L’Église communicatrice avant ses origines !

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L’été approche à grand pas et avec lui, pour plusieurs, un temps de détente et de repos. L’occasion rêvée pour changer d’air et reprendre les forces nécessaires aux différentes responsabilités qui nous attendent à la rentrée en septembre ! C’est également une opportunité en or pour lire et approfondir notre connaissance d’un sujet qui nous tient à cœur. Comme le disait saint Jean-Paul II « il semble plus que jamais opportun de réfléchir sur les “défis” que les communications sociales constituent pour l’Église, laquelle, comme le remarque Paul VI, “se sentirait coupable devant son Seigneur si elle ne mettait pas en œuvre ces puissants moyens” (no2). Ainsi, pour tous les lecteurs du blogue de S+L, j’offrirai tout au long de l’été des réflexions sur un sujet qui, je crois, vous intéresse particulièrement : l’Église et les médias.

Comme je l’ai déjà dit « l’Église est communicatrice depuis les origines ». Je dirais même qu’elle l’était avant même d’exister ! En effet, l’Église fut engendrée dans l’histoire par Celui qui est Communication par excellence. Sa nature profonde est à chercher dans le Mystère de la Très Sainte Trinité qui est constituée de relations (donc de communications) entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Dieu étant Lui-même communication ad intra, comme le disent les théologiens, il était convenable qu’Il désire se communiquer à d’autres êtres que Lui. C’est ce qu’on appelle la « création ». Ainsi, en créant l’univers, Dieu allait pouvoir communiquer son Être en donnant l’existence à d’autres êtres. Nous savons que la chute de nos premiers parents a causé une rupture de communication avec Dieu. C’est la raison pour laquelle nous appelons Révélation la reprise du dialogue entre Dieu et les hommes. À un moment donné de l’histoire, Dieu a repris contact avec l’humanité par un dialogue plein d’amour et de miséricorde dans lequel Il révéla peu à peu son dessein de retrouver ses droits de paternité sur ses enfants. Jésus, l’Incarnation du Fils éternel du Père est la plénitude de ce dialogue, l’Interlocuteur et le « Médium » par excellence entre les hommes et Dieu le Père. C’est par Lui que nous pouvons être reconnus par Dieu comme ses fils et ses filles. L’Église étant la continuation de la Présence du Christ sur terre, sa vocation est de répandre les grâces de Dieu sur la Terre. En d’autres termes, de communiquer à l’humanité blessée sa vocation à la vie éternelle et le dessein d’amour du Père.

Ce bref résumé nous montre bien jusqu’à quel point la réalité de la communication est centrale pour l’Église et tous ses membres. Dans ce contexte, nous voyons bien pourquoi il est nécessaire d’approfondir les rapports de l’Église avec les médias. Je tiens à en mentionner ici quelques-unes de ses raisons telles que présentés par Dariusz Gronowski et José Maria La Porte dans leur article « La communication aux yeux d’un théologien » paru dans le manuel Introduction à la communication institutionnelle de l’Église.

  • L’étude de la communication aide l’Église à comprendre le monde contemporain et la situation de l’Église à l’intérieur de la culture. En effet, il est clair que nous ne sommes pas envoyés en mission dans un monde parallèle qui serait déjà parfaitement adapté au message que nous sommes sensés lui transmettre. Au contraire, si nous sommes appelés à entrer en dialogue avec notre monde, c’est qu’il a, consciemment ou non, soif de Dieu et d’absolu. Nous devons donc trouver les moyens les plus appropriés pour qu’une rencontre avec Dieu soit possible pour les hommes et les femmes d’aujourd’hui. De même, comprendre la culture médiatique dans laquelle nous nous trouvons permettra à l’Église de se positionner correctement. Par exemple, en mettant à l’avant plan les éléments du catholicisme facilement acceptables dans une culture donnée pour créer un climat propice à l’échange et à l’acceptation d’autres positions, celles-là plus difficiles et contre culturelles.
  • L’étude de la communication aide l’Église à développer les meilleurs moyens pour multiplier et répandre le message. Connaître les médias de près est pour l’Église un moyen de faire entendre la Révélation de Dieu à tous les hommes. Par exemple, il est aisé de constater l’immense potentiel que représentent les médias sociaux aujourd’hui. Contrairement aux médias de masse traditionnels qui pouvaient parfois être un obstacle dans la transmission du véritable message de l’Église, les médias sociaux offrent une opportunité sans précédent pour élaborer des stratégies de communication fidèles au message de l’Église. Ainsi un plus grand nombre de personnes seront en mesure d’entrer en contact avec la foi authentiquement catholique c’est-à-dire dans son intégralité.
  • L’étude de la communication permet à l’Église d’accomplir plus efficacement sa mission d’éducation. L’Église a toujours joué un rôle central dans l’éducation de toutes les générations. L’ignorance étant d’abord et avant tout une pauvreté de l’intelligence, l’Église a toujours pris au sérieux son mandat divin d’aider à nourrir le corps et l’esprit des indigents de ce monde. Bien que la plupart des pays du monde détiennent toujours des écoles et universités catholiques, d’autres, dont la province de Québec, n’offrent plus la possibilité aux parents catholiques d’avoir des institutions d’enseignement conformes à leurs convictions les plus profondes. Dans ce contexte, les nouveaux médias d’information peuvent être une opportunité pour l’Église de remplir son rôle d’éducation en offrant une panoplie de ressources jusqu’à ce que le manque actuel soit combler.

De nombreuses autres raisons pourraient nous convaincre de l’opportunité que représentent les nouveaux médias pour l’évangélisation et la mission de l’Église en général. Pour plus de détails, je vous suggère la lecture de l’article La communication aux yeux d’un théologien mentionné plus haut. La semaine prochaine, nous poursuivrons notre réflexion sur les relations entre l’Église et les médias en relatant les défis et risques qu’ils peuvent représenter.

