Homélie du pape François lors de l’ouverture de la semaine pour l’unité des chrétiens

À 17h30 cet après-midi en la basilique Saint-Paul-Hors-les-Murs à Rome, le pape François a présidé à la célébration des Vêpres de la première semaine du temps ordinaire pour souligner le commencement de la 52e semaine de prière pour l’Unité des chrétiens. Le thème de cette année est inspiré du livre du Deutéronome: « ils jugeront le peuple en de justes jugements » (Dt 16, 18-20). Des représentants d’églises chrétiennes non-catholiques ainsi que de communautés chrétiennes étaient également présents lors de cette célébration. À la fin des Vêpres et avant la bénédiction apostolique, son Éminence le Cardinal Kurt Koch, Président du Conseil pontifical pour la promotion de l’Unité des chrétiens a également prononcé un mot de remerciement pour le Saint-Père. Vous trouverez ci-dessous la version française du texte de l’homélie du pape François telle que prononcée lors de cette célébration solennelle:

Aujourd’hui a commencé la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, au cours de laquelle nous sommes tous invités à invoquer de Dieu ce grand don. L’unité des chrétiens est un fruit de la grâce de Dieu et nous devons nous disposer à l’accueillir avec un cœur généreux et disponible. Ce soir, je suis particulièrement heureux de prier avec les représentants des autres Eglises présentes à Rome, auxquelles j’adresse un cordial et fraternel salut. Je salue aussi la délégation œcuménique de la Finlande, les étudiants de l’Ecumenical Institute of Bossey, en visite à Rome pour approfondir leur connaissance de l’Eglise catholique, et les jeunes orthodoxes et orthodoxes orientaux qui étudient ici avec le soutien du Comité de Collaboration culturelle avec les Églises orthodoxes, travaillant auprès du Conseil pour la Promotion de l’Unité des Chrétiens.

Le livre du Deutéronome imagine le peuple d’Israël installé dans les plaines de Moab, sur le point d’entrer dans la Terre que Dieu lui a promise. Ici, Moïse, comme un père prévenant et un chef désigné par le Seigneur, répète la Loi au peuple, l’instruit et lui rappelle qu’il devra vivre avec fidélité et justice une fois qu’il se sera établi dans la terre promise.

Le passage que nous venons d’écouter fournit des indications sur la manière de célébrer les trois principales fêtes de l’année : Pesach (Pâque), Shavuot (Pentecôte), Sukkot (Tabernacles). Chacune de ces fêtes appelle Israël à la gratitude pour les biens reçus de Dieu. La célébration d’une fête demande la participation de tous. Personne ne peut être exclu : « Tu te réjouiras en présence du Seigneur ton Dieu, au lieu choisi par le Seigneur ton Dieu pour y faire demeurer son nom, et avec toi se réjouiront ton fils et ta fille, ton serviteur et ta servante, le lévite qui réside dans ta ville, l’immigré, l’orphelin et la veuve qui sont au milieu de toi » (Dt 16, 11).

Pour chaque fête, il faut accomplir un pèlerinage « dans le lieu choisi par le Seigneur ton Dieu pour y faire demeurer son nom » (v. 2). Là, le fidèle israélite doit se placer devant Dieu. Bien que chaque israélite ait été esclave en Égypte, sans aucune possession personnelle, « personne ne paraîtra les mains vides devant la face du Seigneur » (v. 16) et le don de chacun sera à la mesure de la bénédiction que le Seigneur lui aura donnée. Tous recevront donc leur part de la richesse du pays et bénéficieront de la bonté de Dieu.

Le fait que le texte biblique passe de la célébration des trois fêtes principales à la nomination des juges ne doit pas nous surprendre. Les fêtes-mêmes exhortent le peuple à la justice, rappelant l’égalité fondamentale entre tous les membres, tous également dépendants de la miséricorde divine, et invitant chacun à partager avec les autres les biens reçus. Rendre honneur et gloire au Seigneur dans les fêtes de l’année va de pair avec le fait de rendre honneur et justice à son prochain, surtout s’il est faible et dans le besoin.

Les chrétiens d’Indonésie, réfléchissant sur le choix du thème pour la Semaine de Prière actuelle, ont décidé de s’inspirer de ces paroles du Deutéronome : « C’est la justice, rien que la justice, que tu rechercheras » (16, 20). En elles, est vivante la préoccupation que la croissance économique de leur pays, animée par la logique de la concurrence, en laisse beaucoup dans la pauvreté permettant seulement à un petit nombre de s’enrichir grandement. C’est mettre en danger l’harmonie d’une société dans laquelle des personnes de différentes ethnies, langues et religions vivent ensemble, partageant le sens d’une responsabilité réciproque.

Mais cela ne vaut pas seulement pour l’Indonésie : cette situation se rencontre dans le reste du monde. Quand la société n’a plus comme fondement le principe de la solidarité et du bien commun, nous assistons au scandale de personnes qui vivent dans l’extrême misère à côté de gratte-ciels, d’hôtels imposants et de luxueux centres commerciaux, symboles d’une richesse éclatante. Nous avons oublié la sagesse de la loi mosaïque, selon laquelle si la richesse n’est pas partagée, la société se divise.

Saint Paul, écrivant aux Romains, applique la même logique à la communauté chrétienne : ceux qui sont forts doivent s’occuper des faibles. Il n’est pas chrétien de « faire ce qui nous plaît » (15, 1). En suivant l’exemple du Christ, nous devons en effet nous efforcer d’édifier ceux qui sont faibles. La solidarité et la responsabilité commune doivent être les lois qui régissent la famille chrétienne.

