Intentions de prière du pape François pour le mois d’avril 2017: Les jeunes

Je sais que vous, les jeunes, vous ne voulez pas vivre dans l’illusion d’une liberté soumise à la mode actuelle, que vous voulez viser plus haut. Ai-je tort ou raison ?

Une Église au service de la jeunesse

CNS/Reuters

Depuis quelques semaines déjà, nous avons amorcé une lecture approfondie du document préparatoire au Synode des évêques sur « Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel». Je vous propose de parcourir, aujourd’hui, l’aspect vocationnel du document en soulignant, non seulement, les raisons du souci de l’Église pour la cause des jeunes mais également les intuitions qui la portent à aller à leur rencontre et à les accompagner dans leur cheminement.

Une préoccupation humaine et divine

Il est évident que la première préoccupation de l’Église soit celle de Dieu Lui-même désirant une communion nouvelle avec l’humanité ! En effet, en nous donnant son Fils unique, « pierre angulaire » et « Époux de l’Église », Dieu a voulu que l’humanité renoue avec sa vocation originelle à l’Amour et au don de soi. L’Église ne peut donc pas seulement « attendre que jeunesse se passe ». Elle doit y être plongée et se faire jeune avec les jeunes.

Cette préoccupation de la jeunesse, l’Église la vit également du point de vue humain. Comment ne pas être à l’écoute des difficultés que traversent les jeunes d’aujourd’hui ? Comment rester insensible à leur réalité c’est-à-dire à « leurs joies et leurs espoirs, leurs tristesses et leurs angoisses » ! À l’image du cœur de Jésus, l’Église cherche les différentes voies qui l’aideront à être solidaire de la jeunesse.

Un potentiel surprenant à découvrir

Pour aller à la rencontre des jeunes, le Peuple de Dieu dans son ensemble, doit avoir la conviction de l’action invisible de l’Esprit qui prépare les cœurs. Nous ne devons pas trop nous conforter dans nos propres plans et stratégies qui mettent souvent des obstacles à ce Dieu « qui surprend ». Enfin, nous devons prendre garde à ni sous-estimer la force des vérités révélées ni sous-estimer l’intelligence des jeunes qui nous sont confiés. ; ce que nous faisons souvent lorsque nous essayons, par souci d’adaptation immodéré, de diluer le message pour le rendre accessible.

Au contraire, suivant une pédagogie similaire à celle de Dieu dans l’Ancien Testament, l’Église doit aider les jeunes à découvrir les dons mais également la flamme qui demeure en eux qu’ils doivent allumer et alimenter tout au long de leur vie. Cette flamme, c’est la vie divine qui ne demande qu’à grandir et, ce, à une vitesse souvent encore plus rapide que la croissance physique !

Accompagner pour mieux aimer

Pour ce faire, tous les membres de l’Église doivent se mettre à la tâche en acceptant que cet accompagnement qui est dû aux jeunes soit un apprentissage d’une « liberté humaine authentique ». Nous devons donc manifester l’urgence des choix qui doivent être faits durant cette étape de la vie, sans toutefois choisir à leur place. Cette logique de l’accompagnement, le document nous la présente dans une perspective magnifique :

« L’Esprit parle et agit à travers les événements de la vie de chacun, mais les événements par eux-mêmes sont muets ou ambigus, dans la mesure où on peut leur donner des interprétations diverses. Éclairer leur signification en vue d’une décision requiert un itinéraire de discernement. Les trois verbes qui le décrivent dans Evangelii gaudium, 51 – reconnaître, interpréter et choisir – peuvent nous aider à définir un itinéraire adapté tant aux individus qu’aux groupes et communautés, en sachant que, dans la pratique, les frontières entre les diverses phases ne sont jamais aussi nettes. »

Ce chemin vers le synode d’octobre prochain ne fera qu’intensifier les discussions sur ce thème de la jeunesse et du discernement vocationnel. Cette réflexion préparatoire peut être perçue comme un chemin personnel de conversion aux besoins de plus en plus urgents d’une jeunesse qui parfois souffre de la pauvreté la plus grave qui soit, le vide existentiel. Ainsi, parce qu’aimer implique le désir que chaque personne accomplisse son plein potentiel et sa vocation au don total d’elle-même, nous devons, avec le pape François, nous mettre à l’écoute de cette jeunesse qui, bien qu’elle refuse souvent de l’admettre, désire ardemment que l’on s’occupe d’elle.

Église en sortie 31 mars 2017

Cette semaine à Église en sortie, nous vous présentons une entrevue avec Norman Lévesques, Directeur du Réseau des Églises vertes qui nous parle de la dimension écologique de l’enseignement chrétien. On vous présente un reportage sur la Journée de réflexion sur la pastorale sociale à Notre-Dame du Cap organisée par l’Assemblée des évêques catholiques du Québec. Dans la troisième partie de l’émission, Francis Denis s’entretient avec Mgr Jean-Pierre Blais sur la réalité pastorale de son église particulière.

Discours du pape François lors de l’audience avec les chefs d’États et de gouvernement de l’Union Européenne

Honorables hôtes,
Je vous remercie de votre présence, ce soir, à la veille du 60ème anniversaire de la signature des Traités fondateurs de la Communauté Economique Européenne et de la Communauté Européenne de l’Energie Atomique. Je désire signifier à chacun l’affection que le Saint Siège nourrit pour vos pays respectifs et pour toute l’Europe, aux destins desquels il est indissolublement lié, par disposition de la Providence divine. J’exprime une gratitude particulière à Monsieur Paolo Gentiloni, Président du Conseil des Ministres de la République italienne, pour les aimables paroles qu’il a adressées au nom de tous et pour l’engagement que l’Italie a prodigué pour préparer cette rencontre ; de même qu’à Monsieur Antonio Tajani, Président du Parlement européen, qui a exprimé les attentes des peuples de l’Union en cette occasion.

Revenir à Rome 60 ans après ne peut être seulement un voyage dans les souvenirs, mais bien plutôt le désir de redécouvrir la mémoire vivante de cet évènement pour en comprendre la portée dans le présent. Il faut se resituer dans les défis de l’époque pour affronter ceux d’aujourd’hui et de demain. Avec ses récits pleins d’évocations, la Bible nous offre une méthode pédagogique fondamentale : on ne peut pas comprendre le temps que nous vivons sans le passé, compris non pas comme un ensemble de faits lointains, mais comme la sève vitale qui irrigue le présent. Sans une telle conscience la réalité perd son unité, l’histoire son fil logique et l’humanité perd le sens de ses actions et la direction de son avenir.

Le 25 mars 1957 fut une journée chargée d’attentes et d’espérances, d’enthousiasme et d’anxiété, et seul un événement exceptionnel, par sa portée et ses conséquences historiques, pouvait la rendre unique dans l’histoire. La mémoire de ce jour s’unit aux espérances d’aujourd’hui et aux attentes des peuples européens qui demandent de discerner le présent afin de poursuivre, avec un élan renouvelé et avec confiance, le chemin commencé.

Les Pères fondateurs et les Responsables étaient bien conscients que, apposant leur signature sur les deux Traités, ils donnaient vie à cette réalité politique, économique, culturelle, mais surtout humaine, que nous appelons aujourd’hui l’Union Européenne. D’autre part, comme le disait le Ministre des Affaires Etrangères belge Spaak, il s’agissait, « c’est vrai, du bien-être matériel de nos peuples, de l’expansion de nos économies, du progrès social, de possibilités industrielles et commerciales totalement nouvelles, mais avant tout […] [d’] une conception de la vie à la mesure de l’homme fraternel et juste »[1].

Après les années sombres et cruelles de la Seconde Guerre Mondiale, les Responsables de l’époque ont eu foi en la possibilité d’un avenir meilleur, ils « n’ont pas manqué d’audace et n’ont pas agi trop tard. Le souvenir de leurs malheurs et peut-être aussi de leurs fautes semble les avoir inspirés, leur a donné le courage nécessaire pour oublier les vieilles querelles, […] penser et agir de manière vraiment nouvelle et pour réaliser la plus grande transformation […] de l’Europe »[2].

