Un dimanche pour redécouvrir la Parole de Dieu

(Photo: Vatican Media) Lundi 30 septembre dernier, lors de la commémoration du 1600anniversaire de la mort de saint Jérôme, le pape François édictait, par le Motu Proprio « Apperuit Illis », le dimanche de la Parole de Dieu. Célébré le troisième dimanche du temps ordinaire, ce Jour du Seigneur sera consacré à offrir aux fidèles du monde entier, les moyens pour croître en « religiosité et assiduité familière avec les Saintes Écritures » .

Un texte à approfondir

On ne le dira jamais assez : le christianisme n’est pas une « religion du livre ». Le christianisme est une Personne, Jésus-Christ, Verbe de Dieu incarné auquel s’ajoutent tous ceux qui acceptent de participer de sa Vie divine. Toutefois, nous ne pouvons pas non plus négliger les différents moyens par lesquels Dieu se révèle aux hommes. Parmi eux, la Sainte Écriture fait figure de pilier puisqu’elle nous livre le témoignage oculaire de l’action créatrice et salvatrice de Dieu dans l’histoire. Sa lecture nous permet donc de comprendre et d’approfondir notre relation avec le Christ.  Comme le dit le Pape : « Si le Seigneur ne nous y introduit pas, il est impossible de comprendre en profondeur l’Écriture Sainte. Pourtant le contraire est tout aussi vrai : sans l’Écriture Sainte, les événements de la mission de Jésus et de son Église dans le monde restent indéchiffrables ». Que ce soit personnellement ou collectivement, nous devons côtoyer les Saintes Écritures pour savoir qui on est et où l’on va.

En effet, la Parole de Dieu nous est adressée personnellement puisque Dieu cherche une relation personnelle avec chacun d’entre nous. C’est un aspect très mystérieux du Texte Saint. Même s’il a été écrit il y a des millénaires, il réussit à nous rejoindre personnellement et éclaire toujours notre vie en gardant constamment notre regard sur l’essentiel : non seulement la grandeur de notre éternelle destinée mais également sur notre capacité à transfigurer le monde. Toutefois, puisque le goût de l’humanité pour le confort et la sécurité est et sera toujours très fort, le risque de réduire la Parole de Dieu à des intérêts privés demeure constant. Voilà pourquoi, parmi la multitude des interprétations possibles, Jésus-Christ a également fait le don d’une institution permettant de « parvenir à une unité authentique et solide » (no3). Par son charisme magistériel, l’Église continue, encore aujourd’hui, de garder l’unité dans la diversité : « l’Esprit Saint qui continue à réaliser sa forme particulière d’inspiration lorsque l’Église enseigne l’Écriture Sainte, lorsque le Magistère l’interprète authentiquement (cf. ibid., 10) et quand chaque croyant en fait sa norme spirituelle » (no 10).

Écriture Sainte et sacrement

Notre habitude à célébrer la Messe nous fait souvent oublier le lien profond qui existe entre la célébration de la Parole de Dieu et de l’Eucharistie. Lorsqu’on y pense, on voit que l’une et l’autre se complètent parfaitement et qu’elles sont comme les deux poumons de notre vie spirituelle. Pour le Pape : « En tant que chrétiens, nous sommes un seul peuple qui marche dans l’histoire, fort de la présence du Seigneur parmi nous qui nous parle et nous nourrit » (no 8). C’est donc, à la fois, en tant que personne et en tant que peuple que nous devenons des disciples de Jésus. C’est parce que nous mettons personnellement en pratique les mandats de l’Écriture que Dieu peut prendre place dans notre vie. Mais c’est également parce que nous célébrons ensemble ces mêmes mystères que nous découvrons la valeur universelle de l’action salvifique de Dieu dans le monde.

Il y a donc un appel réciproque entre Dieu et l’homme qui, à travers l’Écriture et la célébration des sacrements, nous comble de tout ce dont nous avons besoin pour vivre et atteindre notre plein potentiel humain et spirituel. C’est ainsi que, en mettant la lecture de la Bible à notre agenda quotidien, nous pourrons voir le monde avec un regard nouveau. Un regard capable de voir ce que les autres ne voient pas. De s’émerveiller de la beauté de la création et de s’affranchir de ses chaînes qui nous empêchent de devenir celui ou celle que nous sommes appelés à être. Côtoyer Jésus dans la Parole de Dieu et l’Eucharistie est donc la condition sine qua non des aspirations inscrites au plus profond de notre âme.

Sous l’impulsion de ce nouveau dimanche de la Parole de Dieu qui prendra place le troisième dimanche du temps ordinaire, partons à la rencontre de ce Dieu qui « à travers l’Écriture Sainte, frappe à notre porte ; si nous écoutons et ouvrons la porte de notre esprit et celle de notre cœur, alors Il entrera dans notre vie et demeurera avec nous » (no 8).

L’héroïsme d’un ami de Jésus

(CNS photo/Knights of Columbus) Du 3 au 8 août avait lieu à Minneapolis, aux États-Unis, la 137eConvention Suprême des Chevaliers de Colomb. Lors de cette rencontre internationale, le Chevalier Suprême Carl Anderson a remis son rapport annuel dans lequel il a présenté l’immensité du travail de charité effectué par les Chevaliers durant l’année. C’est ainsi, qu’au cours de l’année 2018, les Chevaliers de Colomb du monde entier ont donné 187 millions de dollars et 76.7 millions d’heures de bénévolat[1]. Toutefois, ces chiffres astronomiques ne doivent pas nous faire oublier que, au-delà des résultats, l’essentiel de cette confrérie se trouve dans la qualité de l’amour et l’union au Christ dont fait preuve chaque chevalier dans sa vie quotidienne.

Un exemple de bravoure

Pour nous rappeler ce principe fondamental, la Convention Suprême a fait connaître l’histoire du fils d’un Chevalier. Ce jeune homme nommé  Kendrick Castillo[2], dans un acte d’héroïsme, a suivi l’enseignement du Christ : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15, 13).  Catholique fervent, Kendrick Castillo était un jeune adolescent qui, comme tant d’autres, allait à l’école secondaire dans la région de Denver. Fils de Chevalier de Colomb, il portait en lui le profond désir d’en devenir un lui-même.  Déjà, il participait à de nombreuses activités organisées par les fils de Fr. McGivenny. Kendrick était destiné à un avenir prometteur dans les technologies et avait hâte à la graduation qui arrivait à grand pas (il ne restait que 3 jours d’école).

