Messe en communion avec les victimes de l’attentat à la grande mosquée de Québec telle que tenue en l’église Notre-Dame-de-Foy, 820 rue du Chanoine-Martin le 31 janvier 2017. Une production et réalisation EDCQ.TV.
Le dialogue dans la vérité: réflexion sur « Nos voisins évangéliques »
Cette semaine, la Commission épiscopale pour l’unité chrétienne, les relations religieuses avec les Juifs et le dialogue interreligieux de la Conférence des évêques catholiques du Canada publiait un document intitulé « Nos voisins évangéliques : Réflexion sur l’évangélisme chrétien ». Cette brochure de 12 pages, se veut une ressource pour les catholiques afin qu’ils en apprennent davantage sur le christianisme évangélique à travers « l’histoire et les croyances des évangéliques et en prêtant une attention particulière aux relations entre les évangéliques et les catholiques ». Je retiens de ma lecture une foule d’informations tant historiques que théologiques ainsi qu’une posture cohérente avec le souhait du pape François pour que « la collaboration interreligieuse et œcuménique montre que les hommes et les femmes ne doivent pas oublier leur propre identité, ethnique ou religieuse, pour vivre en harmonie avec leurs frères et sœurs ».
Regard historique et théologique
La première chose que l’on note, c’est que les différences qui séparent les catholiques des évangéliques s’enracinent dans une longue histoire. En effet, on commémore cette année le 500ième anniversaire de la Réforme protestante ! L’évangélisme est donc un mouvement chrétien issu de la tradition protestante , ce qui implique l’acceptation des principes théologiques qui y sont liés tels que « l’autorité exclusive de l’Écriture » et « la justification par la seule foi » (p.2). Le document de la CECC offre ensuite une description des différentes explications et implications de ces principes avant de présenter quelques-unes de ces manifestations dans la vie concrète de nos frères protestants. On explique ainsi les expressions tels que « born again », de « revivalism » ou de « fondamentalisme », tout en spécifiant que « les évangéliques forment un groupe diversifié » (p.4).
D’une perception à une autre
Ce qui est significatif dans ce document, c’est que l’on ose sortir de l’énumération des traits distinctifs, à la manière d’une encyclopédie, pour prendre en compte l’expérience concrète que ces mêmes différences peuvent avoir sur la vie quotidienne des membres des deux communautés chrétiennes. On offre ainsi pour les deux perspectives, un dialogue qui tient compte des critiques réciproques.
En effet, on se demande d’abord ce que pensent les catholiques des évangéliques ? On offre alors un portrait réaliste des éléments dont les catholiques peuvent naturellement faire l’éloge comme leur attachement à la Parole de Dieu telle que transmise dans la Bible mais également l’emphase mise sur la relation personnelle au Christ. Toutefois, on ne cache pas les réticences que les catholiques peuvent également avoir face à une certaine tendance à interpréter l’Écriture Sainte d’une manière trop littérale sans tenir compte de la Tradition c’est-à-dire la vie des chrétiens qui nous ont précédés ou, en d’autres termes, « la grande communauté chrétienne qui s’étend aussi bien à travers le temps que dans l’espace » (p.7). Enfin, l’unité de l’Église catholique et sa structure hiérarchique bien définie, expliquent comment « l’aspect transconfessionnel de l’évangélisme engendrent une sorte de corps indéfini que les catholiques ont de la difficulté à identifier au Corps du Christ » (p.7).
Dans un deuxième temps, on se demande ce qui, dans la pratique catholique, peut sembler étranger à un christianisme authentique tel que le conçoivent les évangéliques. D’abord, bien que l’on souligne les nombreuses avancées du dialogue œcuménique, on affirme qu’un certain nombre de cette mouvance ne sont toujours pas certains que les catholiques soient de véritables chrétiens (p.8). De plus, on montre comment l’accent mis sur la relation personnelle avec le Christ peut pousser les évangéliques à parler de leur salut « à l’imparfait » c’est-à-dire comme quelque chose de déjà accompli tandis que, du côté catholique, on a souvent tendance à parler du salut « au futur », mettant ainsi l’accent davantage sur la dimension ultime c’est-à-dire après la mort.
Le dialogue, une responsabilité partagée
Dans la dernière partie du document, on trouve une analyse de la réalité du dialogue œcuménique aujourd’hui tout en manifestant l’ouverture que nous devons avoir pour être fidèles au souhait du Christ « Ut unum sint ».
