale pour le Peuple de Dieu envoyé en cette terre canadienne. Prions pour que le Seigneur leur donne la force de porter du fruit en abondance.

Église en sortie 23 septembre 2017

Cette semaine à Église en sortie on reçoit Grégory Turpin et Mgr Lionel Gendron. Et on vous présente la première chronique des actualités de la rue avec l’abbé Claude Paradis.

Pape François en Colombie: Allocution lors de la Grande rencontre pour la réconciliation nationale

Vous trouverez ci-dessous le texte de l’allocution du pape François lors de la Grande rencontre pour la réconciliation nationale à Villavicencio:

Chers frères et sœurs,
Depuis le premier jour j’ai désiré qu’arrive ce moment de notre rencontre. Vous portez dans vos cœurs et dans votre chair les empreintes de l’histoire vivante et récente de votre peuple, histoire marquée par des événements tragiques mais aussi pleine de gestes héroïques de grande humanité et de haute valeur spirituelle, de foi et d’espérance. Je viens ici avec respect et avec la claire conscience, comme Moïse, de fouler une terre sacrée (cf. Ex 3, 5). Une terre arrosée par le sang de milliers de victimes innocentes et par la douleur déchirante de leurs familles et de leurs proches. Des blessures qu’il coûte de faire cicatriser et qui nous font mal à tous, parce que chaque violence commise contre un être humain est une blessure dans la chair de l’humanité ; chaque mort violente nous diminue en tant que personnes.

Je suis ici non pas tant pour parler moi, mais pour être près de vous et vous regarder dans les yeux, pour vous écouter et ouvrir mon cœur à votre témoignage de vie et de foi. Et, si vous me le permettez, je désirerais aussi vous embrasser et pleurer avec vous, je voudrais que nous prions ensemble et que nous nous pardonnions – moi aussi je dois demander pardon – et qu’ainsi, tous ensemble, nous puissions regarder et aller de l’avant avec foi et espérance.

Nous sommes rassemblés aux pieds du Crucifié de Bojaya, qui, le 2 mai 2002, vit et souffrit le massacre de dizaines de personnes réfugiées dans son église. Cette statue a une forte valeur symbolique et spirituelle. En la regardant nous contemplons non seulement ce qui s’est passé ce jour-là, mais aussi tant de souffrance, tant de mort, tant de vies brisées et tant de sang versé en Colombie ces dernières décennies. Voir le Christ ainsi, mutilé et blessé, nous interpelle. Il n’a plus de bras et il n’a plus de corps, mais il a encore son visage qui nous regarde et qui nous aime. Le Christ brisé et amputé est pour nous encore « davantage le Christ », parce qu’il nous montre, une fois de plus, qu’il est venu pour souffrir pour son peuple et avec son peuple ; et pour nous apprendre aussi que la haine n’a pas le dernier mot, que l’amour est plus fort que la mort et la violence. Il nous apprend à transformer la souffrance en source de vie et de résurrection, pour que, unis à lui et avec lui, nous apprenions la force du pardon, la grandeur de l’amour.

Je remercie nos frères qui ont voulu partager leurs témoignages, au nom de beaucoup d’autres. Combien cela nous fait du bien d’écouter vos histoires ! Je suis bouleversé. Ce sont des histoires de souffrances et d’amertume, mais aussi et surtout, ce sont des histoires d’amour et de pardon qui nous parlent de vie et d’espérance ; de ne pas laisser la haine, la vengeance et la souffrance s’emparer de notre cœur.

L’oracle final du Psaume 85: «Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent » (v. 11) est postérieur à l’action de grâce et à la supplication où l’on demande à Dieu : Fais-nous revenir ! Merci Seigneur pour le témoignage de ceux qui ont infligé de la souffrance et qui demandent pardon ; de ceux qui ont injustement souffert et qui pardonnent. Cela est possible seulement avec ton aide et ta présence… cela est déjà un très grand signe que tu veux restaurer la paix et la concorde sur cette terre colombienne.

Pastora Mira, tu l’as très bien dit : tu veux déposer toute ta souffrance, et celle de milliers de victimes, aux pieds de Jésus crucifié pour qu’elle soit associée à la sienne et soit ainsi transformée en bénédiction et en capacité de pardon pour briser le cycle de violence qui a prévalu en Colombie. Tu as raison : la violence engendre plus de violence, la haine plus de haine et la mort plus de mort. Nous devons briser cette chaîne qui parait inéluctable, et cela est possible seulement par le pardon et la réconciliation. Et toi, chère Pastora, et beaucoup d’autres comme toi, vous nous avez montré que c’est possible. Oui, avec l’aide du Christ vivant au milieu de la communauté, il est possible de vaincre la haine, il est possible de vaincre la mort, il est possible de recommencer et d’apporter la lumière à une Colombie nouvelle. Merci Pastora ; quel grand bien tu nous fais à tous, aujourd’hui, par le témoignage de ta vie. C’est le crucifié de Bajaya qui t’a donné cette force de pardonner et d’aimer, et pour t’aider à voir, en la chemise que ta fille Sandra Paola avait offerte à ton fils Jorge Anibal, non seulement le souvenir de leur mort, mais aussi l’espérance que la paix triomphe définitivement en Colombie.

Ce qu’a dit Luz Dary dans son témoignage nous bouleverse aussi : les blessures du cœur sont plus profondes et difficiles à guérir que celles du corps. C’est ainsi. Et, ce qui est le plus important, tu t’es rendu compte qu’on ne peut pas vivre de rancœur, que seul l’amour libère et construit. Et de cette manière tu as commencé à guérir aussi les blessures d’autres victimes, à reconstruire leur dignité. Cette sortie de toi-même t’a enrichie, t’a aidé à regarder devant, à trouver la paix et la sérénité, et une raison pour aller de l’avant. Je te remercie pour la béquille que tu m’offres. Bien que tu gardes encore des séquelles physiques de tes blessures, ta marche spirituelle est rapide et sûre parce que tu penses aux autres et tu veux les aider. Cette béquille est un symbole de cette autre béquille plus importante, dont nous avons tous besoin, celle de l’amour et du pardon. Par ton amour et ton pardon tu aides beaucoup de personnes à marcher dans la vie. Merci.

