Homélie du pape François pour la Fête de la Présentation du Seigneur et pour la 22e Journée mondiale de la vie consacrée:

CNS/Paul Haring

Vous trouverez ci-dessous le texte complet de l’homélie du pape François tel que prononcé lors de la Messe de la Fête de la Présentation du Seigneur et de la XXII journée mondiale de la vie consacrée:

Quarante jours après Noël, nous célébrons le Seigneur qui, en entrant dans le temple, va à la rencontre de son peuple. Dans l’Orient chrétien, cette fête est précisément désignée comme la ‘‘Fête de la rencontre’’: c’est la rencontre entre le Divin Enfant, qui apporte la nouveauté, et l’humanité en attente, représentée par les anciens du temple.

Dans le temple se produit également une autre rencontre, celle entre deux couples : d’une part les jeunes gens Marie et Joseph, d’autre part les anciens Siméon et Anne. Les anciens reçoivent des jeunes gens, les jeunes gens se ressourcent auprès des anciens. Marie et Joseph retrouvent en effet dans le temple les racines du peuple, et c’est important, car la promesse de Dieu ne se réalise pas individuellement et d’un seul coup, mais ensemble et tout au long de l’histoire. Et ils trouvent aussi les racines de la foi, car la foi n’est pas une notion à apprendre dans un livre, mais l’art de vivre avec Dieu, qui s’apprend par l’expérience de ceux qui nous ont précédés sur le chemin. Ainsi, les deux jeunes, en rencontrant les anciens, se retrouvent eux-mêmes. Et les deux anciens, vers la fin de leurs jours, reçoivent Jésus, le sens de leur vie. Cet épisode accomplit ainsi la prophétie de Joël : « Vos anciens seront instruits par des songes, et vos jeunes gens par des visions » (3, 1). Dans cette rencontre, les jeunes voient leur mission et les anciens réalisent leurs rêves. Tout cela parce qu’au centre de la rencontre se trouve Jésus.

Regardons-nous, chers frères et sœurs consacrés. Tout a commencé par la rencontre avec le Seigneur. D’une rencontre et d’un appel, est né le chemin de consécration. Il faut en faire mémoire. Et si nous faisons bien mémoire, nous verrons que dans cette rencontre nous n’étions pas seuls avec Jésus : il y avait également le peuple de Dieu, l’Église, les jeunes et les anciens, comme dans l’Évangile. Il y a là un détail intéressant : tandis que les jeunes gens Marie et Joseph observent fidèlement les prescriptions de la Loi – l’Évangile le dit quatre fois – ils ne parlent jamais ; les anciens Siméon et Anne arrivent et prophétisent. Ce devrait être le contraire : en général, ce sont les jeunes qui parlent avec enthousiasme de l’avenir, tandis que les anciens gardent le passé. Dans l’Evangile c’est l’inverse qui se passe, car quand on rencontre le Seigneur, les surprises de Dieu arrivent à point nommé. Pour leur permettre d’avoir lieu dans la vie consacrée, il convient de se rappeler qu’on ne peut pas renouveler la rencontre avec le Seigneur sans l’autre : ne jamais laisser quelqu’un derrière, ne jamais faire de mise à l’écart générationnelle, mais s’accompagner chaque jour, mettant le Seigneur au centre. Car si les jeunes sont appelés à ouvrir de nouvelles portes, les anciens ont les clefs. Et la jeunesse d’un institut se trouve dans le ressourcement aux racines, en écoutant les anciens. Il n’y a pas d’avenir sans cette rencontre entre les anciens et les jeunes; il n’y a pas de croissance sans racines et il n’y a pas de floraison sans de nouveaux bourgeons. Jamais de prophétie sans mémoire, jamais de mémoire sans prophétie ; et il faut toujours se rencontrer.

La vie frénétique d’aujourd’hui conduit à fermer de nombreuses portes à la rencontre, souvent par peur de l’autre. – Les portes des centres commerciaux et les connexions de réseau demeurent toujours ouvertes -. Mais que dans la vie consacrée ceci ne se produise pas : le frère et la sœur que Dieu me donne font partie de mon histoire, ils sont des dons à protéger. Qu’il n’arrive pas de regarder l’écran du cellulaire plus que les yeux du frère ou de s’attacher à nos programmes plus qu’au Seigneur. Car quand on place au centre les projets, les techniques et les structures, la vie consacrée cesse d’attirer et ne communique plus ; elle ne fleurit pas, parce qu’elle oublie ‘‘ce qu’elle a sous terre’’, c’est-à-dire les racines.

La vie consacrée naît et renaît de la rencontre avec Jésus tel qu’il est : pauvre, chaste et obéissant. Il y a une double voie qu’elle emprunte : d’une part l’initiative d’amour de Dieu, d’où tout part et à laquelle nous devons toujours retourner ; d’autre part, notre réponse, qui est la réponse d’un amour authentique quand il est sans si et sans mais, quand il imite Jésus pauvre, chaste et obéissant. Ainsi, tandis que la vie du monde cherche à accaparer, la vie consacrée renonce aux richesses qui passent pour embrasser Celui qui reste. La vie du monde poursuit les plaisirs et les aspirations personnelles, la vie consacrée libère l’affection de toute possession pour aimer pleinement Dieu et les autres. La vie du monde s’obstine à faire ce qu’elle veut, la vie consacrée choisit l’obéissance humble comme une liberté plus grande. Et tandis que la vie du monde laisse rapidement vides les mains et le cœur, la vie selon Jésus remplit de paix jusqu’à la fin, comme dans l’Évangile, où les anciens arrivent heureux au soir de leur vie, avec le Seigneur entre les mains et la joie dans le cœur.

Que de bien cela nous fait, comme à Siméon, de tenir le Seigneur « dans les bras » (Lc 2, 28) ! Non pas dans la tête et dans le cœur, mais dans les mains, en tout ce que nous faisons : dans la prière, au travail, à table, au téléphone, à l’école, auprès des pauvres, partout. Avoir le Seigneur dans les mains, c’est l’antidote contre le mysticisme isolé et l’activisme effréné, car la rencontre réelle avec Jésus redresse aussi bien les sentimentalistes dévots que les affairistes frénétiques. Vivre la rencontre avec Jésus, c’est aussi le remède à la paralysie de la normalité, c’est s’ouvrir au remue- ménage quotidien de la grâce. Se laisser rencontrer par Jésus, faire rencontrer Jésus : c’est le secret pour maintenir vivante la flamme de la vie spirituelle. C’est la manière de ne pas se faire absorber par une vie morne, où les plaintes, l’amertume et les inévitables déceptions prennent le dessus. Se rencontrer en Jésus comme frères et sœurs, comme jeunes et anciens, pour surmonter la rhétorique stérile des ‘‘beaux temps passés’’, pour faire taire le ‘‘ici plus rien ne va’’. Si on rencontre chaque jour Jésus et les frères, le cœur ne se polarise pas vers le passé ou vers l’avenir, mais il vit l’aujourd’hui de Dieu en paix avec tous.