Le contexte actuel et l’expansion rapide du phénomène de sécularisation doivent nous pousser à dépasser nos différences et les blessures héritées du passé afin d’offrir au monde un témoignage plus à même de convaincre de la véracité de la Révélation chrétienne. Toutefois, puisque l’estime mutuelle qui se construit peu à peu entre les deux communautés « scandalise certaines personnes » (p.11), le document de la CECC insiste sur le contexte dans lequel ce dialogue est en mesure de porter des fruits. En ce sens, pour que la vérité puisse être au centre des aspirations de tous les interlocuteurs, il est essentiel que des liens de charité profonde soient d’abord créés entre les membres. Ainsi le travail œcuménique ne pourra être concluant que s’il « s’établit au quotidien dans la vie chrétienne des croyants […] le succès du dialogue à venir dépend en grande partie de vous » (p.11).
Tant du point de vue de la richesse des informations contenues dans ce document que de la place laissée à l’expérience concrète des croyants des deux communautés, il est possible de conclure que ce document de la CECC remplit bien son mandat d’instrument au service de l’œcuménisme. Que ce soit dans le fait d’affirmer haut et fort les points de désaccord inhérents aux identités respectives que dans l’estime mutuelle et dans la capacité de reconnaître l’autre d’abord comme un frère « dans le contexte d’une foi commune » (p.5), ce document est certainement un outil de premier plan facilitant cette responsabilité missionnaire qui nous incombe à tous.
Il ne fallait qu’attendre 1000 ans!
« [La] rencontre des Primats de l’Église catholique et de l’Église orthodoxe russe, préparée depuis longtemps, sera la première dans l’histoire et marquera une étape importante dans les relations entre les deux Églises ». C’est ce qu’ont annoncé vendredi dernier, le Saint Siège et le patriarcat de Moscou. Le pape François et le Patriarche Cyrille de Moscou se retrouveront pour une audience à Cuba ce vendredi 12 février.
En effet, la dernière rencontre entre un pape et un patriarche orthodoxe russe remonte au 11e siècle. Le père Federico Lombardi, directeur de la salle de presse du Saint Siège, a de plus ajouté que c’est un signe positif et d’espoir. Puisqu’il y a une volonté de « dialogue et de compréhension ». Il a précisé que la rencontre n’était pas improvisée. Elle se prépare depuis deux ans et c’est le lieu qui la rendait possible. Cuba serait un terrain neutre, déconnecté de « l’histoire difficile entre les chrétiens » en Europe. La visite du Patriarche Cyrille de Moscou à Cuba coïncidait avec celui du pape François au Mexique.
Le métropolitain Hilarion, et président des relations extérieures du patriarcat de Moscou, a affirmé que la rencontre n’aurait pu avoir lieu sous d’autres conditions. Il a de plus indiqué que cette rencontre est envisageable dans le contexte actuel des chrétiens persécutés dans le monde. « Il est nécessaire de mettre de côté les désaccords internes et d’unir les efforts pour sauver le christianisme dans les régions où il est soumis à la persécution la plus grave » a-t-il indiqué. D’ailleurs ils signeront une déclaration commune pour mettre fin aux persécutions.
Même si c’est la raison du rapprochement entre les deux Églises, d’autres sujets sont encore source de divisions entre elles. La plus récente étant la crise en Ukraine. L’Église gréco-catholique en Ukraine s’oppose fortement à la Russie et davantage depuis son annexion en Crimée. Autre facteur de tension, la présence catholique en Russie tout court, c’est-à-dire l’activité des églises occidentales qui sont en communion avec Rome. Accusées de prosélytisme et d’avoir vidé les églises orthodoxes.
Mais l’établissement des relations entre les Église catholiques et orthodoxes russes est désiré depuis longtemps. Les papes Jean-Paul II et Benoit XVI en sont les précurseurs. Jean-Paul II avait reçu le président de la Russie à l’époque, Mikhaïl Gorbatchev, au Vatican. C’est seulement après l’élection de Benoit XVI qu’un représentant du Patriarcat de Moscou ait mis les pieds dans le petit État. Puis la visite de Vladimir Poutine au Vatican en juin dernier a ouvert la voie à une rencontre avec, cette fois-ci, le Patriarche de Moscou.
