La vocation des laïcs en 2022 avec Mgr Antoine de Rochebrune

Cette semaine à Parrêsia, Francis Denis s’entretient la vie et de la vocation propre des laïcs dans l’Église et le monde avec Mgr Antoine de Rochebrune, vicaire de l’Opus Dei au Canada. Sont notamment abordés les thèmes de l’histoire de l’Église, du développement de la théologie du laïcat, de l’apport du Concile Vatican II, des moyens essentiels à leur sanctification ainsi que de l’importance de cultiver un bon rapport à la liberté dans l’apostolat. Tout cela et bien plus sur Parrêsia, votre balado qui prend le temps de penser.

Père Olivier Maire: témoin crédible de la vérité du ciel

(Image: Courtoisie KTO TV) Lundi dernier 9 août 2021, était retrouvé mort le père Olivier Maire s.m.m. dans son couvent de Saint-Laurent-sur-Sèvre. Ce prêtre régulier de l’Ordre des missionnaires Montfortains a été assassiné par un homme reconnu comme fortement perturbé et dont les antécédents (il s’était avoué responsable de l’incendie criminel de la cathédrale de Nantes) lassaient présager le pire. Sans entrer dans le débat sur les éventuelles fautes ou erreurs de jugement des autorités civiles impliquées, il est opportun de réfléchir sur la figure et les motivations du père Olivier Maire s.m.m. qui en font désormais un exemple pour nous tous.

Fidèle fils de saint Louis-Marie Grignon de Montfort (1673-1716)

Depuis la mort du père Olivier Maire, les témoignages élogieux ne manquent pas. Tous s’accordent pour dire combien cet homme âgé de 60 ans était un fidèle fils du fondateur de son ordre et comment sa vie entière trouvait en lui son inspiration. De fait, l’une des caractéristiques du missionnaire breton n’était-elle pas cette audace qui, souvent sans égards aux formalités humaines, marque ceux qui prennent l’Évangile au sérieux. Comme l’affirmait le saint missionnaire breton dans son Traité de la Vraie dévotion à la Sainte Vierge :

Enfin, nous savons que ce seront de vrais disciples de Jésus-Christ, qui marchant sur les traces de sa pauvreté, humilité, mépris du monde et charité, enseignant la voie étroite de Dieu dans la pure vérité, selon le saint Évangile, et non selon les maximes du monde, sans se mettre en peine ni faire acception de personne, sans épargner, écouter ni craindre aucun mortel, quelque puissant qu’il soit. (no59).

Les circonstances entourant son assassinat qui font toujours l’objet d’une enquête approfondie, nous permettent déjà de voir sa grande fidélité au Dévot de Marie. En effet, le père Maire s.m.m. avait, dans une décision éclairée, accepté d’accueillir celui qui allait devenir son assassin. Conscient du risque que représentait l’accueil d’une personne aussi instable, il avait tout même consenti à en prendre soin. Alors que certains seront tentés d’y voir de la « naïveté », nous chrétiens, pouvons aller plus loin en y voyant le don d’une vie qui ne fait « acception de personne […] ni ne craint aucun mortel ». Devant ces incompréhensions, nous devons toujours garder en tête ce verset du Nouveau-Testament: « Nous proclamons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les nations païennes » (1 Cor, 23). Par son exemple, nous sommes donc appelés à regarder en face cette vérité de plus en plus dure à comprendre : il existe des biens dont la valeur implique le risque de l’ultime sacrifice.

Aller au-delà de nous-mêmes

Offrir librement sa vie pour Dieu au service des autres est évidemment un non-sens pour notre monde actuel (cela a peut-être été toujours le cas…). En effet, la société de consommation nous assaille d’invitations à satisfaire sans retenue le moindre de nos caprices. Prétendant, souvent jusqu’à l’absurde, assouvir l’ensemble de nos désirs, notre monde cultive en nous l’illusion d’une vie sans limite et sans égards à ce qui nous est extérieur. La culture hédoniste depuis 70 ans ne nous laisse-t-elle pas aujourd’hui devant un vide existentiel au goût amer et face à des problèmes écologiques sans précédent ? Dans ce contexte, l’exemple du père Maire nous est, plus que jamais, utile.

Par le don de lui-même jusqu’à la « folie de la croix » ne nous invite-t-il pas à reconnaître que tout ne se résume pas au bien-être physique ? Ne nous dit-il pas que le Bien principal, Celui pour lequel nous sommes fait ne peut souffrir aucun commerce ? Par le risque de l’accueil inconditionnel, Olivier Maire ne nous laisse-t-il pas en héritage la certitude que le bonheur se trouve au-delà de cette vie ? Balayant du revers de la main les fausses philosophies hédonistes et consuméristes, son sacrifice est donc une preuve tangible que le véritable bonheur se trouve dans le don total de soi. Telle est la clef de l’éternité. En ce sens, par le don de sa vie, ce religieux rend crédible au monde entier les promesses de la vie éternelle en Jésus-Christ.

La mort n’aura pas le dernier mot

Alors que la fin de la pandémie est désormais perceptible à vue d’œil, nous allons bientôt entrer dans une période d’intenses examens rétrospectifs des attitudes et solutions mises de l’avant durant cette crise. Il sera bien entendu facile de juger à posteriori de ce qu’il aurait fallu faire ou éviter. Toutefois, il est désormais évident que les réactions personnelles et sociales auraient pu bénéficier d’une relation plus saine avec la mort. En ce sens, l’héroïcité de la vie du père Oliver Maire s.m.m. peut être considérée comme le signe de Dieu nous invitant à reconnaître, d’un côté, notre propre finitude et, de l’autre, que sa Présence indéfectible nous rend « plus fort que la mort ». À l’exemple du saint pape Jean-Paul II, celui-là même qui s’était laissé inspirer par saint Louis-Marie Grignon de Montfort dans le choix de sa devise Totus Tuus, laissons-nous convaincre et transformer par cette exhortation à la confiance absolue en la vie éternelle. En communion avec le père Olivier Maire et saint Jean-Paul ll, revêtons-nous de cette grâce du courage et proclamons à toute l’humanité « N’ayez pas peur ».

