Un évêque canadien avec le Pape au Pérou

Du 18 au 21 janvier 2018, le pape François sera en voyage apostolique au Pérou. Lors de son passage dans ce pays, le successeur de Pierre visitera l’Église et la société péruvienne toute entière. Pour l’occasion, le pape François a expressément demandé à la Conférence des évêques du Canada d’envoyer un représentant. C’est Mgr Christian Lépine, archevêque de Montréal, qui a été désigné puisque Mgr Lionel Gendron, actuel président de la CECC, ne pouvait s’y rendre étant en Israël au même moment. J’ai eu le plaisir de m’entretenir avec Mgr Lépine avant son départ pour le Pérou prévu pour le mercredi le 17 janvier prochain.

Selon l’archevêque de Montréal, le Pape désire s’inscrire dans la continuité avec saint Jean-Paul II pour qui « il était important de garder une vision unitaire de l’Amérique ». En effet, bien qu’étant divisée en trois hémisphères distincts, l’Amérique doit prendre conscience des éléments communs du continent américain. Constructeur de pont de paix, s’il en est un, le pape François sait que l’avenir et la paix internationale passe par le fait de souligner ce qu’il y a de commun entre les peuples. L’Église canadienne doit donc se sentir spécialement concernée par ce voyage du pape au Chili et au Pérou, d’où la demande papale d’envoyer sur place un représentant des évêques canadiens. Cela permettra, à la fois, de témoigner de la solidarité canadienne envers les enjeux que vivent nos frères et sœurs du sud, et à la fois de s’inspirer de la vitalité et des innovations sociales et ecclésiales de ce pays latino-américain.

Mgr Christian Lépine fera donc partie de ce marathon de prière, de dialogue et de rencontres que sont les voyages apostoliques du pape François. Tout comme ses frères évêques péruviens, il affirme être spécialement touché par les grandes priorités que s’est données le Pape lors de ce voyage. Promouvoir la paix, la justice et laisser le Christ faire surgir en nous l’espérance sont des défis pour le monde entier. Ainsi, cette visite au Pérou peut nous inspirer nous aussi.

La sollicitude du Pape envers les autochtones et les questions environnementales de la région de l’Amazonie sont pour le pape les éléments clefs de ce voyage apostolique. Selon radio-Vatican,  « Plusieurs attendent une homélie importante du pape François sur la question amazonienne. Elle offrira des orientations fortes aux travaux préparatoires au Synode sur l’Amazonie ».

Enfin, lorsqu’on lui demande ce qu’il pourra éventuellement retirer d’une telle expérience, Mgr Lépine souligne que cela lui permettra certainement de se rapprocher de toutes les communautés latino de son archidiocèse : « Mon expérience en Italie m’a beaucoup aidé à me rapprocher des communautés italiennes de mon diocèse. Je suis certain que la même chose va se produire avec les diocésains latino-américains. Je dois donc dès maintenant intensifier mon apprentissage de l’espagnol! »

Dès son retour, Mgr Lépine sera en studio pour nous faire le récit de son voyage. D’ici là, restez à l’antenne de Sel et Lumière pour suivre le voyage du Pape au Chili et au Pérou dans le cadre de notre programmation spéciale et exclusive.

Église en sortie 12 janvier 2018

Cette semaine à Église en sortie, Francis Denis reçoit le journaliste et écrivain Jean-Claude Guillebaud qui nous parle de la révolution médiatique ainsi que de son itinéraire spirituel. On vous présente un reportage sur l’événement de l’archidiocèse de Montréal: « À la suite de Maisonneuve, 375 ans plus tard! ». Et on s’entretient avec Mgr Paul-André Durocher, archevêque de Gatineau sur l’histoire et la réalité présente de son église particulière.

Moines de Tibhirine : une première reconnaissance pour le martyre de « l’offrande de la vie » ?

Depuis la sortie du film « Des hommes et des dieux », le monde entier connaît l’histoire des sept moines trappistes assassinés en Algérie le 21 mai 1996. Dès le départ, le sensus fidei du Peuple de Dieu avait discerné la sainteté de vie nécessaire à un tel don de soi. Toutefois l’Église, dans sa grande sagesse, opte pour une procédure plus stricte soit celle d’un procès en bon et due forme qui peut prendre de nombreuses années. L’année dernière, alors qu’on fêtait le 20e anniversaire de cet événement tragique, plusieurs se sont posés la question de l’éventuelle béatification/canonisation des moines. Ce n’est que la semaine dernière que les rumeurs se sont accentuées après que le postulateur de la cause, le frère Thomas Georgeon, ait confié à « Mondo e missione » que le décret de béatification pourrait être signé au mois de janvier. Connaissant l’obéissance des moines, on peut être certain qu’une telle information n’aurait pu être transmise sans l’autorisation préalable de la Congrégation pour la cause des saints.

Pour en savoir davantage, j’ai rencontré Dom André Barbeau. Actuellement père Abbé du monastère de Val Notre-Dame, Dom Barbeau fut durant plusieurs années père Abbé du monastère d’Aiguebelle, maison fondatrice d’un autre monastère, celui de Tibhirine. Nommé là-bas quelques jours après la mort des 7 moines, c’est à lui qu’avait été confiée la grande responsabilité des moines de Tibhirine en Algérie. Lors des commémorations  du 20e anniversaire de la mort des frères, il était sur place en Algérie avec le postulateur de la cause. Voici l’essentiel de mon entretien avec lui lors de ma visite à Val Notre-Dame.

Quel fut votre rôle dans ce procès de béatification ?

Dom Barbeau : De mon côté, j’ai eu comme premier travail de réunir les archives. Lors de chaque voyage à Tibhirine, je ramenais une valise remplie de documents concernant la communauté.  Si bien que j’ai réussi à réunir l’ensemble de ce qui se trouvait là-bas. Les frères écrivaient beaucoup. Ils recevaient beaucoup de lettres et entretenaient une grande correspondance. J’ai donc numérisé et publié tous les textes: les chapîtres et les homélies de Christian, le journal et les homélies de Christophe. À mesure que je les lisais et les transcrivais, j’étais frappé par la qualité, la profondeur et la pertinence théologique de la théologie des religions de Christian De Chergé.

Où en est le procès à l’heure actuelle ?

Dom André Barbeau : D’abord, il ne s’agit pas uniquement du procès des 7 frères trappistes mais des 19 martyrs d’Algérie. Comme il y avait dans le groupe un évêque, le libellé de la cause officielle est « Mgr Claverie et ses compagnons ».

À l’heure actuelle, tout est dans les mains de la Congrégation pour la Cause des saints. Au mois d’août dernier, le postulateur de la cause, qui est un moine trappiste français, a remis la depositio (document final) au Vatican. L’étude des écrits des frères a été fait par deux censeurs dont le théologien Gilles Routhier ainsi qu’un professeur de l’Université de Marseille où fut également ouverte une Chaire Tibhirine. Par contre, le cas de la reconnaissance de mes sept frères de Tibhirine posait un problème particulier.

Prenons par exemple, saint Maximilien Kolbe. Il n’est pas un martyr mais un saint puisqu’il n’a pas perdu sa vie par haine de la foi. Il a donné sa vie par amour pour une autre personne. Au procès de béatification cela n’a pas été un problème mais au procès de canonisation, il ne fut pas reconnu comme martyr.

« C’est par amour pour le peuple qu’ils sont restés et qu’ils ont été tués. »

On ne peut donc pas les définir comme martyrs puisqu’ils ne sont pas morts par haine de la foi : ce qui était encore jusqu’à l’année dernière la définition stricte du martyre. C’est par amour pour le peuple qu’ils sont restés et qu’ils ont été tués. Ce n’est pas par haine de la foi. Dom Barbeau a rencontré plusieurs membres de la famille qui étaient un peu scandalisés par le fait qu’ils ne soient pas reconnus comme martyrs.

L’innovation récente du pape François pour ouvrir une quatrième « voie » de reconnaissance du martyre par « l’offrande libre et volontaire de la vie et l’acceptation héroïque propter caritatem d’une mort certaine et à court terme… »  peut-elle, selon vous, aider la cause des moines de Tibhirine ?

Dom André Barbeau : La quatrième voie que le Pape a ouverte est une magnifique nouveauté qui va permettre la sainteté de tous ceux qui sont restés au Moyen-Orient (Irak, Syrie, Iran, etc.). Qui sont restés par amour pour leur peuple et l’église locale!

Comme je vous l’ai dit, le dossier est déjà sur la table de la Congrégation depuis un bon moment. Aucune modification ne peut y être apportée. Par contre, ce nouveau critère pour la reconnaissance des martyrs fait en sorte que celle-ci peut jeter un regard nouveau sur le dossier et, peut-être, faciliter leur reconnaissance comme martyrs.