Dans une entrevue accordée à un quotidien italien lundi dernier, le pape François a insisté sur le nécessité de bâtir des ponts et non des murs. « Ils doivent être construit pas à pas jusqu’à pouvoir serrer la main de la personne qui se trouve de l’autre côté » disait-il. Il est certain, donc, que le pape cherchera d’abord à établir des liens là où les deux Églises puissent collaborer.
Nous constaterons que nous ne sommes « plus qu’un ».
(Photo: Courtoisie Catholic News Service)
Du 18 au 25 janvier 2016 aura lieu la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Pour l’occasion, toutes sortes d’activités de ressourcement et de prière œcuménique seront organisées partout dans le monde. Le thème de cette année, « Appelés à proclamer les hauts faits du Seigneur » (cf. 1 Pierre 2, 9) est selon moi très pertinent puisqu’il est facile de faire le lien avec, à la fois, l’année de la miséricorde décrétée par le pape François mais aussi avec la dimension missionnaire de la foi chrétienne. Pour bien vous préparer à cette semaine importante, je vous conseille de consulter ce que nous propose le document du Conseil Pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens fait conjointement avec la Commission Foi et Constitution du Conseil œcuménique des Églises. Avant de s’y attarder plus longuement je voulais vous partager une expérience que j’ai vécu.
Il y a quelques semaines déjà, je suis allé à Québec par l’entremise de l’agence Amigo Express. Pour ceux qui ont déjà utilisé ce service, vous savez que la plupart du temps le voyage commence par la question : « Qu’est-ce que tu fais dans la vie ? ». Après avoir répondu être journaliste catholique à Sel + Lumière, le conducteur et la passagère ont tous les deux répliqué qu’ils étaient chrétiens eux-aussi, spécifiant qu’ils étaient de dénomination protestante. Nous étions donc trois personnes réunies complètement « par hasard » mais le simple fait de nous savoir chrétiens nous a permis d’échanger sur notre foi et toutes sortes de sujets de société. Je me suis alors rendu compte à quel point les circonstances du monde actuel sont favorables à l’œcuménisme et à l’unité des chrétiens. Notre société n’étant plus chrétienne, le dialogue peut se faire de manière beaucoup plus libre puisque nous n’avons plus vraiment d’intérêt humain à protéger. Selon moi, cela montre que nous avons comme personne et institution atteint une qualité de liberté qui s’approche de plus en plus de la véritable liberté évangélique nécessaire à l’acceptation de la plénitude de la Révélation. C’est ainsi qu’à la fin du voyage, au lieu de leur dire « au revoir » je leur ai dit « Dieu vous bénisse ». Mes interlocuteurs étaient très surpris de m’entendre parler un langage chrétien aussi ouvertement, surtout venant d’un catholique ! Toutefois, ils étaient heureux de la chose et m’ont souhaité la même bénédiction.
Comme je le disais au début, le thème de la semaine de cette année « Appelés à proclamer les hauts faits du Seigneur » (cf. 1 Pierre 2, 9) est fort adéquat puisqu’il manifeste le lien entre l’unité des chrétiens et la transformation missionnaire de l’Église. En effet, ce thème met l’emphase sur « l’appel » de tous les chrétiens. Cette dimension « vocationnelle » de l’unité des chrétiens manifeste bien que cette même unité est d’abord et avant tout un profond désir de Dieu. Cela nous aide donc à prendre conscience des racines humaines des divisions mais également de la priorité de la Grâce dans la construction de cette unité. Nous ne parviendrons à l’unité que si tous ensemble nous nous mettons à l’écoute de la Parole de Dieu d’une manière plus authentique. En ce sens, l’Église catholique ne parviendra à répondre adéquatement aux motions de Dieu que si elle oriente davantage sa pratique pastorale vers la mission. Par le fait même, elle aura mis l’accent sur le dialogue, la prière et l’action commune de tous les chrétiens.