Le mardi 7 mai 2019, alors qu’il était en classe comme tous les jours, un jeune homme a rapidement sorti une arme avec l’intention de tuer ses camarades de classe. C’est à ce moment précis que Kendrick se précipita devant l’assaillant afin de l’empêcher de commettre l’irréparable. En se jetant sur lui, Kendrick fut atteint par une balle qui le  tua sur le coup[4]permettant cependant à trois autres étudiants de maîtriser le meurtrier. Cette tragédie, malheureusement de plus en plus fréquente chez nos voisins du sud, aurait certainement été beaucoup plus sanglante sans le sacrifice de Kendrick. Les jours qui suivirent furent l’occasion pour la communauté de lui rendre hommage pour son don ultime.

L’héroïsme d’un ami de Jésus

Bien évidemment, on ne peut qu’être ému devant le récit d’un pareil événement empreint tout à la fois de  cruauté, de détresse, de violence, de bravoure et d’amour inconditionnel. Mais quel est le sens du geste de Kendrick et que peut-il nous apprendre ? D’abord, Kendrick nous apprend à mettre nos priorités à la bonne place ! En effet, par son sacrifice, il a démontré que la vie de ses camarades était plus importante que tout l’or du monde. Comme tous les jeunes de son âge, il avait une famille, des amis, des intérêts, des hobbies, des projets. Toutefois, il savait que tout cela était don de Dieu  n’ayant de véritable valeur qu’en tant qu’il est orienté vers Dieu. Il a pris au sérieux la parole exigeante du Christ selon laquelle : « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi » (Mt 10, 37). Mettant les biens du ciel au-dessus de tout, Kendrick a pu spontanément se jeter sur l’agresseur et tout risquer pour le bien de ses camarades.

En un monde où l’on glorifie la recherche du bien-être personnel, souvent même au détriment des autres, ce genre de geste nous semble contre-intuitif. Le but de la vie n’est-il pas l’assouvissement du moindre de nos désirs ? Ne devons-nous pas chercher à ce que la société entière se conforme au moindre de mes caprices et désirs ? Kendrick montre que cette logique n’est pas à la hauteur de nos aspirations les plus grandes. Les manifestations de sympathieet de reconnaissance à son égard suivant la tragédie montrent que nous cherchons plus que ce que notre société nous propose. Il est donc évident que Kendrick avait intégré un profond discernement dans sa vie de tous les jours. Celui-là même qui lui a permis de choisir spontanément la vie des autres au détriment de la sienne. Comme le dit le pape François : « Ce que Jésus désire de chaque jeune, c’est avant tout son amitié. Il est essentiel de discerner et de découvrir cela. C’est le discernement fondamental » (no 250. Aucun doute, Kendrick était un ami intime de Jésus.

Rencontre au quotidien

Une chose est sûre, cette rencontre avec le Christ, précipitée par une fusillade, n’a certainement pas été celle de deux inconnus. Kendrick connaissait bien Jésus et le fréquentait depuis de nombreuses années. Elle a dû ressembler davantage à une rencontre entre de vieux amis se retrouvant dans des circonstances extraordinaires. Kendrick nous invite à nous préparer à cette rencontre ultime par un esprit de gratitude envers Dieu pour la beauté de la vie. À chaque instant, même dans les moments qui nous apparaissent les plus banals, le Christ est présent à nos côtés. Comme le soleil qui n’a besoin que d’une petite ouverture pour mettre toute sa lumière dans une pièce, le Christ n’a besoin que d’un peu d’ouverture pour s’installer dans notre cœur et y faire des merveilles. Ce peu de place, est peut-être le léger effort requis pour aller à la Messe le dimanche ? Peut-être est-ce la volonté d’approfondir notre connaissance de la foi et des enseignements de l’Église ? Qui sait par où le Christ passe !

Kendrick nous invite à rester fidèle aux engagements de notre baptême et à nous rappeler constamment la présence active de la Grâce de Dieu présente dans l’Eucharistie. Loin d’être uniquement un symbole, Jésus-Christ Vrai Dieu et Vrai homme est substantiellement présent dans l’Hostie consacrée ! Il nous invite donc également à nous donner les moyens pour répondre concrètement à son appel à le suivre. Et pour nous les hommes, un bon moyen est certainement de devenir membre des Chevaliers de Colomb en participant activement au bien-être de nos communautés sociales et ecclésiales. Rien de surprenant que les Chevaliers de Colomb l’aient fait Chevalier à titre posthume[11]. Vivat Iesus ! 

« Hebdomada Papae » : j’en perds mon latin !

(Credit photo: Vatican Média) Le 8 juin dernier, une nouvelle émission radiophonique entrait en ondes sur Radio Vatican. Intitulé « Hebdomada Papae: notitiae vaticanae latine redditae », ce radiojournal a la particularité d’être diffusé dans la langue de Cicéron : le latin. Offrant des nouvelles hebdomadaires sur les événements significatifs de l’agenda du Pape, cette « nouveauté » semble paradoxalement anachronique. En effet, quelle utilité une telle émission peut-elle avoir en 2019 ? À qui peut bien s’adresser une telle programmation ? Loin de l’uniformisation actuelle de l’univers Podcast qui tend à généraliser l’usage de l’anglais, il me semble que cette initiative met de l’avant l’attachement de l’Église pour la diversité des cultures et pour sa propre tradition.

Un patrimoine vivant

L’intention avouée d’Andrea Tornielli, directeur éditorial de Vatican News, est de « faire revivre la langue officielle de l’Église catholique ». En effet, lorsque l’on parle de la langue latine, c’est souvent avec réticence. « C’est une langue morte ! » ou encore « Ça ne sert à rien !» ne sont que deux exemples de la myriade de préjugés tenaces qui continuent d’être véhiculés contre elle par la culture actuelle. Or,comme le dit le pape François :

Nous voyons aujourd’hui une tendance à homogénéiser les jeunes, à dissoudre les différences propres à leur lieu d’origine, à les transformer en êtres manipulables, fabriqués en série. Il se produit ainsi une destruction culturelle qui est aussi grave que la disparition des espèces animales et végétales. (CV no186)

Cette préservation d’une connaissance de base de la langue latine est donc constitutive d’une véritable « écologie intégrale » (LS no 145). Cela est vrai pour de nombreuses raisons. D’abord, l’universalité de l’Église requiert qu’elle ait une langue propre. N’étant ni française, ni anglaise, ni italienne, ni chinoise mais bien « catholicos », l’Église ne pourrait faire de l’une d’ elles sa langue officielle sans être perçue comme privilégiant une culture au détriment des autres. Pour les églises particulières, la langue vernaculaire est de mise dans la plupart des cas. Toutefois, pour les églises de tradition et de rite latin, le Concile Vatican II demande « À ce que les fidèles puissent dire ou chanter ensemble, en langue latine, aussi les parties de l’ordinaire de la messe qui leur reviennent » (SC no 54). De fait, et cela va de soi, la grande majorité du patrimoine ecclésial ayant été écrit en latin, il est indispensable d’avoir une certaine connaissance des « éléments latins ».

