Le carême face à la crise environnementale

(photo:CNS photo/Navesh Chitrakar, Reuters) Alors que la première semaine du Carême vient de se terminer, il me semblait approprié d’offrir quelques-unes de mes réflexions sur le message du pape François pour le Carême 2019. Intitulé « La création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu » (Rm 8,19), ce texte est une bonne illustration non seulement du rôle central de l’humanité dans l’édifice de la création mais également du caractère libérateur de la pratique du Carême.

La destinée spirituelle du monde créé

Lorsque nous pensons à la vie spirituelle et à la vie sacramentelle, nous avons souvent l’impression que cela ne concerne que nous les êtres humains. Que nous voyions comme un poids l’obligation d’aller à la messe du dimanche ou que nous goûtions les délices de la contemplation, il nous arrive à tous d’oublier que cette Révélation de Dieu concerne l’ensemble du créé. Or, de la bactérie aux anges célestes, l’ensemble des créatures a une relation avec Celui qui les maintient dans l’existence. D’où vient donc cette sensation d’exclusivité ?

Ce malentendu vient d’abord du fait que la seconde personne de la Trinité a décidé de devenir homme. Toutefois, nous devrions toujours garder en tête la vocation primordiale de l’humanité et la singularité de sa nature. En effet, par son intelligence et sa volonté, l’homme est un être spirituel tandis que par sa constitution corporelle, il est matériel. Sa nature-même fait donc de lui le pont (pontifex) entre le monde spirituel et matériel. Il réconcilie donc, en son être même, ce qui serait sans lui deux univers parallèles .

Or, depuis le péché originel, cette mission « d’intermédiaire » de l’humanité a quelque peu souffert. Par orgueil, l’humanité a rejeté cette dimension de médiateur de son être et se berce depuis entre les extrêmes de l’exaltation du corps au détriment de l’esprit ou vice-versa. Cela fait référence aux deux « hérésies » (no35) mentionnées par le pape François que sont le « gnosticisme et le pélagianisme » (Chap 2.). Heureusement :

Quand la charité du Christ transfigure la vie des saints – esprit, âme et corps –, ceux-ci deviennent une louange à Dieu et, par la prière, la contemplation et l’art, ils intègrent aussi toutes les autres créatures, comme le confesse admirablement le « Cantique des créatures » de saint François d’Assise (cf. Enc. Laudato Sì, n. 87).(no1)

Lorsque nous acceptons l’invitation à mettre le Christ au centre de nos vies, nous récupérons cette vocation originelle à faire le lien entre l’univers matériel et immatériel. Ainsi, par notre coopération, nous devons vivre cette mission dans la contemplation de la beauté de la création et du mystère de réconciliation qui se produit en nous. Par contre, comme le Pape : « En ce monde, […] l’harmonie produite par la rédemption, est encore et toujours menacée par la force négative du péché et de la mort » (no 1).

Le Carême : un temps de réconciliation avec la nature

Le temps liturgique du Carême est un moment approprié pour faire de nous les instruments de la paix entre les hommes et l’environnement. Certes, c’est par leurs actions concrètes que les chrétiens sont en mesure de travailler à tous les niveaux en faveur de la cause commune des pauvres et de l’environnement. Comme le dit le Pape : « Il n’y a pas deux crises séparées, l’une environnementale et l’autre sociale, mais une seule et complexe crise socio-environnementale » (no 139) et c’est parce les chrétiens ont la grâce d’être éclairés par leur foi que leurs actions auront une efficacité particulière.

D’abord, l’exercice du Carême et la plus grande disponibilité aux motions de l’Esprit Saint permettent de ne pas tomber dans le découragement. Depuis le début de l’année, on entend beaucoup parler de phénomènes tels que « l’éco-anxiété » et autres pathologies générées en réaction à la crise climatique. Or, plus que le repliement sur soi et la gestion à temps plein de ses émotions, ce sont davantage le courage, l’espoir, l’effort, le travail et les études méticuleuses qui aideront à faire la transition énergétique. La pratique authentique du Carême nous permet d’éviter cet écueil du découragement en nous assurant de la Présence constante du Christ ; de Celui qui est l’Alpha et l’Omega et qui, dans sa Providence, maîtrise l’histoire.

Ensuite, la pratique du Carême nous aide à développer les vertus nécessaires pour combattre le bruit incessant d’une société de consommation centrée sur l’assujettissent de la nature. Que ce soit par la volonté de domination sur son propre corps et ses lois propres ou par l’utilisation à outrance des ressources naturelles, l’humanité est tiraillée par une liste de désirs qui ne cesse de s’accroître. Or, nous savons que cette perpétuelle insatisfaction vient de la soif d’infini présent dans le cœur des hommes. Le Carême et la promotion de son authentique célébration est donc un rempart contre cet autre écueil qui nous pousse à nous détruire nous-même et le monde dans lequel on se trouve.

Le Carême pour « l’urgence » climatique

À l’heure où nous comprenons de plus en plus les désastres qu’un monde sans Dieu peut produire, le Carême ne nous apprend ni à désespérer de l’homme, ni à lui confier l’ensemble de nos espérances. Confiant dans l’action réparatrice de Dieu et de son Œuvre invisible mais non moins efficace, nous pourrons redevenir ces émissaires du monde spirituel dans l’univers matériel et « Ainsi, en accueillant dans le concret de notre vie la victoire du Christ sur le péché et sur la mort, nous attirerons également sur la création sa force transformante. » (no 3).

Le Vatican à l’heure de l’intelligence artificielle

(CNS photo/Fabrizio Bensch, Reuters)

Cette semaine, le pape François recevait en audience privée le PDG de Microsoft, Brad Smith, afin de discuter des différents défis que pose le développement des technologies informatiques et plus spécifiquement de l’intelligence artificielle. Suite à de nombreux pourparlers et partageant une préoccupation commune, le Vatican et la firme américaine ont donc décidé de créer un prix international sur « l’éthique dans l’intelligence artificielle ». Ayant pour but d’encourager le développement d’une « intelligence artificielle » (IA) «au service du bien commun et de réduire la fracture numérique dans le monde », ce nouveau prix manifeste le souci des plus hautes instances de l’Église et l’industrie ainsi que de l’urgence d’élaborer une éthique à même d’accompagner son développement rapide.

