La question migratoire, du politique au spirituel

(Image : courtoisie de Unsplash)

Le Pape François, à l’occasion d’un message pour la Journée mondiale du Migrant et du Réfugié, rappelait l’importance des questions migratoires, un enjeu social et politique de portée internationale auquel il a été particulièrement attentif durant son pontificat. Le Saint-Père a fait connaître aux chrétiens  – et à tous les hommes de bonne volonté, selon la formule consacrée – son désir de voir l’humanité progresser vers un degré plus élevé d’universalité, vers une unité plus aboutie. 

Avec un langage parfois fort, le Pape a ainsi condamné dans les dernières années certaines formes excessives de nationalisme et de crispation identitaire, qui ont pour effet de nous enfermer dans nos particularités et de voiler le visage du Christ que nous devons voir dans notre prochain. 

L’Église catholique, assemblée universelle 

L’unité espérée du genre humain, l’espérance d’une humanité réconciliée et pacifiée, est en un sens profondément enracinée dans le cœur de l’homme. Notre foi est fondée sur la promesse d’une Jérusalem nouvelle, d’une cité rénovée par la Grâce et pour la gloire de Dieu, regroupant les Élus dans un vaste chœur céleste, par delà les frontières du temps et de l’espace. 

Cette espérance, nous le savons, n’est pas destinée à trouver complète satisfaction ici-bas, sur notre Terre, par des moyens techniques et politiques. C’est en vue de Dieu seul et en Son temps que le monde tel que nous le connaissons trouvera sa fin, que nous prendrons part à sa perfection. 

Cela ne veut pas dire, cependant, que nos vies sur Terre sont dépourvues de signification, d’importance ou de consistance. Tels que Dieu nous a faits, ils nous est donné de participer ensemble, les uns pour les autres, à la poursuite d’un bien commun qui dépasse notre individualité, et même la communauté la plus proche de la famille.

La médiation de la communauté politique

C’est ainsi qu’Aristote, comme saint Thomas d’Aquin et plusieurs après eux, ont parlé de l’homme comme d’un animal politique, destiné à prendre part à la vie commune, inscrit dans une communauté politique ordonnée au bien commun. Cette tradition est d’ailleurs au cœur de la doctrine sociale de l’Église, qui nous prévient des excès de l’idéologie. 

Vivre selon cette nature politique qui est la nôtre vient avec des exigences particulières, qui correspondent aux limites de notre expérience humaine. Nous ne pouvons communier politiquement au bien de l’humanité sans prendre part, plus concrètement, à des communautés politiques plus petites, plus circonscrites, plus limitées en quelque sorte. 

Que ce soit dans le cadre de la cité des Grecs, de l’empire comme à Rome ou de la nation européenne, nous ne pouvons vivre politiquement que dans un contexte précis, une forme politique donnée, comme dirait le philosophe catholique Pierre Manent. Nous ne pouvons nous priver de cette médiation. 

Nouveaux défis, nouvelles communautés?

Ainsi se pose pour le chrétien le problème de l’appartenance politique, de laquelle découle la question migratoire. D’un côté, nous appartenons au Christ et à l’Église, qui réalise une association humaine universelle, dans laquelle nous sommes tous frères et par laquelle nous aspirons au Salut et à l’amitié divine. C’est, pour ainsi dire notre véritable maison, notre authentique demeure. 

De l’autre côté, cependant, nous sommes appelés à nous organiser collectivement et politiquement dans des ensembles plus restreints, mais bien réels et dont les caractéristiques, en cela qu’elles répondent à notre nature, sont de soi excellentes. Le sentiment d’appartenance à la communauté politique, l’attachement qu’on y porte, est sain. Le désir de voir cette communauté se développer de manière adéquate et se protéger contre la menace est naturel. 

Malheureusement, l’émergence de défis dont la portée est internationale, comme les crises écologiques, migratoires et sanitaires suscite chez certains de profondes inquiétudes, qui peuvent conduire, lorsqu’encouragées par des personnalités politiques irresponsables, au repli sur soi, à un protectionnisme excessif qui oppose l’homme à l’homme et lui fait perdre de vue l’unité de l’humanité en Christ. 

Le difficile jeu des appartenances

Le contexte de la crise migratoire, vécue de manière particulièrement intense en Europe continentale, a ainsi contribué à l’émergence de mouvements politiques qui profitent de ces inquiétudes plutôt qu’ils ne cherchent à formuler des solutions pratiques et réalistes aux problèmes politiques bien concrets que cette situation représente pour ceux qui, de part et d’autre, vivent les effets de cette crise. La condamnation de ces excès est justifiée. 

Les chrétiens sont appelés à voir dans le pauvre, le miséreux, l’exclu, un autre Christ et à lui ouvrir les portes de leurs cœurs. Cette exigence évangélique, certes radicale, est appelée à être vécue par chacun selon sa situation de vie, ses possibilités concrètes et les moyens dont il dispose. À l’impossible, nul n’est tenu. 

Aussi, dans la recherche du bien commun et dans la formulation de solutions aux difficultés parfois extrêmes auxquelles une communauté politique peut faire face, les responsables politiques qui sont des chrétiens ne peuvent faire abstraction de cette exigence. Ils doivent être en mesure de la réaliser sans mettre en péril les aspirations, les désirs, les besoins et la sécurité des communautés dont ils ont la charge, la très haute responsabilité de gouverner. 

Un animal politique… et spirituel? 

À la recherche du bien commun de la société politique, le citoyen, qu’il exerce ou non une charge politique d’importance, a le devoir premier de maintenir cette société dans l’être et de voir aux meilleures façons de réaliser certains biens pour ceux qui en font partie. Le caractère politique de l’expérience humaine, voulu par Dieu, n’a pas été aboli par Lui avec l’avènement de son Fils. 

