Document final de la réunion presynodale des jeunes (traduction non-officielle)

 
«LES JEUNES, LA FOI ET LE DISCERNEMENT VOCATIONNEL»
ROME, 19-24 MARS 2018
INTRODUCTION
Les jeunes d’aujourd’hui sont confrontés à de nombreux défis et opportunités. La plupart sont liés à des contextes spécifiques et d’autres sont partagés par tous les continents. Dans ce contexte, il est nécessaire que l’Eglise travaille sa manière d’appréhender les jeunes, afin qu’elle soit pour eux un guide constructif et pertinent.
Ce document est une synthèse qui exprime certaines de nos pensées et expériences. Il est important de noter que ce sont là des réflexions de jeunes du 21ème siècle, de différentes religions et différentes cultures. Avec cela à l’esprit, l’Eglise doit considérer ces réflexions non pas comme une analyse empirique d’un temps du passé, mais plutôt comme un état des lieux de ce que nous sommes aujourd’hui, de là où nous nous dirigeons. Nous proposons ces réflexions comme un indicateur de ce que l’Eglise a besoin de faire pour avancer.
Il est important, en premier lieu, de clarifier les paramètres de ce document. Il ne s’agit pas de composer un traité théologique, ni d’établir un nouvel enseignement de l’Eglise. Il s’agit plutôt d’une déclaration reflétant les réalités spécifiques, personnalités, croyances et expériences des jeunes du monde entier. Ce document est destiné aux Pères Synodaux. Il s’agit de donner aux évêques une boussole, les guidant vers une compréhension claire des jeunes : une aide pour le Synode des évêques sur la jeunesse, la foi et le discernement, au mois d’octobre 2018. Il est important que ces expériences soient vues et comprises en fonction des différents contextes dans lesquels les jeunes sont situés.
Ces réflexions sont nées de la rencontre de 300 jeunes représentants du monde entier, convoqués à Rome du 19 au 25 mars 2018 à l’occasion du Pré-Synode pour les jeunes et la participation en ligne de 15 000 jeunes, à travers les groupes Facebook.
Ce document est un résumé de toutes les contributions des participants basé sur le travail de 20 groupes de langues et 6 autres provenant des réseaux sociaux. Cela sera une composante, parmi d’autres, de l’Instrumentum Laboris, pour le Synode des Evêques de 2018. Nous espérons que l’Eglise et d’autres institutions peuvent s’inspirer de cette méthode de travail du Pré-Synode et écouter davantage la voix des jeunes.
Ayant compris cela, nous pouvons aller plus loin pour réfléchir avec ouverture et foi sur la situation des jeunes aujourd’hui : les lieux ou les jeunes se retrouvent, les expériences relationnelles qui fondent leur personnalité, comment l’Eglise les aide à comprendre plus profondément qui ils sont et leur place dans le monde.
PREMIERE PARTIE
DEFIS ET OPPORTUNITES DES JEUNES DANS LE MONDE D’AUJOURD’HUI
1. La formation de la personnalité
Les jeunes sont à la recherche de communautés qui les accompagnent, qui les fassent grandir, qui soient authentiques et accessibles, qui les valorisent. Ils sont conscients des lieux qui les aident à développer leur personnalité, particulièrement la famille qui occupe une place privilégiée. Dans de nombreuses régions du monde, le rôle des ainés et la référence aux ancêtres contribuent à la formation de la personnalité. Cependant, cette référence n’est pas partagée de manière universelle, le modèle familial traditionnel étant en déclin dans d’autres régions du monde. L’affaiblissement de ce modèle est source de souffrance pour les jeunes. Certains jeunes s’éloignent de leurs traditions familiales, espérant s’affranchir de ce qu’ils considèrent comme « vieillot » ou « enlisé dans le passé ». D’un autre côté, dans certaines parties du monde, les jeunes cherchent leurs identités en restant attaché à leurs traditions familiales et font tout leur possible pour rester fidèle aux traditions dans lesquelles ils ont été élevés.
Ainsi l’Eglise doit mieux soutenir et former les familles. Cela est particulièrement vrai dans les pays où la liberté d’expression est plus difficile et où les jeunes, en particulier les mineurs, sont tenus éloignés de l’église et sont donc éveillés la foi à la maison, chez leurs parents.
Un sentiment d’appartenance à une communauté, à un groupe est important pour forger l’identité. Beaucoup de jeunes expérimentent que l’exclusion sociale est un facteur de perte de ses propres valeurs et de son identité. Au Moyen-Orient, beaucoup de jeunes se sentent obligés de se convertir à d’autres religions pour être acceptés par les autres et par la culture dominante. En Europe, ce phénomène est également ressenti par les communautés de migrants. Pour éviter de se sentir socialement exclu, ils perdent leur identité culturelle pour intégrer la culture dominante. C’est un domaine dans lequel l’Eglise doit être un modèle, proposer un espace de guérison pour les familles et montrer qu’il existe un espace pour chacun.
Il est important de noter que l’identité des jeunes est façonnée par des interactions avec d’autres et un sentiment d’appartenance à des groupes, des associations et des mouvements dans et en dehors de l’Eglise. Parfois, les paroisses ne sont plus considérées comme des lieux de rencontre. Nous reconnaissons également le rôle des éducateurs et des amis, en tant que figures inspirantes. Nous avons besoin de modèles qui soient attractifs, cohérents et authentiques. Nous avons besoin d’explications rationnelles et critiques face aux situations complexes. Les réponses simplistes ne nous suffisent pas.
Pour certains, la religion relève du domaine privé. Nous avons parfois l’impression que le sacré est séparé de nos vies quotidiennes. L’Eglise peut paraître excessivement sévère et moraliste. Il est parfois difficile dans l’Eglise de dépasser la logique du « on a toujours fait comme ça ». Nous avons besoin d’une Eglise qui soit accueillante et miséricordieuse, qui reconnaisse ses racines et de son héritage, qui aime chacun y compris ceux qui ne correspondent pas à ses standards. Beaucoup de ceux qui cherchent un sens à leur vie, finissent par se tourner vers d’autres alternatives, comme des philosophies et spiritualités de toutes sortes.
D’autres endroits importants permettent de se sentir appartenir à un groupe : les réseaux sociaux, les amis, l’école, notre environnement social quotidien. Ce sont des lieux où beaucoup d’entre nous passent la plus grande partie de leur temps. Mais parfois, nos écoles ne nous apprennent pas à développer notre pensée critique. Les moments cruciaux du développement de notre identité sont aussi ceux où nous devons opter pour une orientation scolaire, pour un emploi, la découverte de notre sexualité et poser nos choix de vie.
Notre expérience de l’Eglise forme et affecte notre personnalité et notre identité. Les jeunes sont particulièrement concernés par les sujets tels que la sexualité, les addictions, les mariages qui ont échoué, les familles divisées mais également par les sujets plus larges comme le crime organisé, la traite d’êtres humains, la violence, la corruption, l’exploitation, les violences faites aux femmes, toutes les formes de persécution et de dégradation de notre environnement. Ce sont des problèmes graves pour les communautés plus fragiles de notre monde. Dans beaucoup de pays, nous avons peur de l’instabilité sociale, politique et économique.
Alors que nous sommes confrontés à ces difficultés, nous avons besoin d’accueil, de miséricorde et de tendresse de la part de l’Eglise, à la fois comme institution et comme communauté de foi.
2. Les relations aux autres
Les jeunes essaient de donner du sens à un monde très compliqué aux réalités diverses. Nous avons de nouvelles possibilités de surmonter les différences et les divisions qui existent dans le monde. Cela est déjà visible à des degrés variés. Beaucoup de jeunes ont l’habitude de voir la diversité comme une richesse et une opportunité. Le multiculturalisme peut favoriser le dialogue et la tolérance. Nous valorisons la diversité d’idées dans notre monde globalisé, le respect de la pensée des autres et leur liberté d’expression. Toutefois, nous souhaitons préserver notre identité culturelle et éviter l’uniformité ou le rejet d’une culture. Nous ne devrions pas craindre notre diversité mais célébrer nos différences et ce qui nous rend singulier pour construire des relations profondes. Parfois, nous nous sentons exclus parce que nous sommes chrétiens dans un environnement méfiant vis-à-vis des religions.
Dans certains pays, la foi chrétienne est minoritaire alors qu’une autre religion prédomine. Les pays ayant des racines chrétiennes ont tendance aujourd’hui à rejeter progressivement l’Eglise et la religion. Certains jeunes essaient de donner sens à leur foi dans une société de plus en plus sécularisée où les libertés de religion et de conscience sont menacées. Le racisme est une réalité qui affecte les jeunes aujourd’hui. Ces situations sont autant de possibilités pour l’Eglise de proposer un autre chemin.
Dans ce contexte, il est souvent difficile pour les jeunes d’entendre le message de l’Evangile. Cela est accentué dans les endroits où il y a des tensions entre les peuples, en dépit d’un assentiment général pour la diversité. Une attention particulière doit être portée à nos frères et sœurs chrétiens qui sont persécutés dans le monde. Nous savons que nos racines chrétiennes sont ancrées dans le sang des martyrs. Nous prions pour la fin de toutes les persécutions et rendons grâce pour leur témoignage de foi au monde. Par ailleurs, on note des prises de position différentes sur la question de l’accueil des migrants et des réfugiés. Cela, en dépit de la reconnaissance de l’appel universel à se soucier de la dignité de chaque personne.
Dans un monde globalisé et pluri-religieux, l’Eglise a besoin de témoigner et d’élaborer un dialogue paisible et constructif avec les personnes d’autres confessions ou traditions, à partir des grandes directions théologiques existantes.
3. Les jeunes et le futur
Les jeunes rêvent de sécurité, de stabilité et d’épanouissement, ils espèrent une vie meilleure pour leurs familles. Dans beaucoup d’endroits du monde, cela correspond à une recherche de sécurité physique ; pour d’autres à la quête d’un travail ou d’un style de vie particulier. Le désir de se sentir appartenir une communauté est une aspiration commune aux jeunes de tous les continents. Nous attendons beaucoup d’une société cohérente qui nous ferait confiance. Nous cherchons à être écoutés, à ne pas être de simples spectateurs de la société mais des membres actifs. Nous voulons une Eglise qui nous aide à trouver notre vocation, dans tous les sens du terme. Malheureusement, tous parmi nous ne croient pas que la sainteté est un objectif atteignable et un chemin de bonheur.
Beaucoup de jeunes ont vécu des traumatismes ou souffrent de handicaps physiques ou mentaux. L’Eglise doit mieux nous accompagner et nous offrir des perspectives pour nous assister dans nos chemins de guérison. Des préoccupations pratiques rendent nos vies difficiles. Dans certaines parties du monde, la seule façon de garantir un futur stable, de recevoir une éducation supérieure est de travailler dur. Cela n’est pas encore possible partout. En dépit de cette réalité, les jeunes souhaitent affirmer l’inhérente dignité du travail. Parfois, nous finissons par abandonner nos rêves à cause de la peur qui est la nôtre, des pressions socio-économiques qui détruisent nos espoirs.
Pour cette raison, les jeunes veulent prendre part aux débats sur la Justice Sociale. Nous voulons travailler à la construction d’un monde meilleur. A cet égard, la doctrine sociale de l’Eglise est un outil pertinent. Nous voulons un monde de paix, qui allie écologie intégrale et développement global et durable de l’économie. Les jeunes qui vivent dans des régions instables et vulnérables attendent et espèrent des actions concrètes de la part des gouvernements et de la société : la fin de la guerre et de la corruption, faire face au changement climatique, aux inégalités sociales et à l’insécurité. Il est important de noter que, quel que soit le contexte, tous les jeunes partagent les mêmes idéaux : la paix, l’amour, la confiance, l’équité, la liberté et la justice.
Les jeunes rêvent d’une vie meilleure et beaucoup sont forcés à émigrer dans le but de trouver une situation économique et environnementale meilleure. Ils espèrent la paix et sont particulièrement attirés par le « mythe occidental », représenté dans les médias. Les jeunes africains rêvent d’une église locale autonome, qui ne soit pas dépendantes d’aides mais une église qui donne vie à ses communautés. Malgré les nombreuses guerres et les explosions irrégulières de violence, les jeunes restent pleins d’espoir. Dans les pays occidentaux, leurs rêvent sont centrés sur le développement personnel et l’auto-réalisation. Partout, il y a un fossé entre les désirs des jeunes et leur capacité à prendre des décisions sur le long terme.
4. Le rapport à la technologie
Il faut comprendre la dualité qui existe dans l’utilisation de la technologie. Alors que des avancées modernes ont réellement amélioré nos vies, nous devons être mesurés quant aux conséquences négatives possibles de leur emploi. La technologie a pour certains permis d’élargir le cercle de leurs relations mais pour beaucoup d’autres cela a pris la forme d’une addiction, qui vient remplacer les relations humaines, et même la relation à Dieu. En tous cas, la technologie a maintenant une place incontournable dans la vie des jeunes et doit être appréhendée en conséquence. Paradoxalement, dans certains pays, la technologie et particulièrement internet est accessible alors qu’il manque les besoins et services, parmi les plus élémentaires.
L’impact des réseaux sociaux dans la vie des jeunes ne peut être sous-estimé. Ils participent de manière significative à la construction de l’identité d’un jeune et à sa manière de vivre. Le monde digital a un grand potentiel pour réunir les peuples malgré les distances géographiques, comme jamais auparavant. L’échange d’informations, d’idéaux, de valeurs et d’intérêts communs est croissant. L’accès à des outils d’apprentissage en ligne a ouvert des opportunités d’éducation dans des régions éloignées.
Cependant, l’ambiguïté de la technologie devient évidente quand cela mène au développement de certains vices. Ce danger se manifeste à travers certains comportements comme l’isolement, la paresse, la désolation et l’ennui. Il est évident que les jeunes du monde entier deviennent de plus en plus dépendants et consomment de manière obsessive les produits médiatiques. On note aussi que malgré le fait de vivre dans un monde hyper-connecté, la communication entre les jeunes est restreinte à un échange entre personnes similaires. Il existe un manque d’espaces et d’opportunités pour aller à la rencontre de la différence. La culture des masses médias exerce encore de nombreuses influences sur la vie des jeunes et leurs idéaux. L’arrivée des réseaux sociaux a amené de nouveaux défis dans la mesure où les entreprises qui les possèdent, ont pris le pouvoir sur la vie des jeunes. Parfois, les jeunes séparent leurs comportements en ligne de leur comportement réel. Il est nécessaire d’offrir une formation aux jeunes pour les guider dans leur vie digitale. Les relations en ligne peuvent devenir inhumaines. Les espaces digitaux nous rendent aveugles à la vulnérabilité de l’être-humain et nous empêchent de réfléchir par nous-mêmes.