Je veux remercier aussi pour le témoignage éloquent de Deisy et de Juan Carlos. Ils nous ont fait comprendre que tous, en fin de compte, d’une manière ou d’une autre, nous sommes aussi des victimes, innocentes ou coupables, mais tous victimes. Tous unis dans cette perte d’humanité que provoquent la violence et la mort. Deisy l’a dit clairement : tu as compris que toi-même avais été une victime et que tu avais besoin qu’on te donne une chance. Et tu as commencé à réfléchir, et maintenant tu travailles pour aider les victimes et pour que les jeunes ne tombent pas dans les réseaux de la violence et de la drogue. Il y a aussi une espérance pour celui qui a fait le mal ; tout n’est pas perdu. Il est certain que dans cette régénération morale et spirituelle de l’agresseur, la justice doit s’accomplir. Comme l’a dit Deisy, il faut contribuer positivement à guérir cette société qui a été déchirée par la violence.

Il semble difficile d’accepter le changement de ceux qui ont fait appel à la violence cruelle pour promouvoir leurs intérêts, pour protéger leurs commerces illicites et s’enrichir, ou pour, hypocritement, prétendre défendre la vie de leurs frères. C’est certainement un défi pour chacun de nous de croire qu’il puisse y avoir un pas en avant de la part de ceux qui ont infligé des souffrances à des communautés et à un pays tout entier. Il est certain qu’en cet immense champ qu’est la Colombie, il y a de la place encore pour l’ivraie… Soyez attentifs aux fruits… prenez soin du blé, et ne perdez pas la paix à cause de l’ivraie. Le semeur, quand il voit poindre l’ivraie au milieu du blé n’a pas de réactions alarmistes. Il trouve la manière dont la Parabole s’incarnera dans une situation concrète et donnera des fruits de vie nouvelle, bien qu’ils soient en apparence imparfaits ou inachevés (cf. Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 24). Même quand perdurent les conflits, la violence ou les sentiments de vengeance, n’empêchons pas la justice et la miséricorde de se rencontrer dans une étreinte que l’histoire de souffrance de la Colombie assumera. Guérissons cette souffrance et accueillons tout être humain qui a commis des délits, les reconnaît, se repent et s’engage à réparer en contribuant à la construction de l’ordre nouveau où brillent la justice et la paix.

Comme l’a laissé entrevoir dans son témoignage Juan Carlos, dans tout ce processus, long, difficile, mais qui donne l’espérance de la réconciliation, il est indispensable aussi d’assumer la vérité. C’est un défi grand mais nécessaire. La vérité est une compagne indissociable de la justice et de la miséricorde. Ensemble, elles sont essentielles pour construire la paix et, d’autre part, chacune d’elle empêche que les autres soient altérées et se transforment en instruments de vengeance sur celui qui est le plus faible. La vérité ne doit pas, de fait, conduire à la vengeance, mais, bien plutôt, à la réconciliation et au pardon. La vérité, c’est de dire aux familles déchirées par la douleur ce qui est arrivé à leurs parents disparus. La vérité, c’est d’avouer ce qui s’est passé avec les plus jeunes enrôlés par les acteurs violents. La vérité, c’est de reconnaître la souffrance des femmes victimes de violence et d’abus.

Je voudrais, enfin, comme frère et comme père, dire : Colombie, ouvre ton cœur de peuple de Dieu et laisse-toi réconcilier. Ne crains pas la vérité ni la justice. Chers Colombiens : n’ayez pas peur de demander ni d’offrir le pardon. Ne résistez pas à la réconciliation pour vous rapprocher, vous rencontrer comme des frères et dépasser les inimitiés. C’est le moment de guérir les blessures, de construire des ponts, d’aplanir les différences. C’est le moment de désactiver les haines, de renoncer aux vengeances, et de s’ouvrir à la cohabitation fondée sur la justice, sur la vérité et sur la création d’une véritable culture de la rencontre fraternelle. Puissions-nous vivre en harmonie et dans la fraternité, comme désire le Seigneur. Demandons à être constructeurs de paix, que là où il y a la haine et le ressentiment, nous mettions l’amour et la miséricorde (cf. Prière attribuée à saint François d’Assise).

Je souhaite déposer toutes ces intentions devant la statue du crucifié, le Christ noir de Bojaya:

Oh, Christ noir de Bojaya,
qui nous rappelles ta passion et ta mort ; avec tes bras et tes pieds
ils t’ont arraché à tes enfants
qui cherchaient refuge en toi.

Oh, Christ noir de Bojaya,
qui nous regardes avec tendresse,
la sérénité règne sur ton visage ;
ton cœur bat aussi
pour nous accueillir dans ton amour.

Oh, Christ noir de Bojaya,
fais que nous nous engagions
à restaurer ton corps. Que nous soyons tes pieds pour sortir à la rencontre
du frère dans le besoin ;
tes bras pour étreindre
celui qui a perdu sa dignité ;
tes mains pour bénir et consoler
celui qui pleure dans la solitude.

Fais que nous soyons témoins
de ton amour et de ton infinie miséricorde.

[01232-FR.01] [Texte original: Espagnol]

Pape en Colombie: homélie lors de la Messe à Villavicencio

Vous trouverez ci-dessous le texte de l’homélie du pape François lors de la Messe de Béatifications à Villavicencio sur l’esplanade de Catama:

Ta naissance, Vierge Mère de Dieu, est la nouvelle aube qui a annoncé la joie au monde entier, car de toi est né le soleil de justice, le Christ, notre Dieu (cf. Antienne du Benedictus) ! La fête de la naissance de Marie projette sa lumière sur nous, comme rayonne la douce lumière de l’aube sur la vaste plaine colombienne, très beau paysage dont Villavicencio est la porte, tout comme dans la riche diversité de ses peuples indigènes.

