Homélie du pape François pour le mercredi des cendres

«Revenez à moi de tout votre cœur, […] revenez au Seigneur votre Dieu » (Jl 2, 12.13) : c’est le cri par lequel le prophète Joël s’adresse au peuple au nom du Seigneur; personne ne pouvait se sentir exclu: «Rassemblez les anciens, réunissez petits enfants et nourrissons; […] le jeune époux […] et la jeune mariée » (v. 16). Tout le peuple fidèle est convoqué pour se mettre en chemin et adorer son Dieu, «car il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour » (v. 13).

Nous voulons nous aussi nous faire l’écho de cet appel, nous voulons revenir au cœur miséricordieux du Père. En ce temps de grâce que nous commençons aujourd’hui, fixons une fois encore notre regard sur sa miséricorde. La Carême est un chemin: il nous conduit à la victoire de la miséricorde sur tout ce qui cherche à nous écraser ou à nous réduire à quelque chose qui ne convient pas à la dignité des fils de Dieu. Le Carême est la route de l’esclavage à la liberté, de la souffrance à la joie, de la mort à la vie. Le geste des cendres par lequel nous nous mettons en chemin nous rappelle notre condition d’origine: nous avons été tirés de la terre, nous sommes faits de poussière. Oui, mais poussière dans les mains amoureuses de Dieu qui souffle son Esprit de vie sur chacun de nous et veut continuer à le faire; il veut continuer à nous donner ce souffle de vie qui nous sauve des autres types de souffle : l’asphyxie étouffante provoquée par nos égoïsmes, asphyxie étouffante générée par des ambitions mesquines et des indifférences silencieuses; asphyxie qui étouffe l’esprit, réduit l’horizon et anesthésie les battements du cœur. Le souffle de la vie de Dieu nous sauve de cette asphyxie qui éteint notre foi, refroidit notre charité et détruit notre espérance. Vivre le Carême c’est désirer ardemment ce souffle de vie que notre Père ne cesse de nous offrir dans la fange de notre histoire.

Le souffle de la vie de Dieu nous libère de cette asphyxie dont, souvent nous ne sommes pas conscients, et que nous sommes même habitués à «normaliser», même si ses effets se font sentir; cela nous semble «normal» car nous sommes habitués à respirer un air où l’espérance est raréfiée, un air de tristesse et de résignation, un air étouffant de panique et d’hostilité.

Le Carême est le temps pour dire non. Non à l’asphyxie de l’esprit par la pollution causée par l’indifférence, par la négligence à penser que la vie de l’autre ne me regarde pas, par toute tentative de banaliser la vie, spécialement celle de ceux qui portent dans leur chair le poids de tant de superficialité. Le Carême veut dire non à la pollution intoxicante des paroles vides et qui n’ont pas de sens, de la critique grossière et rapide, des analyses simplistes qui ne réussissent pas à embrasser la complexité des problèmes humains, spécialement les problèmes de tous ceux qui souffrent le plus. Le Carême est le temps pour dire non ; non à l’asphyxie d’une prière qui nous tranquillise la conscience, d’une aumône qui nous rend satisfaits, d’un jeûne qui nous fait nous sentir bien. Le Carême est le temps pour dire non à l’asphyxie qui nait des intimismes qui excluent, qui veulent arriver à Dieu en esquivant les plaies du Christ présentes dans les plaies des frères: ces spiritualités qui réduisent la foi à une culture de ghetto et d’exclusion.

Le Carême est le temps de la mémoire, c’est le temps pour penser et nous demander: qu’en serait-il de nous si Dieu nous avait fermé la porte. Qu’en serait-il de nous sans sa miséricorde qui ne s’est pas lassée de pardonner et qui nous a toujours donné l’occasion de recommencer à nouveau ? Le Carême est le temps pour nous demander: où serions-nous sans l’aide de tant de visages silencieux qui, de mille manières, nous ont tendu la main et qui, par des gestes très concrets, nous ont redonné l’espérance et nous ont aidé à recommencer?

Le Carême est le temps pour recommencer à respirer, c’est le temps pour ouvrir le cœur au souffle de l’Unique capable de transformer notre poussière en humanité. Il n’est pas le temps pour déchirer nos vêtements face au mal qui nous entoure, mais plutôt pour faire de la place dans notre vie à tout le bien que nous pouvons faire, nous dépouillant de tout ce qui nous isole, nous ferme et nous paralyse. Le Carême est le temps de la compassion pour dire avec le psalmiste: «Rends-moi la joie d’être sauvé, que l’esprit généreux me soutienne », pour que par notre vie nous proclamions ta louange (cf. Ps 51, 14), et pour que notre poussière – par la force de ton souffle de vie – se transforme en «poussière aimée».

[00300-FR.01] [Texte original: Italien]

La relation entre l’Église et les jeunes passe par l’éducation

CNS photo/Mike Crupi, Catholic Courier

La semaine dernière, nous avons commencé notre examen du document préparatoire au prochain synode sur le thème « Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel ». J’aimerais aujourd’hui poursuivre mes réflexions sur un point central de ce texte important pour l’année qui s’en vient. On constate, en effet, qu’une grande attention est portée aux différents défis que pose l’éducation des jeunes générations.

Pour l’Église, l’éducation est d’abord et avant tout un devoir de charité, une préoccupation à combattre cette pauvreté de l’intelligence qu’est l’ignorance. Or, avec le développement actuel des communications sociales et « la mondialisation, les jeunes tendent à être toujours davantage homogènes dans tous les endroits du monde » (no2). De plus, on assiste à un désintérêt grandissant des jeunes pour l’apprentissage des connaissances nécessaires pour être socialement fonctionnels mais également pour percevoir la valeur de ce qui ne se perçoit pas directement comme le sont les réalités spirituelles. Cet appauvrissement culturel, encouragé par une société de consommation de plus en plus vorace, pose le problème de l’intérêt même des jeunes à combler cette ignorance qui, s’ils ne la combattent pas par l’étude et l’effort, atrophie les talents qui dorment en eux.

Devant ce problème du manque d’intérêt pour l’apprentissage et l’épidémie d’incapacité de concentration des jeunes générations, on pourrait se décourager et croire que rien n’est possible, d’où l’attitude de certains adultes qui négligent leurs responsabilités d’éducateurs. En effet, parfois le manque de maturité des jeunes peut mener à sous-estimer les attentes réelles des jeunes qui désirent, souvent sans l’avouer, des modèles forts de don de soi : « Les générations plus mûres tendent souvent à sous-évaluer les potentialités, emphatisent les fragilités et ont du mal à comprendre les exigences des plus jeunes. » (No 2). C’est pourquoi, le document développe sur les différents défis de l’éducation d’aujourd’hui qui portent souvent plus sur les difficultés d’adaptation des adultes que des jeunes eux-mêmes. Spécialement sur cette carence de nos sociétés à offrir collectivement des modèles : « des personnes capables d’exprimer une certaine harmonie et de leur offrir un soutien, un encouragement et une aide pour reconnaître leurs limites, sans faire peser de jugement » (no2).