Les problèmes comme la pornographie faussent la perception qu’on les jeunes de la sexualité. La technologie créait une réalité parallèle qui ignore la dignité humaine. D’autres risques incluent : la perte d’identité associée à la mauvaise représentation de la personne humaine, la construction virtuelle d’une nouvelle personnalité, et la perte d’un contact direct avec l’entourage. Il y a également d’autres risques à plus long terme, parmi lesquels : la perte de la mémoire, de sa culture, de sa créativité, dus à un accès immédiat à l’information, et une perte de la capacité de concentration liée à la fragmentation. Plus encore, il existe une culture et une dictature des apparences. Le débat sur la technologie n’est pas limité à internet. En ce qui concerne les questions bioéthiques, la technologie pose de nouveaux défis et risques au regard de la protection de la vie humaine, à chaque étape. L’émergence de l’intelligence artificielle et des nouvelles technologies comme les robotiques et automatisation soulèvent des risques liés à la perte d’emplois. La technologie peut aller à l’encontre de la dignité humaine si elle n’est pas utilisée avec conscience et modération. Elle doit replacer l’humain au cœur de son utilisation.
Nous proposons deux idées concrètes concernant la technologie. Premièrement, en engageant un dialogue avec les jeunes, l’Eglise devrait approfondir sa compréhension de la technologie, afin d’aider ces jeunes à en discerner l’usage. De plus, l’Eglise devrait voir la technologie, particulièrement internet, comme un espace fertile pour la Nouvelle évangélisation. Les résultats de ces réflexions devraient être formalisés à travers un document officiel de l’Eglise. Deuxièmement, l’Eglise devrait aborder la crise généralisée de la pornographie, des viols d’enfants en ligne, et s’exprimer sur les atteintes que cela porte à notre humanité.
5. Recherche du sens de la vie
Beaucoup de jeunes, quand on leur pose la questions « Quel est le sens de ta vie ? » ne savent pas comment répondre. Ils ne font pas toujours le lien entre leur vie et la transcendance. Beaucoup de jeunes, ayant perdu confiance dans les institutions, se sont détachés de la religion et ne se voient pas comme « religieux ». Cependant, les jeunes sont ouverts à la spiritualité. Beaucoup regrettent aussi la rareté avec laquelle les jeunes cherchent une réponse au sens de leur vie dans un contexte de foi et d’Eglise. Dans beaucoup de régions du monde, les jeunes attribuent le sens de leur vie à leur travail et à leur succès personnel. La difficulté à trouver une stabilité personnelle et professionnelle dans ces régions produit insécurité et anxiété. Beaucoup doivent émigrer pour trouver un travail. D’autres abandonnent leur famille et leur culture à cause de l’instabilité économique. Il faut souligner que quand les jeunes se posent des questions sur le sens de leur vie, cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont prêts à s’engager fermement avec Jésus ou avec l’Eglise. Aujourd’hui, la religion n’est plus vue comme le biais par lequel le jeune cherche du sens, ils se tournent souvent vers d’autres courants et idéologies plus modernes. Les scandales attribués à l’Eglise, réels ou véhiculés, affectent la confiance des jeunes dans l’Eglise et dans les institutions qu’elle représente.
L’Eglise peut jouer un rôle vital pour s’assurer que les jeunes ne soient pas marginalisés mais se sentent acceptés. Cela peut arriver quand nous cherchons à promouvoir la dignité des femmes, à la fois dans l’Eglise et dans la société en général. Le fait que les femmes n’aient pas une place équivalente à celle des hommes reste un problème dans la société. Cela est également vrai dans l’Eglise. Il y a de beaux exemples de femmes consacrées dans des communautés religieuses et ayant des responsabilités. Cependant, pour certaines femmes, ces exemples ne sont pas toujours visibles. Une question clé des réflexions de groupes a concerné les lieux où les femmes peuvent s’épanouir dans l’Eglise et la société. L’Eglise peut aborder ces problèmes dans une vraie discussion et avec une ouverture d’esprit à différentes idées et expériences.
Il existe souvent de profonds désaccords parmi les jeunes, à la fois dans l’Eglise et dans le monde, sur certains de ses enseignements qui sont particulièrement sensibles. Quelques exemples : contraception, avortement, homosexualité, cohabitation, mariage et comment la prêtrise est perçue dans les différentes réalités de l’Eglise. Il est important de noter que, quelque soit le niveau de compréhension des enseignements de l’Eglise, des désaccords et des discussions sont toujours en cours parmi les jeunes sur ces sujets polémiques. Par conséquent, ils peuvent vouloir voir l’Eglise changer ses enseignements ou au moins avoir accès à de meilleures explications et formations sur ces questions. Même si un débat interne existe, les jeunes catholiques, dont les convictions sont en conflit avec les enseignements officiels, veulent rester dans l’Eglise. Beaucoup de jeunes catholiques acceptent ces enseignements et trouvent en eux une source de joie. Ils ne désirent pas seulement que l’Eglise tienne fermement ses positions malgré leurs impopularités mais qu’elle les proclame avec une plus grande profondeur dans ses enseignements.
A travers le monde, la relation au sacré est compliquée. La chrétienté est souvent vue comme quelque chose qui appartient au passé et ses valeurs ou sa pertinence dans notre vie ne sont plus comprises. En même temps, dans certaines communautés la priorité est donnée au sacré car la vie quotidienne est structurée autour de la religion. Dans certains contextes asiatiques, le sens de la vie peut être associé avec des philosophies orientales.
Finalement, beaucoup d’entre nous veulent vraiment connaître Jésus mais nous avons souvent du mal à réaliser qu’il est la seule source de la vraie découverte de soi, car c’est dans la relation avec lui que la personne humaine se découvre pleinement. Ainsi, les jeunes veulent des témoins authentiques, des hommes et des femmes qui donnent une image vivante et dynamique de leur foi et de leur relation avec Jésus, des personnes qui encouragent les autres à approcher, rencontrer et tomber amoureux de Jésus.
DEUXIEME PARTIE
FOI ET VOCATION, DISCERNEMENT ET ACCOMPAGNEMENT
C’est à la fois une joie et une responsabilité sacrées d’accompagner les jeunes dans leur cheminement de foi et dans leur discernement. Les jeunes sont plus réceptifs à « un chemin de vie » qu’à un discours théologique abstrait, ils sont plus conscients et réceptifs et plus engagés quand ils sont acteurs dans l’Eglise et dans le monde. Pour cela, il est important de comprendre comment les jeunes perçoivent la foi et la vocation et les défis qu’ils rencontrent pour discerner.
6. Les jeunes et Jésus
La relation entre les jeunes et Jésus est aussi variée que le nombre de jeunes sur terre. Beaucoup de jeunes connaissent Jésus et le reconnaissent comme leur Sauveur et le Fils de Dieu. De plus, les jeunes trouvent souvent une relation de proximité avec Jésus à travers sa Mère, Marie. D’autres jeunes peuvent ne pas avoir une telle relation de proximité avec Jésus mais le voient comme un guide et un homme bien. Beaucoup de jeunes voient Jésus comme un personnage historique, quelqu’un d’une autre époque et d’une autre culture, qui n’est pas pertinent pour leur vie. Enfin, certains jeunes perçoivent Jésus comme un personnage éloigné de la vie humaine, pour eux, cette distance est entretenue par l’Eglise. Les jeunes ont de fausses images de Jésus qui les amènent souvent à ne pas être attirés par lui. Ils ont une vision erronée du modèle chrétien, et donc de ses règles, qui semblent éloignées des gens ordinaires . Ainsi, pour certains, le Christianisme est perçu comme inatteignable.
Pour éclaircir les confusions des jeunes concernant Jésus, il est possible de retourner aux Ecritures pour mieux comprendre, en profondeur, la personne du Christ, sa Vie et son Humanité. Les jeunes ont besoin de rencontrer le Christ, pas de le percevoir comme un objectif moral impossible à atteindre. Cependant, ils ne sont pas sûrs de savoir comment faire. L’Eglise doit encourager cette rencontre.
7. La Foi et l’Eglise
Pour beaucoup de jeunes, la foi est devenue personnelle et non communautaire. L’expérience négative de l’Église reçue par certains jeunes y a contribuée. Beaucoup de jeunes ont une relation personnelle avec Dieu qui est « spirituelle et non religieuse » ou uniquement focalisée sur la relation avec Jésus Christ. Pour certains jeunes, l’Eglise a développé une culture qui se focalise sur les membres de l’institution et non sur la personne du Christ. D’autres jeunes voient les responsables religieux comme déconnectés des réalités et plus intéressés par les tâches administratives que par la recherche de la construction d’une communauté. D’autres enfin voient l’Eglise comme non pertinente. L’Eglise semble oublier qu’elle est le peuple de Dieu et non une institution. Pour d’autres jeunes, l’Eglise est proche d’eux, en particulier en Afrique, en Asie et en Amérique latine et dans certains mouvements mondiaux ; même certains jeunes qui ne vivent pas l’Evangile se sentent aussi proches de l’Eglise. Ce sens de l’appartenance et de la famille soutient les jeunes sur leur chemin de vie. Sans cet ancrage avec le soutien de la communauté et de l’appartenance, les jeunes se sentent isolés pour faire face aux difficultés. De nombreux jeunes ne ressentent pas le besoin de faire partie de l’Eglise et trouve du sens à leur vie en dehors de cette Église.
Malheureusement, dans certaines parties du monde, de nombreux jeunes quittent l’Eglise. Il est crucial de comprendre ce phénomène pour aller de l’avant. Les jeunes qui sont déconnectés de l’Eglise ou qui la quitte le font après avoir expérimenté l’indifférence, le jugement ou le rejet. Parfois, certains assistent, participent ou quittent une messe sans expérimenter le sens de la Communauté ou de la famille dans le Corps du Christ. Les chrétiens professent un Dieu vivant mais certains assistent à des messes ou appartiennent à des communautés qui semblent mortes. Les jeunes sont attirés par la joie qui devrait être caractéristique de notre foi. Les jeunes veulent voir dans l’Eglise un témoignage vivant de ce qu’elle enseigne, un témoignage authentique vers la sainteté, ce qui inclut la reconnaissance de ses erreurs et la demande de pardon. Les jeunes attendent des responsables de l’Eglise (ordonnés, religieux ou laïcs) qu’ils soient des exemples forts. Reconnaître que les modèles de foi sont authentiques et vulnérables permet aux jeunes d’être eux-mêmes librement authentiques et vulnérables. Ce n’est pas détruire le caractère sacré de leur ministère mais c’est pour permettre aux jeunes d’être inspirés par leur chemin vers la sainteté. Dans beaucoup d’occasions, les jeunes ont du mal à trouver un espace dans l’Eglise où ils peuvent participer activement et prendre des responsabilités. Les jeunes ont l’impression que dans l’Eglise on les considèrent comme trop jeunes et inexpérimentés pour prendre des responsabilités, comme s’ils n’allaient faire que des erreurs. Les jeunes ont besoin qu’on leur fasse confiance pour diriger, prendre des décisions et être acteur de leur propre chemin spirituel. Ce n’est pas seulement imiter leurs ainés mais réellement prendre la mesure de leurs responsabilités et de leur mission, vivre pleinement. Les mouvements et communautés nouvelles de l’Eglise ont développé des chemins fructueux non seulement pour évangéliser les jeunes mais aussi pour les responsabiliser pour qu’ils soient les premiers ambassadeurs de leur foi auprès de leurs pairs.
Les jeunes ont également l’impression que les femmes ont un rôle peu clair dans l’Eglise. S’il est difficile pour les jeunes d’avoir un sentiment d’appartenance et de leader dans l’Eglise, cela est encore plus compliqué pour les jeunes femmes. Il serait utile pour les jeunes que l’Eglise clarifie le rôle des femmes et aide les jeunes à mieux le comprendre.
8. Le sens vocationnel de la vie
Il faut une compréhension simple et claire de la vocation, qui souligne le sens de l’appel et la mission, des désirs et des aspirations, pour en faire un concept plus identifiable pour les jeunes à ce stade de leurs vies. La vocation a souvent été présentée comme un concept abstrait, perçu comme trop éloigné des préoccupations de beaucoup. En général, ils comprennent l’importance de donner du sens et un but à sa vie, mais beaucoup ne savent pas comment connecter cela à la vocation comme un cadeau et un appel de Dieu.
Le terme « vocation » est devenu synonyme de la prêtrise et de la vie religieuse dans la culture ecclésiale. Si ces vocations spécifiques sont des appels sacrés qui devraient être célébrés, il est important pour les jeunes qu’ils sachent que leur vocation est par essence celle de leur vie, et que chaque personne a la responsabilité de discerner ce que Dieu l’appelle à être et à faire. Il y a une plénitude à chaque vocation qui doit être soulignée afin d’ouvrir les cœurs des jeunes à cette possibilité.
Les jeunes de croyances diverses voient la vocation comme ouverte à la vie, à l’amour, aux aspirations, comme une contribution pour le monde et une manière d’avoir un impact. Le terme vocation n’est pas clair pour beaucoup de jeunes ; c’est pourquoi il est nécessaire de mieux comprendre la vocation chrétienne (prêtrise, vie religieuse, ministère laïc, mariage et famille, rôle dans la société, etc.) et l’appel universel à la sainteté.
9. Le discernement vocationnel
Discerner sa vocation peut être un défi, notamment aux vues des idées reçues sur le terme. Néanmoins, les jeunes vont relever le défi. Discerner sa vocation peut être une aventure sur leur chemin de la vie. Cela étant dit, beaucoup de jeunes ne savent pas comment mettre en place un processus de discernement, c’est donc une occasion pour l’Eglise de les accompagner.
Beaucoup de facteurs influencent la capacité des jeunes à discerner leurs vocations, comme l’Eglise, les différences culturelles, la recherche de travail, les réseaux sociaux, les attentes familiales, la santé mentale et l’état d’esprit, le bruit, la pression des pairs, les scenarios politiques, la société, la technologie, etc. Passer du temps en silence, dans l’introspection et la prière, ainsi que la lecture des Ecritures et l’approfondissement de la connaissance de soi sont des opportunités que très peu de jeunes saisissent. Il faudrait faire plus de place à ces propositions. L’engagement dans des groupes basés sur la foi, les mouvements, les communautés dont on partage les valeurs peut aussi aider les jeunes dans leur discernement.
