Allocution du pape François lors de la rencontre avec les prêtres, religieux, religieuses et séminaristes

Vous trouverez ci-dessous le texte officiel de l’allocution du pape François lors de la rencontre avec les prêtres, religieux, religieuses et séminariste telle que prononcée en la cathédrale de Santiago au Chili:

Chers frères et sœurs,

Je me réjouis de pouvoir partager cette rencontre avec vous. J’ai apprécié la façon dont le Cardinal Ezzati progressait en vous présentant: ici il y a… les consacrées, les consacrés, les prêtres, les diacres permanents, les séminaristes. Me vient à la mémoire le jour de notre ordination ou de notre consécration quand, après la présentation, nous disions : « Me voici Seigneur pour faire ta volonté ». Au cours de cette rencontre, nous voulons dire au Seigneur : « nous voici » pour renouveler notre oui. Nous voulons renouveler ensemble la réponse à l’appel qui un jour a secoué notre cœur.

Et pour ce faire, je crois que cela peut nous aider de partir du passage de l’Évangile que nous avons écouté et de partager trois moments connus par Pierre et par la première communauté: Pierre/la communauté abattue, Pierre/la communauté bénéficiaire de miséricorde et Pierre / la communauté transfigurée. Je fais jouer ce binôme Pierre-communauté parce que l’expérience des apôtres relève toujours de ce double aspect, l’un personnel et l’autre communautaire. Ils vont de pair et nous ne pouvons pas les séparer. Nous sommes certes appelés personnellement, mais toujours à faire partie d’un groupe plus grand. Le selfie vocationnel n’existe pas. La vocation exige que la photo te soit prise par un autre ; on n’y peut rien !

1. Pierre abattu
J’apprécie toujours le style des Évangiles qui ne décore pas ni n’embellit pas les évènements, et ne les dépeint pas plus beaux. Il nous présente la vie comme elle vient et non comme il faudrait qu’elle soit. L’Évangile ne craint pas de nous présenter les moments difficiles, et même conflictuels que les disciples ont traversés.

Recomposons la scène. Ils avaient tué Jésus ; certaines femmes disaient qu’il était vivant (Lc 24, 22-24). Même si elles ont vu Jésus Ressuscité, l’évènement est si fort que les disciples auront besoin de temps pour comprendre ce qui s’est passé. Compréhension qui leur viendra à la Pentecôte, avec l’envoi de l’Esprit Saint. L’apparition du Ressuscité prendra du temps pour trouver une place dans le cœur des siens.

Les disciples retournent à leurs lieux d’origine. Ils vont faire ce qu’ils savent faire : pêcher. Non pas tous, seuls quelques-uns. Divisés ? Dispersés ? Nous ne le savons pas. Ce que nous disent les Écritures, c’est qu’ils n’ont rien pêché. Les filets sont vides.

Cependant il y avait un autre vide qui pesait inconsciemment sur eux : le désarroi et le trouble à cause de la mort de leur Maître. Il n’est plus, il a été crucifié. Cependant ce n’était pas seulement lui qui a été crucifié, mais eux aussi, parce que la mort de Jésus a mis en évidence un tourbillon de conflits dans le cœur de ses amis. Pierre l’a renié, Judas l’a trahi, les autres ont fui et se sont cachés. Seule une poignée de femmes et le disciple bien-aimé sont restés. Les autres s’en sont allés. En l’espace de quelques jours, tout s’est effondré. Ce sont les heures de désarroi et de trouble dans la vie du disciple. Dans les moments « où la poussière des persécutions, des épreuves, des doutes, etc. est soulevée par les évènements culturels et historiques, il n’est pas facile trouver le chemin à suivre. Il existe diverses tentations propres à ces moment-là : agiter des idées, ne pas prêter l’attention adéquate au problème, faire trop de cas des persécuteurs… Et il me semble que la pire de toutes les tentations, c’est de rester là à ruminer le chagrin » (Jorge M. BERGOGLIO, Las cartas de la tribulación, 9, Ed. Diego de Torres, Buenos Aires 1987.). Oui, rester là à ruminer le chagrin.

Comme nous le disait le Cardinal Ezzati, « la vie sacerdotale et la vie consacrée au Chili ont traversé et traversent des heures difficiles de turbulences et des difficultés non négligeables. Parallèlement à la fidélité de l’immense majorité, l’ivraie du mal s’est développée avec son cortège de scandale et d’abandon ».

Moment de turbulences. Je connais la douleur qu’ont signifiée les cas d’abus commis sur des mineurs et je suis de près ce que l’on fait pour surmonter ce grave et douloureux mal. Douleur pour le mal et la souffrance des victimes et de leurs familles, qui ont vu trahie la confiance qu’elles avaient placée dans les ministres de l’Église. Douleur pour la souffrance des communautés ecclésiales, et douleur pour vous, frères, qui, en plus de l’épuisement dû à votre dévouement, avez vécu la souffrance qu’engendrent la suspicion et la remise en cause, ayant pu provoquer chez quelques-uns ou plusieurs le doute, la peur et le manque de confiance. Je sais que parfois vous avez essuyé des insultes dans le métro ou en marchant dans la rue, qu’être « habillé en prêtre » dans beaucoup d’endroits se « paie cher ». C’est pourquoi je vous invite à ce que nous demandions à Dieu de nous donner la lucidité d’appeler la réalité par son nom, le courage de demander pardon et la capacité d’apprendre à écouter ce que le Seigneur est en train de nous dire.

J’aimerais ajouter en outre un autre aspect important. Nos sociétés sont en train de changer. Le Chili d’aujourd’hui est bien différent de celui que j’ai connu dans ma jeunesse, quand je me formais. Sont en train de naître de nouvelles et différentes formes culturelles qui ne cadrent pas avec les repères connus. Et il faut reconnaître que, souvent, nous ne savons pas comment nous insérer dans ces nouvelles circonstances. Souvent, nous rêvons des « oignons d’Égypte » et nous oublions que la terre promise est devant. Que la promesse date d’hier mais est faite pour l’avenir. Et nous pouvons céder à la tentation de nous enfermer et de nous isoler pour défendre nos approches qui finissent par devenir rien de plus que de bons monologues. Nous pouvons être tentés de penser que tout va mal, et au lieu d’annoncer une « bonne nouvelle », la seule chose que nous annonçons, c’est l’apathie et la désillusion. Ainsi nous fermons les yeux face aux défis pastoraux en croyant que l’Esprit n’aurait rien à dire. Ainsi nous oublions que l’Évangile est un chemin de conversion, non seulement pour « les autres », mais pour nous aussi.

Que cela nous plaise ou pas, nous sommes invités à affronter la réalité telle qu’elle se présente à nous. La réalité personnelle, communautaire et sociale. Les filets –affirment les disciples- sont vides, et nous pouvons comprendre les sentiments que cela génère. Ils reviennent à la maison sans grandes aventures à raconter ; ils reviennent à la maison les mains vides ; ils reviennent à la maison, abattus.

Que reste-t-il de ces disciples forts, enthousiastes, qui se donnaient des airs, qui se sentaient choisis et qui avaient tout quitté pour suivre Jésus ? (cf. Mc 1, 16-20) ; que reste-t-il de ces disciples sûrs d’eux-mêmes prêts à aller en prison et qui iraient jusqu’à donner leur vie pour leur Maître (cf. Lc 22, 33), et qui pour le défendre voulaient faire descendre du feu sur la terre (cf. Lc 9, 54) ; pour lequel ils dégaineraient l’épée et combattraient ? (cf. Lc 22, 49-51), que reste-t-il du Pierre qui apostrophait son Maître sur la manière dont celui-ci devrait gérer sa vie ? (cf. Mc 8, 31-33).

2. Pierre bénéficiaire de miséricorde
C’est l’heure de vérité dans la vie de la première communauté. C’est l’heure où Pierre a été

confronté à une partie de lui-même. À la partie de sa vérité que tant de fois il n’a pas voulu voir. Il a fait l’expérience de ses limites, de sa fragilité, de son être de pécheur. Pierre, l’homme de tempérament, le chef impulsif et sauveur, avec une bonne dose d’autosuffisance et un excès de confiance en lui-même ainsi qu’en ses capacités, a dû accepter sa faiblesse et son péché. Il était aussi pécheur que les autres, il était aussi démuni que les autres, il était aussi fragile que les autres. Pierre a déçu celui qu’il avait promis de protéger. Heure cruciale dans la vie de Pierre.

Comme disciples, comme Église, la même chose peut nous arriver : il existe des moments où nous ne nous retrouvons pas devant nos exploits, mais devant notre faiblesse. Heures cruciales dans la vie des disciples, pourtant c’est en ces heures que naît l’apôtre. Laissons-nous guider par le texte. «Quand ils eurent mangé, Jésus dit à Simon-Pierre : “Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment plus que ceux-ci ?”» (Jn 21, 15).

Après le repas, Jésus invite Pierre à faire un tour et l’unique parole est une interrogation, une interrogation d’amour: M’aimes-tu? Jésus ne s’oriente pas vers la réprimande ni vers la condamnation. La seule chose qu’il veut faire, c’est de sauver Pierre. Il veut le sauver du danger de rester enfermé dans son péché, de rester là à ‘‘ruminer’’ le chagrin, fruit de ses limites ; du risque de laisser s’effondrer, à cause de ses limites, tout ce qu’il avait vécu de bien avec Jésus. Jésus veut le sauver de l’enfermement et de l’isolement. Il veut le sauver de cette attitude destructrice qui consiste à se faire passer pour une victime, ou au contraire, à tomber dans un « toujours le même » et qui, au bout du compte, finit par édulcorer n’importe quel engagement avec le relativisme le plus nocif. Il veut le libérer du fait de considérer celui qui s’oppose à lui comme un ennemi, ou de ne pas accepter avec sérénité les contradictions ou les critiques. Il veut le libérer de la tristesse et spécialement de la mauvaise humeur. Avec cette question, Jésus invite Pierre à écouter son cœur et à apprendre à discerner. Car « ce n’est pas le propre de Dieu de défendre la vérité au détriment de la charité, ni la charité aux dépens de la vérité, ou l’équilibre au détriment des deux. Jésus veut éviter que Pierre ne devienne un vrai destructeur, ou un menteur charitable ou une personne perplexe paralysée» (cf. Ibid.), comme cela peut nous arriver dans ces situations.

Jésus a interrogé Pierre sur son amour et il a insisté auprès de lui jusqu’à ce qu’il puisse lui donner une réponse réaliste : « Seigneur, toi, tu sais tout : tu sais bien que je t’aime » (Jn 21, 17). C’est ainsi que Jésus l’a confirmé dans sa mission. C’est ainsi qu’il devient définitivement son apôtre.

Qu’est-ce qui consolide Pierre comme apôtre ? Qu’est-ce qui nous maintient apôtres? Une seule chose: «nous avons été traités avec miséricorde » (1 Tm 1, 12-16). « Au cœur de nos péchés, de nos limites, de nos misères ; au milieu de nos nombreuses chutes, Jésus Christ nous a vus, il s’est approché, il nous a donné sa main et nous a traités avec miséricorde. Chacun d’entre nous pourrait en faire mémoire, en repensant à toutes les fois où le Seigneur l’a vu, l’a regardé, s’est approché et l’a traité avec miséricorde » (Message Vidéo au CELAM à l’occasion du Jubilé extraordinaire de la Miséricorde sur le Continent américain, 27 août 2016). Nous ne sommes pas ici parce que nous serions meilleurs que les autres. Nous ne sommes pas des superhéros qui, de leur hauteur, descendent pour rencontrer des « mortels ». Mais plutôt, nous sommes envoyés avec la conscience d’être des hommes et des femmes pardonnés. Et c’est la source de notre joie. Nous sommes consacrés, pasteurs à la manière de Jésus blessé, mort et ressuscité. Le consacré est celui qui trouve dans ses blessures les signes de la Résurrection. Il est celui qui peut voir dans les blessures du monde la force de la Résurrection. Il est celui qui, à la manière de Jésus, ne va pas à la rencontre de ses frères avec le reproche et la condamnation.

Jésus Christ ne se présente pas aux siens sans ses blessures ; précisément c’est grâce à ses blessures que Thomas peut confesser sa foi. Une Église avec des blessures est capable de comprendre les blessures du monde d’aujourd’hui, et de les faire siennes, de les porter en elle- même, d’y prêter attention et de chercher à les guérir. Une Église avec des blessures ne se met pas au centre, ne se croit pas parfaite, mais elle place au centre le seul qui peut guérir les blessures et qui a pour nom: Jésus Christ.

La conscience d’être nous-mêmes blessés nous libère; oui, elle nous libère du risque de devenir autoréférentiels, de nous croire supérieurs. Elle nous libère de cette tendance « prométhéenne de ceux qui, en définitive, font confiance uniquement à leurs propres forces et se sentent supérieurs aux autres parce qu’ils observent des normes déterminées ou parce qu’ils sont inébranlablement fidèles à un style catholique justement propre au passé » (Exhort. ap. Evangelii Gaudium, n.94).

