Cette semaine à Église en sortie, on discute de la Terre Sainte en compagnie de monsieur Carl Hétu, Directeur national de l’Association catholique d’aide à l’Orient (CNEWA). On vous présente un reportage sur les nouveautés au Sanctuaire Sainte-Anne de Beaupré. Et Francis Denis s’entretient avec Mgr Lionel Gendron, p.s.s., évêque de Saint-Jean-Longueuil et président de la Conférence des évêques catholiques du Canada sur son plus récent pèlerinage en Terre Sainte et sur les relations avec les peuples autochtones.
Non à l’instrumentalisation partisane de l’excuse
Mardi dernier était publiée une lettre du président de la Conférence des évêques catholiques du Canada adressée aux peuples autochtones. Alors que cette lettre réitérait la sollicitude de la CECC ainsi que son engagement à travailler à « un avenir où les injustices systémiques seront corrigées, où nous apprendrons tous de nouvelles façons de vivre ensemble qui sauront honorer et respecter les Premiers Peuples de notre pays », l’attention fut néanmoins portée sur le soi-disant « refus du pape à s’excuser ».
En effet, pour de nombreux acteurs de la société civile et politique, l’appel à l’action no 58 de la Commission Vérité et Réconciliation demandant « au pape de présenter, au nom de l’Église catholique romaine, des excuses… »* était très attendu. En effet, le Premier Ministre Justin Trudeau en avait lui-même discuté avec le Saint-Père lors de sa plus récente visite au Vatican. Désormais habitué à la politique de l’excuse, il était à prévoir que ce « refus » du Pape à « répondre personnellement » à cette demande allait causer une petite commotion politique et médiatique.
Dans une entrevue accordée à CBC, le père Thomas Rosica c.s.b. a tenu à expliquer cette décision du pape François. Pour l’ancien assistant de langue anglaise de la Salle de Presse du Vatican, cette demande de Justin Trudeau « ne prend pas en considération la nature même de l’Église catholique ». De fait, contrairement au fédéralisme centralisateur des Trudeau père et fils, la structure hiérarchique de l’Église est fondamentalement synodale. Cela implique la pleine responsabilité d’une église particulière à l’évêque du lieu ou, dans les cas qui les concernent, à un (e) Supérieur (e) de communauté religieuse (qui sont régis différemment). Dans ce cas-ci, les autorités compétentes se sont excusées à plusieurs reprises. Ainsi, puisque la responsabilité des graves injustices vécues dans les pensionnats fédéraux et gérés par des communautés religieuses n’étaient pas sous la responsabilité des Papes de l’époque, des excuses du pape François s’avèreraient infondées puisqu’ayant personnellement rien à se reprocher.
Un deuxième point soulevé est celui du jeu politique sous-jacent à la requête de Justin Trudeau. Le pape François, comme tout Souverain Pontife, jouit d’une totale liberté politique et morale. Essayer de le forcer à faire quoi que ce soit n’est pas une bonne tactique lors des pourparlers avec l’Église. Les Papes ayant déjà fait leur « mea culpa » par le passé, rien ne laisse donc croire à un geste d’orgueil ou de mauvaise volonté. C’est plutôt du côté de la dissolution actuelle du sens de l’excuse que nous devons chercher. En effet, selon le père Rosica c.s.b. « nous vivons dans une époque où l’excuse est devenue jetable (cheap). Or, pour l’Église, le plus important est le travail concret pour la réconciliation. Ce qui n’est pas toujours le cas lorsque l’on se paye de mot en disant « je m’excuse ». Enfin, pour le père Rosica c.s.b, plusieurs autochtones et personnes directement concernées sont même « frustrés des manœuvres politiques instrumentalisant les excuses » à des fins partisanes plutôt qu’en faveur de la réconciliation. En ce sens, il est évident que l’Église catholique au Canada est l’une des institutions les plus impliquées sur les terrains auprès des communautés autochtones.
En ce qui a trait à un éventuel voyage du pape François au Canada, cette possibilité est toujours envisageable à moyen terme. Soulignant le fait « qu’aucun gouvernement ne dicte l’agenda d’un Pape lors de ses voyages apostolique », le père Rosica a ajouté que les autochtones sont une priorité pour le pape François. Sollicitude qui s’est manifestée à plusieurs reprises et, encore récemment, lors de son voyage en Bolivie où il a pu rencontrer les peuples autochtones d’Amazonie.