Cela peut également permettre une reconnaissance plus rapide. En effet, reconnaître le martyre « en haine de la foi » peut poser des problèmes diplomatiques et de relations avec l’Algérie ou d’autres pays. Par exemple, il y a déjà la cause des martyrs de Chine : 33 moines qui furent promenés à travers toute la Chine attachés à des fils de fer. Tout est documenté mais à cause de relations politiques et diplomatiques difficiles entre la Chine et le Vatican, tout est retardé.

Pour l’Algérie, cela n’est pas simple non plus mais, -et je crois qu’il a de cela derrière la décision du Pape-, cette nouvelle façon de faire permet de reconnaître leur dévouement et leur don de soi sans stigmatiser le peuple algérien et leur gouvernement. Ils ont choisi de rester au nom de l’Amour de Dieu et du peuple. Et, au nom de cette espérance, ils ont fait le sacrifice ultime. Cette nouvelle perspective empêche l’interlocuteur de se sentir menacé. Ainsi, on vient de contourner la partie problématique qui pouvait faire retarder le processus de béatification/canonisation. C’est très habile et très jésuite! Normalement le postulateur s’attend à ce que le décret de reconnaissance du martyre soit signé d’ici avril prochain 2018. 

Dans les prochaines semaines, nous poursuivrons cet entretien avec Dom André Barbeau. On y apprendra des choses fascinantes sur l’histoire de la Communauté de Tibhirine après la tragédie de 1996.

Discours du pape François à l’occasion des voeux du corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège

CNS/Paul Haring

Vous trouverez ci-dessous le discours du pape François à l’occasion des voeux du nouvel an du corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège:

Excellences
Mesdames et Messieurs,

Elle constitue une belle coutume, cette rencontre qui, en conservant encore vive dans les cœurs la joie de Noël, m’offre l’occasion de vous présenter personnellement les vœux pour l’année commencée depuis peu et de manifester ma proximité ainsi que mon affection aux peuples que vous représentez. Je remercie le Doyen du Corps Diplomatique, Son Excellence Monsieur Armindo Fernandes do Espiríto Santo Vieira, Ambassadeur de l’Angola, pour les paroles déférentes qu’il vient de m’adresser au nom de tout le Corps Diplomatique accrédité près le Saint-Siège. J’adresse une spéciale bienvenue aux Ambassadeurs venus de l’extérieur de Rome pour l’occasion, dont le nombre s’est accru suite aux relations diplomatiques nouées avec la République de l’Union du Myanmar, en mai dernier. De même, je salue les Ambassadeurs résidents à Rome toujours plus nombreux, parmi lesquels se trouve, à présent, l’Ambassadeur de la République de l’Afrique du Sud, tandis je voudrais dédier une pensée particulière à feu l’Ambassadeur de la Colombie, Guillermo León Escobar-Herran, décédé quelques jours avant Noël. Je vous remercie pour les relations fructueuses et constantes que vous entretenez avec la Secrétairerie d’État et avec les autres Dicastères de la Curie Romaine, en témoignage de l’intérêt de la communauté internationale pour la mission du Saint-Siège et pour l’engagement de l’Église catholique dans vos pays respectifs. Dans cette perspective se situe aussi l’activité du Saint-Siège concernant les Conventions, qui l’an dernier a vu la signature, au mois de février, de l’Accord Cadre avec la République du Congo et, au mois d’août, de l’Accord entre la Secrétairerie d’État et le Gouvernement de la Fédération Russe sur les voyages sans visa des titulaires de passeports diplomatiques.

Dans les relations avec les Autorités civiles, le Saint-Siège ne vise rien d’autre que de favoriser le bien-être spirituel et matériel de la personne humaine et la promotion du bien commun. Les voyages apostoliques que j’ai effectués au cours de l’année passée en Égypte, au Portugal, en Colombie, au Myanmar et au Bangladesh ont été une expression de cette sollicitude.

Je me suis rendu au Portugal, en pèlerin, lors du centenaire des apparitions de la Vierge à Fatima, pour célébrer la canonisation des pastoureaux Jacinthe et François Marto. J’ai pu y constater la foi remplie d’enthousiasme et de joie que la Vierge Marie a suscitée chez les nombreux pèlerins venus pour l’occasion. De même en Égypte, au Myanmar et au Bangladesh, j’ai pu rencontrer les communautés chrétiennes locales qui, bien que numériquement réduites, sont appréciées pour la contribution qu’elles offrent au développement et à la convivialité civile de leurs pays respectifs. Des rencontres avec les représentants des autres religions n’ont pas manqué, témoignant combien les spécificités de chacune ne sont pas un obstacle au dialogue, mais plutôt la sève qui l’alimente dans le désir commun de connaître la vérité et de pratiquer la justice. Enfin, en Colombie, j’ai voulu bénir les efforts et le courage de ce peuple bien-aimé, marqué par un ardent désir de paix après plus d’un demi-siècle de conflit interne.

Chers Ambassadeurs,

Au cours de cette année, aura lieu le centenaire de la fin de la première Guerre Mondiale : un conflit qui a remodelé le visage de l’Europe et du monde entier, avec la naissance de nouveaux États qui ont pris la place des anciens empires. Des cendres de la Grande Guerre, on peut tirer deux avertissements, que malheureusement l’humanité n’a pas su comprendre immédiatement, arrivant dans le laps d’une vingtaine d’années à affronter un nouveau conflit encore plus dévastateur que le précédent. Le premier avertissement, c’est que vaincre ne signifie jamais humilier l’adversaire défait. La paix ne se construit pas comme une affirmation du pouvoir du vainqueur sur le vaincu. Ce n’est pas la loi de la peur qui dissuade de futures agressions, mais plutôt la force de la raison douce qui encourage au dialogue et à la compréhension réciproque pour aplanir les différences (Cf. Jean XXIII, Lettre encyclique, Pacem in terris, 11 avril 1963, nn. 126-129). De cela découle le second avertissement : la paix se consolide lorsque les Nations peuvent traiter entre elles dans un climat de parité. Il y a un siècle – tout juste aujourd’hui –, le Président américain d’alors, Thomas Woodrow Wilson, l’a compris lorsqu’il a proposé la création d’une association générale des Nations destinée à promouvoir pour tous les États, indistinctement grands et petits, des garanties mutuelles d’indépendance et d’intégrité territoriale. Ainsi ont été jetées les bases de cette diplomatie multilatérale, qui a acquis progressivement au cours des années un rôle et une influence croissante au sein de la Communauté internationale tout entière.

Aussi bien les relations entre les Nations que les relations humaines « doivent […] [s’]harmoniser […] selon la vérité et la justice, en esprit d’active solidarité et dans la liberté » (Ibid., n. 80). Cela comporte « l’égalité naturelle de toutes les communautés politiques en dignité » (Ibid., n. 86), ainsi que la reconnaissance des droits mutuels, avec l’accomplissement des devoirs correspondants (cf. Ibid., n. 91). La condition fondamentale de cette attitude est l’affirmation de la dignité de chaque personne humaine, dont le mépris et la méconnaissance portent à des actes de barbarie qui offensent la conscience de l’humanité (cf. Déclaration universelle des droits de l’homme, 10 décembre 1948). D’autre part, « la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde » (Ibid., Préambule), comme l’affirme la Déclaration universelle des droits de l’homme.

C’est à cet important document que, soixante ans après son adoption de la part de l’Assemblée Générale des Nations Unis, advenue le 10 décembre 1948, je voudrais consacrer notre rencontre d’aujourd’hui. Pour le Saint-Siège, en effet, parler des droits humains signifie, avant tout, proposer de nouveau la centralité de la dignité de la personne, en tant qu’elle est voulue et créée par Dieu à son image et à sa ressemblance. Le Seigneur Jésus lui-même, en guérissant le lépreux, en redonnant la vue à l’aveugle, en s’entretenant avec le publicain, en sauvant la vie à la femme adultère et en invitant à prendre soin du voyageur blessé, a fait comprendre combien chaque être humain, indépendamment de sa condition physique, spirituelle ou sociale, mérite respect et considération. Du point de vue chrétien, il y a donc une relation significative entre le message évangélique et la reconnaissance des droits humains, dans l’esprit des rédacteurs de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Ces droits trouvent leur fondement dans la nature qui objectivement unit le genre humain. Ils ont été proclamés pour faire tomber les murs de séparation qui divisent la famille humaine et favoriser ce que la doctrine sociale de l’Église appelle le développement humain intégral, puisqu’il concerne la promotion de chaque homme et de tout l’homme, jusqu’à comprendre l’humanité tout entière (cf. Paul VI, Lettre encyclique, Populorum progressio, 26 mars 1967, n. 14). Une vision réductrice de la personne humaine ouvre au contraire la voie à la propagation de l’injustice, de l’inégalité sociale et de la corruption.