Marie est la première splendeur qui annonce la fin de la nuit et surtout la proximité du jour. Sa naissance nous fait pressentir l’initiative amoureuse, tendre et compatissante de l’amour avec lequel Dieu s’incline vers nous et nous appelle à une merveilleuse alliance avec lui que rien ni personne ne pourra rompre.

Marie a su être la transparence de la lumière de Dieu et a reflété les rayonnements de cette lumière dans sa maison, qu’elle a partagée avec Joseph et Jésus, et également dans son peuple, sa nation et dans cette maison commune à toute l’humanité qu’est la création.

Dans l’Évangile, nous avons entendu la généalogie de Jésus (Mt 1, 1-17), qui n’est pas une ‘‘simple liste de noms’’, mais une ‘‘histoire vivante’’, l’histoire d’un peuple avec lequel Dieu a marché. Et, en se faisant l’un de nous, ce Dieu a voulu nous annoncer que dans son sang se déroule l’histoire des justes et des pécheurs, que notre salut n’est pas un salut aseptique, de laboratoire, mais un salut concret, de vie qui marche. Cette longue liste nous dit que nous sommes une petite partie d’une histoire vaste et nous aide à ne pas revendiquer des rôles excessifs, elle nous aide à éviter la tentation de spiritualismes évasifs, à ne pas nous détacher des circonstances historiques concrètes qu’il nous revient de vivre. Elle intègre aussi, dans l’histoire de notre salut, ces pages plus obscures ou tristes, les moments de désolation ou d’abandon comparables à l’exil.

La mention des femmes – aucune de celles citées dans la généalogie n’a le rang des grandes femmes de l’Ancien Testament – nous permet un rapprochement spécial : ce sont elles, dans la généalogie, qui annoncent que dans les veines de Jésus coule du sang païen, qui rappellent des histoires de rejet et de soumission. Dans des communautés où nous décelons encore des styles patriarcaux et machistes, il est bon d’annoncer que l’Évangile commence en mettant en relief des femmes qui ont marqué leur époque et fait l’histoire.

Et dans tout cela, Jésus, Marie et Joseph. Marie avec son généreux ‘oui’ a permis que Dieu assume cette histoire. Joseph, homme juste, n’a pas laissé son orgueil, ses passions et les jalousies le priver de cette lumière. Par la forme du récit, nous savons avant Joseph ce qui était arrivé à Marie, et il prend des décisions, révélant sa qualité humaine, avant d’être aidé par l’ange et de parvenir à comprendre tout ce qui se passait autour de lui. La noblesse de son cœur lui fait subordonner à la charité ce qu’il a appris de la loi ; et aujourd’hui, en ce monde où la violence psychologique, verbale et physique envers la femme est patente, Joseph se présente comme une figure d’homme respectueux, délicat qui, sans même avoir l’information complète, opte pour la renommée, la dignité et la vie de Marie. Et, dans son doute sur la meilleure façon de procéder, Dieu l’aide à choisir en éclairant son jugement.

Ce peuple de Colombie est peuple de Dieu ; ici aussi nous pouvons faire des généalogies remplies d’histoires, pour beaucoup, d’amour et de lumière ; pour d’autres, de désaccords, de griefs, et aussi de mort… Combien d’entre vous ne peuvent-ils pas raconter des exils et des désolations ! Que de femmes, dans le silence, ont persévéré seules et que d’hommes de bien ont tenté de laisser de côté la colère et les rancœurs, en cherchant à associer justice et bonté ! Comment ferons-nous pour laisser entrer de la lumière ? Quels sont les chemins de réconciliation ? Comme Marie, dire oui à l’histoire dans sa totalité, non à une partie ; comme Joseph, laisser de côté les passions et les orgueils ; comme Jésus Christ, prendre sur nous, assumer, embrasser cette histoire, car nous tous les Colombiens, vous êtes impliqués dans cette histoire ; ce que nous sommes s’y trouve… ainsi que ce que Dieu peut faire avec nous si nous disons oui à la vérité, à la bonté, à la réconciliation. Et cela n’est possible que si nous remplissons nos histoires de péché, de violence et de désaccord, de la lumière de l’Évangile.

La réconciliation n’est pas un mot abstrait ; s’il en était ainsi, cela n’apporterait que stérilité, plus d’éloignement. Se réconcilier, c’est ouvrir une porte à toutes les personnes et à chaque personne, qui ont vécu la réalité dramatique du conflit. Quand les victimes surmontent la tentation compréhensible de vengeance, elles deviennent des protagonistes plus crédibles des processus de construction de la paix. Il faut que quelques-uns se décident à faire le premier pas dans cette direction, sans attendre que les autres le fassent. Il suffit d’une personne de bonne volonté pour qu’il y ait de l’espérance ! Et chacun de nous peut être cette personne ! Cela ne signifie pas ignorer ou dissimuler les différences et les conflits. Ce n’est pas légitimer les injustices personnelles ou structurelles. Le recours à la réconciliation ne peut servir à s’accommoder de situations d’injustice. Plutôt, comme l’a enseigné saint Jean-Paul II : c’est « une rencontre entre des frères disposés à surmonter la tentation de l’égoïsme et à renoncer aux tentatives de pseudo justice ; c’est un fruit de sentiments forts, nobles et généreux, qui conduisent à instaurer une cohabitation fondée sur le respect de chaque individu et des valeurs propres à chaque société civile » (Lettre aux Évêques du Salvador, 6 août 1982). La réconciliation, par conséquent, se concrétise et se consolide par l’apport de tous, elle permet de construire l’avenir et fait grandir l’espérance. Tout effort de paix sans un engagement sincère de réconciliation sera voué à l’échec.

Le texte évangélique que nous avons entendu atteint son sommet en appelant Jésus l’Emmanuel, le Dieu-avec-nous. C’est ainsi que Matthieu commence, c’est ainsi qu’il termine son Évangile : « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 20). Cette promesse se réalise également en Colombie : Mgr Jesús Emilio Jaramillo Monsalve, Évêque d’Arauca, et le Père Pedro Maria Ramirez Ramos, en sont des signes, une expression d’un peuple qui veut sortir du bourbier de la violence et de la rancœur.