Comme peuple saint de Dieu, nous aussi sommes toujours sur le point d’entrer dans le Royaume que le Seigneur nous a promis. Mais, en étant divisés, nous avons besoin de rappeler l’appel à la justice que Dieu nous a adressé. Même parmi les chrétiens, il y a le risque que prédomine la logique connue des Israélites dans les temps anciens et du peuple indonésien au jour d’aujourd’hui, c’est-à-dire que, dans la tentative d’accumuler des richesses, nous oublions les faibles et les personnes dans le besoin. Il est facile d’oublier l’égalité fondamentale qui existe entre nous : qu’à l’origine nous étions tous esclaves du péché et que le Seigneur nous a sauvés dans le Baptême, nous appelant ses fils. Il est facile de penser que la grâce spirituelle qui nous a été donnée est notre propriété, quelque chose qui nous revient et qui nous appartient. Il est possible, en outre, que les dons reçus de Dieu nous rendent aveugles sur les dons faits aux autres chrétiens. C’est un grave péché de diminuer ou de mépriser les dons que le Seigneur à concédés aux autres frères, en croyant qu’ils sont en quelque sorte moins privilégiés de Dieu. Si nous nourrissons des pensées semblables, nous permettons que la grâce elle-même reçue devienne source d’orgueil, d’injustice et de division. Et comment pourrons-nous alors entrer dans le Royaume promis ?

Le culte qui sied à ce Royaume, le culte que la justice demande, est une fête qui concerne tout le monde, une fête dans laquelle les dons reçus sont rendus accessibles et partagés. Pour accomplir les premiers pas vers cette terre promise qui est notre unité, nous devons surtout reconnaître avec humilité que les bénédictions reçues ne sont pas nôtres de droit, mais qu’elles sont nôtres par don, et qu’elles nous ont été données afin que nous les partagions avec les autres. En second lieu, nous devons reconnaître la valeur de la grâce concédée aux autres communautés chrétiennes. Par conséquent, ce sera notre désir de participer aux dons des autres. Un peuple chrétien renouvelé et enrichi par cet échange de dons sera un peuple capable de marcher d’un pas assuré et confiant sur la voie qui conduit à l’unité.

[00094-FR.01] [Texte original: Italien]

Se préparer à la fête en cultivant son désir

Dimanche prochain le 2 décembre 2018, l’Église francophone du Canada vivra deux changements importants. Dans un premier temps, nous entrerons, comme l’ensemble de l’Église universelle, dans le temps de l’Avent. Un deuxième changement nous concerne aussi tout particulièrement. En effet, ce dimanche et ce pour la première fois, nous utiliserons une nouvelle traduction de la prière dominicale, le Notre-Père.

Pour conserver les plaisirs de la vie

Dans la liturgie latine, le temps de l’Avent (qui signifie avènement) met l’accent sur la dimension eschatologique de la foi ou, en d’autres termes, sur l’espérance du but ultime de notre vie et du monde qu’est le retour glorieux du Christ et la récapitulation de toutes choses en Lui. Bien évidemment tout cela est certes mystérieux et semble bien loin de notre expérience quotidienne. C’est pourquoi à chaque année, la liturgie nous invite à prendre le temps de souligner et méditer cette attente constitutive de notre foi.

On dit également de l’Avent qu’il s’agit d’un temps de préparation à Noël, ce temps de l’année où nous célébrons le Mystère de l’Incarnation du Fils de Dieu parmi nous. Cette emphase est particulièrement bien adaptée à notre nature humaine. En effet, nous faisons tous l’expérience d’une tension entre le plaisir et le désir. Plus nous désirons quelque chose, plus notre plaisir sera intense. Au contraire, lorsque nous ne désirons pas vraiment, nous n’avons pas beaucoup de plaisir, a fortiori lorsque nous ne désirons pas du tout ! Notre société de consommation nous a trop souvent convaincus que nous devons  tout avoir tout de suite, sans effort ni… désir. Cela est contradictoire et explique pourquoi les gens qui ont tout ce qu’ils désirent sont souvent blasés et à la recherche de toujours plus d’émotions fortes.

Si nous voulons conserver le plaisir, il nous faut donc apprendre à cultiver le désir. C’est ce que permet le temps liturgique de l’Avent. En nous recentrant sur l’essentiel de la venue du Christ à Noël, nous sommes invités à cultiver notre désir intérieur de pouvoir enfin le contempler dans la crèche. Ainsi, parce que nous aurons, à la fois, appris à attendre et à la fois compris ce qui est véritablement essentiel, toute notre vie se transformera et nous pourrons apprécier dans leur plénitude les plaisirs célestes et terrestres.

Un « Notre-Père » clarifié

Ce dimanche, les fidèles francophones du Canada vivront un autre changement majeur. En effet, pour la première fois, nous devrons réciter différemment la prière du Notre Père. Alors que nous étions habitués à dire : « Ne nous soumets pas à la tentation », nous dirons dorénavant : « Et ne nous laisse pas entrer en tentation ». La raison n’en est pas que la précédente formulation était absolument erronée, l’Église n’aurait pu tolérer que les fidèles invoquent Dieu d’une manière théologiquement fausse. C’est plutôt pour éviter toutes les éventuelles mauvaises interprétations qui pouvaient en émerger.

En effet, la version précédente pouvait faire penser que Dieu désirait directement que nous soyons tentés. Or, puisque Dieu ne peut vouloir directement le péché, il ne pouvait désirer la tentation. Dans le livre de Job, nous voyons clairement que le tentateur n’est pas Dieu mais Satan. Il est donc plus approprié de demander à Dieu de ne pas nous laisser « entrer en tentation » c’est-à-dire de ne pas laisser Satan s’approcher de nous et nous laisser être séduits par les mensonges de cet ange déchu.

En ce sens, il est très opportun que cette nouvelle formulation du Notre-père advienne durant le temps de l’Avent. En effet, comme nous l’avons dit plus haut, cette période de l’année nous invite à l’attente persévérante de l’Avènement du Christ. Cette attente ne doit non pas nous porter vers l’immobilisme du « divan » mais plutôt nous revigorer dans la dimension combattante de la vie spirituelle. Comme le dit le pape François : « La lutte contre les projets habiles de destruction et de déshumanisation menés par le démon est une réalité quotidienne ». L’Avent, ce « petit carême », nous invite à cette purification de notre propre vie intérieure en cultivant ce désir des joies de Noël par des privations et des actes d’amour de toutes sortes. En ce sens, le changement de formulation du Notre-Père est donc plus que bienvenu.

