Église en Sortie 23 novembre 2020

Cette semaine à Église en Sortie, Francis Denis reçoit le ministre provincial des Franciscains du Canada Pierre Charland o.f.m. pour parler de l’encyclique du Pape François « Fratelli tutti ». On vous présente la chronique des actualités de la rue avec l’abbé Claude Paradis. Dans la troisième partie de l’émission, on parle de la vie religieuse en ce temps de COVID-19 avec la supérieure provinciale de la Congrégation Notre-Dame, Sr. Francine Landreville CND.

Église en sortie 14 septembre 2020

Cette semaine à Église en Sortie, on parle de la spiritualité pour changer le monde avec l’éditeur à la Revue « Relations » Emiliano Arpin-Simonetti. On vous présente la chronique des actualités de la rue avec l’abbé Claude Paradis. Et on s’entretient de la Société Canadienne de Mariologie avec la théologienne Sr. Celia Chua.

Vivre en présence des anges avec Jacques Gauthier

Cette semaine à Parrêsia, Francis Denis s’entretient de la place et du rôle des anges dans la vie spirituelle chrétienne avec le théologien et auteur Jacques Gauthier. Sont notamment abordés les thèmes de la nature des anges, de leur présence dans l’Ancien et le Nouveau Testament, de Dieu, de la place de Satan dans l’enseignement du pape François et des moyens pratiques pour entretenir notre relation avec notre ange gardien. Tout cela et bien plus sur Parrêsia, votre balado qui prend le temps de penser.

Sur sa chaîne youtube, Jacques Gauthier partage l’essentiel de la foi et la prière chrétienne. Marié et père de famille, il a été professeur à l’Université Saint-Paul d’Ottawa pendant une vingtaine d’années. Auteur de plus de 75 livres, il anime des retraites spirituelles. Ses vidéos portent surtout sur Dieu, le Christ, la foi, la prière, la sainteté. Il y témoigne de la joie de vivre l’Évangile, de sa présence au monde comme poète et théologien. Voici des liens vers d’autres productions de Jacques Gauthier tels que mentionnés dans l’épisode:

www.jacquesgauthier.com
www.jacquesgauthier.com/blog.html
https://twitter.com/jacgauthier
www.facebook.com/jacques.gauthier.921

La liberté d’expression selon le pape François

(photo: courtoisie Pixabay) Nos sociétés sont traversées par des bouleversements : globalisation politique, révolution des communications, transformation du monde du travail et pandémie mondiale.  Les défis auxquels nous faisons face demandent plus que jamais l’engagement de tous au processus démocratique. Or, la condition sine qua non à toute démocratie est la liberté d’expression. En effet, ce n’est qu’en permettant le débat ouvert, l’affrontement et le choc des idées que nous pourrons trouver des solutions aux problèmes auxquels nous sommes confrontés. L’encyclique « Fratelli tutti » du pape François est plus qu’éclairante à ce sujet.

Trop c’est comme pas assez

L’encyclique « Fratelli tutti » est d’abord très pertinente en ce qui a trait aux différents risques qui menacent aujourd’hui la liberté d’expression nécessaire à tout débat public fructueux. Le Pape manifeste un premier risque lorsqu’il écrit : « L’accumulation écrasante d’informations qui nous inondent n’est pas synonyme de plus de sagesse. La sagesse ne se forge pas avec des recherches anxieuses sur internet, ni avec une somme d’informations dont la véracité n’est pas assurée… » (no 50). Soyons clair : loin d’inciter à ne pas s’informer, le Pape invite plutôt à exercer un jugement critique face à notre propre appétit d’informations à la lumière d’une vision de la fraternité apte à distinguer le pertinent de ce qui ne l’est pas. C’est en gardant toujours à l’esprit, à la fois, le bien commun et ce qui relève de ma responsabilité que nous saurons consommer la juste quantité d’information.

Disqualifier n’est pas dialoguer

Lorsqu’on considère le climat politique de nos démocraties occidentales, il est difficile de ne pas voir que nous sommes face à plusieurs impasses. La crise de la covid-19 n’a pas manqué de révéler plusieurs lacunes dans nos délibérations démocratiques. Parmi celles-ci, on trouve une augmentation de la partisannerie. Loin d’être le lieu de mise en commun des idées au service de l’innovation et de la mise en marche de grands projets en faveur du bien commun, les débats se réduisent trop souvent à « Uniquement des recettes de marketing visant des résultats immédiats qui trouvent dans la destruction de l’autre le moyen le plus efficace. Dans ce jeu mesquin de disqualifications, le débat est détourné pour créer une situation permanente de controverse et d’opposition » (no 15).

Alors que nous aurions besoin de riches discussions puisées aux plus récentes découvertes de nos universités, au patrimoine local et aux apports et découvertes des autres pays, le dialogue social se perd trop souvent dans ce qui revient à la loi du plus fort. Pourtant, force politique n’équivaut que très rarement à sagesse sociale. Ainsi, l’appel du Pape à la fraternité pourrait nous inspirer une attitude d’ouverture au dialogue et, ainsi, renouveler notre démocratie.

Des interlocuteurs bien enracinés

Un autre risque menaçant le dialogue public est l’uniformisation constante des cultures, laissant de moins en moins de place à la diversité des histoires, des langues, des cultures, etc. On a souvent parlé de l’impérialisme culturel américain. Or aujourd’hui, et cela a aussi des effets positifs, la globalisation a multiplié les pays qui s’affrontent sur ce terrain. Dans ce contexte, les plus petits peuples et cultures qui ne disposent pas de grands moyens sont grandement menacés. Or, comme le dit le Pape :

« Tout comme il n’est pas de dialogue avec l’autre sans une identité personnelle, de même il n’y a d’ouverture entre les peuples qu’à partir de l’amour de sa terre, de son peuple, de ses traits culturels. Je ne rencontre pas l’autre si je ne possède pas un substrat dans lequel je suis ancré et enraciné (no 143).

Développer une meilleure connaissance et cultiver l’amour que nous avons pour notre propre identité est donc une priorité démocratique dont l’urgence ne devrait pas être sous-estimée.

Un Pape bien informé

Dans cette encyclique, le pape François fait preuve d’une très grande lucidité devant les enjeux qui nous concernent. À travers son diagnostic des logiques malsaines et néfastes qui éloignent nos démocraties de leurs fondements, nous sommes tous invités à redécouvrir les attitudes essentielles pour faire face aux défis qui sont les nôtres. Ainsi, par l’amitié sociale, nous pourrons continuer sur ce « chemin de fraternité, local et universel, [qui]ne peut être parcouru que par des esprits libres et prêts pour de vraies rencontres (no 50).