Des robots au service de l’homme

L’intelligence artificielle est un problème complexe qui doit, pour être bien compris, faire l’objet de nombreuses nuances. Par exemple, nous chrétiens, nous savons que l’intelligence est une faculté proprement spirituelle[1] et, donc, que c’est seulement par analogie que nous utilisons le terme « intelligence ». Les développeurs actuels de la robotique et de l’informatique entendent plutôt une capacité autonome de faire des liens et de calculer. Ce qui n’est pas, à proprement parler, de l’intelligence. Cette première distinction nous permet d’éloigner les différents scénarios catastrophes à la « Terminator ». Derrière et devant toute machine, il y a un homme ou une femme. L’être humain étant la cause de l’acte exercé par une machine, il en demeura toujours le premier responsable. Ainsi, loin de condamner purement et simplement le développement technologique, l’Église invite plutôt à la formation des consciences des développeurs afin que leurs travaux soient orientés à créer des outils capables de servir le bien de l’humanité.

En ce sens, les outils technologiques apparus au cours des dernières décennies possèdent un potentiel incroyable pour améliorer les conditions de vie de l’humanité dans son ensemble. Par exemple, ces instruments de calcul des probabilités devenant extrêmement perfectionnés, les différents décideurs publics et privés pourront plus facilement prendre des décisions tenant compte de la complexité du monde et, ainsi, éviter le plus possible les effets pervers qui accompagnent toute décision politique ou sociale.

Des risques à éviter

Il est évident que les tentations liées au développement de l’intelligence artificielle sont là et elles sont nombreuses. Comme toute technologie, c’est l’intention et les buts poursuivis par ceux qui les utilisent qui rendent cette technologie bonne ou mauvaise. Lorsqu’on regarde certains courants de nos sociétés, on s’aperçoit rapidement que les risques de dérapages sont bien réels. On peut penser aux différentes pertes d’emplois qui pourraient découler d’une rapide automatisation dans divers secteurs. On voit aussi la tendance sous-jacente dans de nombreux milieux à vouloir utiliser ces technologies pour dépasser ce qu’ils considèrent comme des limites à la liberté humaine. Lorsqu’on écoute certains discours, on voit les conséquences sociales que pourrait produire la mise en application de l’utopie du transhumanisme.

Définir des priorités

Cette première collaboration entre Microsoft et l’Académie pontificale pour la Vie manifeste à quel point plusieurs hauts dirigeants de l’industrie sont conscients de leur responsabilité. Tous sont conscients que des innovations suivant une logique du profit à court terme ne peuvent être économiquement bénéfiques qu’à court terme. Mais à plus ou moins long terme, tous en sont victimes d’une manière ou d’une autre. Par exemple, on sait aujourd’hui que le développement doit se faire en respectant des normes environnementales et que, si ce n’est pas le cas, c’est l’ensemble de la société, y compris les corporations elles-mêmes, qui devront en payer les coût humains et économiques. D’où l’importance d’un développement respectant des principes clairs. En ce sens, on peut concevoir les principes éthiques non pas négativement comme des freins aux « mauvaises idées » mais positivement. Cela est vrai de deux manières.

D’abord, les principes éthiques rendent visibles les différents besoins réels de l’humanité. Par exemple, le principe de la « dignité humaine » pourra orienter les recherches de l’intelligence artificielle afin qu’elle améliore les conditions inhumaines dans lesquelles vivent encore des millions de personnes.

On peut également regarder ces technologies comme permettant une plus grande efficience dans l’utilisation des matières premières non-renouvelables. Par exemple, les ordinateurs ultra-puissants sont en mesure de calculer la trajectoire des transports de marchandises au niveau mondial et ainsi, permettent une organisation des transports plus efficace. En ce sens, on réduit considérablement l’empreinte environnementale liée au transport ainsi que les coûts liés au transport. Tout le monde y gagne !

Un urgent travail intellectuel

Comme l’affirmait le père Frédéric Louzeau dans une entrevue avec Hélène Destombes à Vatican média Cité du Vatican : « L’apport de l’Église à la réflexion se trouve, entre autres, dans le fait qu’elle permet d’éviter tant la diabolisation que la divinisation ». En ce sens, ce nouveau prix et cette collaboration entre Microsoft et l’Académie pontificale pour la Vie sera d’une aide précieuse dans les années à venir afin que, comme le disait le pape saint Paul VI : « Les progrès scientifiques les plus extraordinaires, les prouesses techniques les plus étonnantes, la croissance économique la plus prodigieuse » […] «si elles ne s’accompagnent d’un authentique progrès social et moral, se retournent en définitive contre l’homme »

[1] Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, 1a, q. 79.

Église en Sortie 11 janvier 2019

Cette semaine à Église en Sortie, Francis Denis reçoit Julian Paparella, participant au Synode sur « Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel » ainsi que Mgr Lionel Gendron p.s.s., évêque de Saint-Jean-Longueuil et président de la Conférence des évêques catholiques du Canada, et on vous présente la première chronique des actualités de la rue 2019 avec l’abbé Claude Paradis.

La crédibilité passe par l’humilité

CNS photo/Bob Roller (Évêques américains en procession d’entrée au Séminaire Mundelein, Illinois, rassemblée pour une retraite extraordinaire)

À peine sommes-nous entrés en 2019 que le Vatican publie l’agenda du Saint-Père pour la nouvelle année. Comme c’est son habitude, un programme chargé l’amènera aux quatre coins de la planète afin de prêcher la Bonne nouvelle sans relâche. Plusieurs rencontres sur différents thèmes seront également organisées. La réunion qui se tiendra au Vatican du 21 au 24 février prochain et qui rassemblera l’ensemble des présidents des conférences épiscopales du monde entier pour réfléchir sur la crise mondiale des abus sexuels dans l’Église retiendra certainement l’attention. Bien qu’il soit encore difficile de connaître les détails entourant cette assemblée, nous pouvons désormais en discerner l’esprit. En effet, le 1er janvier dernier, le pape François publiait une lettre aux évêques américains destinée à leur manifester sa proximité au moment où ils entamaient la retraite qu’il leur avait lui-même suggéré de faire suite à la crise des abus sexuels l’année dernière. Selon moi, ce message manifeste quelques-uns des points qui seront abordés lors de la rencontre de février.

S’arrêter pour mieux discerner

S’inspirant de l’Évangile, le pape François manifeste d’abord la centralité de la prière et de l’écoute de la Parole de Dieu afin de ne pas « vicier les décisions, options, actions et intentions par les tensions internes » qui, comme chez les apôtres, peuvent aussi exister entre évêques. En effet, de nombreuses mesures sont possibles devant une crise. Toutes ne sont pas forcément applicables à l’Église. Rien de ce qui porte en soi « la saveur de l’Évangile » ne pourra porter les fruits exigés par la situation actuelle.