Vous pouvez visionner la Veillée de prière pour le Père Olivier Maire telle que transmise par KTO TV

Église en Sortie 6 avril 2020

Cette semaine à Église en Sortie, Francis Denis reçoit l’auteur et théologien Jacques Gauthier pour parler de son plus récent livre « Devenir saint : petit mode d’emploi ». Dans la deuxième partie de l’émission, on parle de la vie et de l’œuvre de Mgr Olivier- Elzéar Mathieu avec l’historien et auteur Jacques Mathieu.

Homélie du pape François lors des canonisations de Paul VI et Oscar Romero


Crédit: CNS photo/Paul Haring

(14 septembre 2018) Vous trouverez ci-dessous le texte de l’homélie du pape François telle que prononcée ce matin sur la Place Saint-Pierre lors de la célébration de canonisation de 7 nouveaux saints dont celles de Paul VI et Oscar Romero: 

La deuxième Lecture nous a dit qu’« elle est vivante, la Parole de Dieu, énergique et plus coupante qu’une épée » (He 4, 12). Il en est vraiment ainsi : la Parole de Dieu n’est pas seulement un ensemble de vérités ou un récit spirituel édifiant, non, c’est une Parole vivante, qui touche la vie, qui la transforme. Là Jésus en personne, lui qui est la Parole vivante de Dieu, parle à nos cœurs.

L’Évangile, en particulier, nous invite à la rencontre avec le Seigneur, à l’exemple de cet ‘‘homme’’ qui ‘‘court à sa rencontre’’ (cf. Mc 10, 17). Nous pouvons nous identifier à cet homme, dont le texte ne mentionne pas le nom, presque pour suggérer qu’il peut représenter chacun d’entre nous. Il demande à Jésus comment « avoir la vie éternelle en héritage » (v. 17). Il demande la vie pour toujours, la vie en plénitude : qui d’entre nous ne la voudrait pas ? Mais, remarquons-le, il la demande comme un héritage à posséder, comme un bien à obtenir, à conquérir par ses forces. En effet, pour posséder ce bien, il a observé les commandements depuis son enfance et pour atteindre l’objectif il est disposé à en observer d’autres ; c’est pourquoi il demande : « Que dois-je faire pour avoir ? »

La réponse de Jésus le désoriente. Le Seigneur fixe le regard sur lui et l’aime (cf. v. 12). Jésus change de perspective : des préceptes observés pour obtenir des récompenses à l’amour gratuit et total. Cet homme parlait en termes de demande et d’offre, Jésus lui propose une histoire d’amour. Il lui demande de passer de l’observance des lois au don de soi, du faire pour soi-même à l’être avec Lui. Et il lui fait une proposition de vie ‘‘tranchante’’ : « Va, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres […] puis viens, suis-moi » (v. 21). À toi aussi, Jésus dit : ‘‘Viens, suis-moi’’. Viens : ne reste pas sur place, car il ne suffit pas de ne faire aucun mal pour appartenir à Jésus. Suis- moi : ne marche pas derrière Jésus seulement quand cela te convient, mais cherche-le chaque jour ; ne te contente pas d’observer les préceptes, de faire un peu d’aumône et de dire quelques prières : trouve en lui le Dieu qui t’aime toujours, le sens de ta vie, la force de te donner.

Jésus dit encore : « Vends ce que tu as et donne-le aux pauvres ». Le Seigneur ne fait pas des théories sur la pauvreté et la richesse, mais il va directement à la vie. Il te demande de laisser ce qui appesantit ton cœur, de te libérer des biens pour lui faire une place à lui, l’unique bien. On ne peut pas suivre vraiment Jésus quand on est alourdi par les choses. Car, si le cœur est surchargé par les biens, il n’y aura pas de place pour le Seigneur, qui deviendra une chose parmi les autres. C’est pourquoi la richesse est dangereuse et – dit Jésus – rend même difficile le salut. Non pas parce que Dieu est sévère, non ! Le problème est de notre côté : le fait d’avoir trop, le fait de vouloir trop étouffe notre cœur et nous rend incapables d’aimer. C’est pourquoi saint Paul rappelle que « la racine de tous les maux, c’est l’argent » (1 Tm 6, 10). Nous le voyons : là où on met l’argent au centre, il n’y a pas de place pour Dieu et il n’y en a pas non plus pour l’homme.

Jésus est radical. Il donne tout et demande tout : il donne un amour total et demande un cœur sans partage. Aujourd’hui également, il se donne à nous comme Pain vivant ; pouvons-nous lui donner en échange des miettes ? À lui qui s’est fait notre serviteur jusqu’à aller sur la croix pour nous, nous ne pouvons pas répondre uniquement par l’observance de quelques préceptes. À lui qui nous offre la vie éternelle, nous ne pouvons pas donner un bout de temps. Jésus ne se contente pas d’un ‘‘pourcentage d’amour’’ : nous ne pouvons pas l’aimer à vingt, à cinquante ou à soixante pour cent. Ou tout ou rien !