L’Évangile et la valeur spirituelle de l’argent

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Depuis l’étude de Max Weber sur l’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, on a souvent souligné l’influence de la religion dans la conception et les rapports qu’entretiennent les hommes avec l’argent. Dans son étude, Max Weber montrait comment le protestantisme avait eu un rôle important dans l’implantation du régime capitaliste. Bien que les distinctions entre les théologies des différentes communautés chrétiennes tendent à s’estomper de plus en plus, on a traditionnellement prétendu que les protestants considéraient la richesse comme une bénédiction de Dieu et comme une certaine récompense suite à un important labeur. Au contraire, du côté catholique, on a souvent considéré les personnes bien nanties d’un mauvais œil, ces dernières s’éloignant prétendument de l’état de pauvreté du Christ.

Dans un monde où les inégalités vont en s’accroissant, il est de mise de s’interroger sur notre rapport avec l’argent ainsi que sur sa réelle importance. Personne ne questionne le rôle extrêmement pratique de l’argent. En effet, dans les sociétés primitives, il était encore possible de fonctionner grâce au troc. Toutefois, à mesure que le marché se diversifiait, il devenait impossible de continuer de fonctionner de cette manière, d’où l’établissement d’une unité de mesure commune pour faciliter les échanges. C’est ainsi qu’est apparu l’argent. Tout au long de l’histoire, la responsabilité d’émettre et de réguler la valeur et les flux de l’argent a généralement été confiée aux plus hautes autorités des différents pays. C’était déjà le cas au temps de Jésus où l’autorité politique suprême de César émettait des devises (deniers ou autres.) dans le but favoriser l’unité du commerce dans l’empire Romain.

Qu’est-ce que nous enseigne la Bible sur l’argent? Les enseignements de la Bible sur l’argent sont très complexes et peuvent diverger, surtout dans l’Ancien Testament, selon l’époque où le livre a été écrit. Cependant, une unité doctrinale peut en être tirée. De fait, un des enseignements fondamentaux de la Bible sur l’argent est qu’il est un bien mais également un moyen. Cela signifie qu’il ne doit pas être recherché pour lui-même mais pour une fin noble (no 328 – 329). Ainsi, ce n’est que si il est utile pour notre bien être corporel et spirituel qu’il doit être recherché. Dans le cas contraire, l’argent sera un grand obstacle à notre salut et nous risquons de « servir Mammon » (Mt 6,24). Ceci dit, l’Évangile ne doit pas être considéré comme un recueil de loi où l’on trouverait une réponse pour chaque cas particulier. Au contraire, le message de Jésus est un appel à la conscience et à la liberté humaine. On doit donc y chercher des principes avec lesquels nous devons juger nous-mêmes de la bonne chose à faire dans notre vie. Cela ne veut pas dire que nous pouvons faire n’importe quoi mais que c’est sur notre volonté et notre désir concret de connaître et de faire le bien que nous seront jugés. Comme le disait le Concile Vatican II, notre premier devoir est de « chercher la vérité et d’y adhérer » (no2).

Quels sont donc ces principes que nous enseigne le Nouveau Testament sur notre relation à l’argent ? Comme c’est le cas à de nombreuses reprises, nous sommes en présence d’un enseignement en apparence contradictoire.

D’un côté, Jésus nous enseigne à nous considérer comme des enfants aimés de Dieu. Une des caractéristiques fondamentales des enfants est qu’ils se savent dépendants de leurs parents et sont heureux de cet état. Un enfant va rarement jouer les indépendants devant sa mère mais va plutôt vouloir être avec elle et constamment attirer son attention. De la même manière, être enfant de Dieu nécessite de notre part une reconnaissance de notre totale dépendance par rapport à Dieu, non pas en la considérant comme un joug mais plutôt comme une présence réconfortante dont on ne voudrait être privé pour rien au monde. Dans ce contexte, l’argent peut être un obstacle puisqu’il peut nous porter à nous considérer comme étant autosuffisants et maîtres de nous-mêmes. Choisissant comme bon nous semble ce qui est bien et mal pour nous et notre prochain. En ce sens, « il est plus facile à un chameau de passer par un trou d’aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume des Cieux. » (Mt 19, 24). Toutefois, ce risque ne doit pas être pour nous une cause d’anxiété qui nous pousserait à ne pas prendre nos responsabilités et notre place dans la société y compris au niveau salarial. En effet, cela peut être aussi une occasion de sanctification au sens où l’on peut, par la possession des richesses, devenir l’instrument par lequel Dieu étend son Royaume dès ici bas.

D’un autre côté, Jésus nous enseigne que, malgré cet état de dépendance, nous devons tous travailler fort à notre amélioration personnelle, spirituelle et sociale. C’est l’enseignement de la parabole des talents (Mt 25, 14-46) dans laquelle Dieu nous demandera des comptes des fruits que nous avons ou aurions dû obtenir selon les talents que nous avons reçus. Ainsi, pas de place pour la paresse et la fainéantise. Nous devons tous donner le meilleur de nous-mêmes. Dans ce contexte, l’argent peut être un obstacle puisque si nous en avons trop, nous pouvons être tentés de jouir de la vie sans nous soucier du bien qui n’attend que nous pour se révéler. Nous cachons ainsi les talents qui nous ont été confiés avec la conséquence que nous connaissons« celui qui n’a rien se verra enlever même ce qu’il a ». Toutefois, l’argent peut également être extrêmement utile pour faire croître ces mêmes talents. L’exemple des études montre bien comment l’argent peut permettre à une personne d’exploiter son potentiel intellectuel au maximum et ensuite en faire bénéficier toute la société.