En Jésus, nos blessures sont ressuscitées. Elles nous rendent solidaires; elles nous aident à détruire les murs qui nous enferment dans une attitude élitiste pour nous encourager à construire des ponts et aller à la rencontre de tant de personnes assoiffées du même amour miséricordieux que seul Christ peut nous offrir. Que de fois « rêvons-nous de plans apostoliques, expansionnistes, méticuleux et bien dessinés, typiques des généraux défaits ! Ainsi nous renions notre histoire d’Église, qui est glorieuse en tant qu’elle est histoire de sacrifices, d’espérance, de lutte quotidienne, de vie dépensée dans le service, de constance dans le travail pénible, parce que tout travail est accompli à la sueur de notre front » (Ibid., n.96). Je vois avec une certaine préoccupation qu’il existe des communautés qui vivent, mues plus par le découragement de ne plus être à l’affiche, par le souci d’occuper les espaces, de paraître et de se montrer, que par celui de se retrousser les manches et de sortir afin de toucher la réalité difficile de notre peuple fidèle.

Qu’elle est lourde d’interrogation, la réflexion de ce saint chilien qui faisait remarquer : «Elles seront, en effet, fausses méthodes toutes celles qui seraient imposées en raison de l’uniformité ; toutes celles qui prétendent nous conduire à Dieu en nous faisant perdre de vue nos frères ; toutes celles qui nous font fermer les yeux sur l’univers, au lieu de nous apprendre à les ouvrir pour tout élever vers le Créateur de tout être ; toutes celles qui rendent égoïstes et nous conduisent à nous replier sur nous-mêmes » (SAN ALBERTO HURTADO, Discurso a jóvenes de la Acción Católica,1943).

Le peuple de Dieu n’attend pas de nous ni nous demande que nous soyons des superhéros, il veut des pasteurs, des consacrés, qui aient de la compassion, qui sachent tendre la main, qui sachent s’arrêter devant la personne à terre et, comme Jésus, qui aident à sortir de cette obsession de « ruminer » le chagrin qui empoisonne l’âme.

3. Pierre transfiguré
Jésus invite Pierre à discerner et, ainsi, commencent à prendre force de nombreux évènements de la vie de Pierre, comme le geste prophétique du lavement des pieds. Pierre, lui qui a résisté avant de se laisser laver les pieds, commence à comprendre que la véritable grandeur passe par le fait de se faire petit et serviteur (« Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous » [Mc. 9,35]).

Quelle pédagogie de la part de notre Seigneur ! Du geste prophétique de Jésus à l’Église prophétique qui, lavée de son péché, n’a pas peur de sortir pour servir une humanité blessée.

Pierre a connu dans sa chair la blessure non seulement du péché, mais aussi de ses propres limites et faiblesses. Pourtant il a découvert en Jésus que ses blessures peuvent être un chemin de Résurrection. Connaître Pierre abattu pour connaître Pierre transfiguré est l’invitation à passer d’une Église de personnes abattues en proie au chagrin à une Église servante des nombreuses personnes abattues qui se trouvent à nos côtés. Une Église capable de se mettre au service de son Seigneur en celui qui a faim, en celui qui est prisonnier, en celui qui a soif, en celui qui est expulsé, en celui qui est nu, en celui qui est malade… (Mt 25, 35). Un service qui ne s’identifie pas à de l’assistanat ou à du paternalisme, mais à une conversion du cœur. Le problème n’est pas seulement de donner à manger au pauvre, de vêtir celui qui est nu, d’être aux côtés de celui qui est malade, mais de considérer que le pauvre, la personne nue, le malade, le prisonnier, la personne expulsée sont dignes de s’asseoir à nos tables, de se sentir « à la maison » parmi nous, de se sentir en famille. C’est le signe que le Royaume des Cieux est parmi nous. C’est le signe d’une Église qui a été blessée par son péché, a obtenu miséricorde da la part de son Seigneur, et qui est devenue prophétique par vocation.

Redevenir prophétique, c’est renouveler notre engagement à ne pas vouloir un monde idéal, une communauté idéale, un disciple idéal pour vivre ou pour évangéliser, mais c’est créer les conditions afin que chaque personne abattue puisse rencontrer Jésus. On n’aime pas les situations ni les communautés idéales, on aime les personnes.

La reconnaissance sincère, douloureuse et priante de nos limites, loin de nous éloigner de notre Seigneur, nous permet de revenir vers Jésus en sachant qu’il « peut toujours, avec sa nouveauté, renouveler notre vie et notre communauté, et même si la proposition chrétienne traverse des époques d’obscurité et de faiblesses ecclésiales, elle ne vieillit jamais… Chaque fois que nous cherchons à revenir à la source pour récupérer la fraîcheur originale de l’Évangile, surgissent des voies nouvelles, des méthodes créatives, d’autres formes d’expression, des signes plus éloquents, des paroles chargées de sens renouvelé pour le monde d’aujourd’hui » (Exhort. ap. Evangelii Gaudium, n.11). Que cela nous fait du bien à nous tous de laisser Jésus renouveler nos cœurs!

Quand je commençais cette rencontre, je vous disais que nous venions pour renouveler notre oui, avec enthousiasme, avec passion. Nous voulons renouveler notre oui, mais un oui réaliste, parce qu’il est soutenu par le regard de Jésus. Je vous invite à faire dans votre cœur, quand vous serez rentrés chez vous, une espèce de testament spirituel, à la manière du Cardinal Raul Silva Henriquez. Cette belle prière qui commence en disant:

«L’Église que j’aime est la Sainte Église de chaque jour… la tienne, la mienne, la Sainte Église de chaque jour…

Jésus Christ, l’Évangile, le pain, l’Eucharistie, le Corps du Christ humble chaque jour. Avec des visages de pauvres et des visages d’hommes et de femmes qui chantaient, qui luttaient, qui souffraient. La Sainte Église de chaque jour».

Comment est l’Église que tu aimes? Aimes-tu cette Église blessée qui trouve la vie dans les plaies de Jésus?

Merci pour cette rencontre. Merci pour l’opportunité de renouveler avec vous le «Oui». Que Notre-Dame du Carmel vous couvre de son manteau. S’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi. [00055-FR.01] [Texte original: Espagnol]

Église en sortie 12 janvier 2018

Cette semaine à Église en sortie, Francis Denis reçoit le journaliste et écrivain Jean-Claude Guillebaud qui nous parle de la révolution médiatique ainsi que de son itinéraire spirituel. On vous présente un reportage sur l’événement de l’archidiocèse de Montréal: « À la suite de Maisonneuve, 375 ans plus tard! ». Et on s’entretient avec Mgr Paul-André Durocher, archevêque de Gatineau sur l’histoire et la réalité présente de son église particulière.

Moines de Tibhirine : une première reconnaissance pour le martyre de « l’offrande de la vie » ?

Depuis la sortie du film « Des hommes et des dieux », le monde entier connaît l’histoire des sept moines trappistes assassinés en Algérie le 21 mai 1996. Dès le départ, le sensus fidei du Peuple de Dieu avait discerné la sainteté de vie nécessaire à un tel don de soi. Toutefois l’Église, dans sa grande sagesse, opte pour une procédure plus stricte soit celle d’un procès en bon et due forme qui peut prendre de nombreuses années. L’année dernière, alors qu’on fêtait le 20e anniversaire de cet événement tragique, plusieurs se sont posés la question de l’éventuelle béatification/canonisation des moines. Ce n’est que la semaine dernière que les rumeurs se sont accentuées après que le postulateur de la cause, le frère Thomas Georgeon, ait confié à « Mondo e missione » que le décret de béatification pourrait être signé au mois de janvier. Connaissant l’obéissance des moines, on peut être certain qu’une telle information n’aurait pu être transmise sans l’autorisation préalable de la Congrégation pour la cause des saints.

Pour en savoir davantage, j’ai rencontré Dom André Barbeau. Actuellement père Abbé du monastère de Val Notre-Dame, Dom Barbeau fut durant plusieurs années père Abbé du monastère d’Aiguebelle, maison fondatrice d’un autre monastère, celui de Tibhirine. Nommé là-bas quelques jours après la mort des 7 moines, c’est à lui qu’avait été confiée la grande responsabilité des moines de Tibhirine en Algérie. Lors des commémorations  du 20e anniversaire de la mort des frères, il était sur place en Algérie avec le postulateur de la cause. Voici l’essentiel de mon entretien avec lui lors de ma visite à Val Notre-Dame.

Quel fut votre rôle dans ce procès de béatification ?

Dom Barbeau : De mon côté, j’ai eu comme premier travail de réunir les archives. Lors de chaque voyage à Tibhirine, je ramenais une valise remplie de documents concernant la communauté.  Si bien que j’ai réussi à réunir l’ensemble de ce qui se trouvait là-bas. Les frères écrivaient beaucoup. Ils recevaient beaucoup de lettres et entretenaient une grande correspondance. J’ai donc numérisé et publié tous les textes: les chapîtres et les homélies de Christian, le journal et les homélies de Christophe. À mesure que je les lisais et les transcrivais, j’étais frappé par la qualité, la profondeur et la pertinence théologique de la théologie des religions de Christian De Chergé.

Où en est le procès à l’heure actuelle ?

Dom André Barbeau : D’abord, il ne s’agit pas uniquement du procès des 7 frères trappistes mais des 19 martyrs d’Algérie. Comme il y avait dans le groupe un évêque, le libellé de la cause officielle est « Mgr Claverie et ses compagnons ».

À l’heure actuelle, tout est dans les mains de la Congrégation pour la Cause des saints. Au mois d’août dernier, le postulateur de la cause, qui est un moine trappiste français, a remis la depositio (document final) au Vatican. L’étude des écrits des frères a été fait par deux censeurs dont le théologien Gilles Routhier ainsi qu’un professeur de l’Université de Marseille où fut également ouverte une Chaire Tibhirine. Par contre, le cas de la reconnaissance de mes sept frères de Tibhirine posait un problème particulier.

Prenons par exemple, saint Maximilien Kolbe. Il n’est pas un martyr mais un saint puisqu’il n’a pas perdu sa vie par haine de la foi. Il a donné sa vie par amour pour une autre personne. Au procès de béatification cela n’a pas été un problème mais au procès de canonisation, il ne fut pas reconnu comme martyr.

« C’est par amour pour le peuple qu’ils sont restés et qu’ils ont été tués. »

On ne peut donc pas les définir comme martyrs puisqu’ils ne sont pas morts par haine de la foi : ce qui était encore jusqu’à l’année dernière la définition stricte du martyre. C’est par amour pour le peuple qu’ils sont restés et qu’ils ont été tués. Ce n’est pas par haine de la foi. Dom Barbeau a rencontré plusieurs membres de la famille qui étaient un peu scandalisés par le fait qu’ils ne soient pas reconnus comme martyrs.

L’innovation récente du pape François pour ouvrir une quatrième « voie » de reconnaissance du martyre par « l’offrande libre et volontaire de la vie et l’acceptation héroïque propter caritatem d’une mort certaine et à court terme… »  peut-elle, selon vous, aider la cause des moines de Tibhirine ?

Dom André Barbeau : La quatrième voie que le Pape a ouverte est une magnifique nouveauté qui va permettre la sainteté de tous ceux qui sont restés au Moyen-Orient (Irak, Syrie, Iran, etc.). Qui sont restés par amour pour leur peuple et l’église locale!

Comme je vous l’ai dit, le dossier est déjà sur la table de la Congrégation depuis un bon moment. Aucune modification ne peut y être apportée. Par contre, ce nouveau critère pour la reconnaissance des martyrs fait en sorte que celle-ci peut jeter un regard nouveau sur le dossier et, peut-être, faciliter leur reconnaissance comme martyrs.

Cela peut également permettre une reconnaissance plus rapide. En effet, reconnaître le martyre « en haine de la foi » peut poser des problèmes diplomatiques et de relations avec l’Algérie ou d’autres pays. Par exemple, il y a déjà la cause des martyrs de Chine : 33 moines qui furent promenés à travers toute la Chine attachés à des fils de fer. Tout est documenté mais à cause de relations politiques et diplomatiques difficiles entre la Chine et le Vatican, tout est retardé.

Pour l’Algérie, cela n’est pas simple non plus mais, -et je crois qu’il a de cela derrière la décision du Pape-, cette nouvelle façon de faire permet de reconnaître leur dévouement et leur don de soi sans stigmatiser le peuple algérien et leur gouvernement. Ils ont choisi de rester au nom de l’Amour de Dieu et du peuple. Et, au nom de cette espérance, ils ont fait le sacrifice ultime. Cette nouvelle perspective empêche l’interlocuteur de se sentir menacé. Ainsi, on vient de contourner la partie problématique qui pouvait faire retarder le processus de béatification/canonisation. C’est très habile et très jésuite! Normalement le postulateur s’attend à ce que le décret de reconnaissance du martyre soit signé d’ici avril prochain 2018. 

Dans les prochaines semaines, nous poursuivrons cet entretien avec Dom André Barbeau. On y apprendra des choses fascinantes sur l’histoire de la Communauté de Tibhirine après la tragédie de 1996.