Être conscient des défis éducatifs, tant dans l’Église que dans la société, signifie voir le futur des institutions davantage sous la loupe de l’innovation plutôt que de la conservation. De ce point de vue, la réalité est que trop souvent nos institutions, bien que théoriquement ouvertes au changement et à la diversité, semblent concrètement figées et réfractaires aux changements. Or, un des mots qui revient le plus souvent dans le texte est celui de « risque » (13 fois). S’inspirant du message du pape François à Villa Nazareth dans lequel il affirmait : “ Comment pouvons-nous redonner la grandeur et le courage de choix de grande ampleur, d’élans du cœur, pour affronter les défis éducatifs et affectifs ? ”. J’ai dit et redit ce mot : risque ! Risque. Celui qui ne risque pas n’avance pas. “ Et si je me trompe ? ”. Que le Seigneur soit béni ! Tu te tromperas bien plus si tu restes immobile (Discours à la Villa Nazareth, 18 juin 2016). » Respecter le développement des jeunes implique sortir de notre peur du risque puisque cela les empêche de « passer du statut de perdants, qui demandent la protection vis-à-vis des risques du changement, à celui de sujets du changement, capables de créer des opportunités nouvelles. »

Comme vous l’aurez constater, le document préparatoire au synode des évêques 2017 sur « Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel » nous plongera « au dehors » de nos façon de faire habituel. Après ce survol des différents constats sur la jeunesse d’aujourd’hui, nous poursuivront notre réflexion la semaine prochaine en abordant plus directement la réalité du discernement vocationnel et qui doit s’opérer dans ces conditions.

L’Église et les jeunes: un discernement à double sens

CNS photo/Max Rossi, Reuters

Il y a quelques semaines, le Secrétariat de la 15e Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques publiait un document préparatoire ainsi qu’un questionnaire sur le thème « les jeunes, la foi et le discernement vocationnel » pour les diocèses du monde entier. Suivant la même méthodologie que les précédents synodes sur la famille, ce document a pour but d’amorcer la réflexion en vue des discussions qui auront lieu à Rome en octobre prochain. Ce texte subdivisé en trois parties manifeste non seulement la richesse doctrinale, humaine et pastorale qui fait de l’Église, selon les mots du bienheureux Paul VI, une « experte en humanité » (no 13) mais également sa volonté d’inclure les jeunes dans cette démarche de réflexion qui vise à mieux les accompagner dans leur processus de discernement vocationnel. Ainsi donc, la conversion demandée à toute l’Église est déjà mise en pratique dans le processus même du synode !

À chacun sa vocation

Tout être humain a une vocation, c’est-à-dire un appel à l’amour qui prend « une forme concrète dans la vie quotidienne à travers une série de choix, qui allie état de vie (mariage, ministère ordonné, vie consacrée, etc.), profession, modalité d’engagement social et politique, style de vie, gestion du temps et de l’argent, etc. » (Intro). L’Homme étant un être social, il ne pourra découvrir le sens de sa vie que par l’entremise d’autres personnes qui l’aideront à déployer son plein potentiel tout au long de sa vie. La qualité de ce « parcours “ réflexif ” » (no3) dépendra donc énormément du milieu dans lequel les jeunes évoluent, d’où l’importance d’une approche adaptée à notre monde et à leur destinée intemporelle.

Un double discernement

Pour être en mesure d’aider les jeunes à grandir, à gagner en maturité et à faire les choix qui s’imposent dans tout discernement vocationnel, l’Église doit se mettre à leur portée dans un processus d’accompagnement qui tient compte du monde dans lequel ces jeunes vivent. Pour ce faire, une réflexion profonde sur les grandes dynamiques actuelles qui sont également opportunités et défis doit avoir lieu.

L’une des constatations du document est que la jeunesse ne représente pas un bloc monolithique. Nous avons affaire à « une pluralité de mondes des jeunes (no 1), ce qui demande une attention particulière aux subtilités culturelles, économiques, sociales, politiques, artistiques et j’en passe. Loin de vouloir faire une analyse exhaustive de ces différences, le document cherche à souligner quelques grands courants qui influencent les jeunes de toute société.

Par exemple, on souligne cette énergie de la jeunesse à vouloir s’impliquer, « sa disponibilité à participer et à se mobiliser pour des actions concrètes, où l’apport personnel de chacun peut être une occasion de reconnaissance identitaire ». Elle pourra trouver en l’Église le catalyseur de cette volonté d’engagement total tout en la préservant des différentes dérives de notre temps, qu’elles soient consuméristes ou idéologiques.

Cependant, l’Église doit se départir des attitudes qui pourraient infantiliser les jeunes et les porter à cette « insatisfaction envers des milieux où les jeunes ressentent, à tort ou à raison, qu’ils ne trouvent pas leur place ou dont ils ne reçoivent pas de stimuli ». Ainsi, une transformation missionnaire « d’une Église qui accompagne » (Evangelii Gaudium, no 24) les jeunes dans leur discernement lui permettra également d’exercer un examen de conscience sur ses propres pratiques. En ce sens, lorsque le Pape affirme : « Je préfère une Église accidentée, blessée et sale pour être sortie par les chemins, plutôt qu’une Église malade de la fermeture et du confort de s’accrocher à ses propres sécurités. », cela signifie aussi donner des responsabilités aux jeunes sachant que, comme tout le monde, ils feront des erreurs mais qu’au bout du compte, ils seront à la hauteur des responsabilités que nous leur confierons.

La semaine prochaine, nous continuerons l’analyse de ce document important sur le processus de transformation missionnaire de l’Église tel que voulu par le pape François.

 

Message du pape François pour le Carême 2017

Vous trouverez ci-dessous le texte intégral du message du pape François pour le Carême 2017:

La Parole est un don. L’autre est un don.