Les Pères fondateurs nous rappellent que l’Europe n’est pas un ensemble de règles à observer, elle n’est pas un recueil de protocoles et de procédures à suivre. Elle est une vie, une manière de concevoir l’homme à partir de sa dignité transcendante et inaliénable, et non pas seulement comme un ensemble de droits à défendre, ou de prétentions à revendiquer. A l’origine de l’idée d’Europe il y a « la figure et la responsabilité de la personne humaine avec son ferment de fraternité évangélique, […] avec sa volonté de vérité et de justice aiguisée par une expérience millénaire »[3]. Rome, avec sa vocation à l’universalité[4], est le symbole de cette expérience et pour cette raison fut choisie comme lieu de la signature des Traités, puisque ici – comme le rappela le Ministre des Affaires Etrangères Hollandais Luns – « furent jetées […] les bases politiques, juridiques et sociales de notre civilisation »[5].

S’il fut clair dès le début que le cœur palpitant du projet politique européen ne pouvait qu’être l’homme, le risque que les Traités restent lettre morte fut aussi évident. Ceux-ci devaient être remplis d’esprit vital. Et le premier élément de la vitalité européenne est la solidarité. «La Communauté économique européenne – a affirmé le Premier Ministre luxembourgeois Bech – ne vivra et ne réussira que si, tout au long de son existence, elle reste fidèle à l’esprit de solidarité européenne qui l’a fait naître et si la volonté commune de l’Europe en gestation est plus puissante que les volontés nationales »[6]. Cet esprit est d’autant plus nécessaire aujourd’hui devant les poussées centrifuges comme aussi devant la tentation de réduire les idéaux fondateurs de l’Union aux nécessités productives, économiques et financières.

La capacité de s’ouvrir aux autres naît de la solidarité. « Nos plans ne sont pas égoïstes »[7], a dit le Chancelier allemand Adenauer. Le Ministre des Affaires Etrangères français Pineau lui faisait écho: « Sans doute, les pays en s’unissant […] n’entendent pas s’isoler du reste du monde et dresser autour d’eux des barrières infranchissables »[8]. Dans un monde qui connaissait bien le drame des murs et des divisions, l’importance de travailler pour une Europe unie et ouverte était bien claire, ainsi que la volonté commune d’œuvrer pour supprimer cette barrière artificielle qui, de la Mer Baltique à l’Adriatique divisait le continent. Comme on a peiné pour faire tomber ce mur ! Et cependant aujourd’hui le souvenir de cette peine s’est perdu. S’est perdue aussi la conscience du drame des familles séparées, de la pauvreté et de la misère que cette division avait provoquées. Là où des générations aspiraient à voir tomber les signes d’une inimitié forcée, on se demande maintenant comment laisser au dehors les « dangers » de notre époque : en commençant par la longue file des femmes, hommes et enfants qui fuient la guerre et la pauvreté, qui demandent seulement la possibilité d’un avenir pour soi et pour leurs familles.

Dans l’absence de mémoire qui caractérise notre temps, on oublie souvent une autre grande conquête, fruit de la solidarité ratifiée le 25 mars 1957 : le temps de paix le plus long des derniers siècles. Des « peuples qui si souvent au cours des temps se sont trouvés dans des camps opposés, dressés les uns contre les autres sur le champ de bataille, […] se rejoignent et s’unissent à travers la richesse de leur diversité »[9]. La paix se construit toujours avec la participation libre et consciente de chacun. Cependant, « pour beaucoup aujourd’hui la paix semble [être], de quelque manière, un bien établi »[10] et il est ainsi facile de finir par la considérer superflue. Au contraire, la paix est un bien précieux et essentiel puisque sans elle on ne peut construire un avenir pour personne et on finit par “vivre au jour le jour”.

L’Europe unie naît, en effet, d’un projet clair, bien défini, correctement réfléchi, bien qu’au début seulement embryonnaire. Tout bon projet regarde vers l’avenir et l’avenir ce sont les jeunes, appelés à réaliser les promesses de l’avenir[11]. Il y avait donc chez les Pères fondateurs la claire conscience de faire partie d’une œuvre commune qui ne traverse pas seulement les frontières des Etats mais traverse aussi celles du temps de manière à lier les générations entre elles, toutes également participantes de la construction de la maison commune.

Honorables hôtes,
J’ai consacré cette première partie de mon intervention aux Pères de l’Europe, pour que nous nous laissions provoquer par leurs paroles, par l’actualité de leur pensée, par l’engagement passionné pour le bien commun qui les a caractérisés, par la certitude de faire partie d’une œuvre plus grande que leurs personnes et par la grandeur de l’idéal qui les animait. Leur dénominateur commun était l’esprit de service, uni à la passion politique et à la conscience qu’ « à l’origine de [cette] civilisation européenne se trouve le christianisme »[12], sans lequel les valeurs occidentales de dignité, de liberté, et de justice deviennent complètement incompréhensibles. « Et encore aujourd’hui – a affirmé saint Jean-Paul II – l’âme de l’Europe demeure unie, parce que, au-delà de ses origines communes, elle vit les mêmes valeurs chrétiennes et humaines, comme celles de la dignité de la personne humaine, du profond sentiment de la justice et de la liberté, du travail, de l’esprit d’initiative, de l’amour de la famille, du respect de la vie, de la tolérance, du désir de coopération et de paix, qui sont les notes qui la caractérisent »[13]. Dans notre monde multiculturel ces valeurs continueront à trouver plein droit de cité si elles savent maintenir leur lien vital avec la racine qui les a fait naître. Dans la fécondité d’un tel lien se trouve la possibilité de construire des sociétés authentiquement laïques, exemptes d’oppositions idéologiques, où trouvent également place le natif et l’autochtone, le croyant et le non croyant.

Au cours de ces dernières 60 années le monde a beaucoup changé. Si les Pères fondateurs, qui avaient survécu à un conflit dévastateur, étaient animés par l’espérance d’un avenir meilleur et déterminés par la volonté de le poursuivre, en évitant que surgissent de nouveaux conflits, notre époque est davantage dominée par l’idée de crise. Il y a la crise économique, qui a caractérisé les 10 dernières années, il y a la crise de la famille et des modèles sociaux consolidés, il y a une diffuse “crise des institutions” et la crise des migrants : beaucoup de crises, qui cachent la peur et le désarroi profond de l’homme contemporain, qui demande une nouvelle herméneutique pour l’avenir. Cependant, le terme “crise” n’a pas en soi une connotation négative. Il n’indique pas seulement un mauvais moment à dépasser. Le mot crise a pour origine le verbe grec crino (κρίνω), qui signifie examiner, évaluer, juger. Notre temps est donc un temps de discernement, qui nous invite à évaluer l’essentiel et à construire sur lui : c’est donc un temps de défis et d’opportunités.

Quelle est alors l’herméneutique, la clef d’interprétation avec laquelle nous pouvons lire les difficultés du présent et trouver des réponses pour l’avenir ? Le rappel de la pensée des Pères serait, en effet, stérile s’il ne servait pas à nous indiquer un chemin, s’il ne se faisait pas stimulation pour l’avenir et source d’espérance. Tout corps qui perd le sens de son chemin, tout corps à qui vient à manquer ce regard en avant, souffre d’abord d’une régression et finalement risque de mourir. Quel est donc l’héritage des Pères fondateurs ? Quelles perspectives nous indiquent-ils pour affronter les défis qui nous attendent? Quelle espérance pour l’Europe d’aujourd’hui et de demain ?

Nous trouvons les réponses précisément dans les piliers sur lesquels ils ont voulu édifier la Communauté économique européenne et que j’ai déjà rappelés : la centralité de l’homme, une solidarité effective, l’ouverture au monde, la poursuite de la paix et du développement, l’ouverture à l’avenir. Il revient à celui qui gouverne de discerner les voies de l’espérance, d’identifier les parcours concrets pour faire en sorte que les pas significatifs accomplis jusqu’ici ne se perdent pas, mais soient le gage d’un long et fructueux chemin.