L’enseignement du Christ sur l’argent est, à la fois clair et indéterminé. En effet, d’un côté, l’argent n’est pas un bien absolu mais relatif à son utilisation. Le rechercher est impératif. Connaître le bien qui doit être fait avec lui l’est tout autant. Nous ne devons donc ni le craindre, ni le rechercher pour lui-même mais bien nous considérer comme des administrateurs de l’Unique vrai propriétaire et dépositaire des toutes les richesses créées. Ce faisant nous obéirons au conseil du Christ qui dit : « cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît » ( Mt 6, 33).

 

L’Euthanasie: une décision qui nous affectera tous!

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Du 8 au 15 mai prochains ce sera la semaine nationale pour la vie et la famille. Ce rendez-vous annuel est l’occasion de réfléchir et de discuter de la beauté de la vie humaine mais également de manifester son appui au respect de la dignité intrinsèque de celle-ci depuis la conception jusqu’à la mort naturelle. Pour l’occasion, le président de la Conférence des évêques catholiques du Canada, Mgr Douglas Crosby, a publié une lettre dans laquelle il montre sa sollicitude devant les « innombrables défis auxquels sont confrontées nos familles ». Parmi ces défis, il y a évidemment le problème récurrent de l’avortement qui, selon la Constitution Gaudium et Spes du Concile Vatican II, « est un crime abominable » (no 3). Toutefois, à l’heure actuelle, la « culture de la mort » tant décriée par saint Jean-Paul II manifeste une nouvelle fois sa capacité à transformer négativement la société par l’introduction de la pratique de l’euthanasie. Il est important d’y réfléchir puisque, comme l’avortement, l’exécution par administration d’une substance létale a de grande chance, dans un proche avenir, de devenir pratique courante.

Comme le disait Mgr Crosby, « pour aggraver les choses, bien des gens dans notre société ont perdu leur chemin et ne savent plus vers qui se tourner. Nous n’avons qu’à penser au débat sur l’euthanasie et le suicide assisté qui secoue notre pays ». Nous nous sommes déjà interrogé sur les causes derrière l’engouement que suscitent les législations pro-euthanasie. Toutefois, comme le dit le pape François dans Amoris Laetitia, il est de mise de poursuivre notre réflexion sur les manières dont « l’euthanasie et/ou le suicide assisté constituent de graves menaces pour les familles dans le monde entier » (no48).

Dans un premier temps, l’euthanasie laisse croire qu’il existe une telle chose comme une vie qui ne vaut pas la peine d’être vécue. En effet, la dignité humaine et sa conséquence éthique qu’est l’interdiction de provoquer directement la mort d’une personne innocente ne dépend pas d’une qualité secondaire ou accessoire comme la couleur de la peau, l’âge, le sexe ou, dans le cas présent, le degré de souffrance. Au contraire, la dignité humaine est inhérente à la vie humaine elle-même. Ainsi, voter une loi comme le projet C-14 au fédéral ou 52 au Québec (maintenant loi 2)  ne revient pas uniquement à permettre l’injection d’une substance létale à une personne souffrante qui en fait la demande. NON ! Cette loi dévalorise la vie humaine de tous, vous et moi. En ce sens, lors du vote en faveur de cette loi, tous les députés ont votéCapture d’écran 2016-05-08 à 09.02.20 en faveur d’une relativisation de la dignité et de la valeur de la vie humaine. Nous sommes passés d’une société où la vie a une valeur absolue à une société où la valeur de la vie est relative. Or, comme disent les philosophes, entre le relatif et l’absolu, il y a l’infini. C’est pourquoi cette loi dévalorisante pour tous aura une infinité de conséquences désastreuses pour vous, moi, nos amis, nos enfants !

De cette première dévalorisation découlera une dégradation sociale considérable et à tous les niveaux. En effet, toutes les injustices, les crimes, la corruption, la pollution sont des conséquences d’un manque d’acceptation de la dignité humaine par ceux qui les commettent. Par exemple, une compagnie de produits chimiques sera d’autant plus soucieuse de la santé des habitants qui l’entourent qu’elle aura une haute estime de la valeur de leurs vies. Au contraire, une industrie dont les dirigeants ne reconnaîtraient pas la dignité humaine auront moins de scrupules à déverser des produits chimiques dangereux pouvant causer la mort. De même, quelqu’un ayant une haute perception de la dignité humaine n’ira jamais voler ou agresser une autre personne. Ainsi, puisque l’ordre social, la justice et la paix présupposent une protection et une éducation à la valeur absolue de la dignité humaine, une loi dévalorisante légitimant, même dans certains cas, la soit disant « aide médicale à mourir » aura de graves conséquences à ce niveau au point ou, si cela en vient à ce généraliser, notre société deviendra invivable.

Devant ce constat dramatique, nous ne devons pas désespérer puisque nous ne sommes pas seuls et nous ne devons pas avoir peur : «  ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps » (Mt 10, 28). Ainsi comme le dit Mgr Crosby : [Read more…]

Un travail au service de la famille

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Le premier mai, c’est la journée internationale des travailleurs. On le sait, le travail est une dimension centrale de la vie humaine qui a des répercussions sur toutes les autres, y compris sur la vie familiale. Il m’a donc semblé opportun de revisiter l’exhortation apostolique Amoris Laetitia en reprenant certains des enseignements qu’on y trouve sur le travail et ses incidences sur les familles de notre temps.