Chers Frères et Sœurs,
Le Carême est un nouveau commencement, un chemin qui conduit à une destination sûre : la

Pâques de la Résurrection, la victoire du Christ sur la mort. Et ce temps nous adresse toujours un appel pressant à la conversion : le chrétien est appelé à revenir à Dieu « de tout son cœur » (Jl 2,12) pour ne pas se contenter d’une vie médiocre, mais grandir dans l’amitié avec le Seigneur. Jésus est l’ami fidèle qui ne nous abandonne jamais, car même lorsque nous péchons, il attend patiemment notre retour à Lui et, par cette attente, il manifeste sa volonté de pardon (cf. Homélie du 8 janvier 2016).

Le Carême est le moment favorable pour intensifier la vie de l’esprit grâce aux moyens sacrés que l’Eglise nous offre: le jeûne, la prière et l’aumône. A la base de tout il y a la Parole de Dieu, que nous sommes invités à écouter et à méditer avec davantage d’assiduité en cette période. Je voudrais ici m’arrêter en particulier sur la parabole de l’homme riche et du pauvre Lazare (cf. Lc 16,19-31). Laissons-nous inspirer par ce récit si important qui, en nous exhortant à une conversion sincère, nous offre la clé pour comprendre comment agir afin d’atteindre le vrai bonheur et la vie éternelle.

1. L’autre est un don

La parabole commence avec la présentation des deux personnages principaux ; cependant le pauvre y est décrit de façon plus détaillée : il se trouve dans une situation désespérée et n’a pas la force de se relever, il gît devant la porte du riche et mange les miettes qui tombent de sa table, son corps est couvert de plaies que les chiens viennent lécher (cf. vv. 20-21). C’est donc un tableau sombre, et l’homme est avili et humilié.

La scène apparaît encore plus dramatique si l’on considère que le pauvre s’appelle Lazare : un nom chargé de promesses, qui signifie littéralement « Dieu vient en aide ». Ainsi ce personnage ne reste pas anonyme mais il possède des traits bien précis ; il se présente comme un individu avec son histoire personnelle. Bien qu’il soit comme invisible aux yeux du riche, il nous apparaît connu et presque familier, il devient un visage; et, comme tel, un don, une richesse inestimable, un être voulu, aimé, dont Dieu se souvient, même si sa condition concrète est celle d’un déchet humain (cf. Homélie du 8 janvier 2016).

Lazare nous apprend que l’autre est un don. La relation juste envers les personnes consiste à reconnaître avec gratitude leur valeur. Ainsi le pauvre devant la porte du riche ne représente pas un obstacle gênant mais un appel à nous convertir et à changer de vie. La première invitation que nous adresse cette parabole est celle d’ouvrir la porte de notre cœur à l’autre car toute personne est un don, autant notre voisin que le pauvre que nous ne connaissons pas. Le Carême est un temps propice pour ouvrir la porte à ceux qui sont dans le besoin et reconnaître en eux le visage du Christ. Chacun de nous en croise sur son propre chemin. Toute vie qui vient à notre rencontre est un don et mérite accueil, respect, amour. La Parole de Dieu nous aide à ouvrir les yeux pour accueillir la vie et l’aimer, surtout lorsqu’elle est faible. Mais pour pouvoir le faire il est nécessaire de prendre au sérieux également ce que nous révèle l’Évangile au sujet de l’homme riche.

2. Le péché nous rend aveugles

La parabole met cruellement en évidence les contradictions où se trouve le riche (cf. v. 19). Ce personnage, contrairement au pauvre Lazare, ne possède pas de nom, il est seulement qualifié de “riche”. Son opulence se manifeste dans son habillement qui est exagérément luxueux. La pourpre en effet était très précieuse, plus que l’argent ou l’or, c’est pourquoi elle était réservée aux divinités (cf. Jr 10,9) et aux rois (cf. Jg 8,26). La toile de lin fin contribuait à donner à l’allure un caractère quasi sacré. Bref la richesse de cet homme est excessive d’autant plus qu’elle est exhibée tous les jours, de façon habituelle: « Il faisait chaque jour brillante chère » (v.19). On aperçoit en lui, de manière dramatique, la corruption du péché qui se manifeste en trois moments successifs: l’amour de l’argent, la vanité et l’orgueil (cf. Homélie du 20 septembre 2013).

Selon l’apôtre Paul, « la racine de tous les maux c’est l’amour de l’argent » (1 Tm 6,10). Il est la cause principale de la corruption et la source de jalousies, litiges et soupçons. L’argent peut réussir à nous dominer et devenir ainsi une idole tyrannique (cf. Exhort. ap. Evangelii Gaudium, n. 55). Au lieu d’être un instrument à notre service pour réaliser le bien et exercer la solidarité envers les autres, l’argent peut nous rendre esclaves, ainsi que le monde entier, d’une logique égoïste qui ne laisse aucune place à l’amour et fait obstacle à la paix.

La parabole nous montre ensuite que la cupidité rend le riche vaniteux. Sa personnalité se réalise dans les apparences, dans le fait de montrer aux autres ce que lui peut se permettre. Mais l’apparence masque le vide intérieur. Sa vie reste prisonnière de l’extériorité, de la dimension la plus superficielle et éphémère de l’existence (cf. ibid., n. 62).

Le niveau le plus bas de cette déchéance morale est l’orgueil. L’homme riche s’habille comme un roi, il singe l’allure d’un dieu, oubliant d’être simplement un mortel. Pour l’homme corrompu par l’amour des richesses, il n’existe que le propre moi et c’est la raison pour laquelle les personnes qui l’entourent ne sont pas l’objet de son regard. Le fruit de l’attachement à l’argent est donc une sorte de cécité : le riche ne voit pas le pauvre qui est affamé, couvert de plaies et prostré dans son humiliation.

En regardant ce personnage, on comprend pourquoi l’Évangile est aussi ferme dans sa condamnation de l’amour de l’argent : « Nul ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’Argent » (Mt 6,24).

3. La Parole est un don

L’évangile du riche et du pauvre Lazare nous aide à bien nous préparer à Pâques qui s’approche. La liturgie du Mercredi des Cendres nous invite à vivre une expérience semblable à celle que fait le riche d’une façon extrêmement dramatique. Le prêtre, en imposant les cendres sur la tête, répète ces paroles : « Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière ». Le riche et le pauvre, en effet, meurent tous les deux et la partie la plus longue du récit de la parabole se passe dans l’au-delà. Les deux personnages découvrent subitement que « nous n’avons rien apporté dans ce monde, et nous n’en pourrons rien emporter » (1 Tm 6,7).

Notre regard aussi se tourne vers l’au-delà, où le riche dialogue avec Abraham qu’il appelle « Père » (Lc 16, 24 ; 27) montrant
qu’il fait partie du peuple de Dieu. Ce détail rend sa vie encore plus contradictoire car, jusqu’à présent, rien n’avait été dit sur sa relation à Dieu. En effet dans sa vie, il n’y avait pas de place pour Dieu, puisqu’il était lui-même son propre dieu.