Fratelli tutti: une encyclique sociale pour le XXIe siècle

(photo: courtoisie Pixabay) Dimanche dernier 4 octobre 2020, le pape François publiait sa troisième encyclique. Intitulé « Fratelli tutti », ce document se veut un appel à l’engagement de tous en faveur d’un monde plus fraternel afin qu’« en reconnaissant la dignité de chaque personne humaine, nous puissions tous ensemble faire renaître un désir universel d’humanité » (no 8).D’une centaine de pages, cette lettre touche une variété de thèmes allant de la politique internationale aux enjeux locaux, de l’environnement à la justice sociale, de l’éthique à la religion en passant par les nombreux défis actuels empêchant la réalisation d’un monde plus ouvert où tous ont leur place. Bref, cette encyclique, que plusieurs ont qualifiée de « politique », donne aux catholiques et à toute personne des moyens pour surmonter les différentes impasses auxquelles notre monde se trouve actuellement confronté.

Une pensée propre et originale

Ce n’est pas nouveau, la sortie d’une encyclique génère toujours de vives réactions. Fort heureusement, pourrions-nous dire, puisque personne ne devrait être indifférent aux thèmes abordés par le Pape. Fait marquant de ce document : l’abondance des références à ses discours antérieurs. Parmi ces nombreuses citations se trouvent notamment des allusions aux discours prononcées lors de ses voyages apostoliques ; comme si le pape avait senti le besoin d’offrir un résumé ou un « compendium » de ses enseignements ; comme s’il avait voulu offrir à l’Église universelle les fruits de ses réflexions issus de ses discours adressées d’abord à aux églises particulières. Cette méthode, ce passage du particulier vers l’universel n’est-il pas la démarche même à laquelle l’évêque de Rome nous convie. Comme catholiques, ne sommes-nous pas appelés à incarner et à faire fructifier cette tension inhérente à notre condition de croyants ? À mettre en lumière la complémentarité entre notre attachement pour nos racines et la reconnaissance de la valeur de ce qui est cher à nos frères et sœurs en humanité ?

C’est ainsi que l’encyclique nous invite à une prise de conscience fondamentale. En tant que pèlerin universel, le Pape nous manifeste l’esprit qui doit animer l’ensemble de nos engagements actuels à tous les niveaux : « L’amour qui s’étend au-delà des frontières a pour fondement ce que nous appelons « l’amitié sociale » » (no 99). Ainsi, cherchant à comprendre la complexité des enjeux et des différentes peurs qui animent toute société, on retrouve dans ce texte toute la hauteur requise au déploiement de cet esprit. Évitant soigneusement cette « habitude de disqualifier instantanément l’adversaire en lui appliquant des termes humiliants prévaut, en lieu et place d’un dialogue ouvert et respectueux visant une synthèse supérieure. » (no 201), le pape nous invite à une double rencontre. Rencontre avec soi et l’héritage de nos cultures propres et rencontre avec l’autre par la reconnaissance de la beauté et de la grandeur de ce qui lui est cher ; de ce qui peut être pour moi aussi le témoignage d’un patrimoine humain commun. Ainsi, puisque « Je ne rencontre pas l’autre si je ne possède pas un substrat dans lequel je suis ancré et enraciné, car c’est de là que je peux accueillir le don de l’autre et lui offrir quelque chose d’authentique » (no 143), le Pape exhorte à redécouvrir les deux dimensions de nos identités : locale et universelle.

Par exemple, devant une « histoire [qui]est en train de donner des signes de recul » (no 11), le Pape insiste sur l’importance de ne pas abandonner certains concepts qui, parce qu’utilisés à mauvais escient, risquent de faire disparaître du langage de précieuses réalités telles que la « démocratie » (no 157). En effet, « Un moyen efficace de liquéfier la conscience historique, la pensée critique, la lutte pour la justice ainsi que les voies d’intégration consiste à vider de leur sens ou à instrumentaliser les mots importants (no14). Ainsi, bien que s’insérant dans un débat qui anime l’ensemble de nos sociétés, le Pape ne laisse que peu de place, comme certains le prétendent, à la récupération idéologique.

Une pensée politique mais transpartisanne

Une des grandes originalités de cette encyclique se trouve dans la posture que le Pape discerne quant à au rôle socio-politique que l’Église universelle est appelé à jouer. Plus qu’une simple « observatrice », l’Église cherche à s’engager en participant par le dialogue aux grandes décisions sociales et éthiques de notre temps. De plus, les principes contenus dans cette encyclique pourraient susciter l’émergence d’initiatives aussi importantes que créatrices de ponts entre les pays et, ainsi, donner un nouveau souffre au rôle diplomatique du Saint-Siège. Comme le dit François :

« L’Église n’entend pas revendiquer des pouvoirs temporels mais s’offrir comme « une famille parmi les familles, – c’est cela, l’Église – ouverte pour témoigner au monde d’aujourd’hui de la foi, de l’espérance et de l’amour envers le Seigneur et envers ceux qu’il aime avec prédilection » (no.276) »

Comme institution universelle, le Pape et le Saint-Siège, sans « faire de la politique partisane, qui revient aux laïcs » (no 276), se présente comme un lieu où, par la neutralité que lui offre la liberté évangélique, où ces dernières pourraient être librement discutées. Par son identité forte qui rend possible « le difficile effort de dépasser ce qui nous divise sans perdre l’identité personnelle » (no 230) l’Église a toutes les conditions pour jouer un rôle qui, prochainement, pourrait s’incarner dans une sorte de « Davos politico-religieux ». Le Vatican pourrait être un lieu où chaque nation, ONG et traditions religieuses pourraient s’exprimer sur les grandes questions dans un cadre où les références à la transcendance seraient audibles. Ainsi, « S’il n’existe pas de vérité transcendante, par l’obéissance à laquelle l’homme acquiert sa pleine identité, dans ces conditions, il n’existe aucun principe sûr pour garantir des rapports justes entre les hommes » (no 273), un lieu de dialogue international dépassant le cadre strictement politique tout en étant ouvert aux traditions religieuses et cultures éthiques est plus que jamais nécessaire. Cette encyclique ouvre la voie à ce type d’initiative.