Un enseignement qui passe à travers les âges

L’enseignement de l’Église sur le travail est fortement enraciné dans la Révélation divine. Dès les premières pages de la Genèse, on trouve un enseignement profond et riche de signification. En effet, on y apprend que le travail, que nous trouvons parfois si ardu, n’est pas une punition de Dieu. Il ne s’agit pas non plus, comme on pourrait le penser, d’une conséquence du péché originel puisqu’il y est déclaré que « l’homme a été établi dans le jardin d’Eden pour le cultiver et le garder » (Gn 2, 15). On ne doit donc pas considérer le travail comme un « mal nécessaire » qui devrait éventuellement disparaître. Contrairement aux idées reçues de la « société des loisirs » et qui ont aussi, selon moi, mal vieillies, le pape François affirme, que, Dieu Lui-même dans son Incarnation en Jésus « gagnait son pain en travaillant de ses mains » (no 65). On ne doit donc pas fuir le travail puisque (no24) « Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus » (2 Th 3, 10 ; cf. 1 Th 4, 11). Par contre, on ne doit jamais perdre de vue que le travail doit être au service de l’homme et non l’inverse.

Le travail au service de la famille

Pour le pape François et l’enseignement de l’Église, le travail est très important à la fois pour les personnes et la société ainsi que pour cette réalité mitoyenne qu’est la famille. En effet, si le travail est bon pour la famille, il sera bon et pour la personne, et pour la société. Les problèmes commencent lorsque ce n’est pas le cas. En effet, « le travail permet à la fois le développement de la société, l’entretien de la famille ainsi que sa stabilité et sa fécondité » (no 24)

Pour ce faire, la société doit, dans un premier temps, permettre au travail d’être au service des familles d’abord en faisant en sorte que les parents travaillent puisque « manquer de sources de travail affecte de diverses manières la sérénité des familles. » (no 25). De fait, les familles souffrent en particulier des problèmes liés au travail. Les possibilités pour les jeunes sont peu nombreuses et l’offre de travail est très sélective et précaire. Les journées de travail sont longues et souvent alourdies par de longues période de déplacement. Ceci n’aide pas les membres de la famille à se retrouver entre eux et avec leurs enfants, de façon à alimenter quotidiennement leurs relations ( no 44).

Deuxièmement, la société doit également prendre conscience qu’actuellement elle crée de nombreux obstacles à la formation de familles fortes. De fait, « le rythme de vie actuel, le stress, l’organisation sociale et l’organisation du travail, parce qu’ils sont des facteurs culturels qui font peser des risques sur la possibilité de choix permanents » (no 33 & 287). De plus, même dans les sociétés les plus développées comme la nôtre, on voit néanmoins de nouvelles formes de discrimination apparaître ici et là sous le couvert de nouvelles lois soit disant « à l’avant garde ». En effet, « à ceux qui travaillent dans les structures de santé, on rappelle leur obligation morale à l’objection de conscience. De même, l’Église sent non seulement l’urgence d’affirmer le droit à la mort naturelle, en évitant l’acharnement thérapeutique et l’euthanasie », mais aussi elle « rejette fermement la peine de mort ». (no 83) [Read more…]

Nous sommes tous en « situation irrégulière » !

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Vendredi dernier, le pape François publiait son exhortation apostolique post synodale sur l’amour dans la famille. J’ai déjà donné mes impressions sur ce que je retenais de ma première lecture du texte. Aujourd’hui et dans les semaines à venir, j’aimerais vous présenter mon analyse de chacun des chapitres du document. Cette semaine, je propose donc ma compréhension du chapitre premier d’Amoris Laetitia.

Entre mystère et réalité

Le premier chapitre de l’exhortation nous met en contact direct avec une vérité fondamentale de la foi catholique que j’appellerais le « dialogue entre mystère et réalité ». Souvent, on présente l’enseignement moral de Jésus comme étant en opposition avec la réalité d’aujourd’hui, avec notre monde moderne. De cela découlerait une impossibilité de mettre concrètement ces enseignements en pratique. Ainsi, le grand nombre de situations dites « irrégulières », avec lesquelles l’Église devrait maintenant composer, légitimeraient la constante réprimande faite à l’Église de la nécessité de changer ses enseignements. En ce sens, je crois que le premier chapitre d’Amoris Laetitia répond à cette critique d’une manière admirable en nous replongeant au racine de la fo catholique.

En effet, dans un premier, temps, il est important de comprendre que la foi et l’appartenance à l’Église ne dépendent en aucune manière des bonnes actions des personnes. Le salut n’est pas d’abord méritoire. Elle est un don gratuit de Dieu. Nul n’est donc sauvé sur ses propres mérites mais sur ceux du Christ de qui nous recevons constamment la grâce de nous y associer par son Église. En d’autres termes, il n’y a ni salut obligatoire pour tous, puisque nous devons librement nous associer au mérite du Christ, ni exclusion totale puisque personne ne se sauve par lui-même. Nous sommes tous en « situation irrégulière » ! Nous avons tous besoin de la Miséricorde de Dieu. Cette vérité fondamentale est au cœur des enseignements du pape François sur la famille et sur l’Église.

Éternelle disponibilité

En ces  « temps de relations frénétiques et superficielles » (no 28)[1], on pourrait être tenté de se décourager et de croire que la situation des familles d’aujourd’hui est irrécupérable. A contrario, Amoris Laetitia, me semble-t-il, se place dans la logique inverse, celle de l’espérance. En effet, le texte débute en manifestant à quel point « la Bible abonde en familles, en générations, en histoires d’amour et en crises familiales, depuis la première page […] jusqu’à la dernière page » (no8)[2]. L’enseignement de Jésus sur la famille ne doit donc pas être compris comme une série de règles inertes à suivre pour se sauver soi-même mais comme la présence de Dieu en marche avec les personnes et toujours prêt à pardonner.