Chers frères et sœurs, notre cœur est comme un aimant : il se laisse attirer par l’amour, mais peut s’attacher d’un côté seulement et doit choisir : ou bien il aimera Dieu ou bien il aimera la richesse du monde (cf. Mt 6, 24) ; ou bien il vivra pour aimer ou bien il vivra pour lui-même (Mc 8, 35). Demandons-nous de quel côté nous sommes. Demandons-nous où nous en sommes dans notre histoire d’amour avec Dieu. Nous contentons-nous de quelques préceptes ou suivons-nous Jésus comme des amoureux, vraiment disposés à quitter quelque chose pour lui ? Jésus interroge chacun d’entre nous et nous sommes tous, en tant qu’Église, en chemin : sommes-nous une Église qui ne prêche que de bons préceptes ou une Église-épouse qui s’abandonne dans l’amour pour son Seigneur ? Le suivons-nous vraiment ou retournons-nous sur les pas du monde, comme cet homme ? Au total, Jésus nous suffit-il ou bien cherchons-nous beaucoup de sécurités du monde ? Demandons la grâce de savoir quitter par amour du Seigneur : quitter les richesses, les nostalgies de rôles et de pouvoirs, les structures qui ne sont plus adaptées à l’annonce de l’Évangile, les poids qui freinent la mission, les liens qui attachent au monde. Sans un saut en avant dans l’amour, notre vie et notre Église souffrent d’une « autosatisfaction égocentrique » (Evangelii gaudium, n. 95) : on cherche la joie dans un plaisir passager, on s’enferme dans les palabres stériles, on s’installe dans la monotonie d’une vie chrétienne sans élan, où un peu de narcissisme couvre la tristesse de rester inachevé.

Il en fut ainsi pour cet homme, qui – dit l’Évangile – « s’en alla tout triste » (v. 22). Il s’était attaché aux préceptes et à ses nombreux biens, il n’avait pas donné son cœur. Et, bien qu’ayant rencontré Jésus et accueilli son regard d’amour, il s’en est allé triste. La tristesse est la preuve de l’amour inachevé. C’est le signe d’un cœur tiède. Par contre, un cœur détaché des biens, qui aime librement le Seigneur, répand toujours la joie, cette joie dont on a besoin aujourd’hui. Le saint Pape Paul VI a écrit : « C’est au cœur de leurs angoisses que nos contemporains ont besoin de connaître la joie, de sentir son chant (Exhort. ap. Gaudete in Domino, I). Aujourd’hui, Jésus nous invite à retourner aux sources de la joie, qui sont la rencontre avec lui, le choix courageux de prendre des risques pour le suivre, le goût de quitter quelque chose pour embrasser sa vie. Les saints ont parcouru ce chemin.

Paul VI l’a fait, à l’exemple de l’Apôtre dont il a pris le nom. Comme lui, il a consacré sa vie à l’Évangile du Christ, en traversant de nouvelles frontières et en se faisant son témoin dans l’annonce et dans le dialogue, prophète d’une Église ouverte qui regarde ceux qui sont loin et prend soin des pauvres. Paul VI, y compris dans la difficulté et au milieu des incompréhensions, a témoigné de manière passionnée de la beauté et de la joie de suivre Jésus totalement. Aujourd’hui, il nous exhorte encore, avec le Concile dont il a été le sage timonier, à vivre notre vocation commune : la vocation universelle à la sainteté. Non pas aux demi-mesures, mais à la sainteté. Il est beau qu’avec lui et avec les autres saints et saintes d’aujourd’hui, il y ait Mgr Romero, qui a quitté les certitudes du monde, même sa propre sécurité, pour donner sa vie selon l’Évangile, aux côtés des pauvres et de son peuple, avec le cœur attaché à Jésus et à ses frères. Nous pouvons en dire autant de Francesco Spinelli, de Vincenzo Romano, de Maria Caterina Kasper, de Nazaria Ignazia de Sainte Thérèse de Jésus et de Nunzio Sulprizio. Tous ces saints, dans des contextes différents, ont traduit par leur vie la Parole d’aujourd’hui, sans tiédeur, sans calculs, avec le désir de risquer et de quitter. Que le Seigneur nous aide à imiter leurs exemples !

[01595-FR.01] [Texte original: Italien]

Vincenzo Romano: prêtre au milieu du peuple

Prêtre diocésain de larchidiocèse de Naples
Jour de fête : 20 décembre
3 juin 1751 – 20 décembre 1831

Vincenzo Romano est né à Torre del Greco, en Italie, le 3 juin 1751, dune famille pauvre, mais pieuse. Il a été baptisé Domenico Vincenzo Michele Romano, surnommé « Vincenzo » en lhonneur de Vincent Ferrer, le saint préféré de la famille Romano. Il passa les premières années de sa vie dans une atmosphère familiale très religieuse, étudiant les écrits de saint Alphonse de Liguori et acquérant une forte dévotion au Saint-Sacrement.

Bien que son père ait dabord espéré qu’il devienne un orfèvre, ce dernier soutint la décision de son fils de devenir prêtre. Au début, Vincenzo a eu du mal à se faire accepter à cause du nombre élevé de séminaristes et du clergé local, mais il fut admis au séminaire diocésain de Naples à lâge de 14 ans.

Ordonné en 1775, P. Romano a travaillé à la paroisse Sainte-Croix, qui comprenait à lépoque toute la ville de Torre del Greco, la ville la plus peuplée du territoire de Naples. Ses manières simples, sa préoccupation pour les enfants orphelins et son travail auprès des autres candidats à la prêtrise furent remarqués par de nombreuses personnes.

Après la terrible éruption du Vésuve le 15 juin 1794, qui détruisit presque complètement la ville et léglise paroissiale, il s’est immédiatement dévoué au difficile travail de reconstruction matérielle et spirituelle de la ville et de léglise. Il a consacré de nombreuses heures à l’organisation des efforts de reconstruction de la ville et était même prêt à travailler de ses propres mains pour nettoyer les décombres.

Bien que souvent opprimé par des groupes politiques et par son entourage, P. Vincenzo fit preuve de résilience tout au long de son séjour à Sainte-Croix et a veillé à toujours accorder une attention particulière à léducation des enfants et à lévangélisation de la population. On dit quil a été un prédicateur qui proclamait le message de lÉvangile dune manière simple et visant à éduquer les fidèles.

