Audience générale du pape François – mercredi 10 janvier 2024

Le ci devant grand couvert de Gargantua moderne en famille. Photo de Wikimedia Commons.

Lors de son audience générale hebdomadaire, le pape François a poursuivi sa catéchèse sur les vertus et les vices en se penchant sur le péché de gourmandise. Il a souligné la dimension mondiale de ce vice en déclarant que « le péché de ceux qui succombent devant un morceau de gâteau, tout compte fait, ne cause pas de grands dommages, mais la voracité avec laquelle nous pillons les biens de la planète depuis quelques siècles compromet l’avenir de tous. »

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans notre parcours de catéchèse que nous avons entrepris sur les vices et les vertus, aujourd’hui nous nous arrêtons sur le vice de la gourmandise.

Que nous dit l’Évangile à ce sujet ? Regardons Jésus. Son premier miracle, aux noces de Cana, révèle sa sympathie pour les joies humaines : il veille à ce que la fête se termine bien et donne aux mariés une grande quantité de très bon vin. Tout au long de son ministère, Jésus apparaît comme un prophète très différent du Baptiste : si l’on se souvient de Jean pour son ascétisme – il mangeait ce qu’il trouvait dans le désert -, Jésus est au contraire le Messie que l’on voit souvent à table. Son comportement suscite scandale pour certains, car non seulement il est bienveillant à l’égard des pécheurs, mais il mange même avec eux ; et ce geste démontrait sa volonté de communion et de proximité avec tous.

Mais il y a aussi autre chose. Si l’attitude de Jésus à l’égard des préceptes juifs révèle sa pleine soumission à la Loi, il fait cependant preuve de compréhension à l’égard de ses disciples : lorsqu’ils sont pris en flagrant délit de faim et qu’ils ramassent des épis le jour du sabbat, il les justifie en rappelant que le roi David et ses compagnons, se trouvant dans le besoin, avaient mangé des pains sacrés (cf. Mc 2, 23-26). Et Jésus affirme un nouveau principe : les invités aux noces ne peuvent pas jeûner quand l’époux est avec eux ; ils jeûneront quand l’époux leur sera enlevé. Tout est désormais relatif à Jésus. Quand il est au milieu de nous, nous ne pouvons pas nous affliger ; mais à l’heure de sa passion, alors oui, nous jeûnons (cf. Mc 2,18-20). Jésus veut que nous soyons dans la joie en sa compagnie- Lui est l’Epoux de l’Eglise ; mais il veut aussi que nous partagions ses souffrances, qui sont aussi celles des petits et des pauvres.

Un autre aspect important. Jésus abandonne la distinction entre aliments purs et impurs, qui était une distinction établie par la loi hébraïque. En réalité – enseigne Jésus – ce n’est pas ce qui entre dans l’homme qui le souille, mais ce qui sort de son cœur. C’est ainsi qu’il  » déclarait purs tous les aliments  » (Mc 7,19). C’est pourquoi le christianisme ne considère pas les aliments impurs. Mais l’attention que nous devons avoir est intérieure : elle ne porte donc pas sur la nourriture elle-même, mais sur la relation que nous entretenons avec elle. Et Jésus dit clairement que ce qui fait la bonté ou la malignité, pour ainsi dire, d’un aliment, ce n’est pas l’aliment lui-même, mais la relation que nous entretenons avec lui. Et nous le voyons, lorsqu’une personne a une relation désordonnée avec la nourriture, nous observons la façon dont elle mange, elle mange à la hâte, comme avec l’envie de se rassasier et ne se rassasie jamais, elle n’a pas une bonne relation avec la nourriture, elle est l’esclave de la nourriture.

Cette relation sereine que Jésus a établie envers l’alimentation devrait être redécouverte et valorisée, surtout dans les sociétés dites de l’abondance, où se manifestent tant de déséquilibres et tant de pathologies. On mange trop ou trop peu. Souvent on mange dans la solitude. Les troubles des comportements alimentaires se répandent : anorexie, boulimie, obésité… Et la médecine et la psychologie tentent de s’attaquer au mauvais rapport à la nourriture. Une mauvaise relation avec la nourriture est à l’origine de toutes ces maladies.

Il s’agit de maladies, souvent très douloureuses, qui sont principalement liées à des tourments de la psyché et de l’âme. L’alimentation est la manifestation de quelque chose d’intérieur : la prédisposition à l’équilibre ou à la démesure ; la capacité de rendre grâce ou la prétention arrogante à l’autonomie ; l’empathie de qui sait partager la nourriture avec celui qui est dans le besoin ou l’égoïsme de qui accumule tout pour soi-même. Cette demande est très importante : dis-moi comment tu manges et je te dirai quelle âme tu possèdes. Dans la manière de manger se révèlent notre intériorité, nos habitudes, nos attitudes psychiques.

Les anciens Pères donnaient au vice de la gourmandise le nom de « gastrimargie », terme que l’on peut traduire par « folie du ventre ». La gourmandise est une « folie du ventre ». Et il y a aussi ce proverbe qui dit qu’il faut manger pour vivre et non vivre pour manger. La gourmandise est un vice qui se greffe sur l’un de nos besoins vitaux, comme l’alimentation. Soyons prudents à ce sujet.

Si nous l’envisageons d’un point de vue social, la gourmandise est peut-être le vice le plus dangereux qui est en train de faire périr la planète. Car le péché de ceux qui cèdent devant une part de gâteau, somme toute, ne provoque pas de dommages importants, mais la voracité avec laquelle nous nous déchaînons, depuis quelques siècles, sur les biens de la planète, compromet l’avenir de tous. Nous nous sommes jetés sur tout, pour devenir maîtres de tout, alors que tout avait été confié à notre soin, et non à notre exploitation ! Voilà donc le grand péché, la fureur du ventre : nous avons abjuré le nom d’hommes, pour en prendre un autre, celui de « consommateurs ». C’est ainsi que l’on dit aujourd’hui dans la vie sociale : « consommateurs ». Nous ne nous sommes même pas aperçus que quelqu’un avait commencé à nous appeler ainsi. Nous sommes faits pour être des hommes et des femmes « eucharistiques », capables de rendre grâce, discrets dans l’utilisation de la terre, et au lieu de cela, le danger est de se transformer en prédateurs, et maintenant nous nous rendons compte que cette forme de « gloutonnerie » a fait beaucoup de mal au monde. Demandons au Seigneur de nous aider sur le chemin de la sobriété, et que les différentes formes de gourmandise n’envahissent pas nos vies.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 3 janvier 2024

Le baptême du Christ. Musée Städel. Wikimedia Commons.

Lors de sa première Audience générale de 2024, le pape François a poursuivi sa catéchèse sur les vertus et les vices de la vie chrétienne. Il a réfléchi à la miséricorde de Dieu au milieu des luttes humaines, en disant que « Jésus est à nos côtés pour nous aider, pour nous protéger, et même pour nous relever après le péché ».

Voici le texte intégral:

La semaine dernière, nous avons introduit le thème des vices et des vertus. Cela rappelle le combat  spirituel du chrétien. En effet, la vie spirituelle du chrétien n’est pas paisible, linéaire et sans défis; au contraire, la vie chrétienne exige un combat continu: la lutte chrétienne pour préserver la foi, pour enrichir les dons de la foi en nous. Ce n’est pas un hasard si la première onction que chaque chrétien reçoit dans le sacrement du Baptême — l’onction catéchuménale — est sans aucun parfum et annonce symboliquement que la vie est un combat. En effet, dans les temps anciens, les lutteurs étaient complètement oints, aussi bien pour tonifier leurs muscles que pour que leur corps échappe à l’emprise de l’adversaire. L’onction des catéchumènes fait immédiatement comprendre que le chrétien n’est pas épargné par la lutte, qu’un chrétien doit se battre : son existence, comme celle de chacun, devra entrer dans l’arène, car la vie est une succession d’épreuves et de tentations.

Un dicton célèbre attribué à  Antoine le Grand, le premier grand père du monachisme, dit ceci: « Ote les tentations et personne ne sera sauvé ». Les saints ne sont pas des hommes qui ont été épargnés par la tentation, mais plutôt des gens qui sont bien conscients du fait que les séductions du mal apparaissent à plusieurs reprises dans la vie, pour être démasquées et rejetées. Nous en avons tous fait l’expérience de cela, nous tous : une mauvaise pensée te vient à l’esprit, une envie de faire ceci ou de dire du mal d’autrui… Tout le monde, nous sommes tous tentés, et nous devons lutter pour ne pas tomber dans ces tentations. Si l’un d’entre vous n’a pas de tentations, dites-le-moi, car ce serait une chose extraordinaire! Nous avons tous des tentations et nous devons tous apprendre à gérer ces situations.