Nécessaire ouverture

Toutefois, cette invitation universelle à la vie éternelle doit être accueillie, dès ici bas, par des « oui » concrets à l’Amour de Dieu dans notre vie. La famille n’est-elle pas le lieu idéal de mise en pratique de cette vie nouvelle présente en nous depuis le baptême et qui n’attend que notre disponibilité pour se manifester ? Car, si « la famille, en effet, n’est pas étrangère à l’essence divine même » (no 11)[3], la prise de conscience de cette vie déjà présente n’attend que nous pour rayonner au-delà, d’où la vocation missionnaire de toute famille. Voilà pourquoi, le Pape insiste sur la nécessité d’une spiritualité familiale dans laquelle « est présentée l’icône de la famille de Nazareth, avec sa vie quotidienne faite de fatigues, voire de cauchemars » (no 30)[4].

Ainsi, sans prétendre épuiser la richesse du texte lui-même, le premier chapitre représente à mon sens un résumé de l’enseignement de l’Église dans le langage pastoral de la miséricorde. Tant par son souci d’affirmer que le contexte actuel est loin d’être étranger aux difficultés des familles que par son insistance sur la constante disponibilité et invitation de Dieu envers toutes les personnes, le pape François démontre une sagesse d’enseignement en présentant la logique de la Grâce dans un équilibre entre les largesses de la miséricorde de Dieu et notre liberté capable de choix éternellement définitifs. La semaine prochaine j’entamerai l’analyse du chapitre 2 d’Amortis Laetitia.

Amoris Laetitia ou la famille sur la voie de la charité

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Aujourd’hui même à midi heure de Rome, le pape François a publié sa très attendue exhortation apostolique intitulée Amoris Laetitia sur le thème de l’amour dans la famille. Ce document de 258 pages pour l’édition française est le fruit des travaux des deux synodes sur la famille qui ont eu lieu au Vatican en 2014 et 2015. Bien que, dès les premières pages du texte, le Pape « ne recommande pas une lecture générale hâtive » (no 7), la rédaction de ce premier article nécessitait que je le lise dans son entièreté assez rapidement… Toutefois, n’ayez crainte, nous aurons l’occasion d’en reparler dans une série d’articles dans lesquels nous nous arrêterons plus longuement sur les nombreux thèmes abordés. Je vous propose aujourd’hui mes premières impressions suite à ma lecture d’Amoris Laetitia, espérant que dans notre prochain rendez-vous, vous aurez eu l’occasion de parcourir cet important document vous-mêmes.

La première chose qui me vient à l’esprit après la lecture d’Amoris Laetitia c’est que ce texte respire la préoccupation de l’Église et du pape François pour les familles d’aujourd’hui. Conscient de sa mission d’accompagner tous les fidèles et tous les humains, on perçoit avec quelle intensité le présent Pape souhaite que tous puissent découvrir la grandeur de cette vocation humaine. Pour cela, le Pape souhaite que l’on redécouvre l’essence de l’attitude de l’Église qui consiste en ce qu’il appelle la « via caritatis » (no 306) qui signifie en français la voie de la charité. En effet, on a souvent taxé l’Église d’être dogmatique et d’avoir un enseignement qui n’est plus en accord avec notre monde d’aujourd’hui. Il me semble que ce document répond magnifiquement à cette critique, à la fois, en manifestant que l’Église est non seulement parfaitement consciente et à l’écoute de la réalité contemporaine mais aussi qu’elle est capable d’un esprit critique envers elle-même et face au monde, esprit qu’elle puise à la lumière de la Révélation d’amour accomplie en Jésus-Christ.

En ce sens, les deux précédents synodes l’ont démontré : l’Église n’est pas cette institution fermée et rétrograde mais bien une communauté d’hommes et de femmes qui marchent ensemble à la suite du Christ; une communauté universelle qui s’interroge sur les meilleurs chemins à prendre pour rester le plus fidèle possible à l’amour qui repose en leur être depuis le baptême. Comment donc réaliser ce projet de Dieu sur nous dans nos familles aujourd’hui? C’est la question fondamentale à laquelle ce texte tente d’apporter sa contribution.

Pour ce faire, le pape manifeste que le dessein de Dieu sur la famille n’est pas un idéal abstrait mais une réalité concrète. C’est pourquoi, on ne doit jamais se décourager de nous-mêmes ou des situations dans lesquelles nous nous trouvons. Nous ne sommes pas parfaits et la perfection à laquelle nous sommes destinés n’est pas de ce monde. Les chutes et les échecs sur le chemin sont pour Dieu et pour nous des occasions de réconciliation dont le but sublime est de manifester la grandeur de la Miséricorde de Dieu.

C’est le deuxième point qui a attiré mon attention : ce souci de montrer que la miséricorde est la clé de compréhension de tout l’enseignement et de la pratique de l’Église. En effet, la miséricorde « n’est pas seulement l’agir du Père, mais elle devient le critère pour comprendre qui sont ses véritables enfants. En résumé, nous sommes invités à vivre de miséricorde parce qu’il nous a d’abord été fait miséricorde » (no 310). Selon moi, tout le texte tient à revisiter cet enseignement sur la famille si incompris par bon nombre de personnes aujourd’hui; parmi lesquelles on retrouve malheureusement beaucoup de catholiques. Que ce soit dans la présentation des enseignements bibliques et magistériels sur la famille (chapitre 1 et 3), dans l’analyse des défis contemporains auxquels toutes les familles font face dans leur volonté (consciente ou non) de réaliser leurs plus grandes aspirations (chapitre 2 et 5), dans la présentation de la beauté et de l’héroïcité nécessaires à la mise en pratique des exigences de l’amour véritable (chapitre 4 et 7) ou de l’approche pastorale nécessaire pour accompagner les familles dans la réalisation de leur vocation universelle à la sainteté (chapitre 6 et 8), l’ensemble du document semble être orienté vers la proximité avec Dieu qui se trouve aux côtés de chacun d’entre nous et qui nous invite à le connaître et l’aimer par l’entremise de nos relations familiales « où se reflète, par grâce, le mystère de la Sainte Trinité » ( no 86).