À la fin des Évangiles, il y a une autre rencontre avec Jésus qui peut inspirer la vie consacrée : celle des femmes au tombeau. Elles étaient allées rencontrer un mort, leur chemin semblait inutile. Vous aussi, vous allez à contre-courant dans le monde : la vie du monde rejette facilement la pauvreté, la chasteté et l’obéissance. Mais, comme ces femmes, vous allez de l’avant, malgré les préoccupations concernant les lourdes pierres à enlever (cf. Mc 16, 3). Et comme ces femmes, les premiers, vous rencontrez le Seigneur ressuscité et vivant, vous l’étreignez (cf. Mt 28, 9) et vous l’annoncez immédiatement aux frères, les yeux pétillants d’une grande joie (cf. v. 8). Vous êtes aussi l’aube sans fin de l’Église. Je vous souhaite de raviver aujourd’hui même la rencontre avec Jésus, en marchant ensemble vers lui : cela donnera de la lumière à vos yeux et de la vigueur à vos pas.

[00191-FR.01] [Texte original: Italien]

Échos du Vatican

Revivez dans cette émission les évènements de ces derniers jours au Vatican : célébrations liturgiques, visites et discours du Pape, rencontre diplomatiques, etc…

Sur la route du diocese de Baie-Comeau (2e partie)

Dans cette deuxième émission consacrée au Diocèse de Baie-Comeau, nous explorerons les différentes facettes de la vie de cette église particulière. Que ce soit par la prise en charge des communautés par les laïcs, l’engagement envers les plus pauvres, la transmission de la foi aux jeunes génération ou par la préservation des différents héritages culturels présents sur son territoire, l’Église à Baie-Comeau joue un rôle irremplaçable dans la société Nord-Côtière.

Au cours de cette émission, Francis Denis nous invite Sur la route du diocèse de Baie-Comeau, à la rencontre des différents visages de cette Église qui, de par sa pauvreté même, fait resplendir sur le monde le « visage miséricordieux du Père » (Misericordiae Vultus, no 17). Production originale de S+L, « Sur la route des diocèses » est diffusée les derniers vendredis du mois à 19h30 et en rediffusion les lundis suivants à 20h30.

Échos du Vatican

Du Chili au Pérou, étape par étape, revivez les moments forts du voyage apostolique du pape François en Amérique du sud.

Message du pape François pour la 52e Journée mondiale des communications sociales

CNS photo/Tony Avelar, EPA

Vous trouverez ci-dessous le texte du Message du pape François pour la 52e Journée mondiale des communications sociales (13 mai 2018):

« La vérité vous rendra libres » (Jn 8, 32). Fake news et journalisme de paix

Chers frères et sœurs, dans le dessein de Dieu, la communication humaine est un moyen essentiel de vivre la communion. L’être humain, image et ressemblance du Créateur, est capable d’exprimer et de partager le vrai, le bien, le beau. Il est capable de raconter sa propre expérience et le monde, et de construire ainsi la mémoire et la compréhension des événements. Mais l’homme, s’il suit son propre égoïsme orgueilleux, peut faire un usage déformé de la faculté de communiquer, comme l’illustrent dès l’origine les épisodes bibliques de Caïn et Abel et de la tour de Babel (cf. Gn 4,1-16; 11,1-9). La manipulation de la vérité est le symptôme typique d’une telle distorsion, tant au niveau individuel que collectif. Au contraire, dans la fidélité à la logique de Dieu, la communication devient un lieu d’expression de sa propre responsabilité dans la recherche de la vérité et dans la réalisation du bien. Aujourd’hui, dans un contexte de communication toujours plus rapide et au sein d’un système numérique, nous voyons le phénomène des «fausses nouvelles», les soi-disant fake news: cela nous invite à réfléchir et m’a suggéré de consacrer ce message au thème de la vérité, comme l’ont déjà fait plusieurs fois mes prédécesseurs depuis Paul VI (cf. Message 1972: « Les communications sociales au service de la vérité »). Je voudrais ainsi contribuer à l’engagement commun pour prévenir la diffusion de fausses nouvelles et pour redécouvrir la valeur de la profession journalistique et la responsabilité personnelle de chacun dans la communication de la vérité.

1. Qu’est-ce qui est faux dans les « fausses nouvelles »?

Fake news est un terme discuté et qui fait l’objet de débat. Il s’agit généralement de la désinformation diffusée en ligne ou dans les médias traditionnels. Cette expression fait référence à des informations non fondées, basées sur des données inexistantes ou déformées et visant à tromper voire à manipuler le lecteur. Leur propagation peut répondre à des objectifs fixés, influencer les choix politiques et favoriser des gains économiques.

L’efficacité des fake news est due principalement à leur nature mimétique, à la capacité d’apparaître plausibles. En second lieu, ces nouvelles, fausses mais vraisemblables sont fallacieuses, dans leur habilité à focaliser l’attention des destinataires, en se fondant sur des stéréotypes et des préjugés diffus dans un tissu social, en exploitant les émotions immédiates et faciles à susciter, comme la peur, le mépris, la colère et la frustration. Leur diffusion peut compter sur une utilisation manipulatrice des réseaux sociaux et des logiques qui en garantissent le fonctionnement: ainsi les contenus, bien que non étayés, gagnent une telle visibilité que même les dénégations de sources fiables peinent à en limiter les dégâts.

La difficulté de dévoiler et d’éradiquer les fake news ou fausses nouvelles est également due au fait que les gens interagissent souvent dans des environnements numériques homogènes et imperméables à des perspectives et opinions divergentes. La conséquence de cette logique de la désinformation est que, au lieu d’avoir une confrontation saine avec d’autres sources d’information, ce qui pourrait mettre positivement en discussion les préjugés et ouvrir à un dialogue constructif, on risque de devenir des acteurs involontaires dans la diffusion d’opinions partisanes et infondées. Le drame de la désinformation est la discréditation de l’autre, sa représentation comme ennemi, jusqu’à une diabolisation susceptible d’attiser des conflits. Les fausses nouvelles révèlent ainsi la présence d’attitudes en même temps intolérantes et hypersensibles, avec pour seul résultat le risque d’expansion de l’arrogance et de la haine. En fin de compte, cela mène au mensonge.