Pourtant, il y a beaucoup de gens qui s’absolvent continuellement, qui croient qu’ils sont « en règle » — « Non, je suis bon, je suis bonne, je n’ai pas ces problèmes ». Mais aucun de nous n’est en règle; si quelqu’un se sent en règle, il rêve; chacun d’entre nous a beaucoup de choses à mettre au point et nous devons aussi être vigilants. Et parfois il arrive que nous allions au sacrement de la Réconciliation et nous disions, avec sincérité: « Père, je ne me souviens pas, je ne sais pas si j’ai des péchés… ». Ceci est un manque de connaissance de ce qui se passe dans notre cœur. Nous sommes tous pécheurs, tous. Et un peu d’introspection, un petit regard intérieur nous fera du bien. Sinon nous risquons de vivre dans les ténèbres, parce que nous sommes désormais habitués à l’obscurité et nous ne savons plus distinguer le bien du mal. Isaac de Ninive disait que dans l’Eglise, celui qui connaît ses péchés et en pleure est plus grand que celui qui ressuscite un mort. Nous devons tous demander à Dieu la grâce de nous reconnaître comme de pauvres pécheurs qui nécessitent d’une conversion, en gardant dans notre cœur la confiance qu’aucun péché n’est trop grand pour la miséricorde infinie de Dieu le Père. Voici la leçon inaugurale que Jésus nous offre.

Nous le voyons dans les premières pages des Evangiles, tout d’abord lorsqu’on nous parle du baptême du Messie dans les eaux du Jourdain. L’épisode a en soi quelque chose de déconcertant: pourquoi Jésus se soumet-il à un tel rite de purification? Il est Dieu, il est parfait! De quel péché Jésus doit-il se repentir? Aucun! Même Jean-Baptiste est scandalisé, au point que le texte dit: « Celui-ci l’en détournait, en disant: “C’est moi qui ai besoin d’être baptisé par toi, et toi, tu viens à moi!” » (Mt 3, 14). Mais Jésus est un Messie très différent de la façon dont Jean l’avait présenté et dont les gens l’imaginaient : il n’incarne pas le Dieu en colère et ne convoque pas pour le jugement, mais, au contraire, il fait la queue avec les pécheurs. Pourquoi? Oui, Jésus nous accompagne, nous tous pécheurs. Il n’est pas pécheur, mais il est parmi nous. Et c’est une belle chose. « Mon père, j’ai tellement de péchés! » — « Mais Jésus est avec toi: parles-en, il t’aidera à t’en sortir ». Jésus ne nous laisse jamais seuls, jamais! Réfléchissez bien à cela. « Mon père, j’ai fait de grosses bêtises! » — « Mais Jésus te comprend et t’accompagne: il comprend ton péché et le pardonne ». N’oublie jamais ça! Dans les pires moments, dans les moments où nous glissons dans le péché, Jésus est à nos côtés pour nous aider à nous relever. Cela donne une consolation. Nous ne devons pas perdre cette certitude: Jésus est à nos côtés pour nous aider, pour nous protéger, et même pour nous relever après le péché. « Mon père, est-il vrai que Jésus pardonne tout? » — « Tout. Il est venu pour pardonner, pour sauver. Mais Jésus veut que ton cœur soit ouvert». Il n’oublie jamais de pardonner: c’est nous, bien souvent, qui perdons la capacité de demander pardon. Reprenons cette capacité à demander pardon. Chacun de nous a beaucoup de raisons de demander pardon: que chacun y pense en lui-même et en parle aujourd’hui à Jésus. Parles-en à Jésus: « Seigneur, je ne sais pas si cela est vrai ou pas, mais je suis sûr que tu ne t’éloignes pas de moi. Je suis sûr que tu me pardonnes. Seigneur, je suis un pécheur, une pécheresse, mais je t’en prie ne t’éloigne pas de moi ». Ce serait une belle prière à adresser à Jésus aujourd’hui: « Seigneur, ne t’éloigne pas de moi ».

Et immédiatement après l’épisode du baptême, les Evangiles racontent que Jésus se retire dans le désert, où il est tenté par Satan. Même dans ce cas, nous nous demandons: pour quelle raison le Fils de Dieu doit-il connaître la tentation? Dans ce cas également, Jésus se montre solidaire de notre nature humaine fragile et devient notre grand exemplum: les tentations qu’il traverse et surmonte au milieu des pierres arides du désert sont la première instruction qu’il donne à notre vie de disciples. Il a fait l’expérience de ce à quoi nous aussi devons toujours nous préparer à affronter: la vie est faite de défis, d’épreuves, de carrefours, de visions opposées, de séductions cachées, de voix contradictoires. Certaines voix sont même séduisantes, au point que Satan tente Jésus en recourant aux paroles des Ecritures. Nous devons préserver notre clarté intérieure pour choisir le chemin qui nous mène véritablement au bonheur, puis nous efforcer de ne pas nous arrêter en route.

Rappelons-nous que nous sommes toujours tiraillés entre des extrêmes opposés: l’orgueil défie l’humilité; la haine s’oppose à la charité; la tristesse fait obstacle à la vraie joie de l’Esprit; l’endurcissement du cœur rejette la miséricorde. Les chrétiens marchent continuellement sur ces crêtes. Il est donc important de réfléchir sur les vices et les vertus: cela nous aide à surmonter la culture nihiliste où les frontières entre le bien et le mal restent floues et, en même temps, cela nous rappelle que l’être humain, contrairement à toute autre créature, peut toujours se transcender lui-même, en s’ouvrant à Dieu et en marchant vers la sainteté.

Le combat spirituel nous amène donc à regarder de près ces vices qui nous enchaînent et à marcher, avec la grâce de Dieu, vers ces vertus qui peuvent fleurir en nous, apportant le printemps de l’Esprit dans notre vie.


APPEL

Et n’oublions pas les peuples qui sont en guerre. La guerre est une folie, la guerre est toujours une défaite! Prions. Prions pour les peuples de Palestine, d’Israël, d’Ukraine et de tant d’autres lieux où sévit la guerre. Et n’oublions pas nos frères Rohingyas, qui sont persécutés.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Les intentions du Pape en janvier 2024

Rejoignez-nous en prière avec les intentions que nous confie le Pape François.

Pour le mois de janvier, nous prions avec le Pape pour le don de la diversité au sein de l’Église :

Prions pour que l’Esprit nous aide à reconnaître les divers charismes dans la communauté chrétienne et à découvrir la richesse des différentes traditions rituelles au sein de l’Église catholique.

Écoutez également la Video du Pape sur les intentions de janvier.

Nous ne devons pas craindre la diversité des charismes au sein de l’Église. Au contraire, nous devrions nous réjouir de vivre cette diversité.

Au sein des premières communautés chrétiennes, la diversité et l’unité étaient déjà très présentes et dans une tension qui devait être résolue à un niveau supérieur.

Plus encore. Pour avancer sur le chemin de la foi, nous avons également besoin du dialogue œcuménique avec nos frères et sœurs des autres confessions et communautés chrétiennes.  

Non pas comme quelque chose qui nous déroute ou nous dérange, mais comme un don que Dieu fait à la communauté chrétienne afin qu’elle puisse grandir comme un seul corps, le corps du Christ.

Pensons, par exemple, aux Églises orientales. Elles ont leurs propres traditions, leurs propres rites liturgiques qui les caractérisent, mais elles maintiennent l’unité de la foi, la renforcent et ne la divisent pas.

Si nous sommes guidés par l’Esprit Saint, la richesse, la variété et la diversité ne mènent jamais au conflit. 

L’Esprit nous rappelle que nous sommes avant tout les enfants bien-aimés de Dieu. Tous égaux dans l’amour de Dieu et tous différents.

Prions pour que l’Esprit nous aide à reconnaître les divers charismes dans la communauté chrétienne et à découvrir la richesse des différentes traditions rituelles au sein de l’Église catholique.

 

Prière quotidienne

Vous pouvez accompagner l’intention de prière du Pape par cette prière d’offrande quotidienne:

Dieu, notre Père, je t’offre toute ma journée.

Je t’offre mes prières, pensées,
paroles, actions, joies
et souffrances en union avec
ton Fils Jésus-Christ
qui continue à s’offrir à toi
dans l’Eucharistie pour le salut du monde.

Que l’Esprit Saint
qui a guidé Jésus,
soit mon guide et ma force
aujourd’hui pour que je puisse témoigner de ton amour.