Dans ce décor merveilleux, il nous revient de dire oui à la réconciliation. Que le oui inclue également notre nature ! Ce n’est pas un hasard si, y compris contre elle, nous avons déchaîné nos passions possessives, notre volonté de domination. Un de vos compatriotes le chante admirablement : « Les arbres pleurent, ils sont témoins de tant d’années de violence. La mer est brune, mélange de sang et de terre » (Juanes, Minas piedras). La violence qu’il y a dans le cœur humain, blessé par le péché, se manifeste aussi à travers les symptômes de maladies que nous observons dans le sol, dans l’eau, dans l’air et dans les êtres vivants (cf. Lettre encyclique Laudato si’, n. 2). Il nous revient de dire oui comme Marie et de chanter avec elle les « merveilles du Seigneur », car comme il l’a promis à nos pères, il aide tous les peuples et chaque peuple, il aide la Colombie qui veut se réconcilier aujourd’hui et sa descendance pour toujours.

[01231-FR.01] [Texte original: Espagnol]

Pape en Colombie: Homélie lors de la Messe au parc Simon Bolivar de Bogota

Vous trouverez ci-dessous le texte de l’homélie du pape François telle que prononcée lors de la Messe au parc Simon Bolivar de Bogota:

L’Evangéliste rappelle que l’appel des premiers disciples eut lieu sur les rives du lac de Génésareth, là où les gens se rassemblaient pour écouter une voix capable de les orienter et de les éclairer ; c’est aussi le lieu où les pêcheurs finissent leurs fatigantes journées durant lesquelles ils cherchent la subsistance pour mener une vie sans pénuries, digne et heureuse. C’est la seule fois, dans tout l’Evangile de Luc, que Jésus prêche près de la mer dite de Galilée. Sur la mer ouverte, s’entremêlent l’espérance d’un travail fécond et la frustration due à l’inutilité des efforts vains. Selon une ancienne interprétation chrétienne, la mer représente aussi l’immensité où cohabitent tous les peuples. Enfin, par son agitation et son obscurité, elle évoque tout ce qui menace l’existence humaine et qui a le pouvoir de la détruire.

Pour définir les multitudes, nous utilisons des expressions comme celles-ci : une marée humaine, une mer de gens. Ce jour-là, Jésus a derrière lui la mer, et, devant lui, une multitude qui l’a suivi parce qu’elle connaît son émotion devant la souffrance humaine… et ses paroles justes, profondes, appropriées. Ils viennent tous l’écouter ; la Parole de Jésus a quelque chose de spécial qui ne laisse personne indifférent. Sa Parole a le pouvoir de convertir les cœurs, de changer les plans et les projets. Elle est une Parole confirmée par les actes, elle n’est pas une conclusion de bureau, d’accords froids et éloignés de la souffrance des gens ; c’est pourquoi elle est une parole qui sert autant à la sécurité du rivage qu’à la fragilité de la mer.

Cette chère ville, Bogota, et ce merveilleux pays, la Colombie, ressemblent beaucoup à ces décors humains présentés dans l’Evangile. Il y a ici des multitudes qui attendent une parole de vie qui illumine de sa clarté tous les efforts et qui montre le sens et la beauté de l’existence humaine. Ces multitudes d’hommes et de femmes, d’enfants et de personnes âgées, habitent une terre d’une inimaginable fécondité qui pourrait donner du fruit pour tous. Mais ici aussi, comme en d’autres lieux, il y a d’épaisses ténèbres qui menacent et détruisent la vie : les ténèbres de l’injustice et de l’inégalité sociale ; les ténèbres corruptrices des intérêts d’individus ou de groupes qui consomment de manière égoïste et démesurée ce qui est destiné au bien-être de tous ; les ténèbres de l’irrespect envers la vie humaine qui fauche quotidiennement l’existence de tant d’innocents dont le sang crie vers le ciel ; les ténèbres de la soif de vengeance et de la haine qui tache de sang humain les mains de ceux qui se rendent justice eux-mêmes ; les ténèbres de ceux qui deviennent insensibles face à la souffrance de tant de victimes. Jésus dissipe et détruit toutes ces ténèbres par son ordre dans la barque de Pierre: « Avance au large » (Lc 5, 4).

Nous pouvons nous perdre dans des discussions interminables, accumuler des tentatives manquées, et faire une liste d’efforts qui n’ont rien donné ; de même que Pierre, nous savons ce que signifie l’expérience de travailler sans aucun résultat. Cette nation en sait quelque chose, quand, sur une période de 6 ans, en ces temps-là, à ses débuts, elle a eu 16 présidents et a payé cher ses divisions (« la patrie stupide »). L’Eglise en Colombie aussi a l’expérience de travaux pastoraux vains et infructueux…, mais, comme Pierre, nous sommes aussi capables de nous en remettre au Maître dont la Parole suscite la fécondité même là où l’inhospitalité des ténèbres humaines rend infructueux beaucoup d’efforts et de fatigues. Pierre est l’homme qui accueille résolument l’invitation de Jésus, qui laisse tout et le suit, pour devenir un
nouveau pêcheur dont la mission consiste à porter à ses frères le Royaume de Dieu où la vie est pleine et heureuse.

Mais la demande de jeter les filets n’est pas adressée seulement à Simon Pierre ; il lui a été demandé d’aller au large, comme ceux qui, dans votre patrie, ont vu en premier ce qui presse le plus ; ceux qui ont pris des initiatives de paix, de vie. Jeter les filets entraîne une responsabilité. A Bogota et en Colombie pérégrine une immense communauté qui est appelée à devenir un solide filet qui rassemble tout le monde dans l’unité, en travaillant à la défense et à la sauvegarde de la vie humaine, en particulier quand elle est plus fragile et vulnérable : dans le sein maternel, dans l’enfance, dans la vieillesse, dans les conditions de handicap et dans des situations de marginalisation sociale. Les multitudes qui vivent à Bogota et en Colombie peuvent aussi devenir de vraies communautés vivantes, justes et fraternelles si elles écoutent et accueillent la parole de Dieu. Dans ces multitudes évangélisées surgiront beaucoup d’hommes et de femmes devenus
disciples qui, d’un cœur vraiment libre, suivront Jésus ; des hommes et des femmes capables d’aimer la vie en toutes ses étapes, de la respecter et de la promouvoir.