Messe pour les vocations sacerdotales de l’Archidiocèse de Montréal

En EXCLUSIVITÉ sur les ondes de TV Sel + Lumière et en ligne sur le web, suivez EN DIRECT la diffusion de la Messe pour les vocations sacerdotales de l’Archidiocèse de Montréal, le vendredi 26 octobre à 19 h 30 min. Cette Messe célébrée, à la magnifique chapelle du Grand Séminaire de Montréal, sera présidée par S. Exc. Mgr Christian Lépine, archevêque de Montréal. L’animation est confiée aux communautés présentes sur le territoire de l’Archidiocèse ; ainsi qu’aux séminaristes étudiants au Grand Séminaire de Montréal. Veuillez noter que la Messe sera également disponible sur Facebook EN DIRECT de Sel et Lumière dès 19 h 30 min. Un rendez-vous à ne pas manquer !

Vous trouverez le feuillet de célébration en cliquant sur le lien suivant:

Feuillet Messe vocationnelle

Message du pape François pour la 4e Journée mondiale de prière pour la création

CNS photo/Alessandro Bianchi, Reuters

Olivier Bonnel VM -Dans son message à l’occasion de la quatrième journée mondiale de prière pour la Création, le Pape François revient sur ce don précieux qu’est l’eau, et invite à des changements concrets pour en garantir l’accès à tous. Vous trouverez ci-dessous le Message du pape François pour la 4e Journée mondiale de prière pour la création:

Chers frères et sœurs!

En cette Journée de Prière, je souhaite avant tout remercier le Seigneur pour le don de la maison commune et pour tous les hommes de bonne volonté qui œuvrent à la protéger. Je suis aussi reconnaissant pour les nombreux projets visant à promouvoir l’étude et la protection des écosystèmes, pour les efforts en vue du développement d’une agriculture plus durable et d’une alimentation plus responsable, pour les diverses initiatives éducatives, spirituelles et liturgiques qui, dans le monde entier, engagent de nombreux chrétiens pour la sauvegarde de la création.

Nous devons le reconnaître: nous n’avons pas su prendre soin de la création de manière responsable. La situation de l’environnement, au niveau global ainsi qu’en de nombreux endroits spécifiques, ne peut être jugée satisfaisante. Avec raison, se fait sentir la nécessité d’une relation renouvelée et saine entre l’humanité et la création, la conviction que seule une vision de l’homme, authentique et intégrale, nous permettra de prendre mieux soin de notre planète au bénéfice de la génération présente et de celles à venir, car «il n’y a pas d’écologie sans anthropologie adéquate » (Lett. Enc. Laudato si’, n. 118).

En cette Journée Mondiale de Prière pour la sauvegarde de la création que l’Église catholique célèbre, depuis quelques années, en union avec les frères et les sœurs orthodoxes, et avec l’adhésion d’autres Églises et Communautés chrétiennes, je souhaite attirer l’attention sur la question de l’eau, élément si simple et si précieux, dont malheureusement l’accès est difficile sinon impossible pour beaucoup de personnes. Pourtant, «l’accès à l’eau potable et sûre est un droit humain primordial, fondamental et universel, parce qu’il détermine la survie des personnes, et par conséquent il est une condition pour l’exercice des autres droits humains. Ce monde a une grave dette sociale envers les pauvres qui n’ont pas accès à l’eau potable, parce que c’est leur nier le droit à la vie, enraciné dans leur dignité inaliénable» (ibid, n. 30).

L’eau nous invite à réfléchir sur nos origines. Le corps humain est composé en majeure partie d’eau; et beaucoup de civilisations, dans l’histoire, sont nées près de grands cours d’eau qui en ont marqué l’identité. L’image utilisée au début du Livre de la Genèse, où il est dit qu’au commencement l’esprit du Créateur «planait sur les eaux» (1, 2), est significative.

En pensant à son rôle fondamental dans la création et dans le développement de l’homme, je sens le besoin de rendre grâce à Dieu pour ‘‘sœur eau’’, simple et utile comme rien d’autre pour la vie sur la planète. Précisément pour cela, prendre soin des sources et des bassins hydriques est un impératif urgent. Aujourd’hui plus que jamais, il faut un regard qui aille au-delà de l’immédiat (cf. Laudato si’, n. 36), au-delà d’un «critère utilitariste d’efficacité et de productivité pour le bénéfice individuel» (ibid, n. 159). Il faut de toute urgence des projets communs et des gestes concrets, prenant en compte le fait que toute privatisation du bien naturel de l’eau au détriment du droit humain de pouvoir y avoir accès est inacceptable.

Pour nous chrétiens, l’eau représente un élément essentiel de purification et de vie. La pensée se dirige immédiatement vers le Baptême, sacrement de notre renaissance. L’eau sanctifiée par l’Esprit est la matière par laquelle Dieu nous a vivifiés et renouvelés; c’est la source bénie d’une vie qui ne meurt plus. Le Baptême représente aussi, pour les chrétiens de diverses confessions, le point de départ réel et inaliénable pour vivre une fraternité toujours plus authentique tout au long du chemin vers la pleine unité. Jésus, au cours de sa mission, a promis une eau à même d’étancher pour toujours la soif de l’homme (cf Jn 4, 14) et a promis: «Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive » (Jn 7, 37). Aller à Jésus, s’abreuver de lui signifie le rencontrer personnellement comme Seigneur, en puisant dans sa Parole le sens de la vie. Que vibrent en nous avec force ces paroles qu’il a prononcées sur la croix: « J’ai soif» (Jn 19, 28)! Le Seigneur demande encore à étancher sa soif, il a soif d’amour. Il nous demande de lui donner à boire dans les nombreuses personnes qui ont soif aujourd’hui, pour nous dire ensuite: «J’avais soif, et vous m’avez donné à boire» (Mt 25, 35). Donner à boire, dans le village global, ne comporte pas uniquement des gestes personnels de charité, mais des choix concrets et un engagement constant pour garantir à tous le bien fondamental de l’eau.

Je voudrais aborder également la question des mers et des océans. Il faut remercier le Créateur pour l’imposant et merveilleux don des grandes eaux et de tout ce qu’elles contiennent (cf. Gn 1, 20- 21; Ps 145, 6), et le louer pour avoir revêtu la terre d’océans (cf. Ps 103, 6). Orienter nos pensées vers les immenses étendues des mers, en mouvement continuel, est aussi, dans un certain sens, une occasion pour penser à Dieu qui accompagne constamment sa création en la faisant aller de l’avant, en la maintenant dans l’existence (cf. S. Jean-Paul II, Catéchèse, 7 mai 1986).