Cela ne fait aucun doute, ce refus de répondre par l’affirmative à l’appel à l’action numéro 58 ne doit pas nous faire conclure à un manque de proximité du pape François avec les peuples autochtones du monde entier. Cette décision communiquée par la lettre du président de la CECC doit plutôt manifester l’entière liberté d’un Pape qui, refusant la récupération politique, est pleinement engagé aux dialogues ainsi qu’à une véritable réconciliation. Cet esprit de réconciliation est pleinement incarné par les évêques du Canada pour qui les peuples autochtones font partie des plus hautes priorités. Pour en apprendre davantage sur la question, vous pourrez écouter mon entrevue exclusive avec Mgr Lionel Gendron à Église en sortie vendredi le 6 avril prochain à 19h30.
Document final de la réunion presynodale des jeunes (traduction non-officielle)
Homélie du pape François pour le Dimanche des rameaux 2018
Jésus entre à Jérusalem. La liturgie nous a invités à intervenir et à participer à la joie ainsi qu’à la fête du peuple qui est capable de crier et de louer son Seigneur ; une joie qui se ternit et laisse un goût amer et douloureux lorsqu’on a fini d’écouter le récit de la Passion. Dans cette célébration semblent s’entrecroiser des histoires de joie et de souffrance, d’erreurs et de succès qui font partie de notre vie quotidienne de disciples, car elles parviennent à mettre à nu des sentiments et des contradictions que nous aussi nous éprouvons souvent aujourd’hui, hommes et femmes de ce temps : capables de beaucoup aimer… mais aussi de haïr – et beaucoup – ; capables de courageux sacrifices, mais aussi capables de savoir ‘‘se laver les mains’’ au moment opportun ; capables de fidélité mais aussi de grands abandons et de grandes trahisons.Et on voit clairement dans tout le récit évangélique que la joie suscitée par Jésus est, pour certains, un motif de gêne et d’agacement.
Entouré de ses gens, Jésus entre dans la ville, parmi les chants et les cris bruyants. Nous pouvons imaginer que c’est la voix du fils pardonné, celle du lépreux guéri ou le bêlement de la brebis égarée qui, tous ensemble, résonnent fortement lors de cette entrée. C’est le chant du publicain et de l’homme impur ; c’est le cri de celui qui vivait en marge de la ville. C’est le cri des hommes et des femmes qui l’ont suivi parce qu’ils ont fait l’expérience de sa compassion face à leur douleur et à leur misère… C’est le chant et la joie spontanés de tant de personnes marginalisées qui, touchées par Jésus, peuvent crier : “Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur !”. Comment ne pas acclamer celui qui leur avait redonné la dignité et l’espérance ? C’est la joie de tant de pécheurs pardonnés qui ont retrouvé confiance et espérance. Et ils crient. Ils se réjouissent. C’est la joie ! Cette joie de l’hosanna se révèle gênante et devient absurde et scandaleuse pour ceux qui se considèrent justes et ‘‘fidèles’’ à la loi et aux préceptes rituels.[1] Joie insupportable pour ceux qui sont restés insensibles à la douleur, à la souffrance et à la misère. Et beaucoup d’entre ceux-ci pensent : ‘‘Regarde, quel peuple mal éduqué !’’. Joie intolérable pour ceux qui ont perdu la mémoire et oublié les nombreuses faveurs reçues. Pour celui qui cherche à se justifier lui-même et à s’installer, comme il est difficile de comprendre la joie et la fête de la miséricorde de Dieu ! Pour ceux qui ne mettent leur confiance qu’en leurs propres forces et qui se sentent supérieurs aux autres[2], comme il est difficile de pouvoir partager cette joie !