2. Comment pouvons-nous les reconnaître?
Aucun d’entre nous ne peut être exonéré de la responsabilité de contrecarrer ces faussetés. Ce n’est pas une tâche facile, parce que la désinformation est souvent basée sur des discours variés, délibérément évasifs et subtilement trompeurs, et use parfois de mécanismes raffinés. Il convient donc de louer les initiatives éducatives qui permettent d’apprendre à lire et à évaluer le contexte communicatif, enseignant à ne pas être des propagateurs inconscients de la désinformation, mais des acteurs de son dévoilement. Il faut également louer les initiatives institutionnelles et juridiques visant à définir des réglementations pour freiner le phénomène, ainsi que celles entreprises par les sociétés de Technologies et de Média, afin de définir de nouveaux critères pour la vérification des identités personnelles qui se cachent derrière les millions de profils numériques.

Mais la prévention et l’identification des mécanismes de la désinformation nécessitent également un discernement profond et attentif. Il faut démasquer en effet ce qui pourrait être défini comme « la logique du serpent », capable partout de se dissimuler et de mordre. C’est la stratégie utilisée par le «serpent rusé», dont parle le Livre de la Genèse, celui qui, au commencement de l’humanité, est devenu l’auteur de la première “fake news” (cf. Gn 3,1-15), qui a conduit aux conséquences tragiques du péché, mises en acte ensuite dans le premier fratricide (cf. Gn 4) et dans d’autres formes innombrables du mal contre Dieu, le prochain, la société et la création. La stratégie de cet habile « père du mensonge » (Jn 8,44) est précisément le mimétisme, une séduction rampante et dangereuse qui fait son chemin dans le cœur de l’homme avec des arguments faux et attrayants. Dans le récit du péché originel, le tentateur, en fait, s’approche de la femme feignant d’être son ami, de s’intéresser à son bien, et commence le discours avec une affirmation vraie, mais seulement partiellement: « Alors, Dieu vous a vraiment dit : “Vous ne mangerez d’aucun arbre du jardin” ? » (Gn 3,1). Ce que Dieu avait dit à Adam n’était pas en réalité de ne manger d’aucun arbre, mais seulement d’un arbre : « Mais l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu n’en mangeras pas » (Gn 2,17). La femme, répondant, l’explique au serpent, mais elle se fait attirer par sa provocation : « Mais, pour le fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit: “ Vous n’en mangerez pas, vous n’y toucherez pas, sinon vous mourrez. ” » (Gn 3,2). Cette réponse sait se faire légaliste et pessimiste: ayant donné crédibilité au faussaire, se laissant séduire par son arrangement des faits, la femme se fait corrompre. Ainsi, de prime abord elle prête attention à son assurance: « Vous ne mourrez pas du tout » (v. 4). Puis la déconstruction du tentateur assume une apparence crédible : « Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. » (v. 5). Finalement on en vient à discréditer la recommandation paternelle de Dieu, qui visait le bien, pour suivre l’incantation séduisante de l’ennemi: « La femme vit que le fruit de l’arbre devait être savoureux, qu’il était agréable à regarder et qu’il était désirable » (v. 6). Cet épisode biblique révèle donc un fait essentiel pour notre discours: aucune désinformation n’est inoffensive; de fait, se fier à ce qui est faux, produit des conséquences néfastes. Même une distorsion apparemment légère de la vérité peut avoir des effets dangereux.

L’enjeu en fait, c’est notre avidité. Les fake news deviennent souvent virales, en réalité elles se répandent rapidement et de manière difficilement contrôlable, non pas en raison de la logique de partage qui caractérise les médias sociaux, mais plutôt pour leur emprise sur l’avidité insatiable qui s’allume facilement dans l’être humain. Les mêmes motivations économiques et opportunistes de la désinformation ont leur racine dans la soif du pouvoir, de l’avoir et du plaisir, qui, finalement, nous rend victimes d’un imbroglio beaucoup plus tragique que chacune de ses manifestations singulière: celui du mal, qui se meut de mensonge en mensonge pour nous voler la liberté du cœur. C’est pourquoi éduquer à la vérité signifie éduquer à discerner, évaluer et pondérer les désirs et les inclinations qui s’agitent en nous, pour ne pas nous retrouver privés de bien « en mordant » à toute tentation.

3. «La vérité vous rendra libres» (Jn 8,32)

La contamination continuelle par un langage trompeur finit en fait par embrumer l’intériorité de la personne. Dostoïevski a écrit quelque chose de remarquable dans ce sens : « Celui qui se ment à soi-même et écoute ses propres mensonges arrive au point de ne plus pouvoir distinguer la vérité ni en soi ni autour de soi ; ainsi il commence à ne plus avoir l’estime de soi ni des autres. Ensuite, n’ayant plus l’estime de personne il cesse aussi d’aimer, et alors en manque d’amour, pour se sentir occupé et se distraire, il s’adonne aux passions et aux plaisirs vulgaires ; et dans ses vices il va jusqu’à la bestialité; et tout cela dérive du mensonge continuel aux autres et à soi-même.» (Les frères Karamazov, II, 2).

Comment nous défendre? L’antidote le plus radical au virus du mensonge est de se laisser purifier par la vérité. Dans la vision chrétienne, la vérité n’est pas seulement une réalité conceptuelle, qui concerne le jugement sur les choses, les définissant vraies ou fausses. La vérité ne consiste pas seulement à porter à la lumière des choses obscures, à « dévoiler la réalité », comme l’ancien terme grec qui le désigne, aletheia (de a-lethès, « non caché »), conduit à penser. La vérité a à voir avec la vie entière. Dans la Bible, la notion porte en soi le sens de soutien, de solidité, de confiance, comme le donne à comprendre la racine ‘aman, dont provient également l’Amen liturgique. La vérité est ce sur quoi l’on peut s’appuyer pour ne pas tomber. Dans ce sens relationnel, le seul vraiment fiable et digne de confiance, sur lequel on peut compter, et qui est «vrai», est le Dieu vivant. Et c’est l’affirmation de Jésus: « Je suis la vérité » (Jn 14,6). L’homme, alors, découvre et redécouvre la vérité quand il en fait l’expérience en lui-même comme fidélité et fiabilité de celui qui l’aime. C’est seulement cela qui libère l’homme : « La vérité vous rendra libres » (Jn 8,32).