L’Europe retrouve l’espérance lorsque l’homme est le centre et le cœur de ses institutions. J’estime que cela implique l’écoute attentive et confiante des requêtes qui proviennent aussi bien des individus que de la société et des peuples qui composent l’Union. Malheureusement, on a souvent l’impression qu’est en cours un ‘‘décrochage affectif’’ entre les citoyens et les institutions européennes, souvent considérées comme lointaines et pas attentives aux diverses sensibilités qui constituent l’Union. Affirmer la centralité de l’homme signifie aussi retrouver l’esprit de famille, dans lequel chacun contribue librement selon ses propres capacités et talents à [l’édification de] la maison commune. Il est opportun de se souvenir que l’Europe est une famille de peuples[14], que – comme dans chaque famille – il y a des susceptibilités différentes, mais que tous peuvent grandir dans la mesure où on est unis. L’Union Européenne naît comme unité des différences et unité dans les différences. Les particularités ne doivent donc pas effrayer, et on ne peut penser que l’unité soit préservée par l’uniformité. Elle est plutôt l’harmonie d’une communauté. Les Pères fondateurs ont choisi justement ce terme comme le pivot des entités qui naissaient des Traités, en mettant l’accent sur le fait qu’on mettait en commun les ressources et les talents de chacun. Aujourd’hui, l’Union Européenne a besoin de redécouvrir le sens d’être avant tout une ‘‘communauté’’ de personnes et de peuples conscients que « le tout est plus que la partie, et plus aussi que la simple somme de celles-ci »[15] et que donc « il faut toujours élargir le regard pour reconnaître un bien plus grand qui sera bénéfique à tous »[16]. Les Pères fondateurs cherchaient cette harmonie dans laquelle le tout est dans chacune des parties, et les parties sont – chacune avec sa propre originalité – dans le tout.

L’Europe retrouve l’espérance dans la solidarité qui est aussi le plus efficace antidote contre les populismes modernes. La solidarité comporte la conscience de faire partie d’un seul corps et en même temps implique la capacité que chaque membre a de ‘‘sympathiser’’ avec l’autre et avec l’ensemble. Si l’un souffre, tous souffrent (cf. 1 Co 12, 26). Ainsi, nous aussi, aujourd’hui, nous pleurons avec le Royaume-Uni les victimes de l’attentat qui a touché Londres il y a deux jours. La solidarité n’est pas une bonne intention : elle est caractérisée par des faits et des gestes concrets, qui rapprochent du prochain, indépendamment de la condition dans laquelle il se trouve. Au contraire, les populismes prospèrent précisément à partir de l’égoïsme, qui enferme dans un cercle restreint et étouffant et qui ne permet pas de surmonter l’étroitesse de ses propres pensées et de ‘‘regarder au- delà’’. Il faut recommencer à penser de manière européenne, pour conjurer le danger opposé d’une uniformité grise, c’est-à-dire le triomphe des particularismes. C’est à la politique que revient ce leadership d’idéaux qui évite de se servir des émotions pour gagner le consentement, mais qui élabore plutôt, dans un esprit de solidarité et de subsidiarité, des politiques faisant grandir toute l’Union dans un développement harmonieux, en sorte que celui qui réussit à courir plus vite puisse tendre la main à celui qui va plus lentement et qui a plus de difficultés à atteindre celui qui est en tête.

L’Europe retrouve l’espérance lorsqu’elle ne s’enferme pas dans la peur et dans de fausses sécurités. Au contraire, son histoire est fortement déterminée par la rencontre avec d’autres peuples et cultures et son identité « est, et a toujours été, une identité dynamique et multiculturelle »[17]. Le monde nourrit un intérêt pour le projet européen. Cet intérêt existe depuis le premier jour, à travers la foule amassée sur la place du Capitole et à travers les messages de félicitations qui arrivèrent des autres États. Il y en a encore plus aujourd’hui, à partir de ces pays qui demandent à entrer pour faire partie de l’Union, comme de ces États qui reçoivent des aides qui, grâce à une vive générosité, leur sont offertes pour faire face aux conséquences de la pauvreté, des maladies et des guerres. L’ouverture au monde implique la capacité de « dialogue comme forme de rencontre »[18] à tous les niveaux, à commencer par celui des États membres et des Institutions ainsi que des citoyens jusqu’à celui des nombreux immigrés qui abordent les côtes de l’Union. On ne peut pas se contenter de gérer la grave crise migratoire de ces années comme si elle n’était qu’un problème numérique, économique ou de sécurité. La question migratoire pose un problème plus profond, qui est d’abord culturel. Quelle culture propose l’Europe aujourd’hui ? La peur, souvent visible, trouve, en effet, dans la perte d’idéaux sa plus radicale cause. Sans une vraie perspective d’idéaux, on finit par être dominé par la crainte que l’autre nous arrache à nos habitudes consolidées, nous prive des conforts acquis, mette en quelque sorte en cause un style de vie trop souvent fait uniquement de bien-être matériel. Au contraire, la richesse de l’Europe a toujours été son ouverture spirituelle et la capacité à se poser des questions fondamentales sur le sens de l’existence. À l’ouverture envers le sens de l’éternel a correspondu également une ouverture positive, bien que non dénuée de tensions et d’erreurs, envers le monde. Le bien-être acquis semble, par contre, lui avoir rogné les ailes, et fait abaisser le regard. L’Europe a un patrimoine d’idéaux et de spiritualité unique au monde qui mérite d’être proposé à nouveau avec passion et avec une fraîcheur renouvelée et qui est le meilleur antidote contre le vide de valeurs de notre temps, terrain fertile pour toute forme d’extrémisme. Ce sont ces idéaux qui ont rendu Europe, cette ‘‘péninsule de l’Asie’’ qui depuis l’Oural arrive à l’Atlantique.

L’Europe retrouve l’espérance lorsqu’elle investit dans le développement et dans la paix. Le développement n’est pas assuré par un ensemble de techniques productives. Il concerne tout l’être humain : la dignité de son travail, des conditions de vie adéquates, la possibilité d’accéder à l’instruction et aux soins médicaux nécessaires. « Le développement est le nouveau nom de la paix »[19], a affirmé Paul VI, puisqu’il n’y a pas de vraie paix lorsqu’il y a des personnes marginalisées et contraintes à vivre dans la misère. Il n’y a pas de paix là où manquent le travail et la perspective d’un salaire digne. Il n’y a pas de paix dans les périphéries de nos villes, où se répandent drogue et violence.

L’Europe retrouve l’espérance lorsqu’elle s’ouvre à l’avenir. Lorsqu’elle s’ouvre aux jeunes, en leur offrant de sérieuses perspectives d’éducation, de réelles possibilités d’insertion dans le monde du travail. Lorsqu’elle investit dans la famille, qui est la première et fondamentale cellule de la société. Lorsqu’elle respecte la conscience et les idéaux de ses citoyens. Lorsqu’elle garantit la possibilité d’avoir des enfants, sans la peur de ne pas pouvoir les entretenir. Lorsqu’elle défend la vie dans toute sa sacralité.

Honorables hôtes,
Vu l’allongement général de l’espérance de vie, soixante ans sont aujourd’hui considérés comme le temps de la pleine maturité. Un âge crucial où encore une fois on est appelé à se remettre en cause. L’Union Européenne est aujourd’hui appelée à se remettre en cause, à soigner les inévitables ennuis de santé qui surviennent avec les années et à trouver de nouveaux parcours pour poursuivre son chemin. Cependant, à la différence d’un être humain de soixante ans, l’Union Européenne n’a pas devant elle une vieillesse inévitable, mais la possibilité d’une nouvelle jeunesse. Son succès dépendra de la volonté de travailler une fois encore ensemble et de la volonté de parier sur l’avenir. Il vous reviendra, en tant que dirigeants, de discerner la voie d’un « nouvel humanisme européen »[20], fait d’idéaux et de choses concrètes. Cela signifie ne pas avoir peur de prendre des décisions efficaces, en mesure de répondre aux problèmes réels des personnes et de résister à l’épreuve du temps.