Ainsi, nous pouvons comprendre que la rencontre de février portera forcément avec elle une démarche spirituelle forte de contrition et d’écoute de l’Esprit Saint par la prière fraternelle.

L’opportunité d’une crise de crédibilité

Il est clair que le Pontificat du pape François est marqué par sa volonté d’imprégner à tous les niveaux de l’Église un esprit missionnaire. Dans bien des cas, ce renouvellement requiert une véritable conversion intérieure et structurelle de l’Église, une « metanoia » (no1). À première vue, rien de pire qu’une crise de crédibilité quand on a un message à faire passer! Toutefois, une crise de crédibilité peut être l’occasion de prendre au sérieux cet appel à la conversion. En effet, cette situation n’offre aucun autre choix que celui d’une l’humilité confiante dans la perspective divine qui n’a souvent que faire de nos stratégies et calculs.

Comme le dit le Pape :

« La crédibilité nait de la confiance, et la confiance nait du service sincère et quotidien, humble et gratuit envers tous […] Un service qui ne se conçoit pas comme une opération de marketing ou comme une simple stratégie pour récupérer la place qui a été perdue ou la reconnaissance sociale mais en tant qu’il appartient à la substance même de l’Évangile (Gaudete et Exsultate, no 97) » (no2) .

On ne doit donc pas s’attendre non plus à de grands coups d’éclat médiatiques suivant une logique trop humaine. Lorsque l’on a plus de crédibilité, le flot des paroles ne sert qu’à accentuer la suspicion. Loin des méthodes et réformes purement organisationnelles, nous devons donc retourner au cœur de l’identité chrétienne et de ce que signifie véritablement être disciple du Christ.

Jésus-Christ crucifié

Lorsqu’on s’y arrête un peu, on voit souvent dans nos démarches ecclésiales une tendance à fuir la croix que Dieu nous présente. Faisant référence « aux tensions et contradictions » chez les disciples, le pape manifeste aux évêques américains que c’est au moment même de « l’heure de Jésus et du don de soi ultime sur la croix » que ces dernières se manifestent clairement et ouvertement. En ce sens, c’est souvent la peur de la souffrance et de la mort qui nous porte à chercher des boucs émissaires au sein même de nos communautés. Quel terreau fertile pour « l’ennemi de la nature humaine » (no 1)!

Au contraire, pour le Pape, le temps est venu de « trouver une nouvelle présence au monde conforme à la croix du Christ » (no2). Le temps des excuses et des stratégies humaines pour éloigner la souffrance est révolu. Comme le disait le père Cantalamessa, prédicateur officiel de la Maison Pontificale et de l’actuelle retraite des évêques américains : « Qui cherche Jésus sans la croix trouvera la croix sans Jésus »[7].

Conclusion 

Alors que le mois de février arrive à grands pas et que les représentants des épiscopats mondiaux se préparent à cette rencontre importante, le pape a déjà manifesté l’esprit dans lequel les délibérations devront avoir lieu. Dans un esprit de prière pénitentielle et tournés vers la réconciliation, les évêques en union avec le successeur de Pierre réfléchiront sur les leçons à tirer du scandale des horribles crimes d’abus sexuels. Loin des stratégies cherchant à minimiser ou à faire abstraction du mal commis, le pape François indique le chemin de la contemplation du Christ crucifié qui, accueilli communautairement, resserre les liens et rend possible le miracle du don total au service des autres. Ainsi, cette vérité que « Dieu peut tirer le plus grand bien du mal même »[8] pourra être manifestée avec plus d’authenticité et d’éclat. La crédibilité perdue sera retrouvée et la mission s’en trouvera renouvelée. Pour en savoir plus sur le sujet, ne manquez pas la semaine prochaine à Église en Sortie, mon entretien de début d’année avec Mgr Lionel Gendron, président de la Conférence des évêques catholiques du Canada.

[8] Dom Dysmas de Lassus et Card. Robert Sarah, La Force du silence : Contre la dictature du bruit, Fayard, p. 329.

Top 10 des actualités de l’Église (2e partie)

(photo:CNS/Paul Haring) Nous poursuivons aujourd’hui notre palmarès des événements qui ont fait l’actualité de l’Église en 2018.

  1. Rencontre mondiale des familles à Dublin

La Rencontre mondiale des familles est un événement de l’Église universelle qui avait lieu cette année à Dublin en Irlande. Pour l’occasion des milliers de personnes s’étaient déplacées dans la capitale de la République d’Irlande pour approfondir leurs connaissances sur la vocation au mariage et à la famille dans notre monde d’aujourd’hui. Outre les nombreuses conférences et les célébrations eucharistiques, les familles présentes se sont rassemblées avec d’autres couples pour se ressourcer et se soutenir mutuellement. Après quatre jours de congrès, l’arrivée du pape François à cette Rencontre mondiale des familles allait devenir le centre de l’attention mondiale. Suivant les différentes rencontres protocolaires, le pape François a pu se rendre prier dans différents lieux de culte de l’île comme la Pro-cathédrale et le Sanctuaire marial de Knock. Le Festival des familles fut sans contredit un moment fort de cette fin de semaine chargée qui s’est terminée avec la célébration de la Messe au parc Phoenix. Vous pouvez revoir et revivre cet événement incontournable au lien suivant.

7.Synode des jeunes

Un événement important de cette année 2018 fut certainement la tenue de la XVe Assemblée ordinaire du Synode des évêques sur « Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel ». Rassemblés pendant trois semaines au Vatican, des évêques du monde entier ont pu prier, réfléchir et s’exprimer avec le pape sur les différentes réformes nécessaires à la pastorale jeunesse et vocationnelle aujourd’hui. Un élément important à retenir fut certainement la présence de jeunes du monde entier dans la salle ainsi qu’une importante délégation canadienne de jeunes et de travailleurs de la Télévision Sel et Lumière. Est  donc très attendue en 2019 la publication de l’exhortation apostolique post-synodale portant sur la question. Une chose est certaine, les diocèses du Canada et du monde sont désormais fortement sensibilisés à la centralité de la pastorale jeunesse et vocationnelle dont les enjeux sont essentiellement complémentaires. Plusieurs émissions d’Église en Sortie porteront évidemment sur la question en 2019.  Restez à l’écoute de S+L pour tout savoir des développements sur la question.