Avec Marie,
la mère du Seigneur et de l’Église,
je prie spécialement aux intentions
que le Saint-Père recommande
à la prière de tous les fidèles pour ce mois.

Pour en apprendre plus sur l’Apostolat de la Priere, visitez le site du Réseau Mondial de la Prière.

 

Cliquez ici pour lire d’autres billets de blogues concernant les intentions du Pape.

Homélie du pape François pour la Solennité de Marie Mère de Dieu 2024

© Sel + Lumière Média, 2024

Le 1er janvier 2024, en la solennité de Marie, Mère de Dieu, le pape François a célébré la messe pour la Paix à la basilique Saint-Pierre de Rome. Le 1er janvier, c’est également la journée mondiale pour la Paix et ce, depuis 1968.

Vous trouverez ci-dessous le texte intégral de son message pour la solennité de Marie Mère de Dieu :

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Basilique Saint-Pierre
Lundi 1er janvier 2024

Les paroles de l’apôtre Paul éclairent le début de la nouvelle année : « Lorsqu’est venue la plénitude des temps, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme » (Ga 4, 4). L’expression “plénitude des temps” est frappante. Autrefois on mesurait le temps en vidant et en remplissant des amphores : lorsqu’elles étaient vides, commençait une nouvelle période qui se terminait lorsqu’elles étaient pleines. Voilà la plénitude des temps : quand l’amphore de l’histoire est pleine, la grâce divine déborde : Dieu se fait homme et il le fait sous le signe d’une femme, Marie. Elle est la voie choisie par Dieu ; elle est le point d’arrivée de tant de personnes et de générations qui ont préparé “goutte à goutte” la venue du Seigneur dans le monde. La Mère est ainsi au cœur du temps : il a plu à Dieu de dérouler l’histoire à travers elle, la femme. Avec ce mot, l’Écriture nous renvoie aux origines, à la Genèse, et nous suggère que la Mère avec l’Enfant marque une nouvelle création, un nouveau commencement. Au commencement du temps du salut, il y a donc la sainte Mère de Dieu, notre sainte Mère.

Il est donc beau que l’année s’ouvre en l’invoquant ; il est beau que le Peuple fidèle, comme autrefois à Éphèse– ils étaient courageux ces chrétiens ! -, proclame avec joie la Sainte Mère de Dieu. Les paroles Mère de Dieu expriment en effet la joyeuse certitude que le Seigneur, tendre Enfant dans les bras de sa mère, s’est uni pour toujours à notre humanité, au point qu’elle n’est plus seulement la nôtre, mais la sienne. Mère de Dieu : peu de mots pour confesser l’alliance éternelle du Seigneur avec nous. Mère de Dieu : c’est un dogme de foi, mais c’est aussi un “dogme d’espérance” : Dieu en l’homme et l’homme en Dieu, pour toujours. La sainte Mère de Dieu.

Dans la plénitude des temps, le Père envoya son Fils né d’une femme ; mais le texte de saint Paul ajoute un second envoi : « Dieu a envoyé l’Esprit de son Fils dans nos cœurs, et cet Esprit crie “Abba !”, c’est-à-dire : Père ! » (Ga 4, 6). Et dans l’envoi de l’Esprit aussi, la Mère est protagoniste : l’Esprit Saint commence à se poser sur elle à l’Annonciation (cf. Lc 1, 35), puis, aux débuts de l’Église, il descend sur les Apôtres réunis en prière « avec Marie, la Mère » (Ac 1, 14). Ainsi l’accueil de Marie nous a apporté les plus grands dons : elle « a fait du Seigneur de majesté notre frère » (Tommaso da Celano, Vita seconda, CL, 198 : FF 786) et a permis à l’Esprit de crier dans nos cœurs : “Abbà, Père!”. La maternité de Marie est la voie pour rencontrer la tendresse paternelle de Dieu, la voie la plus proche, la plus directe, la plus facile. C’est le style de Dieu : proximité, compassion et tendresse. En effet, la Mère nous conduit au début et au cœur de la foi, qui n’est pas une théorie ou un engagement, mais un don immense, qui fait de nous des enfants bien-aimés, des demeures de l’amour du Père. C’est pourquoi accueillir la Mère dans sa vie n’est pas un choix de dévotion, mais une exigence de foi : « Si nous voulons être chrétiens, nous devons être mariaux » (S. Paul VI, Homélie à Cagliari, 24 avril 1970), c’est-à-dire enfants de Marie.

L’Église a besoin de Marie pour redécouvrir son visage féminin : pour lui ressembler davantage, elle qui, femme, Vierge et Mère en représente le modèle et la figure parfaite (cf. Lumen gentium, n. 63) ; pour faire de la place aux femmes et être procréatrice à travers une pastorale faite de soin et de sollicitude, de patience et de courage maternel. Mais le monde a aussi besoin de regarder les mères et les femmes pour trouver la paix, pour sortir des spirales de la violence et de la haine, et revenir à avoir des regards humains et des cœurs qui voient. Et toute société a besoin d’accueillir le don de la femme, de toute femme, de la respecter, de la protéger, de la valoriser, en sachant que celui qui blesse une seule femme profane Dieu, né de la femme.

Marie, la femme, décisive dans la plénitude des temps, est de la même manière déterminante pour la vie de chacun ; car personne ne connaît mieux qu’une Mère les temps et les urgences de ses enfants. Un “commencement” nous le montre encore une fois, le premier signe accompli par Jésus, aux noces de Cana. C’est Marie qui s’aperçoit que le vin manque et qui s’adresse à Lui (cf. Jn 2, 3). Ce sont les nécessités des enfants qui l’incitent, elle, la Mère, à pousser Jésus à intervenir. Et à Cana Jésus dit : « “Remplissez d’eau les jarres”. Et ils les remplirent jusqu’au bord. » (Jn 2, 7). Marie, qui connaît nos besoins, hâte pour nous aussi les débordements de la grâce et porte nos vies vers la plénitude. Frères, sœurs, nous avons tous des manques, des solitudes, des vides qui demandent à être comblés. Chacun connaît les siens. Qui peut les combler sinon Marie, Mère de la plénitude ? Lorsque nous sommes tentés de nous refermer sur nous-mêmes, allons vers elle ; lorsque nous ne réussissons pas à nous extirper des nœuds de la vie, cherchons refuge en elle. Notre époque, vide de paix, a besoin d’une Mère qui recompose la famille humaine. Regardons Marie pour devenir des constructeurs d’unité, et faisons-le avec sa créativité de Mère, qui prend soin de ses enfants : elle les rassemble et les console, elle écoute leurs peines et essuie leurs larmes. Et regardons cette icone si tendre de la Virgo lactans [de l’abbaye de Montevergine]. Une mère fait ainsi : avec beaucoup de tendresse elle s’occupe de nous et se fait proche.

Confions la nouvelle année à la Mère de Dieu. Consacrons-lui nos vies. Elle saura, avec tendresse, en ouvrir la plénitude. Car elle nous conduira à Jésus et Jésus est la plénitude des temps, de tout temps, de notre temps, du temps de chacun. En effet, comme il a été écrit, “ce n’est pas la plénitude des temps qui a fait venir le Fils de Dieu, mais au contraire, l’envoi du Fils a fait jaillir la plénitude des temps” (cf. M. Luther, Vorlesung über den Galaterbrief 1516-1517, 18). Frères et sœurs, que cette année soit pleine de la consolation du Seigneur ; que cette année soit pleine de la tendresse maternelle de Marie, la Sainte Mère de Dieu.

Et je vous invite à présent à proclamer tous ensemble trois fois : Sainte Mère de Dieu ! Ensemble : Sainte Mère de Dieu ! Sainte Mère de Dieu ! Sainte Mère de Dieu !

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

Message Urbi et Orbi du pape François pour Noël 2023

Le pape François salue la foule depuis le balcon central de la basilique Saint-Pierre. © Sel + Lumière Média, 2023

Le 25 décembre 2023 à midi, le pape François a prononcé le traditionnel message de Noël et la bénédiction « urbi et orbi » (à la ville et au monde) depuis le balcon central de la basilique Saint-Pierre au Vatican.

Vous trouverez ci-dessous le texte intégral de son message pour Noël 2023 :

MESSAGE URBI ET ORBI
DU PAPE FRANÇOIS

NOËL 2023

Loggia de la basilique Saint-Pierre
Lundi 25 décembre 2023

Chers frères et sœurs, joyeux Noël !