Prendre soin chaque jour de ce bien inestimable constitue aujourd’hui une responsabilité inéluctable, un vrai et propre défi : il faut une coopération réelle entre les hommes de bonne volonté pour collaborer à l’œuvre continue du Créateur. Tant d’efforts, malheureusement, sont réduits à rien par manque de règlementation et de contrôles effectifs, surtout en ce qui concerne la protection des zones marines au-delà des territoires nationaux (cf. Laudato si’, n. 174). Nous ne pouvons pas permettre que les mers et les océans se couvrent d’étendues inertes de plastique flottantes. En raison de cette même urgence, nous sommes appelés à nous engager, de manière active, en priant comme si tout dépendait de la Providence divine et en œuvrant comme si tout dépendait de nous.

Prions pour que les eaux ne soient pas un signe de séparation entre les peuples, mais de rencontre pour la communauté humaine. Prions pour que soient sauvés ceux qui risquent leur vie sur les flots à la recherche d’un avenir meilleur. Demandons au Seigneur et à ceux qui exercent le haut service de la politique de faire en sorte que les questions les plus délicates de notre époque, telles que celles liés aux migrations, aux changements climatiques, au droit pour tous de jouir des biens fondamentaux, soient affrontées de manière responsable, clairvoyante en regardant l’avenir, avec générosité et dans un esprit de collaboration, surtout entre les pays qui ont plus de moyens. Prions pour ceux qui se consacrent à l’apostolat de la mer, pour ceux qui aident à réfléchir sur les problèmes touchant les écosystèmes marins, pour ceux qui contribuent à l’élaboration et à l’application des normes internationales concernant les mers susceptibles de protéger les personnes, les pays, les biens, les ressources naturelles – je pense par exemple à la faune et à la flore piscicoles, ainsi qu’aux barrières de corail (cf. ibid., n. 41) ou aux fonds marins – et garantir un développement intégral dans la perspective du bien commun de la famille humaine tout entière et non d’intérêts particuliers. Souvenons-nous aussi de ceux qui œuvrent pour la sauvegarde des zones marines, pour la protection des océans et de leurs biodiversités, afin qu’ils accomplissent cette tâche de manière responsable et honnête.

Enfin, ayons présent à l’esprit les jeunes générations et prions pour elles afin qu’elles grandissent dans la connaissance et dans le respect de la maison commune et avec le désir de prendre soin du bien essentiel de l’eau en faveur de tous. Mon souhait est que les communautés chrétiennes contribuent toujours davantage et toujours plus concrètement afin que tout le monde puisse jouir de cette ressource indispensable, dans la sauvegarde respectueuse des dons reçus du Créateur, en particulier des cours d’eau, des mers et des océans.

Du Vatican, le 1er septembre 2018

[01294-FR.01] [Texte original: Italien]

FRANÇOIS

Lettre du Pape François au Peuple de Dieu

« Si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui » (1 Cor 12,26). Ces paroles de saint Paul résonnent avec force en mon cœur alors que je constate, une fois encore, la souffrance vécue par de nombreux mineurs à cause d’abus sexuels, d’abus de pouvoir et de conscience, commis par un nombre important de clercs et de personnes consacrées. Un crime qui génère de profondes blessures faites de douleur et d’impuissance, en premier lieu chez les victimes, mais aussi chez leurs proches et dans toute la communauté, qu’elle soit composée de croyants ou d’incroyants. Considérant le passé, ce que l’on peut faire pour demander pardon et réparation du dommage causé ne sera jamais suffisant. Considérant l’avenir, rien ne doit être négligé pour promouvoir une culture capable non seulement de faire en sorte que de telles situations ne se reproduisent pas mais encore que celles-ci ne puissent trouver de terrains propices pour être dissimulées et perpétuées. La douleur des victimes et de leurs familles est aussi notre douleur ; pour cette raison, il est urgent de réaffirmer une fois encore notre engagement pour garantir la protection des mineurs et des adultes vulnérables.

  1. Si un membre souffre

Ces derniers jours est paru un rapport détaillant le vécu d’au moins mille personnes qui ont été victimes d’abus sexuel, d’abus de pouvoir et de conscience, perpétrés par des prêtres pendant à peu près soixante-dix ans. Bien qu’on puisse dire que la majorité des cas appartient au passé, la douleur de nombre de ces victimes nous est parvenue au cours du temps et nous pouvons constater que les blessures infligées ne disparaissent jamais, ce qui nous oblige à condamner avec force ces atrocités et à redoubler d’efforts pour éradiquer cette culture de mort, les blessures ne connaissent jamais de «prescription». La douleur de ces victimes est une plainte qui monte vers le ciel, qui pénètre jusqu’à l’âme et qui, durant trop longtemps, a été ignorée, silencieuse ou passé sous silence. Mais leur cri a été plus fort que toutes les mesures qui ont entendu le réprimer ou bien qui, en même temps, prétendaient le faire cesser en prenant des décisions qui en augmentaient la gravité jusqu’à tomber dans la complicité. Un cri qui fut entendu par le Seigneur en nous montrant une fois encore de quel côté il veut se tenir. Le Cantique de Marie ne dit pas autre chose et comme un arrière-fond, continue à parcourir l’histoire parce que le Seigneur se souvient de la promesse faite à nos pères: «Il disperse les superbes. Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles.Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides» (Lc 1, 51-53); et nous ressentons de la honte lorsque nous constatons que notre style de vie a démenti et dément ce que notre voix proclame.

Avec honte et repentir, en tant que communauté ecclésiale, nous reconnaissons que nous n’avons pas su être là où nous le devions, que nous n’avons pas agi en temps voulu en reconnaissant l’ampleur et la gravité du dommage qui était infligé à tant de vies. Nous avons négligé et abandonné les petits. Je fais miennes les paroles de l’alors cardinal Ratzinger lorsque, durant le Chemin de Croix écrit pour le Vendredi Saint de 2005, il s’unit au cri de douleur de tant de victimes en disant avec force : « Que de souillures dans l’Église, et particulièrement parmi ceux qui, dans le sacerdoce, devraient lui appartenir totalement ! Combien d’orgueil et d’autosuffisance ! […] La trahison des disciples, la réception indigne de son Corps et de son Sang sont certainement les plus grandes souffrances du Rédempteur, celles qui lui transpercent le cœur. Il ne nous reste plus qu’à lui adresser, du plus profond de notre âme, ce cri: Kyrie, eleison – Seigneur, sauve-nous (cf. Mt 8, 25)» (Neuvième Station).