  1. Union des provinces franciscaines du Canada

Un autre événement incontournable de la vie de l’Église au Canada fut sans contredit l’unification des deux provinces franciscaines de l’Est et de l’Ouest du Canada qui ne forment désormais plus qu’une seule et même entité : la province Saint-Esprit/Holy Spirit du Canada. Le Chapitre général à Saint-Albert en Alberta en présence du Ministre général des Franciscains Michael Perry o.f.m. a donc donné lieu à la suppression des anciennes provinces Saint-Joseph et Christ the King suivie du rituel officiel de création et de la mise en place de cette nouvelle province du Saint Esprit  composée de 86 frères répartis dans dix fraternités. L’établissement de cette nouvelle province canadienne a pour but de restructurer l’ordre au Canada afin de susciter un renouveau missionnaire. Pour l’occasion S+L était sur place et a pu vous faire vivre de l’intérieur cet événement historique. Je suis actuellement à la réalisation d’un documentaire sur cette Union des Franciscains du Canada, nous vous communiquerons sous peu tous les détails sur la diffusion de ce documentaire unique et exclusif.

  1. Le tournant missionnaire dans les diocèses

 Ce 9ième événement n’est sans doute pas un événement comme tel mais un changement fondamental qui est en train de se produire dans les diocèses un peu partout au Québec. Pour ma série « Sur la route des diocèses », j’ai la chance de me rendre aux quatre coins de la province pour rencontrer les différents acteurs ecclésiaux. Cette année, je me suis rendu à Sherbrooke, Amos, Mont-Laurier et Chicoutimi.  Ce que je retiens de mes nombreuses conversations, c’est la véritable prise en charge de la mission par l’ensemble des baptisés. En communion avec leur évêque respectif, les catholiques du Québec ont entendu l’appel du pape François à être une « Église en Sortie » (EG, no 24) et à prendre sur eux la responsabilité d’annoncer, où ils sont, la joie d’une vie vécue pleinement avec le Christ et son Église. J’encourage l’ensemble des diocèses à poursuivre sur cette route à la fois difficile et épanouissante. Nous pourrions être surpris de voir les fruits de cette conversion dans 10 ans!

  1. Béatification des moines de Tibhirine

Le 8 décembre dernier, en la Solennité de l’Immaculée Conception, était célébrée la Messe de béatification des 19 martyrs d’Algérie au Sanctuaire Notre-Dame de Santa Cruz d’Oran en Algérie. Cet événement était attendu depuis bien longtemps et est significatif de plusieurs choses. D’abord, cela est un signe de l’amélioration des relations diplomatiques entre l’Algérie et le Vatican. Cette célébration et sa diffusion internationale via les grandes chaînes de télévisions catholiques comme Sel et Lumière avaient besoin de l’accord des autorités locales, ce qui a été obtenu. Cette voie de dialogue entre les deux États est sans contredit aussi le signe d’une saison favorable aux discussions inter-religieuses entre les autorités de l’Islam et de l’Église. Peut-être l’intercession du Bienheureux Christian de Chergée y est pour quelque chose? Une chose est sûre, cette béatification est un pas en avant, non seulement au niveau religieux et diplomatique, mais également au niveau de la théologie du dialogue mise de l’avant pas les moines de Tibhirine qui, jusqu’au sacrifice ultime, ont profondément aimé le peuple algérien et perfectionner, suivant l’expression du pape François, « l’art d’aimer ses ennemis ».

Conclusion

Comme je l’ai dit en introduction, l’année 2018 fut en dents de scie et, rétrospectivement, il est impossible de porter un jugement positif ou négatif sur l’ensemble des événements qui se sont déroulés. Plusieurs des éléments soulignés dans ce « Top 10 » auront des développements en 2019. Par exemple le voyage du pape François à Abu Dabi et les JMJ de Panama seront certainement des événements à suivre de près. En ce sens, Sel et Lumière continuera à vous apporter le meilleur de la vie de l’Église au Québec, au Canada francophone et dans le monde par l’entremise de toutes nos plateformes médiatiques. Bonne et sainte année 2019 à tous et à très bientôt!

Top 10 de l’actualité catholique 2018 (1ère partie)

CNS photo/Paul Haring

C’est maintenant une tradition, depuis trois ans, je fais mon palmarès personnel des évènements marquants de l’actualité de l’Église durant l’année. Quel bilan tirer des faits saillants de cette année qui se termine ? Une année en dents de scie, un peu comme la Bourse, l’Église semble avoir eu des très hauts et des très bas. De quoi donner le vertige! Une petite précision avant de commencer, les événements suivants ne sont pas présenter par ordre d’importance mais chronologique (autant que possible).

  1. Victoire des évêques contre le gouvernement fédéral

C’est un euphémisme de dire que l’année 2018 a commencé du mauvais pied en ce qui a trait aux relations entre l’Église et l’État fédéral. On s’en rappelle, Ottawa avait décidé arbitrairement de « modifier les règles d’admissibilité aux subventions pour les emplois d’été au gouvernement fédéral ». La consternation généralisée autant du côté des leaders religieux que des défenseurs des libertés civiles fondamentales ne semblait pas ébranler le gouvernement, convaincu de sa supériorité morale et de la légitimé de sa politique. Devant une telle arrogance, les évêques de partout au Canada se sont levés pour dénoncer la mesure unilatérale.

Notre propre télévision catholique nationale S+L a dû avoir recours à une « demande d’urgence » pour faire face à la crise. Un grand merci à tous les généreux donateurs qui nous ont soutenu durant cette période difficile. En effet, suite à cette mesure, le gouvernement « a refusé douze fois plus de demandes » que les années précédentes. Cette augmentation de 1200 % est révélateur de l’énorme travail des organisations religieuses dans l’emploi des jeunes durant la période estivale!

Finalement, il semble que cette atteinte évidente aux droits fondamentaux des Canadiens fut l’objet d’un examen de conscience de la part du gouvernement Trudeau, qui semble finalement reconnaître qu’il est allé trop loin.  Ce « recul » du Fédéral, qui n’exigera plus aux organismes d’être officiellement pro-avortement, peut donc être considéré comme une victoire pour les évêques du Canada. Reste encore à savoir si les organismes qui furent injustement exclus pourront récupérer rétroactivement les sommes perdues.