À la recherche du bien commun de l’Église, qui embrasse potentiellement l’humanité entière, le chrétien se veut ouvert et disponible, attentifs aux motions de l’Esprit et capable, avec la Grâce de Dieu, de faire le témoignage de Son amour auprès de ceux qui souffrent le plus. 

Chacun de nous est en un sens appelé à vivre de cette double vocation, politique et spirituelle, civique et mystique, selon les moyens qui sont les nôtres et devant les épreuves qui se présentent inévitablement à nous. Impatients que nous sommes devant Dieu, nous devons résister à la tentation de vouloir faire descendre son éternelle Cité plus près de nous, au risque de troubler notre perspective sur le réel et, se faisant, de nous montrer incapable de porter la charge, provisoire, qui est la nôtre. 

La famille et la poursuite du bien commun

(Image: courtoisie de Wikimedia)

L’Église a beaucoup parlé dans les dernières années des questions relatives à la vie, au mariage et à la famille, et plus spécifiquement de la contribution des familles chrétiennes à sa vivacité. Alors que notre époque est marquée par son effacement, ces enseignements, conjugués à certains principes de la doctrine sociale de l’Église, peuvent contribuer à une réflexion sur la perspective du bien commun dans nos sociétés politiques. 

Un paradoxe de la politique moderne

La communauté politique est rarement comprise, dans l’espace public, comme une réalité naturelle à l’homme, c’est-à-dire comme une expression de sa nature d’animal politique, selon le mot d’Aristote. En effet, nos intuitions se sont transformées, et plus souvent qu’autrement nos concitoyens ont des attentes à la fois excessives et insuffisantes quant à l’expérience politique. C’est un paradoxe de notre modernité politique, qui s’explique notamment par un désintérêt pour la subsidiarité, un principe de la doctrine sociale de l’Église suivant lequel la responsabilité d’agir sur une question donnée revient à la communauté qui en expérimente le plus directement les effets. 

Or, nous vivons ici et maintenant dans le monde de l’État-providence, c’est-à-dire l’état d’une société où l’essentiel des nécessités humaines les plus élémentaires trouvent satisfaction de quelque manière par une réponse étatique. Devant les réalités du quotidien, les imperfections du marché, les désirs matériels, c’est l’État ou principalement l’État, qui répond présent. 

Cette situation est en un sens tout à fait nouvelle et unique au regard de l’histoire universelle. Jamais auparavant l’État, la république, le royaume, n’avait pris sur lui de répondre aussi directement et aussi promptement aux nécessités particulières, aux besoins locaux, voire familiaux et individuels. Nous vivons désormais dans l’attente de ces services et entretenons à l’égard de l’État des attentes extrêmement élevées. C’est pourquoi on entend souvent que les  »contribuables » (les citoyens) veulent en avoir pour leur  »argent » (leurs taxes). Nous sommes sortis de l’amitié civique pour entrer dans une relation d’affaire, parfois même prédatoire. 

Évidemment, nos devanciers avaient, eux aussi, des besoins et des désirs pour eux-mêmes et leurs proches, leurs familles, leurs communautés. Mais pour l’essentiel de l’histoire humaine, ils trouvaient satisfaction (ou privation), dans des contextes plus locaux, plus communautaires, et en un sens plus naturels, par la participation à des corps intermédiaires entre l’individu et l’État, aujourd’hui fortement affaiblis. Le processus qui nous a conduit jusqu’ici a donc généré chez nous des attentes excessives à l’égard de l’État politique. Nous demandons de lui des choses qu’il ne lui appartient pas de nous donner, du moins, si on en croit la doctrine sociale de l’Église et la centralité du principe de subsidiarité.

Une négation de notre nature politique

Pourtant, nous avons aussi et surtout des attentes insuffisantes à l’égard de la politique, qui se trouvent, en un sens, à un niveau plus humain et plus profond. Ces attentes  sont si faibles qu’elles attaquent notre nature politique. Libérés de la famille, libérés de l’amitié, libérés de l’Église et de quelque autre forme d’engagement librement consenti, plusieurs de nos concitoyens se placent dans une situation de dépendance, seuls face à l’État. 

Peu d’entre nous voient l’activité politique comme une recherche délibérée du bien commun qui engage, dans une démocratie comme la nôtre, l’ensemble des citoyens. D’ailleurs, le titre de citoyen, qui faisait à Athènes ou à Rome l’honneur de ceux qui le portaient, est pour nous vidé de son sens. Occupés à requérir de l’État des nécessités matérielles et même parfois jusqu’au sens de notre vie, notre activité politique se résume trop souvent à voter pour celui qui nous promet le meilleur rendement sur notre investissement. Nous ne cherchons pas à poursuivre le bien commun de la société politique dans laquelle nous nous inscrivons, mais bien plutôt à accroître notre bien particulier, parfois même au dépens de la communauté dans son ensemble. 

C’est pourquoi on peut également soutenir que nous avons à l’égard de la politique des attentes insuffisantes. La politique est cette activité, éminemment humaine, qui nous fait sortir de nos particularisme et nous fait nous engager en vue de biens plus universels. Il en va de même pour les chrétiens, dont la nature n’est pas changée mais plutôt élevée par la Grâce. D’une certaine manière, la politique en son sens le plus noble nous prépare même à la recherche de biens encore plus élevés. Il est ainsi nécessaire d’avoir une saine politique, comme il est essentiel d’avoir une saine vie familiale. 

La famille, un modèle pour les communautés plus larges

La famille est en un sens la forme la plus restreinte, la plus condensée, de communauté à laquelle il nous est donné d’appartenir. Elle n’a pas le caractère politique de la cité ou de la nation, dont elle ne partage pas la nature délibérative et plurielle. Or dans la famille, comme dans la vie politique, s’exerce une autorité dont la fin dépasse les besoins immédiats et particuliers des individus qui la composent. En famille, on comprend intuitivement que le bien du tout l’emporte sur celui des parties. Les parents, qui justement ont la charge d’autorité, acceptent plus aisément le sacrifice et le dénuement, lorsqu’il est rendu nécessaire par les circonstances. 