Il faut, toutefois, constater qu’au cours des années passées, surtout suite aux bouleversements sociaux de ‘1968’, l’interprétation de certains droits s’est progressivement modifiée, de façon à inclure une multiplicité de ‘‘nouveaux droits’’, souvent en contradiction entre eux. Cela n’a pas toujours favorisé la promotion de relations amicales entre les Nations (cf. Déclaration universelle des droits de l’homme, Préambule), car des conceptions controversées des droits humains ont été exprimées, en contraste avec la culture de nombreux pays, qui ne se sentent pas par conséquent respectés dans leurs traditions socio-culturelles propres, mais plutôt négligés quant aux nécessités réelles qu’ils doivent affronter. Il peut donc y avoir le risque – paradoxal par certains côtés – que, au nom des mêmes droits humains, on en vienne à instaurer des formes modernes de colonisation idéologique des plus forts et des plus riches au détriment des plus pauvres et des plus faibles. En même temps, il convient d’avoir présent à l’esprit que les traditions de chaque peuple ne peuvent être évoquées comme un prétexte pour manquer au respect dû aux droits fondamentaux énoncés par la Déclaration universelle des droits humains.

Après soixante ans, il est regrettable de relever comment de nombreux droits fondamentaux sont aujourd’hui encore violés. Le premier d’entre tous ces droits est celui à la vie, à la liberté et à l’inviolabilité de chaque personne humaine (cf. Ibid., art. 3). Ce ne sont pas seulement la guerre ou la violence qui les compromettent. En notre temps, il y a des formes plus subtiles : je pense d’abord aux enfants innocents, rejetés avant même de naître ; non voulus parfois uniquement parce qu’ils sont malades ou malformés, ou à cause de l’égoïsme des adultes. Je pense aux personnes âgées, elles aussi bien des fois rejetées, surtout si elles sont malades, car considérées comme un poids. Je pense aux femmes, qui souvent subissent des violences et des abus y compris au sein de leurs propres familles. Je pense, ensuite, à ceux qui sont victimes de la traite des personnes qui viole la prohibition de toute forme d’esclavage. Que de personnes, surtout fuyant la pauvreté et la guerre, sont objet de ce commerce illicite perpétré par des sujets sans scrupules ?

Défendre le droit à la vie et à l’intégrité physique signifie, ensuite, promouvoir le droit à la santé de la personne et de ses proches. Aujourd’hui, ce droit à la santé a adopté des implications qui dépassent les intentions d’origine de la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui visait à affirmer le droit de chacun à bénéficier des soins médicaux et des services sociaux nécessaires (cf. ibid., art. 25). Dans cette perspective, je souhaite que, au niveau des instances internationales compétentes, on œuvre pour favoriser surtout un accès facile de tous aux soins et aux traitements sanitaires. Il est important d’unir les efforts afin qu’on puisse adopter des politiques en mesure de garantir, à des prix accessibles, la fourniture des médicaments essentiels pour la survie des personnes démunies, sans négliger la recherche et le développement des traitements qui, bien que n’étant pas économiquement importants pour le marché, sont déterminants pour sauver des vies humaines.

Défendre le droit à la vie implique également d’œuvrer activement pour la paix, universellement reconnue comme l’une des valeurs les plus hautes à rechercher et à défendre. Cependant de graves conflits locaux continent à embraser diverses régions de la terre. Les efforts collectifs de la communauté internationale, l’action humanitaire des organisations internationales et les demandes incessantes de paix, qui s’élèvent des terres ensanglantées par des combats, semblent toujours moins efficaces face à la logique aberrante de la guerre. Cette situation n’entame pas notre désir et notre engagement pour la paix, conscients que sans elle le développement intégral de l’homme est hors de portée.

Le désarmement intégral et le développement intégral sont étroitement liés entre eux. D’autre part, la recherche de la paix comme condition préalable au développement implique de combattre l’injustice et d’éradiquer, de manière non violente, les causes de désaccord qui conduisent aux guerres. La prolifération des armes aggrave clairement les situations de conflit et comporte des coûts humains et matériels considérables qui minent le développement ainsi que la recherche d’une paix durable. Le résultat historique atteint l’année dernière avec l’adoption du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, au terme de la Conférence des Nations Unies, visant à négocier un instrument juridiquement contraignant pour prohiber les armes nucléaires, montre combien le désir de paix est toujours vif. La promotion de la culture de paix en vue d’un développement intégral demande des efforts persévérants pour le désarmement et la limitation du recours à la force armée dans la gestion des affaires internationales. Je voudrais, par conséquent, encourager un débat serein et le plus ample possible sur la question, qui évite des polarisations de la communauté internationale sur un sujet aussi délicat. Tout effort dans ce sens, si modeste soit-il, représente un résultat important pour l’humanité.

Pour sa part, le Saint-Siège a signé et ratifié, également au nom et pour le compte de l’État de la Cité du Vatican, le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, dans la perspective exprimée par saint Jean XXIII dans Pacem in terris, selon laquelle « La justice, la sagesse, le sens de l’humanité réclament par conséquent, qu’on arrête la course aux armements ; elles réclament la réduction parallèle et simultanée de l’armement existant dans les divers pays, la proscription de l’arme atomique » (n. 112). En effet, « qu’il y ait des hommes au monde pour prendre la responsabilité des massacres et des ruines sans nombre d’une guerre, cela peut paraître incroyable ; pourtant, on est contraint de l’avouer, une surprise, un accident suffiraient à provoquer la conflagration » ( Ibid. n. 111).

Le Saint-Siège réaffirme donc la ferme conviction « que les éventuels conflits entre les peuples ne doivent pas être réglés par le recours aux armes, mais par la négociation » (Ibid., n. 126). D’autre part, précisément la fabrication ininterrompue d’armes toujours plus sophistiquées et plus ‘‘perfectionnées’’ ainsi que la persistance de nombreux foyers de conflit – de ce que j’ai, plus d’une fois, qualifié de ‘‘troisième guerre mondiale par morceaux’’ – ne peut que nous faire répéter avec force les paroles de mon saint Prédécesseur : « Il devient humainement impossible de penser que la guerre soit, en notre ère atomique, le moyen adéquat pour obtenir justice […] Néanmoins, il est permis d’espérer que les peuples, intensifiant entre eux les relations et les échanges, découvriront mieux les liens d’unité qui découlent de leur nature commune ; ils comprendront plus parfaitement que l’un des devoirs primordiaux issus de leur communauté de nature, c’est de fonder les relations des hommes et des peuples sur l’amour et non sur la crainte. C’est, en effet, le propre de l’amour d’amener les hommes à une loyale collaboration, susceptible de formes multiples et porteuse d’innombrables bienfaits » (Ibid., nn. 127-129).

Dans cette perspective, il est d’une importance primordiale qu’on puisse soutenir toute tentative de dialogue dans la péninsule coréenne, afin de trouver de nouvelles voies pour surmonter les oppositions actuelles, d’accroître la confiance réciproque et d’assurer un avenir de paix au peuple coréen et au monde entier.

De même, il est important qu’on puisse poursuivre, dans un climat constructif de confiance accrue entre les parties, les diverses initiatives de paix en cours en faveur de la Syrie, pour qu’on puisse finalement mettre fin au long conflit qui a affecté le pays et causé d’effroyables souffrances. Le souhait général est que, après tant de destructions, arrive le temps de la reconstruction. Mais plus encore que la reconstruction des édifices, s’avèrent nécessaires la reconstruction des cœurs, le retissage de la toile de la confiance réciproque, préalables indispensables pour l’épanouissement de toute société. Il faut donc travailler à favoriser les conditions juridiques, politiques et sécuritaires, pour une reprise de la vie sociale, où chaque citoyen, indépendamment de son appartenance ethnique et religieuse, puisse participer au développement du pays. En ce sens, il est vital que soient protégées les minorités religieuses, parmi lesquelles se trouvent les chrétiens, qui depuis des siècles contribuent activement à l’histoire de la Syrie.

Il est aussi important que puissent retourner dans leur patrie les nombreux réfugiés qui ont trouvé accueil et refuge dans les nations limitrophes, surtout en Jordanie, au Liban et en Turquie. L’engagement et les efforts accomplis par ces pays dans cette situation difficile mérite l’appréciation et le soutien de toute la communauté internationale, qui est en même temps appelée à œuvrer pour créer les conditions en vue du rapatriement des réfugiés provenant de la Syrie. C’est un engagement qu’elle doit concrètement prendre en commençant par le Liban, afin que ce pays bien-aimé continue à être un ‘‘message’’ de respect et de cohabitation ainsi qu’un modèle à imiter pour toute la région et pour le monde entier.

La volonté de dialogue est nécessaire également dans le bien-aimé Irak, pour que les diverses composantes ethniques et religieuses puissent retrouver le chemin de la réconciliation et de la cohabitation et collaboration pacifiques, tout comme au Yémen et dans d’autres parties de la région, ainsi qu’en Afghanistan.