Plaidoyer pour un nouveau dynamisme

Alors que les prochaines semaines seront le lieu de conversations et de débats sur les enseignements présents dans l’encyclique « Fratelli tutti » du pape François, il est important que l’ensemble des catholiques lisent et s’imprègnent des principes explicités dans ce document. Bien que s’adressant à toute personne, la responsabilité de la mise en application revient d’abord à ceux qui, par la grâce et la lumière de la Foi, sont en mesure de reconnaître l’origine et la fin de ces principes.

J’en profite également pour vous inviter à syntoniser Sel + Lumière dimanche prochain 11 octobre à 19 h 30 pour l’émission spéciale « Appelés à la fraternité : discussion sur l’encyclique « Fratelli tutti » ainsi qu’au Balado « Parrêsia » où j’aurai un entretien avec le père Jean-Marc Barreau, théologien et spécialiste du pontificat du pape François.

Homélie du pape François pour le dimanche de la Divine Miséricorde

(CNS photo/Vatican Media) Vous trouverez ci-dessous le texte de l’homélie du pape François pour le Dimanche de la Miséricorde et telle que prononcée lors de la Messe célébrée en l’église du Saint-Esprit à proximité du Vatican:

Dimanche dernier, nous avons célébré la résurrection du Maître. Aujourd’hui, nous assistonsà la résurrection du disciple. Une semaine s’est écoulée, une semaine que les disciples, bien qu’ayantvu le Ressuscité, ont passée dans la peur, « les portes verrouillées » (Jn 20, 26), sans même réussir àconvaincre de la résurrection l’unique absent, Thomas. Que fait Jésus face à cette incrédulité craintive ? Il revient, il se met dans la même position, « au milieu » des disciples et répète la même salutation : « La paix soit avec vous !» (Jn 20, 19.26). Il recommence tout depuis le début. La résurrection du disciple commence ici, à partir de cette miséricorde fidèle et patiente, à partir de la découverte que Dieu ne se lasse pas de nous tendre la main pour nous relever de nos chutes. Il veut que nous le voyions ainsi : non pas comme un patron à qui nous devons rendre des comptes, mais comme notre Papa qui nous relève toujours. Dans la vie, nous avançons à tâtons, comme un enfant qui commence à marcher mais qui tombe. Quelques pas et il tombe encore ; il tombe et retombe, et chaque fois le papa le relève. La main qui nous relève est toujours la miséricorde : Dieu sait que sansmiséricorde, nous restons à terre, que pour marcher, nous avons besoin d’être remis debout.

Et tu peux objecter : ‘‘Mais je ne cesse jamais de tomber !’’. Le Seigneur le sait et il est toujours prêt à te relever. Il ne veut pas que nous repensions sans arrêt à nos chutes, mais que nous le regardions lui qui, dans les chutes, voit des enfants à relever, dans les misères voit des enfants à aimeravec miséricorde. Aujourd’hui, dans cette église devenue sanctuaire de la miséricorde à Rome, en ce dimanche que saint Jean-Paul II a consacré à la Miséricorde Divine il y a vingt ans, accueillons avec confiance ce message. Jésus a dit à sainte Faustine : « Je suis l’amour et la miséricorde même ; il n’estpas de misère qui puisse se mesurer avec ma miséricorde » (Journal, 14 septembre 1937). Une fois,la Sainte a dit à Jésus, avec satisfaction, d’avoir offert toute sa vie, tout ce qu’elle possédait. Mais la réponse de Jésus l’a bouleversée : « Tu ne m’as pas offert ce qui t’appartient vraiment ». Qu’est-ce que cette sainte religieuse avait gardé pour elle ? Jésus « lui dit avec douceur » : ‘‘Ma fille, donne- moi ta misère’’ » (10 octobre 1937). Nous aussi, nous pouvons nous demander : ‘‘Ai-je donné ma misère au Seigneur ? Lui ai-je montré mes chutes afin qu’il me relève ?’’ Ou alors il y a quelquechose que je garde encore pour moi ? Un péché, un remords concernant le passé, une blessure quej’ai en moi, une rancœur envers quelqu’un, une idée sur une certaine personne… Le Seigneur attendque nous lui apportions nos misères, pour nous faire découvrir sa miséricorde.

Revenons aux disciples ! Ils avaient abandonné le Seigneur durant la passion et ils se sentaient coupables. Mais Jésus, en les rencontrant, ne fait pas de longues prédications. À eux qui étaientblessés intérieurement, il montre ses plaies. Thomas peut les toucher et il découvre l’amour ; ildécouvre combien Jésus avait souffert pour lui qui l’avait abandonné. Dans ces blessures, il touche du doigt la proximité amoureuse de Dieu. Thomas, qui était arrivé en retard, quand il embrasse la miséricorde, dépasse les autres disciples : il ne croit pas seulement à la résurrection, mais à l’amoursans limites de Dieu. Et il se livre à la confession de foi la plus simple et la plus belle : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » (v. 28). Voilà la résurrection du disciple : elle s’accomplit quand son humanité fragileet blessée entre dans celle de Jésus. Là, les doutes se dissipent, là Dieu devient mon Dieu, là onrecommence à s’accepter soi-même et à aimer sa propre vie.

Chers frères et sœurs, dans l’épreuve que nous sommes en train de traverser, nous aussi,comme Thomas, avec nos craintes et nos doutes, nous nous sommes retrouvés fragiles. Nous avons besoin du Seigneur, qui voit en nous, au-delà de nos fragilités, une beauté indélébile. Avec lui, nous nous redécouvrons précieux dans nos fragilités. Nous découvrons que nous sommes comme de très beaux cristaux, fragiles et en même temps précieux. Et si, comme le cristal, nous sommes transparents devant lui, sa lumière, la lumière de la miséricorde, brille en nous, et à travers nous, dans le monde.Voilà pourquoi il nous faut, comme nous l’a dit la Lettre de Pierre, exulter de joie, même si nousdevons être affligés, pour un peu de temps encore, par toutes sortes d’épreuves (cf. 1P 1, 6).