Ce n’est que dans les tourments de l’au-delà que le riche reconnaît Lazare et il voudrait bien que le pauvre allège ses souffrances avec un peu d’eau. Les gestes demandés à Lazare sont semblables à ceux que le riche aurait pu accomplir et qu’il n’a jamais réalisés. Abraham néanmoins lui explique que « tu as reçu tes biens pendant ta vie et Lazare pareillement ses maux; maintenant ici il est consolé et toi tu es tourmenté » (v.25). L’au-delà rétablit une certaine équité et les maux de la vie sont compensés par le bien.

La parabole acquiert une dimension plus large et délivre ainsi un message pour tous les chrétiens. En effet le riche, qui a des frères encore en vie, demande à Abraham d’envoyer Lazare les avertir ; mais Abraham répond : « ils ont Moïse et les Prophètes ; qu’ils les écoutent » (v. 29). Et devant l’objection formulée par le riche, il ajoute : « Du moment qu’ils n’écoutent pas Moïse et les Prophètes, même si quelqu’un ressuscite d’entre les morts, ils ne seront pas convaincus » (v.31).

Ainsi se manifeste le vrai problème du riche : la racine de ses maux réside dans le fait de ne pas écouter la Parole de Dieu ; ceci l’a amené à ne plus aimer Dieu et donc à mépriser le prochain. La Parole de Dieu est une force vivante, capable de susciter la conversion dans le cœur des hommes et d’orienter à nouveau la personne vers Dieu. Fermer son cœur au don de Dieu qui nous parle a pour conséquence la fermeture de notre cœur au don du frère.

Chers frères et sœurs, le Carême est un temps favorable pour nous renouveler dans la rencontre avec le Christ vivant dans sa Parole, dans ses Sacrements et dans le prochain. Le Seigneur qui – au cours des quarante jours passés dans le désert a vaincu les pièges du Tentateur – nous montre le chemin à suivre. Que l’Esprit Saint nous aide à accomplir un vrai chemin de conversion pour redécouvrir le don de la Parole de Dieu, être purifiés du péché qui nous aveugle et servir le Christ présent dans nos frères dans le besoin. J’encourage tous les fidèles à manifester ce renouvellement spirituel en participant également aux campagnes de Carême promues par de nombreux organismes ecclésiaux visant à faire grandir la culture de la rencontre au sein de l’unique famille humaine. Prions les uns pour les autres afin que participant à la victoire du Christ nous sachions ouvrir nos portes aux faibles et aux pauvres. Ainsi nous pourrons vivre et témoigner en plénitude de la joie pascale.

Du Vatican, le 18 octobre 2016, Fête de Saint Luc, évangéliste

FRANÇOIS [00196-FR.01] [Texte original: Français]

La prière et le dialogue contre le mystère du mal

CNS photo/Dario Ayala, Reuters

Depuis le terrible attentat de dimanche soir, de nombreuses réactions se sont fait entendre.  Les premières en étaient de consternation et de compassion envers les familles et proches des victimes lesquelles furent suivies par une déferlante d’analyses visant à identifier les causes de cet « acte ignoble » et inhumain. Un tel événement ne peut évidemment pas s’expliquer par un seul facteur. Une chose est claire, le mal « Mysterium iniquitatis » est d’abord et avant tout un mystère qui dépasse notre entendement. Il possède, en effet, une dimension spirituelle qui ne peut être pleinement comprise et vaincue que par une spiritualité authentique et féconde. N’en déplaise aux différents spécialistes, les analyses strictement humaines ne rendront donc jamais parfaitement justice à ce qui s’est vécu dans la désormais tristement célèbre mosquée du chemin Sainte-Foy à Québec. Ceci étant dit, nous pouvons, selon moi, tirer paradoxalement un enseignement de cette tragédie de deux manières : par une ouverture renouvelée à la prière, spécialement celle envers les défunts ainsi qu’en réaffirmant l’engagement au dialogue.

La nécessité de la prière

Tenir compte des facteurs humains est évidemment important pour mettre en place des mécanismes ayant pour but d’éviter qu’un tel drame ne se reproduise. Cependant, nous ne devons pas prétendre pouvoir expliquer totalement le sens d’une telle manifestation de haine contre la dignité humaine du prochain. Cela exige d’avoir l’humilité de reconnaître les limites de notre intelligence et de nous mettre à l’écoute de Celui qui parle silencieusement dans l’intimité de notre intériorité. C’est ainsi que la prière nous permet de nous mettre en contact avec ce Dieu, qui Seul est en mesure de sonder « les reins et les cœurs » (Ap, 2, 23). Expression d’une ouverture et d’une confiance envers le Dieu « Juste » (Ps 10, 7) et « Miséricordieux » (Ps 77, 38) qui connaît la plénitude des évènements de l’histoire, la prière nous rend capables de ne pas céder nous-mêmes à la haine et au rejet de l’autre.

De plus, conscients que toute victime innocente se trouve auprès du Dieu de toute miséricorde, nous pouvons, d’abord, nous réconforter dans l’espérance qu’elles soient entre bonnes mains. Nous pouvons être certains que l’amour que nous leur portions émanait d’un Amour qui ne s’éteint pas et qui est toujours présent auprès d’eux et ce, peut-être plus intensément que jamais. Enfin, par la prière, nous pouvons être certains que nos relations avec les défunts ; ces petits moments passés avec l’être cher ne sont pas entièrement disparus. Au contraire, bien que l’intensité de la souffrance soit le gage de l’amour que nous leur portions, la prière nous permet de nous mettre en leur présence. Nous devons donc apprendre, bien que ce soit difficile, à entrer dans cette nouvelle forme de relation avec les défunts. Une relation spirituelle où Dieu devient l’intermédiaire par excellence. En ce sens, au lieu de s’évanouir dans le néant, tous nos rêves de bonheur pour les disparus sont plutôt métamorphosés. Ils sont orientés vers le bonheur parfait, vers le bonheur que l’on n’achète pas mais qui se trouve, au contraire, dans le don et la communion à Dieu. Ainsi, nous serons nous-mêmes transformés en de meilleures personnes c’est-à-dire en des personnes libres et capables de rendre véritablement le monde meilleur.