  1. Tous les membres souffrent avec lui

L’ampleur et la gravité des faits exigent que nous réagissions de manière globale et communautaire. S’il est important et nécessaire pour tout chemin de conversion de prendre connaissance de ce qui s’est passé, cela n’est pourtant pas suffisant. Aujourd’hui nous avons à relever le défi en tant que peuple de Dieu d’assumer la douleur de nos frères blessés dans leur chair et dans leur esprit. Si par le passé l’omission a pu être tenue pour une forme de réponse, nous voulons aujourd’hui que la solidarité, entendue dans son acception plus profonde et exigeante, caractérise notre façon de bâtir le présent et l’avenir, en un espace où les conflits, les tensions et surtout les victimes de tout type d’abus puissent trouver une main tendue qui les protège et les sauve de leur douleur (Cf. Exhort. ap. Evangelii Gaudium, n.228). Cette solidarité à son tour exige de nous que nous dénoncions tout ce qui met en péril l’intégrité de toute personne. Solidarité qui demande de lutter contre tout type de corruption, spécialement la corruption spirituelle, « car il s’agit d’un aveuglement confortable et autosuffisant où tout finit par sembler licite: la tromperie, la calomnie, l’égoïsme et d’autres formes subtiles d’autoréférentialité, puisque « Satan lui-même se déguise en ange de lumière » (2Co 11,14) » (Exhort. ap. Gaudete et Exsultate, n.165). L’appel de saint Paul à souffrir avec celui qui souffre est le meilleur remède contre toute volonté de continuer à reproduire entre nous les paroles de Caïn: «Est-ce que je suis, moi, le gardien de mon frère?» (Gn 4,9).

Je suis conscient de l’effort et du travail réalisés en différentes parties du monde pour garantir et créer les médiations nécessaires pour apporter sécurité et protéger l’intégrité des mineurs et des adultes vulnérables, ainsi que de la mise en œuvre de la tolérance zéro et des façons de rendre compte de la part de tous ceux qui commettent ou dissimulent ces délits. Nous avons tardé dans l’application de ces mesures et sanctions si nécessaires, mais j’ai la conviction qu’elles aideront à garantir une plus grande culture de la protection pour le présent et l’avenir.

Conjointement à ces efforts, il est nécessaire que chaque baptisé se sente engagé dans la transformation ecclésiale et sociale dont nous avons tant besoin. Une telle transformation nécessite la conversion personnelle et communautaire et nous pousse à regarder dans la même direction que celle indiquée par le Seigneur. Ainsi saint Jean-Paul II se plaisait à dire: «Si nous sommes vraiment repartis de la contemplation du Christ, nous devrons savoir le découvrir surtout dans le visage de ceux auxquels il a voulu lui-même s’identifier» (Lett. ap. Novo Millenio Ineunte, n.49). Apprendre à regarder dans la même direction que le Seigneur, à être là où le Seigneur désire que nous soyons, à convertir notre cœur en sa présence. Pour cela, la prière et la pénitence nous aideront. J’invite tout le saint peuple fidèle de Dieu à l’exercice pénitentiel de la prière et du jeûne, conformément au commandement du Seigneur1, pour réveiller notre conscience, notre solidarité et notre engagement en faveur d’une culture de la protection et du «jamais plus» à tout type et forme d’abus.

Il est impossible d’imaginer une conversion de l’agir ecclésial sans la participation active de toutes les composantes du peuple de Dieu. Plus encore, chaque fois que nous avons tenté de supplanter, de faire taire, d’ignorer, de réduire le peuple de Dieu à de petites élites, nous avons construit des communautés, des projets, des choix théologiques, des spiritualités et des structures sans racine, sans mémoire, sans visage, sans corps et, en définitive, sans vie. Cela se manifeste clairement dans une manière déviante de concevoir l’autorité dans l’Eglise – si commune dans nombre de communautés dans lesquelles se sont vérifiés des abus sexuels, des abus de pouvoir et de conscience – comme l’est le cléricalisme, cette attitude qui « annule non seulement la personnalité des chrétiens, mais tend également à diminuer et à sous-évaluer la grâce baptismale que l’Esprit Saint a placée dans le cœur de notre peuple». Le cléricalisme, favorisé par les prêtres eux-mêmes ou par les laïcs, engendre une scission dans le corps ecclésial qui encourage et aide à perpétuer beaucoup des maux que nous dénonçons aujourd’hui. Dire non aux abus, c’est dire non, de façon catégorique, à toute forme de cléricalisme.

Il est toujours bon de rappeler que le Seigneur, «dans l’histoire du salut, a sauvé un peuple. Il n’y a pas d’identité pleine sans l’appartenance à un peuple. C’est pourquoi personne n’est sauvé seul, en tant qu’individu isolé, mais Dieu nous attire en prenant en compte la trame complexe des relations interpersonnelles qui s’établissent dans la communauté humaine: Dieu a voulu entrer dans une dynamique populaire, dans la dynamique d’un peuple» (Exhort. ap. Gaudete et Exsultate, n.6). Ainsi, le seul chemin que nous ayons pour répondre à ce mal qui a gâché tant de vies est celui d’un devoir qui mobilise chacun et appartient à tous comme peuple de Dieu. Cette conscience de nous sentir membre d’un peuple et d’une histoire commune nous permettra de reconnaitre nos péchés et nos erreurs du passé avec une ouverture pénitentielle susceptible de nous laisser renouveler de l’intérieur.