Malheureusement, le 1er janvier 1825, il est tombé et sest fracturé le fémur gauche, ce qui a entrainé un déclin constant de son état de santé. Il mourut dune pneumonie à Torre del Greco le 20 décembre 1831 après une longue et douloureuse maladie, mais a laissé un héritage de charité fraternelle engagée et de bonté. Reconnu pour sa sainteté et son dévouement envers son peuple, P. Romano a été béatifié par Paul VI le 17 novembre 1963 à Rome. Son corps ayant été enterré dans la basilique Sainte-Croix, cest là que Jean-Paul II la vénéré le 11 novembre 1990, lors de sa visite pastorale à léglise de Naples.

Suivant lexemple du Bon Pasteur, P. Vincenzo Romano était une figure simple, mais puissante pour les gens de Torre del Greco. Il a passé toute sa vie à guider la communauté dont il avait la direction, la confirmant dans la foi et lédifiant par son amour.

Nazaria Ignacia de Sainte-Thérèse-de-Jésus​

Nazaria Ignacia de Sainte-Thérèse-de-Jésus

Fondatrice de la congrégation des Missionnaires croisées de lÉglise
Jour de fête : 6 juillet
10 janvier 1889 – 6 juillet 1943

« Toi, Nazaria, suis-moi. » À 9 ans seulement, Nazaria Ignacia March Mesa a entendu ces mots, ressentant son premier appel du Seigneur. « Je vais suivre Jésus, a-t-elle répondu, daussi près que le peut une créature humaine. »

Née à Madrid en 1889 dans une grande famille espagnole, Nazaria acquit rapidement une foi solide. Sa famille s’opposa souvent à sa foi et, si lasse de ses dévotions, elle lempêcha même une fois daller à la messe. Cependant, Nazaria persista dans sa conviction, et après que sa famille eut déménagée au Mexique en 1904, elle continua sa dévotion et décida de se joindre à linstitut des Petites sœurs des personnes âgées abandonnées (Instituto de Hermanitas de Ancianos Desamparados) en 1908, prenant le nom de Nazaria Ignacia de Sainte-Thérèse-de-Jésus et prononça ses vœux perpétuels en 1915. L’institut l’envoya travailler à Oruro, en Bolivie, où elle aida les personnes âgées, pauvres et abandonnées.

Après quelques années en Bolivie, sœur Nazaria, inspirée par les exercices spirituels de saint Ignace de Loyola, commença à se sentir appelée à établir un nouvel ordre consacré à la mission, à lévangélisation et à léducation religieuse. Le 16 juin 1925, elle fonda les Missionnaires de la Croisade pontificale (renommée plus tard congrégation des Missionnaires croisées de lÉglise). Cétait la première communauté religieuse bolivienne pour femmes. Leur mission était de soutenir la catéchisation des enfants et des adultes, tout en soutenant les prêtres, en menant des missions et en imprimant des tracts religieux. Comme supérieure de la congrégation, Mère Nazaria travailla avec diligence pour surmonter lopposition et les difficultés, faisant tout ce qui était en son pouvoir pour que cette nouvelle congrégation grandisse. Elle eut même une audience privée avec le pape Pie XI en 1934 dans laquelle elle lui dit quelle était prête à mourir pour lÉglise, mais le pape lui répondit : « Ne meurs pas, mais vis et travaille pour lÉglise. »

Dans cet esprit, la congrégation a poursuivi ses travaux en Bolivie tout en fondant des maisons et des œuvres dans plusieurs pays. Dirigées par Mère Nazaria, les sœurs ont travaillé pour aider de nombreuses personnes dans le besoin. Elles se sont occupées des femmes, des orphelins et des soldats, ont créé un magazine pour les femmes dans la vie religieuse et ont même aidé à former le premier syndicat de travail pour les femmes. En commençant en Bolivie, leur travail sest étendu à l’Amérique du Sud et au Portugal, à l’Espagne, la France, l’Italie et au Cameroun.

De retour à Buenos Aires, Mère Nazaria commença à souffrir d’une pneumonie au début de 1943 et mourut le 6 juillet de la même année. Sa renommée et celle de sa congrégation continuèrent à se répandre après sa mort. La congrégation des Croisées missionnaires de lÉglise reçut la reconnaissance officielle du Vatican le 9 juin 1947 et Nazaria Ignacia de Sainte-Thérèse-de-Jésusfut béatifiée par Jean-Paul II le 27 septembre 1992.

Mère Nazaria a laissé derrière elle une grande réputation de sainteté et de bonté. Elle est reconnue pour avoir toujours recommandé aux supérieures des maisons de sa congrégation une approche maternelle envers les sœurs sous leur responsabilité, n’oubliant pas leur rôle de mère de la maison. Un grand nombre la considère comme une visionnaire pour son époque par sa proposition que lÉglise catholique soit ouverte à vraiment rencontrer les gens, et ce, des décennies avant les débats et les documents du Concile Vatican II.

Homélie du pape François pour la Solennité des saints apôtres Pierre et Paul

CNS photo/Paul Haring

Vous trouverez ci-dessous le texte complet de l’homélie du pape François telle que prononcée lors de la Messe de la Solennité des saints apôtres Pierre et Paul et dans laquelle les nouveaux archevêques du monde entier on reçu le Pallium:

Les lectures proclamées nous permettent d’entrer en contact avec la tradition apostolique, celle qui «n’est pas une transmission de choses ou de paroles, une collection de choses mortes. LaTradition est le fleuve vivant qui nous relie aux origines, le fleuve vivant dans lequel les origines sont toujours présentes» (Benoît XVI, Catéchèse, 26 avril 2006) et nous offrent les clés du Royaume des cieux (cf. Mt 16, 19). Tradition pérenne et toujours nouvelle qui ravive et rafraîchit lajoie de l’Evangile, et nous permet ainsi de confesser avec nos lèvres et notre cœur: «“Jésus-Christ est Seigneur!” à la gloire de Dieu le Père» (Ph 2, 11).

Tout l’Evangile veut répondre à la question qui habitait le cœur du Peuple d’Israël et qui aujourd’hui encore ne cesse d’habiter tant de visages assoiffés de vie: «Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre?» (Mt 11, 3). Question que Jésus reprend et pose à ses disciples: «Et vous que dites-vous? Pour vous qui suis-je?» (Mt 16, 15).