Libération du mensonge et recherche de la relation: voici les deux ingrédients qui ne peuvent pas manquer pour que nos paroles et nos gestes soient vrais, authentiques, fiables. Pour discerner la vérité, il est nécessaire d’examiner ce qui favorise la communion et promeut le bien et ce qui, au contraire, tend à isoler, diviser et opposer. La vérité, par conséquent, ne s’acquiert pas vraiment quand elle est imposée comme quelque chose d’extrinsèque et d’impersonnel; elle découle au contraire de relations libres entre les personnes, de l’écoute réciproque. En outre, on ne cesse jamais de chercher la vérité, parce que quelque chose de faux peut toujours s’insinuer, même en disant des choses vraies. Un argument impeccable peut en fait reposer sur des faits indéniables, mais s’il est utilisé pour blesser quelqu’un et pour le discréditer aux yeux des autres, aussi juste qu’il apparaisse, il n’est pas habité par la vérité. A partir des fruits, nous pouvons distinguer la vérité des énoncés: s’ils suscitent la controverse, fomentent les divisions, insufflent la résignation ou si, au contraire, ils conduisent à une réflexion consciente et mûre, au dialogue constructif, à une dynamique fructueuse.

4. La paix est la vraie nouvelle

Le meilleur antidote contre les faussetés, ce ne sont pas les stratégies, mais les personnes : des personnes qui, libres de l’avidité, sont prêtes à l’écoute et à travers l’effort d’un dialogue sincère laissent émerger la vérité ; des personnes qui, attirées par le bien, se sentent responsables dans l’utilisation du langage. Si la façon de sortir de la propagation de la désinformation est la responsabilité, cela concerne particulièrement celui qui est responsable par devoir d’informer, c’est- à-dire le journaliste, gardien des nouvelles. Celui-ci, dans le monde contemporain, n’exerce pas seulement un métier, mais une véritable mission. Il a la tâche, dans la frénésie des nouvelles et dans le tourbillon des scoop, de rappeler qu’au centre des informations ce n’est pas la rapidité dans la transmission et l’impact sur l’audience, mais ce sont les personnes. Informer c’est former, c’est avoir affaire avec la vie des personnes. C’est pourquoi, l’exactitude des sources et le soin de la communication sont de véritables processus de développement du bien, qui génèrent la confiance et ouvrent des voies de communion et de paix.

Je voudrais donc adresser une invitation à promouvoir un journalisme de paix, n’ayant toutefois pas l’intention avec cette expression d’évoquer un journalisme «débonnaire» qui nie l’existence de graves problèmes et assume des tonalités mielleuses. J’entends, au contraire, un journalisme sans duperies, hostile aux faussetés, aux slogans à effet et aux déclarations emphatiques; un journalisme fait par des personnes pour les personnes, et qui se comprenne comme un service à toutes les personnes, spécialement à celles-là – qui sont la majorité au monde – qui n’ont pas de voix; un journalisme qui ne brûle pas les nouvelles, mais qui s’engage dans la recherche des véritables causes des conflits, pour en favoriser la compréhension à partir des racines et le dépassement à travers la mise en route de processus vertueux; un journalisme engagé à indiquer des solutions alternatives à l’escalade de la clameur et de la violence verbale.

C’est pourquoi, nous inspirant d’une prière franciscaine, nous pourrions ainsi nous adresser à la Vérité en personne:
Seigneur, fais de nous des instruments de ta paix.
Fais-nous reconnaitre le mal qui s’insinue dans une communication qui ne crée pas la communion.
Rends-nous capables d’ôter le venin de nos jugements.
Aide-nous à parler des autres comme de frères et de sœurs.
Tu es fidèle et digne de confiance; fais que nos paroles soient des semences de bien pour le monde:
Là où il y a de la rumeur, que nous pratiquions l’écoute;
Là où il y a confusion, que nous inspirions l’harmonie;
Là où il y a ambiguïté, que nous apportions la clarté;
Là où il y a exclusion, que nous apportions le partage;
Là où il y a du sensationnalisme, que nous usions de la sobriété;
Là où il y a de la superficialité, que nous posions les vraies questions;
Là où il y a des préjugés, que nous suscitions la confiance;
Là où il y a agressivité, que nous apportions le respect;
Là où il y a la fausseté, que nous apportions la vérité.
Amen.
Du Vatican, le 24 janvier 2018, mémoire de Saint François de Sales
[00120-FR.01] [Texte original: Italien]

Message du pape François au « Forum économique mondial » 2018

CNS photo/Denis Balibouse Reuters

Vous trouverez ci-dessous le texte complet du Message du pape François au « Forum économique mondial » :

Au Professeur Klaus Schwab Président Exécutif du World Economic Forum

Avant tout, je voudrais vous remercier de votre aimable invitation à m’adresser à la réunion annuelle du World Economic Forum à Davos-Klosters à la fin de janvier sur le thème : « Maîtriser la quatrième révolution industrielle ». Je vous présente mes vœux cordiaux pour la fécondité de cette rencontre, qui cherche à encourager une continuelle responsabilité sociale et environnementale à travers un dialogue constructif de la part des gouvernements, des responsables d’affaires et responsables civils, aussi bien que des distingués représentants des secteurs politiques, financiers et culturels.

L’aurore de ladite « quatrième révolution industrielle » a été accompagnée par le sentiment croissant d’une inévitable et drastique réduction du nombre de postes de travail. Les dernières études conduites par l’International Labour Organization montrent que le chômage actuel touche des centaines de millions de personnes. La financiarisation et la technologisation des économies, globales et nationales, ont produit un profond changement dans le domaine du travail. La diminution des possibilités d’avoir un emploi utile et digne, associée à la réduction de la protection sociale, a provoqué une augmentation inquiétante des inégalités et de la pauvreté dans différents pays. Il y a clairement besoin de créer de nouveaux modèles de faire des affaires qui, tout en promouvant le développement des technologies avancées, soient aussi capables de les utiliser pour créer du travail digne pour tous, pour maintenir et renforcer les droits sociaux, et pour protéger l’environnement. L’homme doit guider le développement technologique, sans se laisser dominer par lui !

Je lance un appel à vous tous une fois de plus : « N’oubliez pas les pauvres ! » C’est le premier défi qui se trouve devant vous en tant que responsables dans le monde des affaires. « Celui qui a les moyens d’une vie décente, au lieu d’être préoccupé par les privilèges, doit chercher à aider les plus pauvres à accéder eux aussi à des conditions respectueuses de la dignité humaine, notamment à travers le développement de leur potentiel humain, culturel, économique et social» (Rencontre avec les Autorités et le Corps diplomatique, Bangui, 29 novembre 2015).