On reconnaît en particulier les défis propres auxquels font face les jeunes femmes quand elles discernent leur vocation et leur place dans l’Eglise. Tout comme le oui de Marie à l’appel de Dieu est préalable à l’expérience chrétienne, les jeunes femmes ont besoin de place pour dire leur propre « oui » à leur vocation. Nous encourageons l’Eglise à approfondir sa compréhension du rôle de la femme et à valoriser les jeunes femmes, à la fois laïques et consacrées, dans l’esprit de l’amour de l’Eglise pour Marie, la mère de Jésus.
10. Les jeunes et l’accompagnement
Les jeunes cherchent des compagnons sur leur chemin de vie, pour marcher avec eux, des hommes de foi et des femmes qui expriment la vérité et permettent aux jeunes d’exprimer leur compréhension de la foi et de leur vocation. Ces personnes n’ont pas besoin d’être des modèles de foi à imiter, mais plutôt des témoins. De telles personnes devraient évangéliser par leur vie. Beaucoup pourraient être témoins, que ce soit des personnes d’un entourage familial, des collègues dans une communauté locale, ou des martyrs qui témoignent de leur foi par leurs vies.
Les qualités attendues de ces accompagnateurs : être un chrétien fidèle et engagé dans l’Eglise et le monde, qui cherche constamment la sainteté, quelqu’un en qui l’on peut avoir confiance, qui ne juge pas, qui écoute activement les besoins des jeunes et y répond avec bienveillance, quelqu’un qui aime profondément, avec conscience, qui reconnaît ses limites et connaît les joies et les peines d’un chemin de vie spirituelle.
Une qualité particulièrement importante chez les accompagnateurs est la reconnaissance de leur propre humanité et d’être faillibles : pas des personnes parfaites mais des pêcheurs pardonnés. Parfois, les accompagnateurs spirituels sont mis sur un piédestal, et quand ils tombent, cela a un réel impact dévastateur sur la capacité des jeunes à continuer leurs engagements dans l’Eglise.
Les accompagnateurs ne doivent pas conduire les jeunes comme s’ils étaient des sujets passifs mais ils doivent marcher avec eux en leur donnant d’être acteur de leur cheminement. Ils doivent respecter la liberté des jeunes qu’ils rencontrent, dans leurs chemins de discernement et aussi les équiper avec des outils précieux pour ce discernement. Un accompagnateur doit profondément croire dans la capacité du jeune à participer à la vie de l’Eglise. L’accompagnateur doit semer les grains de la foi dans la terre des jeunes sans attendre de voir instantanément les fruits de son travail.
Ce rôle ne doit pas être limité aux prêtres et aux consacrés mais les laïcs doivent être encouragés et appelés à cette mission. Tous doivent bénéficier d’une bonne formation initiale et continue.
TROISIEME PARTIE
ACTION EDUCATIVE ET PASTORALE DE L’EGLISE
11. Le style d’Eglise
Aujourd’hui, les jeunes attendent une Eglise authentique. Plus précisément, nous voulons dire aux responsables hiérarchiques de l’Eglise, que nous devons être une communauté transparente, accueillante, honnête, attirante, accessible, joyeuse, une communauté qui communique.
Une Eglise crédible est une Eglise qui ne craint pas de se montrer vulnérable. L’Eglise devrait pouvoir reconnaître rapidement et honnêtement ses erreurs passées et présentes, accepter qu’elle est composée de personnes pouvant être dans l’erreur ou l’incompréhension. Parmi les fautes à reconnaître, on peut nommer notamment les multiples abus sexuels et les mauvaises gestions financières.
L’Eglise devrait continuer à renforcer sa position de non-tolérance en ce qui concerne les abus sexuels au sein des institutions. En admettant avec humilité son humanité, l’Eglise verra sans aucun doute son message plus crédible et plus accessible pour les jeunes du monde entier. Si l’Eglise agit de la sorte, cela la différenciera des autres institutions dans lesquelles la plupart des jeunes n’ont pas confiance.
De plus, l’Eglise remarque l’attention des jeunes à être enracinés en Christ. Jésus-Christ est la Vérité qui construit l’Eglise d’une manière différente que tout autre organisation internationale que nous pouvons identifier. Par conséquent, nous demandons que l’Eglise continue à proclamer la joie de l’Evangile en se laissant guider par l’Esprit-Saint.
Nous désirons que l’Eglise répande son message à travers les moyens modernes de communication. La jeune Eglise voudrait aussi que les responsables ecclésiaux abordent les sujets sensibles tels que l’homosexualité et les questions de genre, sujets dont nous parlons déjà entre nous, librement et sans tabou. Certains perçoivent l’Eglise comme opposée à la science, mais son dialogue avec le monde scientifique est aussi important, comme une science qui peut illuminer la beauté de la création. Dans ce contexte, l’Eglise devrait également prêter attention aux problèmes environnementaux, particulièrement ce qui concerne la pollution. Nous désirons aussi voir une Eglise compatissante, qui aille rejoindre ceux en difficulté, à la marge, les persécutés et les plus pauvres. Une Eglise attractive et une Eglise en relation.
12. Jeunes Leaders
L’Eglise doit impliquer les jeunes dans ses processus de prise de décisions et leur offrir davantage de rôles de leadership. Ces positions valent à la fois pour l’échelon paroissial, diocésain, national et international, et même dans le cadre d’une commission au Vatican. Nous ressentons fortement que nous sommes prêts à devenir des responsables qui peuvent grandir et être aidés par les personnes plus âgées de l’Eglise, que ce soit des religieux ou des laïcs, hommes et femmes. Nous avons besoin de programmes pour jeunes leaders qui les formeraient et veilleraient à leur développement continu. Certaines jeunes femmes ont le sentiment qu’il y a un manque de modèles féminins de leaders au sein de l’Eglise quand elles souhaiteraient faire don de leurs capacités intellectuelles et professionnelles à l’Eglise. Nous pensons également que les séminaristes et les religieux devraient être à même d’accompagner les jeunes leaders.
Au-delà du processus institutionnel de prise de décisions, nous voulons être une présence joyeuse, enthousiaste et missionnaire au sein de l’Eglise. Nous exprimons également le souhait d’être une voix créatrice dans l’Eglise. Cette créativité se retrouve dans la musique, la liturgie et les arts. Actuellement, il s’agit d’un potentiel inexploité, la créativité étant souvent dominée par des membres plus âgés.
Il y a aussi un désir d’avoir des communautés fortes, dans lesquelles les jeunes partagent leurs combats et témoignages avec d’autres. Dans beaucoup d’endroits, ces propositions existent grâce aux initiatives des laïcs, des mouvements, des associations, mais elles attendent un meilleur soutien, à la fois officiel et financier.
La jeune Eglise regarde également en dehors d’elle-même. Les jeunes ont une passion pour la politique, les activités civiles et humanitaires. Ils veulent agir en tant que catholiques dans l’espace public pour le bien de toute la société. Dans tous ces aspects de la vie de l’Eglise, les jeunes souhaitent être accompagnés et pris au sérieux, c’est-à-dire considérés comme des membres pleinement responsables de l’Eglise.
13. Les lieux préférés
Nous souhaitons que l’Eglise nous rencontre dans les lieux divers où elle est actuellement peu ou pas présente. Avant tout, la place où nous souhaitons que l’Eglise nous rencontre est la rue, où toutes les personnes se trouvent. L’Eglise doit essayer d’être créative dans les nouvelles manières de rencontrer les gens là où ils sont à l’aise et où ils sortent : bars, café, parcs, salles de sport, stades et n’importe quel lieu de culture populaire. Une attention particulière doit être donnée aux lieux où l’accès est plus difficile, comme les bases militaires, les lieux de travail ou les zones rurales. Comme ces environnements, nous avons besoin de la lumière de la foi dans des lieux plus difficiles : orphelinats, hôpitaux, quartiers défavorisés et difficiles, régions ravagées par la guerre, prisons, centres de réinsertions.
Alors que l’Eglise rencontre beaucoup d’entre nous à l’Ecole ou à l’Université à travers le monde, nous voulons voir sa présence plus forte et plus efficace. On ne gâche pas les ressources quand on les investit dans ces lieux où beaucoup de jeunes passent la plus part de leur temps et s’intéressent à des personnes de milieux socio-professionnels variés. Beaucoup d’entre nous sommes déjà des membres croyants-convaincus de nos communautés paroissiales ou membres d’institutions, associations et organisations variées dans l’Eglise. Il est impératif que ceux qui sont déjà engagés soient soutenus par leur communauté ecclésiale pour qu’ils soient plus forts et inspirés pour évangéliser le monde extérieur.
Parmi les nombreux lieux concrets où l’Eglise peut nous rencontrer, le monde digital doit être pris en compte par l’Eglise. Nous voulons voir une Eglise qui est accessible à travers les réseaux sociaux et les autres espaces digitaux, pour présenter plus facilement et plus efficacement l’information sur l’Eglise et ses enseignements et pour promouvoir la formation aux jeunes. Pour faire court, nous voulons que l’Eglise nous rencontre là où nous sommes intellectuellement, émotionnellement, spirituellement, socialement et physiquement.
14. Les initiatives à renforcer
Nous avons soif d’expériences qui ancrent notre relation à Jésus dans le monde réel. Les initiatives qui rencontrent du succès nous offrent une expérience de Dieu. C’est pourquoi nous répondons à des propositions qui nous offrent une compréhension des sacrements, de la prière et la liturgie, afin de partager et de rendre compte convenablement de notre foi dans un monde sécularisé. Les sacrements sont d’une grande valeur pour nous qui désirons développer le sens plus profond de ce qu’ils signifient dans nos vies. Cela vaut pour la préparation au mariage, le sacrement de la réconciliation, la préparation au baptême des enfants… Du fait du manque de clarté et de présentation attrayante de ce que les sacrements offrent vraiment, certains d’entre nous y avons recours en les sous-évaluant.
Les initiatives qui portent du fruit sont : les évènements comme les JMJ, les programmes et formations qui donnent des réponses, notamment pour les nouveaux convertis, les actions caritatives, la catéchèse, les week-ends de retraite et les exercices spirituels, les événements charismatiques, les chorales, les groupes d’adoration et louange, les pèlerinages, les équipes sportives catholiques, les groupes de jeunes de paroisse ou de diocèse, les groupes d’études bibliques, les aumôneries universitaires, différentes applis sur la foi, et l’immense variété de mouvements et d’associations au sein de l’Eglise.
Nous répondons positivement à des événements de grande ampleur bien organisés, en ayant à l’esprit que tous les événements ne doivent pas être organisés à cette échelle. Les petits groupes locaux, où on peut exprimer ses questions et partager entre disciples du Christ, sont également essentiels pour maintenir la foi. Ces plus petits événements, à l’échelle locale, peuvent faire le lien entre les grands événements d’Eglise et la paroisse. Se rassembler de la sorte est particulièrement important pour les jeunes vivant dans des pays acceptant peu les chrétiens.
Les aspects sociaux et spirituels des initiatives de l’Eglise peuvent être complémentaires. Il y a un fort désir pour des actions caritatives et d’évangélisation auprès de personnes luttant contre la maladie ou les addictions, tout en engageant le dialogue avec des personnes de divers religions, cultures et/ou contextes socio-économiques. L’Eglise devrait renforcer les initiatives qui luttent contre la traite humaine, la migration forcée et les narcotrafiquants, particulièrement en Amérique Latine.
15. Les instruments à utiliser
L’Eglise doit adopter un langage qui intègre les fonctionnements et les cultures des jeunes pour que toutes les personnes aient l’opportunité d’entendre le message de l’Evangile. Cependant, nous sommes passionnés par différentes expressions de l’Eglise.
Certains mettent l’accent sur la prière à l’Esprit Saint, notamment au travers des mouvements charismatiques. D’autres préfèrent le silence, la méditation et les liturgies traditionnelles.
Toutes cela est bon et nous aident à prier de différentes manières. A l’extérieur de l’Eglise, de nombreux jeunes cherchent une spiritualité qui les satisfait, l’Eglise devrait être là pour les appeler et leur donner les bons instruments. Multimédia – Internet offre une opportunité sans précédent à l’Eglise d’évangéliser, particulièrement avec les médias sociaux et les vidéos en ligne. En tant que jeune de cette « génération médias », nous pourrions guider cette évolution. Il s’agit également d’une place pour aller à la rencontre d’autres et d’appeler des jeunes d’autres religions et des non-croyants. La « Vidéo du Pape » ou les séries de vidéos sur le Pape sont un bon exemple de l’utilisation des médias pour l’évangélisation.
Les années de césure – Les années de service au sein de mouvements ou de volontariats donnent aux jeunes une expérience de mission et un espace de discernement. Cela créé également une opportunité pour l’Eglise de rencontrer des non-croyants ou des personnes d’autres religions dans le monde. Les arts et la beauté – La beauté est universellement reconnue et l’Eglise a une histoire d’engagement pour l’évangélisation à travers les arts, comme la musique, l’art visuel, l’architecture, le design… Les jeunes sont très demandeurs sur ce point et aiment beaucoup tout ce qui est créatif et expressif.
· Adoration, méditation et contemplation – Nous apprécions également le contraste entre le silence offert par la tradition de l’Eglise à travers l’adoration eucharistique et la prière contemplative. Cela donne un espace au milieu du bruit constant des communications modernes et c’est en ce lieu silencieux que nous rencontrons Jésus. Le silence permet d’écouter la voix de Dieu et de discerner sa volonté pour nous. Les gens en-dehors de l’Eglise apprécient aussi la méditation, et la riche culture de l’Eglise sur ce point peut être un pont pour ces personnes spirituelles qui ne pratiquent pas. Cela peut-être à contre-courant, mais efficace.
· Témoins – Les histoires personnelles de l’Eglise sont des moyens efficaces d’évangéliser comme des expériences personnelles qui ne peuvent être débattues. Les témoignages des chrétiens d’aujourd’hui ou des chrétiens persécutés au Moyen-Orient, sont des témoignages forts d’une vie pleinement trouvée dans l’Eglise. Les histoires des Saints sont aussi à relever comme des passages vers la sainteté, de plein accomplissement.
· Le processus synodal– Nous sommes ravis d’avoir été pris au sérieux par les responsables hiérarchiques de l’Eglise et nous pressentons que ce dialogue entre les jeunes et les plus âgés dans l’Eglise est vital, et que cela va porter du fruit. Ce serait dommage que ce dialogue ne puisse pas continuer et grandir ! Cette culture d’ouverture est extrêmement saine pour nous.
Au début de cette rencontre du Pré-Synode et dans l’esprit de ce dialogue, le pape François nous a partagé ce verset biblique : « Après cela, je déverserai mon Esprit sur tout être humain ; vos fils et vos filles prophétiseront, vos vieillards auront des rêves, et vos jeunes gens des visions. » Joël 3, 1.