En famille, on sait qu’en dépit de leurs imperfections, nos frères, nos sœurs, nos parents sont dignes de notre respect et même de notre affection, en tant qu’ils partagent avec nous le lien de parenté. Ainsi la saine famille peut nous apprendre certaines choses sur la saine république, la saine communauté politique. Les citoyens ont, en tant que citoyens, le devoir de veiller chacun sur le bien de l’ensemble. Ils éprouvent souvent une affection parfois naïve mais sincère pour leurs concitoyens, avec lesquels ils partagent un titre de haute distinction. 

De petits et de grands ensembles

Enfin, dans la saine république on ne confond pas l’État avec la famille, ni entre eux les autres corps intermédiaires qui cimentent, de la plus petite à la plus grande, les communautés de parenté, de l’amitié, de la langue. On ne la confond pas davantage avec l’incommensurablement plus universelle res publica christiania, qui réunit les croyants par delà toutes les frontières matérielles et idéelles. 

À leur place et bien comprises, toutes ces communautés sont belles, bonnes et authentiques; elles répondent à la nature humaine en l’épousant de façon harmonieuse. Dans la démesure, elles perdent de leur éclat et deviennent des parodies d’elles-mêmes. Cette tension entre universalité et particularité est bien exprimée par le Pape François qui, dans l’encyclique Fratelli tutti, affirme :

« la fraternité universelle et l’amitié sociale constituent partout deux pôles inséparables et coessentiels. Les séparer entraîne une déformation et une polarisation préjudiciables » (par. 142).

La société politique a besoin pour réaliser sa fin de saines familles, de corps intermédiaires solides et de citoyens capables d’une amitié authentique. L’Église, la res publica christiana, a elle aussi plus que jamais besoin de fidèles véritablement libres et capables d’habiter, chacun selon sa vocation, de petites sociétés qui participent à sa souveraine beauté. Pour les chrétiens qui sont liés par le sacrement du mariage s’impose ainsi plus que jamais la responsabilité d’édifier une église domestique pleine de vigueur et de sainteté. 

Les intentions du Pape pour avril 2021: les droits fondamentaux

Rejoignez-nous en prière avec les intentions que nous confie le Pape! Durant le mois d’avril, nous prions pour les droits fondamentaux: 

Prions pour ceux qui luttent au péril de leur vie pour les droits fondamentaux sous les dictatures, les régimes autoritaires mais aussi dans les démocraties en crise pour que leur sacrifice et leur travail donnent un fruit abondant.

 

Regardez la Vidéo du Pape ci-dessous:

« Pour défendre les droits humains fondamentaux, il faut du courage et de la détermination.
Je me réfère ici à la lutte active contre la pauvreté, l’inégalité, le manque de travail, de terre et de logement, de droits sociaux et du travail.
On s’aperçoit bien des fois que les droits humains fondamentaux ne sont pas les mêmes pour tout le monde.
Il y a des gens de première, de deuxième, de troisième classe et ceux qui sont écartés.
Non. Les droits fondamentaux doivent être les mêmes pour tous.
Dans certains pays, défendre la dignité des personnes peut conduire à l’incarcération, parfois sans jugement. Ou à la calomnie.
Tout être humain a le droit de vivre dans la dignité et de se développer pleinement, et ce droit fondamental ne peut être nié par aucun pays.
Prions pour ceux qui luttent au péril de leur vie pour les droits fondamentaux sous les dictatures, les régimes autoritaires mais aussi dans les démocraties en crise pour que leur sacrifice et leur travail donnent un fruit abondant. »

 

Prière quotidienne

Vous pouvez accompagner les intentions de prière du Pape par cette prière d’offrande quotidienne:

Père très bon, en ce jour nouveau,
me voici devant Toi.
Unis mon cœur au Cœur de ton fils Jésus
qui s’offre pour moi dans l’Eucharistie.
Que l’Esprit Saint fasse de moi son ami et apôtre par la prière,
disponible à sa mission.
En communion avec Marie, mère de l’Église et notre mère,
avec mes frères et sœurs du Réseau Mondial de Prière,
je t’offre ma journée, ses joies et ses peines,
pour la mission de l’Église
et l’intention donnée ce mois-ci par le Pape.

 

Pour en apprendre plus sur l’Apostolat de la Priere, visitez le site du Réseau Mondial de la Prière.

 

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Père de miséricorde

(Image: courtoisie de Wikimedia)

Avec la publication de la lettre apostolique Patris corde (cœur de père), le Pape François ouvrait le 8 décembre dernier l’année saint Joseph, afin de souligner le 150e anniversaire de sa désignation comme patron de l’Église universelle par le bienheureux Pape Pie IX. Le 19 mars 2021 commençait aussi l’année de la famille Amoris Laetitia, célébrant le cinquième anniversaire de la publication de cette importante exhortation apostolique sur l’amour dans la famille. Enfin, en ce mois de mars, le Saint Père nous invite à prier, selon ses intentions, pour le sacrement de réconciliation. À la rencontre de toutes ces circonstances se trouve une méditation sur le lien profond entre paternité et miséricorde.

 

Justice et miséricorde dans la famille

Depuis le début de son pontificat, le Pape François a beaucoup insisté sur la thématique de la miséricorde, allant jusqu’à y consacrer un jubilée extraordinaire, en 2016. La question de la famille occupe également une place importante dans son enseignement, comme ce fut le cas à l’époque de son vénéré prédécesseur, le saint Pape Jean-Paul II. La miséricorde et la famille ne sont pas des thèmes à prendre séparément. Au contraire, il existe entre eux des liens plus profonds, enracinés dans l’Évangile. 