J’adresse une pensée particulière aux Israéliens et aux Palestiniens, suite aux tensions des dernières semaines. Le Saint-Siège, en exprimant sa douleur pour ceux qui ont perdu la vie dans les récents affrontements, renouvelle son appel pressant à pondérer toute initiative afin qu’on évite d’exacerber les oppositions, et il invite à un engagement commun à respecter, en conformité avec les Résolutions pertinentes des Nations Unies, le status quo de Jérusalem, ville sacrée pour les chrétiens, les juifs et les musulmans. Soixante-dix ans d’affrontements rendent plus que jamais urgent de trouver une solution politique qui permette la présence dans la région de deux États indépendants dans des frontières internationalement reconnues. Même au sein des difficultés, la volonté de dialoguer et de reprendre les négociations reste le principal chemin pour arriver finalement à une cohabitation pacifique des deux peuples.

De même dans des contextes nationaux, l’ouverture et la disponibilité à la rencontre sont essentielles. Je pense surtout au bien-aimé Venezuela, qui traverse une crise politique et humanitaire toujours plus dramatique et sans précédent. Le Saint-Siège, alors qu’il exhorte à répondre sans tarder aux besoins primaires de la population, souhaite que soient créées les conditions afin que les élections prévues pour l’année en cours soient en mesure d’apporter une solution aux conflits existants, et qu’on puisse envisager l’avenir avec une sérénité retrouvée.

Que la communauté internationale n’oublie pas non plus les souffrances de nombreuses parties du Continent africain, spécialement au Sud-Soudan, en République Démocratique du Congo, en Somalie, au Nigéria et en République Centrafricaine, où le droit à la vie est menacé par l’exploitation abusive des ressources, par le terrorisme, par la prolifération de groupes armés et par des conflits persistants. Il ne suffit pas de s’indigner face à tant de violence. Il faut plutôt que chacun, dans son domaine propre, œuvre activement pour éradiquer les causes de la misère et pour construire des ponts de fraternité, condition fondamentale d’un développement humain authentique.

Un engagement commun pour reconstruire les ponts est urgent également en Ukraine. L’année qui vient de s’achever a connu de nouvelles victimes dans le conflit qui affecte le pays, en continuant à infliger de grandes souffrances à la population, en particulier aux familles qui résident dans les zones touchées par la guerre et qui ont perdu des proches, souvent des personnes âgées et des enfants.

Je voudrais précisément dédier à la famille une pensée spéciale. Le droit de former une famille, en tant qu’« élément naturel et fondamental de la société [qui] a le droit à la protection de la société et de l’État » (Déclaration universelle des droits de l’homme), est en effet reconnu par la Déclaration de 1948 elle-même. Malheureusement, on sait comment, surtout en Occident, la famille est considérée comme une institution dépassée. À la stabilité d’un projet définitif, on préfère de nos jours des liens fugaces. Mais une maison construite sur le sable des relations fragiles et instables ne tient pas. Il faut plutôt une roche, sur laquelle ancrer des bases solides. Et la roche est précisément cette communion d’amour, fidèle et indissoluble, qui unit l’homme et la femme, une communion qui a une beauté austère et simple, un caractère sacré et inviolable et une fonction naturelle dans l’ordre social (cf. Paul VI, Discours à l’occasion de la visite à la Basilique de l’Annonciation, Nazareth, 5 janvier 1964). Je juge, par conséquent, urgent qu’on entreprenne de réelles politiques de soutien aux familles, dont par ailleurs dépendent l’avenir et le développement des États. Sans cette politique, en effet, on ne peut pas construire des sociétés en mesure d’affronter les défis de l’avenir. Le désintérêt pour les familles entraîne, en outre, une autre conséquence dramatique – et particulièrement actuelle dans certaines régions – qui est la baisse de la natalité. On vit un véritable hiver démographique ! C’est le signe de sociétés qui ont du mal à affronter les défis du présent et qui deviennent donc toujours plus craintives face à l’avenir, en finissant par se replier sur elles-mêmes.

En même temps, on ne peut oublier la situation de familles brisées à cause de la pauvreté, des guerres et des migrations. Nous avons trop souvent sous nos yeux le drame des enfants qui, seuls, traversent les frontières séparant le sud du nord du monde, souvent victimes du trafic d’êtres humains.

Aujourd’hui, on parle beaucoup de migrants et de migrations, parfois juste pour susciter des peurs ancestrales. Il ne faut pas oublier que les migrations ont toujours existé. Dans la tradition judéo-chrétienne, l’histoire du salut est essentiellement une histoire de migrations. Il ne faut pas non plus oublier que la liberté de mouvement, tout comme celle de quitter son propre pays et d’y retourner, fait partie des droits fondamentaux de l’homme (cf. Déclaration universelle des droits de l’homme, art. 13). Il faut donc sortir d’une rhétorique répandue sur la question et aller au fait essentiel que devant nous, il y a d’abord et avant tout des personnes.

C’est ce que j’ai voulu réaffirmer par le Message pour la Journée Mondiale de la Paix, célébrée le 1er janvier dernier, consacré aux : ‘‘[Les] migrants et [les] réfugiés : des hommes et des femmes en quête de paix’’. Tout en reconnaissant qu’ils ne sont pas toujours tous animés des meilleures intentions, on ne peut pas oublier que la majorité des migrants préfèrerait rester dans leur propre pays, alors qu’elle se trouve contrainte à le quitter « à cause des discriminations, des persécutions, de la pauvreté et de la dégradation environnementale. […] Accueillir l’autre exige un engagement concret, une chaîne d’entraide et de bienveillance, une attention vigilante et compréhensive, la gestion responsable de nouvelles situations complexes qui, parfois, s’ajoutent aux autres problèmes innombrables déjà existants, ainsi que des ressources qui sont toujours limitées. En pratiquant la vertu de prudence, les gouvernants sauront accueillir, promouvoir, protéger et intégrer, en établissant des dispositions pratiques, « dans la mesure compatible avec le bien réel de leur peuple, …[pour] s’intégrer » (Pacem in terris, n. 106). Ils ont une responsabilité précise envers leurs communautés, dont ils doivent assurer les justes droits et le développement harmonieux, pour ne pas être comme le constructeur imprévoyant qui fit mal ses calculs et ne parvint pas à achever la tour qu’il avait commencé à bâtir (cf. Lc 14, 28-30)» (François, Message pour la 51ème Journée Mondiale de la Paix, 13 novembre 2017, n. 1).

Je voudrais de nouveau remercier les Autorités de ces États qui se sont prodigués au cours de ces années pour fournir une assistance aux nombreux migrants parvenus à leurs frontières. Je pense d’abord à l’engagement de nombreux pays en Asie, en Afrique et dans les Amériques, qui accueillent et assistent un grand nombre de personnes. Je garde encore vivante dans le cœur la rencontre que j’ai eue à Dacca avec quelques membres du peuple Rohingya et j’aimerais renouveler aux autorités du Bangladesh mes sentiments de gratitude pour l’assistance qu’elles offrent, sur leur propre territoire, à ces personnes.

Je voudrais ensuite exprimer une gratitude spéciale à l’Italie qui, ces années, a montré un cœur ouvert et généreux et a su aussi donner des exemples positifs d’intégration. Mon souhait est que les difficultés que le pays a traversées ces dernières années, et dont les conséquences persistent, ne conduisent pas à des fermetures et à des verrouillages, mais au contraire à une redécouverte de ces racines et de ces traditions qui ont nourri la riche histoire de la Nation et qui constituent un inestimable trésor à offrir au monde entier. De même, j’exprime mon appréciation pour les efforts accomplis par d’autres Etats européens, en particulier la Grèce et l’Allemagne. Il ne faut pas oublier que de nombreux réfugiés et migrants cherchent à rejoindre l’Europe parce qu’ils savent qu’ils pourront y trouver paix et sécurité, qui sont d’ailleurs le fruit d’un long cheminement né des idéaux des Pères fondateurs du projet européen après la seconde guerre mondiale. L’Europe doit être fière de ce patrimoine, fondé sur certains principes et sur une vision de l’homme qui plonge ses bases dans son histoire millénaire, inspirée par la conception chrétienne de la personne humaine. L’arrivée des migrants doit la pousser à redécouvrir son patrimoine culturel et religieux propre, de sorte que, reprenant conscience de ses valeurs sur lesquelles elle s’est édifiée, elle puisse en même temps maintenir vivante sa tradition et continuer à être un lieu accueillant, annonciateur de paix et de développement.

L’an passé, les gouvernements, les organisations internationales et la société civile se sont consultés réciproquement sur les principes de base, sur les priorités et sur les modalités les plus opportunes pour répondre aux mouvements migratoires et aux situations persistantes qui concernent les réfugiés. Les Nations Unies, suite à la Déclaration de New York pour les Réfugiés et les Migrants de 2016, ont initié d’importants processus de préparation en vue de l’adoption de deux Pactes Mondiaux (Global Compacts), respectivement sur les réfugiés et pour une migration sûre, ordonnée et régulière.