Pierre, prenant la parole, attribue à Jésus le titre le plus grand avec lequel il pouvaitl’appeler: «Tu es le Messie» (cf. Mt 16, 16); c’est-à-dire l’Oint, le Consacré de Dieu. J’aime savoirque c’est le Père qui a inspiré cette réponse à Pierre qui voyait comment Jésus “oignait” son peuple. Jésus, l’Oint qui, de village en village, marchait avec l’unique désir de sauver et de soulagerquiconque était considéré comme perdu: “il oint” le mort (cf. Mc 5, 41-42 ; Lc 7, 14-15), il oint le malade (cf. Mt 6, 13); Jc 5, 14), il oint les blessures (cf. Lc 10, 34), il oint le pénitent (cf. Mt 6, 17).Il oint l’espérance (cf. Lc 7, 38.46; 10, 34; Jn 11, 2; 12, 3). Dans une telle onction, chaque pécheur, chaque vaincu, chaque malade, chaque païen – là où il se trouvait – a pu se sentir un membre aiméde la famille de Dieu. Par ses gestes, Jésus lui disait d’une façon personnelle: tu m’appartiens.Comme Pierre, nous aussi nous pouvons confesser avec nos lèvres et notre cœur non seulement ce que nous avons entendu, mais aussi l’expérience concrète de notre vie: nous avons été ressuscités,soignés, renouvelés, remplis d’espérance par l’onction du Saint. Chaque joug d’esclavage est détruitgrâce à son onction (cf. Is 10, 27). Il n’est pas permis de perdre la joie et la mémoire de nous savoir délivrés, cette joie qui nous porte à confesser: “Tu es le Fils du Dieu vivant” (cf. Mt 16, 16).

Et il est intéressant ensuite de noter ce qui suit ce passage de l’Evangile dans lequel Pierreconfesse la foi: «À partir de ce moment, Jésus commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallaitpartir pour Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des grands prêtres et des scribes, être tué, et le troisième jour ressusciter» (Mt 16, 21). L’Oint de Dieu porte l’amour et la miséricorde du Père jusqu’aux conséquences extrêmes. Cet amour miséricordieux demande d’aller dans tous lescoins de la vie pour rejoindre chacun, même si cela coûte “la bonne réputation”, les commodités, lasituation… le martyre.

Devant cette annonce si inattendue, Pierre réagit «Dieu t’en garde, Seigneur! cela net’arrivera pas» (Mt 16, 22) et se transforme immédiatement en pierre d’achoppement sur la route du Messie; et en croyant défendre les droits de Dieu, sans s’en apercevoir, il s’est transformé en sonennemi (il l’appelle “Satan”). Contempler la vie de Pierre et sa confession signifie aussi apprendre à connaître les tentations qui accompagneront la vie du disciple. A la manière de Pierre, comme Eglise, nous serons toujours tentés par ces “murmures” du Malin qui seront une pierre d’achoppement pour la mission. Et je dis “murmures” parce que le démon séduit en cachette, faisanten sorte qu’on ne reconnaisse pas son intention, «sa conduite est celle d’un séducteur: il demande le secret et ne redoute rien tant que d’être découvert» (S. Ignace de Loyola, Exercices spirituels n. 326).

Au contraire, participer à l’onction du Christ, c’est participer à sa gloire, qui est sa Croix:Père, glorifie ton Fils… «Père, glorifie ton nom» (Jn 12, 28). Gloire et croix en Jésus Christ vont ensemble et ne peuvent pas se séparer; parce que lorsqu’on abandonne la croix, même si nousentrons dans la splendeur éblouissante de la gloire, nous nous tromperons, parce que celle-ci ne sera pas la gloire de Dieu, mais la tromperie de l’adversaire.

Nous sentons souvent la tentation d’être chrétiens en maintenant une distance prudente avec les plaies du Seigneur. Jésus touche la misère humaine, nous invitant à rester avec Lui et à toucherla chair souffrante des autres. Confesser la foi avec nos lèvres et notre cœur demande – comme il l’ademandé à Pierre – d’identifier les “murmures” du malin. Apprendre à discerner et découvrir ces“couvertures” personnelles et communautaires qui nous maintiennent à distance de la réalité du drame humain ; qui nous empêchent d’entrer en contact avec l’existence concrète des autres et, endéfinitive, de connaître la force révolutionnaire de la tendresse de Dieu (cf. Exhort. Ap. Evangelii gaudium, n. 270).

En ne séparant pas la gloire de la croix, Jésus veut délivrer ses disciples, son Eglise, des triomphalismes vides: vides d’amour, vides de service, vides de compassion, vides de peuple. Ilveut la délivrer d’une imagination sans limites qui ne sait pas mettre de racines dans la vie duPeuple fidèle ou, ce qui serait pire, croire que le service du Seigneur lui demande de se débarrasser des chemins poussiéreux de l’histoire. Contempler et suivre le Christ exige de laisser le cœur s’ouvrir au Père et à tous ceux avec lesquels il a voulu s’identifier (cf. S. Jean-Paul II, Lett. Ap.Novo millennio ineunte, n. 49), et cela avec la certitude qu’il n’abandonne pas son peuple.

Chers frères, la question: «Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre?» (Mt 11, 3) continue d’habiter des millions de visages. Confessons avec nos lèvres et notre cœur: Jésus-Christ est Seigneur (cf. Ph 2, 11). C’est notre cantus firmus que nous sommes invités à entonner tous les jours. Avec la simplicité, la certitude et la joie de savoir que «l’Eglise brille non de sa propre lumière, mais de celle du Christ. Tirant sa propre splendeur du Soleil de justice, ensorte qu’elle peut dire: “ Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi” (Ga 2, 20)» (S. Ambroise Hexaemeron, IV, 8, 32).