Homélie du pape François pour le Dimanche des rameaux 2018

Homélie du pape François 2018

Jésus entre à Jérusalem. La liturgie nous a invités à intervenir et à participer à la joie ainsi qu’à la fête du peuple qui est capable de crier et de louer son Seigneur ; une joie qui se ternit et laisse un goût amer et douloureux lorsqu’on a fini d’écouter le récit de la Passion. Dans cette célébration semblent s’entrecroiser des histoires de joie et de souffrance, d’erreurs et de succès qui font partie de notre vie quotidienne de disciples, car elles parviennent à mettre à nu des sentiments et des contradictions que nous aussi nous éprouvons souvent aujourd’hui, hommes et femmes de ce temps : capables de beaucoup aimer… mais aussi de haïr – et beaucoup – ; capables de courageux sacrifices, mais aussi capables de savoir ‘‘se laver les mains’’ au moment opportun ; capables de fidélité mais aussi de grands abandons et de grandes trahisons.Et on voit clairement dans tout le récit évangélique que la joie suscitée par Jésus est, pour certains, un motif de gêne et d’agacement.

Entouré de ses gens, Jésus entre dans la ville, parmi les chants et les cris bruyants. Nous pouvons imaginer que c’est la voix du fils pardonné, celle du lépreux guéri ou le bêlement de la brebis égarée qui, tous ensemble, résonnent fortement lors de cette entrée. C’est le chant du publicain et de l’homme impur ; c’est le cri de celui qui vivait en marge de la ville. C’est le cri des hommes et des femmes qui l’ont suivi parce qu’ils ont fait l’expérience de sa compassion face à leur douleur et à leur misère… C’est le chant et la joie spontanés de tant de personnes marginalisées qui, touchées par Jésus, peuvent crier : “Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur !”. Comment ne pas acclamer celui qui leur avait redonné la dignité et l’espérance ? C’est la joie de tant de pécheurs pardonnés qui ont retrouvé confiance et espérance. Et ils crient. Ils se réjouissent. C’est la joie ! Cette joie de l’hosanna se révèle gênante et devient absurde et scandaleuse pour ceux qui se considèrent justes et ‘‘fidèles’’ à la loi et aux préceptes rituels.[1] Joie insupportable pour ceux qui sont restés insensibles à la douleur, à la souffrance et à la misère. Et beaucoup d’entre ceux-ci pensent : ‘‘Regarde, quel peuple mal éduqué !’’. Joie intolérable pour ceux qui ont perdu la mémoire et oublié les nombreuses faveurs reçues. Pour celui qui cherche à se justifier lui-même et à s’installer, comme il est difficile de comprendre la joie et la fête de la miséricorde de Dieu ! Pour ceux qui ne mettent leur confiance qu’en leurs propres forces et qui se sentent supérieurs aux autres[2], comme il est difficile de pouvoir partager cette joie !

Et c’est ainsi que naît le cri de celui dont la voix ne tremble pas pour hurler : ‘‘Crucifie-le !’’ Il ne s’agit pas d’un cri spontané, mais c’est le cri artificiel, construit, fait du mépris, de la calomnie, de faux témoignages suscités. C’est le cri qui naît dans le passage du fait au compte-rendu, qui naît dans le compte-rendu. C’est la voix de celui qui manipule la réalité, crée une version à son avantage et ne se pose aucun problème pour ‘‘coincer” les autres afin de s’en sortir. C’est un [faux] compte- rendu ! C’est le cri de celui qui n’a pas de scrupules à chercher les moyens de se renforcer et à faire taire les voix dissonantes. C’est le cri qui naît de la réalité ‘‘truquée’’ et présentée de telle sorte qu’elle finit par défigurer le visage de Jésus et le transformer en ‘‘malfaiteur’’. C’est la voix de celui qui veut défendre sa propre position en discréditant spécialement celui qui ne peut pas se défendre. C’est le cri, fabriqué par les ‘‘intrigues’’ de l’autosuffisance, de l’orgueil et de l’arrogance, qui proclame sans problèmes : ‘‘Crucifie-le, crucifie-le !’’.

Et on finit ainsi par faire taire la fête du peuple, on détruit l’espérance, on tue les rêves, on supprime la joie ; on finit ainsi par blinder le cœur, on refroidit la charité. C’est le cri du ‘‘sauve-toi toi-même’’ qui veut endormir la solidarité, éteindre les idéaux, rendre le regard insensible… le cri qui veut effacer la compassion, ce ‘‘pâtir avec’’, la compassion, qui est la faiblesse de Dieu.

Face à toutes ces voix qui hurlent, le meilleur antidote, c’est de regarder la croix du Christ et de nous laisser interpeller par son dernier cri. Le Christ est mort en criant son amour pour chacun d’entre nous : pour les jeunes et pour les personnes âgées, pour les saints et les pécheurs, son amour pour ceux de son temps et pour ceux de notre temps. Nous avons été sauvés sur sa croix pour que personne n’éteigne la joie de l’Évangile ; pour que personne, dans la situation où il se trouve, ne reste éloigné du regard miséricordieux du Père. Regarder la croix signifie se laisser interpeller dans nos priorités, nos choix et nos actions. Cela signifie laisser notre sensibilité être interpelée par celui qui passe ou vit un moment difficile. Chers frères et sœurs, que voit notre cœur ? Jésus continue-t-il d’être un motif de joie et de louange dans notre cœur ou bien avons-nous honte de ses priorités pour les pécheurs, les derniers, ceux qui sont oubliés ?

Et vous, chers jeunes, la joie que Jésus suscite en vous est un motif de gêne et également d’agacement pour certains, parce qu’il est difficile de manipuler un jeune joyeux. Qu’il est difficile de manipuler un jeune joyeux !
Mais il y a aujourd’hui la possibilité d’un troisième cri : « Quelques pharisiens qui se trouvaient dans la foule dirent à Jésus : “Maître, réprimande tes disciples”. Mais il prit la parole en disant : “Je vous le dis, si eux se taisent, les pierres crieront” » (Lc 19, 39-40). Faire taire les jeunes est une tentation qui a toujours existé. Les mêmes pharisiens s’en prennent à Jésus et lui demandent de les calmer et de les faire taire.

Il y a de nombreuses manières de rendre les jeunes silencieux et invisibles. De nombreuses manières de les anesthésier et de les endormir pour qu’ils ne fassent pas de bruit, pour qu’ils ne s’interrogent pas et ne se remettent pas en question. ‘‘Vous, taisez-vous !’’ Il y a de nombreuses manières de les faire tenir tranquilles pour qu’ils ne s’impliquent pas et que leurs rêves perdent de la hauteur et deviennent des rêvasseries au ras du sol, mesquines, tristes.

En ce Dimanche des Rameaux, célébrant la Journée Mondiale de la Jeunesse, il nous est bon d’entendre la réponse de Jésus aux pharisiens d’hier et de tous les temps, également à ceux d’aujourd’hui : « Si eux se taisent, les pierres crieront » (Lc 19, 40).

Chers jeunes, c’est à vous de prendre la décision de crier, c’est à vous de vous décider pour l’Hosanna du dimanche, pour ne pas tomber dans le “crucifie-le !” du vendredi… et cela dépend de vous de ne pas rester silencieux. Si les autres se taisent, si nous, les aînés et les responsables – bien des fois corrompus – restons silencieux, si le monde se tait et perd la joie, je vous le demande : vous, est-ce que vous crierez ?
S’il vous plaît, décidez-vous avant que les pierres ne crient !

image: CNS

Le doux remède de la prière

CNS photo/Gregory A. Shemitz

Nous poursuivons notre exploration du message du pape François pour le Carême 2018. Après le « remède amer de la vérité », le Saint-Père nous invite à renouveler notre engagement envers ce qu’il nomme « le doux remède de la prière ». En effet, comme il existe des remèdes plus agréables que d’autres, la prière en est un qui nous aide à nous connaître davantage et ainsi, nous faire accéder de manière plus directe à la Présence réconfortante de Dieu.

La prière comme remède

La prière, que l’on définit habituellement comme « un dialogue avec Dieu », est un remède en ce sens qu’en nous permettant d’accéder, dès ici-bas, à la quiétude du ciel elle rétablit notre équilibre intérieur et extérieur.

En d’autres termes, la prière remet les choses à leur place intérieurement, non pas à la manière d’une journée au spa ou une séance de relaxation, mais en réorientant jour après jour l’ensemble de notre être à la volonté de Dieu. Créé par Dieu pour vivre de toute éternité en Union parfaite avec la Trinité, l’être humain perd trop souvent conscience des appels décisifs de l’Esprit Saint et finit par ne rechercher que le confort, ce qui se termine bien souvent dans le péché. C’est en ce sens que le « doux remède de la prière » nous permet de rétablir cet ordre intérieur, cette priorité donnée à l’orientation de tout notre être vers Dieu.

Par contre, comme le fait remarquer la plus récente instruction de la Congrégation de la Doctrine de la foi Placuit Deo, cet équilibre intérieur qu’offre Dieu dans la prière, ne doit pas nous convaincre qu’il s’agit d’un « parcours purement intérieur, en marge de nos rapports avec les autres et avec le monde créé ». Nous devons donc aussi demander, dans la prière, la force d’acquérir l’ensemble des vertus nécessaires à notre vocation de frères et sœurs dans le Christ, cet appel à trouver dans l’Église ou dans le monde ceux qui ont besoin de notre aide.