Discours du pape François à l’occasion des voeux du corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège

CNS/Paul Haring

Vous trouverez ci-dessous le discours du pape François à l’occasion des voeux du nouvel an du corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège:

Excellences
Mesdames et Messieurs,

Elle constitue une belle coutume, cette rencontre qui, en conservant encore vive dans les cœurs la joie de Noël, m’offre l’occasion de vous présenter personnellement les vœux pour l’année commencée depuis peu et de manifester ma proximité ainsi que mon affection aux peuples que vous représentez. Je remercie le Doyen du Corps Diplomatique, Son Excellence Monsieur Armindo Fernandes do Espiríto Santo Vieira, Ambassadeur de l’Angola, pour les paroles déférentes qu’il vient de m’adresser au nom de tout le Corps Diplomatique accrédité près le Saint-Siège. J’adresse une spéciale bienvenue aux Ambassadeurs venus de l’extérieur de Rome pour l’occasion, dont le nombre s’est accru suite aux relations diplomatiques nouées avec la République de l’Union du Myanmar, en mai dernier. De même, je salue les Ambassadeurs résidents à Rome toujours plus nombreux, parmi lesquels se trouve, à présent, l’Ambassadeur de la République de l’Afrique du Sud, tandis je voudrais dédier une pensée particulière à feu l’Ambassadeur de la Colombie, Guillermo León Escobar-Herran, décédé quelques jours avant Noël. Je vous remercie pour les relations fructueuses et constantes que vous entretenez avec la Secrétairerie d’État et avec les autres Dicastères de la Curie Romaine, en témoignage de l’intérêt de la communauté internationale pour la mission du Saint-Siège et pour l’engagement de l’Église catholique dans vos pays respectifs. Dans cette perspective se situe aussi l’activité du Saint-Siège concernant les Conventions, qui l’an dernier a vu la signature, au mois de février, de l’Accord Cadre avec la République du Congo et, au mois d’août, de l’Accord entre la Secrétairerie d’État et le Gouvernement de la Fédération Russe sur les voyages sans visa des titulaires de passeports diplomatiques.

Dans les relations avec les Autorités civiles, le Saint-Siège ne vise rien d’autre que de favoriser le bien-être spirituel et matériel de la personne humaine et la promotion du bien commun. Les voyages apostoliques que j’ai effectués au cours de l’année passée en Égypte, au Portugal, en Colombie, au Myanmar et au Bangladesh ont été une expression de cette sollicitude.

Je me suis rendu au Portugal, en pèlerin, lors du centenaire des apparitions de la Vierge à Fatima, pour célébrer la canonisation des pastoureaux Jacinthe et François Marto. J’ai pu y constater la foi remplie d’enthousiasme et de joie que la Vierge Marie a suscitée chez les nombreux pèlerins venus pour l’occasion. De même en Égypte, au Myanmar et au Bangladesh, j’ai pu rencontrer les communautés chrétiennes locales qui, bien que numériquement réduites, sont appréciées pour la contribution qu’elles offrent au développement et à la convivialité civile de leurs pays respectifs. Des rencontres avec les représentants des autres religions n’ont pas manqué, témoignant combien les spécificités de chacune ne sont pas un obstacle au dialogue, mais plutôt la sève qui l’alimente dans le désir commun de connaître la vérité et de pratiquer la justice. Enfin, en Colombie, j’ai voulu bénir les efforts et le courage de ce peuple bien-aimé, marqué par un ardent désir de paix après plus d’un demi-siècle de conflit interne.

Chers Ambassadeurs,

Au cours de cette année, aura lieu le centenaire de la fin de la première Guerre Mondiale : un conflit qui a remodelé le visage de l’Europe et du monde entier, avec la naissance de nouveaux États qui ont pris la place des anciens empires. Des cendres de la Grande Guerre, on peut tirer deux avertissements, que malheureusement l’humanité n’a pas su comprendre immédiatement, arrivant dans le laps d’une vingtaine d’années à affronter un nouveau conflit encore plus dévastateur que le précédent. Le premier avertissement, c’est que vaincre ne signifie jamais humilier l’adversaire défait. La paix ne se construit pas comme une affirmation du pouvoir du vainqueur sur le vaincu. Ce n’est pas la loi de la peur qui dissuade de futures agressions, mais plutôt la force de la raison douce qui encourage au dialogue et à la compréhension réciproque pour aplanir les différences (Cf. Jean XXIII, Lettre encyclique, Pacem in terris, 11 avril 1963, nn. 126-129). De cela découle le second avertissement : la paix se consolide lorsque les Nations peuvent traiter entre elles dans un climat de parité. Il y a un siècle – tout juste aujourd’hui –, le Président américain d’alors, Thomas Woodrow Wilson, l’a compris lorsqu’il a proposé la création d’une association générale des Nations destinée à promouvoir pour tous les États, indistinctement grands et petits, des garanties mutuelles d’indépendance et d’intégrité territoriale. Ainsi ont été jetées les bases de cette diplomatie multilatérale, qui a acquis progressivement au cours des années un rôle et une influence croissante au sein de la Communauté internationale tout entière.

Aussi bien les relations entre les Nations que les relations humaines « doivent […] [s’]harmoniser […] selon la vérité et la justice, en esprit d’active solidarité et dans la liberté » (Ibid., n. 80). Cela comporte « l’égalité naturelle de toutes les communautés politiques en dignité » (Ibid., n. 86), ainsi que la reconnaissance des droits mutuels, avec l’accomplissement des devoirs correspondants (cf. Ibid., n. 91). La condition fondamentale de cette attitude est l’affirmation de la dignité de chaque personne humaine, dont le mépris et la méconnaissance portent à des actes de barbarie qui offensent la conscience de l’humanité (cf. Déclaration universelle des droits de l’homme, 10 décembre 1948). D’autre part, « la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde » (Ibid., Préambule), comme l’affirme la Déclaration universelle des droits de l’homme.

C’est à cet important document que, soixante ans après son adoption de la part de l’Assemblée Générale des Nations Unis, advenue le 10 décembre 1948, je voudrais consacrer notre rencontre d’aujourd’hui. Pour le Saint-Siège, en effet, parler des droits humains signifie, avant tout, proposer de nouveau la centralité de la dignité de la personne, en tant qu’elle est voulue et créée par Dieu à son image et à sa ressemblance. Le Seigneur Jésus lui-même, en guérissant le lépreux, en redonnant la vue à l’aveugle, en s’entretenant avec le publicain, en sauvant la vie à la femme adultère et en invitant à prendre soin du voyageur blessé, a fait comprendre combien chaque être humain, indépendamment de sa condition physique, spirituelle ou sociale, mérite respect et considération. Du point de vue chrétien, il y a donc une relation significative entre le message évangélique et la reconnaissance des droits humains, dans l’esprit des rédacteurs de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Ces droits trouvent leur fondement dans la nature qui objectivement unit le genre humain. Ils ont été proclamés pour faire tomber les murs de séparation qui divisent la famille humaine et favoriser ce que la doctrine sociale de l’Église appelle le développement humain intégral, puisqu’il concerne la promotion de chaque homme et de tout l’homme, jusqu’à comprendre l’humanité tout entière (cf. Paul VI, Lettre encyclique, Populorum progressio, 26 mars 1967, n. 14). Une vision réductrice de la personne humaine ouvre au contraire la voie à la propagation de l’injustice, de l’inégalité sociale et de la corruption.

Il faut, toutefois, constater qu’au cours des années passées, surtout suite aux bouleversements sociaux de ‘1968’, l’interprétation de certains droits s’est progressivement modifiée, de façon à inclure une multiplicité de ‘‘nouveaux droits’’, souvent en contradiction entre eux. Cela n’a pas toujours favorisé la promotion de relations amicales entre les Nations (cf. Déclaration universelle des droits de l’homme, Préambule), car des conceptions controversées des droits humains ont été exprimées, en contraste avec la culture de nombreux pays, qui ne se sentent pas par conséquent respectés dans leurs traditions socio-culturelles propres, mais plutôt négligés quant aux nécessités réelles qu’ils doivent affronter. Il peut donc y avoir le risque – paradoxal par certains côtés – que, au nom des mêmes droits humains, on en vienne à instaurer des formes modernes de colonisation idéologique des plus forts et des plus riches au détriment des plus pauvres et des plus faibles. En même temps, il convient d’avoir présent à l’esprit que les traditions de chaque peuple ne peuvent être évoquées comme un prétexte pour manquer au respect dû aux droits fondamentaux énoncés par la Déclaration universelle des droits humains.

Après soixante ans, il est regrettable de relever comment de nombreux droits fondamentaux sont aujourd’hui encore violés. Le premier d’entre tous ces droits est celui à la vie, à la liberté et à l’inviolabilité de chaque personne humaine (cf. Ibid., art. 3). Ce ne sont pas seulement la guerre ou la violence qui les compromettent. En notre temps, il y a des formes plus subtiles : je pense d’abord aux enfants innocents, rejetés avant même de naître ; non voulus parfois uniquement parce qu’ils sont malades ou malformés, ou à cause de l’égoïsme des adultes. Je pense aux personnes âgées, elles aussi bien des fois rejetées, surtout si elles sont malades, car considérées comme un poids. Je pense aux femmes, qui souvent subissent des violences et des abus y compris au sein de leurs propres familles. Je pense, ensuite, à ceux qui sont victimes de la traite des personnes qui viole la prohibition de toute forme d’esclavage. Que de personnes, surtout fuyant la pauvreté et la guerre, sont objet de ce commerce illicite perpétré par des sujets sans scrupules ?

Défendre le droit à la vie et à l’intégrité physique signifie, ensuite, promouvoir le droit à la santé de la personne et de ses proches. Aujourd’hui, ce droit à la santé a adopté des implications qui dépassent les intentions d’origine de la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui visait à affirmer le droit de chacun à bénéficier des soins médicaux et des services sociaux nécessaires (cf. ibid., art. 25). Dans cette perspective, je souhaite que, au niveau des instances internationales compétentes, on œuvre pour favoriser surtout un accès facile de tous aux soins et aux traitements sanitaires. Il est important d’unir les efforts afin qu’on puisse adopter des politiques en mesure de garantir, à des prix accessibles, la fourniture des médicaments essentiels pour la survie des personnes démunies, sans négliger la recherche et le développement des traitements qui, bien que n’étant pas économiquement importants pour le marché, sont déterminants pour sauver des vies humaines.

Défendre le droit à la vie implique également d’œuvrer activement pour la paix, universellement reconnue comme l’une des valeurs les plus hautes à rechercher et à défendre. Cependant de graves conflits locaux continent à embraser diverses régions de la terre. Les efforts collectifs de la communauté internationale, l’action humanitaire des organisations internationales et les demandes incessantes de paix, qui s’élèvent des terres ensanglantées par des combats, semblent toujours moins efficaces face à la logique aberrante de la guerre. Cette situation n’entame pas notre désir et notre engagement pour la paix, conscients que sans elle le développement intégral de l’homme est hors de portée.

Le désarmement intégral et le développement intégral sont étroitement liés entre eux. D’autre part, la recherche de la paix comme condition préalable au développement implique de combattre l’injustice et d’éradiquer, de manière non violente, les causes de désaccord qui conduisent aux guerres. La prolifération des armes aggrave clairement les situations de conflit et comporte des coûts humains et matériels considérables qui minent le développement ainsi que la recherche d’une paix durable. Le résultat historique atteint l’année dernière avec l’adoption du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, au terme de la Conférence des Nations Unies, visant à négocier un instrument juridiquement contraignant pour prohiber les armes nucléaires, montre combien le désir de paix est toujours vif. La promotion de la culture de paix en vue d’un développement intégral demande des efforts persévérants pour le désarmement et la limitation du recours à la force armée dans la gestion des affaires internationales. Je voudrais, par conséquent, encourager un débat serein et le plus ample possible sur la question, qui évite des polarisations de la communauté internationale sur un sujet aussi délicat. Tout effort dans ce sens, si modeste soit-il, représente un résultat important pour l’humanité.

Pour sa part, le Saint-Siège a signé et ratifié, également au nom et pour le compte de l’État de la Cité du Vatican, le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, dans la perspective exprimée par saint Jean XXIII dans Pacem in terris, selon laquelle « La justice, la sagesse, le sens de l’humanité réclament par conséquent, qu’on arrête la course aux armements ; elles réclament la réduction parallèle et simultanée de l’armement existant dans les divers pays, la proscription de l’arme atomique » (n. 112). En effet, « qu’il y ait des hommes au monde pour prendre la responsabilité des massacres et des ruines sans nombre d’une guerre, cela peut paraître incroyable ; pourtant, on est contraint de l’avouer, une surprise, un accident suffiraient à provoquer la conflagration » ( Ibid. n. 111).