Le regard et le cœur des chrétiens du monde entier sont tournés vers Bethléem ; là où règnent aujourd’hui la douleur et le silence, a retenti l’annonce attendue depuis des siècles : « vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur » (Lc 2, 11). Ce sont les paroles de l’ange dans le ciel de Bethléem et elles nous sont également adressées. Elles nous remplissent de confiance et d’espérance de savoir que le Seigneur est né pour nous ; que la Parole éternelle du Père, le Dieu infini, a fixé sa demeure parmi nous. Il s’est fait chair, il est venu « habiter parmi nous » (Jn 1, 14) : voilà la nouvelle qui change le cours de l’histoire !

L’annonce de Bethléem est celle d’une « grande joie » (Lc 2, 10). Quelle joie ? Pas le bonheur passager du monde, pas la joie du plaisir, mais une joie “grande” parce qu’elle nous rend “grands”. Aujourd’hui, en effet, nous les êtres humains, avec nos limites, nous embrassons la certitude d’une espérance inouïe, celle d’être nés pour le Ciel. Oui, Jésus notre frère est venu faire de son Père notre Père : Enfant fragile, il nous révèle la tendresse de Dieu ; et bien plus encore : Lui, le Fils unique du Père, nous donne le « pouvoir de devenir enfants de Dieu » (Jn 1, 12). Voilà la joie qui console le cœur, qui renouvelle l’espérance et qui donne la paix : c’est la joie de l’Esprit Saint, la joie d’être des enfants aimés.

Frères et sœurs, aujourd’hui à Bethléem, dans les ténèbres de la terre, s’est allumée cette flamme inextinguible, aujourd’hui sur les ténèbres du monde prévaut la lumière de Dieu, « qui éclaire tout homme » (Jn 1, 9). Frères et sœurs, réjouissons-nous de cette grâce ! Réjouis-toi, toi qui as perdu confiance et certitudes, car tu n’es pas seul : le Christ est né pour toi ! Réjouis-toi, toi qui as perdu l’espérance, parce que Dieu te tend la main : il ne te pointe pas du doigt, mais il t’offre sa petite main d’Enfant pour te libérer de tes peurs, te relever de tes peines et te montrer qu’à ses yeux tu as plus de valeur que tout. Réjouis-toi, toi qui ne trouves pas la paix dans ton cœur, car pour toi s’est accomplie l’antique prophétie d’Isaïe : « Un enfant nous est né, un fils nous a été donné […] son nom est proclamé : […] Prince-de-la-Paix » (9,5). L’Écriture révèle que sa paix, son règne « sera sans fin » (9, 6).

Dans l’Écriture, le Prince de la paix s’oppose au « prince de ce monde » (Jn 12, 31) qui, en semant la mort, agit contre le Seigneur, « qui aime les vivants » (Sg 11, 26). Nous le voyons à l’œuvre à Bethléem lorsque le massacre des innocents a lieu après la naissance du Sauveur. Combien de massacres d’innocents dans le monde : dans le sein maternel, sur les routes des désespérés en quête d’espérance, dans les vies de tant d’enfants dont l’enfance est dévastée par la guerre. Ce sont les petits Jésus d’aujourd’hui, ces enfants dont l’enfance est dévastée par la guerre, par les guerres.

Alors dire “oui” au Prince de la paix signifie dire “non” à la guerre, et cela avec courage : dire “non” à la guerre, à toute guerre, à la logique même de la guerre, voyage sans but, défaite sans vainqueurs, folie sans excuses. C’est la guerre : voyage sans but, défaite sans vainqueurs, folie sans excuses. Mais pour dire “non” à la guerre, il faut dire “non” aux armes. Car si l’homme, dont le cœur est instable et blessé, a en sa possession des instruments de mort, tôt ou tard, il les utilisera. Et comment peut-on parler de paix si la production, la vente et le commerce des armes augmentent ? Aujourd’hui, comme au temps d’Hérode, les complots du mal, qui s’opposent à la lumière divine, se meuvent dans l’ombre de l’hypocrisie et de la dissimulation : combien de massacres armés ont lieu dans un silence assourdissant, à l’insu de tant de personnes ! Les personnes, qui ne veulent pas d’armes mais de pain, qui peinent à aller de l’avant et qui demandent la paix, ignorent combien d’argent public est destiné aux armements. Et pourtant ils devraient le savoir ! Que l’on en parle, que l’on en écrive, pour que l’on sache les intérêts et les gains qui tirent les ficelles des guerres.

Isaïe, qui prophétisait le Prince de la paix, a écrit à propos d’un jour où « jamais nation contre nation ne lèvera l’épée » ; d’un jour où les hommes « n’apprendront plus la guerre », mais « de leurs épées, ils forgeront des socs, et de leurs lances, des faucilles » (2, 4). Avec l’aide de Dieu, faisons en sorte que ce jour approche !

Qu’il s’approche en Israël et en Palestine, où la guerre secoue la vie de ces populations. Je les embrasse toutes, en particulier les communautés chrétiennes de Gaza et de toute la Terre Sainte. Je porte dans mon cœur la douleur pour les victimes de l’odieuse attaque du 7 octobre dernier et je renouvelle un appel pressant pour la libération de ceux qui sont encore retenus en otage. Je demande que cessent les opérations militaires, avec leur effroyable suite de victimes civiles innocentes, et que l’on remédie à la situation humanitaire désespérée en ouvrant à l’arrivée de l’aide humanitaire. Que l’on ne continue pas à alimenter la violence et la haine, mais que l’on commence à résoudre la question palestinienne, à travers un dialogue sincère et persévérant entre les Parties, soutenu par une forte volonté politique et par l’appui de la communauté internationale.

Ma pensée va ensuite à la population de la Syrie meurtrie, ainsi qu’à celle du Yémen encore en souffrance. Je pense au cher peuple libanais et je prie pour qu’il retrouve rapidement la stabilité politique et sociale.

Les yeux fixés sur l’Enfant Jésus, j’implore la paix pour l’Ukraine. Renouvelons notre proximité spirituelle et humaine à son peuple meurtri, afin qu’à travers le soutien de chacun de nous, il sente la réalité de l’amour de Dieu.

Que s’approche le jour d’une paix définitive entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Que la poursuite des initiatives humanitaires, le retour des personnes déplacées chez elles en toute légalité et sécurité, et le respect mutuel des traditions religieuses et des lieux de culte de chaque communauté la favorisent.

N’oublions pas les tensions et les conflits qui secouent la région du Sahel, la Corne de l’Afrique, le Soudan, ainsi que le Cameroun, la République Démocratique du Congo et le Soudan du Sud.

Que s’approche le jour où se renforceront les liens fraternels dans la péninsule coréenne, ouvrant des parcours de dialogue et de réconciliation qui puissent créer les conditions d’une paix durable.

Que le Fils de Dieu, qui s’est fait humble Enfant, inspire les autorités politiques et toutes les personnes de bonne volonté du continent américain, afin que soient trouvées des solutions aptes à surmonter les dissensions sociales et politiques, pour lutter contre les formes de pauvreté qui offensent la dignité des personnes, pour aplanir les inégalités et pour affronter le douloureux phénomène des migrations.

De la crèche, l’Enfant nous demande d’être la voix de ceux qui n’ont pas de voix : voix des innocents, morts par manque d’eau et de pain ; voix de ceux qui ne parviennent pas à trouver un travail ou l’ont perdu ; voix de ceux qui sont obligés de fuir leur patrie à la recherche d’un avenir meilleur, risquant leur vie dans des voyages exténuants et à la merci de trafiquants sans scrupules.

Frères et sœurs, le temps de grâce et d’espérance du Jubilé, qui commencera dans un an, approche. Que cette période de préparation soit une occasion pour convertir le cœur ; pour dire “non” à la guerre et “oui” à la paix ; pour répondre avec joie à l’invitation du Seigneur qui nous appelle, comme prophétisa encore Isaïe, « annoncer la bonne nouvelle aux humbles, / guérir ceux qui ont le cœur brisé, / proclamer aux captifs leur délivrance, / aux prisonniers leur libération » (Is 61, 1).

Ces paroles se sont accomplies en Jésus (cf. Lc 4, 18), né aujourd’hui à Bethléem. Accueillons-le, ouvrons-Lui notre cœur, lui le Sauveur ! ouvrons-Lui notre cœur, lui le Sauveur, qui est le Prince de la paix !

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Homélie du pape François pour la messe de minuit 2023

La crèche traditionnelle de la place Saint-Pierre. © Sel + Lumière Média, 2023.