Le Saint Siège souhaite que ces efforts, grâce aux négociations qui s’ouvriront bientôt, conduisent à des résultats dignes d’une communauté mondiale toujours plus interdépendante, fondée sur les principes de solidarité et d’aide mutuelle. Dans le contexte international actuel, les possibilités et les moyens d’assurer à tout homme et à toute femme qui vit sur terre des conditions de vie dignes de la personne humaine ne manquent pas.

Dans le Message pour la Journée Mondiale de la Paix de cette année j’ai suggéré quatre ‘‘jalons’’ pour l’action : accueillir, protéger, promouvoir et intégrer (Ibid., n. 4). Je voudrais m’arrêter en particulier sur ce dernier, sur lequel s’affrontent différentes positions à la lumière d’autant d’évaluations, d’expériences, de préoccupations et de convictions. L’intégration est un “processus bidirectionnel”, avec des droits et des devoirs réciproques. Celui qui accueille est en effet appelé à promouvoir le développement humain intégral, alors qu’on demande à celui qui est accueilli de se conformer immanquablement aux normes du pays qui l’accueille, ainsi qu’au respect de ses principes identitaires. Tout processus d’intégration doit toujours maintenir au centre des normes qui concernent les divers aspects de la vie politique et sociale, la défense et la promotion des personnes, surtout de celles qui se trouvent dans des situations de vulnérabilité.

Le Saint Siège n’a pas l’intention d’interférer dans les décisions qui reviennent aux Etats, lesquels, à la lumière de leurs situations politiques, sociales et économiques respectives, et aussi des capacités propres et des possibilités d’hospitalité et d’intégration, ont la première responsabilité de l’accueil. Cependant, il estime nécessaire de jouer un rôle pour le “rappel” des principes d’humanité et de fraternité qui fondent toute société unie et harmonieuse. Dans cette perspective, il est important de ne pas oublier l’interaction avec les communautés religieuses, tant institutionnelles qu’au niveau associatif, qui peuvent jouer un rôle précieux de renfort dans l’assistance et la protection, de médiation sociale et culturelle, de pacification et d’intégration.

Parmi les droits humains que je voudrais rappeler aujourd’hui, il y a aussi le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, qui inclut le droit à la liberté de changer de religion (cf. Déclaration universelle des droits de l’homme, art. 18). On sait malheureusement combien le droit à la liberté de religion est souvent violé et la religion devient souvent ou l’occasion pour justifier idéologiquement de nouvelles formes d’extrémisme ou bien un prétexte à l’exclusion sociale, voire à des formes de persécutions des croyants. La construction de sociétés inclusives exige comme condition une compréhension intégrale de la personne humaine, qui peut se sentir vraiment accueillie quand elle est reconnue et acceptée dans toutes les dimensions qui constituent son identité, y compris religieuse.

Enfin, je souhaite rappeler l’importance du droit au travail. Il n’y a pas de paix ni de développement si l’homme est privé de la possibilité de contribuer personnellement, par son travail, à l’édification du bien commun. Il est regrettable de constater, au contraire, combien le travail est, en de nombreuses régions du monde, un bien rare. Peu nombreuses sont parfois les opportunités, surtout pour les jeunes, de trouver du travail. Il est souvent facile de le perdre non seulement à cause des conséquences de l’alternance des cycles économiques, mais aussi en raison du recours progressif à des technologies et à des machines toujours plus perfectionnées et plus précises, capables de remplacer l’homme. Et si, d’un côté, on constate une répartition inéquitable des offres de travail, de l’autre on relève la tendance à demander à celui qui travaille des rythmes toujours plus pressants. Les exigences du profit, dictées par la globalisation, ont conduit à une réduction progressive des temps et des jours de repos, avec comme résultat la perte d’une dimension fondamentale de la vie – celle du repos – qui permet à la personne de se refaire non seulement physiquement mais aussi spirituellement. Dieu lui-même s’est reposé le septième jour. Il l’a béni et l’a consacré « car il avait chômé après tout son ouvrage de création » (Gn 2, 3). Dans l’alternance du travail et du repos, l’homme participe à la “sanctification du temps” accomplie par Dieu et il ennoblit son travail, le soustrayant aux dynamiques répétitives d’un quotidien aride qui ne connaît pas d’arrêt.

En outre, les données publiées récemment par l’Organisation Mondiale du Travail sur l’augmentation du nombre d’enfants employés dans des activités de travail et du nombre des victimes des nouvelles formes d’esclavage sont un motif de particulière préoccupation. Le fléau du travail des mineurs continue de compromettre sérieusement le développement psycho-physique des enfants, les privant des joies de l’enfance, fauchant des victimes innocentes. On ne peut penser projeter un avenir meilleur, ni souhaiter construire des sociétés plus inclusives si l’on continue à maintenir des modèles économiques orientés vers le simple profit et l’exploitation des plus faibles, tels que les enfants. Eliminer les causes structurelles de ce fléau devrait être une priorité des gouvernements et des organisations internationales, appelés à intensifier leurs efforts pour adopter des stratégies intégrées et des politiques coordonnées visant à faire cesser le travail des mineurs sous toutes ses formes.

Excellences, Mesdames et Messieurs,

En rappelant certains des droits contenus dans la Déclaration Universelle de 1948, je n’entends pas omettre un aspect qui lui est strictement connexe : tout individu a aussi des devoirs envers la communauté, visant à « satisfaire aux justes exigences de la morale, de l’ordre public et du bien-être général dans une société démocratique » (Ibid., n. 29). Le juste rappel des droits de tout être humain doit tenir compte du fait que chacun fait partie d’un corps plus grand. Nos sociétés aussi, comme tout corps humain, jouissent d’une bonne santé si chaque membre accomplit sa tâche, conscient que celle-ci est au service du bien commun.

Parmi les devoirs particulièrement impérieux, il y a aujourd’hui celui de prendre soin de notre terre. Nous savons que la nature peut être en elle-même meurtrière même quand il n’y a pas de responsabilité de l’homme. Nous l’avons vu cette dernière année avec les tremblements de terre qui ont touché diverses régions, particulièrement ces derniers mois au Mexique et en Iran, causant de nombreuses victimes, tout comme avec la force des ouragans qui ont touché plusieurs pays des Caraïbes jusqu’à atteindre les côtes des Etats-Unis et qui, plus récemment, ont investi les Philippines. Cependant, il ne faut pas oublier qu’il y a aussi une importante responsabilité de l’homme dans l’interaction avec la nature. Les changements climatiques, avec la hausse générale des températures et les effets dévastateurs qu’elle entraîne sont aussi une conséquence de l’action de l’homme. Il convient donc de faire face, dans un effort commun, à la responsabilité de laisser aux générations qui suivront une terre plus belle et plus vivable, en œuvrant, à la lumière des engagements pris à Paris en 2015, pour réduire les émissions de gaz nocifs pour l’atmosphère et dangereux pour la santé humaine.

L’esprit qui doit animer chaque personne comme les nations dans ce travail, est comparable à celui des constructeurs des cathédrales médiévales qui constellent l’Europe. Ces édifices imposants racontent l’importance de la participation de chacun à une œuvre capable de franchir les limites du temps. Le constructeur de cathédrales savait qu’il ne verrait pas l’achèvement de son travail. Néanmoins, il se prodiguait activement, comprenant qu’il faisait partie d’un projet dont jouiraient ses enfants, qui – à leur tour – l’embelliraient et l’agrandiraient pour leurs enfants. Chaque homme et chaque femme de ce monde – et en particulier celui qui a la responsabilité de gouverner – est appelé à cultiver le même esprit de service et de solidarité intergénérationnel, et être ainsi un signe d’espérance pour notre monde tourmenté.

C’est avec ces considérations que je renouvelle à chacun de vous, à vos familles et à vos peuples les vœux d’une année riche de joie, d’espérance et de paix.

Merci.

Homélie du pape François pour la solennité de l’Épiphanie

Vous trouverez ci-dessous le texte de l’homélie du pape François pour la Solennité de l’Épiphanie telle que célébrée le 6 janvier 2018:

Trois gestes des Mages orientent notre marche à la rencontre du Seigneur qui se manifeste aujourd’hui comme lumière et salut pour tous les peuples. Les Mages voient l’étoile, ils marchent et ils offrent des présents.

Voir l’étoile. C’est le point de départ. Mais pourquoi, pourrions-nous nous demander, seuls les Mages ont-ils vu l’étoile ? Peut-être parce que peu nombreux sont ceux qui avaient levé le regard vers le ciel. Souvent, en effet, dans la vie on se contente de regarder vers le sol : la santé, un peu d’argent et quelques divertissements suffisent. Et je me demande : nous, savons-nous encore lever le regard vers le ciel ? Savons-nous rêver, désirer Dieu, attendre sa nouveauté ; ou bien nous laissons-nous emporter par la vie comme un rameau sec au vent ? Les Mages ne se sont pas contentés de vivoter, de surnager. Ils ont eu l’intuition que, pour vivre vraiment, il faut un but élevé et pour cela il faut avoir le regard levé.