Le Saint-Siège réaffirme donc la ferme conviction « que les éventuels conflits entre les peuples ne doivent pas être réglés par le recours aux armes, mais par la négociation » (Ibid., n. 126). D’autre part, précisément la fabrication ininterrompue d’armes toujours plus sophistiquées et plus ‘‘perfectionnées’’ ainsi que la persistance de nombreux foyers de conflit – de ce que j’ai, plus d’une fois, qualifié de ‘‘troisième guerre mondiale par morceaux’’ – ne peut que nous faire répéter avec force les paroles de mon saint Prédécesseur : « Il devient humainement impossible de penser que la guerre soit, en notre ère atomique, le moyen adéquat pour obtenir justice […] Néanmoins, il est permis d’espérer que les peuples, intensifiant entre eux les relations et les échanges, découvriront mieux les liens d’unité qui découlent de leur nature commune ; ils comprendront plus parfaitement que l’un des devoirs primordiaux issus de leur communauté de nature, c’est de fonder les relations des hommes et des peuples sur l’amour et non sur la crainte. C’est, en effet, le propre de l’amour d’amener les hommes à une loyale collaboration, susceptible de formes multiples et porteuse d’innombrables bienfaits » (Ibid., nn. 127-129).

Dans cette perspective, il est d’une importance primordiale qu’on puisse soutenir toute tentative de dialogue dans la péninsule coréenne, afin de trouver de nouvelles voies pour surmonter les oppositions actuelles, d’accroître la confiance réciproque et d’assurer un avenir de paix au peuple coréen et au monde entier.

De même, il est important qu’on puisse poursuivre, dans un climat constructif de confiance accrue entre les parties, les diverses initiatives de paix en cours en faveur de la Syrie, pour qu’on puisse finalement mettre fin au long conflit qui a affecté le pays et causé d’effroyables souffrances. Le souhait général est que, après tant de destructions, arrive le temps de la reconstruction. Mais plus encore que la reconstruction des édifices, s’avèrent nécessaires la reconstruction des cœurs, le retissage de la toile de la confiance réciproque, préalables indispensables pour l’épanouissement de toute société. Il faut donc travailler à favoriser les conditions juridiques, politiques et sécuritaires, pour une reprise de la vie sociale, où chaque citoyen, indépendamment de son appartenance ethnique et religieuse, puisse participer au développement du pays. En ce sens, il est vital que soient protégées les minorités religieuses, parmi lesquelles se trouvent les chrétiens, qui depuis des siècles contribuent activement à l’histoire de la Syrie.

Il est aussi important que puissent retourner dans leur patrie les nombreux réfugiés qui ont trouvé accueil et refuge dans les nations limitrophes, surtout en Jordanie, au Liban et en Turquie. L’engagement et les efforts accomplis par ces pays dans cette situation difficile mérite l’appréciation et le soutien de toute la communauté internationale, qui est en même temps appelée à œuvrer pour créer les conditions en vue du rapatriement des réfugiés provenant de la Syrie. C’est un engagement qu’elle doit concrètement prendre en commençant par le Liban, afin que ce pays bien-aimé continue à être un ‘‘message’’ de respect et de cohabitation ainsi qu’un modèle à imiter pour toute la région et pour le monde entier.

La volonté de dialogue est nécessaire également dans le bien-aimé Irak, pour que les diverses composantes ethniques et religieuses puissent retrouver le chemin de la réconciliation et de la cohabitation et collaboration pacifiques, tout comme au Yémen et dans d’autres parties de la région, ainsi qu’en Afghanistan.

J’adresse une pensée particulière aux Israéliens et aux Palestiniens, suite aux tensions des dernières semaines. Le Saint-Siège, en exprimant sa douleur pour ceux qui ont perdu la vie dans les récents affrontements, renouvelle son appel pressant à pondérer toute initiative afin qu’on évite d’exacerber les oppositions, et il invite à un engagement commun à respecter, en conformité avec les Résolutions pertinentes des Nations Unies, le status quo de Jérusalem, ville sacrée pour les chrétiens, les juifs et les musulmans. Soixante-dix ans d’affrontements rendent plus que jamais urgent de trouver une solution politique qui permette la présence dans la région de deux États indépendants dans des frontières internationalement reconnues. Même au sein des difficultés, la volonté de dialoguer et de reprendre les négociations reste le principal chemin pour arriver finalement à une cohabitation pacifique des deux peuples.

De même dans des contextes nationaux, l’ouverture et la disponibilité à la rencontre sont essentielles. Je pense surtout au bien-aimé Venezuela, qui traverse une crise politique et humanitaire toujours plus dramatique et sans précédent. Le Saint-Siège, alors qu’il exhorte à répondre sans tarder aux besoins primaires de la population, souhaite que soient créées les conditions afin que les élections prévues pour l’année en cours soient en mesure d’apporter une solution aux conflits existants, et qu’on puisse envisager l’avenir avec une sérénité retrouvée.

Que la communauté internationale n’oublie pas non plus les souffrances de nombreuses parties du Continent africain, spécialement au Sud-Soudan, en République Démocratique du Congo, en Somalie, au Nigéria et en République Centrafricaine, où le droit à la vie est menacé par l’exploitation abusive des ressources, par le terrorisme, par la prolifération de groupes armés et par des conflits persistants. Il ne suffit pas de s’indigner face à tant de violence. Il faut plutôt que chacun, dans son domaine propre, œuvre activement pour éradiquer les causes de la misère et pour construire des ponts de fraternité, condition fondamentale d’un développement humain authentique.

Un engagement commun pour reconstruire les ponts est urgent également en Ukraine. L’année qui vient de s’achever a connu de nouvelles victimes dans le conflit qui affecte le pays, en continuant à infliger de grandes souffrances à la population, en particulier aux familles qui résident dans les zones touchées par la guerre et qui ont perdu des proches, souvent des personnes âgées et des enfants.

Je voudrais précisément dédier à la famille une pensée spéciale. Le droit de former une famille, en tant qu’« élément naturel et fondamental de la société [qui] a le droit à la protection de la société et de l’État » (Déclaration universelle des droits de l’homme), est en effet reconnu par la Déclaration de 1948 elle-même. Malheureusement, on sait comment, surtout en Occident, la famille est considérée comme une institution dépassée. À la stabilité d’un projet définitif, on préfère de nos jours des liens fugaces. Mais une maison construite sur le sable des relations fragiles et instables ne tient pas. Il faut plutôt une roche, sur laquelle ancrer des bases solides. Et la roche est précisément cette communion d’amour, fidèle et indissoluble, qui unit l’homme et la femme, une communion qui a une beauté austère et simple, un caractère sacré et inviolable et une fonction naturelle dans l’ordre social (cf. Paul VI, Discours à l’occasion de la visite à la Basilique de l’Annonciation, Nazareth, 5 janvier 1964). Je juge, par conséquent, urgent qu’on entreprenne de réelles politiques de soutien aux familles, dont par ailleurs dépendent l’avenir et le développement des États. Sans cette politique, en effet, on ne peut pas construire des sociétés en mesure d’affronter les défis de l’avenir. Le désintérêt pour les familles entraîne, en outre, une autre conséquence dramatique – et particulièrement actuelle dans certaines régions – qui est la baisse de la natalité. On vit un véritable hiver démographique ! C’est le signe de sociétés qui ont du mal à affronter les défis du présent et qui deviennent donc toujours plus craintives face à l’avenir, en finissant par se replier sur elles-mêmes.

En même temps, on ne peut oublier la situation de familles brisées à cause de la pauvreté, des guerres et des migrations. Nous avons trop souvent sous nos yeux le drame des enfants qui, seuls, traversent les frontières séparant le sud du nord du monde, souvent victimes du trafic d’êtres humains.

Aujourd’hui, on parle beaucoup de migrants et de migrations, parfois juste pour susciter des peurs ancestrales. Il ne faut pas oublier que les migrations ont toujours existé. Dans la tradition judéo-chrétienne, l’histoire du salut est essentiellement une histoire de migrations. Il ne faut pas non plus oublier que la liberté de mouvement, tout comme celle de quitter son propre pays et d’y retourner, fait partie des droits fondamentaux de l’homme (cf. Déclaration universelle des droits de l’homme, art. 13). Il faut donc sortir d’une rhétorique répandue sur la question et aller au fait essentiel que devant nous, il y a d’abord et avant tout des personnes.

C’est ce que j’ai voulu réaffirmer par le Message pour la Journée Mondiale de la Paix, célébrée le 1er janvier dernier, consacré aux : ‘‘[Les] migrants et [les] réfugiés : des hommes et des femmes en quête de paix’’. Tout en reconnaissant qu’ils ne sont pas toujours tous animés des meilleures intentions, on ne peut pas oublier que la majorité des migrants préfèrerait rester dans leur propre pays, alors qu’elle se trouve contrainte à le quitter « à cause des discriminations, des persécutions, de la pauvreté et de la dégradation environnementale. […] Accueillir l’autre exige un engagement concret, une chaîne d’entraide et de bienveillance, une attention vigilante et compréhensive, la gestion responsable de nouvelles situations complexes qui, parfois, s’ajoutent aux autres problèmes innombrables déjà existants, ainsi que des ressources qui sont toujours limitées. En pratiquant la vertu de prudence, les gouvernants sauront accueillir, promouvoir, protéger et intégrer, en établissant des dispositions pratiques, « dans la mesure compatible avec le bien réel de leur peuple, …[pour] s’intégrer » (Pacem in terris, n. 106). Ils ont une responsabilité précise envers leurs communautés, dont ils doivent assurer les justes droits et le développement harmonieux, pour ne pas être comme le constructeur imprévoyant qui fit mal ses calculs et ne parvint pas à achever la tour qu’il avait commencé à bâtir (cf. Lc 14, 28-30)» (François, Message pour la 51ème Journée Mondiale de la Paix, 13 novembre 2017, n. 1).

Je voudrais de nouveau remercier les Autorités de ces États qui se sont prodigués au cours de ces années pour fournir une assistance aux nombreux migrants parvenus à leurs frontières. Je pense d’abord à l’engagement de nombreux pays en Asie, en Afrique et dans les Amériques, qui accueillent et assistent un grand nombre de personnes. Je garde encore vivante dans le cœur la rencontre que j’ai eue à Dacca avec quelques membres du peuple Rohingya et j’aimerais renouveler aux autorités du Bangladesh mes sentiments de gratitude pour l’assistance qu’elles offrent, sur leur propre territoire, à ces personnes.

Je voudrais ensuite exprimer une gratitude spéciale à l’Italie qui, ces années, a montré un cœur ouvert et généreux et a su aussi donner des exemples positifs d’intégration. Mon souhait est que les difficultés que le pays a traversées ces dernières années, et dont les conséquences persistent, ne conduisent pas à des fermetures et à des verrouillages, mais au contraire à une redécouverte de ces racines et de ces traditions qui ont nourri la riche histoire de la Nation et qui constituent un inestimable trésor à offrir au monde entier. De même, j’exprime mon appréciation pour les efforts accomplis par d’autres Etats européens, en particulier la Grèce et l’Allemagne. Il ne faut pas oublier que de nombreux réfugiés et migrants cherchent à rejoindre l’Europe parce qu’ils savent qu’ils pourront y trouver paix et sécurité, qui sont d’ailleurs le fruit d’un long cheminement né des idéaux des Pères fondateurs du projet européen après la seconde guerre mondiale. L’Europe doit être fière de ce patrimoine, fondé sur certains principes et sur une vision de l’homme qui plonge ses bases dans son histoire millénaire, inspirée par la conception chrétienne de la personne humaine. L’arrivée des migrants doit la pousser à redécouvrir son patrimoine culturel et religieux propre, de sorte que, reprenant conscience de ses valeurs sur lesquelles elle s’est édifiée, elle puisse en même temps maintenir vivante sa tradition et continuer à être un lieu accueillant, annonciateur de paix et de développement.

L’an passé, les gouvernements, les organisations internationales et la société civile se sont consultés réciproquement sur les principes de base, sur les priorités et sur les modalités les plus opportunes pour répondre aux mouvements migratoires et aux situations persistantes qui concernent les réfugiés. Les Nations Unies, suite à la Déclaration de New York pour les Réfugiés et les Migrants de 2016, ont initié d’importants processus de préparation en vue de l’adoption de deux Pactes Mondiaux (Global Compacts), respectivement sur les réfugiés et pour une migration sûre, ordonnée et régulière.

Le Saint Siège souhaite que ces efforts, grâce aux négociations qui s’ouvriront bientôt, conduisent à des résultats dignes d’une communauté mondiale toujours plus interdépendante, fondée sur les principes de solidarité et d’aide mutuelle. Dans le contexte international actuel, les possibilités et les moyens d’assurer à tout homme et à toute femme qui vit sur terre des conditions de vie dignes de la personne humaine ne manquent pas.