Une langue construite sur du roc

Une autre raison majeure en faveur d’une redécouverte du latin découle des racines culturelles et linguistiques latines de la langue française. En effet, le français est une langue latine et de fait, s’enracine dans la logique syntaxique, grammaticale et étymologique de cette langue millénaire. Avoir une base de latin permet donc de saisir la profondeur et la polysémie des termes, mots et concepts que nous utilisons tous les jours. À l’heure où l’on constate une perte de la richesse , une fragilisation de la présence francophone au Québec  ou du déclin de la qualité du français à tous les niveaux , il me semble qu’un certain retour au latin ne serait pas superflu. En effet, il m’apparaît contradictoire de prétendre chérir la langue française tout en négligeant une connaissance et une appréciation de base de ses racines. Notre langue française ne fut pas bâtie sur du « sable » mais sur le « roc » (Mt 7, 25-27) du latin. Affaiblir l’un allait forcément entraîner l’affaiblissement de l’autre.   Comment pouvoir sensibiliser et propager l’amour d’une langue sans en connaître les racines ? Et comment les francophones du Canada pourraient-ils redécouvrir ce patrimoine si l’Église Elle-même le négligeait ?

Ainsi, puisque trop souvent « les limites culturelles des diverses époques ont conditionné cette conscience de leur propre héritage éthique et spirituel, […]c’est précisément le retour à leurs sources qui permet aux religions de mieux répondre aux nécessités actuelles » (LS no 200) . Le patrimoine littéraire, religieux et linguistique du latin mérite d’être connu et utilisé. C’est ce que cette nouvelle émission radiophonique concrétise. Placet !

Le 26 juillet 2016, la Messe fut dite à Saint-Étienne-du-Rouvray

(Crédit photo: CNS/L’Osservatore Romano) Le 26 juillet 2016, en la petite église de Saint-Étienne-du-Rouvray en France, le père Jacques Hamel était assassiné alors qu’il célébrait l’Eucharistie accompagné d’une poignée de fidèles. Ce sacrilège suprême n’a cessé depuis de nous rappeler jusqu’où la foi en Jésus-Christ peut nous mener. Trois ans plus tard, il importe de faire mémoire du sens profond que revêt cet acte barbare. De ce véritable drame qui a précipité cette Rencontre définitive à laquelle le père Hamel avait passé sa vie à se préparer.

Au-delà des apparences 

Doux et humble de cœur, le père Hamel représentait tout ce que notre société considère comme ringard ou inutile. Or, si son meurtre nous a démontré une chose, c’est bien que ces critères sont eux-mêmes insignifiants et bien peu aptes à orienter notre jugement. Ce ministère caché, silencieux et constant d’un curé de campagne sans apparat, voilà ce que les flammes de l’enfer redoutent le plus. Cette journée-là, ce n’était ni les tensions politiques, ni la construction d’armements militaires, ni les myriades d’instruments mis au service d’une « paix » trop humaine que le prince de ce monde appréhendait le plus, mais bien le sacrifice sans éclat d’une vie donnée au quotidien. Comment se surprendre que l’amour du père Hamel ait déclenché la même rage du père du mensonge telle qu’elle s’était manifestée 2000 ans plus tôt au Golgotha? Qu’on se le tienne pour dit, ce que « Satan » craint le plus, c’est l’intensité de l’union d’une âme au Christ sauveur.

La Messe fut dite

Cela nous semble contre intuitif et un non-sens total mais le martyre est en effet une grâce divine qui s’offre à certains d’entre nous. Le père Hamel fait partie de ces chrétiens choisis pour témoigner au monde de la valeur suprême de la vie surnaturelle et sacramentelle. Que ce meurtre ait eu lieu pendant la célébration de la Messe porte aussi son lot de signification. Alors que, du côté des assassins, leur acte incarnait la nature même du sacrilège, pour le père Hamel au contraire, leur acte lui a fait vivre concrètement le mystère qu’il était en train de célébrer. Contrairement à son plan, la haine de Satan a permis à ce prêtre d’agir (différemment mais véritablement) In persona Christi. Par la chair meurtrie du père Hamel, la mort du Christ s’est mystérieusement ré-actualisé pour la gloire de Dieu et le salut du monde. Ce jour-là, malgré les apparences, en l’église de Saint-Étienne-du-Rouvray la Messe n’a jamais été interrompue … Ite Missa est.

La seule vraie efficacité

Faire mémoire de la vie et des circonstances dramatiques qui nous ont enlevé le père Hamel est une belle occasion pour remettre les mystères de la foi au centre de nos vies et de notre compréhension du monde. Une occasion aussi de nous stimuler à persévérer sur notre chemin du sacrifice de l’amour quotidien. Alors que notre société nous invite à chercher ce qui est flamboyant et grandiose et à dénigrer ce qui semble petit et humble, le père Hamel nous montre où loge l’efficacité véritable. C’est par l’union au Christ que l’Amour de Dieu rejoint notre monde. Ce n’est que de cette manière que ce dernier peut légitimement poursuivre sa route sur le chemin de l’histoire.

Plus vivant que jamais

Il y a trois ans, le père Hamel nous quittait brusquement. Cherchant à faire disparaître cette oasis de paix, les forces démoniaques ont déchaîné leur fureur contre ce curé d’Ars des temps modernes. Pensant supprimer les bienfaits d’une vie spirituelle intense, c’est plutôt une pluie de grâces émanant d’une intimité spirituelle consommée à laquelle elles doivent aujourd’hui se confronter. L’avancement de son procès en béatification en est une preuve. À la suite du Christ, Jacques Hamel est parmi nous, plus que jamais.

Pour une jeunesse bien enracinée

(Photo credit: CNS/Vatican Media) Nous poursuivons aujourd’hui notre parcours de l’exhortation apostolique du pape François « Christus Vivit » aux jeunes et à tout le peuple de Dieu. Le chapitre six offre de riches réflexions sur le thème de l’enracinement. Ce thème, devenu central dans notre monde globalisé, l’est encore davantage dans la vie des jeunes qui vivent d’importantes tensions à ce niveau. En effet, étant pour la plupart nés avec internet, leur identité n’est plus uniquement liée à leur géographie, leur patrie ou leur histoire familiale. Elle ne souffre plus de frontière et ne tolère pour référence que l’immensité des possibles. Or, nous dit le Pape : « Je souffre de voir que certains proposent aux jeunes de construire un avenir sans racines, comme si le monde commençait maintenant. Car « il est impossible que quelqu’un grandisse s’il n’a pas de racines fortes … » (no 179). Comment donc distinguer « la joie de la jeunesse d’un faux culte à la jeunesse » (no 180) ? C’est ce que nous allons maintenant explorer.