Les Saintes Écritures et la Tradition de l’Église sont riches en figures paternelles, auxquelles il revient par excellence la fonction d’autorité et la vertu de justice. Après tout, ne parle-t-on pas de saint Joseph le juste pour honorer celui qui, dans le silence, le travail et l’humilité, veillera sur la sainte famille? 

Parallèlement, se trouve la figure de Dieu le Père, dont la loi éternelle est chantée dans les psaumes. Si certains voient une opposition entre le Dieu de l’Ancien Testament, un Dieu de loi et de justice, un Dieu jaloux, voire même vengeur, et le Dieu du Nouveau Testament, un Dieu d’amour, de miséricorde et de liberté, nous savons qu’il en est autrement. Nous ne connaissons en vérité qu’un seul Dieu, un Dieu fidèle en qui justice et miséricorde sont unis, exprimés conjointement dans le sacrifice de Son Fils unique pour la rémission de nos péchés.  

La réconciliation du fils prodigue

La miséricorde de Dieu est expérimentée de manière toute particulière par les chrétiens à travers l’expérience du sacrement de réconciliation. Institué par le Christ et administré en Église par les prêtres, il est l’occasion par excellence de rencontrer Dieu pour se confier à Lui, pour Lui offrir le repentir de notre cœur blessé par le péché. Faits pour Son amour, désireux de Le connaître et de vivre auprès de Lui, nous nous savons pourtant faibles :  »je ne réalise pas le bien que je voudrais, mais je fais le mal que je ne voudrais pas » (Romains 7: 19), nous dit l’Apôtre. Par la miséricorde de Dieu, nous sommes vraiment sauvés. 

Il est intéressant de souligner que ce sacrement est généralement expliqué, notamment dans l’expérience du catéchuménat, à partir de la parabole du fils prodigue, qui met en avant une autre figure du père. On la connaît bien : à son retour le fils prodigue, parti dilapider frivolement sa part d’héritage et revenu bredouille, à sa surprise est accueilli par le père dans une grande fête. Au départ mal comprise par le frère, un juste, cette fête est l’expression sensible du débordement de joie suscité dans le cœur du père par le retour au bercail de son fils perdu; elle marque sa renaissance :  »ton frère que voici était mort et il est revenu à la vie, il était perdu et il est retrouvé » (Luc 15: 32). 

Le sacrement de réconciliation est pour nous l’occasion d’être ainsi accueilli par notre Père céleste, la possibilité d’une renaissance. Par excellence, Il illustre à la fois la justice de Dieu et Sa miséricorde. 

Paternité et miséricorde 

Père de tous les pères, notre Dieu nous invite, dans la haute œuvre de la famille, à développer la vertu de justice. Il donne aux pères du monde entier un exemple fameux, celui de saint Joseph que nous fêtons ces jours-ci. Notoirement silencieux, du moins dans l’Évangile, Joseph exerce son rôle de père adoptif dans l’humilité, la simplicité, et ─ la Tradition nous l’enseigne ─ la justice. Nous devons être pour nos enfants des pères à l’image de saint Joseph : tournés vers le Christ dans l’amitié avec Sa sainte épouse, notre bienheureuse Mère de miséricorde. 

Alors que le sens de la paternité est parfois obscurci, tournons également nos yeux vers le Père authentique, notre Créateur dans les cieux, de qui origine toute chose et de qui toute justice véritable tient sa source. À Son écoute et selon Son exemple, ayons ainsi la force d’être les témoins de Sa miséricorde, ainsi que de Son esprit d’unité et de réconciliation, dans l’édification de l’Église domestique. 

Pour une préparation spirituelle à la vie familiale

(Photo: courtoisie de Pixabay)

En ce 19 mars, nous célébrons la fête de saint Joseph ainsi que le début d’une année consacrée à la « famille Amoris Laetitia ». En tant que futurs parents, mon mari et moi avons de nombreux doutes et questionnements sur la famille, et les réflexions du pape dans Amoris Laetitia nous aident à y voir plus clair.  Si nous avons déjà abordé plusieurs thèmes liés à la famille et la foi récemment, discutons plus en profondeur de ce qu’implique une préparation à la vie familiale, notamment les valeurs essentielles qui sont propres à la vocation familiale. 

 

Se préparer à l’inconnu

Depuis presque 7 mois, un petit garçon grandit en moi. Il a vécu l’entièreté de sa vie sur terre dans mon corps, et pourtant, j’attends encore de le rencontrer et d’apprendre à le connaître. Ce mélange de proximité et de découverte incarne parfaitement la beauté et la grandeur du don de Dieu. Dieu donne ce qu’on ne peut se donner nous-mêmes, il a une capacité à la création qui nous dépasse complètement, et, en même temps, il nous accorde l’immense privilège de l’intimité. 

Le pape François écrit dans Amoris Laetitia que « toutes les caractéristiques somatiques de [l’enfant] sont inscrites dans son code génétique depuis son état d’embryon. Mais seul le Père qui l’a créé le connaît en plénitude. » (Amoris Laetitia, 170)

Malgré la panoplie de livres écrits sur la famille, la grossesse et les enfants, l’expérience de la conception et de l’éducation des enfants est chaque fois entièrement nouvelle pour un couple. Mon mari et moi apprendrons certes à connaître un peu mieux chaque jour notre petit garçon, et d’autres encore si Dieu le veut, mais pour aujourd’hui, et chaque jour qui viendra, nous devrons accepter une part d’inconnu et nous reposer sur la Providence dans le soin de notre famille. 