  1. Publication de l’exhortation « Gaudete et exultate »

Le 9 avril était publié l’exhortation apostolique « Gaudete et exultate » sur « L’appel à la sainteté dans le monde actuel ». D’une trentaine de pages, ce texte du pape François a suscité un très grand intérêt dans les communautés chrétiennes partout au Canada. Ici et là, des groupes de réflexion et d’approfondissement de la foi ont vu le jour afin de mieux comprendre cet appel universel à la sainteté tel que prononcé lors du Concile Vatican II. J’invite évidemment tous ceux qui ne l’ont pas fait à lire ce document. J’attire cependant votre attention sur les passages concernant « les petits détails de la vie quotidienne » (no 144-145). Il est intéressant de constater comment, pour l’évêque de Rome, « par un don de l’amour du Seigneur, au milieu de ces petits détails, s’offrent à nous des expériences consolantes de Dieu » (no144) Cherchons donc, dans notre vie de tous les jours, cette touche divine qui se présente à nous sous cette forme trop « habituelle » pour que nous y portions attention et cherchons à faire de même par un travail bien fait jusque dans les petits détails.

  1. 15 ans de télévision catholique au Canada

Il ne fait aucun doute que se déroule devant nos yeux une révolution médiatique et numérique qui risque d’avoir autant, sinon plus, de conséquences sur l’histoire de l’humanité que l’invention de l’imprimerie. En effet, sur une décennie, nous avons assisté à une véritable révolution des communications. L’Église, qui accompagne l’humanité sur son chemin de l’histoire des hommes doit donc être présente sur ce nouveau continent numérique. Comment ne pas voir dans l’intuition de Télévision Sel et Lumière, il y a 15 ans, l’héritage pastoral le plus important de saint Jean-Paul II pour le Canada. J’ai déjà fait une énumération des raisons d’aimer et de soutenir votre télévision catholique canadienne mais il me semble que, vu les récents développements mondiaux et l’omniprésence des écrans dans nos vies, Télévision Sel et Lumière est vraiment une lueur d’espérance pour l’ensemble de notre monde médiatique. D’où l’aspect incontournable d’un tel anniversaire dans la vie de l’Église et cette présence dans ce présent palmarès…. Longue vie à Sel et Lumière!

  1. 50 ans pour l’encyclique Humanae vitae et canonisation de Paul VI

Le 25 juillet dernier, était célébré le 50e anniversaire de la publication de la célèbre encyclique de saint Paul VI « Humanae vitae » sur « le mariage et la régulation des naissances ». Quelques mois plus tard, le 14 octobre, celui qui en avait tenu la plume était canonisé par le pape François en la place Saint-Pierre de Rome. Cela fait déjà quelques années, et les plus jeunes n’étaient pas encore nés, mais les années de pontificat de Paul VI ne furent pas une partie de plaisir. En effet, l’ancien patriarche de Venise devenu successeur de Pierre devait prendre le relais et poursuivre le Concile Vatican II. Les documents écrits n’étaient pas encore signés que différents groupes étaient déjà engagés dans des querelles sur l’interprétation du texte. Ajoutez à cela les contestations universitaires de mai 68 en Europe, la désaffection massive du clergé, des religieux et religieuses, et des bouleversements politiques, particulièrement violents en Italie et vous aurez une bonne idée des difficultés que le saint Pape a dû affronter. Devant cette canonisation et ce 50e anniversaire, nous ne pouvons qu’être admiratifs devant la stature extraordinaire de cet homme d’Église et de son profond zèle apostolique en tant qu’écrivain d’ « Evangelii Nuntiandi ». Comment ne pas voir le traitement similaire subi cette année par le pape François de part et d’autre.  À l’image de ce Pape nouvellement canonisé, gardons l’espérance et la joie de l’évangélisation qui, avec la Grâce de Dieu, nous rendent capables de surmonter toutes les épreuves.

  1. Crise mondiale des abus sexuels

Parlant d’épreuve, l’une des périodes les plus troublantes de cette année 2018 fut sans aucun doute l’explosion de la crise des abus sexuels aux États-Unis et dans le monde. Suivant les révélations sur l’ancien cardinal américain McCarrick qui ont suivi la publication d’un rapport du Grand Jury de Pennsylvanie dans lequel se trouvent des récits plus accablants les uns que les autres. Ont suivi une consternation généralisée et des débats au sein de l’Église sur la manière la plus appropriée de faire face à la situation. L’extrême gravité des gestes commis et la complexité de la problématique montrent que nous devrons traiter cette question en profondeur et, donc, que nous en entendrons encore parler dans les années à venir. Toutefois, à ce chapitre, la Conférence des évêques catholiques du Canada a publié cette année un document important sur le sujet. Intitulé « Protection des personnes mineures contre les abus sexuels » , ce texte historique ne se complait cependant pas dans la repentance inactive mais tente plutôt d’offrir des directives claires pour que les réformes attendues se mettent en place tant dans les consciences du Peuple de Dieu que dans les structures institutionnelles. Riche d’une prise de conscience et de propositions d’applications concrètes dans les diocèses, nul doute que ce document aura une influence considérable sur le traitement des abus sexuels dans l’Église.

Se préparer à la fête en cultivant son désir

Dimanche prochain le 2 décembre 2018, l’Église francophone du Canada vivra deux changements importants. Dans un premier temps, nous entrerons, comme l’ensemble de l’Église universelle, dans le temps de l’Avent. Un deuxième changement nous concerne aussi tout particulièrement. En effet, ce dimanche et ce pour la première fois, nous utiliserons une nouvelle traduction de la prière dominicale, le Notre-Père.

Pour conserver les plaisirs de la vie

Dans la liturgie latine, le temps de l’Avent (qui signifie avènement) met l’accent sur la dimension eschatologique de la foi ou, en d’autres termes, sur l’espérance du but ultime de notre vie et du monde qu’est le retour glorieux du Christ et la récapitulation de toutes choses en Lui. Bien évidemment tout cela est certes mystérieux et semble bien loin de notre expérience quotidienne. C’est pourquoi à chaque année, la liturgie nous invite à prendre le temps de souligner et méditer cette attente constitutive de notre foi.

On dit également de l’Avent qu’il s’agit d’un temps de préparation à Noël, ce temps de l’année où nous célébrons le Mystère de l’Incarnation du Fils de Dieu parmi nous. Cette emphase est particulièrement bien adaptée à notre nature humaine. En effet, nous faisons tous l’expérience d’une tension entre le plaisir et le désir. Plus nous désirons quelque chose, plus notre plaisir sera intense. Au contraire, lorsque nous ne désirons pas vraiment, nous n’avons pas beaucoup de plaisir, a fortiori lorsque nous ne désirons pas du tout ! Notre société de consommation nous a trop souvent convaincus que nous devons  tout avoir tout de suite, sans effort ni… désir. Cela est contradictoire et explique pourquoi les gens qui ont tout ce qu’ils désirent sont souvent blasés et à la recherche de toujours plus d’émotions fortes.