En cette fête de la Miséricorde Divine, la plus belle annonce se réalise par l’intermédiaire dudisciple arrivé en retard. Manquait seul lui, Thomas. Mais le Seigneur l’a attendu. Sa miséricorde n’abandonne pas celui qui reste en arrière. Maintenant, alors que nous pensons à une lente et péniblerécupération suite à la pandémie, menace précisément ce danger : oublier celui qui est resté en arrière.Le risque, c’est que nous infecte un virus pire encore, celui de l’égoïsme indifférent. Il se transmet àpartir de l’idée que la vie s’améliore si cela va mieux pour moi, que tout ira bien si tout ira bien pourmoi. On part de là et on en arrive à sélectionner les personnes, à écarter les pauvres, à immoler surl’autel du progrès celui qui est en arrière. Cette pandémie nous rappelle cependant qu’il n’y a nidifférences ni frontières entre ceux qui souffrent. Nous sommes tous fragiles, tous égaux, tous précieux. Ce qui est en train de se passer nous secoue intérieurement : c’est le temps de supprimer lesinégalités, de remédier à l’injustice qui mine à la racine la santé de l’humanité tout entière ! Mettons-nous à l’école de la communauté chrétienne des origines, décrite dans le livre des Actes des Apôtres ! Elle avait reçu miséricorde et vivait la miséricorde : « Tous les croyants vivaient ensemble, et ils avaient tout en commun ; ils vendaient leurs biens et leurs possessions, et ils en partageaient le produit entre tous en fonction des besoins de chacun » (Ac 2, 44-45). Ce n’est pas une idéologie, c’est lechristianisme.

Dans cette communauté, après la résurrection de Jésus, un seul était resté en arrière et lesautres l’ont attendu. Aujourd’hui, c’est le contraire qui semble se passer : une petite partie del’humanité est allée de l’avant, tandis que la majorité est restée en arrière. Et chacun pourrait dire : « Ce sont des problèmes complexes, il ne me revient pas de prendre soin des personnes dans le besoin,d’autres doivent y penser !’’. Sainte Faustine, après avoir rencontré Jésus, a écrit : « Dans une âmesouffrante, nous devons voir Jésus crucifié et non un parasite et un poids… [Seigneur], tu nous donnes la possibilité de pratiquer les œuvres de miséricorde et nous nous livrons à des jugements » (Journal, 6 septembre 1937). Cependant, elle-même s’est plainte un jour à Jésus qu’en étant miséricordieux onpasse pour un naïf. Elle a dit : « Seigneur, on abuse souvent de ma bonté ». Et Jésus a répondu : « Peu importe, ma fille, ne t’en soucie pas, toi, sois toujours miséricordieuse envers tout le monde » (24 décembre 1937). Envers tous : ne pensons pas uniquement à nos intérêts, aux intérêts partisans.Saisissons cette épreuve comme une occasion pour préparer l’avenir de tous. En effet, sans une visiond’ensemble, il n’y aura d’avenir pour personne.

Aujourd’hui, l’amour désarmé et désarmant de Jésus ressuscite le cœur du disciple. Nous aussi, comme l’apôtre Thomas, accueillons la miséricorde, salut du monde. Et soyons miséricordieux envers celui qui est plus faible : ce n’est qu’ainsi que nous construirons un monde nouveau.

[00512-FR.01] [Texte original: Italien]

Message Urbi et Orbi du pape François pour le Dimanche de Pâques

(Photos: Vatican Media) Vous trouverez ci-dessous le texte du Message Urbi et Orbi du pape François pour Pâques tel que prononcé lors de la célébration eucharistique en la Basilique vaticane en ce dimanche 12 avril 2020.

Chers frères et sœurs, bonne fête de Pâques !

Aujourd’hui retentit dans le monde entier l’annonce de l’Eglise: “Jésus Christ est ressuscité ! ” – “ Il est vraiment ressuscité !”.
Comme une nouvelle flamme, cette Bonne Nouvelle s’est allumée dans la nuit : la nuit d’un monde déjà aux prises avec des défis du moment et maintenant opprimé par la pandémie, qui met à dure épreuve notre grande famille humaine. En cette nuit la voix de l’Eglise a résonné : « Le Christ, mon espérance, est ressuscité ! » (Séquence pascale).

C’est une autre “contagion”, qui se transmet de cœur à cœur – parce que tout cœur humain attend cette Bonne Nouvelle. C’est la contagion de l’espérance : « Le Christ, mon espérance, est ressuscité ! » Il ne s’agit pas d’une formule magique, qui fait s’évanouir les problèmes. Non, la résurrection du Christ n’est pas cela. Elle est au contraire la victoire de l’amour sur la racine du mal, une victoire qui “ n’enjambe pas” la souffrance et la mort, mais les traverse en ouvrant une route dans l’abime, transformant le mal en bien : marque exclusive de la puissance de Dieu.

Le Ressuscité est le Crucifié, pas un autre. Dans son corps glorieux il porte, indélébiles, les plaies : blessures devenues fissures d’espérance. Nous tournons notre regard vers lui pour qu’il guérisse les blessures de l’humanité accablée.

Aujourd’hui ma pensée va surtout à tous ceux qui ont été frappés directement par le coronavirus : aux malades, à ceux qui sont morts et aux familles qui pleurent la disparition de leurs proches, auxquels parfois elles n’ont même pas pu dire un dernier au revoir. Que le Seigneur de la vie accueille avec lui dans son royaume les défunts et qu’il donne réconfort et espérance à ceux qui sont encore dans l’épreuve, spécialement aux personnes âgées et aux personnes seules. Que sa consolation ne manque pas, ni les aides nécessaires à ceux qui se trouvent dans des conditions de vulnérabilité particulière, comme ceux qui travaillent dans les maisons de santé, ou qui vivent dans les casernes et dans les prisons. Pour beaucoup, c’est une Pâques de solitude, vécue dans les deuils et les nombreuses difficultés que la pandémie provoque, des souffrances physiques aux problèmes économiques.

Cette maladie ne nous a pas privé seulement des affections, mais aussi de la possibilité d’avoir recours en personne à la consolation qui jaillit des Sacrements, spécialement de l’Eucharistie et de la Réconciliation. Dans de nombreux pays il n’a pas été possible de s’approcher d’eux, mais le Seigneur ne nous a pas laissés seuls ! Restant unis dans la prière, nous sommes certains qu’il a mis sa main sur nous (cf. Ps 138, 5), nous répétant avec force : ne crains pas, « je suis ressuscité et je suis toujours avec toi » (cf. Missel romain) !

Que Jésus, notre Pâque, donne force et espérance aux médecins et aux infirmiers, qui partout offrent au prochain un témoignage d’attention et d’amour jusqu’à l’extrême de leurs forces et souvent au sacrifice de leur propre santé. A eux, comme aussi à ceux qui travaillent assidument pour garantir les services essentiels nécessaires à la cohabitation civile, aux forces de l’ordre et aux militaires qui en de nombreux pays ont contribué à alléger les difficultés et les souffrances de la population, va notre pensée affectueuse, avec notre gratitude.