La deuxième partie du thème de cette Semaine de prière pour l’unité des chrétiens souligne que notre appel consiste d’abord à « proclamer les hauts faits du Seigneur ». D’abord, cela signifie que nous devons prendre conscience que notre appel n’est pas de nous proclamer nous-mêmes comme personnes ou communauté mais d’attirer l’attention vers Dieu, vers Jésus. Loin des attitudes « autoréférentielles » (no 94-95) tant décriées par le pape François. Deuxièmement, cette décentralisation de nous-mêmes ne doit pas devenir culpabilisation ou honte de nous-mêmes mais bien manifestation des beautés que Dieu a faites pour nous et en nous. Nous avons tous raison de nous réjouir lorsque nous sommes heureux mais ce bonheur ne peut être authentique qu’en relation avec Celui qui nous donne l’existence et nous appelle à une communion avec Lui. Enfin, de ce témoignage des merveilles de la vie éternelle présentes dans notre vie et reçues par notre baptême, les chrétiens pourront être l’étincelle qui « mettra le feu » au monde. Un feu qui réchauffe et qui donne de l’énergie ! À Cela, de par leur baptême, tous les chrétiens peuvent y participer et, peut-être qu’un jour, alors que nous serons en chemin sans s’en rendre compte, nous nous constaterons que nous ne sommes « plus qu’un » (Jean 17, 11).
Déclaration conjointe de la CECC et du Caucus rabbinique du Canada au ministre des Affaires étrangères Stéphane Dion
Le 15 décembre 2015
L’honorable Stéphane Dion
Ministre des Affaires étrangères
Chambre des communes
Ottawa (Ontario)
K1A 0A6Monsieur le Ministre,
Nous voulons tout d’abord vous offrir nos sincères félicitations pour votre nomination au poste de ministre des Affaires étrangères. Le fait que vous ayez été choisi pour représenter les valeurs canadiennes au sein de la communauté internationale atteste de l’étendue de vos connaissances, de la richesse de votre expérience et de la qualité de votre engagement au service de notre grand pays.
Nous vous écrivons pour vous faire part de notre profonde inquiétude au sujet du sort tragique qui continue d’être infligé aux chrétiens du Moyen-Orient et de l’Afrique. Tout en reconnaissant que plusieurs communautés religieuses et ethniques subissent des préjudices dans plusieurs pays, de nombreux observateurs relèvent depuis quelques années que les chrétiens sont soumis à une persécution religieuse qui dépasse globalement et en chiffres absolus ce qu’ont pu subir les autres groupes religieux.
Selon un reportage publié le 4 décembre 2010 dans le Toronto Star,
Presque tous les groupes de défense des droits de la personne et toutes les agences des gouvernements occidentaux qui observent la situation des chrétiens à travers le monde en arrivent pratiquement à la même conclusion : de 200 à 230 millions d’entre eux sont confrontés chaque jour à des menaces de mort, de coups, d’emprisonnement et de torture, et de 350 à 400 millions sont victimes de discrimination dans des domaines comme l’emploi et le logement.
Le 26 février dernier, le Pew Research Center a publié des observations confirmant que les chrétiens de partout dans le monde font l’objet de plus de persécutions, de restrictions, d’hostilité et de harcèlement que tout autre groupe religieux (Latest Trends in Religious Restrictions and Hostilities; http://www.pewforum.org/). L’Aide à l’Église en Détresse, qui publie régulièrement des études approfondies sur la situation de la liberté religieuse dans le monde, en arrive à des conclusions semblables. Son dernier rapport, publié en 2014, indique que les chrétiens demeurent la religion la plus persécutée dans le monde et que les niveaux de persécution les plus graves sont observés dans plusieurs pays du nord de l’Afrique, du Moyen-Orient et dans une bonne partie de l’Asie (Religious Freedom in the World Report – 2014; http://religion-freedom-report.org.uk/full-report/).
Le pape François a fait appel plusieurs fois à la communauté internationale de protéger les chrétiens et les autres minorités victimes de persécution au Moyen-Orient. Le 25 septembre dernier, devant l’Assemblée générale des Nations Unies, il a réitéré ses « appels incessants concernant la douloureuse situation de tout le Moyen-Orient, du nord de l’Afrique et d’autres pays africains, où les chrétiens, avec d’autres groupes culturels ou ethniques, y compris avec les membres de la religion majoritaire qui ne veulent pas se laisser gagner par la haine et la folie, ont été forcés à être témoins de la destruction de leurs lieux de culte, de leur patrimoine culturel et religieux, de leurs maisons comme de leurs propriétés, et ont été mis devant l’alternative de fuir ou bien de payer de leur propre vie, ou encore par l’esclavage, leur adhésion au bien et à la paix. »
Observant la façon dont les chrétiens sont persécutés au Moyen-Orient, le rabbin Jonathan Sacks, ancien grand rabbin des United Hebrew Congregations of the Commonwealth, qui intervenait devant la Chambre des lords britanniques le 16 juillet 2015, a appelé « les croyants de toutes les allégeances et aussi les non-croyants » à « serrer les rangs… car nous sommes tous en danger ». Le pape François et le rabbin Sacks parlent tous les deux de génocide pour décrire la persécution infligée aux chrétiens dans certaines régions du Moyen-Orient et de l’Afrique.