Dans le Message pour la Journée Mondiale de la Paix de cette année j’ai suggéré quatre ‘‘jalons’’ pour l’action : accueillir, protéger, promouvoir et intégrer (Ibid., n. 4). Je voudrais m’arrêter en particulier sur ce dernier, sur lequel s’affrontent différentes positions à la lumière d’autant d’évaluations, d’expériences, de préoccupations et de convictions. L’intégration est un “processus bidirectionnel”, avec des droits et des devoirs réciproques. Celui qui accueille est en effet appelé à promouvoir le développement humain intégral, alors qu’on demande à celui qui est accueilli de se conformer immanquablement aux normes du pays qui l’accueille, ainsi qu’au respect de ses principes identitaires. Tout processus d’intégration doit toujours maintenir au centre des normes qui concernent les divers aspects de la vie politique et sociale, la défense et la promotion des personnes, surtout de celles qui se trouvent dans des situations de vulnérabilité.

Le Saint Siège n’a pas l’intention d’interférer dans les décisions qui reviennent aux Etats, lesquels, à la lumière de leurs situations politiques, sociales et économiques respectives, et aussi des capacités propres et des possibilités d’hospitalité et d’intégration, ont la première responsabilité de l’accueil. Cependant, il estime nécessaire de jouer un rôle pour le “rappel” des principes d’humanité et de fraternité qui fondent toute société unie et harmonieuse. Dans cette perspective, il est important de ne pas oublier l’interaction avec les communautés religieuses, tant institutionnelles qu’au niveau associatif, qui peuvent jouer un rôle précieux de renfort dans l’assistance et la protection, de médiation sociale et culturelle, de pacification et d’intégration.

Parmi les droits humains que je voudrais rappeler aujourd’hui, il y a aussi le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, qui inclut le droit à la liberté de changer de religion (cf. Déclaration universelle des droits de l’homme, art. 18). On sait malheureusement combien le droit à la liberté de religion est souvent violé et la religion devient souvent ou l’occasion pour justifier idéologiquement de nouvelles formes d’extrémisme ou bien un prétexte à l’exclusion sociale, voire à des formes de persécutions des croyants. La construction de sociétés inclusives exige comme condition une compréhension intégrale de la personne humaine, qui peut se sentir vraiment accueillie quand elle est reconnue et acceptée dans toutes les dimensions qui constituent son identité, y compris religieuse.

Enfin, je souhaite rappeler l’importance du droit au travail. Il n’y a pas de paix ni de développement si l’homme est privé de la possibilité de contribuer personnellement, par son travail, à l’édification du bien commun. Il est regrettable de constater, au contraire, combien le travail est, en de nombreuses régions du monde, un bien rare. Peu nombreuses sont parfois les opportunités, surtout pour les jeunes, de trouver du travail. Il est souvent facile de le perdre non seulement à cause des conséquences de l’alternance des cycles économiques, mais aussi en raison du recours progressif à des technologies et à des machines toujours plus perfectionnées et plus précises, capables de remplacer l’homme. Et si, d’un côté, on constate une répartition inéquitable des offres de travail, de l’autre on relève la tendance à demander à celui qui travaille des rythmes toujours plus pressants. Les exigences du profit, dictées par la globalisation, ont conduit à une réduction progressive des temps et des jours de repos, avec comme résultat la perte d’une dimension fondamentale de la vie – celle du repos – qui permet à la personne de se refaire non seulement physiquement mais aussi spirituellement. Dieu lui-même s’est reposé le septième jour. Il l’a béni et l’a consacré « car il avait chômé après tout son ouvrage de création » (Gn 2, 3). Dans l’alternance du travail et du repos, l’homme participe à la “sanctification du temps” accomplie par Dieu et il ennoblit son travail, le soustrayant aux dynamiques répétitives d’un quotidien aride qui ne connaît pas d’arrêt.

En outre, les données publiées récemment par l’Organisation Mondiale du Travail sur l’augmentation du nombre d’enfants employés dans des activités de travail et du nombre des victimes des nouvelles formes d’esclavage sont un motif de particulière préoccupation. Le fléau du travail des mineurs continue de compromettre sérieusement le développement psycho-physique des enfants, les privant des joies de l’enfance, fauchant des victimes innocentes. On ne peut penser projeter un avenir meilleur, ni souhaiter construire des sociétés plus inclusives si l’on continue à maintenir des modèles économiques orientés vers le simple profit et l’exploitation des plus faibles, tels que les enfants. Eliminer les causes structurelles de ce fléau devrait être une priorité des gouvernements et des organisations internationales, appelés à intensifier leurs efforts pour adopter des stratégies intégrées et des politiques coordonnées visant à faire cesser le travail des mineurs sous toutes ses formes.

Excellences, Mesdames et Messieurs,

En rappelant certains des droits contenus dans la Déclaration Universelle de 1948, je n’entends pas omettre un aspect qui lui est strictement connexe : tout individu a aussi des devoirs envers la communauté, visant à « satisfaire aux justes exigences de la morale, de l’ordre public et du bien-être général dans une société démocratique » (Ibid., n. 29). Le juste rappel des droits de tout être humain doit tenir compte du fait que chacun fait partie d’un corps plus grand. Nos sociétés aussi, comme tout corps humain, jouissent d’une bonne santé si chaque membre accomplit sa tâche, conscient que celle-ci est au service du bien commun.

Parmi les devoirs particulièrement impérieux, il y a aujourd’hui celui de prendre soin de notre terre. Nous savons que la nature peut être en elle-même meurtrière même quand il n’y a pas de responsabilité de l’homme. Nous l’avons vu cette dernière année avec les tremblements de terre qui ont touché diverses régions, particulièrement ces derniers mois au Mexique et en Iran, causant de nombreuses victimes, tout comme avec la force des ouragans qui ont touché plusieurs pays des Caraïbes jusqu’à atteindre les côtes des Etats-Unis et qui, plus récemment, ont investi les Philippines. Cependant, il ne faut pas oublier qu’il y a aussi une importante responsabilité de l’homme dans l’interaction avec la nature. Les changements climatiques, avec la hausse générale des températures et les effets dévastateurs qu’elle entraîne sont aussi une conséquence de l’action de l’homme. Il convient donc de faire face, dans un effort commun, à la responsabilité de laisser aux générations qui suivront une terre plus belle et plus vivable, en œuvrant, à la lumière des engagements pris à Paris en 2015, pour réduire les émissions de gaz nocifs pour l’atmosphère et dangereux pour la santé humaine.

L’esprit qui doit animer chaque personne comme les nations dans ce travail, est comparable à celui des constructeurs des cathédrales médiévales qui constellent l’Europe. Ces édifices imposants racontent l’importance de la participation de chacun à une œuvre capable de franchir les limites du temps. Le constructeur de cathédrales savait qu’il ne verrait pas l’achèvement de son travail. Néanmoins, il se prodiguait activement, comprenant qu’il faisait partie d’un projet dont jouiraient ses enfants, qui – à leur tour – l’embelliraient et l’agrandiraient pour leurs enfants. Chaque homme et chaque femme de ce monde – et en particulier celui qui a la responsabilité de gouverner – est appelé à cultiver le même esprit de service et de solidarité intergénérationnel, et être ainsi un signe d’espérance pour notre monde tourmenté.

C’est avec ces considérations que je renouvelle à chacun de vous, à vos familles et à vos peuples les vœux d’une année riche de joie, d’espérance et de paix.

Merci.

Top 10 de l’actualité catholique 2017

Comme chaque année, la venue de la nouvelle année nous porte aux rétrospectives qui nous permettent de voir le bout de chemin parcouru durant l’année  pour ensuite nous projeter dans l’année qui vient. Ce qui nous permet d’être encouragés à continuer le travail accompli durant l’année ou encore de rectifier le tir afin de ne pas répéter les mêmes erreurs. Il est ambitieux de vouloir résumer l’activité de plus de 1 milliard 400 millions de catholiques en 10 points. J’estime néanmoins qu’à l’échelle du Québec, nous pouvons résumer l’actualité de l’Église sans trop laisser d’événements de côté.

  1. Voyage du pape François au Myanmar et au Bangladesh :

C’est en fin d’année que le Saint-Père s’est rendu dans une zone trouble de la planète afin de construire des ponts et se faire  messager de paix. On le sait, la situation sur le terrain n’est pas des plus réjouissantes. Après des décennies d’instabilité, des tensions ethniques et interreligieuses ont provoqué l’exil de milliers de Rohingyas, obligés, pour la plupart, de se réfugier au Bangladesh. Usant de diplomatie, le Pape a tenu à manifester sa proximité avec les déplacés sans vouloir aggraver la situation en faisant une déclaration incendiaire contre ses hôtes qui, après tout, l’accueillaient dans leur pays. Comme il l’a dit lui-même : « Le plus important est que le message se rende à destination […] je n’ai pas voulu leur fermer la porte au nez ». Il me semble que l’ensemble de ce voyage pourrait se résumer par ce message : la paix et possible et n’attend souvent que la bonne volonté des peuples et des dirigeants politiques.

  1. Voyage du pape en Égypte :

Les 28 et 29 avril 2017, le pape François s’est rendu en Égypte, pays récemment touché par une foule de bouleversements politiques et de sociétaux. Trois grandes priorités étaient à l’ordre du jour de ce voyage. D’abord, le Saint-Père a voulu encourager les rapprochements avec l’Islam sunnite par l’entremise des grands représentants de l’Université Al-Azhar où se tenait au même moment une conférence sur la paix. Outre le caractère interreligieux de cette visite en Égypte, le Pape a tenu à lui donner un fort caractère œcuménique en rencontrant le Patriarche de l’Église orthodoxe Copte Tawadros II avec qui il a signé une Déclaration commune dans laquelle les deux Églises s’engagent à continuer le chemin vers l’Unité et à reconnaître mutuellement la validité du baptême de part et d’autre, s’engageant ainsi à ne plus administrer un deuxième baptême. Enfin, comme c’est son habitude, le Pape a eu des rencontres avec les autorités politiques d’Égypte afin de leur assurer sa pleine coopération au processus de paix dans la région.

  1. Voyage du pape François en Colombie :

Comme c’est son habitude, le pape François a apporté son support à la communauté catholique du pays qu’il visitait. Constituant la majorité de la population de ce pays d’Amérique latine, les catholiques ont depuis longtemps été impliqués au processus de paix tout récemment conclu avec les FARC. L’un des éléments les plus remarqué fut certainement le discours très personnel du pape François au Comité de direction du CELAM (Conseil épiscopal pour l’Amérique latine). Dans cette allocution qui fera certainement l’objet de plusieurs colloques et conférences, le Saint-Père a invité l’Église de ce coin du monde à redécouvrir la passion caractéristique de la jeunesse en étant « une Église capable d’être sacrement d’unité et d’espérance. D’une espérance au visage jeune et féminin ».

  1. 150e du Canada et Consécration au cœur Immaculée de Marie

Plus près de chez nous maintenant, le Canada fut consacré, cette année, au Cœur immaculé de Marie par tous les évêques dans leur diocèse respectif ainsi que lors d’une cérémonie officielle dans la cathédrale Notre-Dame d’Ottawa à l’occasion de l’Assemblée plénière de la Conférence des évêques catholiques du Canada au mois d’octobre dernier. Faisant référence au 50e anniversaire de l’organisation Développement et paix (CARITAS-Canada), le cardinal Gérald Cyprien Lacroix affirmait :

Développement et Paix a soutenu des milliers d’initiatives locales dans des domaines comme l’agriculture, l’éducation, l’action communautaire, la consolidation de la paix et la défense des droits humains dans soixante-dix pays. Il appuie les femmes dans leur recherche de justice sociale et économique. […]  Supplions notre Dieu par l’intercession de la Vierge Marie, des saints martyrs canadiens et de tous les saints et saintes de notre pays, d’envoyer sur nous un nouveau souffle de Pentecôte pour un renouveau en profondeur de notre foi et un accroissement de notre zèle apostolique et missionnaire.

  1. Forum des jeunes 2017

Un des éléments clefs du catholicisme au Canada fut certainement le Forum 2017 sur « Les jeunes, la foi et le discernement » qui, grâce à Sel et Lumière et tous ces généreux collaborateurs, a pu réunir des jeunes Canadiens d’un océan à l’autre pour discuter des enjeux qui les touchent. Voulant répondre aux nombreux appels du pape François pour une Église proche des gens, l’ensemble de l’Église canadienne s’est mis à l’écoute de cette jeunesse qui a soif d’engagements et qui trouve, malheureusement, difficilement sa place dans l’Église. L’élément le plus important de cette émission fut certainement le message vidéo du pape François aux jeunes Canadiens, dans lequel il leur a demandé :

« Ne vous laissez pas voler votre jeunesse. Ne permettez à personne de freiner ou obscurcir la lumière que le Christ met sur votre visage et dans votre cœur. Soyez les artisans de relations basées sur la confiance, le partage et l’ouverture et cela, jusqu’aux confins du monde. N’érigez pas des murs de division, n’érigez pas des mûrs de division! Construisez plutôt des ponts tels que vous le faites en ce moment par cet échange extraordinaire qui vous réunit d’un océan à l’autre. »

Se voulant une initiative d’abord canadienne, le Forum 2017 a eu un rayonnement international et peut être, selon moi, considéré comme l’élément déclencheur des activités de préparation au Synode des jeunes qui aura lieu à Rome en octobre 2018.