Mais nous pourrions nous demander encore, pourquoi, parmi ceux qui levaient le regard vers le ciel, beaucoup d’autres n’ont pas suivi cette étoile, « son étoile » (Mt 2,2) ? Peut-être parce que ce n’était pas une étoile voyante, qui brillait plus que les autres. C’était une étoile – dit l’Evangile – que les Mages avaient vu « se lever » (v 2.9). L’étoile de Jésus n’aveugle pas, elle n’étourdit pas, mais elle invite doucement. Nous pouvons nous demander quelle étoile nous choisissons dans la vie. Il y a les étoiles éblouissantes qui créent des émotions fortes mais qui n’orientent pas la marche. Il en est ainsi du succès, de l’argent, de la carrière, des honneurs, des plaisirs recherchés comme but de l’existence. Ce sont des météores : ils brillent un peu mais ils tombent vite et leur lueur disparaît. Ce sont des étoiles filantes qui désorientent au lieu d’orienter. L’étoile du Seigneur, au contraire, n’est pas toujours fulgurante, mais toujours
présente ; elle est douce : elle te prend par la main dans la vie, elle t’accompagne. Elle ne promet pas de récompenses matérielles, mais elle assure la paix et donne, comme aux Mages, « une très grande joie » (Mt 2, 10). Mais elle demande de marcher.

Marcher, la deuxième action des Mages, est essentielle pour trouver Jésus. Son étoile, en effet, demande la décision de se mettre en route, la fatigue quotidienne de la marche ; elle demande de se libérer des poids inutiles et des fastes encombrants qui entravent, et d’accepter les imprévus qui apparaissent sur la carte de la vie tranquille. Jésus se laisse trouver par qui le cherche, mais pour le chercher il faut bouger, sortir. Ne pas attendre ; risquer. Ne pas rester immobile ; avancer. Jésus est exigeant : il propose à celui qui le cherche de quitter le fauteuil du confort mondain et les tiédeurs rassurantes de nos cheminées. Suivre Jésus n’est pas un protocole poli à respecter mais un exode à vivre. Dieu qui a libéré son peuple à travers la route de l’exode, et qui a appelé de nouveaux peuples à suivre son étoile, donne la liberté et distribue la joie toujours et seulement en chemin. En d’autres termes, pour trouver Jésus il faut abandonner la peur de se mettre en jeu, la satisfaction de se sentir arrivé, la paresse de ne plus rien demander à la vie. Il faut risquer, simplement pour rencontrer un Enfant. Mais cela en vaut immensément la peine, car en trouvant cet Enfant, en découvrant sa tendresse et son amour, nous nous retrouvons nous-mêmes.

Se mettre en chemin n’est pas facile. L’Evangile nous le montre à travers divers personnages. Il y a Hérode, troublé par la peur que la naissance d’un roi menace son pouvoir. Par conséquent il organise des rencontres et envoie les autres recueillir des informations ; mais lui ne bouge pas, il reste enfermé dans son palais. « Tout Jérusalem » (v. 3) aussi a peur : peur de la nouveauté de Dieu. Elle préfère que tout reste comme avant – “ on a toujours fait ainsi ”-et personne n’a le courage d’aller. Plus subtile est la tentation des prêtres et des scribes. Ils connaissent le lieu exact et l’indiquent à Hérode, en citant l’ancienne prophétie. Ils savent mais ne font pas un pas vers Bethléem. Ce peut être la tentation de celui qui est croyant depuis longtemps : il disserte sur la foi, comme d’une chose qu’il sait déjà mais il ne se met pas en jeu personnellement pour le Seigneur. On parle mais on ne prie pas ; on se lamente mais on ne fait pas de bien. Les Mages, en revanche, parlent peu et marchent beaucoup. Bien qu’ignorants des vérités de foi, ils ont le désir et ils sont en chemin, comme le montrent les verbes de l’Evangile : « venus pour se prosterner » (v. 2), « ils partirent ; entrés ils se prosternèrent ; ils regagnèrent leurs pays » (v. 9.11.12) : toujours en mouvement.

Offrir. Arrivés à Jésus, après un long voyage, les Mages font comme lui : ils donnent. Jésus est là pour offrir sa vie, eux offrent leurs biens précieux : or, encens et myrrhe. L’Evangile se réalise quand le chemin de la vie parvient au don. Donner gratuitement, pour le Seigneur, sans s’attendre à quelque chose en retour : voilà le signe certain d’avoir trouvé Jésus qui dit : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mt 10, 8). Faire le bien sans calcul, même si personne nous le demande, même si l’on n’y gagne rien, même si cela ne nous fait pas plaisir. Dieu désire cela. Lui, se faisant petit pour nous, nous demande d’offrir quelque chose pour ses frères les plus petits. Qui sont-ils ? Ils sont justement ceux qui n’ont rien à rendre, comme celui qui se trouve dans le besoin, l’affamé, l’étranger, le prisonnier, le pauvre (cf. Mt 25, 31-46). Offrir un don gratuit à Jésus c’est soigner un malade, donner du temps à une personne difficile, aider quelqu’un qui ne présente pas d’intérêt, offrir le pardon à qui nous a offensé. Ce sont des dons gratuits, ils ne peuvent pas manquer dans la vie chrétienne. Autrement, nous rappelle Jésus, si nous aimons ceux qui nous aiment, nous faisons comme les païens (cf. Mt 5, 46-47). Regardons nos mains, souvent vides d’amour, et essayons aujourd’hui de penser à un don gratuit, sans contrepartie, que nous pouvons offrir. Il sera apprécié du Seigneur. Et demandons-lui : “Seigneur, fais-moi redécouvrir la joie de donner”.

Chers frères et sœurs, faisons comme les Mages : lever la tête, marcher, et offrir des dons gratuits.

Top 10 de l’actualité catholique 2017

Comme chaque année, la venue de la nouvelle année nous porte aux rétrospectives qui nous permettent de voir le bout de chemin parcouru durant l’année  pour ensuite nous projeter dans l’année qui vient. Ce qui nous permet d’être encouragés à continuer le travail accompli durant l’année ou encore de rectifier le tir afin de ne pas répéter les mêmes erreurs. Il est ambitieux de vouloir résumer l’activité de plus de 1 milliard 400 millions de catholiques en 10 points. J’estime néanmoins qu’à l’échelle du Québec, nous pouvons résumer l’actualité de l’Église sans trop laisser d’événements de côté.

  1. Voyage du pape François au Myanmar et au Bangladesh :

C’est en fin d’année que le Saint-Père s’est rendu dans une zone trouble de la planète afin de construire des ponts et se faire  messager de paix. On le sait, la situation sur le terrain n’est pas des plus réjouissantes. Après des décennies d’instabilité, des tensions ethniques et interreligieuses ont provoqué l’exil de milliers de Rohingyas, obligés, pour la plupart, de se réfugier au Bangladesh. Usant de diplomatie, le Pape a tenu à manifester sa proximité avec les déplacés sans vouloir aggraver la situation en faisant une déclaration incendiaire contre ses hôtes qui, après tout, l’accueillaient dans leur pays. Comme il l’a dit lui-même : « Le plus important est que le message se rende à destination […] je n’ai pas voulu leur fermer la porte au nez ». Il me semble que l’ensemble de ce voyage pourrait se résumer par ce message : la paix et possible et n’attend souvent que la bonne volonté des peuples et des dirigeants politiques.

  1. Voyage du pape en Égypte :

Les 28 et 29 avril 2017, le pape François s’est rendu en Égypte, pays récemment touché par une foule de bouleversements politiques et de sociétaux. Trois grandes priorités étaient à l’ordre du jour de ce voyage. D’abord, le Saint-Père a voulu encourager les rapprochements avec l’Islam sunnite par l’entremise des grands représentants de l’Université Al-Azhar où se tenait au même moment une conférence sur la paix. Outre le caractère interreligieux de cette visite en Égypte, le Pape a tenu à lui donner un fort caractère œcuménique en rencontrant le Patriarche de l’Église orthodoxe Copte Tawadros II avec qui il a signé une Déclaration commune dans laquelle les deux Églises s’engagent à continuer le chemin vers l’Unité et à reconnaître mutuellement la validité du baptême de part et d’autre, s’engageant ainsi à ne plus administrer un deuxième baptême. Enfin, comme c’est son habitude, le Pape a eu des rencontres avec les autorités politiques d’Égypte afin de leur assurer sa pleine coopération au processus de paix dans la région.