De mon côté, je ne peux qu’assurer de la proximité du Saint-Siège et de l’Église à l’Europe entière, à l’édification de laquelle elle a depuis toujours contribué et contribuera toujours, en invoquant sur elle la bénédiction du Seigneur, afin qu’il la protège et lui donne la paix et le progrès. C’est pourquoi, je fais miennes les paroles que Joseph Bech a prononcées au Capitole : Ceterum censeo Europam esse ædificandam, d’ailleurs je pense que l’Europe mérite d’être construite.

Merci !

[1] P.H. Spaak, Ministre des Affaires Etrangères de la Belgique, Discours prononcé à l’occasion de la signature des Traités de Rome, 25 mars 1957.
[2] P.H. Spaak, Discours, cit.
[3] A. de Gasperi, Notre patrie l’Europe. Discours à la Conférence Parlementaire Européenne, 21 avril 1954, in : Alcide De Gasperi e la politica internazionale, Cinque Lune, Roma 1990, vol.III, 437-440.
[4] Cf. P.H. Spaak, Discours, cit.
[5] J. Luns, Ministre des Affaires Etrangères des Pays Bas, Discours prononcé à l’occasion de la signature des Traités de Rome, 25 mars 1957.
[6] J. Bech, Premier Ministre du Luxembourg, Discours prononcé à l’occasion de la signature des Traités de Rome, 25 mars 1957.
[7] K. Adenauer, Chancelier fédéral de la République Fédérale d’Allemagne, Discours prononcé à l’occasion de la signature des Traités de Rome, 25 mars 1957.
[8] C. Pineau, Ministre des Affaires Etrangères de la France, Discours prononcé à l’occasion de la signature des Traités de Rome, 25 mars 19857.
[9] P.H. Spaak, Discours, cit.
[10] Discours aux membres du Corps Diplomatique accrédité près le Saint-Siège, 9 janvier 2017.[11] Cf. P.H. Spaak, Discours, cit.
[12] A. de Gasperi, Notre Patrie Europe, cit.
[13] Jean-Paul II, Acte européen, Saint Jacques de Compostelle, 9 novembre 1982 : AAS 75/I (1983), 329.
[14] Cf. Discours au Parlement Européen, Strasbourg, 25 novembre 2014 : AAS 106 (2014), 1000
[15] Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 235
[16] Ibid.
[17] Discours lors de la remise du Prix Charlemagne, 6 mai 2016, Osservatore Ramano Édition française (12 mai 2016), p. 10.
[18] Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 239.
[19] Paul VI, Lett.enc. Populorum progressio, 26 mars 1967, n. 87 : AAS 59 (1967), p. 299.
[20] Discours lors de la remise du Prix Charlemagne, 6 mai 2016. Osservatore Romano, Edition française (12 mai 2016), p. 10.[00420-FR.01] [Texte original: Français]

Message du pape François pour la 32e Journée mondiale de la jeunesse (Panama 2019)

« Le Puissant fit pour moi des merveilles » (Lc 1, 49)

Chers jeunes,
Nous voici de nouveau en chemin après notre merveilleuse rencontre à Cracovie, où nous avons célébré les XXXIèmes Journées Mondiales de la Jeunesse et le Jubilé des jeunes, dans le cadre de l’Année Sainte de la Miséricorde. Nous nous sommes laissés guider par saint Jean-Paul II et par sainte Faustine Kowalska, apôtres de la miséricorde divine, pour donner une réponse concrète aux défis de notre temps. Nous avons vécu une forte expérience de fraternité et de joie, et nous avons donné au monde un signe d’espérance ; les divers drapeaux et langues n’étaient pas un motif de conflit et de division, mais une occasion afin d’ouvrir les portes des cœurs, de construire des ponts.

Au terme des Journées Mondiales de Cracovie, j’ai indiqué la prochaine destination de notre pèlerinage qui, par la grâce de Dieu, nous conduira au Panama en 2019. La Vierge Marie nous accompagnera sur ce chemin, elle que toutes les générations disent bienheureuse (cf. Lc 1, 48). Le nouveau tronçon de notre itinéraire se relie au précédent, qui était centré sur les Béatitudes, mais nous pousse à aller de l’avant. J’ai en effet à cœur que vous les jeunes vous puissiez marcher non seulement en faisant mémoire du passé, mais en ayant également le courage dans le présent et l’espérance pour l’avenir. Ces attitudes, toujours vivantes dans la jeune Femme de Nazareth, sont exprimées clairement dans les thèmes choisis pour les trois prochaines Journées Mondiales de la Jeunesse. Cette année (2017), nous réfléchirons sur la foi de Marie lorsqu’elle a déclaré dans le Magnificat : « Le Puissant fit pour moi des merveilles » (Lc 1, 49). Le thème de l’année prochaine (2018) – « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu » (Lc 1, 30) – nous fera méditer sur la charité pleine de courage avec laquelle la Vierge a accueilli l’annonce de l’ange. Les Journées Mondiales de la Jeunesse 2019 s’inspireront des paroles « Voici la servante du Seigneur; que tout m’advienne selon ta parole » (Lc 1, 30), réponse de Marie à l’ange, pleine d’espérance.

En octobre 2018, l’Église célèbrera le Synode des Évêques sur le thème : « Les jeunes, la foi et le discernement des vocations ». Nous nous interrogerons sur la manière dont vous les jeunes, vous vivez l’expérience de la foi au milieu des défis de notre temps. Et nous affronterons aussi la question de la façon dont vous pourrez faire mûrir un projet de vie, en discernant votre vocation, entendue au sens large, c’est-à-dire au mariage, dans l’environnement laïc et professionnel, ou à la vie consacrée et au sacerdoce. Je voudrais qu’il y ait une grande syntonie entre le parcours vers les Journées Mondiales de la Jeunesse du Panama et le cheminement synodal.

Notre temps n’a pas besoin de ‘‘jeunes-divan’’
Selon l’Évangile de Luc, après avoir accueilli l’annonce de l’ange et après avoir dit son ‘‘oui’’ à l’appel à devenir mère du Sauveur, Marie se lève et va en toute hâte visiter sa cousine Elisabeth, qui est à son sixième mois de grossesse (cf. 1, 36.39). Marie est très jeune ; ce qui lui a été annoncé est un don immense, mais comporte aussi des défis très grands ; le Seigneur l’a assurée de sa présence et de son soutien, mais beaucoup de choses demeurent encore obscures dans son esprit et dans son cœur. Pourtant Marie ne s’enferme pas chez elle, elle ne se laisse pas paralyser par la peur ou par l’orgueil. Marie n’est pas le genre de personne qui, pour être à l’aise, a besoin d’un bon divan où se sentir bien installée et à l’abri. Elle n’est pas une jeune-divan ! (cf. Discours à l’occasion de la Veillée, Cracovie, 30 juillet 2016). Si sa cousine âgée a besoin d’une aide, elle ne tarde pas et se met immédiatement en route.

Le chemin pour rejoindre la maison d’Elisabeth est long : 150 kilomètres environ. Mais la jeune de Nazareth, poussée par l’Esprit Saint, ne connaît pas d’obstacles. Sûrement, les journées de marche l’ont aidée à méditer sur l’événement merveilleux dans lequel elle était impliquée. Il en est de même avec nous également lorsque nous nous mettons en pèlerinage : au long du chemin, nous reviennent à l’esprit les faits de la vie, et nous pouvons en mûrir le sens et approfondir notre vocation, révélée ensuite dans la rencontre avec Dieu et dans le service des autres.