Aimer en toute quiétude

Dans l’Évangile selon saint Luc, on nous présente Marthe, affairée pour servir le Seigneur, et Marie, à genoux et à l’écoute du Seigneur. Lorsque Marthe demande ce que Jésus pense du fait que Marie ne l’aide pas, il répond:


Marthe, Marthe, tu te donnes du souci et tu t’agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée. –
(Luc 10:41-42)

Ce passage en dit beaucoup sur nos manières de vivre l’amour parental. Parfois, nous pouvons avoir l’impression d’aimer, alors que nous tombons dans l’inquiétude et la distraction.

Déjà durant la grossesse, beaucoup d’inquiétudes peuvent survenir quant à la santé du bébé, la santé de la mère, la dynamique du couple et l’anticipation de l’arrivée du bébé au sein du mariage. Il faut un grand soin pour être à l’écoute du Seigneur et être dans la joie. Le pape fait cette prière aux femmes enceintes:


« À toute femme enceinte, je voudrais demander affectueusement : protège ta joie, que rien ne t’enlève la joie intérieure de la maternité. Cet enfant mérite ta joie. Ne permets pas que les peurs, les préoccupations, les commentaires d’autrui ou les problèmes éteignent cette joie d’être un instrument de Dieu pour apporter une nouvelle vie au monde. »
– (Amoris Laetitia, 171)

 

La résistance qu’il faut opposer à cette inquiétude, surtout durant une période de pandémie où le souci règne, dépend nécessairement de la grâce de Dieu. Pour les couples qui attendent leur premier enfant, il faut combattre tout particulièrement l’anticipation anxieuse du changement à la vie d’un couple marié qu’apporte un enfant. 

L’amour prend patience

Les catholiques ont la chance de pouvoir vivre une préparation au mariage au sein de l’Église. Avant de faire le grand saut, de recevoir les grâces du sacrement du mariage, les futurs époux sont préparés à la vie de couple, au don de soi, au Seigneur et à l’autre. Cet amour « prend patience » et « n’entretient pas de rancune », nous dit saint Paul (1 Co 13:4-5).

Toutefois, nombre d’entre nous constatent une fois mariés que les affirmations de l’hymne à l’amour sont difficiles à mettre en pratique. Nous priorisons souvent nos intérêts sur ceux de notre époux, nous devenons impatients pour les petites choses en oubliant notre espérance commune, et nous nous heurtons aux défis de communication qui entravent l’intimité conjugale. 

Le pape François explique ainsi l’attitude à privilégier:


« Peu importe que [l’autre] soit pour moi un fardeau, qu’il contrarie mes plans, qu’il me dérange par sa manière d’être ou par ses idées, qu’il ne soit pas tout ce que j’espérais. L’amour a toujours un sens de profonde compassion qui porte à accepter l’autre comme une partie de ce monde, même quand il agit autrement que je l’aurais désiré. »
(Amoris Laetitia, 92)

 

Considérant le grand risque d’imperfection lié à l’amour que nous portons à notre époux, nous pouvons douter de nos capacités à accueillir un enfant. Cela dit, s’aimer soi-même et aimer son époux avec une patience renouvelée prend toute une vie. C’est sur ce double effort, et non sur la réalisation parfaite de celui-ci (Dieu seul est saint!) que nous trouverons la solidité requise pour aimer l’enfant à son tour.

 

Suivre le Christ dans la vie familiale

Cette année de la famille est aussi le 5e anniversaire de la publication d’Amoris Laetitia. Cette exhortation apostolique du pape François explique dans un style décomplexé les diverses demandes et inspirations à suivre en ce qui concerne le mariage et la vie familiale dans l’Église catholique et, plus généralement,  la vie familiale en 2021. Nous pouvons nous y référer encore aujourd’hui afin de mieux comprendre par quels chemins le Christ nous invite à le suivre au sein de la vocation au mariage et à la famille. Le Seigneur nous offre un beau chemin de sanctification et, par sa grâce jumelée à nos efforts, chacune de nos familles peut participer à sa création en toute joie et en tout amour. 

 

L’année de la famille commence le 19 mars 2021 et se terminera le 26 juin 2022 avec la 10e rencontre mondiale des familles à Rome. Trouvez des informations supplémentaires sur les événements de l’année ‘Amoris Laetitia’ ici

Église en Sortie 15 mars 2021

Dans cet épisode d’Église en Sortie, on parle de l’avenir du Synode des évêques avec Sr. Nathalie Becquart. On vous présente un reportage sur l’église Sainte-Jeanne de Chantal de l’île Perrot. Dans la troisième partie de l’émission, Francis Denis s’entretient des rapports de l’Église avec la modernité avec le sociologue Martin E. Meunier. Église en sortie est tous les lundis à 20H30 et en reprise les vendredis à 19H30. Sur les ondes de Sel + Lumière, votre chaîne canadienne de télévision catholique.

Les intentions du Pape en mars 2021

Les intentions du Pape en mars 2021: le sacrement de réconciliation

Rejoignez-nous en prière avec les intentions que nous confie le Pape François.

Pour le mois de mars, nous prions avec le Pape pour le sacrement de réconciliation:

Prions pour vivre le sacrement de la réconciliation avec une profondeur renouvelée, afin de goûter l’infinie miséricorde de Dieu. Et prions pour que Dieu donne à son Église des prêtres miséricordieux et non bourreaux.

Écoutez également la Video du Pape sur les intentions de mars:

Lorsque je vais me confesser, c’est pour me guérir, guérir mon âme.

Pour en ressortir avec plus de santé spirituelle. Pour passer de la misère à la miséricorde.

Au cœur de la confession, il y a non pas les péchés que nous disons mais l’amour divin que nous recevons et dont nous avons toujours besoin.

Au cœur de la confession, il y a Jésus qui nous attend, nous écoute et nous pardonne.

Souvenez-vous de ceci : avant même nos erreurs, c’est nous qui sommes présents dans le cœur de Dieu. 