Nous ne devons jamais permettre que « la culture du bien être nous anesthésie », au point de nous rendre incapables « d’éprouver de la compassion devant le cri de douleur des autres ; nous ne pleurons plus devant le drame des autres, leur prêter attention ne nous intéresse pas, comme si tout nous était une responsabilité étrangère qui n’est pas de notre ressort » (Evangelii gaudium, n. 54).

Pleurer devant le drame des autres ne veut pas dire seulement partager leurs souffrances, mais aussi et surtout réaliser que nos propres actions sont cause d’injustice et d’inégalité. « Ouvrons nos yeux pour voir les misères du monde, les blessures de tant de frères et sœurs privés de dignité, et sentons-nous appelés à entendre leur cri qui appelle à l’aide. Que nos mains serrent leurs mains et les attirent vers nous afin qu’ils sentent la chaleur de notre présence, de l’amitié et de la fraternité. Que leur cri devienne le nôtre et qu’ensemble, nous puissions briser la barrière d’indifférence qui règne souvent en souveraine pour cacher l’hypocrisie et l’égoïsme » (Bulle d’indiction du Jubilé Extraordinaire de la Miséricorde, Misericordia Vultus, n.15).

Quand on réalise cela, on devient plus pleinement humain, puisque la responsabilité envers nos frères et sœurs est une part essentielle de notre commune humanité. N’ayez pas peur d’ouvrir vos esprits et vos cœurs aux pauvres. De cette manière, vous donnerez libre cours à vos talents économiques et techniques, et découvrirez la joie d’une vie pleine, que le consumérisme ne peut de lui- même apporter.

Face aux profonds changements actuels, les responsables mondiaux ont le défi de garantir que la prochaine « quatrième révolution industrielle », le résultat des innovations robotiques, scientifiques et technologiques, ne conduisent pas à la destruction de la personne humaine – pour être remplacée par une machine sans cœur – ou à la transformation de notre planète en un jardin vide pour le plaisir de quelques élus.

Au contraire, le moment présent offre une précieuse occasion de guider et de gouverner le processus actuellement en cours, et de construire des sociétés inclusives basées sur le respect de la dignité humaine, la tolérance, la compassion et la miséricorde. Je vous presse donc de reprendre votre conversation sur la manière de construire l’avenir de la planète, « notre maison commune », et je vous demande de faire un effort uni pour rechercher un développement durable et intégral.

Comme je l’ai souvent dit, et je le répète maintenant volontiers, les affaires sont « une noble vocation, orientée à produire de la richesse et à améliorer le monde pour tous », surtout « si on comprend que la création de postes de travail est une partie incontournable de son service du bien commun » (Laudato si’, n. 129). Ainsi, elles ont une responsabilité pour aider à surmonter la crise complexe de la société et de l’environnement, et pour combattre la pauvreté. Cela permettra d’améliorer les conditions de vie précaires de millions de gens et comblera le fossé social qui provoque de nombreuses injustices et ronge les valeurs fondamentales de la société, comme l’égalité, la justice et la solidarité.

De cette manière, par le moyen privilégié du dialogue, le World Economic Forum peut devenir une plateforme pour la défense et la protection de la création, pour la réussite d’un « progrès plus sain, plus humain, plus social, plus intégral » (Laudato si’, n. 112), dans le respect aussi des objectifs environnementaux, et le besoin de maximiser les efforts pour éradiquer la pauvreté, tel que cela a été défini dans l’Agenda 2030 pour le Développement Durable et dans le Paris Agreement under the United Nations Framework Convention on Climate Change.

Monsieur le Président, renouvelant mes bons vœux pour le succès de la prochaine réunion de Davos, j’invoque sur vous et sur tous ceux qui participent au Forum, ainsi que sur vos familles, d’abondantes bénédictions divines.

Du Vatican, le 30 décembre 2015

FRANCISCUS

[00077-FR.01] [Texte original: Français]

Messe pour les vocations sacerdotales de l’Archidiocèse de Montréal sur S+L

EN EXCLUSIVITÉ sur les ondes de Sel et Lumière, voyez la télé diffusion de la Messe pour les vocations sacerdotales de l’Archidiocèse de Montréal le vendredi 26 janvier prochain à 19h30. Cette Messe célébrée à la magnifique chapelle du Grand Séminaire de Montréal sera présidée par S.Exc. Mgr Christian Lépine, archevêque de Montréal.

Vous trouverez au lien ci-dessous le feuillet de cette célébration:

26-janvier-2018-Feuillet-Messe-vocationnelle-projet-3-avec-chants.

Homélie du pape François lors de la Messe à Las Palmas

Au terme de son 22e voyage apostolique au Chili et au Pérou, le pape François a célébré une dernière Messe sur la base aérienne Las Palmas à Lima au Pérou. Voici le texte complet de son homélie:

«Lève-toi, va à Ninive, la grande ville païenne, proclame le message que je te donne sur elle» (Jon 3, 2). C’est par ces mots que le Seigneur s’adressait à Jonas pour l’envoyer vers cette grande ville qui était sur le point d’être détruite à cause de tout le mal qu’elle faisait. Nous voyons aussi Jésus dans l’Évangile en route vers la Galilée pour prêcher sa Bonne nouvelle (cf. Mc 1, 14). Ces deux lectures nous révèlent Dieu en mouvement vers les villes d’hier et d’aujourd’hui. Le Seigneur se met en marche. Il va à Ninive, en Galilée… à Lima, à Trujillo, à Puerto Maldonado… voilà le Seigneur qui vient. Il se déplace pour entrer dans notre histoire personnelle, concrète. Nous l’avons récemment célébré : il est l’Emmanuel, le Dieu qui veut être toujours avec nous. Oui, ici à Lima, ou là où tu vis, dans la vie quotidienne du travail routinier, dans l’éducation des enfants avec espérance, dans tes aspirations et tes soucis ; dans l’intimité du foyer et dans le bruit assourdissant de nos rues. C’est là, sur les chemins poussiéreux de l’histoire que le Seigneur vient à ta rencontre.