[01090-FR.02] [Texte original: Italien]

Pour un christianisme à la hauteur des défis de notre époque

CNS photo/Tyrone Siu, Reuters

Poursuivant notre exploration de l’exhortation apostolique « Gaudete et Exsultate » du pape François, nous examinons aujourd’hui le chapitre 4 du document. Intitulé « Quelques caractéristiques de la sainteté dans le monde actuel », ce chapitre, comme son nom l’indique, souligne les différentes vertus requises par notre monde afin d’être des témoins crédibles de la Révélation pour nos contemporains.

Une sainteté adaptée

Cela est évident, la sainteté ne consiste ni en une acceptation béate des valeurs portées par une culture, une société ou une époque, ni en un refus pur et simple de ce que notre monde nous propose. Pour le pape François, le mot clef (et très ignacien) pour comprendre en quoi consiste aujourd’hui l’appel de Dieu pour chacun de nous est « discernement ». Ainsi, nous devons connaître et comprendre les beautés et les laideurs de notre temps pour en retirer le meilleur et en rejeter le mauvais.

Le document poursuit donc suivant cette méthode du discernement en dressant d’abord un portrait de la réalité qui nous entoure. À plusieurs égards, nous sommes plongés dans une société de la performance, extrêmement rapide qui laisse de moins en moins de place à la gratuité. Cherchant à monnayer chaque espace de la vie humaine, les relations, qui jusqu’alors avaient échappé au moule de l’économique, sont maintenant interprétées sous l’angle du profit ayant comme conséquence, entre autres, l’exclusion des personnes âgées qui sont soi-disant, des « fardeaux » pour la société. La virtualisation exponentielle ne faisant qu’accélérer ce processus d’accélération, nos sociétés cherchent désespérément une solution au mal intérieur qui nous travaille. Cette recherche désespérée mène souvent à de fausses solutions telles que les antidépresseurs, les drogues et les relations factices. Devant ce portrait des moins reluisants, l’Église nous appelle à découvrir et développer certaines vertus plus spécialement adaptées à notre époque.

Endurance, patience et douceur

Pour le pape François, il est clair que la sainteté, aujourd’hui, tout en étant accessible, n’est pas de tout repos. Elle requiert les trois vertus, que sont l’endurance, la patience et la douceur spécialement liées à notre rapport au temps qui nous semble si court aujourd’hui. Pendant que l’endurance nous permet de supporter des obstacles permanents sur notre chemin, la patience nous permet de tempérer notre besoin de satisfaire nos désirs. Quant à la douceur, elle vient ajuster notre caractère qui, lorsque nous subissons des contrariétés et exerçons de la patience et de l’endurance, nous retient de déverser sur les autres nos propres souffrances. Enfin, il est important de ne pas confondre ces vertus avec ce que le Saint-Père nomme « l’accoutumance » qui, elle,  nous empêche d’affronter le mal et nous incite à penser que « chercher à changer quelque chose n’a pas de sens, que nous ne pouvons rien faire face à cette situation, qu’il en a toujours été ainsi et que nous avons survécu malgré cela.[…]que les choses ‘‘soient ce qu’elles sont’’, ou ce que certains ont décidé qu’elles soient » (no 137).

Joie et sens de l’humour

À la rapidité explicitée plus haut, nous devons ajouter avec le Pape que notre monde est plongé dans une soif de consommation sans pareille de biens matériels. En effet, « dans cette culture se manifestent : l’anxiété nerveuse et violente qui nous disperse et nous affaiblit ; la négativité et la tristesse ; l’acédie commode, consumériste et égoïste ;  l’individualisme et de nombreuses formes de fausse spiritualité sans rencontre avec Dieu qui règnent dans le marché religieux actuel » (no 110). Devant cette réalité, on ne doit pas se surprendre du goût de notre monde pour les mauvaises nouvelles, les drames et la suspicion de tous contre tous. Dans un tel contexte, les chrétiens doivent vivre et manifester la joie qu’ils ont reçue gratuitement sans même l’avoir méritée. Le rire et le sens de l’humour étant des signes extérieurs de la joie du cœur, il est important de garder cette humilité qui nous rend capables de rire de nous-mêmes. Suivant les paroles de saint Thomas More nous pouvons dire « Seigneur, ne permets pas que je me fasse trop de souci pour cette chose encombrante que j’appelle ‘‘moi’’. Seigneur, donne-moi l’humour pour que je tire quelque bonheur de cette vie et en fasse profiter les autres. Ainsi soit-il ! » (no 126).

Audace et ferveur

Loin des stéréotypes répertoriés dans la culture populaire, la sainteté chrétienne n’a rien d’ennuyant ou d’ennuyeux. Il s’agit plutôt du don accepté et de la volonté ferme orientée par le Christ en faveur du bonheur éternel des âmes. Rappelons-nous l’histoire de sainte Jeanne d’Arc qui, faisant fi d’innombrables obstacles (même ceux dressés par l’Église établie par le Christ !) qui se dressaient devant elle, accepta sa vocation et la porta jusqu’au martyre du bûché. Rien de plus beau et de plus édifiant que l’histoire de cette jeune pucelle qui transforma le destin de nations entières par la Force divine nichée dans sa propre faiblesse. Quelle audace et quelle ferveur !

Or, « comme le prophète Jonas, nous avons en nous la tentation latente de fuir vers un endroit sûr qui peut avoir beaucoup de noms : individualisme, spiritualisme, repli dans de petits cercles, dépendance, routine, répétition de schémas préfixés, dogmatisme, nostalgie, pessimisme, refuge dans les normes (no 134)». Nous devons donc sortir de nous-mêmes, de nos habitudes, de nos doutes, de nos peurs, de nos scrupules et faire place à ce « Dieu qui est toujours une nouveauté » (no 135).