Si nous voulons conserver le plaisir, il nous faut donc apprendre à cultiver le désir. C’est ce que permet le temps liturgique de l’Avent. En nous recentrant sur l’essentiel de la venue du Christ à Noël, nous sommes invités à cultiver notre désir intérieur de pouvoir enfin le contempler dans la crèche. Ainsi, parce que nous aurons, à la fois, appris à attendre et à la fois compris ce qui est véritablement essentiel, toute notre vie se transformera et nous pourrons apprécier dans leur plénitude les plaisirs célestes et terrestres.

Un « Notre-Père » clarifié

Ce dimanche, les fidèles francophones du Canada vivront un autre changement majeur. En effet, pour la première fois, nous devrons réciter différemment la prière du Notre Père. Alors que nous étions habitués à dire : « Ne nous soumets pas à la tentation », nous dirons dorénavant : « Et ne nous laisse pas entrer en tentation ». La raison n’en est pas que la précédente formulation était absolument erronée, l’Église n’aurait pu tolérer que les fidèles invoquent Dieu d’une manière théologiquement fausse. C’est plutôt pour éviter toutes les éventuelles mauvaises interprétations qui pouvaient en émerger.

En effet, la version précédente pouvait faire penser que Dieu désirait directement que nous soyons tentés. Or, puisque Dieu ne peut vouloir directement le péché, il ne pouvait désirer la tentation. Dans le livre de Job, nous voyons clairement que le tentateur n’est pas Dieu mais Satan. Il est donc plus approprié de demander à Dieu de ne pas nous laisser « entrer en tentation » c’est-à-dire de ne pas laisser Satan s’approcher de nous et nous laisser être séduits par les mensonges de cet ange déchu.

En ce sens, il est très opportun que cette nouvelle formulation du Notre-père advienne durant le temps de l’Avent. En effet, comme nous l’avons dit plus haut, cette période de l’année nous invite à l’attente persévérante de l’Avènement du Christ. Cette attente ne doit non pas nous porter vers l’immobilisme du « divan » mais plutôt nous revigorer dans la dimension combattante de la vie spirituelle. Comme le dit le pape François : « La lutte contre les projets habiles de destruction et de déshumanisation menés par le démon est une réalité quotidienne ». L’Avent, ce « petit carême », nous invite à cette purification de notre propre vie intérieure en cultivant ce désir des joies de Noël par des privations et des actes d’amour de toutes sortes. En ce sens, le changement de formulation du Notre-Père est donc plus que bienvenu.

Prendre sur soi la croix de l’itinérance

C’est en plein cœur du Salon du livre de Montréal, qu’avait lieu, hier en fin d’après-midi, une conférence autour du livre « Confession d’un prêtre de la rue ». J’avais évidemment très hâte de lire la vie de celui qui anime les « Chroniques des actualités de la rue » en tant que collaborateur de l’émission Église en Sortie depuis les débuts. Composé d’une série d’entretiens entre Jean-Marie Lapointe et l’abbé Claude Paradis, cet ouvrage retrace, à la fois, le parcours difficile de celui qui était appelé à devenir prêtre de tout éternité et la profondeur de sa démarche trop souvent occultée par la philosophie de l’entraide qui prédomine aujourd’hui.

Un purgatoire plus tôt que prévu!

Une chose est certaine, ce livre est une véritable « confession ». Sans édulcorer le vécu du curé des gens de la rue du Centre-Ville de Montréal, ce livre nous présente un homme bien incarné qui, comme saint Paul, a « reçu dans [sa] chair une écharde ». On y retrace donc l’itinéraire d’un gaspésien qui, sous le poids des blessures parfois cruelles de la vie, a vécu une « véritable descente aux enfers » qui, vue d’aujourd’hui, apparaît comme un réel purgatoire. On y retrace sa conversion puis le séminaire, son ordination puis l’apprentissage de la vie de prêtre ;  une série d’événement qui lui ont certainement permis de comprendre, plus que nous tous, cette Parole de l’Évangile : « Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. » (2 Cor 12, 9).

Le livre ne se contente cependant pas d’offrir des éléments biographiques. On y côtoie aussi de profondes réflexions sur le sens de la souffrance, de la pauvreté et des différentes dépendances. En effet, on voit, dans la vie de l’abbé Paradis, une véritable soif  d’amour, ce qui a pu décupler la souffrance causée par les rejets parfois brutaux dont il a pu faire l’objet. Quelle intensité la découverte de l’Amour indéfectible de Dieu a-t-elle pu susciter en lui pour créer un tel retournement qui fera de lui un prêtre quelques année plus tard !

Une porte vers le ciel

On constate également certaines caractéristiques de l’état de dépendance et le combat contre celles-ci. Contrairement au rêve d’autonomie absolue dont notre société essaie de nous convaincre, nous sommes des êtres foncièrement dépendants. Dépendants de la société pour vivre, dépendants de nos parents pour nous donner la vie et nous éduquer, dépendants de l’environnement pour nous soutenir, etc. Les toxicomanes, eux, savent trop bien que notre état de dépendance est réel. Voilà pourquoi les différents groupes de soutien n’ont pas de difficultés à comprendre la nécessité de faire référence à une « Force Supérieure » ou, en d’autres termes, à Dieu. Nous avons donc beaucoup à apprendre de ces gens souffrants de la rue qui, d’une certaine façon, sont pour nous le miroir brutal de notre propre misère. Contrairement à nous, leur état ne leur permet pas de se voiler la face et de se penser autonomes et maîtres d’eux-mêmes ; d’où leur plus grande ouverture à Dieu et à la transcendance.

Mais comment cette ouverture pourrait-elle être comblée sans des témoins crédibles pour nous aider, comme le disait le curé d’Ars, à nous « montrer le chemin du ciel » ? Tel est le sens de la vie de l’abbé Claude Paradis et de l’apostolat de Notre-Dame-de-la-rue. La vie spirituelle des âmes qu’il rencontre est sa priorité et pour cause.  Faire de la place à l’amour dans leur cœur des hommes est la seule chose qui puisse étancher la soif du Christ sur la croix !