Et c’est ainsi que naît le cri de celui dont la voix ne tremble pas pour hurler : ‘‘Crucifie-le !’’ Il ne s’agit pas d’un cri spontané, mais c’est le cri artificiel, construit, fait du mépris, de la calomnie, de faux témoignages suscités. C’est le cri qui naît dans le passage du fait au compte-rendu, qui naît dans le compte-rendu. C’est la voix de celui qui manipule la réalité, crée une version à son avantage et ne se pose aucun problème pour ‘‘coincer” les autres afin de s’en sortir. C’est un [faux] compte- rendu ! C’est le cri de celui qui n’a pas de scrupules à chercher les moyens de se renforcer et à faire taire les voix dissonantes. C’est le cri qui naît de la réalité ‘‘truquée’’ et présentée de telle sorte qu’elle finit par défigurer le visage de Jésus et le transformer en ‘‘malfaiteur’’. C’est la voix de celui qui veut défendre sa propre position en discréditant spécialement celui qui ne peut pas se défendre. C’est le cri, fabriqué par les ‘‘intrigues’’ de l’autosuffisance, de l’orgueil et de l’arrogance, qui proclame sans problèmes : ‘‘Crucifie-le, crucifie-le !’’.
Et on finit ainsi par faire taire la fête du peuple, on détruit l’espérance, on tue les rêves, on supprime la joie ; on finit ainsi par blinder le cœur, on refroidit la charité. C’est le cri du ‘‘sauve-toi toi-même’’ qui veut endormir la solidarité, éteindre les idéaux, rendre le regard insensible… le cri qui veut effacer la compassion, ce ‘‘pâtir avec’’, la compassion, qui est la faiblesse de Dieu.
Face à toutes ces voix qui hurlent, le meilleur antidote, c’est de regarder la croix du Christ et de nous laisser interpeller par son dernier cri. Le Christ est mort en criant son amour pour chacun d’entre nous : pour les jeunes et pour les personnes âgées, pour les saints et les pécheurs, son amour pour ceux de son temps et pour ceux de notre temps. Nous avons été sauvés sur sa croix pour que personne n’éteigne la joie de l’Évangile ; pour que personne, dans la situation où il se trouve, ne reste éloigné du regard miséricordieux du Père. Regarder la croix signifie se laisser interpeller dans nos priorités, nos choix et nos actions. Cela signifie laisser notre sensibilité être interpelée par celui qui passe ou vit un moment difficile. Chers frères et sœurs, que voit notre cœur ? Jésus continue-t-il d’être un motif de joie et de louange dans notre cœur ou bien avons-nous honte de ses priorités pour les pécheurs, les derniers, ceux qui sont oubliés ?
Et vous, chers jeunes, la joie que Jésus suscite en vous est un motif de gêne et également d’agacement pour certains, parce qu’il est difficile de manipuler un jeune joyeux. Qu’il est difficile de manipuler un jeune joyeux !
Mais il y a aujourd’hui la possibilité d’un troisième cri : « Quelques pharisiens qui se trouvaient dans la foule dirent à Jésus : “Maître, réprimande tes disciples”. Mais il prit la parole en disant : “Je vous le dis, si eux se taisent, les pierres crieront” » (Lc 19, 39-40). Faire taire les jeunes est une tentation qui a toujours existé. Les mêmes pharisiens s’en prennent à Jésus et lui demandent de les calmer et de les faire taire.
Il y a de nombreuses manières de rendre les jeunes silencieux et invisibles. De nombreuses manières de les anesthésier et de les endormir pour qu’ils ne fassent pas de bruit, pour qu’ils ne s’interrogent pas et ne se remettent pas en question. ‘‘Vous, taisez-vous !’’ Il y a de nombreuses manières de les faire tenir tranquilles pour qu’ils ne s’impliquent pas et que leurs rêves perdent de la hauteur et deviennent des rêvasseries au ras du sol, mesquines, tristes.
En ce Dimanche des Rameaux, célébrant la Journée Mondiale de la Jeunesse, il nous est bon d’entendre la réponse de Jésus aux pharisiens d’hier et de tous les temps, également à ceux d’aujourd’hui : « Si eux se taisent, les pierres crieront » (Lc 19, 40).
Chers jeunes, c’est à vous de prendre la décision de crier, c’est à vous de vous décider pour l’Hosanna du dimanche, pour ne pas tomber dans le “crucifie-le !” du vendredi… et cela dépend de vous de ne pas rester silencieux. Si les autres se taisent, si nous, les aînés et les responsables – bien des fois corrompus – restons silencieux, si le monde se tait et perd la joie, je vous le demande : vous, est-ce que vous crierez ?