Le doux remède de la prière

Que notre cœur ne puisse être comblé que par l’Infini Amour de Dieu, l’expérience de chaque jour nous le prouve. Combien d’insatisfaits la recherche d’argent, du plaisir, du succès, etc. a-t-elle créés? De fait, « le salut total de la personne ne consiste pas en ce que l’homme pourrait obtenir par lui-même, comme la richesse ou le bien-être matériel, la science ou la technique, le pouvoir ou l’influence sur les autres, la bonne réputation ou l’auto-satisfaction ». Bien au contraire, ces tentatives nous éloignent du seul réconfort possible c’est-à-dire de se savoir aimé d’un Dieu Père qui prend soin de nous inconditionnellement.

Dans ce contexte, la prière nous met physiquement et spirituellement dans les bras de Celui qui, par le Christ, désire, plus que tout, que nous le rejoignions dans sa divinité même. Confiant en sa fidélité indéfectible, nous sommes ainsi délestés des soucis quotidiens qui empoisonnent trop souvent notre vie. Nous arrachant aux illusions des fausses assurances terrestres, la prière nous redonne la liberté nécessaire au bonheur humain. Ainsi, par contraste, on perçoit la douceur de cette prière qui apaise notre cœur et le libère de toutes ces insécurités qui naissent de cette incapacité à voir la Présence aimante de Dieu dans notre vie.

Nous poursuivrons la semaine prochaine cette analyse du message du pape François pour le Carême 2018.

Le remède du Carême selon le pape François

CNS photo/Vatican Medias

Le 6 février dernier, le pape François publiait son message du Carême 2018. Visant à réaffirmer la foi et l’ardeur de la charité des catholiques, ce message nous invite à l’introspection plus qu’à l’accusation lorsque nous considérons le mal dans notre monde.

L’ampleur du mal et les faux prophètes

Dans un premier temps, le Saint-Père nous exhorte à la vigilance envers les soi-disant « maîtres » qui se présentent à nous et que nous suivons trop souvent et facilement. En effet, « face à des événements douloureux, certains faux prophètes tromperont beaucoup de personnes, jusqu’au point d’éteindre dans les cœurs la charité ». Mais qui sont ces faux prophètes contre lesquels nous devons nous prémunir ? Ce sont ceux qui viennent éteindre en nous la certitude en la primauté de la Providence de Dieu, qui naît de la foi.

Sommes-nous donc conscients et certains que devant l’ampleur du mal, Dieu écrit son Histoire Sainte ? Ou nous laissons-nous décourager par les mauvaises nouvelles jusqu’à nous justifier de notre inaction et remettre à plus tard cette soif de prière, pourtant bien réelle, qui demeure en nous tous ?

De charmés à charlatants

Lorsque nous nous laissons charmer par ces tentations de faux bonheurs (drogues, égoïsme, amour désordonné des richesses, concupiscence des yeux et orgueil), nous devenons nous-mêmes des charlatans puisque, par tout le mal que nous faisons ou ce bien que nous ne faisons pas par omission, nous participons à cette injustice cosmique contre les hommes et le monde. Ainsi, ces « « charmeurs de serpents », qui utilisent les émotions humaines pour réduire les personnes en esclavage et les mener à leur gré » ne se contentent pas de faire de nous des pantins. Ils font de nous des tentateurs à notre tour.

Cela tient à la logique de notre nature. Créé pour l’Infini, notre cœur ne peut se satisfaire des bonnes choses de ce monde, d’où le besoin constant de nouveautés. Or cet appétit insatiable (chef-d’œuvre de la création lorsqu’il se déploie en Dieu) devient lui-même autodestructeur lorsqu’il n’y trouve pas son repos. On devient donc des consommateurs de biens matériels d’abord, et de personnes ensuite. Tout cela au grand détriment des plus pauvres et de l’environnement.

Cette pente glissante nous emmène tranquillement et sournoisement à ne plus reconnaître et même dédaigner les plus belles réalités de notre monde : « tout cela se transforme en violence à l’encontre de ceux qui sont considérés comme une menace à nos propres « certitudes » : l’enfant à naître, la personne âgée malade, l’hôte de passage, l’étranger, mais aussi le prochain qui ne correspond pas à nos attentes ».

Remède au mal

Devant les myriades de faux prophètes qui nous entourent, de ceux qui, par leur utopies ou distropies, nous promettent le paradis maintenant ou jamais, nous devons redécouvrir le mystère de la Providence divine. Cette omniprésence de Dieu qui, pour nous permettre de l’aimer librement, reste « caché » jusqu’à notre propre trépas.

En ce sens, ce temps de Carême nous permet de nous rendre compte que le seul vrai salut du monde, le seul vrai bonheur vient de notre union à ce Dieu qui s’est fait proche de nous en Jésus-Christ. Cette invitation prend une dimension très concrète pendant 40 jours où peuvent s’exprimer tout particulièrement des gestes qui, selon la Tradition de l’Église, sont à même de nous rapprocher de Dieu. En effet, « L’Église, notre mère et notre éducatrice, nous offre pendant ce temps du Carême, avec le remède parfois amer de la vérité, le doux remède de la prière, de l’aumône et du jeûne ». Dans cette attente active vers Pâques, nous explorerons plus en profondeur, au cours des prochaines semaines, ces quatre exercices de l’âme : vérité, prière, aumône et jeûne.

Message du pape François pour le Carême 2018

CNS photo/Max Rossi, Reuters

Vous trouverez ci-dessous le texte du Message du pape François pour le Carême 2018:

« À cause de l’ampleur du mal,
la charité de la plupart des hommes se refroidira »
(Mt 24, 12)

Chers Frères et Sœurs,

La Pâque du Seigneur vient une fois encore jusqu’à nous ! Chaque année, pour nous y préparer, la Providence de Dieu nous offre le temps du Carême. Il est le « signe sacramentel de notre conversion »[1], qui annonce et nous offre la possibilité de revenir au Seigneur de tout notre cœur et par toute notre vie.

Cette année encore, à travers ce message, je souhaite inviter l’Eglise entière à vivre ce temps de grâce dans la joie et en vérité ; et je le fais en me laissant inspirer par une expression de Jésus dans l’Évangile de Matthieu : « À cause de l’ampleur du mal, la charité de la plupart des hommes se refroidira » (24, 12). Cette phrase fait partie du discours sur la fin des temps prononcé à Jérusalem, au Mont des Oliviers, précisément là où commencera la Passion du Seigneur. Jésus, dans sa réponse à l’un de ses disciples, annonce une grande tribulation et il décrit la situation dans laquelle la communauté des croyants pourrait se retrouver : face à des évènements douloureux, certains faux prophètes tromperont beaucoup de personnes, presqu’au point d’éteindre dans les cœurs la charité qui est le centre de tout l’Évangile.

Les faux prophètes

Mettons-nous à l’écoute de ce passage et demandons-nous : sous quels traits ces faux prophètes se présentent-ils ? Ils sont comme des « charmeurs de serpents », c’est-à-dire qu’ils utilisent les émotions humaines pour réduire les personnes en esclavage et les mener à leur gré. Que d’enfants de Dieu se laissent séduire par l’attraction des plaisirs fugaces confondus avec le bonheur ! Combien d’hommes et de femmes vivent comme charmés par l’illusion de l’argent, qui en réalité les rend esclaves du profit ou d’intérêts mesquins ! Que de personnes vivent en pensant se suffire à elles-mêmes et tombent en proie à la solitude !

D’autres faux prophètes sont ces « charlatans » qui offrent des solutions simples et immédiates aux souffrances, des remèdes qui se révèlent cependant totalement inefficaces : à combien de jeunes a-t-on proposé le faux remède de la drogue, des relations « use et jette », des gains faciles mais malhonnêtes ! Combien d’autres encore se sont immergés dans une vie complètement virtuelle où les relations semblent plus faciles et plus rapides pour se révéler ensuite tragiquement privées de sens ! Ces escrocs, qui offrent des choses sans valeur, privent par contre de ce qui est le plus précieux : la dignité, la liberté et la capacité d’aimer. C’est la duperie de la vanité, qui nous conduit à faire le paon…. pour finir dans le ridicule ; et du ridicule, on ne se relève pas. Ce n’est pas étonnant : depuis toujours le démon, qui est « menteur et père du mensonge » (Jn 8, 44), présente le mal comme bien, et le faux comme vrai, afin de troubler le cœur de l’homme. C’est pourquoi chacun de nous est appelé à discerner en son cœur et à examiner s’il est menacé par les mensonges de ces faux prophètes. Il faut apprendre à ne pas en rester à l’immédiat, à la superficialité, mais à reconnaître ce qui laisse en nous une trace bonne et plus durable, parce que venant de Dieu et servant vraiment à notre bien.

Un cœur froid

Dans sa description de l’enfer, Dante Alighieri imagine le diable assis sur un trône de glace[2] ; il habite dans la froidure de l’amour étouffé. Demandons-nous donc : comment la charité se refroidit-elle en nous ? Quels sont les signes qui nous avertissent que l’amour risque de s’éteindre en nous?

Ce qui éteint la charité, c’est avant tout l’avidité de l’argent, « la racine de tous les maux » (1Tm 6, 10) ; elle est suivie du refus de Dieu, et donc du refus de trouver en lui notre consolation, préférant notre désolation au réconfort de sa Parole et de ses Sacrements.[3] Tout cela se transforme en violence à l’encontre de ceux qui sont considérés comme une menace à nos propres « certitudes » : l’enfant à naître, la personne âgée malade, l’hôte de passage, l’étranger, mais aussi le prochain qui ne correspond pas à nos attentes.

La création, elle aussi, devient un témoin silencieux de ce refroidissement de la charité : la terre est empoisonnée par les déchets jetés par négligence et par intérêt ; les mers, elles aussi polluées, doivent malheureusement engloutir les restes de nombreux naufragés des migrations forcées ; les cieux – qui dans le dessein de Dieu chantent sa gloire – sont sillonnés par des machines qui font pleuvoir des instruments de mort.

L’amour se refroidit également dans nos communautés. Dans l’Exhortation Apostolique Evangelii Gaudium, j’ai tenté de donner une description des signes les plus évidents de ce manque d’amour. Les voici : l’acédie égoïste, le pessimisme stérile, la tentation de l’isolement et de l’engagement dans des guerres fratricides sans fin, la mentalité mondaine qui conduit à ne rechercher que les apparences, réduisant ainsi l’ardeur missionnaire.[4]

Que faire ?

Si nous constatons en nous-mêmes ou autour de nous les signes que nous venons de décrire, c’est que l’Eglise, notre mère et notre éducatrice, nous offre pendant ce temps du Carême, avec le remède parfois amer de la vérité, le doux remède de la prière, de l’aumône et du jeûne.

En consacrant plus de temps à la prière, nous permettons à notre cœur de découvrir les mensonges secrets par lesquels nous nous trompons nous-mêmes[5], afin de rechercher enfin la consolation en Dieu. Il est notre Père et il veut nous donner la vie.

La pratique de l’aumône libère de l’avidité et aide à découvrir que l’autre est mon frère : ce que je possède n’est jamais seulement mien. Comme je voudrais que l’aumône puisse devenir pour tous un style de vie authentique ! Comme je voudrais que nous suivions comme chrétiens l’exemple des Apôtres, et reconnaissions dans la possibilité du partage de nos biens avec les autres un témoignage concret de la communion que nous vivons dans l’Eglise. A cet égard, je fais mienne l’exhortation de Saint Paul quand il s’adressait aux Corinthiens pour la collecte en faveur de la communauté de Jérusalem : « C’est ce qui vous est utile, à vous » (2 Co 8, 10). Ceci vaut spécialement pour le temps de carême, au cours duquel de nombreux organismes font des collectes en faveur des Eglises et des populations en difficulté. Mais comme j’aimerais que dans nos relations quotidiennes aussi, devant tout frère qui nous demande une aide, nous découvrions qu’il y a là un appel de la Providence divine: chaque aumône est une occasion pour collaborer avec la Providence de Dieu envers ses enfants ; s’il se sert de moi aujourd’hui pour venir en aide à un frère, comment demain ne pourvoirait-il pas également à mes nécessités, lui qui ne se laisse pas vaincre en générosité ? [6]

Le jeûne enfin réduit la force de notre violence, il nous désarme et devient une grande occasion de croissance. D’une part, il nous permet d’expérimenter ce qu’éprouvent tous ceux qui manquent même du strict nécessaire et connaissent les affres quotidiennes de la faim ; d’autre part, il représente la condition de notre âme, affamée de bonté et assoiffée de la vie de Dieu. Le jeûne nous réveille, nous rend plus attentifs à Dieu et au prochain, il réveille la volonté d’obéir à Dieu, qui seul rassasie notre faim.

Je voudrais que ma voix parvienne au-delà des confins de l’Eglise catholique, et vous rejoigne tous, hommes et femmes de bonne volonté, ouverts à l’écoute de Dieu. Si vous êtes, comme nous, affligés par la propagation de l’iniquité dans le monde, si vous êtes préoccupés par le froid qui paralyse les cœurs et les actions, si vous constatez la diminution du sens d’humanité commune, unissez-vous à nous pour qu’ensemble nous invoquions Dieu, pour qu’ensemble nous jeûnions et qu’avec nous vous donniez ce que vous pouvez pour aider nos frères !