De l’Égypte à l’Iran et de l’Irak au Nigeria, les communautés chrétiennes vivent différentes formes de persécution, de la discrimination à l’intimidation de la part des populations locales aux attaques de groupes terroristes contre des églises. Dans certains pays, la situation a provoqué un véritable exode des chrétiens, ce qui constitue encore une autre tragédie étant donné que ces communautés existent depuis des millénaires dans une région qui est le berceau du christianisme.
Nous comprenons que vous devez composer avec une liste écrasante d’impératifs politiques divergents. Néanmoins, nous demandons humblement au gouvernement du Canada pour que la priorité soit donnée à la défense des communautés chrétiennes menacées du Moyen-Orient et de l’Afrique et d’explorer des façons nouvelles et efficaces de leur fournir une assistance diplomatique et humanitaire capable d’atténuer leurs souffrances.
Nous vous remercions sincèrement, Monsieur le Ministre, de l’attention que vous porterez à cette urgente et tragique question, et nous attendons vos réflexions à ce sujet.
Les attentats de Paris selon Rémi Brague
Cette semaine j’ai eu la chance de rencontrer monsieur Rémi Brague, de passage à Montréal où il donnait une conférence sur les fondements de la loi à la Faculté de Science religieuse de l’Université McGill. Professeur, historien de la philosophie, spécialiste de la philosophie médiévale arabe, juive et grecque, il est aujourd’hui professeur émérite de l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne ainsi qu’à la Ludwig-Maximilian Universität de Munich. Il est également membre de l’Institut. En 2012, il recevait le prestigieux prix Ratzinger pour sa contribution à la théologie qu’il reçut des mains de Benoît XVI lui-même. Je vous présente ici l’intégrale de l’entrevue que j’ai réalisée avec lui sur les attentats de Paris et que vous pouvez visionner en partie ici. Vous reconnaîtrez sans doute le ton ironique de plusieurs des expressions utilisées.
Pouvez-vous nous donner vos réactions face aux attentats de Paris?
En gros je suis contre! Je trouve que c’est franchement mal élevé d’avoir fait cela. J’espère que ça ne se reproduira pas mais d’un autre côté, j’ai bien peur de ne pas avoir été surpris. Ça devait arriver et je suppose que ça va continuer! Les causes étant profondes et lointaines, il faudrait les traiter de manière moins anecdotique disons que simplement par des frappes aériennes ou par des opérations de police. Même si les deux sont sans doute utiles à court terme.
Vous venez d’affirmer que ces attentats étaient prévisibles… Qu’est-ce qui a pu mener à cela?
C’est vraiment une question qu’il faudrait traiter à différentes échelles. Il y a des causes assez proches qui sont, par exemple, le désarroi des jeunes de banlieue (comme on dit). Il y a les causes les plus lointaines qui remontent à 622 très exactement, c’est-à-dire aux origines de l’Islam et à la manière dont Mahomet n’a pas hésité à se débarrasser de ses adversaires par des procédés qui ressemblent étrangement à ceux qui sont mis en œuvre maintenant même si les moyens techniques ont, bien entendu, changé. En effet, il n’a pas hésité à envoyer des assassins le débarrasser de ses adversaires. Des gens qui s’étaient moqués de lui en particulier et qui avaient mis en doute sa mission prophétique. Le gros problème que je vois avec l’Islam en tant que tel c’est qu’il permet de légitimer ce qui de notre point de vue sont des crimes à savoir voler, violer et tuer. Il réussit à justifier ça par le « bel exemple ». C’est une expression qui est dans le Coran, c’est-à-dire « le bel exemple du prophète ». Je crois que c’est la seule religion qui fasse cela soit arriver à relier directement le crime à la « sainteté » puisque ces crimes sont supposés avoir été commandités en dernière analyse par ce qu’il y a de plus saint dans le monde à savoir Dieu Lui-même.