  1. Visite ad limina des évêques du Québec

L’année 2017 fut également l’année d’un pèlerinage important des évêques du Québec à Rome pour prier, réfléchir et rencontrer le successeur de Pierre ainsi que ses collaborateurs. Tous ayant eu la chance d’exprimer leur expérience de pasteur de leur église particulière, les évêques ont remis en main propre au pape François, un rapport sur la société québécoise dans lequel ils relatent, non seulement les défis actuels qui sont gigantesques mais également les signes d’espoir qu’ils discernent dans le Peuple de Dieu et la société en général. La réflexion portée par ce document peut être clairement résumée par l’un des paragraphes de l’introduction :

Tout en étant pasteurs pour le petit nombre — ce « petit troupeau » qui demeure attaché à l’Eglise d’une façon ou d’une autre — comment être à la fois apôtres et missionnaires dans ce Québec devenu sécularisé, diversifié, pluriel et pluraliste, qui a pour une bonne part rompu ses liens avec la tradition et l’héritage catholiques, qui cherche et choisit ses repères ailleurs que dans l’Évangile et pour qui la parole de l’Église est discréditée tant par les terribles scandales de nature sexuelle que par des enseignements qui lui paraissent dépassés, déconnectés et rétrogrades ? (p.i)

  1. Consécration de la cathédrale Marie-Reine-du-Monde de Montréal

L’un des moments forts de cette année de prière au Québec fut certainement la consécration de la Cathédrale de Montréal par Mgr Christian Lépine le vendredi 13 octobre 2017. Durant plus de trois heures, les fidèles de l’archidiocèse se sont réunis autour de leur pasteur pour la consécration de ce monument incontournable du centre-ville de Montréal.

Diffusée en direct sur les ondes de Sel et Lumière, cette célébration avait pour but de souligner la dimension spirituelle du 375e anniversaire de la ville de Montréal. Comme le mentionne la lettre d’invitation de l’archevêque de Montréal : « la fondation de Montréal est un moment privilégié pour souligner la dimension spirituelle de l’origine de la ville et de son histoire, l’aspiration à vivre ensemble qui a été présente dès le début, la riche tradition de solidarité avec les pauvres et les malades. »

  1. Retour du Crucifix à l’hôpital du Saint-Sacrement de Québec

La présence de la foi dans toute société peut créer des frictions et même faire scandale. C’est ce qui s’est passé dans un hôpital de Québec. En effet, le conseil d’administration de l’établissement de santé Saint-Sacrement de Québec a voulu retirer un Crucifix accroché sur un des mûrs du hall d’entrée, créant ainsi un tollé de protestation dans l’ensemble de la société. Se terminant heureusement par un recul de l’administration, cet événement a été un point tournant dans la logique de sécularisation sévissant au Québec depuis 50 ans. Les Québécois ressentent en leur for intérieur à la fois une soif du spirituel et une volonté de redécouvrir et d’affirmer leur identité. Cette fierté retrouvée se manifestera certainement dans les années à venir. C’est à suivre…

  1. Les chants de Noël des prêtres avec Mario Pelchat

L’événement culminant de cette année fut certainement la série de concerts catéchèses d’un groupe de prêtres avec Mario Pelchat. Pendant environ un mois, les prêtres- chanteurs ont parcouru le Québec en entier afin de chanter les classiques religieux de Noël en compagnie du chanteur très connu et apprécié au Québec. Mettant en scène une crèche vivante devant au-delà de 50 000 personnes, les prêtres ont certainement mis en pratique les enseignements du pape François d’aller « au-dehors, aux périphéries ». En ce sens, vous pouvez visionner un reportage sur la vie de ces prêtres à Noël au lien suivant.

Message du pape François pour la Journée mondiale des migrants et des réfugiés 2018

CNS/Paul Haring

Vous trouverez ci-dessous le texte du Message du Saint-Père le pape François pour la Journée mondiale des migrants et des réfugiés 2018: Accueillir, protéger, promouvoir et intégrer les migrants et les réfugiés:

Chers frères et sœurs,

«L’immigré qui réside avec vous sera parmi vous comme un compatriote, et tu l’aimeras comme toi-même, car vous-mêmes avez été immigrés au pays d’Égypte. Je suis le Seigneur votre Dieu » (Lv 19, 34).

Durant les premières années de mon pontificat, j’ai exprimé à maintes reprises une préoccupation spéciale concernant la triste situation de nombreux migrants et réfugiés qui fuient les guerres, les persécutions, les catastrophes naturelles et la pauvreté. Il s’agit sans doute d’un ‘‘signe des temps’’ que j’ai essayé de lire, en invoquant la lumière de l’Esprit Saint depuis ma visite à Lampedusa le 8 juillet 2013. En créant le nouveau Dicastère pour le Service du Développement humain intégral, j’ai voulu qu’une section spéciale, placée ad tempus sous mon autorité directe, exprime la sollicitude de l’Église envers les migrants, les personnes déplacées, les réfugiés et les victimes de la traite.

Tout immigré qui frappe à notre porte est une occasion de rencontre avec Jésus Christ, qui s’identifie à l’étranger de toute époque accueilli ou rejeté (cf. Mt 25, 35.43). Le Seigneur confie à l’amour maternel de l’Église tout être humain contraint à quitter sa propre patrie à la recherche d’un avenir meilleur (Cf. Pie XII, Constitution apostolique Exsul familia, Titulus Primus, I, 1er août 1952). Cette sollicitude doit s’exprimer concrètement à chaque étape de l’expérience migratoire : depuis le départ jusqu’au voyage, depuis l’arrivée jusqu’au retour. C’est une grande responsabilité que l’Église entend partager avec tous les croyants ainsi qu’avec tous les hommes et femmes de bonne volonté, qui sont appelés à répondre aux nombreux défis posés par les migrations contemporaines, avec générosité, rapidité, sagesse et clairvoyance, chacun selon ses propres possibilités.

À ce sujet, nous souhaitons réaffirmer que « notre réponse commune pourrait s’articuler autour de quatre verbes fondés sur les principes de la doctrine de l’Église : accueillir, protéger, promouvoir et intégrer » (Discours aux participants au Forum International ‘‘Migrations et paix’’, 21 février 2017).

En considérant la situation actuelle, accueillir signifie avant tout offrir aux migrants et aux réfugiés de plus grandes possibilités d’entrée sûre et légale dans les pays de destination. En ce sens, un engagement concret est souhaitable afin que soit étendu et simplifié l’octroi de visas humanitaires et pour le regroupement familial. En même temps, je souhaite qu’un plus grand nombre de pays adoptent des programmes de patronage privé et communautaire et ouvrent des corridors humanitaires pour les réfugiés les plus vulnérables. En outre, il serait opportun de prévoir des visas temporaires spéciaux pour les personnes qui fuient les conflits dans les pays voisins. Les expulsions collectives et arbitraires de migrants et de réfugiés ne constituent pas une solution adéquate, surtout lorsqu’elles sont exécutées vers des pays qui ne peuvent pas garantir le respect de la dignité et des droits fondamentaux (Cf. Intervention du Représentant permanent du Saint-Siège à la 103ème Session du Conseil de l’OIM, 26 novembre 2013). J’en viens encore à souligner l’importance d’offrir aux migrants et aux réfugiés un premier accueil approprié et digne. « Les programmes d’accueil diffus, déjà lancés dans différentes localités, semblent au contraire faciliter la rencontre personnelle, permettre une meilleure qualité des services et offrir de plus grandes garanties de succès » (Discours aux participants au Forum International ‘‘Migrations et paix’’, 21 février 2017). Le principe de la centralité de la personne humaine, fermement affirmé par mon bien- aimé prédécesseur Benoît XVI (Cf. Lettre encyclique Caritas in veritate, n. 47), nous oblige à toujours faire passer la sécurité personnelle avant la sécurité nationale. Par conséquent, il est nécessaire de former adéquatement le personnel préposé aux contrôles de frontière. Les conditions des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés, postulent que leur soient garantis la sécurité personnelle et l’accès aux services élémentaires. Au nom de la dignité fondamentale de chaque personne, il faut s’efforcer de préférer des solutions alternatives à la détention pour ceux qui entrent sur le territoire national sans autorisation (Cf. Intervention du Représentant permanent du Saint- Siège à la 20ème Session du Conseil des droits humains, 22 juin 2012).

Le deuxième verbe, protéger, se décline en toute une série d’actions pour la défense des droits et de la dignité des migrants ainsi que des réfugiés, indépendamment de leur statut migratoire (Cf. Benoît XVI, Lettre encyclique Caritas in veritate, n. 62). Cette protection commence dans le pays d’origine et consiste dans la mise à disposition d’informations sûres et certifiées avant le départ et dans la prévention contre les pratiques de recrutement illégal (Cf. Conseil Pontifical pour la Pastorale des Migrants et des Itinérants, Instruction Erga migrantes caritas Christi, n. 6). Elle devrait se poursuivre, dans la mesure du possible, dans le pays d’immigration, en assurant aux migrants une assistance consulaire adéquate, le droit de garder toujours avec soi les documents d’identité personnels, un accès équitable à la justice, la possibilité d’ouvrir des comptes bancaires personnels et la garantie d’une subsistance minimum vitale. Si elles sont reconnues et valorisées de manière appropriée, les capacités et les compétences des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés, représentent une vraie ressource pour les communautés qui les accueillent (Cf. Benoît XVI, Discours aux participants au 6ème Congrès mondial pour la pastorale des migrants et des réfugiés, 9 novembre 2009). C’est pourquoi, je souhaite que, dans le respect de leur dignité, leur soient accordés la liberté de mouvement dans le pays d’accueil, la possibilité de travailler et l’accès aux moyens de télécommunication. Pour ceux qui décident de retourner dans leur pays, je souligne l’opportunité de développer des programmes de réintégration professionnelle et sociale. La Convention internationale sur les droits de l’enfant offre une base juridique universelle pour la protection des mineurs migrants. Il faut leur éviter toute forme de détention en raison de leur status migratoire, tandis qu’on doit leur assurer l’accès régulier à l’instruction primaire et secondaire. De même, quand ils atteignent l’âge de la majorité il est nécessaire de leur garantir une permanence régulière et la possibilité de continuer des études. Pour les mineurs non accompagnés ou séparés de leur famille, il est important de prévoir des programmes de garde temporaire ou de placement (Cf. Benoît XVI, Message pour la Journée mondiale du migrant et du réfugié, 2010, et S. Tomasi, Intervention du Représentant permanent du Saint-Siège à la 26ème Session ordinaire du Conseil pour les Droits de l’Homme sur les droits humains des migrants,13 juin 2014). Dans le respect du droit universel à une nationalité, celle-ci doit être reconnue et opportunément assurée à tous les enfants à la naissance. L’apatridie dans laquelle se trouvent parfois des migrants et des réfugiés peut être facilement évitée à travers «une législation sur la citoyenneté conforme aux principes fondamentaux du droit international » (Conseil Pontifical pour la Pastorale des Migrants et des Itinérants et Conseil Pontifical Cor Unum, Accueillir le Christ dans les réfugiés et dans les personnes déracinées de force, 2013, n. 70). Le status migratoire ne devrait pas limiter l’accès à l’assistance sanitaire nationale et aux systèmes de pension, ni le transfert de leurs contributions en cas de rapatriement.

Promouvoir veut dire essentiellement œuvrer afin que tous les migrants et les réfugiés ainsi que les communautés qui les accueillent soient mis en condition de se réaliser en tant que personnes dans toutes les dimensions qui composent l’humanité voulue par le Créateur (Cf. Paul VI, Lettre encyclique Populorum progressio, n. 14). Parmi ces dimensions, il faut reconnaître à la dimension religieuse sa juste valeur, en garantissant à tous les étrangers présents sur le territoire la liberté de profession et de pratique religieuse. Beaucoup de migrants et de réfugiés ont des compétences qui doivent être adéquatement certifiées et valorisées. Puisque «le travail humain est par nature destiné à unir les peuples » (Jean-Paul II, Lettre encyclique Centesimus annus, n. 27), j’encourage à œuvrer afin que soit promue l’insertion socio-professionnelle des migrants et des réfugiés, garantissant à tous – y compris aux demandeurs d’asile – la possibilité de travailler, des parcours de formation linguistique et de citoyenneté active ainsi qu’une information appropriée dans leurs langues d’origine. Dans le cas des mineurs migrants, leur implication dans des activités productives doit être règlementée de manière à prévenir des abus et des menaces à leur croissance normale. En 2006, Benoît XVI soulignait comment, dans le contexte de migration, la famille est «lieu et ressource de la culture de la vie et facteur d’intégration des valeurs » (Benoît XVI, Message pour la Journée mondiale du migrant et du réfugié, 2007). Son intégrité doit être toujours promue, en favorisant le regroupement familial – y compris des grands-parents, des frères et sœurs et des petits-enfants – sans jamais le soumettre à des capacités économiques. Une plus grande attention et un plus grand soutien doivent être portés aux migrants, aux demandeurs d’asile et aux réfugiés en situation de handicap. Tout en considérant louables les efforts déployés jusqu’ici par de nombreux pays en termes de coopération internationale et d’assistance humanitaire, je souhaite que dans la distribution de ces aides, soient pris en compte les besoins (par exemple l’assistance médicale et sociale ainsi que l’éducation) des pays en développement qui reçoivent d’importants flux de réfugiés et de migrants et, également, qu’on inclue parmi les destinataires les communautés locales en situation de pénurie matérielle et de vulnérabilité (Conseil Pontifical pour la Pastorale des Migrants et des Itinérants et Conseil Pontifical Cor Unum, Accueillir le Christ dans les réfugiés et dans les personnes déracinées de force, 2013, nn. 30-31).