Nous devons nous appeler les uns les autres, nous faire signe, comme les pêcheurs, recommencer à nous considérer comme des frères, des compagnons de route, des membres de cette entreprise commune qu’est la patrie. Bogota et la Colombie sont, en même temps, rivage, lac, mer ouverte, ville où Jésus est passé et passe pour offrir sa présence et sa Parole féconde, pour nous tirer des ténèbres et nous porter à la lumière et à la vie. Appeler les autres, tous les autres, pour que personne ne dépende de l’arbitraire des tempêtes ; faire monter sur la barque toutes les familles, sanctuaires de la vie ; faire place au bien commun qui est au-dessus des intérêts mesquins ou particuliers, porter les plus fragiles en promouvant leurs droits.

Pierre fait l’expérience de sa petitesse, de l’immensité de la Parole et de l’action de Jésus ; Pierre connaît ses fragilités, ses hésitations…, comme nous connaissons les nôtres, comme les connaît l’histoire de violence et de division de votre peuple qui ne nous a pas toujours trouvés partageant la barque, la tempête, les malheurs. Mais comme Simon, Jésus nous invite à aller au large, il nous pousse au risque partagé, à laisser nos égoïsmes et à le suivre ; à nous défaire des peurs qui ne viennent pas de Dieu, qui nous immobilisent et qui retardent l’urgence d’être des constructeurs de la paix, des promoteurs de la vie.

Pape François en Colombie: Discours devant le Comité de direction du CELAM

Vous trouverez ci-dessous le discours du pape François lors de la rencontre avec les membres du comité de direction du CELAM (Conseil épiscopal pour l’Amérique latine):

Chers frères, merci pour cette rencontre et pour les chaleureuses paroles de bienvenue du Président de la Conférence de l’Épiscopat Latino-américain. N’eussent été les exigences de l’agenda, j’aurais voulu vous rencontrer au siège du CELAM. Je vous remercie pour la délicatesse d’être ici en ce moment.

Je suis reconnaissant pour les efforts que vous faites afin de transformer cette Conférence Épiscopale continentale en une maison au service de la communion et de la mission de l’Église en Amérique Latine ; en un centre propulseur de la conscience d’être disciple et missionnaire ; en une référence vitale pour la compréhension et l’approfondissement de la catholicité latino-américaine, esquissée progressivement par cet organisme de communion durant des décennies de service. Et je profite de l’occasion pour encourager les efforts récents en vue d’exprimer cette sollicitude collégiale à travers le Fond de Solidarité de l’Église Latino-américaine.

Il y a quatre ans, à Rio de Janeiro, j’ai eu l’occasion de vous parler au sujet de l’héritage pastoral d’Aparecida, dernier événement synodal de l’Église Latino-américaine et des Caraïbes. Je soulignais alors la nécessité permanente d’apprendre de sa méthode, substantiellement constituée par la participation des Églises locales et par la syntonie avec les pèlerins marchant à la recherche du visage humble de Dieu qui a voulu se manifester dans la Vierge pêchée dans les eaux, et qui se prolonge dans la mission continentale. Celle-ci veut être, non pas la somme des initiatives pragmatiques qui remplissent les agendas et perdent les énergies précieuses, mais l’effort pour mettre la mission de Jésus dans le cœur de l’Église elle-même, en la transformant en critère pour mesurer l’efficacité des structures, des résultats de son travail, la fécondité de ses ministres et la joie qu’ils sont capables de susciter. En effet, sans la joie, on n’attire personne.

Je m’étais ensuite arrêté sur les tentations, encore présentes, de l’idéologisation du message évangélique, du fonctionnalisme ecclésial et du cléricalisme, car le salut que nous apporte le Christ se trouve toujours en jeu. Ce salut doit arriver avec force au cœur de l’homme pour interpeller sa liberté, en l’invitant à un exode permanent de sa propre auto-référentialité vers la communion avec Dieu et avec les autres frères.

Dieu, en parlant à l’homme en Jésus, ne le fait pas par une vague plainte comme à un étranger, ni par une convocation impersonnelle comme le ferait un notaire, ni par une déclaration de préceptes à observer comme le fait n’importe quel fonctionnaire du sacré. Dieu parle par la voix à nulle autre pareille du Père au fils, et respecte son mystère parce qu’il l’a formé de ses propres mains et l’a destiné à la plénitude. Notre plus grand défi en tant qu’Église, c’est de parler à l’homme comme porte-voix de cette intimité avec Dieu qui le considère fils, même lorsqu’il renie cette paternité, car pour lui nous sommes toujours des enfants retrouvés.

On ne peut pas, par conséquent, réduire l’Évangile à un programme au service d’un gnosticisme à la mode, à un projet d’ascension sociale ou à une conception de l’Église comme une bureaucratie qui s’accorde elle-même des bénéfices, comme celle-ci ne peut pas non plus être réduite à une organisation dirigée, selon des critères modernes d’entreprise, par une caste cléricale.

L’Église est la communauté des disciples de Jésus ; l’Église est mystère (cf. Lumen gentium, n. 5) et peuple (cf. ibid., n. 9), ou mieux encore : en elle se réalise le mystère à travers le peuple de Dieu. C’est pourquoi, j’ai souligné le fait d’être disciple missionnaire comme un appel divin pour cet aujourd’hui non dénué de tensions et de complexités, une sortie permanente avec Jésus pour savoir comment et où vit le Maître. Et tandis que nous sortons en sa compagnie nous prenons connaissance de la volonté du Père, qui nous attend toujours. Seule une Église épouse, Mère, Servante, qui a renoncé à la prétention de contrôler ce qui n’est pas son œuvre mais une œuvre de Dieu peut demeurer avec Jésus même quand son nid et son abri sont la croix.

