Audience générale du pape François – mercredi 4 décembre 2024

Jean Chrysostome d’Antioche, qui reste l’un des prédicateurs les plus célèbres de l’histoire chrétienne. Son homélie de Pâques est particulièrement remarquable. Mosaïque provenant de Sainte-Sophie. Image de Wikimedia Commons.

Dans sa catéchèse hebdomadaire, le pape François a réfléchi à la puissance de l’Esprit Saint dans l’évangélisation et la prédication. Il a déclaré que « prêcher avec l’onction de l’Esprit Saint signifie transmettre, en même temps que les idées et la doctrine, la vie et la conviction de notre foi ».

Lisez le texte intégral ci-dessous. Vous pouvez également regarder l’intégralité de l’émission ce soir à 19h30 HE soit 16h30 HP sur Sel + Lumière TV et sur Sel + Lumière Plus.

Chers frères et sœurs, bonjour !

Après avoir réfléchi sur l’action sanctifiante et charismatique de l’Esprit, nous consacrons cette catéchèse à un autre aspect : l’œuvre évangélisatrice de l’Esprit Saint, c’est-à-dire à son rôle dans la prédication de l’Église.

La Première Lettre de Saint Pierre définit les apôtres comme “ceux qui ont annoncé l’Évangile par l’Esprit Saint” (cf. 1,12). Dans cette expression, nous trouvons les deux éléments constitutifs de la prédication chrétienne : son contenu, qui est l’Évangile, et son vecteur, qui est l’Esprit Saint. Parlons de l’un et de l’autre.

Dans le Nouveau Testament, le mot “Évangile” a deux significations principales. Il peut se référer à l’un des quatre Évangiles canoniques : Matthieu, Marc, Luc et Jean, et dans ce sens, l’Évangile signifie la bonne nouvelle proclamée par Jésus durant sa vie terrestre. Après Pâques, le mot “Évangile” prend le sens nouveau de bonne nouvelle concernant Jésus, à savoir le mystère pascal de la mort et de la résurrection du Seigneur. C’est ce que l’Apôtre appelle “Évangile” lorsqu’il écrit : « Je n’ai pas honte de l’Évangile, car c’est la puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit » (Rm 1,16).

La prédication de Jésus, et plus tard celle des Apôtres, contient également tous les devoirs moraux qui découlent de l’Évangile, en commençant par les dix commandements et en terminant par le commandement “nouveau” de l’amour. Mais si nous ne voulons pas retomber dans l’erreur dénoncée par l’apôtre Paul de faire passer la loi avant la grâce et les œuvres avant la foi, nous devons toujours repartir de la proclamation de ce que le Christ a fait pour nous. C’est pourquoi l’Exhortation apostolique Evangelii gaudium, insiste tant sur la première des deux, c’est-à-dire sur le kerygme, ou “proclamation”, dont dépend toute application morale.

En effet, « dans la catéchèse, la première annonce ou “kérygme” a un rôle fondamental, qui doit être au centre de l’activité évangélisatrice et de tout objectif de renouveau ecclésial. […] Quand nous disons que cette annonce est “la première”, cela ne veut pas dire qu’elle se trouve au début et qu’après elle est oubliée ou remplacée par d’autres contenus qui la dépassent. Elle est première au sens qualitatif, parce qu’elle est l’annonce principale, celle que l’on doit toujours écouter de nouveau de différentes façons et que l’on doit toujours annoncer de nouveau durant la catéchèse sous une forme ou une autre, à toutes ses étapes et ses moments. […] On ne doit pas penser que dans la catéchèse le kérygme soit abandonné en faveur d’une formation qui prétendrait être plus “solide”. Il n’y a rien de plus solide, de plus profond, de plus sûr, de plus consistant et de plus sage que cette annonce » (nn. 164-165) c’est-à-dire du kérygme.

Jusqu’à présent, nous avons vu le contenu de la prédication chrétienne. Cependant, nous devons également garder à l’esprit le vecteur de l’annonce. L’Évangile doit être prêché « par l’Esprit Saint » (1 P 1,12). L’Église doit faire exactement ce que Jésus a dit au début de son ministère public : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres » (Lc 4,18). Prêcher avec l’onction de l’Esprit Saint signifie transmettre, en même temps que les idées et la doctrine, la vie et la conviction de notre foi. Cela signifie s’appuyer non pas sur « les discours persuasifs de sagesse, mais sur la manifestation de l’Esprit et de sa puissance » (1 Co 2,4), comme l’écrivait Saint Paul.