Le dernier verbe, intégrer, se place sur le plan des opportunités d’enrichissement interculturel général du fait de la présence de migrants et de réfugiés. L’intégration n’est pas « une assimilation, qui conduit à supprimer ou à oublier sa propre identité culturelle. Le contact avec l’autre amène plutôt à en découvrir le ‘‘secret’’, à s’ouvrir à lui pour en accueillir les aspects valables et contribuer ainsi à une plus grande connaissance de chacun. Il s’agit d’un processus de longue haleine qui vise à former des sociétés et des cultures, en les rendant toujours davantage un reflet des dons multiformes de Dieu aux hommes » (Jean-Paul II, Message pour la Journée mondiale du migrant et du réfugié (2005), 24 novembre 2004). Ce processus peut être accéléré à travers l’offre de citoyenneté dissociée des capacités économiques et linguistiques et l’offre de parcours de régularisation extraordinaire pour des migrants qui peuvent faire valoir une longue présence dans le pays. J’insiste encore sur la nécessité de favoriser, dans tous les cas, la culture de la rencontre, en multipliant les opportunités d’échange interculturel, en documentant et en diffusant les ‘‘bonnes pratiques’’ d’intégration et en développant des programmes visant à préparer les communautés locales aux processus d’intégration. Je dois souligner le cas spécial des étrangers forcés à quitter le pays d’immigration à cause de crises humanitaires. Ces personnes demandent que leur soient assurés une assistance adéquate pour le rapatriement et des programmes de réintégration professionnelle dans leur pays d’origine.

En conformité avec sa tradition pastorale, l’Église est disponible pour s’engager en première ligne en vue de réaliser toutes les initiatives proposées plus haut ; mais pour obtenir les résultats espérés, la contribution de la communauté politique et de la société civile, chacun selon ses responsabilités propres, est indispensable.

Durant le Sommet des Nations Unies, célébré à New York le 19 septembre 2016, les dirigeants du monde ont clairement exprimé leur volonté d’œuvrer en faveur des migrants et des réfugiés pour sauver leurs vies et protéger leurs droits, en partageant ces responsabilités au niveau global. À cet effet, les États se sont engagés à rédiger et à approuver avant la fin de l’année 2018 deux accords globaux (Global Compacts), l’un consacré aux réfugiés et l’autre concernant les migrants.

Chers frères et sœurs, à la lumière de ces processus engagés, les prochains mois représentent une opportunité privilégiée pour présenter et soumettre les actions concrètes dans lesquelles j’ai voulu décliner les quatre verbes. Je vous invite, donc, à profiter de chaque occasion pour partager ce message avec tous les acteurs politiques et sociaux qui sont impliqués – ou intéressés à participer – au processus qui conduira à l’approbation des quatre accords globaux.

Aujourd’hui, 15 août, nous célébrons la solennité de l’Assomption de la très Sainte Vierge Marie au Ciel. La Mère de Dieu a fait elle-même l’expérience de la dureté de l’exil (cf. Mt 2, 13- 15) ; elle a suivi avec amour l’itinéraire de son Fils jusqu’au Calvaire et maintenant elle partage éternellement sa gloire. Confions à sa maternelle intercession les espérances de tous les migrants et réfugiés du monde et les aspirations des communautés qui les accueillent, afin que, selon le plus grand commandement de Dieu, nous apprenions tous à aimer l’autre, l’étranger, comme nous- mêmes.

Vatican, le 15 août 2017
Solennité de l’Assomption de la B.V. Marie

[01169-FR.01] [Texte original: Italien]

« Ô Canada », un hymne à redécouvrir !

Les étrangers s’étonnent parfois d’entendre l’hymne de notre pays chanté dans deux langues différentes, l’anglais et le français. Ils seraient sans doute encore plus surpris de savoir que les paroles de l’un et de l’autre ne correspondent pas.  En effet, l’hymne canadien, le maintenant très connu « Ô Canada », est bien connu en sa qualité de composition musicale par Calixa Lavallée. Il l’est un peu moins en ce qui a trait aux paroliers.

Fruit d’une commande du Lieutenant-gouverneur du Québec de l’époque, Son honneur Théodore Robitaille, ce chant fut entonné pour la première fois lors du Congrès catholique canadien-français, le 24 juin 1880.  Composé par le juge et poète Adophe-Basile Routhier, l’hymne fut écrit avec la ferme intention de devenir l’hymne officiel du Canada français. Avec, comme le dit Brian Christopher Thompson, l’intention « de créer un chant national qui avait la dignité du « God Save the Queen », l’hymne était alors entonné lors de tous les événements publics au Canada à l’époque ». Contrairement à la version anglophone dont les paroles reçurent plusieurs moutures au cours de l’histoire, la version française est toujours restée la même. Suivant un parcours sinueux, l’hymne « Ô Canada » reçut finalement la sanction royale le 27 juin 1980, presque cent ans après son écriture !

Si ce n’est de certaines formulations dont le langage nous apparaît quelque peu étranger, l’intégralité de l’hymne Canadien mérite d’être médité et chanté encore aujourd’hui.

Le « Ô Canada, Terre de nos aïeuls » est d’une beauté sublime et peut être une grande source de fierté, spécialement pour nous catholiques puisqu’il fait directement écho à notre foi. En effet, l’hymne national nous invite à faire mémoire de ceux qui nous précédés, de « nos aïeux » qui ont su bâtir ce pays. Loin de se laisser décourager par les nombreux obstacles qu’ils ont rencontrés sur leur route, nos ancêtres ont su manifester un courage et une ferveur semblables à toute grande nation. Du récit de ce passé aux principes ayant dirigé son histoire, l’hymne ne saurait être complet sans cet appel à l’engagement, à la mission que représente la construction d’un si jeune pays.

Dans son discours lors de la cérémonie de bienvenue à Toronto pour la 17e journée mondiale de la Jeunesse le 23
juillet 2002, saint Jean-Paul II s’exprimait en ces termes:

«3. Dans la version francophone de votre hymne national «Ô Canada», vous chantez: «Car ton bras sait porter l’épée, il sait porter la croix». Les Canadiens sont les héritiers d’un humanisme extraordinairement riche, grâce à l’association de nombreux éléments culturels divers. Mais le noyau de votre héritage, c’est la conception spirituelle et transcendante de la vie, fondée sur la Révélation chrétienne, qui a donné une impulsion vitale à votre développement comme société libre, démocratique et solidaire, reconnue dans le monde entier comme un chantre des droits de la personne humaine et de sa dignité.»

Commémorer le 150e du Canada n’est pas seulement un devoir de citoyen. C’est aussi la possibilité d’avoir accès à des témoins et des modèles pour nous qui sommes héritiers de ce patrimoine. À ces personnes qui, de par leur vie même, furent les instruments de Dieu, et envers lesquelles nous sommes infiniment redevables encore aujourd’hui.

-1-

Ô Canada! Terre de nos aïeux,
Ton front est ceint de fleurons glorieux!
Car ton bras sait porter l’épée,
Il sait porter la croix!
Ton histoire est une épopée
Des plus brillants exploits.
Et ta valeur, de foi trempée,
Protègera nos foyers et nos droits.
Protègera nos foyers et nos droits.

-2-

Sous l’œil de Dieu, près du fleuve géant,
Le Canadien grandit en espérant.
Il est d’une race fière,
Béni fut son berceau.
Le ciel a marqué sa carrière
Dans ce monde nouveau.
Toujours guidé par sa lumière,
Il gardera l’honneur de son drapeau,
Il gardera l’honneur de son drapeau.

-3-

De son patron, précurseur du vrai Dieu,
Il porte au front l’auréole de feu.
Ennemi de la tyrannie Mais plein de loyauté.
Il veut garder dans l’harmonie,
Sa fière liberté;
Et par l’effort de son génie,
Sur notre sol asseoir la vérité.
Sur notre sol asseoir la vérité.

-4-

Amour sacré du trône et de l’autel,
Remplis nos cœurs de ton souffle immortel!
Parmi les races étrangères,
Notre guide est la loi;
Sachons être un peuple de frères,
Sous le joug de la foi.
Et répétons, comme nos pères
Le cri vainqueur : Pour le Christ et le roi,
Le cri vainqueur : Pour le Christ et le roi.

 

Homélie du pape François pour la Solennité des saints Pierre et Paul

Vous trouverez ci-dessous l’homélie du pape François telle que prononcée ce matin sur la Place Saint-Pierre pour la Solennité des saints Pierre et Paul:

La liturgie de ce jour nous offre trois mots essentiels pour la vie de l’Apôtre : confession, persécution, prière.

La confession est celle de Pierre dans l’Evangile, quand la question du Seigneur, de générale devient particulière. En effet, Jésus demande d’abord : « Au dire des gens, qui est le Fils de l’homme ? » (Mt 16, 13). Chez la plupart des gens, il émerge de ce “sondage” que le peuple considère Jésus comme un prophète. Alors le Maître pose aux disciples la question vraiment décisive : « Et vous ? Que dites-vous? Pour vous qui suis-je ? » (v.15). A ce moment seul Pierre répond : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (v. 16). Voilà la confession: reconnaître en Jésus le Messie attendu, le Dieu vivant, le Seigneur de sa propre vie.

Cette question vitale, Jésus l’adresse aujourd’hui à nous, à nous tous, en particulier à nous pasteurs. C’est la question décisive, devant laquelle il n’y a pas de réponses de circonstance, parce que la vie est en jeu : et la question de la vie demande une réponse de vie. Car si l’on ne confesse pas Jésus Seigneur par sa propre vie, connaître les articles de foi sert à peu de choses. Aujourd’hui il nous regarde dans les yeux et demande : « Qui suis-je pour toi ? » Comme pour dire : « Suis-je encore, moi, le Seigneur de ta vie, la direction de ton cœur, la raison de ton espérance, ta confiance indestructible ? » Avec saint Pierre, renouvelons aujourd’hui, nous aussi, notre choix de vie comme disciples et apôtres. Passons de nouveau de la première à la seconde question de Jésus, pour être « à lui » non seulement en paroles, mais dans les faits et dans la vie.

Demandons-nous si nous sommes des chrétiens de salon, qui bavardent sur la manière dont vont les choses dans l’Eglise et dans le monde, ou plutôt des apôtres en chemin, qui confessent Jésus par la vie parce qu’ils l’ont dans le cœur. Celui qui confesse Jésus sait qu’il est tenu non seulement de donner son opinion mais de donner la vie ; il sait qu’il ne peut pas croire de manière tiède mais qu’il est appelé à “brûler” d’amour ; il sait que dans la vie il ne peut “se laisser vivre” ou s’installer dans le bien être, mais qu’il doit risquer de prendre le large, renouvelant chaque jour le don de soi. Celui qui confesse Jésus fait comme Pierre et Paul : il le suit jusqu’à la fin ; non jusqu’à un certain point, mais jusqu’à la fin, et il le suit sur son chemin, non pas sur nos chemins. Son chemin est le chemin de la vie nouvelle, de la joie et de la résurrection, le chemin qui passe aussi par la croix et par les persécutions.

Voilà le second mot, persécutions. Ce ne sont pas seulement Pierre et Paul qui ont donné le sang pour le Christ, mais toute la communauté, au début, a été persécutée, comme le rappelle le Livre des Actes des Apôtres (cf. 12, 1). Aujourd’hui aussi, en diverses parties du monde, parfois dans un climat de silence – un silence souvent complice -, beaucoup de chrétiens sont marginalisés, calomniés, discriminés, faits l’objet de violences même mortelles, souvent en l’absence d’engagement de la part de ceux qui pourraient faire respecter leurs droits sacrosaints.

Mais je voudrais surtout souligner ce que l’Apôtre Paul affirme avant d’« être – comme il écrit – offert en sacrifice » (2Tm 4, 6). Pour lui, vivre c’était le Christ (cf. Ph 1, 21), et le Christ crucifié (cf. 1Co 2, 1), qui a donné sa vie pour lui (cf. Ga 2, 20). Ainsi, fidèle disciple, Paul a suivi le Maître en offrant lui aussi sa vie. Sans la croix il n’y a pas de Christ, mais sans la croix il n’y a pas non plus de chrétien. En effet, « c’est le propre de la vertu chrétienne, non seulement de faire le bien, mais aussi de savoir supporter les maux » (Augustin, Disc. 46, 13), comme Jésus. Supporter le mal, ce n’est pas seulement avoir de la patience et aller de l’avant avec résignation ; supporter, c’est imiter Jésus : c’est porter le poids, le porter sur ses épaules pour lui et pour les autres. C’est accepter la croix, allant de l’avant avec confiance parce que nous ne sommes pas seuls : le Seigneur crucifié et ressuscité est avec nous. Ainsi, avec Paul nous pouvons dire qu’ « en toute circonstance nous sommes dans la détresse, mais sans être angoissés; nous sommes déconcertés, mais non désemparés ; nous sommes pourchassés, mais non pas abandonnés » (2Co 4, 8-9).