Prions pour vivre le sacrement de la réconciliation avec une profondeur renouvelée, afin de goûter l’infinie miséricorde de Dieu. Et prions pour que Dieu donne à son Église des prêtres miséricordieux et non bourreaux.

 

Prière quotidienne

Vous pouvez accompagner l’intention de prière du Pape par cette prière d’offrande quotidienne:

Dieu, notre Père, je t’offre toute ma journée.

Je t’offre mes prières, pensées,
paroles, actions, joies
et souffrances en union avec
ton Fils Jésus-Christ
qui continue à s’offrir à toi
dans l’Eucharistie pour le salut du monde.

Que l’Esprit Saint
qui a guidé Jésus,
soit mon guide et ma force
aujourd’hui pour que je puisse témoigner de ton amour.

Avec Marie,
la mère du Seigneur et de l’Église,
je prie spécialement aux intentions
que le Saint-Père recommande
à la prière de tous les fidèles pour ce mois.

Pour en apprendre plus sur l’Apostolat de la Priere, visitez le site du Réseau Mondial de la Prière.

 

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Un pèlerin au service de la paix, du dialogue et de la réconciliation

( Image: courtoisie Vatican News) Vous trouverez ci-dessous une contribution spéciale de Carl Hétu, directeur national de l’Association catholique d’aide à Orient (CNEWA- CANADA) en lien avec la visite historique du Pape François en Irak:

Bien des gens se posent des questions.  Pourquoi le pape François se rend-il en Irak du 5 au 8 mars, en ces temps difficiles de pandémie, d’instabilité politique et de rumeurs de menaces sur sa vie?

Une raison ressort : faire preuve de solidarité envers les chrétiens de ce pays. Il n’en a pas été beaucoup question dans les bulletins d’information du soir, mais les chrétiens d’Irak se sont retrouvés sans protection et maltraités — menaces, enlèvements, tortures, assassinats — au cours des 17 dernières années. Il n’est pas exagéré de dire que la plupart ont été contraints de fuir. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 1,5 million de chrétiens vivaient en Irak en 2003. Aujourd’hui, il en reste à peine 180 000. La montée de l’EIIS à l’été 2014 leur a porté un dernier coup, obligeant plus de 100 000 d’entre eux à fuir pour sauver leur vie en quittant Mossoul et les plaines de Ninive pour trouver refuge dans le nord du Kurdistan irakien.  Il n’est pas étonnant que le pape s’arrête à ces trois endroits. Les chrétiens locaux ont vécu un véritable cauchemar, et beaucoup d’évêques, de religieuses, de prêtres et de simples fidèles ont été martyrisés — en raison de leur foi.   

Connu pour sa capacité à établir des ponts, le pape François rencontrera un grand nombre de groupes chrétiens dans le pays, notamment des catholiques syriaques et des chrétiens orthodoxes, des catholiques chaldéens et des Assyriens de l’Est, ainsi que des chrétiens arméniens (tant de l’Église catholique que de l’Église apostolique). Une fois encore, le pape sait que leur survie dépend de cette importante unité entre les chrétiens.    

L’unité entre les chrétiens du monde entier est au cœur de la papauté du pape François, comme il l’a clairement indiqué lors de son premier voyage en Israël et en Palestine. Il a non seulement prié avec le patriarche œcuménique de Constantinople, Bartholomée Ier, mais il a également entamé une relation de travail durable avec lui, après 1000 ans de dissensions.    

Mais le pape sait aussi que cela ne suffit pas. Les chrétiens du Moyen-Orient ont dû apprendre à composer avec une majorité musulmane au cours des 1400 dernières années au moins. S’ils sont encore dans la région aujourd’hui, c’est parce qu’ils ont pu prendre leur place et développer des liens solides avec les dirigeants musulmans malgré quelques moments sombres de l’histoire. Aujourd’hui, les chrétiens sont confrontés à une de leurs périodes les plus difficiles, comme le révèlent les chiffres : plus de 2,5 millions de personnes ont été forcées de quitter non seulement leur pays, mais aussi tout le Moyen-Orient en seulement 17 ans, beaucoup d’entre elles quittant l’Irak et la Syrie. C’est le pire déclin des chrétiens depuis le génocide arménien de 1915. Le développement de relations solides avec les dirigeants musulmans est donc, à l’évidence, une priorité centrale de toute visite papale. Ainsi, comme le pape l’a fait lors de ses voyages en Palestine, en Égypte, en Turquie et aux Émirats arabes unis, il rencontrera des dirigeants tels que le grand ayatollah Sistani à Najaf, principal chef spirituel des musulmans chiites irakiens.

De nombreux experts estiment cependant qu’il est trop tard pour les chrétiens irakiens. Il est vrai que ces derniers étaient autrefois reconnus pour entretenir d’excellentes relations avec les autres groupes ethniques et religieux de leur pays. Animés par l’esprit d’entreprise, ils ont largement contribué à son développement socio-économique, en créant des emplois ainsi que des services sociaux et des établissements de soins de santé pouvant apporter de l’aide aux plus défavorisés, quelle que soit leur religion.

Qu’ils aient raison ou tort, si nous regardons au sud-ouest de Bagdad, près de la mer Méditerranée, nous pouvons voir quelles contributions même un petit nombre de chrétiens peuvent encore apporter à une société en devenir. Malgré 73 ans de conflits et de guerre entre la Palestine et Israël, et maintenant, une occupation illégale de la Palestine par Israël, le rôle social des chrétiens reste important. Même s’ils ne représentent que 1% (51 000 habitants) de la population des Territoires palestiniens, les chrétiens assurent 45 % de tous les services sociaux locaux. Or eux aussi sont dans une situation difficile, et bien des gens se demandent combien de temps il faudra pour que la plupart quittent leur foyer et la Terre sainte.  