Le Puissant fit pour moi des merveilles
La rencontre entre les deux femmes, l’une jeune et l’autre âgée, est pleine de la présence de l’Esprit Saint, et chargée de joie ainsi que d’émerveillement (cf. Lc 1, 40-45). Les deux mamans, tout comme les enfants qu’elles portent dans leur sein, dansent presque de joie. Elisabeth , touchée par la foi de Marie, s’exclame : « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur » (v. 45). Oui, l’un des grands dons que la Vierge a reçu est celui de la foi. Croire en Dieu est un don inestimable, mais qui demande aussi à être reçu ; et Elisabeth bénit Marie pour cela. À son tour, elle répond par le chant du Magnificat (cf. Lc 1, 46-55), où nous trouvons l’expression : « Le Puissant fit pour moi des merveilles » (v. 49).

C’est une prière révolutionnaire, celle de Marie, le chant d’une jeune pleine de foi, consciente de ses limites mais confiante en la miséricorde divine. Cette petite femme courageuse rend grâce à Dieu parce qu’il a regardé sa petitesse et pour l’œuvre de salut qu’il a accomplie en faveur de son peuple, des pauvres et des humbles. La foi est le cœur de toute l’histoire de Marie. Son cantique nous aide à comprendre la miséricorde du Seigneur comme moteur de l’histoire, aussi bien de l’histoire personnelle de chacun de nous que de l’humanité entière.

Lorsque Dieu touche le cœur d’un jeune, d’une jeune, ceux-ci deviennent capables d’actions vraiment grandioses. Les ‘‘merveilles’’ que le Puissant a faites dans l’existence de Marie nous parlent aussi de notre voyage dans la vie, qui n’est pas un vagabondage sans signification, mais un pèlerinage qui, même avec toutes ses incertitudes et ses souffrances, peut trouver en Dieu sa plénitude (cf. Angelus, 15 août 2015). Vous me direz : ‘‘Père, mais je suis très limité, je suis pécheur, que puis-je faire ?’’. Quand le Seigneur nous appelle, il ne s’arrête pas à ce que nous sommes ou à ce que nous avons fait. Au contraire, au moment où il nous appelle, il regarde tout ce que nous pourrions faire, tout l’amour que nous sommes capables de libérer. Comme la jeune Marie, vous pouvez faire en sorte que votre vie devienne un instrument pour améliorer le monde. Jésus vous appelle à laisser votre empreinte dans la vie, une empreinte qui marque l’histoire, votre histoire et l’histoire de beaucoup (cf. Discours à l’occasion de la veillée, Cracovie 30 juillet 2016).

Être des jeunes ne veut pas dire être déconnectés du passé
Marie a à peine dépassé l’âge de l’adolescence, comme beaucoup d’entre vous. Pourtant, dans le Magnificat, elle prête une voix de louange à son peuple, à son histoire. Cela nous montre qu’être jeune ne veut pas dire être déconnecté du passé. Notre histoire personnelle s’insère dans une longue suite, dans un cheminement communautaire qui nous a précédés dans les siècles. Comme Marie, nous appartenons à un peuple. Et l’histoire de l’Église nous enseigne que, même lorsqu’elle doit traverser des mers agitées, la main de Dieu la guide, lui fait surmonter des moments difficiles. L’expérience authentique de l’Église n’est pas comme un flashmob, où on se donne rendez-vous, se réalise une performance et puis chacun va son chemin. L’Église porte en elle une longue tradition, qui se transmet de génération en génération, en s’enrichissant en même temps de l’expérience de chacun. Votre histoire a aussi sa place dans l’histoire de l’Église.

Faire mémoire du passé sert également à accueillir les interventions inédites que Dieu veut réaliser en nous et à travers nous. Et cela nous invite à nous ouvrir pour être choisis comme ses instruments, collaborateurs de ses projets de salut. Vous aussi, jeunes, vous pouvez faire de grandes choses, assumer de grandes responsabilités, si vous reconnaissez l’action miséricordieuse et toute puissante de Dieu dans votre vie.

Je voudrais vous poser quelques questions : comment ‘‘sauvez-vous’’ dans votre mémoire les événements, les expériences de votre vie ? Comment traitez-vous les faits et les images imprimés dans vos souvenirs ? Certains, particulièrement blessés par les circonstances de la vie, auraient envie de ‘‘reconfigurer’’ leur passé, de se servir du droit à l’oubli. Mais je voudrais vous rappeler qu’il n’y a pas de saint sans passé, ni de pécheur sans avenir. La perle naît d’une blessure de l’huître ! Jésus, par son amour, peut guérir nos cœurs, en transformant nos blessures en d’authentiques perles. Comme disait saint Paul, le Seigneur peut manifester sa force à travers nos faiblesses (cf. 2 Co 12, 9).

Cependant, nos souvenirs ne doivent pas demeurer tous entassés, comme dans la mémoire d’un disque dur. Et il n’est pas possible d’archiver tout dans un ‘‘nuage’’ virtuel. Il faut apprendre à faire de manière à ce que les faits du passé deviennent une réalité dynamique, sur laquelle réfléchir et dont tirer un enseignement et un sens pour notre présent et notre avenir. Découvrir le fil rouge de l’amour de Dieu qui relie toute notre existence est une tâche ardue, mais nécessaire.

Beaucoup de personnes disent que vous les jeunes, vous êtes sans mémoire et superficiels. Je ne suis pas du tout d’accord ! Il faut cependant reconnaître que ces temps-ci il est nécessaire de récupérer la capacité de réfléchir sur sa propre vie et de la projeter vers l’avenir. Avoir un passé, ce n’est pas la même chose que d’avoir une histoire. Dans notre vie, nous pouvons avoir de nombreux souvenirs, mais combien de souvenirs construisent vraiment notre mémoire? Combien sont significatifs pour nos cœurs et aident à donner un sens à notre existence ? Les visages des jeunes, dans les ‘‘social’’, apparaissent dans de nombreuses photographies qui relatent des événements plus ou moins réels, mais nous ne savons pas dans tout cela ce qui est une ‘‘histoire’’, une expérience qui puisse être racontée, ayant un objectif et un sens. Les programmes de télévision sont remplis de ce qu’on appelle ‘‘reality show’’, mais ils ne sont pas des histoires réelles, ce ne sont que des minutes qui s’écoulent devant un écran, durant lesquelles les personnages vivent au jour le jour, sans un projet. Ne vous laissez pas égarer par cette fausse image de la réalité ! Soyez protagonistes de votre histoire, décidez de votre avenir !

Comment rester connecté, en suivant l’exemple de Marie
On dit de Marie qu’elle gardait toutes les choses en les méditant dans son cœur (cf. Lc 2,19.51). Cette humble jeune fille de Nazareth nous enseigne par son exemple à conserver la mémoire des événements de la vie, mais aussi à les assembler, en reconstruisant l’unité des fragments, qui ensemble peuvent composer une mosaïque. Comment pouvons-nous nous exercer concrètement en ce sens ? Je vous fais quelques suggestions.

À la fin de chaque journée, nous pouvons nous arrêter pendant quelques minutes pour nous rappeler les beaux moments, les défis, ce qui a bien marché et ce qui est allé de travers. Ainsi, devant Dieu et nous-mêmes, nous pouvons manifester les sentiments de gratitude, de repentir et de confiance, si vous le voulez, en les écrivant dans un carnet, une espèce de journal spirituel. Cela signifie prier dans la vie, avec la vie et sur la vie, et sûrement cela vous aidera à percevoir mieux les merveilles que le Seigneur fait pour chacun d’entre vous. Comme disait saint Augustin, nous pouvons trouver Dieu dans les vastes champs de notre mémoire (cf. Les confessions, Livre X, 8, 12).