Le dimanche 24 décembre, le pape François a prononcé l’homélie de la messe de minuit. Il a déclaré que dans le Christ enfant, « nous voyons, non pas un dieu de colère et de châtiment, mais le Dieu de la miséricorde, qui prend chair et entre dans le monde dans la faiblesse, annoncé par l’annonce : « sur la terre, paix entre ceux qu’il favorise » (Luc 2:14). »

Voici le texte intégral:

SOLENNITÉ DE LA NATIVITÉ DU SEIGNEUR

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Basilique vaticane
Dimanche 24 décembre 2023

Le recensement sur toute la terre (cf. Lc 2, 1). Tel est le contexte dans lequel Jésus est né et sur lequel l’Évangile s’attarde. Il aurait pu l’évoquer rapidement, mais il en parle avec précision. Ce faisant, il met en évidence un fort contraste : tandis que l’empereur compte les habitants du monde, Dieu y entre presque en secret ; tandis que ceux qui commandent cherchent à s’élever parmi les grands de l’histoire, le Roi de l’histoire choisit la voie de la petitesse. Aucun des puissants ne le remarque, seuls quelques bergers, relégués aux marges de la vie sociale.

Mais le recensement en dit plus. Dans la Bible, il n’a pas laissé un bon souvenir. Le roi David, succombant à la tentation des grands nombres et à une prétention malsaine à l’autosuffisance, avait commis un grave péché précisément en recensant le peuple. Il voulait en connaître la force et, en neuf mois environ, il obtint le nombre de ceux qui savaient manier l’épée (cf. 2 S 24, 1-9). Le Seigneur s’indigna et un malheur s’abattit sur le peuple. En cette nuit, cependant, Jésus le “Fils de David”, après neuf mois dans le sein de Marie, naît à Bethléem, la ville de David. Il ne sanctionne pas le recensement et se laisse humblement dénombrer.Un parmi tant d’autres. Nous ne voyons pas un dieu en colère qui châtie, mais le Dieu miséricordieux qui s’incarne, qui entre faible dans le monde, avec la proclamation : « Paix sur la terre aux hommes » (Lc 2, 14) qui le précède. Et notre cœur, ce soir, est à Bethléem, où le Prince de la paix est encore rejeté par la logique perdante de la guerre, avec le fracas des armes qui, aujourd’hui encore, l’empêche de trouver une place dans le monde (cf. Lc 2, 7).

Le recensement de la terre entière, en somme, manifeste d’une part la trame trop humaine qui traverse l’histoire : celle d’un monde en quête de pouvoir et de puissance, de célébrité et de gloire, où tout se mesure à l’aune des réalisations et des résultats, des chiffres et des nombres. C’est l’obsession de la performance. Mais en même temps, dans le recensement, le chemin de Jésus, qui vient nous chercher par l’incarnation, se singularise. Il n’est pas le Dieu de la performance, mais le Dieu de l’incarnation. Il ne renverse pas les injustices d’en haut par la force, mais d’en bas par l’amour ; il ne se déploie pas avec un pouvoir illimité, mais s’immerge dans nos limites ; il n’évite pas nos fragilités, mais les assume.

Frères et sœurs, nous pouvons nous demander cette nuit : en quel Dieu croyons-nous ? Au Dieu de l’incarnation ou au Dieu de la performance ? Oui, parce que il y a un risque de vivre Noël avec en tête une idée païenne de Dieu. Comme s’il était un maître puissant dans le ciel, un dieu lié au pouvoir, au succès mondain et à l’idolâtrie du consumérisme. Toujours revient la fausse image d’un dieu détaché et susceptible, qui se comporte bien avec les bons et se fâche avec les mauvais ; un dieu fait à notre image, utile seulement pour résoudre nos problèmes et supprimer nos maux. Au contraire, Il n’utilise pas de baguette magique, Il n’est pas le dieu commercial du “tout et tout de suite” ; il ne nous sauve pas en appuyant sur un bouton, mais il se fait proche pour changer la réalité de l’intérieur. Et pourtant, combien est ancrée en nous l’idée mondaine d’un dieu distant et contrôleur, rigide et puissant, qui aide les siens à l’emporter sur les autres !Très souvent, cette image est enracinée en nous. Mais il n’en est pas ainsi : il est né pour tous, lors du recensement de toute la terre.

Tournons-nous donc vers le « Dieu vivant et vrai » (1 Th 1, 9) : vers Lui qui est au-delà de tout calcul humain et qui pourtant se laisse recenser par nos comptages ; vers Lui qui révolutionne l’histoire en l’habitant ; vers Lui qui nous respecte jusqu’à nous permettre de le rejeter ; vers Lui qui annule le péché en le prenant sur Lui, qui n’enlève pas la souffrance mais la transforme, qui n’enlève pas les problèmes de nos vies mais qui donne à nos vies une espérance plus grande que les problèmes. Il désire tellement embrasser nos existences que, infini, il devient pour nous fini ; grand, il devient petit ; juste, il habite nos injustices. Frères et sœurs, telle est la merveille de Noël : non pas un mélange d’affections sentimentales et de conforts mondains, mais la tendresse sans précédent de Dieu qui sauve le monde en s’incarnant. Regardons l’Enfant, regardons sa mangeoire, regardons la crèche, que les anges appellent « le signe » (Lc 2, 12) : elle est en effet le signe révélateur du visage de Dieu, qui est compassion et miséricorde, tout-puissant toujours et seulement dans l’amour.Il se fait proche, il se fait proche, tendre et compatissant, c’est la manière d’être de Dieu : proximité, compassion, tendresse.

Sœurs et frères, émerveillons-nous car “il s’est fait chair” (cf. Jn 1, 14). Chair : un mot qui rappelle notre fragilité et que l’Évangile utilise pour nous dire que Dieu est entré au plus profond de notre condition humaine. Pourquoi est-Il allé si loin ? – nous nous demandons –. Parce qu’en nous tout est important pour Lui, parce qu’Il nous aime au point de nous considérer comme plus précieux que tout le reste. Frères et sœurs, pour Dieu qui a changé l’histoire lors du recensement, tu n’es pas un numéro, mais tu es un visage ; ton nom est inscrit dans son cœur. Mais toi, en regardant ton cœur, les performances qui ne sont pas à la hauteur, le monde qui juge et ne pardonne pas, peut-être vis-tu mal ce Noël, en pensant que tu ne fais pas bien, en nourrissant un sentiment d’inadéquation et d’insatisfaction à cause de tes fragilités, de tes chutes, de tes problèmes et de tes péchés. Mais aujourd’hui, s’il te plait, laisse l’initiative à Jésus qui te dit : “C’est pour toi que je me suis fait chair, c’est pour toi que je me suis fait semblable à toi”. Pourquoi restes-tu dans la prison de tes tristesses ? Comme les bergers qui ont laissé leurs troupeaux, laisse l’enclos de tes mélancolies et embrasse la tendresse de l’enfant Dieu. Et fais-le sans masque ni armure, jette en lui tes angoisses et il prendra soin de toi (cf. Ps 55, 23). Lui, qui s’est fait chair, n’attend pas tes performances mais ton cœur ouvert et confiant. Et en Lui tu redécouvriras qui tu es : un fils bien-aimé de Dieu, une fille bien-aimée de Dieu. Maintenant tu peux y croire, car, ce soir, le Seigneur est venu dans la lumière pour illuminer ta vie et ses yeux brillent d’amour pour toi.Nous avons du mal à croire en cela, que les yeux de Dieu brillent d’amour pour nous.

Oui, le Christ ne regarde pas les numéros, mais les visages. Mais qui Le regarde, au milieu des innombrables choses et de la course folle d’un monde toujours affairé et indifférent ? Qui le regarde ? À Bethléem, alors que beaucoup de gens, pris dans l’ivresse du recensement, allaient et venaient, remplissaient les gîtes et les auberges en parlant de choses et d’autres, certains étaient proches de Jésus : Marie et Joseph, les bergers, puis les mages. Apprenons d’eux. Ils ont les yeux fixés sur Jésus, le cœur tourné vers Lui. Ils ne parlent pas, mais ils adorent.Cette nuit, frères et sœurs, est le temps de l’adoration : adorer.

L’adoration est le moyen d’accueillir l’incarnation. Car c’est dans le silence que Jésus, le Verbe du Père, se fait chair dans nos vies. Faisons, nous aussi, comme à Bethléem qui signifie “maison du pain” : tenons-nous devant Lui, Pain de Vie. Redécouvrons l’adoration, car adorer ce n’est pas perdre son temps, mais permettre à Dieu d’habiter notre temps. C’est faire fleurir en nous la semence de l’incarnation, c’est collaborer à l’œuvre du Seigneur qui change le monde comme un levain. Adorer c’est intercéder, réparer, permettre à Dieu de redresser l’histoire. Un grand conteur d’épopées écrivait à son fils : « Je t’offre la seule grande chose à aimer sur terre : le Saint Sacrement. Tu y trouveras le charme, la gloire, l’honneur, la fidélité et le vrai chemin de toutes tes amours sur terre » (J.R.R. Tolkien, Lettre n. 43, mars 1941).