Facile à dire – pourrait-on objecter – mais comment le mettre en pratique si cela ne dépend pas de nous, mais de la venue de l’Esprit Saint ? En fait, il y a une chose qui dépend de nous, en fait deux, et je vais les mentionner brièvement. La première est la prière. L’Esprit Saint vient sur ceux qui prient, parce que le Père céleste – c’est écrit – « donne l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent » (Lc 11,13), surtout quand on le lui demande pour annoncer l’Évangile de son Fils ! Quel malheur de prêcher sans prier ! On devient ce que l’Apôtre appelle « un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante » (cf. 1 Co 13, 1).

Par conséquent, la première chose qui dépend de nous est de prier. Afin que vienne l’Esprit-Saint. La seconde est de ne pas vouloir nous prêcher nous-mêmes, mais Jésus le Seigneur (cf. 2 Co 4,5).

Cela concerne la prédication. Il y a parfois de longs sermons, 20 minutes, 30 minutes… Mais s’il vous plaît, les prédicateurs doivent prêcher une idée, une émotion et une incitation à l’action. Au-delà de huit minutes, la prédication s’estompe, elle n’est pas comprise. Et cela, je le dis aux prédicateurs… [applaudissements] Je vois que vous aimez entendre cela ! Nous voyons parfois des hommes qui, lorsque le sermon commence, sortent fumer une cigarette et reviennent ensuite. S’il vous plaît, le sermon doit être une idée, une émotion et une proposition d’action. Et ne dépassez jamais dix minutes. C’est très important.

La deuxième chose – je vous le disais – c’est de ne pas nous prêcher nous-mêmes, mais de prêcher le Seigneur. Il n’est pas nécessaire d’insister sur ce point, car toute personne engagée dans l’évangélisation sait bien ce que signifie concrètement ne pas se prêcher soi-même. Je me limiterai à une application particulière de cette exigence. Ne pas vouloir se prêcher soi-même implique aussi de ne pas toujours privilégier les initiatives pastorales promues par nous et liées à notre propre nom, mais de collaborer volontiers, si on nous le demande, à des initiatives communautaires, ou qui nous sont confiées ainsi par obéissance.

Que l’Esprit Saint nous aide, nous accompagne et enseigne à l’Église à prêcher ainsi l’Évangile aux hommes et aux femmes de ce temps ! Je vous remercie.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

 

Audience générale du pape François – mercredi 27 novembre 2024

Photo Pexels

Dans sa catéchèse hebdomadaire, le pape François s’est penché sur les fruits de l’Esprit. En commençant par la joie, il a déclaré que « non seulement elle n’est pas soumise à l’usure inévitable du temps, mais elle se multiplie lorsqu’elle est partagée avec d’autres ! La vraie joie se partage avec les autres, elle se répand même ».

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Chers frères et sœurs, bonjour !

Après avoir parlé de la grâce sanctifiante et des charismes, je voudrais m’arrêter aujourd’hui sur une troisième réalité. La première est la grâce sanctifiante ; la seconde, les charismes et quelle est la troisième ? Une réalité liée à l’action de l’Esprit Saint : les “fruits de l’Esprit”. Une chose étrange. Quel est le fruit de l’Esprit ? Saint Paul en propose une liste dans la lettre aux Galates. Il écrit ainsi, prêtez attention : « Voici le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi. » (5,22). Neuf ; ce sont les “fruits de l’Esprit”. Mais quel est ce “fruit de l’Esprit” ?

À la différence des charismes, que l’Esprit donne à qui il veut et quand il veut pour le bien de l’Église, les fruits de l’Esprit – je répète : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi – sont le résultat d’une collaboration entre la grâce et notre liberté. Ces fruits expriment toujours la créativité de la personne, en qui « la foi opère par la charité » (Ga 5,6), parfois de manière surprenante et joyeuse. Dans l’Église, tout le monde ne peut pas être apôtre, tout le monde ne peut pas être prophète, tout le monde ne peut pas être évangéliste, pas tous ; mais tout le monde indistinctement peut et doit être charitable, patient, humble, artisan de paix, et ainsi de suite. Mais nous tous, oui, nous devons être charitables, nous devons être patients, nous devons être humbles, nous devons être des artisans de la paix et non de guerres.