Prendre sa croix et celles des autres

Enfin, j’aimerais jeter un éclairage sur une autre dimension de la vie du Curé de la rue. Comme cela a été merveilleusement présenté dans le documentaire de Charles Le Bourgeois « Dealer d’espoir », à visionner sur Sel et Lumière, l’abbé Claude Paradis ne cherche pas seulement à aider les pauvres, il cherche aussi  à prendre sur lui la croix de l’itinérance. C’est pourquoi, il lui est arrivé à plusieurs reprises de dormir dehors, quêter et errer dans les rues comme une offrande au Père éternel. Est-il possible de non seulement souffrir sa propre vie mais aussi de vouloir prendre sur soi les blessures des autres ? C’est pourtant ce que l’Église nous enseigne : « La grâce comprend aussi les dons que l’Esprit nous accorde pour nous associer à son œuvre, pour nous rendre capables de collaborer au salut des autres et à la croissance du Corps du Christ. […] (Catéchisme de l’Église catholique, no 2003). S’associer à la Croix rédemptrice de Jésus par une vie communautaire avec les itinérants de Montréal voilà qui pourrait bien résumer le charisme de l’abbé Claude Paradis.

Je recommande la lecture du livre  « Confession d’un prêtre de la rue ».  Pour en savoir davantage sur le livre et sur l’abbé Paradis,  je reçois pour en discuter Jean-Marie Lapointe, cette semaine à l’émission Église en Sortie sans oublier la maintenant très attendue « Chronique des actualités de la rue » de l’abbé Claude Paradis !

Ad Deum qui laetificat juventutem meam !


Credit photo:CNS/Paul Haring
Lundi dernier était publié le document final du Synode des évêques sur « Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel ». Présenté au Saint-Père selon les règles établies par le Motu Proprio Epicospalis Communio, ce texte d’une cinquantaine de pages, passé au vote paragraphe par paragraphe, a pour but d’orienter les réflexions du Saint-Père pour l’écriture de l’Exhortation apostolique post-synodale qui portera sur ce thème. Divisé en trois parties et suivant le modèle de l’épisode des disciples d’Emmaüs, ce document manifeste l’attitude fondamentale que doivent avoir les membres de l’Église pour un apostolat soucieux à la fois des besoins spirituels et humains des jeunes mais également de leur rythme et de leurs attentes spécifiques.

« Ils marchaient avec eux » (Lc 24,15)

Comme toute action pastorale de l’Église, les recommandations présentes dans ce document disponible jusqu’à maintenant qu’en italien, cherchent à incarner l’attitude de Jésus telle que présentée dans l’évangiles. En ce sens, l’épisode des disciples d’Emmaüs est on ne peut plus approprié.  S’inspirant de cette proximité de Jésus qui se mit à l’écoute des peurs et incompréhensions des disciples qui ne saisissaient pas encore le sens des événements de Jérusalem, de même, le document manifeste l’attitude d’écoute des pères synodaux qui ont cherché à « illuminer ce qu’ils ont pu reconnaître du contexte dans lequel évolue la jeunesse d’aujourd’hui » (no 4).

En ce sens, on reconnaît l’importance et la centralité d’enjeux tels que la construction de l’identité des jeunes en manifestant particulièrement les différents types de relations qui influent grandement sur leur développement. Sont donc mentionnées l’importance de la famille, les amitiés et les différentes influences présentes dans les traditions et les cultures. Sans résumer outre mesure, nous pourrions dire que l’Église a conscience de la complexité de la réalité de la jeunesse contemporaine et cherche à manifester son désir de les accompagner.

« Leurs yeux s’ouvrirent » (Lc 24, 31)

La deuxième partie du document met plutôt l’emphase sur l’attitude de Jésus qui, après les avoir écoutés, leur adresse une parole adaptée (no 77) à leur vision du monde et à leur compréhension des problèmes existentiels auxquels ils sont confrontés (no 58-62). Cherchant à se conformer à ce regard du Christ tant Divin qu’Humain, les évêques reconnaissent la jeunesse et les jeunes comme un don de Dieu (no 63) que l’Église ne peut négliger. Comme le disait l’introït de la Messe d’antan « ad Deum qui laetificat juventutem meam » (À ce Dieu qui fut la joie de ma jeunesse), l’Église doit aujourd’hui faire preuve d’ingéniosité afin que la jeunesse elle-même lui fasse redécouvrir le Dieu de la joie. Une démarche de dialogue et d’échange (no 122) doit donc s’établir afin que les jeunes puissent eux-mêmes traduire et incarner le riche patrimoine de foi, de sagesse et de sainteté hérité du passé.

Pour ce faire, le document met l’emphase sur la dimension vocationnelle de la foi. En effet, aux jeunes parvenus à cet  âge crucial de la vie où des choix fondamentaux sont à faire, l’Église doit manifester et donner les moyens de suivre l’appel universel à la sainteté (no 84) dans le cadre de leur vocation personnelle (no 80). Accompagner (no 93) et transmettre les outils de discernement (no 104) nécessaires que sont une relation personnelle avec le Christ (no 114), des idées claires sur les notions de liberté (no 76), vérité, amour, justice, etc., des initiatives pouvant canaliser le besoin de radicalité et de don de soi de la jeunesse ne sont que quelques pistes abordées par le document.

« À l’instant même ils partirent » (Lc 24,33)

Mettant en évidence l’énergie nouvelle qu’inculque l’écoute de la Parole lorsqu’elle s’adresse à nous personnellement, l’Église veut, avec les jeunes, se mettre en marche sur le chemin de la mission. Comprenant que cette démarche de la rencontre et de ce désir de transmission de la foi est au centre du renouvellement de l’Église, les évêques réunis en synode semblent vouloir redonner à l’Église un « visage relationnel » (no 122). À l’heure où l’on assiste au niveau mondial « aux défis du bas niveau de participation et de l’influence disproportionnée de petits groupes de pression » (no 127), l’Église peut, plus que jamais montrer l’exemple d’une gouvernance responsable et participative.

Devenir une Église pleinement consciente de l’urgence de l’évangélisation suggère donc de revenir à l’essentiel tout en faisant preuve de cette créativité que seules des communautés vivantes parce que priantes peuvent réaliser. Passer des structures aux relations sera vraisemblablement l’un des mots d’ordre des prochaines réflexions sur l’avenir de l’Église. Pour ce faire, le document emploie la figure chère au pape François : le polyèdre. Ne cherchant plus à uniformiser les structures, la solide unité de la foi transmise par les apôtres et en communion avec le successeur de Pierre nous invite à un nouvel espace de liberté où pourront s’épanouir « des personnes de sensibilités, de provenance et de cultures diverses » (no 131).