Frères et sœurs, ce soir, l’amour change l’histoire. Fais-nous croire, Seigneur, au pouvoir de ton amour, si différent du pouvoir du monde. Seigneur, fais que comme Marie, Joseph, les bergers et les mages, nous nous rassemblons autour de Toi pour T’adorer. Rendus par Toi plus semblables à Toi, nous pourrons témoigner au monde de la beauté de Ton visage.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 20 décembre 2023

Photo par Omar Trejo sur Cathopic.

Au cours de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François a réfléchi à l’intention de la Nativité vivante de Saint François à Greccio. Il a déclaré que « la crèche est comme un petit puits où l’on peut puiser la proximité de Dieu, source d’espérance et de joie ».

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs,

Il y a 800 ans, à Noël 1223, saint François a réalisé la crèche vivante à Greccio. A l’heure où la crèche se prépare, ou s’achève, dans les maisons et dans de nombreux autres lieux, il est bon que nous redécouvrions ses origines.

Comment est née la crèche? Quelle était l’intention de saint François? Il disait: «Je voudrais représenter l’Enfant né à Bethléem, et voir en quelque sorte avec les yeux du corps les difficultés dans lesquelles il s’est trouvé par manque du nécessaire pour un nouveau-né, comment il a été couché dans une mangeoire et comment il était sur le foin entre le bœuf et l’âne» (Tommaso da Celano, Vita prima, XXX, 84: FF 468). François ne veut pas réaliser une belle œuvre d’art, mais susciter, à travers la crèche, l’émerveillement devant l’extrême humilité du Seigneur, devant les épreuves qu’il a subies, par amour pour nous, dans la pauvre grotte de Bethléem. En effet, le biographe du saint d’Assise note que: «Dans cette scène émouvante, la simplicité évangélique resplendit, la pauvreté est -louée, l’humilité est recommandée. Greccio est devenu comme une nouvelle Bethléem» (ibid., 85). J’ai souligné un terme: l’émerveillement. Et cela est important. Si nous, chrétiens, regardons la crèche comme une belle chose, comme une chose historique, et aussi religieuse, et que nous prions, cela n’est pas suffisant. Devant le mystère de l’incarnation du Verbe, devant la naissance de Jésus, il faut cette attitude religieuse de l’émerveillement. Si devant les mystères, je n’arrive pas à cet émerveillement, ma foi n’est que superficielle; une foi «informatique». N’oubliez pas cela.

C’est une caractéristique de la crèche, qui est comme une école de sobriété. Et cela a beaucoup à nous dire aussi. Aujourd’hui, en effet, le risque de perdre ce qui compte dans la vie est élevé et, paradoxalement, il augmente précisément à Noël — la mentalité change à Noël —: plongés dans un consumérisme qui en corrompt le sens. Le consumérisme de Noël. C’est vrai, on veut faire des cadeaux, c’est bien, c’est une façon de le célébrer, mais cette frénésie d’aller acheter des cadeaux, cela attire l’attention d’un autre côté et ce n’est plus la sobriété de Noël.  Regardons la crèche: cet émerveillement devant la crèche. Parfois, il n’y a pas l’espace intérieur pour l’émerveillement, mais uniquement pour organiser les fêtes, pour faire la fête.

Et la crèche naît pour nous ramener à ce qui compte: à Dieu qui vient habiter parmi nous. Pour cela, il est important de regarder la crèche, parce qu’elle nous aide à comprendre ce qui compte et aussi les relations sociales de Jésus à ce moment, la famille, Joseph et Marie, et les personnes chères, les pasteurs. Les personnes viennent avant les choses. Et souvent, nous plaçons les choses avant les personnes. Cela ne va pas.

Mais la crèche de Greccio, outre la sobriété qu’elle fait voir, parle aussi de joie, car la joie n’est pas la même chose que le divertissement. Mais se divertir n’est pas une mauvaise chose si on le fait en suivant de bons chemins; ce n’est pas une mauvaise chose, c’est une chose humaine. Mais la joie est plus profonde encore, plus humaine. Et parfois, il y a la tentation de se divertir, sans joie; se divertir en faisant du bruit, mais la joie est absente. C’est un peu la figure du pantin qui rit, rit, fait rire, mais son cœur est triste. La joie est la racine d’un sain divertissement pour Noël. Et sur la joie, les chroniques de l’époque disent: «Le jour de l’allégresse arrive, le temps de la joie! François […] est rayonnant […]. Le peuple afflue et se réjouit d’une joie qu’il n’avait jamais goûtée auparavant […]. Tous rentrèrent chez eux emplis d’une joie ineffable» (Vita prima, XXX, 85-86: FF  469-470). La sobriété, l’émerveillement, te conduit à la joie, la vraie joie, pas celle artificielle.

Mais d’où venait cette joie extraordinaire de Noël? Certainement pas du fait d’avoir apporté des cadeaux à la maison ou d’avoir vécu des fêtes somptueuses. Non, c’était la joie qui déborde du cœur quand on touche du doigt la proximité de Jésus, la tendresse de Dieu, qui ne laisse pas seul, mais qui console. Proximité, tendresse et compassion, telles sont les trois attitudes de Dieu. Et en regardant la crèche, en priant devant la crèche, nous pourrions entendre ces choses du Seigneur qui nous aident dans la vie de chaque jour.

Chers frères et sœurs, la crèche est comme un petit puits d’où puiser la proximité de Dieu, source d’espérance et de joie. Elle est comme un Evangile vivant, un Evangile domestique. Elle est comme le puits de la Bible, elle est le lieu de la rencontre, où nous apportons à Jésus, comme l’ont fait les bergers de Bethléem et les habitants de Greccio, elle est comme les attentes et les préoccupations de la vie. Si, devant la crèche, nous confions à Jésus tout ce qui nous est cher, nous éprouverons nous aussi «une très grande joie» (Mt 2, 10), une joie qui vient précisément de la contemplation, de l’esprit d’émerveillement avec lequel je vais contempler ces mystères. Allons devant la crèche. Que chacun regarde et laisse son cœur ressentir quelque chose.


APPEL

J’adresse ma pensée aux victimes et aux blessés qu’a causés le tremblement de terre dévastateur qui, lundi dernier, a frappé les provinces chinoises du Gansu et du Qinghai. Je suis proche par l’affection et la prière des populations qui souffrent, j’encourage les services de secours et j’invoque sur tous la bénédiction du Tout-Puissant, pour qu’Il apporte réconfort et soulagement dans la douleur.

Je salue aussi le groupe de Mediterranea Saving Humans qui est présent ici et qui va en mer sauver les pauvres gens qui fuient l’esclavage de l’Afrique. Ils font un beau travail, ils sauvent beaucoup de gens.

N’oublions pas les personnes, les peuples qui souffrent du mal de la guerre. Les guerres sont toujours une défaite. N’oublions pas cela. Une défaite. Seuls  les fabricants d’armes y gagnent. S’il vous plaît, pensons à la Palestine, à Israël. Pensons à l’Ukraine —  l’ambassadeur est  ici présent — l’Ukraine martyrisée, qui souffre tant. Et pensons aux enfants en guerre, aux choses qu’ils voient. Allons devant la crèche et demandons la paix à Jésus. Il est le prince de la paix.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 13 décembre 2023

Photo par Francois Gha sur Unsplash.

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François a conclu ses catéchèses sur le thème du zèle apostolique, en répétant les paroles de Jésus « à chaque croyant et à son Église : ‘Soyez ouverts’, soyez ouverts parce que le message de l’Évangile a besoin de vous pour en témoigner et pour l’annoncer ! »

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs,

Nous concluons aujourd’hui le cycle consacré au zèle apostolique, au cours duquel la Parole de Dieu nous a inspirés à aider à cultiver la passion pour l’annonce de l’Evangile. Et cela concerne tout chrétien, dès le début. Pensons au fait que dans le  baptême, le célébrant dit, en touchant les oreilles et les lèvres du baptisé: «Que le Seigneur Jésus, qui a fait entendre les sourds et parler les muets, t’accorde d’entendre bientôt sa parole et de professer ta foi».