S’il vous plaît, décidez-vous avant que les pierres ne crient !
image: CNS
Église en sortie 23 mars 2018
Cette semaine à Église en sortie, on s’intéresse aux « Lettres biologiques » du Frère Marie-Victorin avec l’auteur et historien Yves Gingras. On vous présente un reportage sur le Forum jeunesse 2018 de l‘Assemblée des évêques catholiques du Québec. Dans la troisième partie de l’émission, Francis Denis s’entretient avec Ellen Roderick, co-directrice de l’Office pour le mariage, la vie et la famille de l’archidiocèse de Montréal, sur les « lettres biologiques » dans le contexte de l’enseignement de l’Église sur la sexualité.
Église en sortie 16 mars 2018
Cette semaine à Église en sortie, Francis Denis reçoit Delphine Collin-Vézina Ph.D, Directrice du Centre de recherche sur la famille et l’enfance de l’Université McGill sur le Centre pour la Protection des mineurs de l’Université Grégorienne de Rome. On vous présente un reportage sur l’apostolat des jésuites américains « America Media ». Dans la troisième partie d’émission, on parle du Groupe Sainte-Marthe avec Mgr Raymond Poisson, président du Comission épiscopale pour la Justice et la Paix de la Conférence des évêques catholiques du Canada.
Le doux remède de la prière
Nous poursuivons notre exploration du message du pape François pour le Carême 2018. Après le « remède amer de la vérité », le Saint-Père nous invite à renouveler notre engagement envers ce qu’il nomme « le doux remède de la prière ». En effet, comme il existe des remèdes plus agréables que d’autres, la prière en est un qui nous aide à nous connaître davantage et ainsi, nous faire accéder de manière plus directe à la Présence réconfortante de Dieu.
La prière comme remède
La prière, que l’on définit habituellement comme « un dialogue avec Dieu », est un remède en ce sens qu’en nous permettant d’accéder, dès ici-bas, à la quiétude du ciel elle rétablit notre équilibre intérieur et extérieur.
En d’autres termes, la prière remet les choses à leur place intérieurement, non pas à la manière d’une journée au spa ou une séance de relaxation, mais en réorientant jour après jour l’ensemble de notre être à la volonté de Dieu. Créé par Dieu pour vivre de toute éternité en Union parfaite avec la Trinité, l’être humain perd trop souvent conscience des appels décisifs de l’Esprit Saint et finit par ne rechercher que le confort, ce qui se termine bien souvent dans le péché. C’est en ce sens que le « doux remède de la prière » nous permet de rétablir cet ordre intérieur, cette priorité donnée à l’orientation de tout notre être vers Dieu.
Par contre, comme le fait remarquer la plus récente instruction de la Congrégation de la Doctrine de la foi Placuit Deo, cet équilibre intérieur qu’offre Dieu dans la prière, ne doit pas nous convaincre qu’il s’agit d’un « parcours purement intérieur, en marge de nos rapports avec les autres et avec le monde créé ». Nous devons donc aussi demander, dans la prière, la force d’acquérir l’ensemble des vertus nécessaires à notre vocation de frères et sœurs dans le Christ, cet appel à trouver dans l’Église ou dans le monde ceux qui ont besoin de notre aide.
Le doux remède de la prière
Que notre cœur ne puisse être comblé que par l’Infini Amour de Dieu, l’expérience de chaque jour nous le prouve. Combien d’insatisfaits la recherche d’argent, du plaisir, du succès, etc. a-t-elle créés? De fait, « le salut total de la personne ne consiste pas en ce que l’homme pourrait obtenir par lui-même, comme la richesse ou le bien-être matériel, la science ou la technique, le pouvoir ou l’influence sur les autres, la bonne réputation ou l’auto-satisfaction ». Bien au contraire, ces tentatives nous éloignent du seul réconfort possible c’est-à-dire de se savoir aimé d’un Dieu Père qui prend soin de nous inconditionnellement.
Dans ce contexte, la prière nous met physiquement et spirituellement dans les bras de Celui qui, par le Christ, désire, plus que tout, que nous le rejoignions dans sa divinité même. Confiant en sa fidélité indéfectible, nous sommes ainsi délestés des soucis quotidiens qui empoisonnent trop souvent notre vie. Nous arrachant aux illusions des fausses assurances terrestres, la prière nous redonne la liberté nécessaire au bonheur humain. Ainsi, par contraste, on perçoit la douceur de cette prière qui apaise notre cœur et le libère de toutes ces insécurités qui naissent de cette incapacité à voir la Présence aimante de Dieu dans notre vie.