Pour les autres religions (qui ne sont pas non plus innocentes dont le christianisme), c’est plus difficile. On est obligé de se livrer à de multiples contorsions. Par exemple, on ne peut pas déduire les croisades ou l’Inquisition à partir du Sermon sur la montagne ou alors il faut vraiment faire preuve d’une perversité intellectuelle assez exceptionnelle. Alors entre les deux, l’Islam dont se réclament ces « charmants espiègles » qui le connaissent aussi bien que leurs adversaires et en particulier aussi bien que les musulmans que nous appelons « modérés » et la situation de délaissement, d’abandon, d’oubli presque de la situation dans laquelle se trouve nos banlieues, il y a toute une série de causes intermédiaires. La situation au Moyen-Orient étant l’une de celles-ci mais n’étant certainement pas la seule. Donc, il faudrait une médication à court, moyen et long terme, ce dernier étant la réflexion des musulmans eux-mêmes sur ce qu’implique leur Islam.
Considérez-vous qu’en général l’Occident répond bien à la situation?
Négativement déjà, je dois quand même constater que la manière dont les autorités politiques, intellectuelles et même parfois, hélas, spirituelles de l’Occident répondent est, pour dire les choses gentiment « inadéquate » et pour le dire méchamment « ridicule ». Évoquer la « laïcité » comme un mantras, évoquer les « valeurs de la République » (dont personne ne sait exactement ce qu’elles sont !), sont des choses qui ne peuvent que susciter, chez un musulman un peu conscient de sa religion, que le mépris… un mépris de fer. En effet, que sont les lois de la République quand on les compare à ce que Dieu a dicté, à ce que Dieu a littéralement dicté à son prophète. Aucune décision émanant d’une instance humaine ne fait le poids contre la parole de Dieu. Donc parler de « laïcité », ce dont d’ailleurs personne ne sait très bien ce que ça veut dire… Je ne sais pas si vous avez déjà essayé de traduire le mot « laïcité » dans une autre langue que le français (pas le français de ce côté de l’Atlantique mais le français hexagonale si je puis dire) ? Ça ne veut rien dire!
Le problème que nous pose notre ennemi si je puis dire, puisque nous sommes en guerre nous a-t-on expliqué, c’est le problème qui est posé par la célèbre épigraphe que Carl Schmitt avait choisie pour définir l’essence du politique en citant un vers du poète Theodor Däubler: « L’ennemi c’est notre propre question mais qui a pris une figure concrète » (« unsere eigene Frage als Gestalt » dit-il en allemand). Le problème qui est posé est que nous sommes d’une certaine manière notre propre ennemi par la façon dont notre culture (depuis déjà quelque temps, peut-être même quelques siècles en tout cas depuis quelques dizaines d’années puisqu’il semble que cela s’est accéléré depuis disons 30-40ans) scie, avec beaucoup de talent, la branche sur laquelle elle est assise. Je renvoie, si vous voulez, l’Occident à ses propres problèmes. J’ai eu d’ailleurs l’occasion de poser la question à la fin d’un entretien qui vient d’être publié dans Le Point de lundi dernier avec le romancier marocain et très talentueux Tahar Ben Jelloun dans lequel je dis à l’Occident :
« Vous avez peur d’être submergés par des vagues d’immigrés mais vous ne faites pas d’enfants donc de quoi vous plaignez-vous ? ». « Vous regardez avec un regard mélangé de haine et d’envie ces gens qui n’hésitent pas à se faire sauter pour leur religion et vous passez votre temps à cracher sur vos propres traditions religieuses alors de quoi vous plaignez-vous ? Balayez un petit peu devant votre porte au lieu de démoniser votre ennemi. Essayez de voir s’il n’y aurait peut-être pas des raisons de vous mépriser ? ».
Pour finir sur une note plus positive, à travers tout cela qu’elle est votre espérance ?
Je crois que vous avez tout à fait raison de parler d’espérance puisque c’est une vertu théologale qu’il ne faut pas confondre avec l’espoir et encore moins avec, comme le disait Bernanos, ce que « les imbéciles heureux appellent l’optimisme » (Les grands cimetières sous la lune, 1938). Ce que l’on peut peut-être attendre serait une prise de conscience de l’Occident, une manière de se «dessaouler» si je puis dire face, d’une part, aux problèmes internes qu’il connaît (je viens d’en nommer au moins deux) et puis, d’autre part, face à ce qu’est l’Islam, ce qu’est sa prétention, son message, son appel. C’est d’ailleurs un des sens de la lettre « D » qui commence le mot « DAECH ». Ce n’est pas simplement « Daoula » qui signifie « État » mais c’est aussi « Dawa » qui signifie « mission ».