La prière, agent de transformation du monde

Cette nouvelle liberté que nous apporte la relation avec nos proches défunts par la prière, nous permet d’acquérir, peu à peu, cet esprit d’abnégation nécessaire à la construction d’un monde meilleur. Parce que nous sommes libérés, dans la communion des saints, du poids d’une disparition totale de nos proches, nous pouvons reconnaître en notre prochain une occasion supplémentaire d’entretenir cette même relation transfigurée. C’est ainsi que, loin de nous porter à des comportements tels que la haine et la vengeance, la prière nous portera, au contraire, vers un engagement renouvelé envers les différents besoins que nous discernons dans notre entourage et où nous pouvons faire une différence.

Dans le cas de cette tragédie immonde, nous pouvons déjà percevoir des signes encourageants qui manifestent cette foi profonde en ce que je viens d’énoncer de la part des deux communautés musulmane et chrétienne. En effet, un temps de prière communautaire fut l’occasion de s’unir aux victimes dans l’espérance d’une nouvelle présence mystérieuse mais néanmoins réelle.

Que ce contact douloureux avec la mort porte des fruits de rapprochement et non de haine et de violence est en soit un miracle rendu possible par la seule Grâce de Dieu. Défiant la logique humaine qui demanderait vengeance, tous, chrétiens et musulmans, se sont laissé toucher par ce qui peut être considéré comme le testament des victimes du 29 janvier 2017. Un héritage qui demande que nous soyons à la hauteur par un engagement à la prière et au dialogue tel que décliné par le très beau document de la CECC :

1.Un dialogue du vécu : les chrétiens témoignent de leur foi et de leur mode de vie quand ils dialoguent avec les autres ;

2.Un dialogue par l’action : l’appel à préserver et promouvoir la paix, la liberté, la justice sociale et les valeurs morales par le dialogue ;

3.Des échanges théologiques ou le dialogue entre experts : ce qui permet aux spécialistes d’approfondir leur propre tradition et d’apprécier la valeur des autres religions ;

4.Un dialogue de l’expérience religieuse qui approfondit l’expérience religieuse personnelle, favorise la solidarité dans la prière et les échanges sur le plan de l’expérience religieuse.

En ces temps de tension mondiale exacerbée par le déploiement d’une interconnexion de l’indifférence, chrétiens, musulmans et fidèles de toutes les religions doivent redoubler d’efforts dans leur engagement à la prière et au dialogue. Pour nous catholiques, que les victimes innocentes de l’attentat de Québec nous pressent à nous mettre à l’écoute de l’Esprit Saint qui nous exhorte à nous unir au Christ dans la Charité. Ainsi, nous pourrons rendre grâce à Dieu des fruits de paix et de joie qui se manifesteront de plus en plus autour de nous. Vous trouverez ci-dessous le Vidéo des intentions du pape pour le dialogue inter religieux:

Église en sortie 3 février 2017

Cette semaine à Église en sortie, nous recevons Mgr Claude Champagne, évêque d’Edmundston au Nouveau-Brunswick et membre de la Commission épiscopale pour l’unité chrétienne, les relations religieuses avec les Juifs et le dialogue interreligieux de la Conférence des évêques catholiques du Canada, sur le document « Nos voisins évangéliques ». On vous présente un reportage sur la prière œcuménique à l’église luthérienne St-John de Montréal. Dans la troisième partie de l’émission, on vous présente une entrevue réalisée avec Glenn Smith et Carole Tapin de Direction chrétienne avec lesquels Francis Denis s’est entretenu sur le thème de l’œcuménisme.

Le pape François et la révolution médiatique

CNS photo/Paul Jeffrey

Ce mardi 24 janvier 2017, le pape François publiait comme à chaque année un message pour la Journée mondiale des communications sociales qui aura lieu le 28 mai prochain. Le message de cette année, « Ne crains pas, car je suis avec toi » (Is 43,5), s’adresse principalement aux artisans des médias qu’il appelle au discernement et à la responsabilité pour, selon les mots mêmes du Pape, qu’ils entrent « dans la logique de la Bonne nouvelle ».

Développer un bon discernement

Nous sommes tous des « consommateurs » de nouvelles. Toute personne est influencée par ce qu’elle voit, ce qu’elle entend et c’est d’autant plus vrai lorsque ces informations proviennent des médias, ceux-ci jouissant d’une crédibilité et d’une audience accrues. On aurait cependant tort de croire que les médias eux-mêmes sont au-dessus de la mêlée. En effet, les plus grands consommateurs de nouvelles ne sont-ils pas les journalistes et commentateurs eux-mêmes ? En cette époque ou tout et n’importe quoi peut devenir une nouvelle, ou la qualité de l’information peut être facilement mise de côté au profit de la quantité, tous doivent développer un bon jugement sur ce qui est important, pertinent, intéressant, approprié, etc. Pour le Pape, il est impératif de travailler à produire une « communication constructive qui, en rejetant les préjugés envers l’autre, favorise une culture de la rencontre grâce à laquelle il est possible d’apprendre à regarder la réalité en toute confiance ».

Une interprétation responsable

Il est vrai que cette relation de « confiance » de la population envers les médias en général a déjà connu des jours meilleurs. Plusieurs sont de plus en plus critiques devant une certaine orientation dans l’interprétation que l’on donne aux événements et on les soupçonne parfois d’être les marionnettes d’intérêts sous-jacents. Comme le dit le Pape : « Tout dépend du regard avec lequel elle est saisie, des « lunettes » à travers lesquelles on choisit de la regarder: en changeant les verres, la réalité aussi apparaît différente ». C’est pourquoi, selon lui, les artisans des médias devraient changer leurs « verres » en incarnant un « style ouvert et créatif » et qui « cherchant à mettre en lumière les solutions possibles » ne se limitent pas à mettre toujours au premier plan les mauvaises nouvelles.

Cette « logique de la bonne nouvelle » ne doit pas, comme le dit François « promouvoir une désinformation où le drame de la souffrance serait ignoré, ni de tomber dans un optimisme naïf » mais plutôt favoriser une présentation dans laquelle, même les pires événements, peuvent être le lieu de l’expression du bien. « Tout nouveau drame qui arrive dans l’histoire du monde devient aussi le scénario d’une possible bonne nouvelle ». Par exemple, lors de la présentation d’une catastrophe, un média responsable pourrait mettre l’accent sur les manifestations de courage et d’abnégation des secouristes. Cela, loin de minimiser la gravité d’une tragédie, contribuerait à promouvoir les vertus dont la société a grandement besoin et, ainsi, stimulerait l’implication des auditeurs. Comme le dit le Pape, une éthique journalistique conforme à la logique de la Bonne nouvelle permet de « dépasser ce sentiment de mécontentement et de résignation qui nous saisit souvent, nous plongeant dans l’apathie, et provoquant la peur ou l’impression qu’on ne peut opposer de limites au mal. »

Que ce soit par l’appel au jugement dans le discernement des nouvelles à privilégier ou encore par l’angle sous lequel les médias devraient présenter la nouvelle, le message du pape François pour la Journée mondiale des communications sociales présente plusieurs idées ingénieuses. Dans un monde où trop souvent la tentation du cynisme éteint le désir de l’améliorer, une révolution médiatique comme le propose le successeur de Pierre mérite que nous y réfléchissions et que nous y travaillions. Nous qui, dans cette ère de médias sociaux, sommes tous des communicateurs !