Au cours de ces semaines, la vie de millions de personnes a changé à l’improviste. Pour beaucoup, rester à la maison a été une occasion pour réfléchir, pour arrêter les rythmes frénétiques de la vie, pour être avec ses proches et jouir de leur compagnie. Pour beaucoup cependant c’est aussi un temps de préoccupation pour l’avenir qui se présente incertain, pour le travail que l’on risque de perdre et pour les autres conséquences que la crise actuelle porte avec elle. J’encourage tous ceux qui ont des responsabilités politiques à s’employer activement en faveur du bien commun des citoyens, fournissant les moyens et les instruments nécessaires pour permettre à tous de mener une vie digne et pour favoriser, quand les circonstances le permettront, la reprise des activités quotidiennes habituelles.

Ce temps n’est pas le temps de l’indifférence, parce que tout le monde souffre et tous doivent se retrouver unis pour affronter la pandémie. Jésus ressuscité donne espérance à tous les pauvres, à tous ceux qui vivent dans les périphéries, aux réfugiés et aux sans-abri. Que ces frères et sœurs plus faibles, qui peuplent les villes et les périphéries de toutes les parties du monde, ne soient pas laissés seuls. Ne les laissons pas manquer des biens de première nécessité, plus difficiles à trouver maintenant alors que beaucoup d’activités sont arrêtées, ainsi que les médicaments et, surtout, la possibilité d’une assistance sanitaire convenable. En considération des circonstances, que soient relâchées aussi les sanctions internationales qui empêchent aux pays qui en sont l’objet de fournir un soutien convenable à leurs citoyens, et que tous les Etats se mettent en condition de faire front aux nécessités majeures du moment, en réduisant, si non carrément en remettant, la dette qui pèse sur les budgets des plus pauvres.
Ce temps n’est pas le temps des égoïsmes, parce que le défi que nous affrontons nous unit tous et ne fait pas de différence entre les personnes. Parmi les nombreuses régions du monde frappées par le coronavirus, j’adresse une pensée spéciale à l’Europe. Après la deuxième guerre mondiale, ce continent bien-aimé a pu renaître grâce à un esprit concret de solidarité qui lui a permis de dépasser les rivalités du passé. Il est plus que jamais urgent, surtout dans les circonstances actuelles, que ces rivalités ne reprennent pas vigueur, mais que tous se reconnaissent membres d’une unique famille et se soutiennent réciproquement. Aujourd’hui, l’Union Européenne fait face au défi du moment dont dépendra, non seulement son avenir, mais celui du monde entier. Que ne se soit pas perdue l’occasion de donner une nouvelle preuve de solidarité, même en recourant à des solutions innovatrices. L’alternative est seulement l’égoïsme des intérêts particuliers et la tentation d’un retour au passé, avec le risque de mettre à dure épreuve la cohabitation pacifique et le développement des prochaines générations.

Ce temps n’est pas le temps des divisions. Que le Christ notre paix éclaire tous ceux qui ont des responsabilités dans les conflits, pour qu’ils aient le courage d’adhérer à l’appel pour un cessez le feu mondial et immédiat dans toutes les régions du monde. Ce n’est pas le temps de continuer à fabriquer et à trafiquer des armes, dépensant des capitaux énormes qui devraient être utilisés pour soigner les personnes et sauver des vies. Que ce soit au contraire le temps de mettre finalement un terme à la longue guerre qui a ensanglanté la Syrie, au conflit au Yémen et aux tensions en Irak, comme aussi au Liban. Que ce temps soit le temps où Israéliens et Palestiniens reprennent le dialogue, pour trouver une solution stable et durable qui permette à tous deux de vivre en paix. Que cessent les souffrances de la population qui vit dans les régions orientales de l’Ukraine. Que soit mis fin aux attaques terroristes perpétrées contre tant de personnes innocentes en divers pays de l’Afrique.

Ce temps n’est pas le temps de l’oubli. Que la crise que nous affrontons ne nous fasse pas oublier tant d’autres urgences qui portent avec elles les souffrances de nombreuses personnes. Que le Seigneur de la vie se montre proche des populations en Asie et en Afrique qui traversent de graves crises humanitaires, comme dans la région de Cabo Delgado, au nord du Mozambique. Qu’il réchauffe le cœur des nombreuses personnes réfugiées et déplacées, à cause de guerres, de sécheresse et de famine. Qu’il donne protection aux nombreux migrants et réfugiés, beaucoup d’entre eux sont des enfants, qui vivent dans des conditions insupportables, spécialement en Libye et aux frontières entre la Grèce et la Turquie. Qu’il permette au Vénézuela d’arriver à des solutions concrètes et immédiates pour accorder l’aide internationale à la population qui souffre à cause de la grave conjoncture politique, socio-économique et sanitaire.

Chers frères et sœurs,
indifférence, égoïsme, division, oubli ne sont pas vraiment les paroles que nous voulons
entendre en ce temps. Nous voulons les bannir en tout temps ! Elles semblent prévaloir quand la peur et la mort sont victorieuses en nous, c’est-à-dire lorsque nous ne laissons pas le Seigneur Jésus vaincre dans notre cœur et dans notre vie. Lui, qui a déjà détruit la mort nous ouvrant le chemin du salut éternel, qu’il disperse les ténèbres de notre pauvre humanité et nous introduise dans son jour glorieux qui ne connaît pas de déclin.

[00485-FR.01] [Texte original: Italien, courtoisie de Libreria éditrice Vaticana]

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Vendredi Saint 2020 : Homélie lors de la Passion du Seigneur à la basilique Saint-Pierre de Rome

Le pape François préside la liturgie du Vendredi Saint de la Passion du Seigneur le 10 avril 2020, à l’autel de la chaire de la basilique Saint-Pierre au Vatican. (CNS photo/Andrew Medichini, pool via Reuters)

Homélie du père Raniero Cantalamessa, ofmcap., prédicateur de la Maison pontificale

Célébration de la Passion du Seigneur 

Vendredi 10 avril 2020

 

« J’AI DES PENSÉES DE PAIX, ET NON DE MALHEUR »

Saint Grégoire le Grand disait que l’Écriture cum legentibus crescit, c’est-à-dire grandit avec ceux qui la lisent[1]. Elle continue de révéler de nouvelles significations à l’homme selon les questions qu’il porte dans son cœur quand il la lit. Et cette année, nous lisons le récit de la Passion avec une question – ou
plutôt avec un cri – dans le cœur, qui s’élève de partout sur la terre. Nous devons chercher à saisir la réponse que la parole de Dieu y apporte.