Une jeunesse caricaturée

Pour bien comprendre la différence entre le vrai et le faux, le Pape nous offre, dans ce court chapitre, une série de critères. Dans un premier temps, il montre comment beaucoup ont intérêt à ce que les jeunes soient facilement manipulables et crédules. Pour lui, de nombreux intérêts cherchent, à des fins idéologiques, à façonner des « jeunes qui méprisent l’histoire, qui rejettent la richesse spirituelle et humaine qui a été transmise au cours des générations, qui ignorent tout ce qui les a précédés » (no 181). C’est donc, pour le pape François, l’intérêt même des manipulateurs qui nous renseignent sur ce qui ne constitue par une jeunesse authentique.

Une jeunesse caricaturée sera donc d’abord auto révérencielle en ce sens qu’elle ne voudra pas évoluer en continuité ou cohérence avec ce qui l’a précédée. Cherchant davantage à se défaire de son héritage familial, national, spirituel plutôt qu’à l’assumer, cette jeunesse déracinée finit inévitablement dans l’enfermement d’une prétendue supériorité morale, « comme si tout ce qui n’est pas jeune était détestable et caduque. Le corps jeune devient le symbole de ce nouveau culte, et donc tout ce qui a rapport avec ce corps est idolâtré, désiré sans limites ; et ce qui n’est pas jeune est regardé avec mépris » (no 182).

L’homogénéité de la jeunesse laisse aussi présager sa grande vulnérabilité devant ceux qui veulent en profiter. En effet, selon le Pape, « Nous voyons aujourd’hui une tendance à homogénéiser les jeunes, à dissoudre les différences propres à leur lieu d’origine, à les transformer en êtres manipulables, fabriqués en série » (no 186). Cela peut se voir particulièrement dans les plus petits pays où les cultures propres ont bien du mal à se protéger contre les assauts parfois envahissants des différentes « formes de colonisation culturelle, qui déracinent les jeunes des appartenances culturelles et religieuses dont ils proviennent » (no 185). Au Québec, il est facile de voir le ravage que fait à notre jeunesse l’omniprésence d’une certaine culture américaine. En effet, personne ne sera surpris de voir la jeunesse d’aujourd’hui mieux connaître les super héros cinématrographiques que les pionniers de notre histoire. En ce sens, l’Église doit aider les jeunes à trouver un meilleur équilibre entre leurs intérêts pour la culture ambiante et leur propre culture correspondant mieux aux « traits les plus précieux de leur identité » (no 185).

Pour une jeunesse libre

Au contraire, nous dit le Pape, une jeunesse véritablement libre doit toujours faire preuve d’esprit critique. La jeunesse consciente des nombreux intérêts qui ne cherchent qu’à manipuler son authenticité, sait reconnaître ce qui, dans son propre patrimoine, est estimable et ce qui l’est moins. Elle sait être ouverte à « recueillir une sagesse qui se communique de génération en génération, qui peut coexister avec certaines misères humaines, et qui n’a pas à disparaître devant les nouveautés de la consommation et du marché » (no 190).

Ce qui nous amène au deuxième point d’une jeunesse à même de relever les nouveaux défis qui s’offrent à chaque génération. En effet, pour le pape François, « La rupture entre générations n’a jamais aidé le monde et ne l’aidera jamais » (no 191). Il faut donc que la jeunesse soit capable de se mettre à l’écoute des personnes plus âgées afin que « les communautés possèdent une mémoire collective, car chaque génération reprend les enseignements de ceux qui ont précédé, laissant un héritage à ceux qui suivront » (no 191).

Cela revêt au Québec un caractère particulier puisqu’une rupture générationnelle a bel et bien eu lieu au siècle passé. En effet, dans les années 60, ce que l’on appelle généralement la « Révolution Tranquille » a créé une discontinuité historique ; si bien que, de nos jours, une multitude de jeunes ne connaissent presque rien de leur histoire. C’est donc par fidélité aux principes soi-disant « émancipateurs » hérités de leurs parents qu’ils ignorent aujourd’hui pratiquement tout ce qui les constitue. De leur langue jusqu’au nom de rue en passant par la littérature et l’horizon de signification de leurs aïeuls, la jeunesse d’aujourd’hui semble dépourvue des fondements de son identité. Ainsi, au Québec, « faire mémoire de cette bénédiction qui se poursuit de génération en génération est un héritage précieux qu’il faut savoir garder vivant pour pouvoir le transmettre nous aussi ». Cet exercice de mémoire passe nécessairement par l’examen critique des différents mythes inventés par la génération précédente (par exemple celui de la « Grande Noirceur », etc.) en cherchant à retrouver le lien avec le temps long de l’histoire. Cela pourra se faire, par exemple, en reprenant contact, à travers la culture, avec nos morts, avec ceux qui gisent depuis plus de 400 ans dans les cimetières qui parsèment notre territoire.

Pour une guérison de la mémoire

Dans son « Rapport présenté à Sa Sainteté le Pape François en prévision de la visite ad limina apostolorum de mai 2017 », les évêques du Québec faisaient référence à cette problématique importante pour l’avenir des jeunes générations au Québec. Citant l’Observatoire Justice & Paix, le document constate lui aussi que :

« Rarement dans l’histoire un peuple aura-t-il vécu une volte-face culturelle aussi radicale que le Québec du demi-siècle passé. Ceci s’est manifesté notamment dans le domaine religieux, où la coupure a été la plus nette. … Pour un peuple qui a vécu dans un rapport étroit entre la foi et la culture pendant près de quatre siècles, une telle mutation n’a-t-elle pas des conséquences préoccupantes pour son avenir ? »

Ce vide culturel des jeunes d’aujourd’hui hérité de leurs parents interpelle donc l’ensemble de l’Église au Québec. Ce déficit doit être perçu comme une opportunité à saisir. Nous devons trouver les meilleurs moyens (ou devrais-je dire « témoins ») qui sauront manifester qu’assumer pleinement son héritage culturel catholique est un avantage humain et spirituel pour affronter la vie avec confiance et espérance.

Le choix de la jeunesse

Nous poursuivons notre parcours de l’Exhortation apostolique post-synodale intitulée Christus Vivit sur la jeunesse et le monde actuel. Comme nous l’avons vu précédemment, la volonté du pape François est de manifester comment les plus profonds désirs et intuitions de la jeunesse se réalisent dans la personne du Christ et dans une vie en communion avec Lui. En effet, on associe spontanément la jeunesse à une soif insatiable de liberté. Par exemple, cette tension intime pousse les jeunes à rechercher une plus grande indépendance par rapport à leur famille immédiate et souvent, malheureusement, par rapport à leur appartenance à l’Église. Or, loin de nous éloigner de ce désir légitime, le pape François manifeste au Chapitre 4, comment la liberté s’exprime dans cette possibilité de choisir le bien pour soi et pour notre entourage.