 

Homélie du pape François lors de la célébration des Vêpres de la Fête de la Conversion de saint Paul

Vous trouverez ci-dessous le texte de l’homélie du pape François tel que prononcé lors de la cérémonie des Vêpres pour la Fête de la conversion de Saint-Paul en la basilique papale de Saint-Paul-Hors-les-Murs. Vous pouvez également consultez au lien suivant le livret de la célébration.

La rencontre avec Jésus sur la route vers Damas transforme radicalement la vie de saint Paul. À partir de ce moment, pour lui la signification de l’existence ne réside plus dans la confiance en ses propres forces pour observer scrupuleusement la Loi, mais dans l’adhésion de toute sa personne à l’amour gratuit et immérité de Dieu, à Jésus Christ crucifié et ressuscité. Ainsi, il connaît l’irruption d’une nouvelle vie, la vie selon l’Esprit, dans laquelle, par la puissance du Seigneur ressuscité, il fait l’expérience du pardon, de la familiarité et du réconfort. Et Paul ne peut garder pour lui-même cette nouveauté : il est poussé par la grâce à proclamer la joyeuse nouvelle de l’amour et de la réconciliation que Dieu offre pleinement dans le Christ à l’humanité.

Pour l’Apôtre des nations la réconciliation de l’homme avec Dieu, dont il est devenu ambassadeur (cf. 2 Cor 5, 20), est un don qui vient du Christ. Cela apparaît avec clarté dans le texte de la Deuxième Lettre aux Corinthiens, dont est extrait cette année le thème de la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens: ‘‘L’amour du Christ nous pousse à la réconciliation’’ (cf. 2 Cor 5, 14- 20). ‘‘L’amour du Christ’’: il ne s’agit pas de notre amour pour le Christ, mais de l’amour que le Christ a pour nous. De même, la réconciliation vers laquelle nous sommes poussés n’est pas simplement notre initiative: c’est en premier lieu la réconciliation que Dieu nous offre dans le Christ. Avant d’être un effort humain de croyants qui cherchent à surmonter leurs divisions, c’est un don gratuit de Dieu. Comme effet de ce don, la personne, pardonnée et aimée, est appelée à son tour à proclamer l’évangile de la réconciliation en paroles et en actes, à vivre et à témoigner d’une existence réconciliée.

Dans cette perspective, nous pouvons nous demander aujourd’hui: comment proclamer cet évangile de réconciliation après des siècles de divisions? C’est Paul lui-même qui nous aide à trouver la voie. Il souligne que la réconciliation dans le Christ ne peut se réaliser sans sacrifice. Jésus a donné sa vie, en mourant pour tous. De même, les ambassadeurs de la réconciliation sont appelés, en son nom, à donner leur vie, à ne plus vivre pour eux-mêmes, mais pour Celui qui est mort et ressuscité pour eux (cf. 2 Cor 5, 14-15). Comme Jésus l’enseigne, ce n’est que lorsque nous perdons la vie par amour pour lui que nous la gagnons vraiment (cf. Lc 9, 24). C’est la révolution que Paul a vécue, mais c’est la révolution chrétienne de toujours: ne plus vivre pour nous-mêmes, pour nos intérêts et retours d’image, mais à l’image du Christ, pour lui et selon lui, avec son amour et dans son amour.

Pour l’Église, pour chaque confession chrétienne, c’est une invitation à ne pas se fonder sur les programmes, sur les calculs et les avantages, à ne pas se fier aux opportunités et aux modes du moment, mais à chercher la vie en regardant toujours la croix du Seigneur: voilà notre programme de vie. C’est également une invitation à sortir de tout isolement, à surmonter la tentation de l’autoréférentialité, qui empêche de saisir ce que l’Esprit Saint réalise hors des milieux de chacun. Une réconciliation authentique parmi les chrétiens pourra se réaliser lorsque nous saurons reconnaître les dons les uns des autres et que nous serons capables, avec humilité et docilité, d’apprendre les uns des autres, sans attendre que ce soient les autres qui apprennent d’abord de nous.

Si nous vivons cette mort à nous-mêmes pour Jésus, notre vieux style de vie est relégué dans le passé et, comme cela est arrivé à saint Paul, nous entrons dans une nouvelle forme d’existence et de communion. Avec Paul, nous pourrons dire: «Le monde ancien s’en est allé» (2 Cor 5, 17). Jeter un regard en arrière aide et est d’autant plus nécessaire pour purifier la mémoire, mais être rivé au passé, en s’attardant à rappeler les torts subis et faits et en jugeant avec des paramètres uniquement humains, peut paralyser et empêcher de vivre le présent. La Parole de Dieu nous encourage à tirer force de la mémoire, à nous rappeler le bien reçu du Seigneur; mais elle nous demande aussi de laisser derrière nous le passé pour suivre Jésus dans l’aujourd’hui et pour vivre une vie nouvelle en lui. Permettons à Celui qui fait toute chose nouvelle (cf. Ap 21, 5) de nous orienter vers un avenir nouveau, ouvert à l’espérance que ne déçoit pas, un avenir dans lequel les divisions pourront être surmontées et les croyants, renouvelés dans l’amour, seront unis pleinement et de manière visible.

Tandis que nous cheminons sur la voie de l’unité, cette année, nous nous souvenons spécialement du cinquième centenaire de la Réforme protestante. Le fait qu’aujourd’hui catholiques et luthériens puissent se rappeler ensemble un événement qui a divisé les chrétiens, et qu’ils le fassent avec espérance, en mettant l’accent sur Jésus et sur son œuvre de réconciliation, est une étape remarquable, atteinte grâce à Dieu et à la prière, à travers cinquante ans de connaissance réciproque et de dialogue œcuménique.