En lisant le Magnificat, nous voyons combien Marie connaissait la Parole de Dieu. Chaque verset de ce cantique a son parallèle dans l’Ancien Testament. La jeune mère de Jésus connaissait bien les prières de son peuple. Sûrement, ses parents, ses grands-parents les lui ont enseignées. Combien la transmission de la foi d’une génération à l’autre est importante ! Il y a un trésor caché dans les prières que nous enseignent nos anciens, dans cette spiritualité vécue dans la culture des humbles que nous appelons piété populaire. Marie recueille le patrimoine de foi de son peuple et le recompose dans un chant complètement sien, mais qui est en même temps un chant de l’Église entière. Et toute l’Église le chante avec elle. Pour que, vous aussi jeunes, vous puissiez chanter un Magnificat complètement vôtre et faire de votre vie un don à l’humanité entière, il est fondamental de vous relier à la tradition historique et à la prière de ceux qui vous ont précédés. D’où l’importance de bien connaître la Bible, la Parole de Dieu, de la lire chaque jour en la confrontant avec votre vie, en lisant les événements quotidiens à la lumière de ce que le Seigneur vous dit dans les Saintes Écritures. Dans la prière et dans la lecture priante de la Bible (ce qu’on appelle la lectio divina), Jésus réchauffera vos cœurs, éclairera vos pas, également dans les moments sombres de votre existence (cf. Lc 24, 13-35).

Marie nous enseigne aussi à vivre dans une attitude eucharistique, c’est-à-dire à rendre grâce, à cultiver la louange, à ne pas nous fixer uniquement sur les problèmes et sur les difficultés. Dans la dynamique de la vie, les supplications d’aujourd’hui deviendront des motifs d’action de grâce de demain. Ainsi, votre participation à la Sainte Messe et les moments où vous célébrez le sacrement de la Réconciliation seront en même temps sommet et point de départ : vos vies se renouvèleront chaque jour dans le pardon, en devenant une louange permanente au Tout-Puissant : « Fiez-vous au souvenir de Dieu : […] sa mémoire est un cœur tendre de compassion, qui se plaît à effacer définitivement toutes nos traces de mal. » (Homélie lors de la Sainte Messe des Journées Mondiales de la Jeunesse, Cracovie, 31 juillet 2016).

Nous avons vu que le Magnificat jaillit du cœur de Marie au moment où elle rencontre Elisabeth, sa cousine âgée. Celle-ci, par sa foi, par son regard avisé et par ses paroles, aide la Vierge à mieux comprendre la grandeur de l’action de Dieu en elle, de la mission qu’il lui a confiée. Et vous, vous rendez-vous compte de la source extraordinaire de richesse qu’est la rencontre entre les jeunes et les personnes âgées ? Quelle importance accordez-vous aux personnes âgées, à vos grands-parents ? Justement, vous aspirez à ‘‘prendre l’envol’’, vous portez dans vos cœurs de nombreux rêves, mais vous avez besoin de la sagesse et de la vision des personnes âgées. Tandis que vous ouvrez vos ailes au vent, il est important que vous découvriez vos racines et que vous recueilliez le témoignage des personnes qui vous ont précédés. Pour construire un avenir qui ait du sens, il faut connaître les événements passés et prendre position face à eux (cf. Exhort. ap. postsyn. Amoris laetitia, nn. 191.193). Vous, jeunes, vous avez la force, les personnes âgées ont la mémoire et la sagesse. Comme Marie face à Elisabeth, dirigez votre regard vers les personnes âgées, vers vos grands-parents. Ils vous diront des choses qui passionneront votre esprit et toucheront votre cœur.

Fidélité créatrice pour construire des temps nouveaux
Certes, vous avez peu d’années sur vos épaules et pour cela il peut vous sembler difficile d’accorder la valeur due à la tradition. Ayez bien présent à l’esprit que cela ne veut pas dire être traditionaliste. Non ! Quand Marie, dans l’Évangile, dit « le Puissant fit pour moi des merveilles », elle entend que ces ‘‘merveilles’’ ne sont pas finies, mais continuent à se réaliser dans le présent. Il ne s’agit pas d’un passé lointain. Savoir faire mémoire du passé ne signifie pas être nostalgique ou rester attaché à une période déterminée de l’histoire, mais savoir reconnaître ses propres origines, pour retourner toujours à l’essentiel et se lancer avec une fidélité créatrice dans la construction des temps nouveaux. Ce serait un malheur et cela ne servirait à personne de cultiver une mémoire paralysante, qui fait faire toujours les mêmes choses de la même manière. C’est un don du ciel de pouvoir voir que beaucoup d’entre vous, avec vos interrogations, rêves et questions, s’opposent à ceux qui disent que les choses ne peuvent pas être différentes.

Une société qui ne valorise que le présent tend aussi à dévaluer tout ce qui est hérité du passé, comme par exemple les institutions du mariage, de la vie consacrée, de la mission sacerdotale. Celles-ci finissent par être vues comme dénuées de sens, comme des modèles dépassés. On pense vivre mieux dans des situations dites ‘‘ouvertes’’, en se comportant dans la vie comme dans un reality show, sans objectif et sans but. Ne vous laissez pas tromper ! Dieu est venu élargir les horizons de notre vie, dans toutes les directions. Il nous aide à accorder la valeur due au passé, pour mieux projeter un avenir de bonheur : mais cela n’est possible que si l’on vit d’authentiques expériences d’amour, qui se concrétisent dans la découverte de l’appel du Seigneur et dans l’adhésion à cet appel. Et c’est l’unique chose qui nous rend vraiment heureux.

Chers jeunes, je confie votre cheminement vers Panama, ainsi que l’itinéraire de préparation du prochain Synode des Évêques, à la maternelle intercession de la Bienheureuse Vierge Marie. Je vous invite à vous souvenir de deux événements importants de 2017 : les trois cents ans de la redécouverte de l’image de la Vierge Aparecida, au Brésil ; et le centenaire des apparitions de Fatima, au Portugal, où, par la grâce de Dieu, je me rendrai, en tant que pèlerin, en mai prochain. Saint Martin de Porres, l’un des saints patrons de l’Amérique Latine et des Journées Mondiales de la Jeunesse 2019, dans son humble service quotidien, avait l’habitude d’offrir les meilleures fleurs à Marie, comme signe de son amour filial. Cultivez, vous aussi, comme lui, une relation de familiarité et d’amitié avec la Vierge, en lui confiant vos joies, vos inquiétudes et vos préoccupations. Je vous assure que vous ne le regretterez pas.

Que la jeune de Nazareth, qui dans le monde entier a pris mille visages et noms pour se rendre proche de ses enfants, intercède pour chacun de nous et nous aide à chanter les merveilles que le Seigneur accomplit en nous et par nous.

Du Vatican, 27 février 2017
Mémoire de Saint Gabriel de l’Addolorata

[00396-FR.01] [Texte original: Français]

FRANÇOIS

Un marathon de 4 ans pour le développement intégral

CNS/Paul Haring

Cette semaine, l’Église entière célébrait le quatrième anniversaire du pontificat de notre bien-aimé pape François. Son élection et son style original auront très certainement attiré l’attention du monde entier. Du côté de celui qui était à l’époque le Cardinal Bergoglio, nous pouvons imaginer l’aspect colossal de la charge de travail qui lui incombait à lui qui avait atteint l’âge où la majorité des évêques prennent leur retraite ! Parmi les caractéristiques de ce pontificat argentin, on a souvent souligné, et à juste titre, sa capacité à faire des gestes qui touchent, sa proximité avec les plus démunis, sa volonté de rejoindre les périphéries de l’existence, son horreur de la corruption et de l’hypocrisie et sa volonté de réforme sans compter son esprit de prière et sa grande dévotion à la Sainte Vierge. Par contre, on tend parfois à négliger la richesse intellectuelle de ces quatre années du pontificat de François.

Une première encyclique sur la foi

Malheureusement restée inexplorée par beaucoup de commentateurs, la première encyclique Lumen Fidei du pape François recèle une myriade d’enseignements précieux sur la foi et ses incidences sur la vie spirituelle et communautaire.