Tout ce qui se fait pour éradiquer la culture de l’abus dans nos communautés sans la participation active de tous les membres de l’Eglise ne réussira pas à créer les dynamiques nécessaires pour obtenir une saine et effective transformation. La dimension pénitentielle du jeûne et de la prière nous aidera en tant que peuple de Dieu à nous mettre face au Seigneur et face à nos frères blessés, comme des pécheurs implorant le pardon et la grâce de la honte et de la conversion, et ainsi à élaborer des actions qui produisent des dynamismes en syntonie avec l’Evangile. Car «chaque fois que nous cherchons à revenir à la source pour récupérer la fraîcheur originale de l’Évangile, surgissent de nouvelles voies, des méthodes créatives, d’autres formes d’expression, des signes plus éloquents, des paroles chargées de sens renouvelé pour le monde d’aujourd’hui» (Exhort. ap. Evangelii Gaudium, n.11).

Il est essentiel que, comme Eglise, nous puissions reconnaitre et condamner avec douleur et honte les atrocités commises par des personnes consacrées, par des membres du clergé, mais aussi par tous ceux qui ont la mission de veiller sur les plus vulnérables et de les protéger. Demandons pardon pour nos propres péchés et pour ceux des autres. La conscience du péché nous aide à reconnaitre les erreurs, les méfaits et les blessures générés dans le passé et nous donne de nous ouvrir et de nous engager davantage pour le présent sur le chemin d’une conversion renouvelée.

En même temps, la pénitence et la prière nous aideront à sensibiliser nos yeux et notre cœur à la souffrance de l’autre et à vaincre l’appétit de domination et de possession, très souvent à l’origine de ces maux. Que le jeûne et la prière ouvrent nos oreilles à la douleur silencieuse des enfants, des jeunes et des personnes handicapées. Que le jeûne nous donne faim et soif de justice et nous pousse à marcher dans la vérité en soutenant toutes les médiations judiciaires qui sont nécessaires. Un jeûne qui nous secoue et nous fasse nous engager dans la vérité et dans la charité envers tous les hommes de bonne volonté et envers la société en général, afin de lutter contre tout type d’abus sexuel, d’abus de pouvoir et de conscience.

De cette façon, nous pourrons rendre transparente la vocation à laquelle nous avons été appelés d’être «le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain» (Conc. OEcum. Vat.II, Lumen Gentium, n.1).

« Si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui », nous disait saint Paul. Au moyen de la prière et de la pénitence, nous pourrons entrer en syntonie personnelle et communautaire avec cette exhortation afin que grandisse parmi nous le don de la compassion, de la justice, de la prévention et de la réparation. Marie a su se tenir au pied de la croix de son fils. Elle ne l’a pas fait de n’importe quelle manière mais bien en se tenant fermement debout et à son coté. Par cette attitude, elle exprime sa façon de se tenir dans la vie. Lorsque nous faisons l’expérience de la désolation que nous causent ces plaies ecclésiales, avec Marie il est nous bon «de donner plus de temps à la prière » (S. Ignace de Loyola, Exercices Spirituels, 319),cherchant à grandir davantage dans l’amour et la fidélité à l’Eglise. Elle, la première disciple, montre à nous tous qui sommes disciples comment nous devons nous comporter face à la souffrance de l’innocent, sans fuir et sans pusillanimité. Contempler Marie c’est apprendre à découvrir où et comment le disciple du Christ doit se tenir.

Que l’Esprit Saint nous donne la grâce de la conversion et l’onction intérieure pour pouvoir exprimer, devant ces crimes d’abus, notre compassion et notre décision de lutter avec courage.

FRANÇOIS

Du Vatican, le 20 août 2018

Mais délivrez-nous du Malin.

William-Adolphe Bouguereau (1825-1905) – Dante et Virgil en enfer (1850)

Nous poursuivons aujourd’hui notre parcours sur l’exhortation apostolique du pape François « Gaudete et Exhultate » en analysant le dernier des cinq chapitres qui composent ce texte. Assumant ce qui a été dit précédemment sur les différentes dimensions qu’il faut considérer aujourd’hui pour orienter notre vie sur un idéal de sainteté, le Pape poursuit son propos en démontrant la centralité du discernement individuel, spécialement pour débusquer les embûches de ceux qui veulent à tout prix notre perte : le Diable et ses démons.

Délivrez-nous du Malin

Le mal nous est familier. Nous le voyons dans les informations, les accidents, les injustices, etc. Nous en avons une expérience presque intuitive chaque fois que nous voyons que les choses devraient être autrement qu’elles le sont. Il est donc important de s’interroger sur la nature du mal. N’est-ce pas simplement l’absence de bien, de vérité et d’être ? Ou existe-t-il des forces qui travaillent à ce que le bien ne se réalise pas ? Devant le mal, certains en concluront que Dieu n’existe pas, d’autres, et c’est le cas des chrétiens, en concluent que le diable existe.  Celui dont, comme le disait Beaudelaire, « la plus belle des ruses est de vous persuader qu’il n’existe pas ! ».

Même s’il est omniprésent dans l’imaginaire cinématographique, le monde souvent cherche à ne pas tenir compte de cet être Malfaisant. En effet, « nous n’admettrons pas l’existence du diable si nous nous évertuons à regarder la vie seulement avec des critères empiriques et sans le sens du surnaturel » (no 160). Or, notre monde empreint de sécularisme cherche à répondre à la question du mystère du mal en trouvant des explications quantifiables et visibles. Sommes-nous bien avancés ? Ne court-on pas plutôt le risque de poser le blâme du mal en ce monde sur d’autres êtres humains ? Ne voyons-nous pas souvent des anathèmes être lancés gratuitement contre des opposants politiques, économiques, etc. ? Savoir que les seuls véritables ennemis de l’humanité sont les anges déchus ne nous libère-t-il pas de notre tendance à croire que « l’enfer c’est les autres » ? Comme le dit le Pape : « la conviction que ce pouvoir malin est parmi nous est ce qui nous permet de comprendre pourquoi le mal a parfois tant de force destructrice. » (no 160).

Malheureusement, on a aussi tendance à cacher l’existence du Malin dans nos communautés chrétiennes. En effet, certains courants théologiques ont bien souvent présenté le Diable comme n’étant, en définitive, « qu’un mythe, une représentation, un symbole, une figure ou une idée » (no 161). Or, nous dit le Pape :

Cette erreur nous conduit à baisser les bras, à relâcher l’attention et à être plus exposés. Il n’a pas besoin de nous posséder. Il nous empoisonne par la haine, par la tristesse, par l’envie, par les vices. Et ainsi, alors que nous baissons la garde, il en profite pour détruire notre vie, nos familles et nos communautés, car il rôde « comme un lion rugissant cherchant qui dévorer » (1P 5, 8). (no 161).