Parmi les fruits de l’Esprit énumérés par l’Apôtre, je voudrais en souligner un, en rappelant les premiers mots de l’exhortation apostolique Evangelii gaudium : « La joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. Ceux qui se laissent sauver par Lui sont libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement. Avec Jésus la joie naît et renaît toujours. » (n. 1). Mais parfois [il y aura] des moments tristes, mais toujours il y a la paix. Avec Jésus, il y a la joie et la paix.

La joie, fruit de l’Esprit, a en commun avec toutes les autres joies humaines un certain sentiment de plénitude et d’accomplissement, qui fait désirer qu’elle dure toujours. Nous savons par expérience qu’il n’en est rien, car tout ici-bas passe vite : Tout passe vite. Réfléchissons ensemble : la jeunesse, la jeunesse – elle passe vite -, la santé, la force, le bien-être, les amitiés, les amours… Elles durent cent ans, mais ensuite… plus rien. Tout passe vite. D’ailleurs, même si ces choses ne passent pas vite, au bout d’un certain temps elles ne suffisent plus, voire elles ennuient, car, comme le disait saint Augustin à Dieu : « Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos jusqu’à ce qu’il se repose en toi… » [1]. Il y a l’inquiétude du cœur pour chercher la beauté, la paix, l’amour, la joie.

La joie de l’Évangile, la joie évangélique, à la différence de toute autre joie, peut se renouveler chaque jour et devenir contagieuse. « C’est seulement grâce à cette rencontre – ou nouvelle rencontre – avec l’amour de Dieu, qui se convertit en heureuse amitié, que nous sommes délivrés de notre conscience isolée et de l’auto-référence. […] Là se trouve la source de l’action évangélisatrice. Parce que, si quelqu’un a accueilli cet amour qui lui redonne le sens de la vie, comment peut-il retenir le désir de le communiquer aux autres ? » (Evangelii gaudium, 8). Telle est la double caractéristique de la joie, fruit de l’Esprit : non seulement elle n’est pas soumise à l’inévitable usure du temps, mais elle se démultiplie dans le partage avec les autres ! La vraie joie se partage avec les autres ; elle est également contagieuse.

Il y a cinq siècles, vivait à Rome un saint – ici à Rome – appelé Philippe Néri. Il est entré dans l’histoire comme le saint de la joie. Ecoutez bien ceci : le saint de la joie. Aux enfants pauvres et abandonnés de son Oratoire, il disait : “Mes enfants, soyez joyeux ; je ne veux pas de scrupules ni de mélancolie ; il me suffit que vous ne péchiez pas”. Et encore : “ Soyez bons, si vous le pouvez !”. Ce que l’on connaît moins, en revanche, c’est la source de sa joie. Saint Philippe Neri avait un tel amour pour Dieu qu’il semblait parfois que son cœur allait éclater dans sa poitrine. Sa joie était, au sens le plus large, un fruit de l’Esprit. Le saint participa au Jubilé de 1575, qu’il enrichit de la pratique, maintenue par la suite, de la visite des Sept Églises. Il fut, en son temps, un véritable évangélisateur grâce à la joie. Et il avait cela, précisément comme Jésus qui pardonnait toujours, qui pardonnait tout. Peut-être certains d’entre nous pensent-ils : “Mais j’ai commis tel péché, et il ne me sera pas pardonné… ” Écoutez bien ceci : Dieu pardonne tout, Dieu pardonne toujours. Et c’est cela la joie : être pardonné par Dieu. Et aux prêtres et aux confesseurs, je dis toujours : “Pardonnez tout, ne demandez pas trop ; mais pardonnez tout, tout, et toujours”.

Le mot “Évangile” signifie bonne nouvelle. C’est pourquoi on ne peut pas communiquer avec des mines tirées et un visage sombre, mais avec la joie de celui qui a trouvé le trésor caché et la perle précieuse. Nous nous souvenons de l’exhortation que Saint Paul a adressée aux fidèles de l’Église de Philippes, et maintenant à nous tous – et que nous avons entendu dès le début – : « Soyez toujours dans la joie du Seigneur ; je le redis : soyez dans la joie. Que votre bienveillance soit connue de tous les hommes » (Ph 4, 4-5).

Chers frères et sœurs, soyez dans la joie avec la joie de Jésus dans notre cœur. Je vous remercie.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

 

Pour une unité entre les chrétiens plus « artisanale »

living-water-jesus-christ-610290-wallpaper1Quand je pense à la semaine de prière pour l’unité des chrétiens, que nous vivons cette semaine, il y a une conversation qui revient sans cesse à ma mémoire. Il y a quelques années, alors que je me retrouvais dans un café, j’ai reçu l’appel d’une amie, qui était, elle aussi, catholique. Notre conversation est passée par plusieurs chemins, mais nous nous sommes arrêtées longtemps sur notre vie de foi. Notre échange était simple, facile et encourageant. Grâce à cet appel, j’étais remplie de joie et je me sentais revigorée.