Pour le pape François, l’image la plus à même d’exprimer la foi est celle de la lumière, une lumière qui éclaire, illumine et clarifie notre compréhension de nous-même et des réalités qui nous entourent. Pour ne rappeler que quelques idées de cette encyclique qui vaut le détour, rappelons que pour le Pape, parce qu’éclairant l’intelligence humaine, la foi est ce qui nous permet d’entrer en relation avec Jésus. Comment être en relation avec une personne que je ne connais pas ? Par la foi que nous offre gratuitement Dieu, par l’entremise de l’Église, le chrétien est en mesure de cheminer avec confiance sur ce chemin du don total qu’est la vie chrétienne. Parce qu’animés par l’Amour en personne, nous sommes en mesure de connaître et d’accepter dans notre vie la Vérité qui se révèle au quotidien. Comme il le dit si bien :

« Amour et vérité ne peuvent pas se séparer. Sans amour, la vérité se refroidit, devient impersonnelle et opprime la vie concrète de la personne » [Par contre] « Celui qui aime comprend que l’amour est une expérience de vérité, qu’il ouvre lui-même nos yeux pour voir toute la réalité de manière nouvelle, en union avec la personne aimée » (no.27).

Je crois que cette complémentarité entre amour et vérité est l’une des clés pour interpréter ces quatre années de pontificat.

Héritier de Dieu, héritier d’une maison commune

Publié le 24 mai 2015, l’encyclique Laudato Sì a, si l’on peut dire, élevé le concept « d’écologie intégrale » au titre d’enseignement magistériel. Adaptant la célèbre formule « d’humanisme intégral » du philosophe Jacques Maritain, cette expression assume le sens ordinaire de l’expression tout en soulignant la centralité de l’être humain dans l’environnement. Cette volonté d’inclusion, souvent à contre-courant de l’écologisme « officiel », cherche à manifester que les désordres environnementaux ont des liens directs avec les désordres humains et sociaux. Une écologie sans œillères idéologiques, c’est ce que nous propose ce Pape révolutionnaire à plusieurs égards.

Célébrer le quatrième anniversaire de l’élection de Jorge Bergoglio implique que l’on redouble d’efforts pour assimiler ses enseignements aussi profonds que dérangeants. En effet, puisque se mettre à l’école du pape François demande de prendre part de manière efficace à cette révolution de la tendresse contre la mondialisation de l’indifférence, engageons-nous pleinement sur ce chemin qu’il nous propose du haut de son humilité!

 

Vidéo des intentions du Pape (Mars 2017): Aider les chrétiens persécutés

Mars 2017. La vidéo du Pape. Dans de nombreuses régions du monde, des chrétiens sont persécutés simplement parce qu’ils sont chrétiens. Ils ont besoin non seulement d’une aide matérielle, mais aussi de nos prières. Unissons-nous au Pape dans sa prière pour les chrétiens persécutés.

«  »Tant de personnes sont persécutées à cause de leur foi, forcées de fuir leurs maisons, leurs lieux de culte, leur terre, leurs proches !

Ils sont persécutés et assassinés parce que chrétiens, sans que leurs persécuteurs fassent la moindre distinction entre les confessions auxquelles ils appartiennent.

Je vous demande ceci : combien d’entre vous prient pour les chrétiens persécutés ?

Je vous encourage à tenter avec moi l’expérience du soutien fraternel à toutes les églises et toutes les communautés, à travers la prière et l’aide matérielle. »

Par le Réseau Mondial de Prière du Pape (Apostolat de la prière) –
http://www.prieredupape.org/

Si tu veux voir davantage de vidéos sur les intentions du Pape, suis le lien : http://www.ilvideodelpapa.org

Homélie du pape François pour le mercredi des cendres

«Revenez à moi de tout votre cœur, […] revenez au Seigneur votre Dieu » (Jl 2, 12.13) : c’est le cri par lequel le prophète Joël s’adresse au peuple au nom du Seigneur; personne ne pouvait se sentir exclu: «Rassemblez les anciens, réunissez petits enfants et nourrissons; […] le jeune époux […] et la jeune mariée » (v. 16). Tout le peuple fidèle est convoqué pour se mettre en chemin et adorer son Dieu, «car il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour » (v. 13).

Nous voulons nous aussi nous faire l’écho de cet appel, nous voulons revenir au cœur miséricordieux du Père. En ce temps de grâce que nous commençons aujourd’hui, fixons une fois encore notre regard sur sa miséricorde. La Carême est un chemin: il nous conduit à la victoire de la miséricorde sur tout ce qui cherche à nous écraser ou à nous réduire à quelque chose qui ne convient pas à la dignité des fils de Dieu. Le Carême est la route de l’esclavage à la liberté, de la souffrance à la joie, de la mort à la vie. Le geste des cendres par lequel nous nous mettons en chemin nous rappelle notre condition d’origine: nous avons été tirés de la terre, nous sommes faits de poussière. Oui, mais poussière dans les mains amoureuses de Dieu qui souffle son Esprit de vie sur chacun de nous et veut continuer à le faire; il veut continuer à nous donner ce souffle de vie qui nous sauve des autres types de souffle : l’asphyxie étouffante provoquée par nos égoïsmes, asphyxie étouffante générée par des ambitions mesquines et des indifférences silencieuses; asphyxie qui étouffe l’esprit, réduit l’horizon et anesthésie les battements du cœur. Le souffle de la vie de Dieu nous sauve de cette asphyxie qui éteint notre foi, refroidit notre charité et détruit notre espérance. Vivre le Carême c’est désirer ardemment ce souffle de vie que notre Père ne cesse de nous offrir dans la fange de notre histoire.

Le souffle de la vie de Dieu nous libère de cette asphyxie dont, souvent nous ne sommes pas conscients, et que nous sommes même habitués à «normaliser», même si ses effets se font sentir; cela nous semble «normal» car nous sommes habitués à respirer un air où l’espérance est raréfiée, un air de tristesse et de résignation, un air étouffant de panique et d’hostilité.

Le Carême est le temps pour dire non. Non à l’asphyxie de l’esprit par la pollution causée par l’indifférence, par la négligence à penser que la vie de l’autre ne me regarde pas, par toute tentative de banaliser la vie, spécialement celle de ceux qui portent dans leur chair le poids de tant de superficialité. Le Carême veut dire non à la pollution intoxicante des paroles vides et qui n’ont pas de sens, de la critique grossière et rapide, des analyses simplistes qui ne réussissent pas à embrasser la complexité des problèmes humains, spécialement les problèmes de tous ceux qui souffrent le plus. Le Carême est le temps pour dire non ; non à l’asphyxie d’une prière qui nous tranquillise la conscience, d’une aumône qui nous rend satisfaits, d’un jeûne qui nous fait nous sentir bien. Le Carême est le temps pour dire non à l’asphyxie qui nait des intimismes qui excluent, qui veulent arriver à Dieu en esquivant les plaies du Christ présentes dans les plaies des frères: ces spiritualités qui réduisent la foi à une culture de ghetto et d’exclusion.

Le Carême est le temps de la mémoire, c’est le temps pour penser et nous demander: qu’en serait-il de nous si Dieu nous avait fermé la porte. Qu’en serait-il de nous sans sa miséricorde qui ne s’est pas lassée de pardonner et qui nous a toujours donné l’occasion de recommencer à nouveau ? Le Carême est le temps pour nous demander: où serions-nous sans l’aide de tant de visages silencieux qui, de mille manières, nous ont tendu la main et qui, par des gestes très concrets, nous ont redonné l’espérance et nous ont aidé à recommencer?

Le Carême est le temps pour recommencer à respirer, c’est le temps pour ouvrir le cœur au souffle de l’Unique capable de transformer notre poussière en humanité. Il n’est pas le temps pour déchirer nos vêtements face au mal qui nous entoure, mais plutôt pour faire de la place dans notre vie à tout le bien que nous pouvons faire, nous dépouillant de tout ce qui nous isole, nous ferme et nous paralyse. Le Carême est le temps de la compassion pour dire avec le psalmiste: «Rends-moi la joie d’être sauvé, que l’esprit généreux me soutienne », pour que par notre vie nous proclamions ta louange (cf. Ps 51, 14), et pour que notre poussière – par la force de ton souffle de vie – se transforme en «poussière aimée».