 

Comme nous venons de le voir, ce magnifique document du pape François nous montre que « L’Église n’a pas tant besoin de bureaucrates et de fonctionnaires, que de missionnaires passionnés, dévorés par l’enthousiasme de transmettre la vraie vie. Les saints surprennent, dérangent, parce que leurs vies nous invitent à sortir de la médiocrité tranquille et anesthésiante » (no 138)[6].Le document nous donne aussi les critères toujours nouveaux pour découvrir les saints qui sont encore parmi nous et qui nous aident à savoir comment devenir nous-mêmes, saints. Ainsi et seulement ainsi, le Christ pourra rayonner de nouveau dans ce monde qui en a grandement besoin.

Tous les saints sont « Pro-vie » !

CNS photo/Art Babych

Ce jeudi 10 mai 2018, des milliers de personnes se réuniront sur la Colline parlementaire, à Ottawa, pour manifester leur soutien à la cause de la promotion et de la défense de la dignité humaine et de la vie de la conception à la mort naturelle. Cette cause méconnue et mal comprise n’a que très rarement reçu un accueil médiatique proportionnel à l’importance de l’enjeu qui s’y joue. Ses défenseurs, eux, font toujours l’objet de nombreux préjugés et a priori. Bien que la cause Pro-vie ne soit pas l’exclusivité des chrétiens, ces derniers bénéficient cette année d’un encouragement de taille par la publication de l’exhortation apostolique «Gaudete et Exhultate » du pape François. En effet, poursuivant notre analyse de ce document, on voit comment l’appel universel à la sainteté est indissociable de la défense des plus vulnérables de nos sociétés.

Dans un premier temps, le pape nous invite à faire preuve d’audace et à ne pas nous laisser aller à cette tendance toute humaine à faire comme tout le monde : « Bien que les paroles de Jésus puissent nous sembler poétiques, elles vont toutefois vraiment à contrecourant de ce qui est habituel, de ce qui se fait dans la société » (no 65). Ainsi, loin d’être des moutons, les chrétiens d’aujourd’hui sont, au contraire, invités à faire preuve d’esprit critique vis-à-vis de leurs propres comportements et habitudes. En ce sens, dans le chapitre trois, le Pape nous offre un commentaire des béatitudes dans lequel il manifeste, à la fois, le contraste qui existe entre la logique du monde et celle de Dieu et à la fois la dimension libératrice de chacune des béatitudes. En cette journée de la Marche pour la vie, deux de celles-ci ont particulièrement retenu mon attention.

« Heureux les affligés, car ils seront consolés » (Mt 5, 4)

Pour le pape François, le monde actuel nous invite fortement à nous contenter du « divertissement, de la jouissance, du loisir, de la diversion, et il nous dit que c’est cela qui fait la bonne vie » (no 75). Or, lorsque nous nous y arrêtons quelques instants, on se rend bien compte qu’il y a quelque chose de malsain derrière cette soif insatiable d’amusement. Sans vouloir être doloriste, je pense que nous devons nous réveiller de notre torpeur et faire face à la dimension tragique de l’existence, en incorporant la souffrance et la tristesse à notre vision du monde. Cacher le mal n’est pas une solution mais, au contraire, le meilleur moyen de ne jamais en trouver !

Au contraire, comme le dit le Pape : « La personne qui voit les choses comme elles sont réellement se laisse transpercer par la douleur et pleure dans son cœur, elle est capable de toucher les profondeurs de la vie et d’être authentiquement heureuse (no 76)[4]. Être saint implique donc le courage de faire face aux problèmes qui nous entourent tout en gardant une « option préférentielle pour les pauvres » et au premier chef : les enfants à naître et les malades en phase terminale (no 101). Défendre la vie de la conception à la mort naturelle est donc une condition sine qua non de l’agir et de la sainteté chrétienne puisque, comme le dit le document d’Aparecida rédigé sous la présidence du Cardinal Bergolio actuellement pape au numéro 112, l’être humain   « est toujours sacré, depuis sa conception, dans toutes les étapes de son existence, jusqu’à sa mort naturelle et après la mort », et que sa vie doit être protégée « depuis la conception, à toutes les étapes, et jusqu’à la mort naturelle ».

« Heureux les persécutés pour la justice, car le Royaume des cieux est à eux » (Mt, 5,10)

Rien ne manifeste plus l’efficacité d’un esprit contestataire qui dérange que les persécutions. En d’autres termes : « Pour vivre l’Évangile, on ne peut pas s’attendre à ce que tout autour de nous soit favorable, parce que souvent les ambitions du pouvoir et les intérêts mondains jouent contre nous » (no 91). Toutefois, il faut toujours faire preuve de discernement puisque Jésus ne proclame bienheureux que ceux qui sont persécutés « pour la justice ». Que la cause de la défense de la vie soit juste, cela ne fait aucun doute aux yeux de Dieu. Par contre, nous devons nous assurer que les moyens que nous utilisons servent la cause « en justice et en vérité » (Jn 4, 23-24) et non pas « en esprit de jalousie et de rivalité » (Phi, 1, 15). En ce sens, nous devons user de créativité et enlever tout obstacle inutile à la portée de notre discours comme ce préjugé tenace que contredit le pape :  « Un saint, nous dit-il,  « n’est pas quelqu’un de bizarre, de distant, qui se rend insupportable par sa vanité, sa négativité et ses rancœurs » (no93).

Il faut néanmoins être conscient que, sur les questions de la vie, notre monde a opéré un renversement de perspective. Ce que les sociétés occidentales modernes considèrent comme « un droit acquis »,  l’Église le considère comme « un crime abominable » (GS, no 51). En ce sens, les paroles du Pape sont claires.  Nous habitons dans une « société aliénée, prise dans un enchevêtrement politique, médiatique, économique, culturel et même religieux qui empêche un authentique développement humain et social, il devient difficile de vivre les béatitudes, et cela est même mal vu, suspecté, ridiculisé » (no 91). Nous devons donc accepter, chacun à notre manière et selon nos responsabilités, le prix à payer pour témoigner que la vie n’a pas de prix.