Le choix de la liberté 

La vie nous place naturellement dans cet univers où le passage du temps laisse une marque indélébile sur notre vie. Or, d’un côté, nous devons accepter cet état de fait mais, de l’autre, nous sommes appelés à garder le contrôle sur notre vie. Comment un jeune peut-il réconcilier ces deux éléments en apparence paradoxaux? D’abord,  le jeune est mis devant l’évidence inexorable que sa vie est « un don que nous pouvons gaspiller inutilement » (no 134). Il fait déjà l’expérience de cette liberté qui lui permet d’être fier de ses bons coups ou de ressentir de la honte lorsqu’il choisit volontaire de faire le mal. Comme le dit saint Paul : « Je ne fais pas le bien que je voudrais, mais je commets le mal que je ne voudrais pas » (Rm,7,19). Cette prise de conscience de notre liberté fondamentale peut donner le vertige. On connait tous le « syndrome de Peter Pan » qui fait que « certains jeunes rejettent parfois cette étape de la vie, parce qu’ils veulent rester enfants » ou bien désirent « un prolongement indéfini de l’adolescence et le renvoi des décisions » (no 140).

Devant cette volonté souvent affirmée contre les responsabilités, sacrifices et efforts que requiert l’accomplissement de soi, les jeunes sont au contraire appelés à assumer pleinement ce qu’ils sont. Dieu a, en effet, fourni à cet « âge des choix » (no 140) l’antidote aux pièges de la « paralysie décisionnelle » (no 140). En effet, poursuit le Pape : « L’inquiétude qui rend insatisfait, jointe à l’étonnement pour la nouveauté qui pointe à l’horizon, ouvre un passage à l’audace qui les met en mouvement pour s’assumer eux-mêmes, devenir responsable d’une mission » (no 138). Les jeunes ont donc en eux-mêmes tout ce dont ils ont besoin pour sortir du culte de la « déesse lamentation ». En effet, exhorte le Pape :

« Jeunes, ne renoncez pas au meilleur de votre jeunesse, ne regardez pas la vie à partir d’un balcon. Ne confondez pas le bonheur avec un divan et ne vivez pas toute votre vie derrière un écran. Ne devenez pas le triste spectacle d’un véhicule abandonné. Ne soyez pas des voitures stationnées. Il vaut mieux que vous laissiez germer les rêves et que vous preniez des décisions. Prenez des risques, même si vous vous trompez. Ne survivez pas avec l’âme anesthésiée, et ne regardez pas le monde en touristes. Faites du bruit ! Repoussez dehors les craintes qui vous paralysent, afin de ne pas être changés en jeunes momifiés. Vivez ! Donnez-vous à ce qu’il y a de mieux dans la vie ! Ouvrez la porte de la cage et sortez voler ! S’il vous plaît, ne prenez pas votre retraite avant l’heure ! » (no 143)

Le choix de la jeunesse 

Une jeunesse épanouie est donc une jeunesse qui se choisit elle-même. Bien que cela semble être une évidence, comment se fait-il que les résultats ne soient pas au rendez-vous ? Comment est-il possible que l’âge de l’énergie et du dynamisme soit trop souvent aussi celui de la morosité et du découragement ? Qu’est-ce qui  permet aux jeunes de distinguer ce qui dans leur vie représente un choix authentique pour Dieu de ce qui ne l’est pas ? Le pape répond par une référence à la réflexion des évêques de Suisse pour qui : « Il est là où nous pensions qu’il nous avait abandonnés, et qu’il n’y avait plus de salut » (no 149). Les jeunes doivent donc s’interroger sur ce qui, dans leur vie personnelle et collective, les rend insatisfaits. Par exemple, beaucoup de jeunes aujourd’hui sont très sensibles à la crise environnementale. Heureusement pas encore atteinte de la léthargie du cynisme, la jeunesse se scandalise qu’un monde aussi poussé technologiquement soit, en même temps, coupable de tant d’injustices et d’incapacités à reconsidérer son mode de vie. Une jeunesse qui se choisit doit donc prendre volontairement cette croix de leur insatisfaction devant un monde qui n’est pas à la hauteur de leurs attentes et chercher comment participer à son amélioration..

Chercher au dehors de soi les causes des maux dont souffre notre monde n’est pas suffisant. Un jeune qui se choisit saura également faire preuve d’introspection et saura considérer ce qui, en lui, participe de l’imperfection du monde. Cette lucidité essentielle sera le lieu d’approfondissement et un vecteur important de maturité. En effet, un critère important de cette jeunesse authentique consiste à se baser sur le fait que « chaque étape de la vie est une grâce qui demeure ; elle renferme une valeur qui ne doit pas passer. Une jeunesse bien vécue reste comme une expérience intérieure, et elle est reprise dans la vie adulte, elle est approfondie et continue à donner du fruit » (no 160). La jeunesse n’est donc pas seulement un lieu de passage appelé à être oublié. Ainsi, le jeune doit chercher à distinguer l’éphémère du permanent et s’engager dans le second au détriment du premier. Une jeunesse qui se choisit consiste donc en une vie appelée à rester jeune. Comme le dit le Pape : « Grandir c’est conserver et nourrir les choses les plus précieuses que la jeunesse te laisse, mais, en même temps, c’est être ouvert à purifier ce qui n’est pas bon et à recevoir de nouveaux dons de Dieu qui t’appelle à développer ce qui a de la valeur » (no 161).

Choisir Dieu pour se choisir

L’Exhortation apostolique du pape François propose une riche réflexion ayant un potentiel énorme tant pour la pastorale jeunesse que pour les jeunes eux-mêmes. Elle manifeste l’immense responsabilité qui repose sur les épaules de toute personne humaine. Avec la Grâce de Dieu, tout jeune est capable de choisir cette liberté destinée à réaliser l’ensemble du potentiel de toute personne sans toutefois renoncer aux profonds idéaux qui l’habitent. Connaissant l’Amour de Dieu pour chaque personne que nous sommes, le pape François exhorte les jeunes à prendre conscience de la valeur de leur propre vie et à se mettre à la tâche en choisissant volontairement ce qui, peu importe l’âge, peut faire dire « cette personne a un cœur jeune ».

La jeunesse et sa beauté véritable

(Image by Oleksy @Ohurtsov from Pixabay) Nous poursuivons notre analyse de la plus récente exhortation apostolique post-synodale intitulée Christus Vivit portant sur le thème de la jeunesse dans l’Église et dans le monde. Après avoir examiné les différentes figures de la jeunesse de l’Ancien et du Nouveau Testament, le document poursuit sa démarche en examinant brièvement la réalité de la jeunesse d’aujourd’hui. Le chapitre 3 s’interroge donc sur les différents défis culturels et sociaux auxquels font face les jeunes tout en soulignant les grandes pistes de solutions dont l’Église et le monde pourraient bénéficier s’ils osaient rendre aux jeunes la place qui leur revient.