Ce que nous venons d’entendre est le récit du mal objectivement le plus grand jamais commis sur la terre. Et nous pouvons le regarder sous deux angles différents, soit en face, soit à l’arrière, c’est-à-dire sous l’angle de ses causes ou de ses effets. Si nous nous arrêtons aux causes historiques de la mort du Christ, nous sommes troublés et chacun serait tenté de dire comme Pilate : « Je suis innocent du sang de cet homme[2] ». On comprend mieux la croix à ses effets qu’à ses causes. Et quels ont été les effets de la mort du Christ ? Nous avons été justifiés par la foi en lui, réconciliés et en paix avec Dieu, remplis de l’espérance de la vie éternelle ! (cf. Rom 5,1-5)

Mais il y a un effet que la situation actuelle nous aide à saisir de manière particulière. La croix du Christ a donné un nouveau sens à la douleur et à la souffrance humaines. À toute souffrance, physique et morale. Ce n’est plus une punition, une malédiction. Car elle a été rachetée à la racine depuis que le Fils de Dieu l’a prise sur lui. Quelle est la preuve la plus sûre que la boisson que l’on te tend n’est pas empoisonnée ? Que l’on boit à la même coupe devant toi. Ainsi, sur la croix, Dieu a bu, aux yeux de tous, le calice de douleur jusqu’à la lie. Il a montré par là qu’il n’est pas empoisonné, mais qu’au fond, on y trouve une perle.

Et pas seulement la douleur de ceux qui ont la foi, mais toute douleur humaine. Il est mort pour tous. « Et moi, quand j’aurai été élevé de terre, avait-il dit, j’attirerai à moi tous les hommes[3]. » Tous les hommes, pas seulement quelques-uns ! « Souffrir – écrivait saint Jean-Paul II de son lit d’hôpital après son attentat – signifie devenir particulièrement réceptif, particulièrement ouvert à l’action des forces salvifiques de Dieu offertes à l’humanité dans le Christ[4]. » Grâce à la croix du Christ, la souffrance est devenue elle aussi, à sa manière, une sorte de « sacrement universel de salut » pour le genre humain.

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Quelle lumière tout cela jette-t-il sur la situation dramatique que traverse l’humanité ? Ici encore, plutôt que les causes, il nous faut regarder les effets. Non seulement les effets négatifs, dont nous entendons chaque jour le triste bulletin, mais aussi les effets positifs que seule une observation plus attentive nous aide à saisir.
La pandémie du Coronavirus nous a brutalement fait prendre conscience du danger le plus grand qui soit que les hommes et l’humanité ont toujours couru, celui de l’illusion de la toute-puissance. Nous avons l’occasion – a écrit un rabbin juif connu – de célébrer cette année un exode pascal très particulier, celui de « l’exil de la conscience » [5]. Il a suffi du plus petit et plus informe élément de la nature, un virus, pour nous rappeler que nous sommes mortels, que la puissance militaire et la technologie ne peuvent suffire à nous sauver. « L’homme comblé qui n’est pas clairvoyant – dit un psaume de la Bible – ressemble au bétail qu’on abat[6]. » C’est vrai : l’homme dans la prospérité ne comprend pas.

Alors qu’il peignait les fresques de la cathédrale Saint-Paul à Londres, le peintre James Thornhill était si enthousiasmé par son travail que, revenant à un moment donné sur ses pas pour mieux admirer sa fresque, il ne remarqua pas qu’il était sur le point de tomber de l’échafaudage dans le vide. Un de ses assistants, terrifié, comprit que s’il criait, il ne ferait qu’accélérer la catastrophe. Sans y réfléchir à deux fois, il trempa un pinceau dans la couleur et le balança en plein sur la fresque. Le maître, sidéré, bondit en avant. Son travail était compromis, mais il était sauvé.

C’est ainsi parfois que Dieu fait avec nous, il bouleverse nos plans et notre tranquillité, pour nous sauver de l’abîme que nous ne voyons pas. Mais ne soyons pas dupes. Ce n’est pas Dieu qui a balancé le pinceau en plein sur le fresque éblouissant de notre civilisation technologique. Dieu est notre allié, pas celui du virus ! « Je forme à votre sujet des pensées de paix, et non de malheur », dit-il lui-même dans la Bible[7]. Si ces fléaux étaient des châtiments de Dieu, il ne serait pas expliqué pourquoi ils frappent également justes et pécheurs, et pourquoi les pauvres sont ceux qui en supportent les pires conséquences. Sont-ils plus pécheurs que les autres?
Non ! Celui qui a un jour pleuré la mort de Lazare pleure aujourd’hui le fléau qui est tombé sur l’humanité. Oui, Dieu « souffre », comme chaque père et chaque mère. Quand nous le découvrirons un jour, nous aurons honte de toutes les accusations que nous avons portées contre lui dans la vie. Dieu participe à notre douleur pour la surmonter. « Dieu – écrit saint Augustin – étant suprêmement bon, ne laisserait aucun mal exister dans ses œuvres, s’il n’était pas assez puissant et bon, pour tirer le bien du mal lui-même[8] ».

Dieu le Père a-t-il voulu lui-même la mort de son Fils, pour en tirer un bien ? Non, il a simplement laissé la liberté humaine suivre son cours, en lui faisant servir son plan, pas celui des hommes. Ceci s’applique également aux maux naturels, comme les tremblements de terre et les pestes. Ce n’est pas lui qui les suscite. Il a donné aussi à la nature une sorte de liberté, qualitativement différente certes de la liberté morale de l’homme, mais toujours une forme de liberté. Liberté d’évoluer selon ses lois de développement. Il n’a pas créé le monde comme une horloge programmée à l’avance dans son moindre mouvement. C’est ce que certains appellent le hasard, et que la Bible appelle plutôt « la sagesse de Dieu ».

* * *

L’autre fruit positif de cette crise sanitaire est le sentiment de solidarité. Quand, de mémoire d’homme, les gens de toutes les nations se sont-ils sentis aussi unis, aussi égaux, aussi peu querelleurs, qu’en ce moment de douleur ? Jamais comme aujourd’hui nous ne saisissons la vérité de ces mots d’un de nos grands poètes : « Hommes, paix ! Sur la terre écrasée le mystère est trop grand[9] ». Nous avons oublié les murs que nous voulions construire. Le virus ne connaît pas de frontières. En un instant, il a brisé toutes les barrières et distinctions : de race, de religion, de richesse, de pouvoir. Nous ne devrons pas revenir en arrière lorsque ce moment sera passé. Comme le Saint-Père nous y a exhortés, ne laissons pas passer en vain cette occasion. Ne permettons pas que toute cette souffrance, tous ces morts, tout cet engagement héroïque du personnel médical aient été vains. C’est la « récession » que nous devons
craindre le plus.