Sans se faire des peurs outre mesure, nous devons réintégrer l’agir du Diable dans notre conception chrétienne et nos pratiques ecclésiales. Nous y trouverons ainsi une réponse adéquate au mal qui nous touche tous et nous serons davantage conscient de notre dépendance à la Grâce divine présente dans la Parole de Dieu, dans les sacrements et l’exercice des vertus, spécialement de la Charité et qui sont des « armes puissantes que le Seigneur nous donne » (no 162).

Un discernement nécessaire

Nous en avons déjà parlé, le discernement est, pour le pape François, un outil redoutable dans notre combat personnel pour la sainteté. Or, savoir que le Lucifer est, ultimement, la cause de tous les maux est une chose. Savoir le reconnaître en est une autre. En effet, étant un « être personnel qui nous harcèle [ et qui ] nous empoisonne par la haine, par la tristesse, par l’envie, par les vices » (no 160-161), nous pouvons être certains que son génie, bien plus puissant que tous nos plus brillants cerveaux, cherche à nous tromper en nous présentant le péché sous l’apparence du bien.

En ce sens, le Pape nous met particulièrement en garde contre notre propension actuelle à chercher disproportionnément le changement ou l’immobilisme. C’est deux attitudes qui, comme dans le chapitre précédent, concernent notre rapport au temps si névralgique dans nos sociétés ou tout va vite. En effet, nous dit le Pape, le discernement est important :

 « Quand apparaît une nouveauté dans notre vie et qu’il faudrait alors discerner pour savoir s’il s’agit du vin nouveau de Dieu ou bien d’une nouveauté trompeuse de l’esprit du monde ou de l’esprit du diable. En d’autres occasions, il arrive le contraire, parce que les forces du mal nous induisent à ne pas changer, à laisser les choses comme elles sont, à choisir l’immobilisme et la rigidité. » (no 168).

Ainsi, cette habitude à garder une saine et sage distance devant les événements de la vie pourra nous aider à ne pas faire l’erreur de nous laisser « anfirouaper » par les manœuvres du « prince de ce monde ».

Comme nous avons pu le constater à travers notre lecture de l’exhortation apostolique « Gaudete et Exhultate » du pape François, la sainteté est une réalité accessible pour nous tous à condition que nous acceptions de faire confiance à la Toute-puissance transformante de Dieu qui, malgré notre faiblesse, nous tend la main sans condition en autant que nous lui répondions par un oui sincère et quotidien. Mon intention n’était évidemment pas de présenter le texte de manière exhaustive, je vous invite à le lire et le méditer durant l’été, ce moment de l’année propice au silence et à la méditation. Bonne lecture !

Message de Mgr Christian Lépine suite à la tragédie de Toronto

Vous trouverez ci-dessous le message de S. Exc. Mgr Christian Lépine suite à la tragédie qui a eu lieu à Toronto:

« Chaque vie humaine est une histoire »

Chers fidèles du diocèse de Montréal,

Depuis hier nous sommes sous le choc suite à la tragédie qui a eu lieu à Toronto. Pour le moment on sait que 10 personnes ont été tuées et 15 blessées. Nous n’avons pas d’idée précise du motif qui a amené un homme à foncer sur les personnes avec un véhicule. Cependant nous sommes profondément touchés par le drame qui a frappé les victimes et leurs familles.

Chaque vie humaine est une histoire, et hier des personnes innocentes ont été fauchées comme si elles n’étaient rien. Les personnes blessées sont marquées dans leur chair et leur âme. Les familles des victimes sont dévastées et dans une immense peine.

Au nom de tous les fidèles du diocèse de Montréal et avec eux j’exprime notre compassion devant le ravage causé par un acte insensé. Je m’unis à l’Archevêque de Toronto et à son appel à la prière. Jésus-Christ a le pouvoir de conduire à la vie éternelle et de consoler les cœurs brisés. Nous voulons nous recueillir dans le silence pour exprimer notre solidarité et confier les victimes et leurs familles à Dieu et à sa tendresse infinie.

Nous sommes réconfortés par les témoins directs de la tragédie qui ont tout fait pour porter secours et par les premiers répondants qui se sont dévoués pour faire face à la crise. Que, par la grâce de Dieu, nous continuions toujours de croire au pouvoir du bien et de l’entraide.

+Christian Lépine
Archevêque de Montréal

Le doux remède de la prière

CNS photo/Gregory A. Shemitz

Nous poursuivons notre exploration du message du pape François pour le Carême 2018. Après le « remède amer de la vérité », le Saint-Père nous invite à renouveler notre engagement envers ce qu’il nomme « le doux remède de la prière ». En effet, comme il existe des remèdes plus agréables que d’autres, la prière en est un qui nous aide à nous connaître davantage et ainsi, nous faire accéder de manière plus directe à la Présence réconfortante de Dieu.

La prière comme remède

La prière, que l’on définit habituellement comme « un dialogue avec Dieu », est un remède en ce sens qu’en nous permettant d’accéder, dès ici-bas, à la quiétude du ciel elle rétablit notre équilibre intérieur et extérieur.

En d’autres termes, la prière remet les choses à leur place intérieurement, non pas à la manière d’une journée au spa ou une séance de relaxation, mais en réorientant jour après jour l’ensemble de notre être à la volonté de Dieu. Créé par Dieu pour vivre de toute éternité en Union parfaite avec la Trinité, l’être humain perd trop souvent conscience des appels décisifs de l’Esprit Saint et finit par ne rechercher que le confort, ce qui se termine bien souvent dans le péché. C’est en ce sens que le « doux remède de la prière » nous permet de rétablir cet ordre intérieur, cette priorité donnée à l’orientation de tout notre être vers Dieu.