Un monde en difficulté

Nous en sommes tous témoins, notre monde est le lieu de plusieurs tensions où s’affrontent des intérêts divergents. Comme dans tout conflit, les premiers à souffrir sont les personnes les plus vulnérables. Les jeunes sont donc toujours au premier rang des victimes des forces qui s’entrechoquent. En effet, « beaucoup de jeunes vivent dans des contextes de guerre et subissent la violence sous une innombrable variété de formes : enlèvements, extorsions, criminalité organisée, traite d’êtres humains, esclavage et exploitation sexuelle, viols de guerre, etc. » (no 72). N’ayant pas les connaissances ou l’expérience nécessaire pour s’immuniser contre les idéologies déshumanisantes qui, de part et d’autre, cherchent à nourrir leurs intérêts au détriment du bien commun, plusieurs jeunes « sont endoctrinés, instrumentalisés et utilisés comme chair à canon ou comme une force de choc pour détruire, intimider ou ridiculiser les autres » (no 73).

Faux respect de la jeunesse

Dans les pays où l’on trouve souvent l’opulence matérielle et économique, de nombreux jeunes sont victimes d’intérêts commerciaux prêts à les infantiliser afin qu’ils soient incapables d’user d’un jugement critique. Ainsi, laissés à eux-mêmes sans l’éducation et la maturité requises pour éviter ce qui rabaisse l’homme jusqu’à nier la dimension spirituelle de son être, de nombreux jeunes se jettent dans les plaisirs à court terme et ruinent leurs vies.

Dans certain cas, la manipulation va encore plus loin. Sous couvert d’épanouissement personnel, on assiste dans la culture populaire à un véritable culte de la jeunesse. Le Pape nous met en garde contre cette tentation de la facilité. En effet, il écrit : « Les corps jeunes sont constamment utilisés dans la publicité pour vendre. Le modèle de beauté est un modèle jeune, mais faisons attention, car cela n’est pas élogieux pour les jeunes. Cela signifie seulement que les adultes veulent voler la jeunesse pour eux-mêmes ; non pas qu’ils respectent, aiment et prennent soin des jeunes » (no79).

La véritable beauté de la jeunesse

Contre ces tentations déshumanisantes, le Pape François nous invite plutôt à la découverte de la jeunesse réelle. Celle qui, se sachant sur le chemin de la maturité, croit en ses capacités à devenir plus que ce qu’elle est déjà. C’est donc l’authenticité qui est la clé de son succès. S’éloignant des visions bêtes et éphémères d’une jeunesse voulue pour autre chose qu’elle-même, les jeunes d’aujourd’hui doivent se mettre au travail. Ils doivent comprendre que l’énergie qu’ils ont dans le cœur est à la hauteur des défis qui se trouvent devant eux. Pour ce faire, ils doivent comprendre qu’ils ne sont pas seuls et que c’est dans la relation avec le Christ qu’ils pourront réaliser pleinement les désirs présents en eux. En effet, exhorte le Pape : « Quand il te demande quelque chose ou quand, simplement, il permet ces défis que la vie te présente, il attend que tu lui accordes une place pour pouvoir t’élever, pour te faire progresser, pour te faire mûrir » (no 117). Chercher plus haut que soi avec Celui qui y est déjà, voilà le chemin de tous les possibles qui s’ouvrent au jeune qui accepte de jeter un regard authentique sur lui-même avec Dieu.

Une Église au service de la jeunesse

Pour réaliser ce programme, les jeunes doivent savoir qu’il existe un lieu où ils pourront, découvrir non seulement la grandeur de leur mission mais également le milieu relationnel pour les soutenir dans cette tâche qui est la leur. Comme l’affirme le Pape : « L’amour de Dieu et notre relation avec le Christ vivant ne nous empêchent pas de rêver, et n’exigent pas de nous que nous rétrécissions nos horizons. Au contraire, cet amour nous pousse en avant, nous stimule, nous élance vers une vie meilleure et plus belle » (no 138). La semaine prochaine, nous poursuivrons notre parcours de ce texte magistral dont l’application est aussi urgente que nécessaire.

Debout devant la croix du brasier de Notre-Dame

(Photo: Courtoisie CNS/Paul Haring) Lundi soir dernier, quelques instants après la célébration des vêpres, un incendie se propageant à vitesse grand V venait ronger le toit de la cathédrale Notre-Dame de Paris. En l’espace de quelques minutes, ce qui était devenu un brasier infernal était le centre d’attention du monde entier. Peu importe notre appartenance nationale ou religieuse, l’ensemble de l’humanité s’est senti concerné par la tragédie au-delà même des frontières occidentales. Chacun de nous a ressenti qu’une partie intime de lui-même était en train de partir en flammes. Ce sentiment de tristesse vécu par des millions de personnes manifeste une conscience plus ou moins explicite, à la fois, de nos dérives actuelles et du lieu de la Rédemption universelle.

La maladie de la superficialité

Le spectacle navrant du brasier d’un des plus beaux cadeaux que la France ait offert à Notre Dame, mère de Dieu, a sans aucun doute agit tel un miroir révélateur des excès de notre culture occidentale actuelle. Jouant depuis 50 ans aux apprentis sans maître, nous avons choisi de vivre dans un monde sans Père, sans cette Présence aimante et exigeante de Dieu. Prenant illégitimement le crédit de nos réalisations passées, nous nous sommes enorgueillis des résultats de notre travail sans tenir compte de cette Grâce qui l’avait accompagnée jusque-là. Disons que, contrairement aux bâtisseurs de cathédrales qui avaient le souci du détail (puisque leurs œuvres étaient directement offertes à Celui qui voit tout), nous avons pris le chemin inverse, celui de la facilité, de la contrefaçon et de l’apparence au détriment de l’effort, de la vérité et de la beauté.

On peut continuer de se bercer de l’illusion « qu’il est venu le temps des cathédrales » et que « le monde est entré dans un nouveau millénaire » mais nous savons très bien au fond de nous-mêmes, que nous sommes sur le mauvais chemin. Cette « culture du déchet » commence à sentir mauvais et l’odeur nauséabonde est de plus en plus perceptible. Que ce soit par la « Dysneylandisation » de nos sites historiques, la contrefaçon culinaire des OGM et du fastfood, les désastres climatiques ou par la laideur de nos maisons de banlieue produites en série, nous voyons que le monde que nous construisons est de plus en plus adapté pour les robots qu’on s’apprête à devenir. En ce sens, le feu de Notre-Dame et la mobilisation qu’il suscite peuvent être perçus comme un moment de lucidité à saisir. Un temps pour retourner à cet essentiel qui nous échappe de plus en plus.