Et nous avons entendu le prodige de Jésus. L’évangéliste Marc s’attarde à décrire le lieu où cela s’est produit: vers «la mer de Galilée» (Mc 7, 31). Qu’est-ce que ces territoires ont en commun? Le fait d’être  habités majoritairement par des païens. Ce n’était pas des territoires habités par les juifs, mais majoritairement par des païens.  Les disciples sont sortis avec Jésus, qui est capable d’ouvrir les oreilles et la bouche, c’est-à-dire le phénomène du mutisme et de la surdité, qui dans la Bible est également métaphorique, et désigne la fermeture aux appels de Dieu. Il existe une surdité physique, mais dans la Bible, celui qui est sourd à la parole de Dieu est muet, il ne communique pas la Parole de Dieu.

Un autre signe est indicatif: l’Evangile rapporte la parole décisive de Jésus en araméen, effatà, qui  signifie «ouvre-toi», que s’ouvrent les oreilles et que se délie la langue et  c’est une invitation adressée non pas tant au sourd-muet, qui ne pouvait pas l’entendre, mais précisément aux disciples de l’époque et de tous les temps. Nous aussi, qui avons reçu l’effatà de l’Esprit dans le Baptême,  nous sommes appelés à nous ouvrir. «Ouvre-toi», dit Jésus à chaque -croyant et à son Eglise: ouvre-toi parce que le message de l’Evangile a besoin de toi pour être témoigné et proclamé!  Et cela nous fait penser aussi à l’attitude d’un chrétien: le chrétien doit être ouvert à la Parole de Dieu et au service des autres. Les chrétiens fermés finissent mal, toujours, parce qu’ils ne sont pas chrétiens, ce sont des idéologues, des idéologues de la fermeture. Un chrétien doit être ouvert à l’annonce de la Parole, à l’accueil de ses frères et sœurs. Et pour cela, cet effatà, ce «ouvre-toi», est une invitation à nous tous à nous ouvrir.

Même à la fin des Evangiles, Jésus nous livre ce désir missionnaire: allez au-delà, allez paître, allez prêcher l’Evangile.

Frères, sœurs, sentons-nous tous appelés, en tant que baptisés, à témoigner et à annoncer Jésus. Et demandons la grâce, en tant qu’Eglise, de savoir mettre en œuvre une conversion pastorale et missionnaire. Le Seigneur, sur les rives de la mer de Galilée, a demandé à -Pierre s’il l’aimait et lui a ensuite demandé d’être le berger de ses brebis (cf. v. 15-17). Nous aussi, interrogeons-nous, qui chacun de nous se pose cette question, interrogeons-nous: est-ce que j’aime vraiment le Seigneur, au point de vouloir l’annoncer? Est-ce que je veux devenir son témoin ou est-ce que je me contente d’être son disciple? Est-ce que je prends à cœur les personnes que je rencontre, est-ce que je les amène à Jésus dans la prière? Est-ce que je désire faire quelque chose pour que la joie de l’Evangile, qui a transformé ma vie, embellisse aussi la leur? Pensons à cela, pensons à ces questions et allons de l’avant avec notre témoignage.


APPEL

Je continue de suivre avec une profonde préoccupation le conflit en Israël et en Palestine.

Je renouvelle mon appel pour un cessez-le-feu humanitaire immédiat: on souffre beaucoup, là-bas. J’encourage toutes les parties impliquées à reprendre les négociations et je demande à tous de s’engager avec urgence à faire arriver les aides humanitaires à la population de Gaza, qui est à bout de forces et qui en a véritablement besoin.

Que l’on libère immédiatement tous les otages, qui avaient vu une espérance dans la trêve il y a quelques jours. Que cette grande souffrance pour les israéliens et pour les palestiniens finisse.

S’il vous plaît: non aux armes, oui à la paix!

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Conférence des États parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP28): discours du Saint-Père

Le samedi 2 décembre 2023, le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État du Vatican, a prononcé le discours du pape François lors de la conférence COP28 à Dubaï (Émirats Arabes Unis). Le Saint-Père a affirmé que « c’est à cette génération d’écouter le cri des peuples, des jeunes et des enfants, et de jeter les bases d’un nouveau multilatéralisme. Pourquoi ne pas commencer précisément à partir de notre maison commune ? Le changement climatique signale la nécessité d’un changement politique. Sortons de l’étroitesse de l’intérêt personnel et du nationalisme ; ce sont des approches qui appartiennent au passé. Unissons-nous autour d’une vision alternative : cela contribuera à une conversion écologique. »

Voici le texte intégral:

Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire Général des Nations Unies,
Illustres Chefs d’État et de Gouvernement,
Mesdames et Messieurs,

Je ne peux malheureusement pas être présent parmi vous comme je l’aurais voulu, mais je suis avec vous parce que l’heure est grave. Je suis avec vous parce que, aujourd’hui plus que jamais, l’avenir de tous dépend du présent que nous choisissons. Je suis avec vous parce que la dévastation de la création est une offense à Dieu, un péché non seulement personnel mais aussi structurel qui se répercute sur l’être humain, en particulier sur les plus faibles, un grave danger qui pèse sur chacun et risque de déclencher un conflit entre les générations. Je suis avec vous parce que le changement climatique est « un problème social global qui est intimement lié à la dignité de la vie humaine » (Exhort. ap. Laudate Deum, n. 3). Je suis avec vous pour poser la question à laquelle nous sommes appelés à répondre à présent : œuvrons-nous pour une culture de la vie ou bien de la mort ? Je vous le demande de manière pressante : choisissons la vie, choisissons l’avenir ! Écoutons le gémissement de la terre, prêtons attention au cri des pauvres, tendons l’oreille aux espérances des jeunes et aux rêves des enfants ! Nous avons une grande responsabilité : faire en sorte que leur avenir ne soit pas refusé.

Il est avéré que les changements climatiques en cours résultent du réchauffement de la planète, causé principalement par l’augmentation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, provoquée elle-même par l’activité humaine qui est devenue insoutenable pour l’écosystème au cours des dernières décennies. La volonté de produire et de posséder s’est transformée en obsession et a conduit à une avidité sans limite qui a fait de l’environnement l’objet d’une exploitation effrénée. Le climat devenu fou sonne comme une alarme pour stopper ce délire de toute-puissance. Reconnaissons de nouveau avec humilité et courage notre limite comme unique voie pour vivre en plénitude.

Qu’est-ce qui fait obstacle à ce chemin ? Les divisions qui existent entre nous. Mais un monde entièrement connecté, comme celui d’aujourd’hui, ne peut pas être déconnecté de ceux qui le gouvernent, avec des négociations internationales qui « ne peuvent pas avancer de manière significative en raison de la position des pays qui mettent leurs intérêts nationaux au-dessus du bien commun général » (Lett. enc. Laudato sì’, n. 169). Nous assistons à des positions rigides, voire inflexibles, qui tendent à protéger des revenus de particuliers et ceux de leurs entreprises, en se justifiant parfois sur la base de ce que d’autres ont fait dans le passé, avec des renvois périodiques de responsabilité. Mais le devoir auquel nous sommes appelés aujourd’hui ne concerne pas le passé, mais l’avenir ; un avenir qui, qu’on le veuille ou non, sera à tous ou ne sera pas.

Les tentatives de faire retomber la responsabilité sur les nombreux pauvres et sur le nombre de naissances sont particulièrement frappantes. Ce sont des tabous auxquels il faut absolument mettre fin. Ce n’est pas la faute des pauvres puisque près de la moitié du monde la plus pauvre n’est responsable que de 10 % à peine des émissions polluantes, alors que l’écart entre les quelques riches et les nombreux démunis n’a jamais été aussi abyssal. Ces derniers sont en fait les victimes de ce qui se passe : pensons aux populations autochtones, à la déforestation, au drame de la faim, à l’insécurité en eau et alimentaire, aux flux migratoires induits. Les naissances ne sont pas un problème, mais une ressource : elles ne sont pas contre la vie, mais pour la vie, alors que certains modèles idéologiques et utilitaristes, imposés avec des gants de velours aux familles et aux populations, représentent de véritables colonisations. Il ne faut pas pénaliser le développement de nombre pays, déjà chargés de lourdes dettes économiques, mais considérer l’impact de quelques nations, responsables d’une dette écologique inquiétante envers tant d’autres (cf. ibid., nn. 51-52). Il conviendrait de trouver les moyens appropriés pour supprimer les dettes financières qui pèsent sur divers peuples, à la lumière également de la dette écologique qui leur est due.