Par contre, comme le fait remarquer la plus récente instruction de la Congrégation de la Doctrine de la foi Placuit Deo, cet équilibre intérieur qu’offre Dieu dans la prière, ne doit pas nous convaincre qu’il s’agit d’un « parcours purement intérieur, en marge de nos rapports avec les autres et avec le monde créé ». Nous devons donc aussi demander, dans la prière, la force d’acquérir l’ensemble des vertus nécessaires à notre vocation de frères et sœurs dans le Christ, cet appel à trouver dans l’Église ou dans le monde ceux qui ont besoin de notre aide.

Le doux remède de la prière

Que notre cœur ne puisse être comblé que par l’Infini Amour de Dieu, l’expérience de chaque jour nous le prouve. Combien d’insatisfaits la recherche d’argent, du plaisir, du succès, etc. a-t-elle créés? De fait, « le salut total de la personne ne consiste pas en ce que l’homme pourrait obtenir par lui-même, comme la richesse ou le bien-être matériel, la science ou la technique, le pouvoir ou l’influence sur les autres, la bonne réputation ou l’auto-satisfaction ». Bien au contraire, ces tentatives nous éloignent du seul réconfort possible c’est-à-dire de se savoir aimé d’un Dieu Père qui prend soin de nous inconditionnellement.

Dans ce contexte, la prière nous met physiquement et spirituellement dans les bras de Celui qui, par le Christ, désire, plus que tout, que nous le rejoignions dans sa divinité même. Confiant en sa fidélité indéfectible, nous sommes ainsi délestés des soucis quotidiens qui empoisonnent trop souvent notre vie. Nous arrachant aux illusions des fausses assurances terrestres, la prière nous redonne la liberté nécessaire au bonheur humain. Ainsi, par contraste, on perçoit la douceur de cette prière qui apaise notre cœur et le libère de toutes ces insécurités qui naissent de cette incapacité à voir la Présence aimante de Dieu dans notre vie.

Nous poursuivrons la semaine prochaine cette analyse du message du pape François pour le Carême 2018.

Le remède du Carême selon le pape François

CNS photo/Vatican Medias

Le 6 février dernier, le pape François publiait son message du Carême 2018. Visant à réaffirmer la foi et l’ardeur de la charité des catholiques, ce message nous invite à l’introspection plus qu’à l’accusation lorsque nous considérons le mal dans notre monde.

L’ampleur du mal et les faux prophètes

Dans un premier temps, le Saint-Père nous exhorte à la vigilance envers les soi-disant « maîtres » qui se présentent à nous et que nous suivons trop souvent et facilement. En effet, « face à des événements douloureux, certains faux prophètes tromperont beaucoup de personnes, jusqu’au point d’éteindre dans les cœurs la charité ». Mais qui sont ces faux prophètes contre lesquels nous devons nous prémunir ? Ce sont ceux qui viennent éteindre en nous la certitude en la primauté de la Providence de Dieu, qui naît de la foi.

Sommes-nous donc conscients et certains que devant l’ampleur du mal, Dieu écrit son Histoire Sainte ? Ou nous laissons-nous décourager par les mauvaises nouvelles jusqu’à nous justifier de notre inaction et remettre à plus tard cette soif de prière, pourtant bien réelle, qui demeure en nous tous ?

De charmés à charlatants

Lorsque nous nous laissons charmer par ces tentations de faux bonheurs (drogues, égoïsme, amour désordonné des richesses, concupiscence des yeux et orgueil), nous devenons nous-mêmes des charlatans puisque, par tout le mal que nous faisons ou ce bien que nous ne faisons pas par omission, nous participons à cette injustice cosmique contre les hommes et le monde. Ainsi, ces « « charmeurs de serpents », qui utilisent les émotions humaines pour réduire les personnes en esclavage et les mener à leur gré » ne se contentent pas de faire de nous des pantins. Ils font de nous des tentateurs à notre tour.

Cela tient à la logique de notre nature. Créé pour l’Infini, notre cœur ne peut se satisfaire des bonnes choses de ce monde, d’où le besoin constant de nouveautés. Or cet appétit insatiable (chef-d’œuvre de la création lorsqu’il se déploie en Dieu) devient lui-même autodestructeur lorsqu’il n’y trouve pas son repos. On devient donc des consommateurs de biens matériels d’abord, et de personnes ensuite. Tout cela au grand détriment des plus pauvres et de l’environnement.

Cette pente glissante nous emmène tranquillement et sournoisement à ne plus reconnaître et même dédaigner les plus belles réalités de notre monde : « tout cela se transforme en violence à l’encontre de ceux qui sont considérés comme une menace à nos propres « certitudes » : l’enfant à naître, la personne âgée malade, l’hôte de passage, l’étranger, mais aussi le prochain qui ne correspond pas à nos attentes ».

Remède au mal

Devant les myriades de faux prophètes qui nous entourent, de ceux qui, par leur utopies ou distropies, nous promettent le paradis maintenant ou jamais, nous devons redécouvrir le mystère de la Providence divine. Cette omniprésence de Dieu qui, pour nous permettre de l’aimer librement, reste « caché » jusqu’à notre propre trépas.

En ce sens, ce temps de Carême nous permet de nous rendre compte que le seul vrai salut du monde, le seul vrai bonheur vient de notre union à ce Dieu qui s’est fait proche de nous en Jésus-Christ. Cette invitation prend une dimension très concrète pendant 40 jours où peuvent s’exprimer tout particulièrement des gestes qui, selon la Tradition de l’Église, sont à même de nous rapprocher de Dieu. En effet, « L’Église, notre mère et notre éducatrice, nous offre pendant ce temps du Carême, avec le remède parfois amer de la vérité, le doux remède de la prière, de l’aumône et du jeûne ». Dans cette attente active vers Pâques, nous explorerons plus en profondeur, au cours des prochaines semaines, ces quatre exercices de l’âme : vérité, prière, aumône et jeûne.

Église en sortie 9 février 2018

Cette semaine à Église en sortie: Francis Denis reçois Robert Lalonde qui nous parle de son livre « D’encre et de Chair: voyage aux pays des artisans de ponts de paix ». On vous présente un reportage sur la visite de la relique de Saint-François Xavier à la cathédrale Marie-Reine-du-Monde de Montréal. Dans la troisième partie de l’émission, entrevue avec l’auteur et théologien Jacques Gauthier sur son livre « Heni Caffarel: Maître d’oraison »

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