Le feu de Pâques

J’invite tout particulièrement les membres de l’Eglise à entreprendre avec zèle ce chemin du carême, soutenus par l’aumône, le jeûne et la prière. S’il nous semble parfois que la charité s’éteint dans de nombreux cœurs, cela ne peut arriver dans le cœur de Dieu ! Il nous offre toujours de nouvelles occasions pour que nous puissions recommencer à aimer.

L’initiative des « 24 heures pour le Seigneur », qui nous invite à célébrer le sacrement de Réconciliation pendant l’adoration eucharistique, sera également cette année encore une occasion propice. En 2018, elle se déroulera les vendredi 9 et samedi 10 mars, s’inspirant des paroles du Psaume 130 : « Près de toi se trouve le pardon » (Ps 130, 4). Dans tous les diocèses, il y aura au moins une église ouverte pendant 24 heures qui offrira la possibilité de l’adoration eucharistique et de la confession sacramentelle.

Au cours de la nuit de Pâques, nous vivrons à nouveau le rite suggestif du cierge pascal : irradiant du « feu nouveau », la lumière chassera peu à peu les ténèbres et illuminera l’assemblée liturgique. « Que la lumière du Christ, ressuscitant dans la gloire, dissipe les ténèbres de notre cœur et de notre esprit »[7] afin que tous nous puissions revivre l’expérience des disciples d’Emmaüs : écouter la parole du Seigneur et nous nourrir du Pain eucharistique permettra à notre cœur de redevenir brûlant de foi, d’espérance et de charité.

Je vous bénis de tout cœur et je prie pour vous. N’oubliez pas de prier pour moi.

Du Vatican, le 1er November 2017
Solennité de la Toussaint

François

[1] Texte original en italien: “segno sacramentale della nostra conversione”, in: Messale Romano, Oraison Collecte du 1er dimanche de carême. N.B. Cette phrase n’a pas encore été traduite dans la révision (3ème), qui est en cours, du Missel romain en français.

[2] « C’est là que l’empereur du douloureux royaume/de la moitié du corps se dresse hors des glaces » (Enfer XXXIV, 28-29)

[3] « C’est curieux, mais souvent nous avons peur de la consolation, d’être consolés. Au contraire, nous nous sentons plus en sécurité dans la tristesse et dans la désolation. Vous savez pourquoi ? Parce que dans la tristesse nous nous sentons presque protagonistes. Mais en revanche, dans la consolation, c’est l’Esprit Saint le protagoniste ! » (Angelus, 7 décembre 2014)

[4] Nn. 76-109

[5] Cf Benoît XVI , Lett. Enc. Spe Salvi, n. 33

[6] Cf Pie XII, Lett. Enc. Fidei donum, III

[7] Missel romain, Veillée pascale, Lucernaire

Homélie du pape François pour la Fête de la Présentation du Seigneur et pour la 22e Journée mondiale de la vie consacrée:

CNS/Paul Haring

Vous trouverez ci-dessous le texte complet de l’homélie du pape François tel que prononcé lors de la Messe de la Fête de la Présentation du Seigneur et de la XXII journée mondiale de la vie consacrée:

Quarante jours après Noël, nous célébrons le Seigneur qui, en entrant dans le temple, va à la rencontre de son peuple. Dans l’Orient chrétien, cette fête est précisément désignée comme la ‘‘Fête de la rencontre’’: c’est la rencontre entre le Divin Enfant, qui apporte la nouveauté, et l’humanité en attente, représentée par les anciens du temple.

Dans le temple se produit également une autre rencontre, celle entre deux couples : d’une part les jeunes gens Marie et Joseph, d’autre part les anciens Siméon et Anne. Les anciens reçoivent des jeunes gens, les jeunes gens se ressourcent auprès des anciens. Marie et Joseph retrouvent en effet dans le temple les racines du peuple, et c’est important, car la promesse de Dieu ne se réalise pas individuellement et d’un seul coup, mais ensemble et tout au long de l’histoire. Et ils trouvent aussi les racines de la foi, car la foi n’est pas une notion à apprendre dans un livre, mais l’art de vivre avec Dieu, qui s’apprend par l’expérience de ceux qui nous ont précédés sur le chemin. Ainsi, les deux jeunes, en rencontrant les anciens, se retrouvent eux-mêmes. Et les deux anciens, vers la fin de leurs jours, reçoivent Jésus, le sens de leur vie. Cet épisode accomplit ainsi la prophétie de Joël : « Vos anciens seront instruits par des songes, et vos jeunes gens par des visions » (3, 1). Dans cette rencontre, les jeunes voient leur mission et les anciens réalisent leurs rêves. Tout cela parce qu’au centre de la rencontre se trouve Jésus.

Regardons-nous, chers frères et sœurs consacrés. Tout a commencé par la rencontre avec le Seigneur. D’une rencontre et d’un appel, est né le chemin de consécration. Il faut en faire mémoire. Et si nous faisons bien mémoire, nous verrons que dans cette rencontre nous n’étions pas seuls avec Jésus : il y avait également le peuple de Dieu, l’Église, les jeunes et les anciens, comme dans l’Évangile. Il y a là un détail intéressant : tandis que les jeunes gens Marie et Joseph observent fidèlement les prescriptions de la Loi – l’Évangile le dit quatre fois – ils ne parlent jamais ; les anciens Siméon et Anne arrivent et prophétisent. Ce devrait être le contraire : en général, ce sont les jeunes qui parlent avec enthousiasme de l’avenir, tandis que les anciens gardent le passé. Dans l’Evangile c’est l’inverse qui se passe, car quand on rencontre le Seigneur, les surprises de Dieu arrivent à point nommé. Pour leur permettre d’avoir lieu dans la vie consacrée, il convient de se rappeler qu’on ne peut pas renouveler la rencontre avec le Seigneur sans l’autre : ne jamais laisser quelqu’un derrière, ne jamais faire de mise à l’écart générationnelle, mais s’accompagner chaque jour, mettant le Seigneur au centre. Car si les jeunes sont appelés à ouvrir de nouvelles portes, les anciens ont les clefs. Et la jeunesse d’un institut se trouve dans le ressourcement aux racines, en écoutant les anciens. Il n’y a pas d’avenir sans cette rencontre entre les anciens et les jeunes; il n’y a pas de croissance sans racines et il n’y a pas de floraison sans de nouveaux bourgeons. Jamais de prophétie sans mémoire, jamais de mémoire sans prophétie ; et il faut toujours se rencontrer.

La vie frénétique d’aujourd’hui conduit à fermer de nombreuses portes à la rencontre, souvent par peur de l’autre. – Les portes des centres commerciaux et les connexions de réseau demeurent toujours ouvertes -. Mais que dans la vie consacrée ceci ne se produise pas : le frère et la sœur que Dieu me donne font partie de mon histoire, ils sont des dons à protéger. Qu’il n’arrive pas de regarder l’écran du cellulaire plus que les yeux du frère ou de s’attacher à nos programmes plus qu’au Seigneur. Car quand on place au centre les projets, les techniques et les structures, la vie consacrée cesse d’attirer et ne communique plus ; elle ne fleurit pas, parce qu’elle oublie ‘‘ce qu’elle a sous terre’’, c’est-à-dire les racines.

La vie consacrée naît et renaît de la rencontre avec Jésus tel qu’il est : pauvre, chaste et obéissant. Il y a une double voie qu’elle emprunte : d’une part l’initiative d’amour de Dieu, d’où tout part et à laquelle nous devons toujours retourner ; d’autre part, notre réponse, qui est la réponse d’un amour authentique quand il est sans si et sans mais, quand il imite Jésus pauvre, chaste et obéissant. Ainsi, tandis que la vie du monde cherche à accaparer, la vie consacrée renonce aux richesses qui passent pour embrasser Celui qui reste. La vie du monde poursuit les plaisirs et les aspirations personnelles, la vie consacrée libère l’affection de toute possession pour aimer pleinement Dieu et les autres. La vie du monde s’obstine à faire ce qu’elle veut, la vie consacrée choisit l’obéissance humble comme une liberté plus grande. Et tandis que la vie du monde laisse rapidement vides les mains et le cœur, la vie selon Jésus remplit de paix jusqu’à la fin, comme dans l’Évangile, où les anciens arrivent heureux au soir de leur vie, avec le Seigneur entre les mains et la joie dans le cœur.

Que de bien cela nous fait, comme à Siméon, de tenir le Seigneur « dans les bras » (Lc 2, 28) ! Non pas dans la tête et dans le cœur, mais dans les mains, en tout ce que nous faisons : dans la prière, au travail, à table, au téléphone, à l’école, auprès des pauvres, partout. Avoir le Seigneur dans les mains, c’est l’antidote contre le mysticisme isolé et l’activisme effréné, car la rencontre réelle avec Jésus redresse aussi bien les sentimentalistes dévots que les affairistes frénétiques. Vivre la rencontre avec Jésus, c’est aussi le remède à la paralysie de la normalité, c’est s’ouvrir au remue- ménage quotidien de la grâce. Se laisser rencontrer par Jésus, faire rencontrer Jésus : c’est le secret pour maintenir vivante la flamme de la vie spirituelle. C’est la manière de ne pas se faire absorber par une vie morne, où les plaintes, l’amertume et les inévitables déceptions prennent le dessus. Se rencontrer en Jésus comme frères et sœurs, comme jeunes et anciens, pour surmonter la rhétorique stérile des ‘‘beaux temps passés’’, pour faire taire le ‘‘ici plus rien ne va’’. Si on rencontre chaque jour Jésus et les frères, le cœur ne se polarise pas vers le passé ou vers l’avenir, mais il vit l’aujourd’hui de Dieu en paix avec tous.

À la fin des Évangiles, il y a une autre rencontre avec Jésus qui peut inspirer la vie consacrée : celle des femmes au tombeau. Elles étaient allées rencontrer un mort, leur chemin semblait inutile. Vous aussi, vous allez à contre-courant dans le monde : la vie du monde rejette facilement la pauvreté, la chasteté et l’obéissance. Mais, comme ces femmes, vous allez de l’avant, malgré les préoccupations concernant les lourdes pierres à enlever (cf. Mc 16, 3). Et comme ces femmes, les premiers, vous rencontrez le Seigneur ressuscité et vivant, vous l’étreignez (cf. Mt 28, 9) et vous l’annoncez immédiatement aux frères, les yeux pétillants d’une grande joie (cf. v. 8). Vous êtes aussi l’aube sans fin de l’Église. Je vous souhaite de raviver aujourd’hui même la rencontre avec Jésus, en marchant ensemble vers lui : cela donnera de la lumière à vos yeux et de la vigueur à vos pas.

[00191-FR.01] [Texte original: Italien]

Messe pour les vocations sacerdotales de l’Archidiocèse de Montréal sur S+L

EN EXCLUSIVITÉ sur les ondes de Sel et Lumière, voyez la télé diffusion de la Messe pour les vocations sacerdotales de l’Archidiocèse de Montréal le vendredi 26 janvier prochain à 19h30. Cette Messe célébrée à la magnifique chapelle du Grand Séminaire de Montréal sera présidée par S.Exc. Mgr Christian Lépine, archevêque de Montréal.

Vous trouverez au lien ci-dessous le feuillet de cette célébration:

26-janvier-2018-Feuillet-Messe-vocationnelle-projet-3-avec-chants.

Allocution du pape François lors de la rencontre avec les prêtres, religieux, religieuses et séminaristes

Vous trouverez ci-dessous le texte officiel de l’allocution du pape François lors de la rencontre avec les prêtres, religieux, religieuses et séminariste telle que prononcée en la cathédrale de Santiago au Chili:

Chers frères et sœurs,

Je me réjouis de pouvoir partager cette rencontre avec vous. J’ai apprécié la façon dont le Cardinal Ezzati progressait en vous présentant: ici il y a… les consacrées, les consacrés, les prêtres, les diacres permanents, les séminaristes. Me vient à la mémoire le jour de notre ordination ou de notre consécration quand, après la présentation, nous disions : « Me voici Seigneur pour faire ta volonté ». Au cours de cette rencontre, nous voulons dire au Seigneur : « nous voici » pour renouveler notre oui. Nous voulons renouveler ensemble la réponse à l’appel qui un jour a secoué notre cœur.

Et pour ce faire, je crois que cela peut nous aider de partir du passage de l’Évangile que nous avons écouté et de partager trois moments connus par Pierre et par la première communauté: Pierre/la communauté abattue, Pierre/la communauté bénéficiaire de miséricorde et Pierre / la communauté transfigurée. Je fais jouer ce binôme Pierre-communauté parce que l’expérience des apôtres relève toujours de ce double aspect, l’un personnel et l’autre communautaire. Ils vont de pair et nous ne pouvons pas les séparer. Nous sommes certes appelés personnellement, mais toujours à faire partie d’un groupe plus grand. Le selfie vocationnel n’existe pas. La vocation exige que la photo te soit prise par un autre ; on n’y peut rien !

1. Pierre abattu
J’apprécie toujours le style des Évangiles qui ne décore pas ni n’embellit pas les évènements, et ne les dépeint pas plus beaux. Il nous présente la vie comme elle vient et non comme il faudrait qu’elle soit. L’Évangile ne craint pas de nous présenter les moments difficiles, et même conflictuels que les disciples ont traversés.