Parfois il peut nous arriver la même chose qu’à Jonas. Nos villes, dans les situations de souffrance et d’injustice qui se répètent au quotidien, peuvent créer en nous la tentation de fuir, de nous cacher, de nous échapper. Et les raisons ne manquent pas, ni à Jonas, ni à nous. En regardant la ville nous pourrions commencer à constater qu’ « il y a des citadins qui obtiennent des moyens adéquats pour le développement de leur vie personnelle et familiale – et cela nous réjouit -, mais il y a un très grand nombre de “non citadins”, des “citadins à moitié” ou des “restes urbains” »[1] qui gisent au bord de nos chemins, qui vont vivre dans les périphéries de nos villes sans les conditions nécessaires pour mener une vie digne; et il est douloureux de constater que, très souvent, parmi ces “restes urbains” on distingue des visages de beaucoup d’enfants et d’adolescents. On distingue le visage de l’avenir.

Et en voyant ces choses dans nos villes, dans nos quartiers – qui pourraient être des lieux de rencontre et de solidarité, de joie – il finit par se produire ce que nous pouvons appeler le syndrome de Jonas: un lieu de fuite et de méfiance (cf. Jon 1, 3). Un lieu de l’indifférence, qui nous transforme en des personnes anonymes et sourdes vis-à-vis des autres, qui nous font devenir des êtres impersonnels au cœur insensible ; et par cette attitude nous blessons l’âme du peuple. Comme nous le disait Benoît XVI, « la mesure de l’humanité se détermine essentiellement dans son rapport à la souffrance et à celui qui soufre […] Une société qui ne réussit pas à accepter les souffrants et qui n’est pas capable de contribuer, par la compassion, à faire en sorte que la souffrance soit partagée et portée aussi intérieurement est une société cruelle et inhumaine » [2]. Quand Jean a été arrêté, Jésus s’est dirigé vers la Galilée pour proclamer l’Evangile de Dieu. A la différence de Jonas, Jésus, face à un événement douloureux et injuste comme le fut l’arrestation de Jean, entre dans la ville, il entre en Galilée et commence, à partir de ce petit village à semer ce qui sera le début de la plus grande espérance : le Royaume de Dieu est proche, Dieu est au milieu de nous. Et l’Évangile lui-même nous montre la joie et l’effet en chaîne que cela produit: cela a commencé avec Simon et André, puis Jacques et Jean (cf. Mc 1, 14-20). Et, depuis lors, en passant par sainte Rose de Lima, saint Torobio, saint Martin de Porres, saint Jean Macias, saint François Solano, l’Évangile est parvenu jusqu’à nous, annoncé par cette nuée de témoins qui y ont cru. Il est parvenu jusqu’à nous pour être de nouveau un antidote renouvelé contre la globalisation de l’indifférence. Car, face à cet Amour, on ne peut rester indifférent.

Jésus a invité ses disciples à vivre aujourd’hui ce qui a saveur d’éternité: l’amour de Dieu et du prochain; et il le fait de la seule manière dont il peut le faire, à la manière divine: en suscitant la tendresse et l’amour miséricordieux, suscitant la compassion et en ouvrant leurs yeux pour qu’ils apprennent à voir la réalité à la manière divine. Il les invite à créer de nouveaux liens, de nouvelles alliances porteuses d’éternité.

Jésus parcourt la ville avec ses disciples et il commence à regarder, à écouter, à prêter attention à ceux qui ont succombé sous le manteau de l’indifférence, lapidés à cause du grave péché de la corruption. Il commence à dévoiler beaucoup de situations qui asphyxient l’espérance de son peuple, suscitant une nouvelle espérance. Il appelle ses disciples et les invite à le suivre, il les invite à parcourir la ville, mais il change la cadence de leur pas, il leur apprend à voir ce qui jusqu’alors leur échappait, il leur montre de nouvelles urgences. Convertissez-vous, leur dit-il, le Royaume des Cieux consiste à rencontrer, en Jésus, Dieu qui s’unit vitalement à son peuple, qui s’implique et invite d’autres à ne pas avoir peur de faire de cette histoire une histoire de salut (cf. Mc 1, 15.21ss) Jésus continue à marcher dans nos rues, il continue comme hier à frapper aux portes, à frapper aux cœurs pour rallumer l’espérance et les aspirations : que l’avilissement soit surmonté grâce à la fraternité, l’injustice vaincue par la solidarité et la violence réduite au silence par les armes de la paix. Jésus continue à inviter et il veut nous oindre de son Esprit pour que nous aussi sortions pour oindre de cette onction capable de guérir l’espérance blessée et de renouveler notre regard.

Jésus continue à marcher et il réveille l’espérance qui nous libère des connexions vides et des analyses impersonnelles et il nous invite à nous impliquer comme un ferment là où nous sommes, là où il nous revient de vivre, dans ce petit coin de chaque jour. Le Royaume des Cieux est au milieu de vous – nous dit-il – il est là où nous sommes disposés à avoir un peu de tendresse et de compassion, où nous n’avons pas peur de faire en sorte que les aveugles voient, les paralytiques marchent, les lépreux soient purifiés et que les sourds entendent (cf. Lc 7, 22), et qu’ainsi tous ceux que nous estimions perdus jouissent de la Résurrection. Dieu ne se lasse pas ni ne se lassera jamais de marcher pour rejoindre ses enfants. Comment allumerons-nous l’espérance des prophètes manquent ? Comment ferons-nous face à l’avenir s’il nous manque l’unité ? Comment Jésus parviendra-t-il à tant de lieux reculés si des témoins courageux et audacieux manquent ?

Aujourd’hui le Seigneur t’invite à parcourir la ville avec lui, ta ville. Il t’invite à être son disciple missionnaire, et à faire ainsi partie de ce grand chuchotement qui veut continuer à résonner dans les divers recoins de notre vie : Réjouis-toi, le Seigneur est avec toi!

Réflexion du pape François lors de l’Angélus à Lima, Pérou

Le dimanche 21 janvier 2018, du balcon de la résidence de l’archevêque de Lima, sur la Place d’Armes, le Saint Père a célébré la prière de l’Angélus. Il a de plus livré une réflexion adressée, en particulier, aux jeunes. Voici le texte complet de son allocution :

Dieu notre Père, qui par Jésus-Christ a institué ton Église sur le roc des Apôtres, pour que, guidée par l’Esprit Saint, elle soit dans le monde signe et instrument de ton amour et de ta miséricorde, nous te rendons grâce pour les bienfaits que tu as accomplis dans notre Église à Lima.

Nous Te remercions en particulier pour la sainteté qui a fleuri sur notre terre. Notre Église archidiocésaine, fécondée par le travail apostolique de saint Turibio de Mogrovejo; renforcée par la prière, la pénitence et la charité de sainte Rose de Lima et de saint Martin de Porrès; embellie par le zèle missionnaire de saint François Solano et par l’humble service de saint Jean Macias; bénie par le témoignage de vie chrétienne d’autres frères fidèles à l’Évangile, Te remercie pour ton action dans notre histoire et Te demande la fidélité à l’héritage reçu.