Prochain rendez-vous : Panama 2019 

Alors que les évêques présents au Synode sur « Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel » sont, pour la plupart, de retour chez eux, l’Église dans son ensemble se prépare à la célébration des Journées mondiales de la Jeunesse 2019 au Panama en janvier prochain. Au cours des dernières décennies, cet événement central de la vie de l’Église a su nous montrer un nouveau visage de l’Église; non pas en contradiction avec les profils ecclésiaux du passé mais plutôt en cohérence avec une vision organique de la tradition et du patrimoine de l’Église héritée des motions de l’Esprit Saint à travers les âges.

Pour suivre cette jeunesse enflammée, Télévision Sel et Lumière sera fidèle au poste pour vous faire vivre les Journées mondiales de la Jeunesse 2019, cet événement incontournable de la vie de l’Église d’aujourd’hui et de demain. Un rendez-vous à ne pas manquer!

Vers une Église en marche avec les jeunes


Crédit:CNS photo/Paul Haring

Samedi dernier se terminait la deuxième semaine des travaux du Synode sur le thème « Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel ». Pour l’occasion furent publiés les textes des différents Relatio des cercles mineurs sur la troisième partie de l’Instrumentum Laboris. Divisés par appartenance linguistique, ces différents groupes devaient rédigés des propositions au Secrétariat général du Synode afin d’établir un document provisoire qui fera ensuite l’objet d’un vote. Habituellement, c’est ce document final qui sert d’inspiration au Saint-Père pour l’écriture de l’éventuelle Exhortation apostolique post synodale.

Reflétant l’esprit et les sujets abordés dans les discussions en petits groupes, leur lecture nous permet donc de comprendre mieux les orientations du Synode ainsi que les thèmes suscitant le plus d’enthousiasme. Sans prétendre dresser une liste exhaustive de tout ce qui s’y retrouve, plusieurs éléments émergent de ces textes.

Vatican II en marche

Dans un premier temps, il est clair que Vatican II se trouve en arrière-plan de l’ensemble des délibérations. Que ce soit par la méthode même du Synode des évêques qui n’aurait jamais vu le jour sans le Concile ou par le langage utilisé dans les conversations, il est clair que le « Synode des jeunes » s’appuie sur l’ecclésiologie du Peuple de Dieu. Mariant les dimensions hiérarchiques et charismatiques de l’Église, tous ont le souci de mettre en œuvre les paroles de saint Paul selon lesquelles « Les dons de la grâce sont variés, mais c’est le même Esprit. Les services sont variés, mais c’est le même Seigneur. Les activités sont variées, mais c’est le même Dieu qui agit en tout et en tous. » (1 Cor 12, 4-6).

Au service de la vérité et de la justice

Le langage lui-même, utilisé à plusieurs reprises, nous rappelle les grands thèmes abordés par le Concile. Le souci des plus pauvres est sans contredit l’un de ces éléments. Comme l’affirme le Circulus Gallicus A « l’option préférentielle pour les pauvres et les jeunes » […] « ce binôme établit les jeunes aux avant-postes de l’engagement social aux côtés des pauvres ». Pour paraphraser, nous pourrions dire que, de la même manière que la lutte pour la protection de l’environnement ne peut être dissociée de la lutte contre la pauvreté, la promotion de la jeunesse passe aussi par une plus grande préoccupation pour les plus pauvres de nos sociétés. Il est donc clair qu’un élément central d’une pastorale jeunesse efficace est d’être soucieuse du « désir de vérité et de justice qui les caractérise ».

Un « écosystème » de maturation humaine

Selon plusieurs relatios, l’action pastorale de l’Église envers les jeunes doit mettre un fort accent sur les besoins de formation des jeunes. En ce sens, le Circulus Gallicus C a bien manifesté l’importance d’une plus grande emphase sur la « Sensibilité éducative de l’Église » [ par une ] « attention particulière dans l’élaboration des programmes spécifiques des lieux éducatifs de l’Église du point de vue du dialogue de la foi avec ces nouveaux contextes » que sont « la réalité du continent digital, la question écologique, la politique dans la cité, le pluralisme culturel et religieux ».

S’il est vrai que tout chrétien doit être en mesure de « donner les raisons de l’espérance qui est en nous », il est d’autant plus vrai que les jeunes sont particulièrement sensibles à la cohérence de ce qui leur est présenté. La pastorale jeunesse doit donc maintenir le riche patrimoine de dialogue entre foi et raison tel que développé par les grands docteurs et le récent Magistère de l’Église.

Enfants de Dieu dans toutes les sphères de la société

Le monde professionnel a malheureusement été peu abordé dans les cercles mineurs. Le Circulus Anglicus D a cependant sauvé la donne en mentionnant l’importance de présenter la foi comme une « aventure spirituelle » manifestant ainsi la possibilité de devenir « de grands avocats catholiques, de grands médecins catholiques, de grands journalistes catholiques et de grands entrepreneurs catholiques, etc. ». En effet, bien qu’étant pour la plupart en période de formation, les jeunes doivent aussi être en mesure de se projeter dans un futur où leur foi pourra se marier pleinement avec leurs aspirations professionnelles.

Ce même groupe, dont le Relateur était Mgr Robert Barron, poursuit en disant que « les jeunes ont soif de sainteté et ils désirent des formations pratiques capables de les aider à cheminer en ce sens ». Susciter chez les jeunes la responsabilité de créer des groupes de discussion et d’entraide permettant d’apprendre à assumer et traduire une identité catholique forte dans tous les corps de profession devrait être une priorité de la pastorale jeunesse d’aujourd’hui.

Une réflexion ouverte à tous

Le nombre de places dans le Hall du Synode étant limité, il est évident que tous ne pouvaient être invités à participer à ce Synode des jeunes. Toutefois, il est clair qu’une des conclusions de ce synode sera de leur faire plus de place dans les diocèses et les communautés chrétiennes afin de mettre sur pied ce renouvellement de la pastorale jeunesse.

En lien avec l’Exhortation apostolique post Synodale qui sera publiée à moyen terme, il est certain qu’une pastorale renouvelée pour et par les jeunes devra être mise établit au niveau local. En ce sens, nous pouvons tous participer à cette élaboration dans nos milieux en créant les espaces qu’ils pourront remplir de leur fougue, de leur enthousiasme et de leur soif de suivre authentiquement le Christ.

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