En invoquant de Dieu le don de la réconciliation avec lui et entre nous, j’adresse mes salutations cordiales et fraternelles à Son Éminence le Métropolite Gennadios, représentant du Patriarche œcuménique, à Sa Grâce David Moxon, représentant personnel à Rome de l’Archevêque de Canterbury, et à tous les représentants des diverses Églises et Communautés ecclésiales ici réunis. Il m’est particulièrement agréable de saluer les membres de la Commission mixte pour le dialogue théologique entre l’Église catholique et les Églises orthodoxes orientales, auxquels je souhaite un fructueux travail pour la session plénière qui se tient ces jours-ci. Je salue également les étudiants de l’Ecumenical Institute of Bossey, en visite à Rome pour approfondir leur connaissance de l’Église catholique, ainsi que les jeunes orthodoxes et les orthodoxes orientaux qui étudient à Rome grâce aux bourses d’étude du Comité de Collaboration Culturelle avec les Églises orthodoxes, qui œuvre auprès du Conseil Pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens. J’exprime mon estime et ma gratitude aux Supérieurs et à tous les Collaborateurs de ce Dicastère.

Chers frères et sœurs, notre prière pour l’unité des chrétiens est une participation à la prière que Jésus a adressée à son Père avant la passion pour «que tous soient un» (Jn 17, 21). Ne nous laissons jamais de demander à Dieu ce don. Dans l’attente patiente et confiante que le Père accordera à tous les croyants le bien de la pleine communion visible, allons de l’avant sur notre chemin de réconciliation et de dialogue, encouragés par le témoignage héroïque de nombreux frères et sœurs, unis hier et aujourd’hui dans la souffrance pour le nom de Jésus. Profitons de chaque moment que la Providence nous offre pour prier ensemble, pour évangéliser ensemble, pour aimer et servir ensemble, surtout qui est plus pauvre et plus délaissé.
[00138-FR.01] [Texte original: Italien]

Message du Pape François pour la journée mondiale des communications sociales (28 mai 2017)

CNS photo/Tolga Bozoglu, EPA

Le thème 2017 pour la journée mondiale des communications sociales est  » Ne crains pas, car je suis avec toi » (Is 43, 5): communiquer l’espérance et la confiance en notre temps. Chaque année, ce message est publié le 24 janvier, fête de Saint-François de Sales, saint patron des journalistes et communicateurs. Cette journée est généralement commémorée à une date près du dimanche de la Pentecôte. Vous trouverez ci-dessous le texte complet de ce message du pape François:

«Ne crains pas, car je suis avec toi» (Is 43,5).
Communiquer l’espérance et la confiance en notre temps

L’accès aux médias, grâce au développement technologique, est tel que beaucoup de gens ont la possibilité de partager instantanément l’information et de la diffuser de manière capillaire. Ces informations peuvent être bonnes ou mauvaises, vraies ou fausses. Par le passé, nos pères dans la foi parlaient de l’esprit humain comme de la meule d’un moulin qui, actionnée par l’eau, ne peut pas être arrêtée. Celui qui est responsable du moulin a cependant la possibilité de décider de moudre du grain ou de l’ivraie. L’esprit de l’homme est toujours en action et ne peut cesser de « moudre » ce qu’il reçoit, mais c’est à nous de décider de quel matériel l’approvisionner (cf. Cassien le Romain, Lettre à Léonce Higoumène).

Je voudrais que ce message puisse atteindre et encourager tous ceux qui, dans leur milieu professionnel ou dans leurs relations personnelles, « moulent » chaque jour beaucoup d’informations pour offrir un pain frais et bon à ceux qui se nourrissent des fruits de leur communication. Je voudrais exhorter chacun à une communication constructive qui, en rejetant les préjugés envers l’autre, favorise une culture de la rencontre grâce à laquelle il est possible d’apprendre à regarder la réalité en toute confiance.

Je pense qu’il faut briser le cercle vicieux de l’anxiété et endiguer la spirale de la peur, fruit de l’habitude de concentrer l’attention sur les « mauvaises nouvelles » (les guerres, le terrorisme, les scandales et toutes sortes d’échec dans les affaires humaines). Il ne s’agit pas évidemment de promouvoir une désinformation où le drame de la souffrance serait ignoré, ni de tomber dans un optimisme naïf qui ne se laisse pas atteindre par le scandale du mal. Je voudrais, au contraire, que tous nous cherchions à dépasser ce sentiment de mécontentement et de résignation qui nous saisit souvent, nous plongeant dans l’apathie, et provoquant la peur ou l’impression qu’on ne peut opposer de limites au mal. D’ailleurs, dans un système de communication où domine la logique qu’une bonne nouvelle n’a pas de prise et donc ne constitue pas une nouvelle, et où le drame de la souffrance et le mystère du mal sont facilement donnés en spectacle, il peut être tentant d’anesthésier la conscience ou de tomber dans le désespoir.

Je voudrais donc apporter une contribution à la recherche d’un style ouvert et créatif de communication qui ne soit jamais disposé à accorder au mal un premier rôle, mais qui cherche à mettre en lumière les solutions possibles,  inspirant une approche active et responsable aux personnes auxquelles l’information est communiquée. Je voudrais inviter à offrir aux hommes et aux femmes de notre temps des récits marqués par la logique de la « bonne nouvelle ».

La bonne nouvelle

La vie de l’homme n’est pas seulement une chronique aseptisée d’événements, mais elle est une histoire, une histoire en attente d’être racontée à travers le choix d’une clé de lecture qui permet de sélectionner et de recueillir les données les plus importantes. La réalité, en soi, n’a pas une signification univoque. Tout dépend du regard avec lequel elle est saisie, des « lunettes » à travers lesquelles on choisit de la regarder: en changeant les verres, la réalité aussi apparaît différente. D’où pouvons-nous donc partir pour lire la réalité avec de bonnes « lunettes »?

Pour nous chrétiens, les lunettes appropriées pour déchiffrer la réalité, ne peuvent être que celles de la bonne nouvelle, de la Bonne Nouvelle par excellence: «l’Evangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu» (Mc 1,1). Avec ces mots, l’Evangéliste Marc commence son récit par l’annonce de la « bonne nouvelle » qui concerne Jésus,  mais plus qu’une information sur Jésus, c’est plutôt la bonne nouvelle qui est Jésus lui-même. En lisant les pages de l’Évangile, on découvre en effet, que le titre de l’œuvre correspond à son contenu et, surtout, que ce contenu est la personne même de Jésus.