Proximité et rencontre sont les instruments de Dieu qui, dans le Christ, s’est approché et nous a toujours rencontrés. Le mystère de l’Église, c’est qu’elle se réalise comme sacrement de cette divine proximité et comme lieu permanent de cette rencontre. D’où la nécessité de la proximité de l’évêque avec Dieu, car en lui se trouve la source de la liberté et de la force du cœur du pasteur, ainsi que de la proximité avec le peuple saint qui lui a été confié. Dans cette proximité, l’âme de l’apôtre apprend à rendre tangible la passion de Dieu pour ses enfants.

Aparecida est un trésor dont la découverte est encore incomplète. Je suis sûr que chacun de vous découvre combien sa richesse s’est enracinée dans les Églises que vous portez dans le cœur. Comme les premiers disciples envoyés par Jésus pour la mission, nous aussi nous pouvons raconter avec enthousiasme tout ce que nous avons accompli (cf. Mc 6, 30).

Toutefois, il faut être attentif. Les réalités indispensables de la vie humaine et de l’Église ne sont jamais un monument mais un patrimoine vivant. Il est beaucoup plus confortable de les transformer en des souvenirs dont on célèbre les anniversaires : 50 ans de Medellin, 20 d’Ecclesia in America, 10 d’Aparecida ! En revanche, il s’agit de quelque chose d’autre : préserver et faire couler la richesse de ce patrimoine (pater – munus) constituent le munus de notre paternité épiscopale envers l’Église de notre continent.

Vous le savez bien, la conscience renouvelée du fait qu’à la source de tout il y a toujours la rencontre avec le Christ vivant demande que les disciples cultivent la familiarité avec lui ; autrement, le visage du Seigneur devient opaque, la mission perd sa force, la conversion pastorale régresse. Prier et cultiver l’union avec lui sont, par conséquent, l’activité la plus pressante de notre mission pastorale.

À ses disciples, enthousiastes de la mission accomplie, Jésus a dit : « Venez à l’écart dans un endroit désert » (Mc 6, 31). Nous avons plus encore besoin de cet être-seuls-avec-le-Seigneur pour trouver le cœur de la mission de l’Église en Amérique Latine dans les circonstances actuelles. Il y a beaucoup de dispersion intérieure et également extérieure! Les nombreux événements, la fragmentation de la réalité, l’instantanéité et la rapidité du présent pourraient nous faire tomber dans la dispersion et dans le vide. Il est impératif de retrouver l’unité.

Où se trouve l’unité? Toujours en Jésus. Ce qui rend permanente la mission, ce n’est pas l’enthousiasme qui enflamme le cœur généreux du missionnaire, bien que ce soit toujours nécessaire ; c’est plutôt la compagnie de Jésus à travers son Esprit. Si nous ne sortons pas avec lui dans la mission, bientôt nous perdrions le chemin, en prenant le risque de confondre nos besoins futiles avec sa cause. Si la raison de notre sortie, ce n’est pas lui, il sera facile de se décourager dans la fatigue du chemin, ou face à la résistance des destinataires de la mission, ou face aux situations changeantes des circonstances qui marquent l’histoire, ou par l’épuisement des pieds en raison de l’usure insidieuse causée par l’ennemi.

Céder au découragement ne fait pas partie de la mission, lorsque peut-être, passé l’enthousiasme des débuts, arrive le moment où toucher la chair du Christ devient très dur. Dans une telle situation, Jésus n’encourage pas nos peurs. Et comme nous le savons bien, nous ne pouvons aller à personne d’autre, parce que lui seul a les paroles de la vie éternelle (cf. Jn 6, 68) ; il est nécessaire, par conséquent, d’approfondir notre appel.

Que signifie concrètement sortir avec Jésus en mission aujourd’hui en Amérique Latine ? L’adverbe ‘‘concrètement’’ n’est pas une figure de style littéraire ; il appartient plutôt au noyau de la question. L’Évangile est toujours concret, il n’est jamais un exercice de spéculations stériles. Nous connaissons bien la tentation récurrente de se perdre dans le byzantinisme des docteurs de la loi, de se demander jusqu’à quel point on peut arriver sans perdre le contrôle de son propre territoire marqué ou du présumé pouvoir que les limites promettent.

On a beaucoup parlé de l’Église en état permanent de mission. Sortir avec Jésus est la condition de cette réalité. L’Évangile parle de Jésus qui, sorti du Père, parcourt avec les siens les campagnes et les villages de la Galilée. Il ne s’agit pas d’un déplacement inutile du Seigneur. Tandis qu’il marche, il rencontre ; quand il rencontre, il s’approche ; quand il s’approche, il parle ; quand il parle, il touche par son pouvoir ; quand il touche, il guérit et sauve. Conduire au Père ceux qu’il rencontre est l’objectif de sa sortie permanente, sur laquelle nous devons réfléchir continuellement. L’Église doit se réapproprier les verbes que le Verbe de Dieu conjugue dans sa mission divine. Sortir pour rencontrer, sans passer au large ; se pencher sans négligence ; toucher sans peur. Il s’agit pour vous de vous consacrer quotidiennement au travail de campagne, là où vit le peuple de Dieu qui vous a été confié. Il ne nous est pas permis de nous laisser paralyser par la climatisation des bureaux, par les statistiques et les stratégies abstraites. Il faut s’adresser à l’homme dans sa situation concrète ; ne détournons pas le regard de lui. La mission se réalise dans un corps à corps.

Un Église capable d’être sacrement d’unité.