Aide-nous à être une Église en sortie, en nous faisant proches de tous, en particulier des moins favorisés; apprends-nous à être des disciples-missionnaires de Jésus-Christ, le Seigneur des Prodiges, en vivant de l’amour, en recherchant l’unité, et en pratiquant la miséricorde, pour que, protégés par l’intercession de Notre-Dame de l’Évangélisation, nous vivions et annoncions au monde la joie de l’Évangile.

Chers jeunes, je suis heureux de pouvoir me retrouver avec vous. Ces rencontres sont pour moi très importantes, et plus encore cette année où nous nous préparons pour le Synode sur les jeunes. Vos visages, vos recherches, vos vies sont importantes pour l’Eglise et nous devons vous donner l’importance que vous méritez et avoir le courage qu’ont eu beaucoup de jeunes de cette terre qui n’ont pas eu peur d’aimer et de miser sur Jésus.

Chers amis, que d’exemples vous avez! Je pense à saint Martin de Porres. Rien n’a empêché ce jeune d’accomplir ses rêves, rien ne l’a empêché de dépenser sa vie pour les autres, rien ne l’a empêché d’aimer; et il l’a fait parce qu’il avait fait l’expérience que le Seigneur l’avait aimé en premier. Tel qu’il était: métis, et devant faire face à de nombreuses privations. Au regard des hommes, de ses amis, il semblait avoir tout à “perdre”, mais il a su faire une chose qui serait le secret de sa vie: faire confiance. Il a fait confiance au Seigneur qui l’aimait. Savez-vous pourquoi? Parce que le Seigneur lui avait d’abord fait confiance; comme il fait confiance à chacun d’entre vous et ne se lassera jamais de le faire.

Vous pourriez me dire: mais il y a des fois où cela devient très difficile. Je vous comprends. Dans ces moments-là des pensées négatives peuvent venir; sentir qu’il y a beaucoup de choses qui nous tombent dessus, que nous allons être ‘‘exclus du mondial’’. Il semblerait qu’on est en train de l’emporter sur nous. Mais ce n’est pas comme ça, pas vrai?

Il y a des moments où vous pouvez sentir que vous êtes sans possibilité de réaliser le désir de votre vie, vos rêves. Nous sommes tous passés par de telles situations. Chers amis, dans ces moments où il semble que la foi s’éteint, n’oubliez pas que Jésus est à vos côtés. Ne vous avouez pas vaincus, ne perdez pas espérance! N’oubliez pas les saints qui, du ciel, nos accompagnent ; allez à eux, priez et ne vous lassez pas de demander leur intercession. Ces saints d’hier, mais aussi d’aujourd’hui : cette terre en a beaucoup, parce que c’est une terre “sanctifiée”. Cherchez l’aide, le conseil de personnes dont vous savez qu’elles sont bonnes pour donner des conseils parce que leurs visages débordent de joie et de paix. Faites-vous accompagner par elles pour parcourir ainsi le chemin de la vie.

Jésus veut vous voir en mouvement ; il veut te voir poursuivre tes idéaux, et décidé à suivre ses instructions. Il vous conduira sur le chemin des béatitudes, un chemin en rien facile mais passionnant, un chemin qu’on ne peut parcourir seul, mais en équipe, où chacun peut collaborer avec le meilleur de lui-même. Jésus compte sur toi, comme il l’a fait il y a longtemps avec sainte Rose de Lima, saint Toribio, saint Juan Macias, saint Francisco Solano et tant d’autres. Aujourd’hui il te demande, comme à eux, si tu es-tu disposé à le suivre. Es-tu disposé à le suivre? À te laisser pousser par son Esprit pour rendre présent son Royaume de justice et d’amour?

Chers amis, le Seigneur vous regarde avec espérance, il ne désespère jamais de nous. Nous, peut-être, nous pouvons désespérer de nous-mêmes et des autres.

Je sais qu’il est très beau de regarder les photos retouchées numériquement, mais cela ne sert que pour les photos, nous ne pouvons pas faire le “photoshop” aux autres, à la réalité ni à nous- mêmes. Les filtres de couleurs et la haute définition ne marchent que pour les vidéos, mais nous ne pouvons jamais les appliquer aux amis. Il y a des photos qui sont très belles, mais elles sont complètement truquées; et laissez-moi vous dire que le cœur ne peut pas se “photoshoper”, parce que c’est là que se joue l’amour véritable, c’est là que se joue le bonheur.

Jésus ne veut pas que tu te “maquilles” le cœur ; il t’aime comme tu es et il a un rêve à réaliser avec chacun de vous. N’oubliez pas, il ne désespère pas de nous. Et si vous désespérez, je vous invite à prendre la Bible et à vous rappeler les amis que Dieu s’est choisis.

Moïse était bègue; Abraham, un vieillard; Jérémie, très jeune; Zachée, de petite taille; les disciples, quand Jésus leur demandait de prier, s’endormaient; Paul, un persécuteur des chrétiens; Pierre, il l’a renié… Et nous pourrions ainsi allonger la liste. Quelle excuse pourrions-nous avoir ?

Quand Jésus nous regarde, il ne considère pas combien nous sommes parfaits, mais à tout l’amour que nous avons dans le cœur à offrir et pour servir les autres. Pour lui, c’est cela qui est important, et il va toujours insister sur la même chose – il ne regarde pas ta taille, si tu parles bien ou mal, si tu dors en priant, si tu es trop jeune ou vieux. La seule question, c’est: Veux-tu me suivre et être mon disciple ? – Ne dépense pas pour maquiller ton cœur, remplis ta vie de l’Esprit!

Il attend sans se lasser pour nous donner son Esprit qui est l’Amour que Dieu veut répandre en nos cœurs afin de faire de nous ses disciples missionnaires.

En suivant Jésus, on ne peut jamais, mais jamais, être rejeté. Même si tu commets des erreurs; toujours le Seigneur nous offre une nouvelle chance pour marcher de nouveau avec lui.

Chers jeunes, dans ma prière, je vous mets dans les mains de la Vierge. Soyez certains qu’elle vous accompagnera à chaque instant de votre vie, à toutes les croisées de vos chemins, spécialement quand vous aurez à prendre des décisions importantes; elle sera là comme une bonne Mère, vous encourageant, vous soutenant afin que vous ne perdiez pas courage. Et si tu te décourages pour ces raisons, ne t’en fais pas, elle le dira à Jésus. Seulement, ne cesse pas de prier, ne cesse pas de demander, ne cesse pas de faire confiance à sa maternelle protection.