L’essentiel est sacré

Quel est donc cet ailleurs dont les flammes de Notre-Dame semblaient indiquer mystérieusement la présence ? Dans son homélie de la Messe chrismale qui avait dû se déplacer en l’église Saint-Sulpice, Mgr Michel Aupetit, a souligné les similitudes entre la cathédrale et la personne humaine. En effet, outre l’intelligence créatrice derrière les deux chefs d’œuvres, l’archevêque de Paris a manifesté que c’est également « l’onction qu’elles peuvent recevoir pour manifester une transcendance, une présence divine qui leur confère un caractère sacré ». Cet ailleurs, dont nous avons pour beaucoup perdu la trace, est donc le caractère sacré de l’âme humaine et, par conséquent, de ses réalisations. En ce sens, Notre-Dame de Paris est le symbole de ce qui fut la vitalité intérieure du peuple français. Elle est le signe d’une vivacité spirituelle on ne peut plus intense et qui rayonne jusqu’à nos jours.  Or, la mobilisation monstre dont nous sommes témoins depuis le drame montre que nous n’avons pas tout à fait perdu cette sensibilité à l’Invisible. Ces milliers de personnes rassemblées dans les rues pour prier Notre Dame ou les centaines de millions € qui pleuvent pour reconstruire la structure manifestent que nous avons peut-être enfin saisi le message. Nous ne pouvons plus revenir en arrière. La France doit être aujourd’hui le signe universel d’un « Fiat », d’un « oui collectif » à la main tendue de Dieu pour notre époque.

La redécouverte du sens du sacré à travers l’admiration de la majestuosité de Notre-Dame de Paris et la peur qu’engendre le constat de sa vulnérabilité doivent nous conduire à comprendre que ce qui est sacré est également inébranlable. Tel le psalmiste, nous devons de nouveau crier vers Lui : « Mon âme s’attache à toi, ta main droite me soutient. » (Ps 62,9) ! Malgré toutes nos erreurs et péchés, nous devons aussi redécouvrir la sacralité du temple intérieur de chaque personne humaine de la conception à la mort naturelle. Dieu n’attend rien d’autre de nous que notre amour inconditionnel envers Lui et entre nous. Cet appel du ciel qu’est la croix du brasier de Notre-Dame doit nous en convaincre.

Debout devant la croix du brasier de Notre-Dame

Tel le buisson ardent de la Révélation de Dieu à Moïse, le brasier de Notre-Dame est le signe divin indiquant au fer rouge le lieu du sacré. Que l’événement ait eu lieu durant la Semaine Sainte, mémoire de la Semaine où les préfigurations vétérotestamentaires trouvèrent leur accomplissement ne me semble pas non plus anodin.  Ne sommes-nous pas témoins d’une réplique de la crucifixion ? D’une réactualisation de la Croix d’où le Christ « élevé de terre » (Jn 12,32) attire tous les hommes depuis toujours ? En sacrifiant son propre temple, Dieu ne s’est-Il pas Lui-même immolé afin que nous soyons attirés de nouveau vers Lui, Celui « qui fait toute chose nouvelle » (Ap. 21, 5) ? Pour que nous le reconnaissions avec plus de facilité, ne nous a-t-Il pas laissé la présence de sa Stabat Mater qui, à travers la solidité des murs de Notre-Dame de Paris, est restée « debout » jusqu’à la fin. Cette scène dont nous fumes tous témoins, nous pousse donc à aller au-delà du constat de notre propre fragilité par la confiance en cette Présence divine qui ne nous abandonnera jamais.

« Christus vivit » ou comment persévérer sur le chemin des rêves 

(photo: Pixabay) Cette semaine était publiée la très attendue Exhortation apostolique post-synodale « Christus Vivit » du pape François. Portant sur le thème de la jeunesse, ce texte d’une soixantaine de pages est exceptionnel de par son style direct et son ton très personnel. Divisée en neuf chapitres, cette prise de parole du pape François cherche à manifester non seulement comment l’invitation universelle du Christ à la participation à sa vie divine répond à toutes les aspirations de la jeunesse mais également jusqu’à quel point le renouvellement de l’Église dépend de son dynamisme propre.

« Les jeunes ne vont pas bien » – The Offspring

Pendant ma lecture, je me suis replongé dans ces années pas si lointaines où moi-même je vivais cette période intense de la vie. Quelques airs de chansons que j’écoutais à l’époque me sont également revenus à l’esprit. Je me suis même surpris à les réécouter.  L’une de ces chansons : « The Kids Aren’t Alright » de « The Offspring » a particulièrement retenu mon attention. En effet, on y parle de jeunesse brisée, de rêves évanouis et de désespoir face à l’avenir qui affecte la vie de nombreux jeunes. Contrairement aux stéréotypes que l’on entend souvent sur la jeunesse, on y fait même l’éloge de la nostalgie : « Longing for what used to be » (Trad. « rechercher ce qui fut »).

Selon moi, les paroles de cette chanson du groupe punk californien manifestent la justesse des propos du Pape dans ce document. On y retrouve d’abord le constat qu’il est « encore difficile de voir » la crise que vivent les jeunes. En apparence, tout laisse présager que la « culture actuelle présente un modèle de personne très associé à l’image du jeune » (no 79) au point d’en faire un véritable objet de « vénération » (no 182). Or, comme nous le disent The Offspring et le pape François, la réalité des jeunes est parfois beaucoup plus souffrante que leur fierté ne le laisse transparaître. Ce sont des « vies fragiles » qui doivent être respectées et accueillies dans leur complexité. Contrairement aux « adultes […] qui veulent voler la jeunesse pour eux-mêmes ; sans qu’ils respectent, aiment et prennent soin des jeunes » (no 79), l’Église doit leur offrir un soutien à l’opposé de l’attitude de ces parents qui confient leurs enfants à la nouvelle gardienne universelle des écrans tactiles.

Un lieu pour déployer ses rêves

« Christus Vivit » parle beaucoup des rêves de la jeunesse. Le mot apparaît à 51 reprises dans le texte. En effet, la jeunesse est un âge où se formulent et se ressentent fortement les aspirations fondamentales qui guideront toute la vie. Comment nos sociétés et l’Église accueillent-elles ces aspirations à un avenir meilleur plein de possibilités ? Tant de « rêves brisés » n’est-il pas le signe que nous n’arrivons plus à canaliser ces forces vives ? Au contraire, l’épidémie de cynisme est plutôt le signe que nos institutions ne sont plus aptes à générer autre chose que découragement et ressentiment.

Nous devons donc nous demander avec le Pape : « Comment l’Église pourra-t-elle accueillir de la bonne manière les rêves de ces jeunes (no 41)[8] ? L’Église doit aujourd’hui être le lieu d’où peuvent se déployer les rêves de la jeunesse. Et pour cela, les jeunes doivent comprendre que leurs rêves sont également ceux de l’Église. Voilà le double appel du Pape à l’Église d’aujourd’hui : offrir la présence de Celui qui seul donne la force de « persévérer sur le chemin des rêves » (no 142).