On observe tant de dispersion autour de nous ! Et je ne me réfère pas uniquement à celle de la riche diversité qui a toujours caractérisé le continent, mais aux dynamiques de désagrégation. Il faut être attentif pour ne pas se laisser prendre à ces pièges. L’Église n’est pas en Amérique Latine comme si elle avait les valises à la main, prête à partir après l’avoir pillée, comme l’ont fait beaucoup tout au long de l’histoire. Ceux qui agissent ainsi regardent avec un sentiment de supériorité et de mépris son visage métisse ; ils prétendent coloniser son âme avec les mêmes formules infructueuses et recyclées sur la vision de l’homme et de la vie, répètent des recettes identiques en tuant le patient tandis qu’ils enrichissent les médecins qui les envoient ; ils ignorent les raisons profondes qui habitent le cœur de votre peuple et qui le rendent fort précisément dans ses rêves, dans ses mythes, malgré les désenchantements et les échecs nombreux ; ils manipulent politiquement et trahissent ses espérances, en laissant derrière eux une terre brûlée et un terrain prêt pour l’éternel retour de la même chose, même quand on revient le présenter sous un habit nouveau.

Des hommes et des utopies forts ont promis des solutions magiques, des réponses instantanées, des effets immédiats. L’Église, sans prétentions humaines, respectueuse du visage multiforme du continent, qu’elle considère non pas comme un désavantage mais comme une richesse permanente, doit continuer à prêter l’humble service au bien authentique de l’homme latino-américain. Elle doit travailler, sans se lasser, à construire des ponts, à abattre des murs, à intégrer la diversité, promouvoir la culture de la rencontre et du dialogue, à éduquer au pardon et à la réconciliation, au sens de la justice, au rejet de la violence et au courage de la paix. Aucune construction durable en Amérique Latine ne peut se passer de ce fondement invisible mais essentiel.

L’Église connaît comme peu cette unité sapientielle qui précède n’importe quelle réalité en Amérique Latine. Elle cohabite quotidiennement avec cette réserve morale sur laquelle s’appuie l’édifice existentiel du continent. Tandis que j’en parle avec vous, je suis sûr que vous pourriez donner un nom à cette réalité. Avec elle, nous devons dialoguer continuellement. Nous ne pouvons pas perdre le contact avec ce substrat moral, avec cet humus vital qui réside dans le cœur de notre peuple, dans lequel on perçoit le mélange presqu’indistinct, mais en même temps éloquent, de son visage métisse : ni uniquement indigène, ni uniquement hispanique, ni uniquement lusitanien, ni uniquement afro-américain, mais métisse, latino-américain !

Guadalupe et Aparecida sont des manifestations programmatiques de cette créativité divine. Nous le savons bien, elles se trouvent dans le fondement sur lequel s’appuie la religiosité populaire de notre peuple ; elles font partie de sa singularité anthropologique ; il s’agit d’un don par lequel Dieu a voulu se faire connaître à notre peuple. Les pages les plus lumineuses de l’histoire de notre Église ont été écrites précisément quand elle a su se nourrir de cette richesse, parler à ce cœur profond qui palpite, préservant, comme une petite lumière vive sous les cendres apparentes, le sens de Dieu et de sa transcendance, la sacralité de la vie, le respect de la création, les liens de solidarité, la joie de vivre, la capacité d’être heureux sans conditions.

Pour parler à cette âme qui est profonde, pour parler à l’Amérique Latine profonde, l’Église doit apprendre continuellement de Jésus. L’Évangile dit qu’il parlait uniquement en paraboles (cf. Mc 4, 34). Des images qui impliquent et font participer, qui transforment les auditeurs de sa Parole en personnages de ses récits divins. Le saint peuple fidèle de Dieu en Amérique Latine ne comprend pas un autre langage le concernant. Nous sommes invités à aller en mission non pas avec des concepts froids qui se contentent du possible, mais avec des images qui multiplient et déploient continuellement ses forces dans le cœur de l’homme, en le transformant en grain semé dans une terre bonne, en levain qui accroît sa capacité de faire du pain à partir de la pâte, en semence qui cache la puissance de l’arbre fécond.

Une Église capable d’être sacrement de l’espérance

Beaucoup se plaignent d’un certain manque d’espérance dans l’Amérique Latine actuelle. À nous autres, la ‘‘lamentitude’’ n’est pas permise, car l’espérance que nous avons vient d’en haut. En outre, nous savons bien que le cœur latino-américain a été éduqué à l’espérance. Comme le disait un chanteur brésilien ‘‘l’espérance est équilibriste ; elle danse sur la corde raide de l’ombre’’ (Joao Bosco, O Bêbado e a Equilibrista). Quand on pense qu’elle est épuisée, la voici de nouveau là où on l’attendait le moins. Notre peuple a appris qu’aucune désillusion n’est suffisante pour le faire plier. Il suit le Christ flagellé et doux, il sait desseller jusqu’à ce que survienne la clarté et il demeure dans l’espérance de sa victoire, car – au fond – il est conscient de ne pas appartenir totalement à ce monde.

Il est indéniable que l’Église en ces terres est particulièrement un sacrement d’espérance, mais il faut veiller sur la concrétisation de cette espérance. Plus elle est transcendante, plus elle doit transformer le visage immanent de ceux qui la possèdent. Je vous prie de veiller à la concrétisation de l’espérance et permettez-moi de vous rappeler quelques-uns de ses visages déjà visibles dans cette Église de l’Amérique Latine.

L’espérance en Amérique Latine a un visage jeune

On parle fréquemment des jeunes – on déclame les statistiques sur le continent de l’avenir –, certains offrent des informations sur leur présumée décadence et sur combien ils sont endormis, d’autres profitent de leur potentiel de consommation, beaucoup leur proposent le rôle de pions du trafic et de la violence. Ne vous laissez pas prendre par de telles caricatures sur vos jeunes. Regardez-les dans les yeux et cherchez en eux le courage de l’espérance. Ce n’est pas vrai qu’ils sont prêts à répéter le passé. Ouvrez-leur des espaces concrets dans les Églises particulières qui vous ont été confiées, investissez du temps et des ressources dans leur formation. Proposez des programmes éducatifs incisifs et objectifs en leur demandant, comme les parents le font avec leurs enfants, des résultats de leurs potentialités et en éduquant leur cœur à la joie de la profondeur, non pas de la superficialité. Ne vous contentez pas de rhétoriques ou de choix consignés par écrit dans les plans pastoraux jamais mis en pratique.