Discours du pape François aux religieuses de vie contemplative à Lima, Pérou

Le dimanche 21 janvier, le Saint Père s’est rendu au Sanctuaire du Seigneur des Miracles, à Lima au Pérou, où il a rencontré des religieuses de vie contemplative. Vous trouverez ci-dessous le discours qu’il leur a adressé.

Chères sœurs de divers monastères de vie contemplative:

Qu’il est bon d’être ici, dans ce Sanctuaire du Seigneur des Miracles, si fréquenté par les Péruviens, pour lui demander sa grâce et pour qu’il nous montre sa proximité et sa miséricorde! C’est lui “la lumière qui nous guide, qui nous éclaire de son amour divin”. En vous voyant ici, j’ai l’impression que vous avez profité de la visite pour vous promener un peu. Merci, Mère Soledad, pour vos paroles de bienvenue, et merci à vous toutes qui “dans le silence du cloître marchez toujours à mes côtés”.

Nous avons entendu les paroles de saint Paul, en nous rappelant que nous avons reçu l’esprit d’adoption filiale qui fait de nous des enfants de Dieu (cf. Rm 8, 15-16). En ces quelques mots se trouve condensée la richesse de toute la vocation chrétienne : la joie de nous savoir des fils. C’est l’expérience qui soutient nos vies, qui voudrait toujours être une réponse reconnaissante à cet amour. Qu’il est important de renouveler jour après jour cette joie!

Un chemin privilégié qui vous permet de renouveler cette certitude, c’est la vie de prière, communautaire et personnelle. Elle est le noyau de votre vie contemplative, et c’est la façon de cultiver l’expérience d’amour qui soutient notre foi; et comme nous le disait si bien Mère Soledad, c’est une prière qui est toujours missionnaire.

La prière missionnaire est celle qui parvient à unir les frères dans les diverses circonstances où ils se rencontrent et à demander que ne leur manquent pas l’amour et l’espérance. Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus le disait ainsi: «Je compris que l’Amour seul faisait agir les membres de l’Eglise, que si l’Amour venait à s’éteindre, les Apôtres n’annonceraient plus l’Evangile, les Martyrs refuseraient de verser leur sang… Je compris que l’Amour renfermait toutes les vocations, que l’Amour était tout, qu’il embrassait tous les temps et tous les lieux… en un mot, qu’il est éternel!… Dans le cœur de l’Eglise, ma Mère, je serai l’Amour» [1]. Etre l’amour! C’est savoir être sensible à la souffrance de tant de frères et dire avec le psalmiste: « Dans mon angoisse j’ai crié vers le Seigneur, il m’a exaucé, mis au large» (Ps 117, 5). C’est de cette manière que votre vie en clôture arrive à avoir une portée missionnaire et universelle ainsi qu’«un rôle fondamental dans la vie de l’Eglise. Vous priez et intercédez pour beaucoup de frères et sœurs qui sont en prison, migrants, réfugiés et persécutés, pour tant de familles blessées, les personnes sans travail, les pauvres, les malades, les victimes des dépendances, pour ne citer que quelques-unes des situations qui sont chaque jour plus pressantes. Vous êtes comme ces personnes qui portèrent un paralytique devant le Seigneur pour qu’il le guérisse (cf. Mc 2, 1-12). Par la prière, jour et nuit, vous amenez au Seigneur la vie de beaucoup de frères et sœurs qui, pour diverses raisons, ne peuvent le rejoindre pour faire l’expérience de sa miséricorde qui soigne, alors que Lui les attend pour leur faire grâce. Avec votre prière, vous pouvez guérir les plaies de beaucoup de frères » [2]. Pour cela même, nous pouvons affirmer que la vie de clôture n’enferme ni ne rétrécit le cœur, mais elle l’élargit par la relation avec le Seigneur et qu’elle le rend capable de sentir d’une nouvelle manière la douleur, la souffrance, la frustration, le malheur de tant de frères qui sont victimes de cette “culture du déchet” de notre époque. Que l’intercession pour ceux qui sont dans le besoin soit la caractéristique de votre prière. Et, quand c’est possible, aidez-les, non seulement par la prière mais aussi par le service concret.

La prière de demande qui se fait dans vos monastères rejoint le cœur de Jésus qui implore le Père pour que tous nous soyons un, afin que le monde croie (cf. Jn 17, 21). Combien nous avons besoin d’unité dans l’Eglise! Aujourd’hui et toujours! Unis dans la foi. Unis par l’espérance. Unis par la charité. Dans cette unité qui jaillit de la communion avec le Christ qui nous unit au Père dans l’Esprit et, dans l’Eucharistie, nous unit les uns aux autres dans ce grand mystère qu’est l’Eglise. Je vous demande, s’il vous plaît, de prier beaucoup pour l’unité de cette Eglise péruvienne bien-aimée. Œuvrez à la vie fraternelle, faisant en sorte que chaque monastère soit une lampe qui éclaire au milieu de la désunion et de la division. Aidez à prophétiser que c’est possible. Que tous ceux qui s’approchent de vous puissent goûter par avance la béatitude de la charité fraternelle, si caractéristique de la vie consacrée et si nécessaire au monde d’aujourd’hui et à nos communautés. Quand la vocation est vécue en fidélité, la vie devient une annonce de l’amour de Dieu. Je vous demande de ne pas cesser de donner ce témoignage. En cette église des Carmélites Nazaréennes Déchaussées, je me permets de rappeler les paroles de la Maîtresse spirituelle, sainte Thérèse de Jésus: « Si elles perdent le guide qui est le bon Jésus, elles n’en trouverons point le chemin; […] Le même Seigneur qui a dit qu’il est la voie a dit aussi qu’il est lumière et que personne ne peut aller à son Père si ce n’est par lui»[3]. Chères sœurs, l’Eglise a besoin de vous. Soyez des lampes par votre vie fidèle et indiquez Celui qui est chemin, vérité et vie, l’unique Seigneur qui donne la plénitude à notre existence et la vie en abondance [4].

Priez pour l’Eglise, pour les pasteurs, pour les personnes consacrées, pour les familles, pour ceux qui souffrent, pour ceux qui font du mal, pour ceux qui exploitent leurs frères. Et n’oubliez pas, s’il vous plaît, de prier pour moi.

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