Supporter, c’est savoir vaincre avec Jésus à la manière de Jésus, non pas à la manière du monde. Voilà pourquoi Paul – nous l’avons entendu – se considère comme un vainqueur qui va recevoir la couronne (cf. 2Tm 4, 8) et il écrit : « J’ai mené le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi » (v. 7). L’unique conduite de son bon combat a été de vivre pour : non pour lui-même mais pour Jésus et pour les autres. Il a vécu “en courant”, c’est-à-dire sans s’épargner, mais au contraire en se consumant. Il dit avoir gardé une chose : non pas la santé, mais la foi, c’est-à-dire la confession du Christ. Par amour pour lui, il a vécu les épreuves, les humiliations et les souffrances, qu’il ne faut jamais rechercher mais accepter. Et ainsi, dans le mystère de la souffrance offerte par amour, en ce mystère que tant de frères persécutés, pauvres et malades incarnent encore aujourd’hui, resplendit la force salvifique de la croix de Jésus.

Le troisième mot est prière. La vie de l’Apôtre, qui jaillit de la confession et débouche en offrande, se déroule tous les jours dans la prière. La prière est l’eau indispensable qui nourrit l’espérance et fait grandir la confiance. La prière fait que nous nous sentons aimés et nous permet d’aimer. Elle nous fait aller de l’avant dans les moments sombres, car elle allume la lumière de Dieu. Dans l’Eglise c’est la prière qui nous soutient tous et nous fait surmonter les épreuves. Nous le voyons encore dans la première lecture : « Tandis que Pierre était ainsi détenu dans la prison, l’Eglise priait Dieu pour lui avec insistance » (Ac 12, 5). Une Eglise qui prie est gardée par le Seigneur et marche en sa compagnie. Prier c’est lui confier le chemin pour qu’il en prenne soin. La prière est la force qui nous unit et nous soutient, le remède contre l’isolement et l’autosuffisance qui conduisent à la mort spirituelle. Car l’Esprit de vie ne souffle pas si l’on ne prie pas, et sans prière les prisons intérieures qui nous retiennent captifs ne s’ouvrent pas.

Que les saints Apôtres nous obtiennent un cœur comme le leur, fatigué et pacifié par la prière : fatigué parce qu’il demande, frappe et intercède, chargé de beaucoup de personnes et de situations à confier ; mais en même temps pacifié, parce que l’Esprit apporte consolation et force quand on prie. Combien il est urgent dans l’Eglise d’avoir des maîtres de prière, mais avant tout d’être des hommes et des femmes de prière, qui vivent la prière !

Le Seigneur intervient quand nous prions, lui qui est fidèle à l’amour que nous lui avons confessé et qui nous est proche dans les épreuves. Il a accompagné le chemin des Apôtres et il vous accompagnera vous aussi, chers frères Cardinaux, ici réunis dans la charité des Apôtres qui ont confessé la foi par le sang. Il sera aussi proche de vous, chers frères Archevêques qui, en recevant le Pallium, serez confirmés à vivre pour le troupeau, en imitant le Bon Pasteur qui vous soutient en vous portant sur ses épaules. Que le Seigneur lui-même, qui désire ardemment voir tout son troupeau réuni, bénisse et garde aussi la Délégation du Patriarche Œcuménique, et le cher frère Bartholomée, qui l’a envoyée en signe de communion apostolique.

[01027-FR.01] [Texte original: Italien]

Le pallium est une sorte de large collier de laine. Orné de six croix noires, il comporte trois longues pièces lestées de morceaux de plomb dont deux pendent sur la poitrine et l’autre dans le dos.

La laine utilisée pour confectionner le pallium vient de deux agneaux offerts chaque année au Pape en la fête de sainte Agnès, le 21 janvier. Les agneaux sont d’abord conduits à l’église Ste-Agnès où ils sont bénis. Ils arrivent coiffés de deux couronnes de fleurs, l’une blanche et l’autre rouge. Celles-ci représentent la pureté d’Agnès, que les archevêques doivent tendre à imiter, et le martyre d’Agnès, que les archevêques doivent être prêts à subir. Les agneaux sont ensuite tondus et les pallia confectionnés. La veille de la solennité des grands apôtres Pierreet Paul (le 28 juin), les palliums sont déposés pour la nuit dans le cercueil d’argent qui siège au-dessus de la tombe de Pierre dans la crypte vaticane. Le lendemain (29 juin), les palliums sont remis aux nouveaux archevêques métropolitains. Cette cérémonie est la seule occasion où plus d’un évêque peut revêtir le pallium en même temps. De façon symbolique, le Pape partage avec les archevêques sa mission de « nourrir mes agneaux et mes brebis » confiée par Jésus à Pierre (voir Jean 21, 15-19). La laine sur les épaules évoque l’image de la brebis que le Bon Pasteur prend sur ses épaules. Elle rappelle également aux archevêques le poids de leurs fonctions. En conférant le pallium à chaque nouvel archevêque, le Saint-Père lui impose une part du poids et des responsabilités qu’il porte lui-même.

Homélie du pape François lors du Consistoire pour la création de 5 nouveaux cardinaux

Aujourd’hui à 16 heures en la basilique Saint-Pierre de Rome, le pape François a tenu un Consistoire ordinaire public en vue de la création de cinq nouveaux cardinaux. La partie essentielle de cette cérémonie comprend l’imposition de la barrette, la présentation de l’anneau ainsi que l’assignement d’un titre de diaconie qui signifie service. La célébration a débuté par  des prières, entre autres d’action de grâce, et la lecture d’un passage de l’Évangile selon saint Marc (10, 32-45).

Par la suite, le Saint-Père a lu la formule de création des cardinaux et prononcé solennellement le nom des nouveaux cardinaux, proclamant ainsi leur ordre officiel. Le rite s’est poursuivi avec la profession de foi des nouveaux cardinaux devant le Peuple de Dieu ainsi que le serment de fidélité et d’obéissance au pape François et à ses successeurs.

Finalement, les nouveaux cardinaux, selon l’ordre de leur création, se mettent à genoux devant le Saint-Père qui leur impose le zucchetto et la barrette cardinalice et leur remet l’anneau de cardinal. Le Pape assigne à chaque cardinal une église de Rome en signe de participation à la charge pastorale du Pape dans son diocèse de Rome. Cette partie de la célébration se termine par l’échange de la paix entre le Pape et les nouveaux cardinaux.

Vous trouverez ci-dessous le texte de l’homélie du pape François telle que prononcée lors de ce consistoire :

«Jésus marchait devant eux». C’est l’image qui nous vient de l’Évangile que nous avons entendu (Mc 10, 32-45), et qui constitue aussi l’arrière-fond de l’acte que nous accomplissons: un Consistoire pour la création de nouveaux Cardinaux.

Jésus marche résolument vers Jérusalem. Il sait bien ce qui l’attend et il en a parlé plusieurs fois à ses disciples. Mais entre le cœur de Jésus et le cœur des disciples, il y a une distance, que seul l’Esprit Saint pourra combler. Jésus le sait; c’est pourquoi, il est patient avec eux, il leur parle avec franchise, et surtout il les précède, il marche devant eux.

Le long du chemin, les disciples eux-mêmes sont distraits par des intérêts non cohérents avec la “direction” de Jésus, avec sa volonté qui ne fait qu’un avec la volonté du Père. Par exemple – nous l’avons entendu – les deux frères Jacques et Jean pensent qu’il serait beau de s’asseoir à la droite et la gauche du roi d’Israël (cf. v. 37). Ils ne regardent pas la réalité! Ils croient voir et ne voient pas, savoir et ne savent pas, comprendre mieux que les autres et ne comprennent pas…

La réalité au contraire est tout autre, c’est celle que Jésus garde présente à l’esprit et qui guide ses pas. La réalité, c’est la croix, c’est le péché du monde qu’il est venu prendre sur lui et déraciner de la terre des hommes et des femmes. La réalité, ce sont les innocents qui souffrent et meurent à cause des guerres et du terrorisme; ce sont les esclavages qui ne cessent pas de nier la dignité, même à l’époque des droits humains; la réalité, ce sont les camps de réfugiés qui parfois ressemblent plus à un enfer qu’à un purgatoire; la réalité, c’est le rejet systématique de tout ce qui ne sert plus, y compris les personnes.

C’est cela que Jésus voit, tandis qu’il marche vers Jérusalem. Durant sa vie publique, il a manifesté la tendresse du Père, guérissant tous ceux qui étaient sous l’emprise du malin (cf. Ac 10, 38). Maintenant il sait qu’est venu le moment d’aller au bout, d’arracher la racine du mal, et pour cela, il va résolument vers la croix.

Nous aussi, frères et sœurs, nous sommes en chemin avec Jésus sur cette route. En particulier, je m’adresse à vous, très chers nouveaux Cardinaux. Jésus « marche devant vous » et il vous demande de le suivre résolument sur son chemin. Il vous appelle à regarder la réalité, à ne pas vous laisser distraire par d’autres intérêts, par d’autres perspectives. Il ne vous a pas appelés à devenir “des princes” de l’Église, à “être assis à sa droite ou à sa gauche”. Il vous appelle à servir comme lui et avec lui. A servir le Père et les frères. Il vous appelle à affronter, avec la même attitude que lui, le péché du monde et ses conséquences dans l’humanité d’aujourd’hui. En le suivant, Lui, vous marchez vous aussi devant le peuple saint de Dieu, gardant le regard fixé sur la croix et sur la résurrection du Seigneur.

Et alors, par l’intercession de la Vierge Mère, invoquons avec foi l’Esprit Saint, pour qu’il comble toute distance entre nos cœurs et le cœur du Christ, et que toute notre vie devienne un service à Dieu et à nos frères.

[01026-FR.01] [Texte original: Italien]

Allocution du Pape aux malades et handicapés à Fatima

CNS/Paul Haring

Chers frères et sœurs malades,
Comme je l’ai dit dans l’homélie, le Seigneur nous précède toujours : quand nous passons par quelque croix, il y est déjà passé. Dans sa Passion, il a pris sur lui toutes nos souffrances. Jésus sait ce que signifie la souffrance, il nous comprend, il nous console, et il nous donne la force, comme il a fait pour saint François Marto et sainte Jacinthe, pour les saints de tous les temps et de partout. Je pense à l’Apôtre Pierre, enchaîné dans la prison de Jérusalem, alors que toute l’Eglise priait pour lui. Et le Seigneur a consolé Pierre. Voilà le mystère de l’Eglise : l’Eglise demande au Seigneur de consoler les affligés et il vous console, même de manière cachée ; il vous console dans l’intimité du cœur et il vous console par sa force.

Chers pèlerins, nous avons devant les yeux Jésus caché mais présent dans l’Eucharistie, comme nous avons Jésus caché mais présent dans les blessures de nos frères et sœurs malades et souffrants. Sur l’autel, nous adorons la chair de Jésus ; en ces frères, nous trouvons les plaies de Jésus. Le chrétien adore Jésus, le chrétien cherche Jésus, le chrétien sait reconnaître les plaies de Jésus. Aujourd’hui la Vierge Marie nous répète à tous la question qu’elle a posée, il y a cent ans, aux pastoureaux : « Voulez-vous vous offrir à Dieu ? ». La réponse – « Oui, nous le voulons ! » – nous permet de comprendre et d’imiter leur vie. Ils l’ont vécue, avec tout ce qu’elle comportait de joie et de souffrance, dans une attitude d’offrande au Seigneur.

Chers malades, vivez votre existence comme un don et dites à la Vierge, comme les pastoureaux, que vous voulez vous offrir à Dieu de tout votre cœur. Ne vous considérez pas seulement comme des bénéficiaires de la solidarité caritative, mais sentez-vous pleinement participants de la vie et de la mission de l’Eglise. Votre présence silencieuse mais plus éloquente que beaucoup de paroles, votre prière, l’offrande quotidienne de vos souffrances unies à celles de Jésus crucifié pour le salut du monde, l’acceptation patiente et même joyeuse de votre condition sont une ressource spirituelle, un patrimoine pour chaque communauté chrétienne. N’ayez pas honte d’être un trésor précieux de l’Eglise.

Jésus passera près de vous dans le Saint Sacrement pour vous manifester sa proximité et son amour. Confiez-lui vos douleurs, vos souffrances, votre fatigue. Comptez sur la prière de l’Eglise, qui de partout monte vers le ciel pour vous et avec vous. Dieu est Père et il ne vous oublie jamais.

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