Nous reviendrons, dans les prochaines semaines, sur les différents thèmes abordés dans cette exhortation apostolique qui, des plus polémiques aux plus apparemment anodins, auront sans doute eu l’occasion de faire surface ici et là dans l’actualité. Entre temps, je vous recommande fortement la lecture de ce document qui saura réchauffer le cœur de tous les lecteurs qui forcément sentiront l’immense trésor de sagesse dont l’Église est dépositaire et dont elle nous fait part gratuitement s’appuyant sur ce don ultime de Dieu par son Fils sur la Croix.

L’analyse historique: un chemin de réconciliation

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(Peinture: John Stanley)
Le 19 mars dernier, la Conférence des évêques catholiques du Canada a publié le document intitulé Réaction catholique à la « doctrine de la découverte » et de la terra nullius. Ce document de 15 pages rend compte du fruit des réflexions conjointes de la CECC avec le Conseil autochtone catholique du Canada ainsi que d’autres organisations catholiques sur les doctrines dites de « la découverte » et de la « terra nullius ». Se voulant explicitement une réponse « aux erreurs et contre-vérités transmises, souvent par des chrétiens », le document procède à un examen ainsi qu’à un rejet de ces doctrines qui, selon les signataires, ont été à la source de plusieurs injustices dont les peuples autochtones d’Amérique ont été victimes.

Dans un premier temps, le document rend publiques une série d’affirmations sur les droits des autochtones ainsi qu’une reconnaissance d’une certaine complicité historique de la communauté catholique devant les injustices perpétrées contre les premières Nations par les autorités politiques des différentes époques de notre histoire. Prenant acte des affirmations fortes des récents papes tels que saint Jean-Paul II ou François la CECC a vu la nécessité de faire face aux « nombreux et graves péchés qui ont été commis contre les peuples originaires de l’Amérique au nom de Dieu ». Pour ce faire, ce document procède à un examen précis de deux doctrines qui ont souvent servi à justifier des actes injustes et cruels envers les premières Nations du Canada plus particulièrement.

Un nécessaire examen

Dans un premier temps, il est intéressant de noter que cette initiative doit être comprise dans la logique suivie par la Commission Vérité et réconciliation. En effet, pour cette Commission, le pardon et la réconciliation ne pouvaient se concrétiser que dans l’optique d’une prise de conscience commune des évènements passés. Ainsi, faisant face ensemble à la vérité qui libère, tant les victimes que les responsables peuvent construire les voies menant à une réconciliation. Les unes pardonnant pendant que les autres demandent pardon.

Une de ces nombreuses injustices subies par les premières Nations se trouve dans le fait que beaucoup de leurs terres ancestrales furent considérées comme n’appartenant à personne. Comment se fait-il que les Européens arrivant en Amérique n’aient bien souvent pas tenu compte des peuples qui se trouvaient déjà sur place ? Comme se fait-il que certaines personnes se soient vues dépossédées de leur terre sans respect pour leur dignité et leur droit naturel à la propriété ? Quels prétextes ont-ils utilisés pour commettre ce qui aurait été considéré comme un larcin si cela avait été commis contre un Européen ? Pour répondre à ces questions importantes et dont la réconciliation exige l’examen, il était essentiel de poursuivre l’analyse des erreurs du passé à un niveau plus intellectuel afin de percevoir ce qui, dans la mentalité de l’époque, a pu servir de justification à ces crimes. En ce sens, deux doctrines sont identifiées.

Dans un premier temps, le document mentionne la « doctrine de la découverte » qui, bien qu’ayant eu plusieurs interprétations divergentes, limitait les droits des autochtones qui ne pouvaient « vendre leur territoire qu’au pays européen qui l’a « découvert » tout en ajoutant « qu’en réalité les terres qui appartenaient aux peuples autochtones ont souvent été tout simplement saisies et n’ont pas été vendues librement par leurs propriétaires autochtones ». Sur quelle base une telle expropriation a-t-elle pu s’opérer ? C’est ainsi que l’on introduit la notion latine de « terra nullius » signifiant en français « territoire sans maître ». De fait, cette doctrine a souvent servi de raison aux Européens « pour justifier leur mainmise sur les territoires autochtones ». Le texte poursuit en procédant à une analyse des différentes formulations et des développements de cette doctrine dans l’histoire. Sans entrer dans les détails, deux points ont attiré mon attention.

Séparer le bon grain de l’ivraie

D’abord, on a souvent tendance à croire que le Moyen-âge et la Renaissance furent des époques où l’action de l’Église et celles des royaumes se confondaient. Or, la réalité est souvent beaucoup plus complexe. Des rois on souvent agit contre des papes et des évêques et vice-versa. Il serait donc injuste d’accorder à l’Église l’entière responsabilité de ce que certains rois, mêmes catholiques, ont pu faire. Le texte montre bien comment les documents pontificaux ont souvent été interprétés de manière très large pour favoriser les intérêts des royaumes et des compagnies plutôt que le respect des principes légaux et moraux. De plus, certains gouvernants coloniaux savaient très bien les fortes condamnations et réticences des papes contre l’esclavage et la non reconnaissance des droits fondamentaux des âmes présentes dans le Nouveau Monde. Pourtant, « en dépit des bulles papales, les pays européens savaient qu’ils ne pouvaient pas, en vertu de la théologie ou du droit canonique, simplement revendiquer la souveraineté des terres conquises. Il a donc fallu inventer de nouvelles justifications ». D’où l’apparition de théories telles que la Terra Nullius.