 

« De leurs épées, ils forgeront des socs,
et de leurs lances, des faucilles.
Jamais nation contre nation ne lèvera l’épée ;
ils n’apprendront plus la guerre[10]. »

 

Il est temps de réaliser quelque chose de cette prophétie d’Isaïe dont l’humanité attend depuis toujours l’accomplissement. Disons : assez ! à la tragique course aux armements. Dites-le de toutes vos forces, vous les jeunes, car c’est avant tout votre destin qui est en jeu. Attribuons les ressources illimitées utilisées pour les armements aux fins dont, dans ces situations, nous voyons le besoin et l’urgence : la santé, l’hygiène, l’alimentation, la lutte contre la pauvreté, le soin de la création. Laissons à la génération qui viendra un monde plus pauvre en choses et en argent, au besoin, mais plus riche en humanité.

* * *

La parole de Dieu nous dit quelle est la première chose que nous devons faire dans des moments comme ceux-ci : crier vers Dieu, car c’est lui-même qui met sur les lèvres des hommes les mots qu’ils lui adressent, parfois même des mots durs, de lamentation et presque d’accusation. « Debout ! Viens à notre aide ! Rachète-nous, au nom de ton amour. […] Ne nous rejette pas pour toujours[11]. » « Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien[12] ? »

Peut-être Dieu aime-t-il se faire prier pour accorder ses bienfaits ? Peut-être notre prière peut-elle amener Dieu à changer ses plans ? Non, mais il y a des choses que Dieu a décidé de nous accorder comme fruit à la fois de sa grâce et de notre prière, comme pour partager avec ses créatures le mérite du bienfait reçu[13]. C’est lui qui nous exhorte à le faire : « Demandez, on vous donnera ; dit Jésus ; frappez, on vous ouvrira[14] ».

Lorsque, dans le désert, les Juifs étaient mordus par des serpents venimeux, Dieu ordonna à Moïse d’élever un serpent de bronze sur un poteau, et ceux qui le regardaient ne mouraient pas. Jésus s’est approprié ce symbole. « De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, dit-il à Nicodème, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle[15] ». Nous aussi, en ce moment, nous sommes mordus par un « serpent » venimeux invisible.

Regardons celui qui a été « élevé » pour nous sur la croix. Adorons-le pour nous et pour toute l’humanité. Qui le regarde avec foi ne meurt pas. Et s’il meurt, ce sera pour entrer dans une vie éternelle. « Après trois jours, je me lèverai », avait prédit Jésus.[16] Nous aussi, après ces jours que nous espérons courts, nous nous lèverons et sortirons des tombeaux que sont devenu nos maisons. Non pas pour revenir à l’ancienne vie comme Lazare, mais à une nouvelle vie, comme Jésus. Une vie plus fraternelle, plus humaine. Plus chrétienne!
_________________________
[1] Moralia in Job, XX,1.
[2] Mt 27, 24.
[3] Jn 12, 32.
[4] Salvifici doloris, n. 23
[5] https://blogs.timesofisrael.com/coronavirus-a-spiritual-message-from-brooklyn (Yaakov Yitzhak Biderman).
[6] Ps 48, 21.
[7] Jr 29, 11.
[8] Enchiridion, 11, 3 : PL 40, 236.
[9] G. Pascoli, I due fanciulli (Les deux enfants).
[10] Is 2, 4.
[11] Ps 43, 24.27.
[12] Mc 4, 38.
[13] Cf. S. Thomas d’Aquin, S.Th. II-IIae, q.83, a.2.
[14] Mt 7, 7.
[15] Jn 3, 14-15.
[16] Mt 9,31.

 

Source : l’Agence d’information internationale ZENIT.

Jeudi Saint 2020 : Homélie du pape François lors de la messe de la Cène

Le pape François célèbre la messe de la Cène le 9 avril 2020, dans la basilique Saint-Pierre au Vatican. (CNS photo/Vatican Media via Reuters)

Homélie de Sa Sainteté le pape François


Messe de la Cène
Jeudi 9 avril 2020

 

L’Eucharistie, le service, l’onction

La réalité que nous vivons aujourd’hui, en cette célébration: le Seigneur qui veut rester avec nous dans l’Eucharistie. Et nous devenons toujours davantage des tabernacles du Seigneur, nous portons le Seigneur avec nous, au point qu’il nous dit lui-même que si nous ne mangeons pas son corps et ne buvons pas son sang, nous n’entrerons pas dans le Royaume des Cieux. C’est le mystère du pain et du vin, du Seigneur avec nous, en nous, à l’intérieur de nous.

Le service. Ce geste qui est la condition pour entrer dans le Royaume des Cieux. Servir, oui, tous. Mais le Seigneur, dans cet échange de paroles qu’il a eu avec Pierre (cf. Jn 13, 6-9), lui fait comprendre que, pour entrer dans le Royaume des Cieux, nous devons permettre au Seigneur de nous servir, permettre que le Serviteur de Dieu soit notre serviteur. Et cela est difficile à comprendre. Si je ne permets pas que le Seigneur soit mon serviteur, que le Seigneur me lave, me fasse grandir, me pardonne, je n’entrerai pas dans le Royaume des Cieux.

Et le sacerdoce. Je voudrais aujourd’hui être proche des prêtres, de tous les prêtres, du dernier ordonné jusqu’au Pape. Nous sommes tous prêtres. Les évêques, tous… Nous sommes oints, oints par le Seigneur; oints pour faire l’Eucharistie, oints pour servir.