[00300-FR.01] [Texte original: Italien]

La relation entre l’Église et les jeunes passe par l’éducation

CNS photo/Mike Crupi, Catholic Courier

La semaine dernière, nous avons commencé notre examen du document préparatoire au prochain synode sur le thème « Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel ». J’aimerais aujourd’hui poursuivre mes réflexions sur un point central de ce texte important pour l’année qui s’en vient. On constate, en effet, qu’une grande attention est portée aux différents défis que pose l’éducation des jeunes générations.

Pour l’Église, l’éducation est d’abord et avant tout un devoir de charité, une préoccupation à combattre cette pauvreté de l’intelligence qu’est l’ignorance. Or, avec le développement actuel des communications sociales et « la mondialisation, les jeunes tendent à être toujours davantage homogènes dans tous les endroits du monde » (no2). De plus, on assiste à un désintérêt grandissant des jeunes pour l’apprentissage des connaissances nécessaires pour être socialement fonctionnels mais également pour percevoir la valeur de ce qui ne se perçoit pas directement comme le sont les réalités spirituelles. Cet appauvrissement culturel, encouragé par une société de consommation de plus en plus vorace, pose le problème de l’intérêt même des jeunes à combler cette ignorance qui, s’ils ne la combattent pas par l’étude et l’effort, atrophie les talents qui dorment en eux.

Devant ce problème du manque d’intérêt pour l’apprentissage et l’épidémie d’incapacité de concentration des jeunes générations, on pourrait se décourager et croire que rien n’est possible, d’où l’attitude de certains adultes qui négligent leurs responsabilités d’éducateurs. En effet, parfois le manque de maturité des jeunes peut mener à sous-estimer les attentes réelles des jeunes qui désirent, souvent sans l’avouer, des modèles forts de don de soi : « Les générations plus mûres tendent souvent à sous-évaluer les potentialités, emphatisent les fragilités et ont du mal à comprendre les exigences des plus jeunes. » (No 2). C’est pourquoi, le document développe sur les différents défis de l’éducation d’aujourd’hui qui portent souvent plus sur les difficultés d’adaptation des adultes que des jeunes eux-mêmes. Spécialement sur cette carence de nos sociétés à offrir collectivement des modèles : « des personnes capables d’exprimer une certaine harmonie et de leur offrir un soutien, un encouragement et une aide pour reconnaître leurs limites, sans faire peser de jugement » (no2).

Être conscient des défis éducatifs, tant dans l’Église que dans la société, signifie voir le futur des institutions davantage sous la loupe de l’innovation plutôt que de la conservation. De ce point de vue, la réalité est que trop souvent nos institutions, bien que théoriquement ouvertes au changement et à la diversité, semblent concrètement figées et réfractaires aux changements. Or, un des mots qui revient le plus souvent dans le texte est celui de « risque » (13 fois). S’inspirant du message du pape François à Villa Nazareth dans lequel il affirmait : “ Comment pouvons-nous redonner la grandeur et le courage de choix de grande ampleur, d’élans du cœur, pour affronter les défis éducatifs et affectifs ? ”. J’ai dit et redit ce mot : risque ! Risque. Celui qui ne risque pas n’avance pas. “ Et si je me trompe ? ”. Que le Seigneur soit béni ! Tu te tromperas bien plus si tu restes immobile (Discours à la Villa Nazareth, 18 juin 2016). » Respecter le développement des jeunes implique sortir de notre peur du risque puisque cela les empêche de « passer du statut de perdants, qui demandent la protection vis-à-vis des risques du changement, à celui de sujets du changement, capables de créer des opportunités nouvelles. »

Comme vous l’aurez constater, le document préparatoire au synode des évêques 2017 sur « Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel » nous plongera « au dehors » de nos façon de faire habituel. Après ce survol des différents constats sur la jeunesse d’aujourd’hui, nous poursuivront notre réflexion la semaine prochaine en abordant plus directement la réalité du discernement vocationnel et qui doit s’opérer dans ces conditions.

L’Église et les jeunes: un discernement à double sens

CNS photo/Max Rossi, Reuters

Il y a quelques semaines, le Secrétariat de la 15e Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques publiait un document préparatoire ainsi qu’un questionnaire sur le thème « les jeunes, la foi et le discernement vocationnel » pour les diocèses du monde entier. Suivant la même méthodologie que les précédents synodes sur la famille, ce document a pour but d’amorcer la réflexion en vue des discussions qui auront lieu à Rome en octobre prochain. Ce texte subdivisé en trois parties manifeste non seulement la richesse doctrinale, humaine et pastorale qui fait de l’Église, selon les mots du bienheureux Paul VI, une « experte en humanité » (no 13) mais également sa volonté d’inclure les jeunes dans cette démarche de réflexion qui vise à mieux les accompagner dans leur processus de discernement vocationnel. Ainsi donc, la conversion demandée à toute l’Église est déjà mise en pratique dans le processus même du synode !

À chacun sa vocation

Tout être humain a une vocation, c’est-à-dire un appel à l’amour qui prend « une forme concrète dans la vie quotidienne à travers une série de choix, qui allie état de vie (mariage, ministère ordonné, vie consacrée, etc.), profession, modalité d’engagement social et politique, style de vie, gestion du temps et de l’argent, etc. » (Intro). L’Homme étant un être social, il ne pourra découvrir le sens de sa vie que par l’entremise d’autres personnes qui l’aideront à déployer son plein potentiel tout au long de sa vie. La qualité de ce « parcours “ réflexif ” » (no3) dépendra donc énormément du milieu dans lequel les jeunes évoluent, d’où l’importance d’une approche adaptée à notre monde et à leur destinée intemporelle.

Un double discernement

Pour être en mesure d’aider les jeunes à grandir, à gagner en maturité et à faire les choix qui s’imposent dans tout discernement vocationnel, l’Église doit se mettre à leur portée dans un processus d’accompagnement qui tient compte du monde dans lequel ces jeunes vivent. Pour ce faire, une réflexion profonde sur les grandes dynamiques actuelles qui sont également opportunités et défis doit avoir lieu.

L’une des constatations du document est que la jeunesse ne représente pas un bloc monolithique. Nous avons affaire à « une pluralité de mondes des jeunes (no 1), ce qui demande une attention particulière aux subtilités culturelles, économiques, sociales, politiques, artistiques et j’en passe. Loin de vouloir faire une analyse exhaustive de ces différences, le document cherche à souligner quelques grands courants qui influencent les jeunes de toute société.

Par exemple, on souligne cette énergie de la jeunesse à vouloir s’impliquer, « sa disponibilité à participer et à se mobiliser pour des actions concrètes, où l’apport personnel de chacun peut être une occasion de reconnaissance identitaire ». Elle pourra trouver en l’Église le catalyseur de cette volonté d’engagement total tout en la préservant des différentes dérives de notre temps, qu’elles soient consuméristes ou idéologiques.

Cependant, l’Église doit se départir des attitudes qui pourraient infantiliser les jeunes et les porter à cette « insatisfaction envers des milieux où les jeunes ressentent, à tort ou à raison, qu’ils ne trouvent pas leur place ou dont ils ne reçoivent pas de stimuli ». Ainsi, une transformation missionnaire « d’une Église qui accompagne » (Evangelii Gaudium, no 24) les jeunes dans leur discernement lui permettra également d’exercer un examen de conscience sur ses propres pratiques. En ce sens, lorsque le Pape affirme : « Je préfère une Église accidentée, blessée et sale pour être sortie par les chemins, plutôt qu’une Église malade de la fermeture et du confort de s’accrocher à ses propres sécurités. », cela signifie aussi donner des responsabilités aux jeunes sachant que, comme tout le monde, ils feront des erreurs mais qu’au bout du compte, ils seront à la hauteur des responsabilités que nous leur confierons.

La semaine prochaine, nous continuerons l’analyse de ce document important sur le processus de transformation missionnaire de l’Église tel que voulu par le pape François.

 

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