  1. Voyage du pape François en Colombie :

Comme c’est son habitude, le pape François a apporté son support à la communauté catholique du pays qu’il visitait. Constituant la majorité de la population de ce pays d’Amérique latine, les catholiques ont depuis longtemps été impliqués au processus de paix tout récemment conclu avec les FARC. L’un des éléments les plus remarqué fut certainement le discours très personnel du pape François au Comité de direction du CELAM (Conseil épiscopal pour l’Amérique latine). Dans cette allocution qui fera certainement l’objet de plusieurs colloques et conférences, le Saint-Père a invité l’Église de ce coin du monde à redécouvrir la passion caractéristique de la jeunesse en étant « une Église capable d’être sacrement d’unité et d’espérance. D’une espérance au visage jeune et féminin ».

  1. 150e du Canada et Consécration au cœur Immaculée de Marie

Plus près de chez nous maintenant, le Canada fut consacré, cette année, au Cœur immaculé de Marie par tous les évêques dans leur diocèse respectif ainsi que lors d’une cérémonie officielle dans la cathédrale Notre-Dame d’Ottawa à l’occasion de l’Assemblée plénière de la Conférence des évêques catholiques du Canada au mois d’octobre dernier. Faisant référence au 50e anniversaire de l’organisation Développement et paix (CARITAS-Canada), le cardinal Gérald Cyprien Lacroix affirmait :

Développement et Paix a soutenu des milliers d’initiatives locales dans des domaines comme l’agriculture, l’éducation, l’action communautaire, la consolidation de la paix et la défense des droits humains dans soixante-dix pays. Il appuie les femmes dans leur recherche de justice sociale et économique. […]  Supplions notre Dieu par l’intercession de la Vierge Marie, des saints martyrs canadiens et de tous les saints et saintes de notre pays, d’envoyer sur nous un nouveau souffle de Pentecôte pour un renouveau en profondeur de notre foi et un accroissement de notre zèle apostolique et missionnaire.

  1. Forum des jeunes 2017

Un des éléments clefs du catholicisme au Canada fut certainement le Forum 2017 sur « Les jeunes, la foi et le discernement » qui, grâce à Sel et Lumière et tous ces généreux collaborateurs, a pu réunir des jeunes Canadiens d’un océan à l’autre pour discuter des enjeux qui les touchent. Voulant répondre aux nombreux appels du pape François pour une Église proche des gens, l’ensemble de l’Église canadienne s’est mis à l’écoute de cette jeunesse qui a soif d’engagements et qui trouve, malheureusement, difficilement sa place dans l’Église. L’élément le plus important de cette émission fut certainement le message vidéo du pape François aux jeunes Canadiens, dans lequel il leur a demandé :

« Ne vous laissez pas voler votre jeunesse. Ne permettez à personne de freiner ou obscurcir la lumière que le Christ met sur votre visage et dans votre cœur. Soyez les artisans de relations basées sur la confiance, le partage et l’ouverture et cela, jusqu’aux confins du monde. N’érigez pas des murs de division, n’érigez pas des mûrs de division! Construisez plutôt des ponts tels que vous le faites en ce moment par cet échange extraordinaire qui vous réunit d’un océan à l’autre. »

Se voulant une initiative d’abord canadienne, le Forum 2017 a eu un rayonnement international et peut être, selon moi, considéré comme l’élément déclencheur des activités de préparation au Synode des jeunes qui aura lieu à Rome en octobre 2018.

  1. Visite ad limina des évêques du Québec

L’année 2017 fut également l’année d’un pèlerinage important des évêques du Québec à Rome pour prier, réfléchir et rencontrer le successeur de Pierre ainsi que ses collaborateurs. Tous ayant eu la chance d’exprimer leur expérience de pasteur de leur église particulière, les évêques ont remis en main propre au pape François, un rapport sur la société québécoise dans lequel ils relatent, non seulement les défis actuels qui sont gigantesques mais également les signes d’espoir qu’ils discernent dans le Peuple de Dieu et la société en général. La réflexion portée par ce document peut être clairement résumée par l’un des paragraphes de l’introduction :

Tout en étant pasteurs pour le petit nombre — ce « petit troupeau » qui demeure attaché à l’Eglise d’une façon ou d’une autre — comment être à la fois apôtres et missionnaires dans ce Québec devenu sécularisé, diversifié, pluriel et pluraliste, qui a pour une bonne part rompu ses liens avec la tradition et l’héritage catholiques, qui cherche et choisit ses repères ailleurs que dans l’Évangile et pour qui la parole de l’Église est discréditée tant par les terribles scandales de nature sexuelle que par des enseignements qui lui paraissent dépassés, déconnectés et rétrogrades ? (p.i)

  1. Consécration de la cathédrale Marie-Reine-du-Monde de Montréal

L’un des moments forts de cette année de prière au Québec fut certainement la consécration de la Cathédrale de Montréal par Mgr Christian Lépine le vendredi 13 octobre 2017. Durant plus de trois heures, les fidèles de l’archidiocèse se sont réunis autour de leur pasteur pour la consécration de ce monument incontournable du centre-ville de Montréal.

Diffusée en direct sur les ondes de Sel et Lumière, cette célébration avait pour but de souligner la dimension spirituelle du 375e anniversaire de la ville de Montréal. Comme le mentionne la lettre d’invitation de l’archevêque de Montréal : « la fondation de Montréal est un moment privilégié pour souligner la dimension spirituelle de l’origine de la ville et de son histoire, l’aspiration à vivre ensemble qui a été présente dès le début, la riche tradition de solidarité avec les pauvres et les malades. »

  1. Retour du Crucifix à l’hôpital du Saint-Sacrement de Québec

La présence de la foi dans toute société peut créer des frictions et même faire scandale. C’est ce qui s’est passé dans un hôpital de Québec. En effet, le conseil d’administration de l’établissement de santé Saint-Sacrement de Québec a voulu retirer un Crucifix accroché sur un des mûrs du hall d’entrée, créant ainsi un tollé de protestation dans l’ensemble de la société. Se terminant heureusement par un recul de l’administration, cet événement a été un point tournant dans la logique de sécularisation sévissant au Québec depuis 50 ans. Les Québécois ressentent en leur for intérieur à la fois une soif du spirituel et une volonté de redécouvrir et d’affirmer leur identité. Cette fierté retrouvée se manifestera certainement dans les années à venir. C’est à suivre…

  1. Les chants de Noël des prêtres avec Mario Pelchat

L’événement culminant de cette année fut certainement la série de concerts catéchèses d’un groupe de prêtres avec Mario Pelchat. Pendant environ un mois, les prêtres- chanteurs ont parcouru le Québec en entier afin de chanter les classiques religieux de Noël en compagnie du chanteur très connu et apprécié au Québec. Mettant en scène une crèche vivante devant au-delà de 50 000 personnes, les prêtres ont certainement mis en pratique les enseignements du pape François d’aller « au-dehors, aux périphéries ». En ce sens, vous pouvez visionner un reportage sur la vie de ces prêtres à Noël au lien suivant.

Le Noël des prêtres

Ce court documentaire présente la vie de prêtres durant la période de Noël. Le temps des fêtes est, pour la majorité des chrétiens, un temps fort de leur vie spirituelle, un temps non seulement de réjouissances en famille mais également de vacances et de repos. Pour les prêtres, le temps de Noël représente un temps d’intense préparation spirituelle et organisationnelle. Messe de minuit, célébration du pardon, souper des pauvres, fêtes des bénévoles, présences auprès des malades : la vie de prêtres durant le temps de Noël est loin d’être une période tranquille. Cela est encore moins le cas pour ceux qui ont parallèlement une carrière de chanteur populaire !

Au cours de cette production originale de Sel et Lumière, Francis Denis nous fait rencontrer deux prêtres et un évêque dans leur vie quotidienne durant le temps de Noël. Quotidien quelque peu transformé depuis qu’ils chantent avec Mario Pelchat et qu’ils l’accompagnent dans une série de spectacles partout au Québec.

Église en sortie 15 décembre 2017

Cette semaine à Église en sortie, Francis Denis s’entretient avec Claire Lesegrétain, auteur et journaliste à La Croix sur la place des célibataires dans l’Église. On vous présente un reportage sur le 4e congrès de la Société Canadienne de Mariologie à Montréal. Dans la troisième partie d’émission, Francis Denis reçoit en entrevue le père Olivier De Roulac o.s.b. sur la vie du père rédemptoriste Marcel Van.

Message du pape François pour la 55e journée de prière pour les vocations

CNS photo/Tyler Orsburn

Vous trouverez ci-dessous le message du pape François pour la 55e journée de prière pour les vocations:

Écouter, discerner, vivre l’appel du Seigneur

Chers frères et sœurs,
En octobre prochain, se déroulera la XVème Assemblée Générale ordinaire du Synode des évêques, qui sera consacrée aux jeunes, en particulier au rapport entre jeunes, foi et vocation. A cette occasion, nous aurons la possibilité d’approfondir comment, au centre de notre vie, il y a l’appel à la joie que Dieu nous adresse et comment cela est «le projet de Dieu pour les hommes et les femmes de tout temps» (SYNODE DES ÉVÊQUES, XVEME ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ORDINAIRE, Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel, Introduction).