Qu’est-ce que l’Islam propose vraiment ? Comment il se comprend vraiment lui-même ? Là où il est bien conscient de lui-même, là où il n’est pas simplement comme une vague culture ou de vagues mœurs ou de vagues habitudes d’une part. D’autre part, qu’est-ce que c’est vraiment que l’Occident ? Est-ce que c’est seulement le « fastfood » ? Est-ce que c’est seulement la musique rock ? Est-ce que c’est seulement la libéralisation des mœurs et tout ce que cela entraîne ? Est-ce que ce n’est que cela ? Ou est-ce que l’Occident n’aurait pas des sources plus profondes auxquelles il ne serait peut-être pas impossible de retourner et d’y puiser.
Les chrétiens du Moyen-Orient selon Sami Aoun
Voici l’intégrale de l’entrevue que j’ai réalisée vendredi dernier avec Sami Aoun, professeur titulaire de politique appliquée à l’Université de Sherbrooke, directeur de l’Observatoire sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord et cofondateur de l’Observatoire sur la radicalisation et la violence extrême et qui a gentiment accepté de répondre à quelques unes de mes questions lors de la conférence de presse à Montréal de Mor Ignatius Aphrem II, Patriarche orthodoxe d’Antioche en lien avec la crise syrienne. La question des chrétiens et des minorités au Moyen-Orient est au cœur de ses intérêts. Il a publié de nombreux ouvrages sur le sujet tels que : Après le choc; Moyen-Orient : incertitudes, violences et espoirs et l’Islam entre tradition et modernité.
Question 1 : Pouvez-vous nous décrire la situation actuelle des chrétiens au Moyen-Orient?
Elle est tragique en ce sens que toutes les populations souffrent. Il y a des guerres au Proche-Orient qui font s’effondrer la mosaïque, c’est-à-dire le pluralisme interculturel et interreligieux. Par contre, c’est surtout les minorités qui payent un prix plus élevé. Plus que les majorités même s’il est vrai que c’est une grande souffrance pour tout le monde. C’est que les minorités risquent d’être éradiquées, déracinées tandis que les autres pourraient avoir les moyens de survivre après les tragédies. Les minorités, on le remarque bien, parfois elles sont harcelées provoquant leur déplacement ou leur déracinement. Ou encore elles sont exécutées. De plus, elles perdent leurs points de repère et leur mémoire collective quand on détruit leurs couvents ou leurs églises. En ce sens, c’est certainement tragique pour tout le monde mais les minorités, surtout les minorités chrétiennes en pâtissent plus.
Question 2 : Comment décririez-vous le rôle qu’un chef religieux tel que le patriarche orthodoxe peut jouer sur le terrain ?
Certes, les autorités ou instances patriarcales ou religieuses en général sont coincées entre le marteau et l’enclume. D’un côté, ils ne peuvent faire l’éloge du despotisme et fermer les yeux sur les horreurs des régimes qui ont manqué à leurs devoirs de s’engager à la démocratisation et à la libéralisation de leur pays et d’assurer un état de droit pour tout le monde, surtout le droit à la différence et à la liberté de conscience. Mais de l’autre côté, ils se trouvent devant un monstre : la barbarie du fanatisme et la barbarie des groupes radicaux. En ce sens, ils ont la grande responsabilité de dire la vérité et de témoigner pour la cause de leur peuple et pour la cause, surtout, de toute la société et pas seulement des chrétiens.
Malheureusement, quand vous vivez dans des sociétés en proie aux conflits, et qui sont à feu et à sang, ces instances religieuses perdent parfois leur autonomie et adoptent un discours teinté de tolérance et de compréhension. Et elles perdent peu à peu de l’importance ou pèsent peu dans les décisions politiques. Elles peuvent représenter une référence morale mais n’ont plus vraiment de poids dans les décisions politiques. [Read more…]
Catholiques et musulmans au Canada : croyants et citoyens dans la société
LETTRE D’INTRODUCTION
par Mgr Paul-André Durocher
Archevêque de Gatineau et
Président de la Conférence des évêques catholiques du Canada
sur la brochure Catholiques et musulmans au Canada : croyants et citoyens dans la société
publiée par la Commission épiscopale pour l’unité chrétienne,
les relations religieuses avec les juifs et le dialogue interreligieux
Chers frères et sœurs dans le Christ,
La Commission épiscopale pour l’unité chrétienne, les relations religieuses avec les juifs et le dialogue interreligieux de notre Conférence a publié une ressource intitulée Catholiques et musulmans au Canada : croyants et citoyens dans la société. La brochure vise à aider les catholiques du Canada à mieux comprendre leurs voisins musulmans. Notre pays est riche d’une magnifique mosaïque de cultures et de religions, et les évêques catholiques du Canada désirent y favoriser la compréhension et le dialogue entre les diverses populations.