Pour l’Association catholique d’aide à l’Orient (CNEWA), une agence papale ayant œuvré sans relâche dans la région depuis 1926, ces conflits sans fin détruisent nos chances d’un meilleur avenir. Pour les chrétiens qui restent, la visite du pape constitue un rappel concret du fait qu’ils ne sont pas seuls et un encouragement à poursuivre leur mission, laquelle consiste à offrir une variété de services aux jeunes, aux personnes âgées, aux victimes de violence et à d’autres personnes dans le besoin — indépendamment de leurs croyances religieuses. Nous continuerons à soutenir ces activités.

Par ses actions et ses paroles, le pape François démontre que la religion peut ouvrir la voie à la paix par le dialogue et la réconciliation. Il rappelle également aux observateurs ainsi qu’aux personnes d’influence de la région que la paix — à l’échelle locale, régionale et mondiale — ne pourra vraiment être instaurée que si toutes les personnes d’ethnies, de religions et de nationalités différentes prennent le temps de se rencontrer, surmontent leurs divergences, reconnaissent leurs objectifs communs, leur humanité, et développent des liens d’amitié et de confiance.

Saint Grégoire de Narek: mystique et docteur de l’Église

(Photo: combinaison de deux images de Wikimédia Commons)


Ce 27 février, saint Grégoire de Narek est fêté pour la première fois le dans le calendrier romain. La congrégation pour le Culte Divin a annoncé le 2 février dernier qu’en même temps que deux autres docteurs de l’Église, Hildegarde von Bingen et Jean d’Avila, le saint arménien aura une mémoire facultative au calendrier romain. Cela implique non seulement une modification des calendriers liturgiques, mais aussi une intégration encore plus forte de la figure et des enseignements de saint Grégoire de Narek dans la vie de l’Église universelle. 

L’Église arménienne

Ce saint fait a priori partie de l’église apostolique arménienne. Celle-ci est une église autocéphale, c’est-à-dire dont la théologie et l’ecclésiologie relève d’un nombre limité de conciles oecuméniques et qui est totalement indépendante de l’Église catholique. Elle est par ailleurs distincte de l’Église orthodoxe, en raison du statut plus particulier accordé au patriarche oecuménique de Constantinople et à la reconnaissance des sacrements de l’Église orthodoxe par l’Église catholique romaine. 

L’Église arménienne est souvent appelée pré-chalcédonienne au yeux de l’Église catholique, car c’est suite au Concile de Chalcédoine en 451 que l’Église arménienne tient pour la première fois un concile à part, le Concile de Dvin en 506, où les positions christologiques chalcédoniennes sont rejetées. Contrairement à l’Église catholique qui a défini dogmatiquement la double nature du Christ, à la fois tout à fait homme et tout à fait Dieu, l’Église arménienne a tendu à reconnaître davantage la nature humaine du Christ, quoique leur théologie connaisse des nuances à ce sujet depuis. 

Saint Grégoire de Narek: poète et mystique

Ce saint arménien a vécu entre environ 945 et 1010 dans la province de Vaspourakan en Arménie historique, aujourd’hui située en Turquie. Il est élevé par son père, un évêque et théologien. Il passe toute sa vie au monastère de Narek et devient prêtre, puis vardapet, c’est-à-dire un supérieur de monastère très instruit en théologie, et enfin enseignant. 

Il contribue énormément à la liturgie arménienne par ses poèmes mystiques, rassemblés dans plusieurs recueils dont les Élégies sacrées, connues aussi sous le nom de Livre des Lamentations ou des Prières. Il a écrit beaucoup sur Marie, et a ainsi préfiguré certains dogmes mariaux tels que l’Immaculée Conception, dont la croyance fut seulement affirmée au Concile de Trente, quelque 800 ans plus tard, et le dogme par Pie IX en 1854. 

Considéré comme la figure la plus influente de la source de la Renaissance littéraire arménienne à lui seul, il a écrit de la poésie mystique inspirante à la fois d’être innovante d’un point de vue stylistique. En voici un exemple:

Ce n’est pas selon l’étroitesse de l’esprit humain
que je demande pardon,
mais selon ta plénitude inépuisable,
ô Sauveur Jésus Christ,
que j’implore ta clémence.

Moi qui fus créé par toi,
moi qui fus sauvé par toi,
moi qui fus l’objet de tant de sollicitude,
Ah ! que la blessure du péché,
invention de l’Accusateur,
ne me perde pas pour toujours !
        –   Tiré du poème 18 du Livre des Lamentations

Plusieurs des textes de saint Grégoire de Narek sont intégrés à la liturgie arménienne, ce qui montre l’importance de sa contribution dans l’ensemble des communautés chrétiennes arméniennes.  

Les docteurs de l’Église mis à l’honneur

En avril 2015, le pape François le nomme 36e docteur de l’Église, le second à venir d’une Église orientale. Il est très significatif que le pape François ait nommé saint Grégoire de Narek docteur de l’Église. Ce rôle, attribué à un petit nombre de saints, marque la valeur théologique des enseignements du docteur en question. Parmi les autres docteurs, nous comptons autant de figures notables que saint Thomas d’Aquin, sainte Thérèse d’Avila, saint Augustin et bien d’autres. Leurs écrits et enseignements sont ainsi considérés particulièrement importants pour comprendre la foi et la vie de l’Église. 

Pour ce qui est de la mise au calendrier liturgique de trois nouvelles mémoires facultatives, la congrégation pour le Culte Divin souligne l’importance du lien entre connaissance et liturgie: 

«La sainteté s’allie à la connaissance, qui est l’expérience du mystère de Jésus-Christ, inextricablement liée au mystère de l’Église. Ce lien entre la sainteté et la compréhension des choses à la fois divines et humaines brille d’une manière toute particulière chez ceux qui ont été honorés du titre de « Docteur de l’Église« .»