Cela m’amène au deuxième point qui a attiré mon attention. En effet, le jugement historique sur les actions de l’Église ne doit jamais justifier des raccourcis intellectuels. De fait, l’Église a toujours été une institution très complexe et dans laquelle plusieurs opinions avaient droit de cité. C’est en ce sens que le document présente plusieurs cas où les décisions de la hiérarchie ont été contestées par d’autres ecclésiastiques. Ainsi, loin d’absoudre certains chefs d’Église ayant collaboré aux injustices présentes dans l’histoire des relations entre les Européens et les Amérindiens, le document manifeste néanmoins l’importance du débat que cette question a toujours suscitée à l’intérieur de l’Église. Ainsi, on ne peut accuser l’ensemble de l’Église catholique d’avoir été complice de ces injustices manifestes tout en reconnaissant que les fidèles (la hiérarchie comprise) n’ont pas toujours été conséquent du message qu’ils représentaient.

Je vous conseille fortement la lecture de ce document instructif qui nous invite à faire un voyage dans l’histoire des idées et de leur influence sur la construction du monde qui est aujourd’hui le nôtre. De cette façon, nous pourrons « aller de l’avant ensemble » en nous engageant dans les différents niveaux définis par la CECC dans le but de « continuer à cheminer avec les peuples autochtones pour édifier une société plus juste où seront cultivés et honorés leurs dons et ceux de toute la société ».

Vers une conversion missionnaire de l’œcuménisme?

blog_1457123346 Photo: Courtoisie Catholic News Service

Il a deux semaines, alors que le pape François se rendait au Mexique pour une visite apostolique, une rencontre historique avait été organisée à Cuba avec le Patriarche orthodoxe russe Kyrill. Lors de cet entretien, les deux évêques chrétiens ont discuté à huis clos pendant plus d’une heure et ont signé une Déclaration commune que d’aucuns ont appelé programme de l’engagement prophétique des églises en ce début de XXIe siècle. En effet, ce document, en 30 points, fait à la fois, état des relations œcuméniques actuelles et des problèmes centraux de notre monde contemporain tout en ouvrant de nouvelles perspectives de solutions à ces deux niveaux.

Un regard tourné vers l’avant

Dans un premier temps, le lieu choisi pour la rencontre avait une valeur symbolique forte. Pour les deux chefs d’église chrétienne, le choix de Cuba soulignait symboliquement que les événements sombres qui entachent l’histoire et qui ont résulté dans le « scandale des divisions entre les chrétiens » ne doivent plus être l’objet principal de l’attention. En effet, « loin des vieilles querelles de l’« Ancien Monde », nous sentons avec une force particulière la nécessité d’un labeur commun des catholiques et des orthodoxes, appelés, avec douceur et respect, à rendre compte au monde de l’espérance qui est en nous (cf. 1 P 3, 15) » (no3). Lieu symbolique s’il en est un, Cuba ne fut pas d’abord choisi pour son caractère politiquement « neutre » mais parce que, même 524 ans après la découverte de Christophe Colomb, l’Amérique est encore le symbole d’un lieu de tous les possibles, d’un lieu où l’on peut croire en la sincérité de l’autre et reconstruire sur le socle solide d’une miséricorde réciproque.

Ce regard renouvelé doit donc permettre non pas de lire le passé dans le but d’alimenter les divisions mais plutôt dans le but de se rendre disponible au projet de Dieu sur nos deux églises. Suivant cette logique, ce nouvel élan devra donc davantage se concentrer sur le présent et, ce, dans le but d’aboutir à un meilleur futur. Ce nouveau regard n’est cependant pas des plus reluisants. Selon les deux chefs d’église, la « civilisation humaine est entrée dans un moment de changement d’époque. Notre conscience chrétienne et notre responsabilité pastorale ne nous permettent pas de rester inactifs face aux défis exigeant une réponse commune. » (no7). Ce tournant de civilisation, accéléré par une nouvelle proximité entre les peuples causée par des moyens de communications toujours

plus performants et une mobilité des populations s’accroissant sans cesse, ne peut plus tolérer une attitude de repli sur soi. On ne peut plus aujourd’hui se conforter dans nos apriori et nos préjugés réciproques. Un dialogue franc et sincère est donc l’unique option pour toutes les institutions, y compris les organisations religieuses. Cela, Kirill et François l’ont mis en pratique par cette rencontre. En ce sens, les deux chefs chrétiens ont donc, à la fois, donné l’exemple à tous ceux qui seraient tentés de se refermer sur eux-mêmes d’une possibilité de rapprochement de ce qui s’était éloigner depuis longtemps (dans ce cas on parle de presque mille ans !) mais ont également manifesté la force sous-jacente à toute réconciliation.

Un programme chargé

Comme je le disais plus tôt, notre monde a de nombreux défis qui nécessitent l’implication et la coopération de tous les acteurs civils et religieux. En effet, les bouleversements environnementaux, la lutte contre les structures de péchés, la pauvreté endémique, les persécutions visant majoritairement aujourd’hui les chrétiens ainsi que le terrorisme international ne sont pas des problèmes isolés. Ainsi, « En cette époque préoccupante est indispensable le dialogue interreligieux. » (no 13). De plus, «  Les communautés chrétiennes mènent une large activité caritative et sociale, apportant une aide diversifiée aux nécessiteux. Orthodoxes et catholiques œuvrent souvent côte à côte. Ils attestent des fondements spirituels communs de la convivance humaine, en témoignant des valeurs évangéliques » (no 14). Cette contribution des chrétiens dans le monde doit donc être mieux appréciée par tous, de ceux qui considère les chrétiens comme des ennemies comme les chrétiens eux-mêmes qui devront retrouver ou intensifier leur engagement social missionnaire.