Il s’agit d’une bonne nouvelle qui nous est annoncée avec force par la 55ème Journée mondiale de Prière pour les Vocations : nous ne sommes pas plongés dans le hasard, ni entraînés par une série d’évènements désordonnés, mais, au contraire, notre vie et notre présence dans le monde sont fruits d’une vocation divine !

Même dans nos temps inquiets, le Mystère de l’Incarnation nous rappelle que Dieu vient toujours à notre rencontre et il est Dieu-avec-nous, qui passe le long des routes parfois poussiéreuses de notre vie et, accueillant notre poignante nostalgie d’amour et de bonheur, nous appelle à la joie. Dans la diversité et dans la spécificité de chaque vocation, personnelle et ecclésiale, il s’agit d’écouter, de discerner et de vivre cette Parole qui nous appelle d’en-haut et qui, tandis qu’elle nous permet de faire fructifier nos talents, nous rend aussi instruments de salut dans le monde et nous oriente vers la plénitude du bonheur.

Ces trois aspects – écoute, discernement et vie – servent aussi de cadre au début de la mission de Jésus, qui, après les jours de prière et de lutte dans le désert, visite sa synagogue de Nazareth, et là, se met à l’écoute de la Parole, discerne le contenu de la mission que le Père lui a confiée et annonce qu’il est venu pour la réaliser “aujourd’hui” (cf. Lc 4, 16-21).

Écouter

L’appel du Seigneur – il faut le dire tout de suite – n’a pas l’évidence de l’une des nombreuses choses que nous pouvons sentir, voir ou toucher dans notre expérience quotidienne. Dieu vient de manière silencieuse et discrète, sans s’imposer à notre liberté. Aussi, on peut comprendre que sa voix reste étouffée par les nombreuses préoccupations et sollicitations qui occupent notre esprit et notre cœur.

Il convient alors de se préparer à une écoute profonde de sa Parole et de la vie, à prêter aussi attention aux détails de notre quotidien, à apprendre à lire les évènements avec les yeux de la foi, et à se maintenir ouverts aux surprises de l’Esprit.

Nous ne pourrons pas découvrir l’appel spécial et personnel que Dieu a pensé pour nous, si nous restons fermés sur nous-mêmes, dans nos habitudes et dans l’apathie de celui qui passe sa propre vie dans le cercle restreint de son moi, perdant l’opportunité de rêver en grand et de devenir protagoniste de cette histoire unique et originale que Dieu veut écrire avec nous.

Jésus aussi a été appelé et envoyé ; pour cela, il a eu besoin de se recueillir dans le silence, il a écouté et lu la Parole dans la Synagogue et, avec la lumière et la force de l’Esprit Saint, il en a dévoilé la pleine signification, référée à sa personne-même et à l’histoire du peuple d’Israël.

Cette attitude devient aujourd’hui toujours plus difficile, plongés comme nous le sommes dans une société bruyante, dans la frénésie de l’abondance de stimulations et d’informations qui remplissent nos journées. Au vacarme extérieur, qui parfois domine nos villes et nos quartiers, correspond souvent une dispersion et une confusion intérieure, qui ne nous permettent pas de nous arrêter, de savourer le goût de la contemplation, de réfléchir avec sérénité sur les évènements de notre vie et d’opérer, confiants dans le dessein bienveillant de Dieu pour nous, un discernement fécond.

Mais, comme nous le savons, le Royaume de Dieu vient sans faire de bruit et sans attirer l’attention (cf. Lc 17, 21), et il est possible d’en accueillir les germes seulement lorsque, comme le prophète Elie, nous savons entrer dans les profondeurs de notre esprit, le laissant s’ouvrir à l’imperceptible souffle de la brise divine (cf. 1 R 19, 11-13).

Discerner

En lisant, dans la synagogue de Nazareth, le passage du prophète Isaïe, Jésus discerne le contenu de la mission pour laquelle il a été envoyé et il le présente à ceux qui attendaient le Messie : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur » (Lc 4, 18-19).

De la même manière, chacun de nous peut découvrir sa propre vocation seulement à travers le discernement spirituel, un «processus grâce auquel la personne arrive à effectuer, en dialoguant avec le Seigneur et en écoutant la voix de l’Esprit, les choix fondamentaux, à partir du choix de son état de vie (Synode des Évêques, XVème Assemblée Générale Ordinaire, Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel, II, 2).

Nous découvrons en particulier, que la vocation chrétienne a toujours une dimension prophétique. Comme nous témoigne l’Ecriture, les prophètes sont envoyés au peuple dans des situations de grande précarité matérielle et de crise spirituelle et morale, pour adresser au nom de Dieu des paroles de conversion, d’espérance et de consolation. Comme un vent qui soulève la poussière, le prophète dérange la fausse tranquillité de la conscience qui a oublié la Parole du Seigneur, discerne les évènements à la lumière de la promesse de Dieu et aide le peuple à apercevoir des signes d’aurore dans les ténèbres de l’histoire.

Aujourd’hui aussi, nous avons grand besoin du discernement et de la prophétie ; de dépasser les tentations de l’idéologie et du fatalisme et de découvrir, dans la relation avec le Seigneur, les lieux, les instruments et les situations à travers lesquels il nous appelle. Chaque chrétien devrait pouvoir développer la capacité à “lire à l’intérieur” de sa vie et à saisir où et à quoi le Seigneur l’appelle pour continuer sa mission.

Vivre

Enfin, Jésus annonce la nouveauté de l’heure présente, qui enthousiasmera beaucoup et durcira d’autres : les temps sont accomplis et c’est Lui le Messie annoncé par Isaïe, oint pour libérer les prisonniers, rendre la vue aux aveugles et proclamer l’amour miséricordieux de Dieu à toute créature. Vraiment « aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Ecriture que vous venez d’entendre » (Lc 4, 20), affirme Jésus.

La joie de l’Evangile, qui nous ouvre à la rencontre avec Dieu et avec les frères, ne peut attendre nos lenteurs et nos paresses ; elle ne nous touche pas si nous restons accoudés à la fenêtre, avec l’excuse de toujours attendre un temps propice ; elle ne s’accomplit pas non plus pour nous si nous n’assumons pas aujourd’hui-même le risque d’un choix. La vocation est aujourd’hui ! La mission chrétienne est pour le présent ! Et chacun de nous est appelé – à la vie laïque dans le mariage, à la vie sacerdotale dans le ministère ordonné, ou à la vie de consécration spéciale – pour devenir témoin du Seigneur, ici et maintenant.

Cet “aujourd’hui” proclamé par Jésus, en effet, nous assure que Dieu continue à “descendre” pour sauver notre humanité et nous rendre participants de sa mission. Le Seigneur appelle encore à vivre avec lui et à marcher derrière lui dans une relation de proximité particulière, à son service direct. Et s’il nous fait comprendre qu’il nous appelle à nous consacrer totalement à son Royaume, nous ne devons pas avoir peur ! C’est beau – et c’est une grande grâce – d’être entièrement et pour toujours consacrés à Dieu et au service des frères.

Le Seigneur continue aujourd’hui à appeler à le suivre. Nous ne devons pas attendre d’être parfaits pour répondre notre généreux “me voici”, ni nous effrayer de nos limites et de nos péchés, mais accueillir avec un cœur ouvert la voix du Seigneur. L’écouter, discerner notre mission personnelle dans l’Église et dans le monde, et enfin la vivre dans l’aujourd’hui que Dieu nous donne.

Que Marie la très Sainte, la jeune fille de périphérie, qui a écouté, accueilli et vécu la Parole de Dieu faite chair, nous garde et nous accompagne toujours sur notre chemin.

Du Vatican, 3 décembre 2017 Premier Dimanche de l’Avent

[01850-FR.01] [Texte original: Italien]

FRANÇOIS

Sur la route du diocèse de Baie-Comeau (1ère partie)

À première vue, l’Église du Québec souffre d’une grande pauvreté. Parallèlement, la société québécoise vit difficilement les conséquences de la désertification spirituelle et du vacuum religieux.

Toutefois, si on y regarde de plus près, on perçoit une panoplie de raisons d’espérer. Comme l’ont affirmé les évêques du Québec au pape François (Rapport ad limina 2017, AECQ) : « C’est sur le terrain, auprès des gens que nous voyons émerger cette nouvelle Église, fragile mais combien enracinée dans la foi, l’espérance et l’amour ».

Au cours de cette émission, Francis Denis nous invite Sur la route du diocèse de Baie-Comeau, à la rencontre des différents visages de cette Église qui, de par sa pauvreté même, fait resplendir sur le monde le « visage miséricordieux du Père » (Misericordiae Vultus, no 17). Production originale de S+L, Sur la route des diocèses est diffusée les derniers vendredis du mois à 19h30 et en rediffusion les lundis suivants à 20h30.

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