Cette bonne nouvelle qui est Jésus lui-même, n’est pas bonne car dénuée de souffrance, mais parce que la souffrance aussi est vécue dans un cadre plus large, comme une partie intégrante de son amour pour le Père et pour l’humanité. En Christ, Dieu s’est rendu solidaire avec toutes les situations humaines, nous révélant que nous ne sommes pas seuls parce que nous avons un Père qui ne peut jamais oublier ses enfants. «Ne crains pas, car je suis avec toi» (Is 43,5) sont les paroles consolatrices d’un Dieu qui depuis toujours s’est impliqué dans l’histoire de son peuple. En son Fils bien-aimé, cette promesse de Dieu – «Je suis avec toi » – arrive à assumer toute notre faiblesse, jusqu’à mourir de notre mort. En Lui aussi les ténèbres et la mort deviennent des lieux de communion avec la Lumière et la Vie. Ainsi, une espérance voit le jour, accessible à tous, à l’endroit même où la vie connaît l’amertume de l’échec. C’est une espérance qui ne déçoit pas, parce que l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs (cf. Rm 5,5) et fait germer la vie nouvelle comme la plante germe du grain jeté en terre. Dans cette lumière tout nouveau drame qui arrive dans l’histoire du monde devient aussi le scénario d’une possible bonne nouvelle, car l’amour parvient toujours à trouver le chemin de la proximité et à susciter des cœurs capables de s’émouvoir, des visages capables de ne pas se décourager, des mains prêtes à construire.

La confiance dans la semence du Royaume

Pour introduire ses disciples et les foules à cet état d’esprit évangélique et leur donner les bonnes « lunettes » pour approcher la logique de l’amour qui meurt et ressuscite, Jésus utilisait les paraboles, dans lesquelles le Royaume de Dieu est souvent comparé à la semence, qui libère sa puissance vitale justement quand elle meurt dans le sol (cf. Mc 4,1 à 34). L’utilisation d’images et de métaphores pour communiquer l’humble puissance du Royaume n’est pas une façon d’en réduire l’importance et l’urgence, mais la forme miséricordieuse qui laisse à l’auditeur l’ »espace » de liberté pour l’accueillir et la rapporter aussi à lui-même. En outre, elle est le chemin privilégié pour exprimer l’immense dignité du Mystère Pascal, laissant les images – plus que les concepts – communiquer la beauté paradoxale de la vie nouvelle dans le Christ, où les hostilités et la croix n’empêchent pas, mais réalisent le salut de Dieu, où la faiblesse est plus forte que toute puissance humaine, où l’échec peut être le prélude à l’accomplissement le plus grand de toutes choses dans l’amour. Et c’est justement ainsi, en réalité, que mûrit et s’approfondit l’espérance du Royaume de Dieu: « Comme d’un homme qui aurait jeté du grain en terre : qu’il dorme et qu’il se lève, nuit et jour, la semence germe et pousse »  (Mc 4,26-27)

Le Royaume de Dieu est déjà parmi nous, comme une graine cachée à un regard superficiel et dont la croissance se fait en silence. Celui qui a des yeux rendus clairs par l’Esprit Saint peut le voir germer et ne se laisse pas voler la joie du Royaume par les mauvaises herbes toujours présentes.

Les horizons de l’Esprit

L’espérance fondée sur la bonne nouvelle qui est Jésus nous fait lever les yeux et nous pousse à le contempler dans le cadre liturgique de la Fête de l’Ascension. Bien qu’il semble que le Seigneur s’éloigne de nous, en fait, les horizons de l’espérance s’élargissent. Effectivement, chaque homme et chaque femme, dans le Christ, qui élève notre humanité jusqu’au Ciel, peut librement «entrer dans le sanctuaire grâce au sang de Jésus, chemin nouveau et vivant qu’il a inauguré pour nous en franchissant le rideau du Sanctuaire, c’est-à-dire sa chair » (He 10, 19-20). A travers « la force de l’Esprit Saint » nous pouvons être «témoins» et communicateurs d’une humanité nouvelle, rachetée, « jusqu’aux extrémités de la terre» (cf. Ac 1,7-8).

La confiance dans la semence du Royaume de Dieu et dans la logique de Pâques ne peut que façonner aussi la manière dont nous communiquons. Cette confiance nous permet d’agir – dans les nombreuses formes de communication d’aujourd’hui – avec la conviction qu’il est possible d’apercevoir et d’éclairer la bonne nouvelle présente dans la réalité de chaque histoire et dans le visage de toute personne.

Celui qui, avec foi, se laisse guider par l’Esprit Saint devient capable de discerner en tout évènement ce qui se passe entre Dieu et l’humanité, reconnaissant comment Lui-même, dans le scénario dramatique de ce monde, est en train de tisser la trame d’une histoire de salut. Le fil avec lequel est tissée cette histoire sacrée est l’espérance, et son tisserand est nul autre que l’Esprit Consolateur. L’espérance est la plus humble des vertus, car elle reste cachée dans les plis de la vie, mais elle est comme le levain qui fait lever toute la pâte. Nous la cultivons en lisant encore et encore la Bonne Nouvelle, l’Evangile qui a été « réédité » en de nombreuses éditions dans la vie des saints, des hommes et des femmes qui sont devenus des icônes de l’amour de Dieu. Aujourd’hui encore c’est l’Esprit qui sème en nous le désir du Royaume, à travers de nombreux « canaux »  vivants, par le biais de personnes qui se laissent conduire par la Bonne Nouvelle au milieu du drame de l’histoire et qui sont comme des phares dans l’obscurité de ce monde, qui éclairent la route et ouvrent de nouveaux chemins de confiance et d’espérance.

(Tratto dall’archivio della Radio Vaticana)

Le Pape François écrit au président américain Donald Trump

CNS photo/Carlos Barria, Reuters

Vous trouverez ci-dessous l’article tel que paru sur la page web de Radio Vatican:

(RV) Le Pape François a adressé un message au nouveau président américain Donald Trump, investi ce vendredi 20 janvier 2017. «Sous votre direction, puisse la stature de l’Amérique continuer à être mesurée avant tout par son souci pour les pauvres, les exclus et les nécessiteux qui, comme Lazare, se tiennent devant notre porte» écrit le Saint-Père, lui offrant ses vœux cordiaux pour cette nouvelle présidence.

«À une époque où notre famille humaine est assaillie par de graves crises humanitaires exigeant des réponses politiques ambitieuses et unies, je prie pour que vos décisions soient guidées par les riches valeurs spirituelles et éthiques qui ont façonné l’histoire du peuple américain et l’engagement de votre nation à la promotion de la dignité humaine et de la liberté dans le monde entier» souligne François.

Donald Trump a été investi ce vendredi 20 janvier. Dans son discours sur les marches du Capitole, il s’est engagé à ce que sa présidence montre la voie pour l’Amérique et pour le monde «pour des années», dans un discours aux allures de discours de campagne.

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