Nous pouvons nous réjouir que les figures dont la raison a été particulièrement éclairée par leur foi en Dieu fassent davantage irruption dans notre vie de prière quotidienne. Saint Grégoire de Narek  montre en particulier un côté unique de l’Église. Ayant plongé son âme dans la poésie, il manifeste l’étendue de la beauté que Dieu, lui-même maître de la Parole, rend accessible à l’humanité. La présence de ce saint parmi nous montre bien comment le Seigneur choisit de partager avec nous ses dons, et nous invite à participer à la riche aventure de la sainteté.

 

Le Carême à l’ère numérique

(Photo: courtoisie de Pixabay)

Cette année, dans son homélie du Mercredi des cendres le Pape a prononcé une parole très évocatrice: Le voyage du Carême est un exode, un exode de l’esclavage à la liberté. Quelle formes d’esclavage pouvons-nous vivre aujourd’hui, alors que les droits et libertés de chacun sont reconnus et la communication est sans limites? La réponse se trouve à même certaines servitudes cachées, certaines tendances subtiles de notre époque qui nous affectent tous à certains degrés. Si l’ère du numérique nous a apporté un grand progrès, elle a aussi eu des conséquences sur notre contact avec Dieu et sa création. 

Les tentations numériques

Si nous pouvions mettre tout notre temps à nous rapprocher de Dieu, en évitant toute forme de distraction, nous pourrions goûter plus profondément à l’expérience de son Amour inconditionnel. Déjà, en étant marqués par le péché, nous avons toutes sortes de tentations qui nous éloignent naturellement de cette relation privilégiée. Nous tombons dans de nombreux excès d’orgueil, de gourmandise, d’avarice, etc. 

Il existe cependant des sources de distraction qui sont propres à notre époque, qui stimulent notre sens de la récompense instantanée: les téléphones intelligents, les jeux électroniques et les médias sociaux. Ayant émergé comme des outils permettant de faciliter la communication et le loisir, ces technologies se sont vite avérées être des sources de distraction sans fond qui absorbent chaque once d’attention que nous possédons. 

De plus, les médias sociaux affectent particulièrement l’image personnelle de nombreux adolescents et adolescentes. Au moment de la transformation physique la plus importante de leur vie, ceux-ci trouvent des millions de personnes auxquelles se comparer et qui sont susceptibles de juger leur apparence. Les réseaux sociaux offrent l’illusion d’une valeur quantifiée de son image corporelle et personnelle. Le nombre de ‘j’aime’ et le nombre d’abonnés ne sont en fait qu’un autre appel à s’enorgueillir. 

En d’autres termes, l’ère numérique semble être une ère du jugement et du divertissement. Où est la place pour la conversion, pour le retour vers le Christ?

Jeûne à la manière numérique

Le jeûne du Carême est bien connu. Depuis les débuts de l’Église, un ensemble de pratiques de jeûne sont maintenues par les fidèles. Aujourd’hui, elles se sont considérablement adoucies, le vrai jeûne n’étant demandé par l’Église qu’au Mercredi des cendres et au Vendredi Saint, et ce, en excluant les enfants, adolescents, les personnes âgées ainsi que les femmes enceintes. Pendant le Carême, une sorte de jeûne mineur est encouragé, en plus de l’aumône et de la prière. C’est pourquoi certains arrêtent de consommer du chocolat ou de l’alcool. 

Fondamentalement, le jeûne se rapporte à l’alimentation, mais par analogie, nous pouvons entamer toutes sortes de jeûnes. Le principe est celui de la conversion. Nous cherchons, en temps de Carême, à nous tourner vers Dieu, à améliorer notre relation avec lui. Nous pouvons difficilement faire cela si nous nous laissons toujours distraire par les réseaux sociaux, la télévision, et les jeux électroniques. 

Un jeûne numérique est peut-être le jeûne le plus profitable pour nombreux d’entre nous. Évidemment, la pandémie ne permet pas un jeûne numérique total, mais on peut tout de même tenter de diminuer notre temps d’écran pour se rapprocher de Dieu et lui offrir des  temps de silence.

Retour vers Dieu

L’origine latine de divertissement est diverto, se détourner de, qui exprime l’opposé de converto, se tourner vers, la racine du mot conversion. Ces deux mouvements très simples nous permettent de comprendre l’enseignement du Pape selon lequel le Carême est un voyage de retour vers Dieu, en même temps d’être un exode de l’esclavage à la liberté. 

Nous pouvons même voir que le passage de l’esclavage vers la liberté est un voyage vers Dieu, car Dieu est le seul à pouvoir nous rendre véritablement libre. En se rapprochant de lui, notre compréhension de la liberté s’aiguise et nous en donne une définition plus complète et précise. Non plus comme la « liberté » de faire n’importe quoi, mais plutôt notre capacité à rechercher et faire le bien.

Quel est alors notre esclavage? L’esclavage est celui du péché certes, mais ce dernier prend des formes diverses pour chacun. De mon côté, la vie numérique, les réseaux sociaux plus généralement, m’éloignent souvent de Dieu. C’est pourquoi c’est un jeûne numérique que j’entame. Quoique le Christ ou les Pères de l’Église n’aient pas présagé l’arrivée de notre monde virtuel, ils nous avaient déjà donné les principes pour en détecter le vice inhérent.

Rester en contact

Il existe une autre forme de communication qui, elle, est grandement utile à notre foi: la prière. Elle implique des choses que l’on a tendance à fuir: le silence et l’arrêt. Occuper chaque seconde avec un bruit ou une image est dangereux, car on passe ainsi à côté de chaque opportunité d’écouter l’Esprit Saint et de rendre grâce à Dieu. Le Carême est ainsi une chance inouïe d’affronter le silence, laisser de côté les tablettes et offrir notre temps “d’ennui” à Dieu pour que, transfigurés avec Lui, nous vivions chaque instant dans toute sa beauté et sa force.

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