Recomposons la scène. Ils avaient tué Jésus ; certaines femmes disaient qu’il était vivant (Lc 24, 22-24). Même si elles ont vu Jésus Ressuscité, l’évènement est si fort que les disciples auront besoin de temps pour comprendre ce qui s’est passé. Compréhension qui leur viendra à la Pentecôte, avec l’envoi de l’Esprit Saint. L’apparition du Ressuscité prendra du temps pour trouver une place dans le cœur des siens.

Les disciples retournent à leurs lieux d’origine. Ils vont faire ce qu’ils savent faire : pêcher. Non pas tous, seuls quelques-uns. Divisés ? Dispersés ? Nous ne le savons pas. Ce que nous disent les Écritures, c’est qu’ils n’ont rien pêché. Les filets sont vides.

Cependant il y avait un autre vide qui pesait inconsciemment sur eux : le désarroi et le trouble à cause de la mort de leur Maître. Il n’est plus, il a été crucifié. Cependant ce n’était pas seulement lui qui a été crucifié, mais eux aussi, parce que la mort de Jésus a mis en évidence un tourbillon de conflits dans le cœur de ses amis. Pierre l’a renié, Judas l’a trahi, les autres ont fui et se sont cachés. Seule une poignée de femmes et le disciple bien-aimé sont restés. Les autres s’en sont allés. En l’espace de quelques jours, tout s’est effondré. Ce sont les heures de désarroi et de trouble dans la vie du disciple. Dans les moments « où la poussière des persécutions, des épreuves, des doutes, etc. est soulevée par les évènements culturels et historiques, il n’est pas facile trouver le chemin à suivre. Il existe diverses tentations propres à ces moment-là : agiter des idées, ne pas prêter l’attention adéquate au problème, faire trop de cas des persécuteurs… Et il me semble que la pire de toutes les tentations, c’est de rester là à ruminer le chagrin » (Jorge M. BERGOGLIO, Las cartas de la tribulación, 9, Ed. Diego de Torres, Buenos Aires 1987.). Oui, rester là à ruminer le chagrin.

Comme nous le disait le Cardinal Ezzati, « la vie sacerdotale et la vie consacrée au Chili ont traversé et traversent des heures difficiles de turbulences et des difficultés non négligeables. Parallèlement à la fidélité de l’immense majorité, l’ivraie du mal s’est développée avec son cortège de scandale et d’abandon ».

Moment de turbulences. Je connais la douleur qu’ont signifiée les cas d’abus commis sur des mineurs et je suis de près ce que l’on fait pour surmonter ce grave et douloureux mal. Douleur pour le mal et la souffrance des victimes et de leurs familles, qui ont vu trahie la confiance qu’elles avaient placée dans les ministres de l’Église. Douleur pour la souffrance des communautés ecclésiales, et douleur pour vous, frères, qui, en plus de l’épuisement dû à votre dévouement, avez vécu la souffrance qu’engendrent la suspicion et la remise en cause, ayant pu provoquer chez quelques-uns ou plusieurs le doute, la peur et le manque de confiance. Je sais que parfois vous avez essuyé des insultes dans le métro ou en marchant dans la rue, qu’être « habillé en prêtre » dans beaucoup d’endroits se « paie cher ». C’est pourquoi je vous invite à ce que nous demandions à Dieu de nous donner la lucidité d’appeler la réalité par son nom, le courage de demander pardon et la capacité d’apprendre à écouter ce que le Seigneur est en train de nous dire.

J’aimerais ajouter en outre un autre aspect important. Nos sociétés sont en train de changer. Le Chili d’aujourd’hui est bien différent de celui que j’ai connu dans ma jeunesse, quand je me formais. Sont en train de naître de nouvelles et différentes formes culturelles qui ne cadrent pas avec les repères connus. Et il faut reconnaître que, souvent, nous ne savons pas comment nous insérer dans ces nouvelles circonstances. Souvent, nous rêvons des « oignons d’Égypte » et nous oublions que la terre promise est devant. Que la promesse date d’hier mais est faite pour l’avenir. Et nous pouvons céder à la tentation de nous enfermer et de nous isoler pour défendre nos approches qui finissent par devenir rien de plus que de bons monologues. Nous pouvons être tentés de penser que tout va mal, et au lieu d’annoncer une « bonne nouvelle », la seule chose que nous annonçons, c’est l’apathie et la désillusion. Ainsi nous fermons les yeux face aux défis pastoraux en croyant que l’Esprit n’aurait rien à dire. Ainsi nous oublions que l’Évangile est un chemin de conversion, non seulement pour « les autres », mais pour nous aussi.

Que cela nous plaise ou pas, nous sommes invités à affronter la réalité telle qu’elle se présente à nous. La réalité personnelle, communautaire et sociale. Les filets –affirment les disciples- sont vides, et nous pouvons comprendre les sentiments que cela génère. Ils reviennent à la maison sans grandes aventures à raconter ; ils reviennent à la maison les mains vides ; ils reviennent à la maison, abattus.

Que reste-t-il de ces disciples forts, enthousiastes, qui se donnaient des airs, qui se sentaient choisis et qui avaient tout quitté pour suivre Jésus ? (cf. Mc 1, 16-20) ; que reste-t-il de ces disciples sûrs d’eux-mêmes prêts à aller en prison et qui iraient jusqu’à donner leur vie pour leur Maître (cf. Lc 22, 33), et qui pour le défendre voulaient faire descendre du feu sur la terre (cf. Lc 9, 54) ; pour lequel ils dégaineraient l’épée et combattraient ? (cf. Lc 22, 49-51), que reste-t-il du Pierre qui apostrophait son Maître sur la manière dont celui-ci devrait gérer sa vie ? (cf. Mc 8, 31-33).

2. Pierre bénéficiaire de miséricorde
C’est l’heure de vérité dans la vie de la première communauté. C’est l’heure où Pierre a été

confronté à une partie de lui-même. À la partie de sa vérité que tant de fois il n’a pas voulu voir. Il a fait l’expérience de ses limites, de sa fragilité, de son être de pécheur. Pierre, l’homme de tempérament, le chef impulsif et sauveur, avec une bonne dose d’autosuffisance et un excès de confiance en lui-même ainsi qu’en ses capacités, a dû accepter sa faiblesse et son péché. Il était aussi pécheur que les autres, il était aussi démuni que les autres, il était aussi fragile que les autres. Pierre a déçu celui qu’il avait promis de protéger. Heure cruciale dans la vie de Pierre.

Comme disciples, comme Église, la même chose peut nous arriver : il existe des moments où nous ne nous retrouvons pas devant nos exploits, mais devant notre faiblesse. Heures cruciales dans la vie des disciples, pourtant c’est en ces heures que naît l’apôtre. Laissons-nous guider par le texte. «Quand ils eurent mangé, Jésus dit à Simon-Pierre : “Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment plus que ceux-ci ?”» (Jn 21, 15).

Après le repas, Jésus invite Pierre à faire un tour et l’unique parole est une interrogation, une interrogation d’amour: M’aimes-tu? Jésus ne s’oriente pas vers la réprimande ni vers la condamnation. La seule chose qu’il veut faire, c’est de sauver Pierre. Il veut le sauver du danger de rester enfermé dans son péché, de rester là à ‘‘ruminer’’ le chagrin, fruit de ses limites ; du risque de laisser s’effondrer, à cause de ses limites, tout ce qu’il avait vécu de bien avec Jésus. Jésus veut le sauver de l’enfermement et de l’isolement. Il veut le sauver de cette attitude destructrice qui consiste à se faire passer pour une victime, ou au contraire, à tomber dans un « toujours le même » et qui, au bout du compte, finit par édulcorer n’importe quel engagement avec le relativisme le plus nocif. Il veut le libérer du fait de considérer celui qui s’oppose à lui comme un ennemi, ou de ne pas accepter avec sérénité les contradictions ou les critiques. Il veut le libérer de la tristesse et spécialement de la mauvaise humeur. Avec cette question, Jésus invite Pierre à écouter son cœur et à apprendre à discerner. Car « ce n’est pas le propre de Dieu de défendre la vérité au détriment de la charité, ni la charité aux dépens de la vérité, ou l’équilibre au détriment des deux. Jésus veut éviter que Pierre ne devienne un vrai destructeur, ou un menteur charitable ou une personne perplexe paralysée» (cf. Ibid.), comme cela peut nous arriver dans ces situations.

Jésus a interrogé Pierre sur son amour et il a insisté auprès de lui jusqu’à ce qu’il puisse lui donner une réponse réaliste : « Seigneur, toi, tu sais tout : tu sais bien que je t’aime » (Jn 21, 17). C’est ainsi que Jésus l’a confirmé dans sa mission. C’est ainsi qu’il devient définitivement son apôtre.

Qu’est-ce qui consolide Pierre comme apôtre ? Qu’est-ce qui nous maintient apôtres? Une seule chose: «nous avons été traités avec miséricorde » (1 Tm 1, 12-16). « Au cœur de nos péchés, de nos limites, de nos misères ; au milieu de nos nombreuses chutes, Jésus Christ nous a vus, il s’est approché, il nous a donné sa main et nous a traités avec miséricorde. Chacun d’entre nous pourrait en faire mémoire, en repensant à toutes les fois où le Seigneur l’a vu, l’a regardé, s’est approché et l’a traité avec miséricorde » (Message Vidéo au CELAM à l’occasion du Jubilé extraordinaire de la Miséricorde sur le Continent américain, 27 août 2016). Nous ne sommes pas ici parce que nous serions meilleurs que les autres. Nous ne sommes pas des superhéros qui, de leur hauteur, descendent pour rencontrer des « mortels ». Mais plutôt, nous sommes envoyés avec la conscience d’être des hommes et des femmes pardonnés. Et c’est la source de notre joie. Nous sommes consacrés, pasteurs à la manière de Jésus blessé, mort et ressuscité. Le consacré est celui qui trouve dans ses blessures les signes de la Résurrection. Il est celui qui peut voir dans les blessures du monde la force de la Résurrection. Il est celui qui, à la manière de Jésus, ne va pas à la rencontre de ses frères avec le reproche et la condamnation.

Jésus Christ ne se présente pas aux siens sans ses blessures ; précisément c’est grâce à ses blessures que Thomas peut confesser sa foi. Une Église avec des blessures est capable de comprendre les blessures du monde d’aujourd’hui, et de les faire siennes, de les porter en elle- même, d’y prêter attention et de chercher à les guérir. Une Église avec des blessures ne se met pas au centre, ne se croit pas parfaite, mais elle place au centre le seul qui peut guérir les blessures et qui a pour nom: Jésus Christ.

La conscience d’être nous-mêmes blessés nous libère; oui, elle nous libère du risque de devenir autoréférentiels, de nous croire supérieurs. Elle nous libère de cette tendance « prométhéenne de ceux qui, en définitive, font confiance uniquement à leurs propres forces et se sentent supérieurs aux autres parce qu’ils observent des normes déterminées ou parce qu’ils sont inébranlablement fidèles à un style catholique justement propre au passé » (Exhort. ap. Evangelii Gaudium, n.94).

En Jésus, nos blessures sont ressuscitées. Elles nous rendent solidaires; elles nous aident à détruire les murs qui nous enferment dans une attitude élitiste pour nous encourager à construire des ponts et aller à la rencontre de tant de personnes assoiffées du même amour miséricordieux que seul Christ peut nous offrir. Que de fois « rêvons-nous de plans apostoliques, expansionnistes, méticuleux et bien dessinés, typiques des généraux défaits ! Ainsi nous renions notre histoire d’Église, qui est glorieuse en tant qu’elle est histoire de sacrifices, d’espérance, de lutte quotidienne, de vie dépensée dans le service, de constance dans le travail pénible, parce que tout travail est accompli à la sueur de notre front » (Ibid., n.96). Je vois avec une certaine préoccupation qu’il existe des communautés qui vivent, mues plus par le découragement de ne plus être à l’affiche, par le souci d’occuper les espaces, de paraître et de se montrer, que par celui de se retrousser les manches et de sortir afin de toucher la réalité difficile de notre peuple fidèle.

Qu’elle est lourde d’interrogation, la réflexion de ce saint chilien qui faisait remarquer : «Elles seront, en effet, fausses méthodes toutes celles qui seraient imposées en raison de l’uniformité ; toutes celles qui prétendent nous conduire à Dieu en nous faisant perdre de vue nos frères ; toutes celles qui nous font fermer les yeux sur l’univers, au lieu de nous apprendre à les ouvrir pour tout élever vers le Créateur de tout être ; toutes celles qui rendent égoïstes et nous conduisent à nous replier sur nous-mêmes » (SAN ALBERTO HURTADO, Discurso a jóvenes de la Acción Católica,1943).

Le peuple de Dieu n’attend pas de nous ni nous demande que nous soyons des superhéros, il veut des pasteurs, des consacrés, qui aient de la compassion, qui sachent tendre la main, qui sachent s’arrêter devant la personne à terre et, comme Jésus, qui aident à sortir de cette obsession de « ruminer » le chagrin qui empoisonne l’âme.

3. Pierre transfiguré
Jésus invite Pierre à discerner et, ainsi, commencent à prendre force de nombreux évènements de la vie de Pierre, comme le geste prophétique du lavement des pieds. Pierre, lui qui a résisté avant de se laisser laver les pieds, commence à comprendre que la véritable grandeur passe par le fait de se faire petit et serviteur (« Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous » [Mc. 9,35]).