J’ai choisi précisément le Panama, l’isthme de ce continent, pour les Journées Mondiales de la Jeunesse 2019 qui seront célébrées en suivant l’exemple de la Vierge qui proclame : « Voici la servante du Seigneur » et « que tout m’advienne selon sa parole » (Lc 1, 38). Je suis sûr que chez tous les jeunes se cache un isthme, dans le cœur de tous nos jeunes il y a un bout de terre petit et oblong qu’on peut parcourir pour les conduire vers un avenir que Dieu seul connaît et qui n’appartient qu’à lui. Il nous revient de leur présenter de grandes propositions pour réveiller en eux le courage de prendre des risques avec Dieu et de les rendre disponibles comme la Vierge.

L’espérance en Amérique Latine a un visage féminin

Il n’est pas nécessaire de m’attarder à parler du rôle de la femme dans notre continent et dans notre Église. De ses lèvres nous avons appris la foi ; presqu’avec le lait de ses seins nous avons acquis les traits de notre âme métisse et l’immunité face à tout désespoir. Je pense aux mères indigènes ou noires, je pense aux femmes des villes avec leur triple tour de travail, je pense aux grand-mères catéchistes, je pense aux consacrées et aux très nombreuses femmes artisans du bien. Sans les femmes, l’Église du continent perdrait la force de renaître continuellement. Ce sont les femmes qui, avec une patience méticuleuse, allument et rallument la flamme de la foi. C’est un devoir sérieux de comprendre, de respecter, de valoriser, de promouvoir la force ecclésiale et sociale de ce qu’elles font. Elles ont accompagné Jésus missionnaire ; elles ne se sont pas retirées du pied de la croix ; dans la solitude, elles ont attendu que la nuit de la mort restitue le Seigneur de la vie ; elles ont inondé le monde de sa présence ressuscitée. Si nous voulons une étape nouvelle et vivace de la foi dans ce continent, nous ne l’obtiendrons pas sans les femmes. S’il vous plaît, elles ne peuvent pas être réduites à des servantes de notre cléricalisme récalcitrant ; elles sont, en revanche, protagonistes dans l’Église de l’Amérique Latine ; dans sa sortie avec Jésus ; dans sa sauvegarde, même dans la souffrance de son peuple ; dans son attachement à l’espérance qui l’emporte sur la mort ; dans sa façon joyeuse d’annoncer au monde que le Christ est vivant et est ressuscité.

L’espérance en Amérique Latine passe à travers le cœur, l’esprit et les bras des laïcs

Je voudrais réitérer ce que j’ai récemment dit à la Commission Pontificale pour l’Amérique Latine. Il faut impérativement surmonter le cléricalisme qui infantilise les Christifideles laici et appauvrit l’identité des ministres ordonnés.

Bien que beaucoup d’efforts aient été réalisés et quelques pas faits, les grands défis du continent demeurent sur la table et continuent d’attendre l’avènement serein, responsable, compétent, visionnaire, articulé, conscient, d’un laïcat chrétien qui, comme croyant, soit disposé à contribuer : aux processus d’un authentique développement humain, à la consolidation de la démocratie politique et sociale, à l’éradication structurelle de la pauvreté endémique, à la construction d’une prospérité inclusive fondée sur des réformes durables et à même de préserver le bien social, à l’éradication de l’inégalité et à la sauvegarde de la stabilité, à l’élaboration de modèles de développement économique soutenable respectant la nature et le vrai avenir de l’homme qui ne se réduit pas à la consommation démesurée, ainsi qu’au rejet de la violence et à la défense de la paix.

Et une chose en plus : en ce sens, l’espérance doit toujours regarder le monde avec les yeux des pauvres et à partir de la situation des pauvres. L’espérance est pauvre comme le grain de blé qui meurt (cf. Jn 12, 24), mais elle a la force de répandre les plans de Dieu.

La richesse autosuffisante prive souvent l’esprit humain de la capacité de voir aussi bien la réalité du désert que les oasis qui y sont cachées. Elle propose des réponses de manuel et répète des certitudes de ‘‘talkshows’’ ; elle balbutie la projection d’elle-même, vide, sans s’approcher le moindre du monde de la réalité. Je suis sûr qu’en ces temps difficiles et confus mais provisoires que nous vivons, les solutions aux problèmes complexes représentant pour nous des défis naissent de la simplicité chrétienne qui se cache aux puissants et se révèle aux humbles : la pureté de la foi dans le Ressuscité, la chaleur de la communion avec lui, la fraternité, la générosité et la solidarité concrète qui jaillit aussi de l’amitié avec lui.

Et tout cela, je voudrais le résumer dans une phrase que je vous laisse comme synthèse et souvenir de cette rencontre : Si nous voulons servir, à partir du CELAM, notre Amérique Latine, nous devons le faire avec passion. Aujourd’hui, manque la passion. Mettre notre cœur dans tout ce que nous faisons, de la passion de jeune amoureux et d’ancien sage, de la passion qui transforme les idées en utopies viables, de la passion dans le travail de nos mains, de la passion qui fait de nous des pèlerins permanents dans nos Églises comme – permettez-moi de le rappeler – saint Toribio de Mogrovejo, qui ne s’installait pas à son siège : sur les 24 ans d’épiscopat, il en a passé 18 parmi les populations de son diocèse. Chers frères, s’il vous plaît, je vous demande de la passion, de la passion évangélisatrice.

Vous, évêques du CELAM, les Églises locales que vous représentez et le peuple tout entier de l’Amérique et des Caraïbes, je vous confie à la protection de la Vierge, invoquée sous les noms de Guadalupe et d’Aparecida, avec la sereine certitude que Dieu, qui a parlé à ce continent par le visage métisse et noir de sa Mère, ne cessera pas de faire resplendir sa lumière bienfaisante dans la vie de tous.
[01229-FR.01] [Texte original: Espagnol]

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