M’apprêtant à repartir, et passant devant une dame qui était assise près de moi, celle-ci m’a interrompu.  Elle avait entendu des bouts de ma conversation au téléphone avec mon amie et se réjouissait de rencontrer une jeune chrétienne. Nous nous sommes lancés dans une conversation sur la foi, en parlant de nos églises, de la prière, de notre relation avec le Christ. Il y avait un véritable désir de communion. Mais ce qui au départ semblait nous unir est subitement devenu un point de divergence. Au lieu de conclure dans la paix et la reconnaissance de l’autre, ça s’est terminé dans un tête-à-tête où ni l’une ni l’autre ne voulait céder.

L’Église nous propose, durant cette semaine de prière pour l’unité des chrétiens, de réfléchir sur le sens du récit de la rencontre entre la Samaritaine et Jésus au puits de Jacob (Jean 4, 1-42). Tiré du texte est le thème pour cette année : Jésus dit à la femme : « Donne-moi à boire ». Ce qui est au départ une rencontre inhabituelle, un dialogue incertain du point de vue de la femme, devient le point tournant dans la vie de la Samaritaine. Jésus va jusqu’au bout de la vérité sur cette femme. Par cette échange, elle est ensuite capable de reconnaitre la vérité sur Jésus, sur son identité de Messie. Profondément changée par cet évènement, elle l’annonce aux gens autour d’elle.

On a soif, comme la Samaritaine et comme Jésus, de cette reconnaissance. Elle est même nécessaire, selon le pape François, puisqu’elle nous révèle un peu plus du mystère de Dieu. Dans son exhortation apostolique Evangelii Gaudium, il dit « Et si vraiment nous croyons en la libre et généreuse action de l’Esprit, nous pouvons apprendre tant de choses les uns des autres! Il ne s’agit pas seulement de recevoir des informations sur les autres afin de mieux les connaître, mais de recueillir ce que l’Esprit a semé en eux comme don aussi pour nous ». On pourrait alors en tiré la conclusion suivante : ce que l’Esprit a semé en nous peut aussi être don pour les autres.

Le dialogue entre les chrétiens peut parfois être angoissant. Comme dans tout dialogue, on peut faire face au rejet voir jusqu’au mépris. Jésus a risqué cette humiliation lorsqu’il s’est arrêté pour demander à boire à la Samaritaine. Ce que le texte nous apprend, et auquel nous sommes invités, c’est que l’unité entre les chrétiens est rendue possible lorsque nous risquons, comme Jésus, de faire le premier pas.

Si je pouvais retourner en arrière, reprendre cette conversation avec cette femme, et dialoguer avec elle dans l’humilité plutôt que dans la peur, je pourrais plutôt m’émerveiller devant l’œuvre de Dieu dans sa vie plutôt que de lui imposer mes attentes et mes propres normes. Mais nous n’arriverions pas, du premier coup, à trouver l’unité parfaite ce qui restera, pour tous les chrétiens, un travail long et « artisanale » (Evangelii Gaudium, 244), comme le dit le pape François.

De plus, la recherche de l’unité entre les chrétiens doit s’étendre à nos relations avec toutes les églises chrétiennes. En novembre dernier, nous avons célébré le 50e anniversaire du décret sur l’œcuménisme, pour la restauration de l’unité entre les chrétiens, qui est paru suite au Concile Vatican II. La conférence des évêques du Canada a même publié un document, « Une Église en dialogue », qui donne un compte rendu des progrès mais aussi des défis qui apparaissent dans le dialogue œcuménique depuis le Concile jusqu’à aujourd’hui. Le document évoque d’ailleurs le rôle de la prière pour et avec d’autres chrétiens. Cette prière, comme on l’affirme, peut renforcer notre désir de communion et soutenir notre dialogue.

Je dois laisser le dernier mot au pape François qui nous rappelle que « nous sommes pèlerins, et que nous pérégrinons ensemble. Pour cela il faut confier son cœur au compagnon de route sans méfiance, sans méfiance, et viser avant tout ce que nous cherchons : la paix dans le visage unique de Dieu » (Evangelii Gaudium, 244).

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