Nous poursuivrons la semaine prochaine cette analyse du message du pape François pour le Carême 2018.
Piquette ou Grand Cru ? À nous de choisir!
Alors que nous sommes sur le point d’entrer dans la deuxième semaine du Carême, nous poursuivons notre lecture du Message du pape François pour le Carême 2018, par une analyse plus détaillée de ce qu’il nommait « le remède parfois amer de la vérité ». En s’y arrêtant quelque peu, on remarquera, à la fois l’acuité et la pertinence de cette formule.
Le remède de la vérité
En quoi la vérité est-elle un remède ? Ne devrait-elle pas au contraire être perçue naturellement comme l’oxygène de notre intelligence plutôt que comme un sirop contre la toux? En effet, la vérité signifie d’abord et avant tout Adaequatio rei et intellectus (l’adéquation entre la réalité et notre intelligence). Parler de vérité comme d’un « remède » signifie donc que nous sommes souvent bien loin d’être en syntonie avec l’objectivité du monde qui nous entoure, préférant les rêves d’Hollywood ou ceux du monde numérique.
Pour retrouver ce lien avec la réalité, le Carême nous offre l’occasion, d’abord de refréner tout ce qui engourdit notre conscience ensuite de se reconnecter à la vérité première qu’est Dieu. En effet, la grâce de tempérance du Carême nous offre l’aide nécessaire pour diminuer cet appétit de consommation (télé, jeux vidéo, alcool, magasinage, etc.) qui, sans être intrinsèquement mauvais, nous détourne trop souvent de l’Unique Nécessaire. « Combien d’autres encore se sont immergés dans une vie complètement virtuelle où les relations semblent plus faciles et plus rapides pour se révéler ensuite tragiquement privées de sens ! » nous dit le Pape!
Notre horaire, ainsi délesté de quelques heures, nous permettra de renouer avec Dieu par la lecture de la Bible, de la vie des saints ou de spiritualité catholique. Tout cela afin de connaître mieux Celui qui désire plus que tout que nous le connaissions davantage.
Un remède amer ?
Le Pape sait que cela n’est pas toujours une partie de plaisir et que ce remède de la vérité peut parfois sembler amer, tel un médicament au goût désagréable. Cela est d’autant plus difficile lorsque l’on considère la culture actuelle. Allergique à la notion même de limites, notre société nous invite à tout remettre en question sous prétexte d’une quelconque émancipation. C’est ainsi que, peu à peu, les civilisations se détachent des institutions millénaires comme la famille, l’Église, la patrie et, encore plus radicalement, refuse des notions telles que la différentiation sexuelle ou l’accueil de la vie de la conception à la mort naturelle. Hypnotisés par l’utopie transhumaniste, nous assistons à la liquéfaction de ce qui, n’en déplaise aux partisans de ces théories, demeure son socle c’est-à-dire la nature humaine et son ouverture spirituelle.
Contre cette tentation de considérer l’homme au-dessus ou au-dessous de ce qu’il est, le remède amer de la vérité nous apprend à garder une juste anthropologie, soucieuse de maintenir la primauté de la dimension spirituelle de la personne. Redécouvrir la nature humaine nous aidera donc à discerner ce qui, dans notre vie, nous éloigne de nous-mêmes et de nos véritables besoins existentiels. Loin de tomber dans ce mirage d’une absolue autonomie de l’homme devant sa condition, nous redécouvrirons cette condition de notre libération véritable qu’est la conscience de notre absolue dépendance envers Dieu. Ainsi, notre goût de la vérité se perfectionnera comme le goût d’une personne qui apprend à reconnaître un bon vin. En ce sens, « l’amertume de la vérité » n’est autre que notre acharnement à confondre piquette et Grand Cru.
La semaine prochaine nous poursuivrons notre analyse du message du pape François pour le Carême 2018 en examinant « la douceur de la prière ».