Le christianisme et l’Islam sont les deux groupes religieux les plus nombreux du monde. Pour notre propre bien et pour le bien de toute l’humanité, nous devons apprendre à vivre en harmonie les uns avec les autres, et le Canada peut certainement jouer un rôle important comme modèle de cette relation harmonieuse. Dans ce but, il est essentiel de nous connaître les uns les autres. C’est dans cet espoir que la Conférence des évêques catholiques du Canada présente sa nouvelle ressource. Sa portée est limitée; elle n’approfondit pas nos différences théologiques, et elle ne commente pas non plus la situation géopolitique actuelle. Toutefois, elle constitue une étape importante que nous pouvons tous franchir pour répondre à l’invitation de saint Paul : « Recherchons donc ce qui contribue à la paix, et ce qui construit les relations mutuelles. » (Romains 14, 19)
La première partie présente les origines de l’Islam, ses principaux courants actuels ainsi que ses ressemblances et ses différences par rapport au christianisme. La deuxième partie donne un aperçu de l’historique et de l’état actuel du dialogue interreligieux entre catholiques et musulmans, au niveau international et national, et se termine par quelques suggestions sur ce que chacun peut faire pour contribuer à ce dialogue.
Comme le pape François l’a magnifiquement proclamé dans son exhortation apostolique Evangelii Gaudium, nous sommes appelés par notre baptême à être les bâtisseurs d’une société juste et paisible :
« En annonçant Jésus Christ, qui est la paix en personne (cf. Ep 2, 14), la nouvelle évangélisation engage tout baptisé à être instrument de pacification et témoin crédible d’une vie réconciliée. C’est le moment de savoir comment, dans une culture qui privilégie le dialogue comme forme de rencontre, projeter la recherche de consensus et d’accords, mais sans la séparer de la préoccupation d’une société juste, capable de mémoire, et sans exclusions. [no 239]
+ Paul-André Durocher
Archevêque de Gatineau et
Président de la Conférence des évêques catholiques du Canada
Vous pouvez vous procurer le document sur la page web de la CECC au lien suivant: https://esubmitit.sjpg.com/cccb/index.aspx?component=ProductDetails&id=184-892
Le Premier Synode des Évêques pour le Moyen-Orient a Rome (I)
Synode des évêques pour le Moyen-Orient: Signification et importance
« Franchir le meme seuil ensemble », tel est la désignation du mot «Synode » (Σύνοδος), qui n’est autre que le doublet d’origine grecque classique-attique du mot français « concile ». Dans l’Église catholique, ce concept institué en 1965 par le pape Paul VI à l’issu du concile Vatican II consiste en fait en une assemblée locale, régionale, provinciale d’évêques qui se réunissent pour s’assurer que l’Église vit pleinement sa mission. Au Moyen-Orient, il s’agit d’une communion de 7 églises entre elles et avec l’Eglise catholique universelle. Chacune de ces dernières est assignée à un pasteur appelé Patriarche, et est gouvernée par le Synode qui décide de sont sort et élit son Patriarche ainsi que ses évêques.
L’Assemblée spéciale des évêques pour le Moyen-Orient qui s’est tenue au Vatican du 10 au 24 octobre 2010 est un évènement historique d’une grande envergure, aussi bien pour les 7 églises catholiques moyen-orientales, pour tous les Chrétiens du Moyen-Orient que pour l’Eglise Universelle. D’autre part, ce premier Synode est également important pour les autres confessions du Moyen-Orient, car il concerne le présent et le futur de tous les membres d’une même famille qui habite cette région depuis l’aube des temps. Juifs, Chrétiens et Musulmans y trouvent tous leurs origines confessionnelles. Toutefois, il est erroné de limiter la définition des peuples du Moyen-Orient uniquement à leur croyance religieuse, car il existe d’autres facteurs qui leur confère leur identité moyen-orientale, a commencer par la géographie qui joue un grand rôle dans le développement d’une culture moyen-orientale unique mais qui se caracterise par une riche diversité. [Read more…]