Les jeunes: notre présent et avenir

Christus Vivit est un texte émouvant et plein d’espérance pour le présent et l’avenir de la société. Il s’agit d’une prise de parole personnelle du Pape, en dialogue avec les jeunes du monde entier qu’il a pu rencontrer durant son pontificat. Dans les prochaines semaines, nous approfondirons ensemble toute la richesse et la profondeur de ce document magistral, certainement l’un des plus importants du pontificat de François.

« Vivit Christus » une Exhortation mariale ?

(CNS photo/Vatican Media) Lundi dernier, pour souligner la fête de l’Annonciation, le pape François s’est rendu à Lorette afin d’y visiter le Sanctuaire dédié à la Sainte Vierge et y rencontrer pèlerins et fidèles. Après avoir célébré la Messe dans la chapelle créée à l’intérieur de la petite maison située au centre de la basilique et qui, selon la tradition ancestrale, serait la demeure où vécut la sainte famille à Nazareth, le Pape François a signé l’Exhortation apostolique post synodale découlant du Synode sur « Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel ». Du parvis, le Pape a prononcé un discours qui nous en dit long sur le contenu de ce texte important et qui sera rendu public mardi le 2 avril prochain.

Intitulé « Christus vivit », ce texte qui vraisemblablement sera profondément marial, manifeste la centralité de la liberté humaine dans l’économie du salut. Alors que le « document final » du synode avait surtout utilisé l’épisode des pèlerins d’Emmaüs pour manifester la présence et l’accompagnement du Christ sur le chemin de la vocation, il m’apparaît très probable que c’est Marie qui sera au centre des réflexions du Saint-Père dans cette nouvelle Exhortation. En effet, pour lui, l’appel vocationnel de Marie à l’Annonciation révèle les trois moments clés qui « ont rythmé le synode : 1) écoute de la Parole-projet de Dieu ; 2) discernement ; 3) décision ».

« Christus vivit » grâce à sa mère

L’épisode de l’Annonciation est très éclairant autant pour les jeunes qui cherchent un sens à leur vie que pour les chrétiens qui se demandent comment servir Dieu le mieux possible. En effet, de par son écoute attentive à la Parole de Dieu ainsi qu’à sa Mystérieuse présence dans la vie quotidienne, Marie est devenue le « modèle de toute vocation et l’inspiratrice de toute pastorale vocationnelle »[3]. C’est par son ouverture au sens surnaturel de la réalité qu’elle a gardé cette vigilance à l’égard des motions de l’Esprit Saint et qu’elle a su prendre le risque de dire « oui » à l’invitation de l’ange.

Cette capacité à dépasser la superficialité des événements et à garder un regard profond sur le réel et sa propre personnalité a pu, au long de sa courte expérience, aiguiser son caractère au point où Dieu a cru bon de lui confier ce qu’Il avait de plus précieux : son Fils Unique. Comment ne pas s’émerveiller devant la maturité de cette jeune femme qui, malgré son jeune âge et son apparente petitesse, a su voir la sagesse divine se déployer à travers son élection. Loin de la remplir d’orgueil, ce choix divin l’a fortifiée dans sa conviction que Dieu manifeste sa grandeur en renversant « les puissants de leurs trônes » et en élevant « les humbles » (Lc 1, 52).

Un modèle pour « tous les âges » (Lc 1, 50)

Chaque époque porte son lot de défis et il se trouve que la jeunesse a toujours joué un rôle central pour les surmonter. Capable de voir avec une acuité particulière, l’écart entre ce qui est et ce qui devrait être, la jeunesse d’aujourd’hui voit pertinemment les failles d’un système et d’une culture incapable de rejoindre nos idéaux chrétiens de justice et de solidarité. Ces grands enjeux, bien qu’importants à un niveau macroscopique, peuvent être un obstacle à la prise de décision quotidienne. En effet, découragés par l’ampleur des défis écologiques, plusieurs jeunes peuvent désenchanter et tomber dans un cynisme des plus inefficaces et stérilisants pour leur propre potentiel personnel et pour leur monde. Au contraire, en Marie « il y a une attention à saisir toutes les exigences du projet de Dieu sur sa vie, à le connaître dans ses nuances, pour rendre sa collaboration plus responsable et plus complète »[4].

En ce sens, la Vierge Marie manifeste que c’est dans le concret de l’acceptation humble et fidèle des tâches quotidiennes de la vie que Dieu entre en contact avec nous. Elle nous montre comment, si nous désirons ardemment changer le monde, il nous incombe d’abord d’être « dignes de confiance dans la moindre chose » afin d’être rendus « dignes de confiance aussi dans une grande » (Lc 16, 10). Cet élément essentiel du discernement est particulièrement à risque en cette ère d’univers médiatique globalisé et c’est pourquoi nous avons besoin de l’aide de Marie.

Discerner en pleine connaissance de cause

Notre époque se présente souvent comme l’ère des possibilités. En effet, dans l’histoire, jamais les personnes n’ont eu autant de choix à leur disposition. Que ce soit dans les choix de carrière, de conjoint, de pays, d’intérêts, de canaux de télévision… jamais l’humanité n’a eu autant d’offres. Cette grande variété n’apporte cependant pas que des aspects positifs. L’analyse des différentes options peut souvent mener à de l’incertitude. Comme on dit « trop c’est comme pas assez » ! Les jeunes sont particulièrement sujets à ce type de paralysie qui les empêche de choisir et de se donner à fond dans ce qu’ils entreprennent. C’est ainsi qu’ils finissent souvent, quoi qu’ayant de grands idéaux, par confondre le bonheur avec « le confort d’un divan« .

En ce sens, « les jeunes qui sont en recherche ou qui s’interrogent sur leur avenir, peuvent trouver en Marie celle qui les aide à discerner le projet de Dieu sur eux et la force pour y adhérer »[5]. Avoir le courage de prendre les décisions essentielles à toute vie accomplie tout en étant conscients et prêts à assumer les sacrifices qu’implique cette dernière, voilà un des défis majeurs des jeunes de notre époque.

Une vie épanouie dans le Christ

Que ce soit par son écoute, son discernement ou sa force de décision, Marie est le modèle par excellence d’une vie humaine pleinement vécue sous le regard bienveillant de Dieu. Par son « Fiat », elle a su dire « oui » à l’aventure divine qui allait la mener aux confins de la terre et de l’histoire pour se rendre jusqu’à nous. En attendant la publication de l’Exhortation « Chistus Vivit » du pape François mardi prochain, confions à Marie nos vies, nos tracas. Confiants de son indéfectible intercession, aidons cette jeunesse à faire, comme le disait le cardinal Lustiger, « le choix de Dieu ».

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