Aujourd’hui il n’y a pas la Messe Chrismale – j’espère que nous pourrons l’avoir avant la Pentecôte, autrement nous devrons la renvoyer à l’année prochaine -, mais je ne peux pas laisser passer cette Messe sans rappeler les prêtres. Les prêtres qui offrent leur vie pour le Seigneur, les prêtres qui sont des serviteurs. Ces jours-ci plus de 60 sont morts ici, en Italie, dans l’attention portée au malade dans les hôpitaux, avec les médecins, les infirmiers, les infirmières… Ils sont les “saints de la porte d’à côté”, des prêtres qui ont donné leur vie en servant. Et je pense à ceux qui sont loin. J’ai reçu aujourd’hui la lettre d’un prêtre, aumônier d’une prison lointaine, qui raconte comment il vit cette Semaine Sainte avec les détenus. Un franciscain. Des prêtres qui partent loin pour porter l’Evangile et qui meurent là. Un évêque disait que la première chose qu’il faisait, lorsqu’il arrivait dans un lieu de mission, c’était d’aller au cimetière, sur la tombe des prêtres qui ont laissé la vie, en raison des maladies du lieu: les prêtres anonymes. Les curés de campagne, qui sont curés de 4, 5, 7 villages, en montagne, et vont de l’un à l’autre, qui connaissent les gens… Une fois, l’un d’eux me disait qu’il connaissait le nom de tout le monde dans les villages. “Vraiment?” lui ai-je dit. Et lui m’a dit: “aussi le nom des chiens!”. Ils connaissent tout le monde. La proximité sacerdotale. Bons, bons prêtres.

Aujourd’hui, je vous porte dans mon cœur et je vous porte à l’autel. Prêtres calomniés. Cela arrive souvent aujourd’hui, ils ne peuvent pas aller dans la rue car on leur dit des méchancetés, à cause du drame que nous avons vécu dans la découverte des prêtres qui ont fait des choses horribles. Certains me disaient qu’ils ne peuvent pas sortir de chez eux en clergyman car ils se font insulter; et eux, continuent. Prêtres pécheurs, qui, avec les évêques et avec le Pape, pécheurs, n’oublient pas de demander pardon, et apprennent à pardonner, car ils savent qu’ils ont besoin de demander pardon et de pardonner. Nous sommes tous pécheurs. Prêtres qui souffrent des crises, qui ne savent que faire, qui sont dans l’obscurité…

Vous-tous, aujourd’hui, frères prêtres, vous êtes avec moi sur l’autel, vous qui êtes consacrés. Je vous dis une seule chose: se soyez pas entêtés comme Pierre. Laissez-vous laver les pieds. Le Seigneur est votre serviteur, il est proche de vous pour vous donner la force, pour vous laver les pieds.

Et ainsi, avec la conscience de cette nécessité d’être lavés, soyez de grands pardonneurs! Pardonnez! le cœur plein de générosité dans le pardon. C’est la mesure avec laquelle nous serons évalués. Comme tu as pardonné, tu seras pardonné: la même mesure. N’ayez pas peur de pardonner. Il y a parfois des doutes… regardez le Crucifié. Là se trouve le pardon de tous. Soyez courageux; également dans le risque de pardonner, pour consoler. Et si vous ne pouvez pas donner le pardon sacramentel à ce moment-là, donnez au moins la consolation d’un frère qui accompagne et qui laisse la porte ouverte afin que cette personne revienne.

Je remercie Dieu pour la grâce du sacerdoce; nous tous, remercions. Je remercie Dieu pour vous, prêtres. Jésus vous aime! Il veut seulement que vous vous laissiez laver les pieds.

 

Source : Libreria Editrice Vaticana (cliquez ici pour le texte original).

Message vidéo du Pape François à toutes les familles du monde en cette période de pandémie

Nous publions, ci-dessous, le texte complet du message vidéo que le Saint-Père a envoyé, à l’approche du début de la Semaine Sainte, en signe de proximité avec les familles italiennes et dans le monde entier en cette période de pandémie:

Chers amis, bonsoir!

Ce soir, j’ai la chance d’entrer chez vous d’une manière différente que d’habitude. Si vous me le permettez, j’aimerais parler avec vous quelques instants, en cette période de difficultés et de souffrances. Je vous imagine dans vos familles tout en vivant une vie inhabituelle pour éviter la contagion. Je pense à la vivacité des enfants et des jeunes, qui ne peuvent pas sortir, aller à l’école, faire leur vie. Je porte toutes les familles dans mon coeur, surtout celles qui ont un malade ou qui ont malheureusement connu le deuil dû au coronavirus ou à d’autres causes. Ces jours-ci, je pense aux gens seules, et pour lesquelles ce moment est difficile. Je pense surtout aux anciens, qui me sont si chers.

Je ne peux pas oublier les malades du coronavirus, les personnes hospitalisées. Je suis conscient de la générosité de ceux qui s’exposent pour soigner de la pandémie ou pour fournir des services essentiels à la société. Tant de héros, de tous les jours, de toutes les heures ! Je pense aussi à ceux qui ont des difficultés économiques précaire et qui s’inquiètent pour leur travail et leur avenir. Une pensée va également aux détenus dans les prisons, à la douleur desquels s’ajoute la peur de l’épidémie, pour eux-mêmes et leurs proches ; Je pense aux sans-abri, qui n’ont pas de maison pour les protéger.

C’est une période difficile pour tout le monde. Pour beaucoup, très difficile. Le pape le sait et, avec ces termes, il veut dire à tous sa proximité et son affection. Essayons, si nous le pouvons, de tirer le meilleur parti de ce temps : soyons généreux ; aidons ceux qui sont dans le besoin dans notre voisinage ; cherchons, par téléphone ou sur les réseaux sociaux, les personnes les plus seules ; prions le Seigneur pour les personnes éprouvées en Italie et dans le monde. Même si nous sommes isolés, la pensée et l’esprit peuvent aller loin avec la créativité de l’amour. Nous avons besoin aujourd’hui de la créativité de l’amour.

Nous célébrerons la Semaine Sainte de façon très inhabituelle, qui manifeste et résume le message de l’Évangile, celui de l’amour sans limites de Dieu. Et dans le silence de nos villes, l’Évangile de Pâques résonnera. L’apôtre Paul dit : « Il est mort pour tous, afin que les vivants n’aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui, qui est mort et ressuscité pour eux » (2 Co 5, 15). Dans le Jésus ressuscité, la vie a vaincu la mort. Cette foi pascale nourrit notre espoir. Je voudrais le partager avec vous ce soir. C’est l’espoir de temps meilleurs, où nous seront tous meilleurs, enfin libéré du mal et de cette pandémie. C’est un espoir : l’espoir ne déçoit pas ; ce n’est pas une illusion ; c’est un espoir.

Côte à côte, dans l’amour et la patience, nous pouvons ces jours-ci préparer des temps meilleurs. Merci de m’avoir permis d’entrer chez vous. Faites un geste de tendresse pour ceux qui souffrent, pour les enfants et pour les personnes âgées. Dites-leur que le Pape est proche d’eux et prie, pour que le Seigneur nous délivre bientôt du mal. Et vous, priez pour moi. Bon dîner. À bientôt !

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