Mesdames et Messieurs, je me permets de m’adresser à vous, au nom de la maison commune que nous habitons, comme à des frères et sœurs, pour nous poser la question suivante : quelle est la porte de sortie ? Celle que vous emprunter ces jours-ci : la voie qui consiste à être ensemble, le multilatéralisme. En effet, « le monde devient tellement multipolaire, et en même temps tellement complexe, qu’un cadre différent pour une coopération efficace est nécessaire. Il ne suffit pas de penser aux rapports de force […]. Il s’agit d’établir des règles globales et efficaces » (Laudate Deum, n. 42). Il est préoccupant, en ce sens, que le réchauffement de la planète s’accompagne d’un refroidissement général du multilatéralisme, d’une défiance croissante à l’égard de la Communauté internationale, d’une perte de la « conscience commune d’être […] une famille de nations » (S. Jean-Paul II, Discours à la 50ème Assemblée Générale de l’Organisation des Nations Unies, New York, 5 octobre 1995, 14). Il est essentiel de rétablir la confiance, fondement du multilatéralisme.

Cela vaut tant pour la protection de la création que pour la paix : ce sont les questions les plus urgentes et elles sont liées. Combien d’énergie l’humanité gaspille-t-elle dans les si nombreuses guerres en cours, comme en Israël et en Palestine, en Ukraine et en beaucoup d’autres régions du monde : des conflits qui ne résoudront pas les problèmes mais les accroîtront ! Combien de ressources sont-elles gaspillées en armements, qui détruisent des vies et ruinent la maison commune ! Je renouvelle une proposition : « Avec les ressources financières consacrées aux armes ainsi qu’à d’autres dépenses militaires, créons un Fonds mondial, en vue d’éradiquer une bonne fois pour toutes la faim » (Lett. enc. Fratelli tutti, n. 262 ; cf. saint Paul VI, Lett. Enc. Populorum Progressio, n. 51) et mettre en œuvre des activités qui favorisent le développement durable des pays les plus pauvres, en luttant contre le changement climatique.

Il appartient à cette génération de prêter l’oreille aux peuples, aux jeunes et aux enfants pour jeter les bases d’un nouveau multilatéralisme. Pourquoi ne pas commencer par la maison commune ? Les changements climatiques mettent en évidence la nécessité d’un changement politique. Sortons des ornières des particularismes et des nationalismes, ce sont des modèles du passé. Adoptons une vision alternative et commune : elle permettra une conversion écologique, car « il n’y a pas de changement durable sans changement culturel » (Laudate Deum, n. 70). J’assure en cela l’engagement et le soutien de l’Église catholique, active en particulier dans l’éducation et la sensibilisation à la participation commune, ainsi que dans la promotion des styles de vie, car la responsabilité est celle de tous, et celle de chacun est fondamentale.

Sœurs et frères, un changement de rythme qui ne soit pas une modification partielle de cap, mais une nouvelle façon de procéder ensemble, est essentiel. Si sur le chemin de la lutte contre le changement climatique, ouvert à Rio de Janeiro en 1992, l’Accord de Paris a marqué « un nouveau départ » (ibid., n. 47), il faut maintenant relancer la marche. Il est nécessaire de donner un signe d’espoir concret. Que cette COP soit un tournant : qu’elle manifeste une volonté politique claire et tangible, conduisant à une accélération décisive de la transition écologique, à travers des formes qui aient trois caractéristiques : qu’elles soient « efficaces, contraignantes et facilement contrôlables » (ibid., n. 59). Qu’elles soient mises en œuvre dans quatre domaines : l’efficacité énergétique, les sources renouvelables, l’élimination des combustibles fossiles et l’éducation à des modes de vie moins dépendants de ces derniers.

S’il vous plaît : allons de l’avant, ne revenons pas en arrière. Il est bien connu que divers accords et engagements pris « n’ont été que peu mis en œuvre parce qu’aucun mécanisme adéquat de contrôle, de révision périodique et de sanction en cas de manquement, n’avait été établi » (Laudato si’, n. 167). Il s’agit ici de ne plus reporter mais de mettre en œuvre, et de ne pas seulement souhaiter, le bien de vos enfants, de vos citoyens, de vos pays, de notre monde. Soyez les artisans d’une politique qui donne des réponses concrètes et cohérentes, en démontrant la noblesse du rôle que vous jouez, la dignité du service que vous accomplissez. Car c’est à cela que sert le pouvoir, à servir. Il ne sert à rien de préserver aujourd’hui une autorité dont on se souviendra demain que pour son incapacité à intervenir quand cela était urgent et nécessaire (cf. ibid., n. 57). L’histoire vous en sera reconnaissante. De même que les sociétés dans lesquelles vous vivez, au sein desquelles règne une division néfaste entre “supporters” : entre les catastrophistes et les indifférents, entre les écologistes radicaux et les négationnistes du climat… Il ne sert à rien d’entrer dans des factions ; dans ce cas, comme pour la cause de la paix, cela ne mène à aucune solution. C’est la bonne politique qui est la solution : si le sommet donne un exemple concret de cohésion, la base en profitera, là où de très nombreuses personnes, en particulier des jeunes, s’impliquent déjà dans la promotion du soin de la maison commune.

Que 2024 marque un tournant. J’aimerais qu’un événement survenu en 1224, soit de bon augure. Cette année-là, François d’Assise composa le Cantique des créatures. Il le fit après une nuit passée dans la douleur physique, devenu complètement aveugle. Après cette nuit de lutte, porté dans son âme par une expérience spirituelle, il voulut louer le Très-Haut pour ces créatures qu’il ne pouvait plus voir, mais qu’il sentait être ses frères et sœurs, parce que provenant d’un même Père et partagées avec les autres hommes et femmes. Un sentiment inspiré de fraternité le conduisit à transformer la douleur en louange et la peine en engagement. Peu après, il ajouta un verset dans lequel il louait Dieu pour ceux qui pardonnent, et il le fit pour régler – avec succès ! – une querelle scandaleuse entre l’Autorité du lieu et l’évêque. Moi aussi je porte le nom de François, avec un ton vibrant d’une prière, je voudrais vous dire : laissons de côté les divisions et unissons nos forces ! Et, avec l’aide de Dieu, sortons de la nuit des guerres et des dévastations environnementales pour transformer l’avenir commun en une aube de lumière. Merci.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Les intentions du Pape pour le mois de décembre 2023

Rejoignez-nous en prière avec les intentions que nous confie le Pape François.

Pour le mois de décembre, nous prions avec le Pape pour les personnes en situation de handicap :

Prions afin que les personnes en situation de handicap bénéficient de l’attention de la société et que les institutions promeuvent des programmes d’inclusion pour leur participation active.

Écoutez également la Video du Pape sur les intentions de décembre.

Parmi les plus vulnérables d’entre nous, figurent les personnes en situation de handicap.
Certaines d’entre elles souffrent rejet fondé sur l’ignorance o sur des préjugés, ce qui les conduit à être marginalisées.
Les institutions civiles doivent soutenir leurs projets en leur donnant accès à l’éducation, à un emploi et à des espaces où exprimer leur créativité.
Il faut des programmes et des initiatives qui favorisent l’inclusion.
Nous avons surtout besoin de grands cœurs qui aient la volonté de les accompagner.
Nous devons changer un peu notre mentalité pour nous ouvrir aux contributions et aux talents de ces personnes aux capacités différentes, aussi bien dans la société que dans la vie de l’Église.
Ainsi, créer une paroisse pleinement accessible ne signifie pas seulement supprimer les barrières physiques, mais également assumer le fait que nous devons cesser de parler d’ « eux » et commencer à parler de « nous ».
Prions afin que les personnes en situation de handicap bénéficient de l’attention de la société et que les institutions promeuvent des programmes d’inclusion pour leur participation active.

 

Prière quotidienne

Vous pouvez accompagner l’intention de prière du Pape par cette prière d’offrande quotidienne:

Dieu, notre Père, je t’offre toute ma journée.

Je t’offre mes prières, pensées,
paroles, actions, joies
et souffrances en union avec
ton Fils Jésus-Christ
qui continue à s’offrir à toi
dans l’Eucharistie pour le salut du monde.

Que l’Esprit Saint
qui a guidé Jésus,
soit mon guide et ma force
aujourd’hui pour que je puisse témoigner de ton amour.

Avec Marie,
la mère du Seigneur et de l’Église,
je prie spécialement aux intentions
que le Saint-Père recommande
à la prière de tous les fidèles pour ce mois.

Pour en apprendre plus sur l’Apostolat de la Priere, visitez le site du Réseau Mondial de la Prière.

 

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