Les profondeurs de Ross Douthat

(Image : Courtoisie de Unsplash)

Parmi les bons livres que j’ai lus en 2021 figure le récent opus de Ross Douthat, The Deep Places: A Memoir of Illness and Discovery, dans lequel l’auteur s’écarte de ses chemins habituels.

Ross Douthat est surtout connu comme chroniqueur d’opinion au New York Times, où il est l’une des rares voix conservatrices. Se concentrant sur des questions telles que la politique, la religion et les problèmes moraux, il est un auteur et un orateur agile, reconnu pour sa capacité particulière à entrer en relation avec un public réticent sans diluer sa propre perspective. Le précédent livre de Douthat, The Decadent Society, constitue une analyse bien documentée de ce qu’il considère être une tendance à la décadence dans les sociétés occidentales.

Figure bien connue du monde de la droite politique aux États-Unis, Douthat est un catholique et un passionné de fantasy, ainsi qu’un habile défenseur de positions chères aux conservateurs sociaux. Il partage également une perspective économique populiste, un cocktail d’idées de plus en plus courant dans le discours public américain. 

Il est toutefois intéressant de noter que le dernier livre de Douthat n’a pas grand-chose à voir avec tout ça. Au contraire, The Deep Places est un récit profond et touchant sur les effets d’une forme particulière de maladie dans la vie de son auteur. Écrit avec une franchise éloquente, l’ouvrage entraîne le lecteur dans un voyage vers les vérités de la souffrance négligée. 

Comme écrivain, Douthat jouit d’un succès considérable, occupant l’un des postes les plus prestigieux de l’industrie. Vivant avec sa femme et ses enfants à Washington, D.C., il se met à rêver d’une grande évasion. Profitant des ressources dont dispose sa famille, il investit dans une superbe propriété en Nouvelle-Angleterre, loin des perturbations de la capitale, dans un environnement plus calme et plus sain, un vrai chez-soi.

Les choses se sont déroulées autrement. Très vite, Douthat est contaminé par la maladie de Lyme qui, dans son cas, évolue vers une forme chronique, entraînant une série de symptômes divers, notamment des douleurs insupportables dans différentes parties de son corps. 

Fréquente dans le nord-est des États-Unis, la maladie de Lyme est causée par une bactérie qui se propage par les tiques. La forme chronique de la maladie, cependant, n’est pas reconnue dans les cercles médicaux et est souvent négligée, laissant les personnes qui s’en disent atteintes sans autre solution que de chercher des formes alternatives de médecine et de soins pour remédier aux effets débilitants de la maladie. C’est, en quelque sorte, l’épine dorsale de l’histoire que Ross Douthat raconte dans son livre, sous de multiples angles. 

Par moments, le récit de Douthat devient intensément personnel. Lorsqu’il aborde la façon dont la maladie a affecté sa vie familiale, il n’hésite pas à reconnaître les tensions émotionnelles et les obstacles financiers. Il parle de ce qu’il perçoit comme un orgueil démesuré dans la contemplation passée de la maison de ses rêves avec une franchise pleine d’humilité. 

Lorsqu’il explique longuement les réalités de la maladie de Lyme, Douthat note souvent comment il a été pris au dépourvu dans son scepticisme naturel. Le lecteur ressent l’étonnement de l’auteur face à sa propre situation, à ses propres limites et à ses propres lacunes dans la compréhension de ce qui lui arrive, mais aussi sa volonté inattendue d’accepter ce en quoi il a dû mettre sa confiance. 

En effet, à mesure que Douthat dévoile le monde des malades, les expériences de ceux dont la vie a été bouleversée par la maladie de Lyme, le lecteur est exposé à une étrangeté saisissante. De la « prestataire de soins de santé » qui affiche sa croyance en la théorie conspirationniste des chemtrails à la machine à champs électromagnétiques, cachée de sa femme au dernier étage de la maison, Douthat semble tout dévoiler.

Venu d’un écrivain catholique qui, de son propre aveu, n’est pas caractérisé par une disposition spécialement pieuse, The Deep Places apporte des histoires d’une profonde signification spirituelle qui illustrent avec une clarté éclatante comment l’expérience de la souffrance a eu un impact durable sur la vie religieuse de Douthat, montrant la danse de la douleur et de l’espérance. 

Une bonne dose de connaissances médicales, un peu de foi, un soupçon de curiosité journalistique et un zeste d’étrangeté pure, et voilà, The Deep Places vient de vous frapper en plein visage. Il semble improbable qu’un livre sur la maladie de Lyme puisse être aussi fascinant, mais c’est vraiment le cas. Et pas seulement parce qu’il a l’ampleur, la profondeur et la portée d’un récit personnel étoffé. Douthat parvient en fait à rendre l’histoire de sa maladie et tout ce qui s’y rapporte intéressant en soi. 

Après deux ans de grands titres ininterrompus et, franchement, de journalisme paresseux sur « la situation actuelle », Douthat révèle comment les thèmes de  « la maladie et la découverte » peuvent encore valoir la peine d’être pensés, écrits et lus. 

 

Église en sortie 16 février 2018

Cette semaine à Église en sortie, Francis Denis reçoit Jessica Poulin qui nous parle de son premier album « Le passage » dédié aux personnes en fin de vie. On vous présente un reportage sur la conférence Francis@FIVE à l’Université Fordham de New-York. Dans la troisième partie de l’émission, Mgr Christian Lépine, archevêque de Montréal nous relate son expérience comme représentant de la Conférence des évêques catholique du Canada lors du voyage apostolique du pape François au Pérou.

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