Quelle pédagogie de la part de notre Seigneur ! Du geste prophétique de Jésus à l’Église prophétique qui, lavée de son péché, n’a pas peur de sortir pour servir une humanité blessée.

Pierre a connu dans sa chair la blessure non seulement du péché, mais aussi de ses propres limites et faiblesses. Pourtant il a découvert en Jésus que ses blessures peuvent être un chemin de Résurrection. Connaître Pierre abattu pour connaître Pierre transfiguré est l’invitation à passer d’une Église de personnes abattues en proie au chagrin à une Église servante des nombreuses personnes abattues qui se trouvent à nos côtés. Une Église capable de se mettre au service de son Seigneur en celui qui a faim, en celui qui est prisonnier, en celui qui a soif, en celui qui est expulsé, en celui qui est nu, en celui qui est malade… (Mt 25, 35). Un service qui ne s’identifie pas à de l’assistanat ou à du paternalisme, mais à une conversion du cœur. Le problème n’est pas seulement de donner à manger au pauvre, de vêtir celui qui est nu, d’être aux côtés de celui qui est malade, mais de considérer que le pauvre, la personne nue, le malade, le prisonnier, la personne expulsée sont dignes de s’asseoir à nos tables, de se sentir « à la maison » parmi nous, de se sentir en famille. C’est le signe que le Royaume des Cieux est parmi nous. C’est le signe d’une Église qui a été blessée par son péché, a obtenu miséricorde da la part de son Seigneur, et qui est devenue prophétique par vocation.

Redevenir prophétique, c’est renouveler notre engagement à ne pas vouloir un monde idéal, une communauté idéale, un disciple idéal pour vivre ou pour évangéliser, mais c’est créer les conditions afin que chaque personne abattue puisse rencontrer Jésus. On n’aime pas les situations ni les communautés idéales, on aime les personnes.

La reconnaissance sincère, douloureuse et priante de nos limites, loin de nous éloigner de notre Seigneur, nous permet de revenir vers Jésus en sachant qu’il « peut toujours, avec sa nouveauté, renouveler notre vie et notre communauté, et même si la proposition chrétienne traverse des époques d’obscurité et de faiblesses ecclésiales, elle ne vieillit jamais… Chaque fois que nous cherchons à revenir à la source pour récupérer la fraîcheur originale de l’Évangile, surgissent des voies nouvelles, des méthodes créatives, d’autres formes d’expression, des signes plus éloquents, des paroles chargées de sens renouvelé pour le monde d’aujourd’hui » (Exhort. ap. Evangelii Gaudium, n.11). Que cela nous fait du bien à nous tous de laisser Jésus renouveler nos cœurs!

Quand je commençais cette rencontre, je vous disais que nous venions pour renouveler notre oui, avec enthousiasme, avec passion. Nous voulons renouveler notre oui, mais un oui réaliste, parce qu’il est soutenu par le regard de Jésus. Je vous invite à faire dans votre cœur, quand vous serez rentrés chez vous, une espèce de testament spirituel, à la manière du Cardinal Raul Silva Henriquez. Cette belle prière qui commence en disant:

«L’Église que j’aime est la Sainte Église de chaque jour… la tienne, la mienne, la Sainte Église de chaque jour…

Jésus Christ, l’Évangile, le pain, l’Eucharistie, le Corps du Christ humble chaque jour. Avec des visages de pauvres et des visages d’hommes et de femmes qui chantaient, qui luttaient, qui souffraient. La Sainte Église de chaque jour».

Comment est l’Église que tu aimes? Aimes-tu cette Église blessée qui trouve la vie dans les plaies de Jésus?

Merci pour cette rencontre. Merci pour l’opportunité de renouveler avec vous le «Oui». Que Notre-Dame du Carmel vous couvre de son manteau. S’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi. [00055-FR.01] [Texte original: Espagnol]

Allocution du pape François lors de sa visite au centre de détention pour femmes de Santiago, Chili

Vous trouverez ci-dessous le texte de l’allocution du pape François lors de la visite au Centre de détention pour femmes de Santiago, Chili:

Chers sœurs et frères,
Merci pour l’occasion que vous m’offrez de pouvoir vous rendre visite; il est important pour moi de partager ce temps avec vous et de pouvoir être plus proche de beaucoup de nos frères qui aujourd’hui sont privés de liberté. Merci, Sœur Nelly, de vos paroles et surtout de témoigner que la vie triomphe toujours de la mort. Merci Janeth de vouloir partager, avec nous tous, tes douleurs et cette courageuse demande de pardon. Que de choses devons-nous apprendre de ton attitude de courage et d’humilité ! Je te cite : « Nous demandons pardon à tous ceux que nous avons blessés par nos délits ». Merci de nous rappeler cette attitude sans laquelle nous nous déshumanisons, nous perdons conscience du fait que nous nous trompons et que chaque jour nous sommes invités à prendre un nouveau départ.

À l’instant même me vient aussi à l’esprit la phrase de Jésus: «Celui […] qui est sans péché, qu’il soit le premier à jeter une pierre » (Jn 8, 7). Il nous invite à abandonner la logique simpliste de diviser la réalité entre bons et mauvais, pour entrer dans cette autre dynamique à même d’assumer la fragilité, les limites et y compris le péché, pour nous aider à aller de l’avant.

Quand j’entrais, deux mères m’attendaient avec leurs enfants et des fleurs. Ce sont elles qui m’ont souhaité la bienvenue, qu’on peut bien exprimer en trois mots : mères, enfants et fleurs.

Mère: beaucoup d’entre vous sont des mères et savent ce que signifie donner la vie. Vous avez su ‘‘porter’’ dans votre sein une vie et engendrer. La maternité n’est jamais ni ne sera jamais un problème, c’est un don, l’un des présents les plus merveilleux que vous puissiez faire. Aujourd’hui, vous vous trouvez devant un défi très semblable: il s’agit aussi de donner la vie. Aujourd’hui, on vous demande d’engendrer l’avenir. De le faire grandir, de l’aider à se développer. Non seulement pour vous, mais aussi pour vos enfants et pour la société tout entière. Vous, les femmes, vous avez une capacité incroyable de pouvoir vous adapter aux situations et d’aller de l’avant. Je voudrais en ce jour faire appel à cette capacité de faire naître l’avenir qui vit en chacune d’entre vous. Cette capacité qui vous permet de lutter contre les nombreux déterminismes ‘‘chosifiants’’ qui finissent par tuer l’espérance.

Être privé de liberté, comme tu le disais si bien Janet, n’est pas synonyme de perdre les rêves et l’espérance. Être privé de liberté, ce n’est pas la même chose que d’être privé de dignité. D’où la nécessité de lutter contre tout type de carcan, d’étiquette selon lesquels on ne peut pas changer, ou que cela ne vaut pas la peine, ou que tout revient au même. Chères sœurs, non! Tout ne revient pas au même. Chaque effort qui se fait pour lutter en vue d’un lendemain meilleur – même si bien des fois il semble tomber dans un sac troué – portera toujours des fruits et sera récompensé.

Le deuxième mot, c’est enfants: ils sont force, ils sont espérance, ils sont encouragement. Ils sont le souvenir vivant du fait que la vie se construit vers l’avenir et non vers le passé. Aujourd’hui tu es privée de liberté, mais cela ne signifie pas que cette situation marque la fin. D’aucune manière! Il faut toujours regarder l’horizon, vers l’avenir, vers la réinsertion dans la vie courante de la société. C’est pourquoi, je loue et invite à intensifier tous les efforts possibles pour que les projets comme l’Espace Mandela et la Fondation Femme, lève-toi puissent gagner en importance et se renforcer.

Le nom de la Fondation semble me rappeler cette scène de l’Évangile où beaucoup se moquaient de Jésus parce qu’il a dit que la fille du chef de la synagogue n’était pas morte, mais qu’elle dormait. Face aux moqueries, l’attitude de Jésus est pragmatique: en entrant là où elle était, il la prit par la main et lui dit: «Jeune fille, je te le dis, lève-toi» (Mc 5, 21). Ce genre d’initiatives constitue un signe vivant de ce Jésus qui entre dans la vie de chacun d’entre nous, qui va au-delà de toute moquerie, qui ne considère aucune bataille comme perdue, au point de nous prendre par la main et de nous inviter à nous lever. Qu’il est bon qu’il y ait des chrétiens et des personnes de bonne volonté qui suivent les traces de Jésus et qui sont déterminés à entrer et à être signe cette main tendue qui relève!

Nous savons tous que souvent, malheureusement, la peine de prison se réduit surtout à une punition, sans offrir des moyens adéquats afin de créer des processus. Et c’est mauvais. En revanche, ces espaces qui promeuvent des programmes de formation au travail et un accompagnement pour recoudre les liens sont un signe d’espérance et d’avenir. Aidons à ce qu’ils grandissent. Il ne faut pas réduire la sécurité publique à des mesures de contrôle accentué, mais et surtout, il faut l’édifier sur des mesures de prévention, sur le travail, sur l’éducation et en faisant grandir la communauté.

Et enfin, fleurs: je crois que c’est ainsi que la vie fleurit, que la vie parvient à nous offrir sa plus grande beauté ; quand nous arrivons à travailler de concert les uns avec les autres de sorte que la vie gagne, qu’elle dispose toujours davantage de possibilités. Avec ce sentiment, je voudrais bénir et saluer tous les agents pastoraux, volontaires, professionnels et, de manière spéciale, les fonctionnaires de la Gendarmerie ainsi que leurs familles. Je prie pour vous. Vous avez une tâche délicate et complexe, et pour cela j’invite les Autorités à ce qu’ils puissent vous offrir également les conditions nécessaires pour accomplir votre travail dans la dignité. Dignité qui engendre dignité.

À Marie, qui est Mère et dont nous sommes les enfants, dont vous êtes les filles, nous demandons d’intercéder pour vous, pour chacun de ses enfants, pour les personnes que vous portez dans vos cœurs, et de vous couvrir de son manteau. Et s’il vous plaît, je vous demande de ne pas oublier de prier pour moi.

Et ces fleurs que vous m’avez offertes, je les porterai à la Vierge au nom de vous toutes. De nouveau, merci!

[00054-FR.01] [Texte original: Espagnol]

Un évêque canadien avec le Pape au Pérou

Du 18 au 21 janvier 2018, le pape François sera en voyage apostolique au Pérou. Lors de son passage dans ce pays, le successeur de Pierre visitera l’Église et la société péruvienne toute entière. Pour l’occasion, le pape François a expressément demandé à la Conférence des évêques du Canada d’envoyer un représentant. C’est Mgr Christian Lépine, archevêque de Montréal, qui a été désigné puisque Mgr Lionel Gendron, actuel président de la CECC, ne pouvait s’y rendre étant en Israël au même moment. J’ai eu le plaisir de m’entretenir avec Mgr Lépine avant son départ pour le Pérou prévu pour le mercredi le 17 janvier prochain.

Selon l’archevêque de Montréal, le Pape désire s’inscrire dans la continuité avec saint Jean-Paul II pour qui « il était important de garder une vision unitaire de l’Amérique ». En effet, bien qu’étant divisée en trois hémisphères distincts, l’Amérique doit prendre conscience des éléments communs du continent américain. Constructeur de pont de paix, s’il en est un, le pape François sait que l’avenir et la paix internationale passe par le fait de souligner ce qu’il y a de commun entre les peuples. L’Église canadienne doit donc se sentir spécialement concernée par ce voyage du pape au Chili et au Pérou, d’où la demande papale d’envoyer sur place un représentant des évêques canadiens. Cela permettra, à la fois, de témoigner de la solidarité canadienne envers les enjeux que vivent nos frères et sœurs du sud, et à la fois de s’inspirer de la vitalité et des innovations sociales et ecclésiales de ce pays latino-américain.

Mgr Christian Lépine fera donc partie de ce marathon de prière, de dialogue et de rencontres que sont les voyages apostoliques du pape François. Tout comme ses frères évêques péruviens, il affirme être spécialement touché par les grandes priorités que s’est données le Pape lors de ce voyage. Promouvoir la paix, la justice et laisser le Christ faire surgir en nous l’espérance sont des défis pour le monde entier. Ainsi, cette visite au Pérou peut nous inspirer nous aussi.

La sollicitude du Pape envers les autochtones et les questions environnementales de la région de l’Amazonie sont pour le pape les éléments clefs de ce voyage apostolique. Selon radio-Vatican,  « Plusieurs attendent une homélie importante du pape François sur la question amazonienne. Elle offrira des orientations fortes aux travaux préparatoires au Synode sur l’Amazonie ».

Enfin, lorsqu’on lui demande ce qu’il pourra éventuellement retirer d’une telle expérience, Mgr Lépine souligne que cela lui permettra certainement de se rapprocher de toutes les communautés latino de son archidiocèse : « Mon expérience en Italie m’a beaucoup aidé à me rapprocher des communautés italiennes de mon diocèse. Je suis certain que la même chose va se produire avec les diocésains latino-américains. Je dois donc dès maintenant intensifier mon apprentissage de l’espagnol! »

Dès son retour, Mgr Lépine sera en studio pour nous faire le récit de son voyage. D’ici là, restez à l’antenne de Sel et Lumière pour suivre le voyage du Pape au Chili et au Pérou dans le cadre de notre programmation spéciale et exclusive.

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