Alors que des milliers de personnes : évêques, religieux et religieuses, laïcs et personnes de bonne volonté se réunissent aujourd’hui dans la capitale canadienne pour promouvoir joyeusement leur appui à la promotion et à la défense de la vie, nous pouvons prendre cette occasion pour réfléchir à notre engagement personnel envers cette cause indissociable du chemin de sainteté chrétien. Méditant les béatitudes et les paroles du pape François, nous sommes tous appelés à faire un pas de plus dans la bonne direction, tout cela en gardant à l’esprit que « nul n’aura quitté, à cause de moi et de l’Évangile, une maison, des frères, des sœurs, une mère, un père, des enfants ou une terre sans qu’il reçoive, en ce temps déjà, le centuple […] avec des persécutions, et, dans le monde à venir, la vie éternelle » (Mc 10, 29-30). Restez à l’écoute de Sel et Lumière pour une couverture exclusive de cet événement exceptionnel !

« Gaudete et Exultate » ou l’Ode aux saints inconnus

CNS photo/Reuters

Lundi matin, 9 avril 2018, la Salle de Presse du Vatican publiait l’exhortation apostolique du pape François intitulée « Gaudete et Exultate »et portant sur la sainteté dans le monde actuel. S’affirmant explicitement comme n’étant ni « un traité sur la sainteté » ni une analyse approfondie sur « les moyens de sanctification » (no1), ce document magistériel se veut plutôt, comme son nom l’indique, une exhortation s’adressant aux fidèles catholiques afin qu’ils redécouvrent cette vocation à la sainteté reçue au baptême. J’aimerais aujourd’hui offrir un bref résumé de ce qui m’apparaît être l’essence même du document.

Des préjugés tenaces

Fidèle au style d’écriture auquel il nous a habitué, le pape François s’attaque à l’un des préjugés tenaces auquel on a peut-être trop souvent adhéré. En effet, loin d’être réservée à une caste de privilégiés, la sainteté à laquelle nous sommes tous appelés, cet : « appel à la sainteté que le Seigneur adresse à chacun d’entre nous, cet appel qu’il t’adresse à toi aussi » (no10) nous est accessible à tous. Il ne s’agit pas, comme on le croit trop souvent, d’une qualité réservée aux « évêque, prêtre, religieuse ou religieux » (no14) mais bien d’une invitation personnelle de Dieu à : « Accepter chaque jour le chemin de l’Évangile même s’il nous crée des problèmes, c’est cela la sainteté ! » (no 94).

Ode aux saints inconnus

Il faut dire que l’Église a quelque peu tardé à offrir des modèles de sainteté qui n’étaient pas des religieux ou des consacrés; ce qui a peut-être contribué à nourrir ce mythe. Toutefois, on peut dire que le pape a œuvré à ce que les choses changent dès le début de son pontificat en rendant le processus de canonisation plus accessible. En effet, s’il est vrai que l’Histoire Sainte se compose de la vie de l’ensemble du Peuple de Dieu en entier « et parmi eux, il peut y avoir notre propre mère, une grand-mère ou d’autres personnes proches (cf. 2 Tm 1, 5) » (no 3), nous devrions apprendre à les reconnaître comme tel. En ce sens, ce document rééquilibre notre perspective sur la vie des saints en mettant l’emphase sur tous ces saints invisibles. En effet, ces « âmes dont aucun livre d’histoire ne fait mention, ont une influence déterminante aux tournants décisifs de l’histoire universelle » (no 8). Continuant son ode aux saints inconnus, le Pape a poursuivi en soulignant particulièrement le rôle de « femmes inconnues ou oubliées qui, chacune à sa manière, ont soutenu et transformé des familles et des communautés par la puissance de leur témoignage. »(no 12).

Un choix bénéfique

Prenant le temps de mettre en garde contre les hérésies pélagiennes et gnostiques non moins présentes tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de l’Église, le pape François présente les deux dimensions que sont, d’un côté, la grâce de l’appel et, de l’autre, ce que le cardinal Lustiger nommait « le choix de Dieu ». En effet, « Laisse la grâce de ton baptême », exhorte le Pape, « porter du fruit dans un cheminement de sainteté. Permets que tout soit ouvert à Dieu et pour cela choisis-le, choisis Dieu sans relâche. » Le pape ajoute que ce choix n’est en définitive que l’option préférentielle pour le bonheur : « n’aie pas peur de la sainteté. Elle ne t’enlèvera pas les forces, ni la vie, ni la joie […]et tu seras fidèle à ton propre être » (no32).

Le Christ, boussole sûre pour une vie captivante

Dans ce monde ultra connecté qui est le nôtre, plusieurs pièges à clic existentiel nous promettent toutes sortes de bonheurs, « ces dispositifs qui nous offrent du divertissement ou des plaisirs éphémères » (no30). Or, en définitive, cette vie à laquelle nous sommes conviés de participer par des contributions financières substantielles est médiocre. Au contraire, l’orientation fondamentale que nous cherchons tous dans nos vies se trouve pleinement accomplie dans le Christ (no20). En nous mettant à sa suite, nous obtenons le don de notre mission : « Toi aussi, tu as besoin de percevoir la totalité de ta vie comme une mission ». C’est en cela que nous devenons capables à notre tour de résister aux tentations de Satan (qui est « plus qu’un mythe [et qui] ne se réfère pas au mal abstrait et […] Il désigne un être personnel qui nous harcèle. » (no 160).  Ainsi nous pourrons offrir notre vie pour l’établissement du Royaume (no 25).

Que ce soit par son insistance sur l’accessibilité de la sainteté, par son rejet d’une mentalité mondaine et anthropocentrique, et par le primat accordé à la Grâce, cette exhortation apostolique est un élément essentiel pour mieux comprendre les différentes modalités que revêt la sainteté dans le monde actuel. Nous aurons évidemment la chance d’examiner avec plus d’acuité ce texte magnifique dans les prochaines semaines.

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