Cette nouvelle coopération catholique-orthodoxe permettra aussi de manifester que ce travail d’éducation à la vertu est indispensable à toute société digne de ce nom. En ce sens, il est important souligner bon nombre de « limitations actuelles des droits des chrétiens, voire de leur discrimination, lorsque certaines forces politiques, guidées par l’idéologie d’un sécularisme si souvent agressif, s’efforcent de les pousser aux marges de la vie publique » (no 15).

Comme on le dit souvent « L’union fait la force » ! Les circonstances actuelles ne permettent plus que nous restions isolés les uns des autres. Tous les problèmes mentionnés dans cette Déclaration, signée par le Pape et le Patriarche, doivent nous convaincre de la centralité et de la nouvelle pertinence de l’œcuménisme aujourd’hui. Puisse cette rencontre historique être l’occasion d’un nouvel engagement commun entre catholiques et orthodoxes sur les nombreux chantiers spirituels et temporels qui s’imposent à nous en ce moment crucial de l’histoire humaine.

 

Devenir « Église en sortie » avec l’AECQ

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Le 26 janvier dernier, le Conseil Communauté et Ministère de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec publiait un document intitulé « Le tournant missionnaire des communautés chrétiennes. Devenir une « Église en sortie » à la suite de La Joie de l’Évangile ». Comme son nom l’indique, ce document offre une réflexion détaillée sur les modalités particulières de la conversion missionnaire de l’Église au Québec. Ainsi, le document, fruit d’une session d’étude et de réflexion qui a eu lieu à Trois-Rivières les 12 et 13 mars 2014, invite le lecteur à s’interroger sur les différents niveaux de changement qu’une telle conversion implique.

Ce document disponible sur le site de l’AECQ propose d’abord une relecture de l’exhortation apostolique du pape François Evangelii Gaudium afin d’y puiser les intuitions fondamentales qui doivent guider notre réflexion. Cette section un peu plus « théorique » nous invite donc à une démarche de « purification » au sens où nous devons sortir du « pessimisme, du fatalisme et de la méfiance. [En effet] certaines personnes ne se donnent pas à la mission, car elles croient que rien ne peut changer et pour elles, il est alors inutile de fournir des efforts » (EG no 175). Accepter d’être missionnaire signifie accepter de nous donner sans compter, offrir nos services au Seigneur sans s’attendre à trop de reconnaissance et sachant que les résultats ne seront peut-être jamais visibles pour nous. Cette conversion intérieure, qui manifeste pleinement que nous avons accepté d’être les instruments de l’Esprit Saint c’est-à-dire de Celui qui ne cherche pas à attirer l’attention, ne doit cependant pas se limiter à notre vie spirituelle. Elle doit aussi prendre forme dans notre propre conception de nous-mêmes comme Église.

Le document propose dans un deuxième temps une réflexion sur le constat de l’Église et de la société québécoise dans son ensemble. Comme on le dit souvent : « pour savoir où l’on va il faut savoir d’où on vient ». Bien qu’il est évident que l’histoire du Québec et l’histoire de l’Église sont intimement liées, il est également évident que les 50 dernières années ont été marquées par une fracture de plus en plus grande entre l’Église et la société québécoise. Ce passé de « chrétienté » étant bel et bien derrière nous, il est nécessaire de, non pas nous jeter dans le vide spirituel actuel, mais de revisiter nos fondateurs. En effet, comme l’a dit le pape François lors de la Messe d’action de Grâce pour la canonisation de Sainte Marie de l’Incarnation et Saint François de Laval, il est essentiel qu’aujourd’hui nous fassions :

« Mémoire de ceux qui nous ont précédés, de ceux qui ont fondé notre Église. Église féconde que celle du Québec ! Féconde de nombreux missionnaires qui sont allés partout. Le monde a été rempli de missionnaires canadiens comme ces deux-ci. Maintenant un conseil : que cette mémoire ne nous conduise pas à abandonner la franchise et le courage. Peut-être – ou plutôt non,  sans peut-être ! – le diable est jaloux et il ne tolère pas qu’une terre soit ainsi féconde de missionnaires. Prions le Seigneur pour que le Québec revienne sur ce chemin de la fécondité, pour donner au monde de nombreux missionnaires. Que ces deux-ci qui ont – pour ainsi dire – fondé l’Église du Québec, nous aident comme intercesseurs. Que la graine semée croisse et donne comme fruit de nouveaux hommes et femmes courageux, clairvoyants, avec le cœur ouvert à l’appel du Seigneur. Aujourd’hui, on doit demander cela pour votre pays. Eux, du ciel, seront nos intercesseurs. Que le Québec redevienne cette source de bons et de saints missionnaires. »

Revisiter nos fondateurs afin de nous laisser inspirer et, je dirais même, imbiber de leur zèle missionnaire. Seulement ainsi serons-nous en mesure d’effectuer cette transition douloureuse qu’impose la situation actuelle puisque nous garderons en tête que « le salut des âmes est, dans l’Église, la loi suprême »(no1752) qui doit guider notre agir.

Je vous invite à lire et méditer ce document du Conseil Communautés et Ministères de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec. Tant par sa réflexion fondamentale que par son souci de trouver des solutions aux problèmes concrets qui affectent l’Église de chez nous, ce document vous permettra d’approfondir votre réflexion sur la conversion missionnaire de l’Église tout en vous donnant des pistes pour mettre cette dernière en pratique. D’ici là, sachez que nous avons reçu Mgr Alain Faubert en studio et nous serons en mesure de vous présenter cette entrevue dans les semaines à venir dans le cadre de notre nouvelle émission « Église en Sortie ».

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