Église en sortie 16 février 2018
Cette semaine à Église en sortie, Francis Denis reçoit Jessica Poulin qui nous parle de son premier album « Le passage » dédié aux personnes en fin de vie. On vous présente un reportage sur la conférence Francis@FIVE à l’Université Fordham de New-York. Dans la troisième partie de l’émission, Mgr Christian Lépine, archevêque de Montréal nous relate son expérience comme représentant de la Conférence des évêques catholique du Canada lors du voyage apostolique du pape François au Pérou.
Le remède du Carême selon le pape François
Le 6 février dernier, le pape François publiait son message du Carême 2018. Visant à réaffirmer la foi et l’ardeur de la charité des catholiques, ce message nous invite à l’introspection plus qu’à l’accusation lorsque nous considérons le mal dans notre monde.
L’ampleur du mal et les faux prophètes
Dans un premier temps, le Saint-Père nous exhorte à la vigilance envers les soi-disant « maîtres » qui se présentent à nous et que nous suivons trop souvent et facilement. En effet, « face à des événements douloureux, certains faux prophètes tromperont beaucoup de personnes, jusqu’au point d’éteindre dans les cœurs la charité ». Mais qui sont ces faux prophètes contre lesquels nous devons nous prémunir ? Ce sont ceux qui viennent éteindre en nous la certitude en la primauté de la Providence de Dieu, qui naît de la foi.
Sommes-nous donc conscients et certains que devant l’ampleur du mal, Dieu écrit son Histoire Sainte ? Ou nous laissons-nous décourager par les mauvaises nouvelles jusqu’à nous justifier de notre inaction et remettre à plus tard cette soif de prière, pourtant bien réelle, qui demeure en nous tous ?
De charmés à charlatants
Lorsque nous nous laissons charmer par ces tentations de faux bonheurs (drogues, égoïsme, amour désordonné des richesses, concupiscence des yeux et orgueil), nous devenons nous-mêmes des charlatans puisque, par tout le mal que nous faisons ou ce bien que nous ne faisons pas par omission, nous participons à cette injustice cosmique contre les hommes et le monde. Ainsi, ces « « charmeurs de serpents », qui utilisent les émotions humaines pour réduire les personnes en esclavage et les mener à leur gré » ne se contentent pas de faire de nous des pantins. Ils font de nous des tentateurs à notre tour.
Cela tient à la logique de notre nature. Créé pour l’Infini, notre cœur ne peut se satisfaire des bonnes choses de ce monde, d’où le besoin constant de nouveautés. Or cet appétit insatiable (chef-d’œuvre de la création lorsqu’il se déploie en Dieu) devient lui-même autodestructeur lorsqu’il n’y trouve pas son repos. On devient donc des consommateurs de biens matériels d’abord, et de personnes ensuite. Tout cela au grand détriment des plus pauvres et de l’environnement.
Cette pente glissante nous emmène tranquillement et sournoisement à ne plus reconnaître et même dédaigner les plus belles réalités de notre monde : « tout cela se transforme en violence à l’encontre de ceux qui sont considérés comme une menace à nos propres « certitudes » : l’enfant à naître, la personne âgée malade, l’hôte de passage, l’étranger, mais aussi le prochain qui ne correspond pas à nos attentes ».
Remède au mal
Devant les myriades de faux prophètes qui nous entourent, de ceux qui, par leur utopies ou distropies, nous promettent le paradis maintenant ou jamais, nous devons redécouvrir le mystère de la Providence divine. Cette omniprésence de Dieu qui, pour nous permettre de l’aimer librement, reste « caché » jusqu’à notre propre trépas.
En ce sens, ce temps de Carême nous permet de nous rendre compte que le seul vrai salut du monde, le seul vrai bonheur vient de notre union à ce Dieu qui s’est fait proche de nous en Jésus-Christ. Cette invitation prend une dimension très concrète pendant 40 jours où peuvent s’exprimer tout particulièrement des gestes qui, selon la Tradition de l’Église, sont à même de nous rapprocher de Dieu. En effet, « L’Église, notre mère et notre éducatrice, nous offre pendant ce temps du Carême, avec le remède parfois amer de la vérité, le doux remède de la prière, de l’aumône et du jeûne ». Dans cette attente active vers Pâques, nous explorerons plus en profondeur, au cours des prochaines semaines, ces quatre exercices de l’âme : vérité, prière, aumône et jeûne.