Homélie du pape François lors de la Messe pour le Jubilé des catéchistes

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L’Apôtre Paul, dans la seconde lecture, adresse à Timothée, mais aussi à nous, quelques recommandations qui lui tiennent à cœur. Parmi elles, il demande de « garder le commandement du Seigneur, en demeurant sans tache, irréprochable » (1Tm 6, 14). Il parle simplement d’un commandement. Il semble qu’il veuille faire fixer notre regard sur ce qui est essentiel pour la foi. Saint Paul, en effet, ne recommande pas beaucoup de points ni d’aspects, mais il souligne le centre de la foi. Ce centre autour duquel tout tourne, ce cœur palpitant qui donne vie à tout, c’est l’annonce pascale, la première annonce : le Seigneur Jésus est ressuscité, le Seigneur Jésus t’aime, il a donné sa vie pour toi ; ressuscité et vivant, il est présent à tes côtés et il t’attend chaque jour. Nous ne devons jamais l’oublier. En ce Jubilé des catéchistes, il nous est demandé de ne pas nous lasser de mettre en premier l’annonce principale de la foi : le Seigneur est ressuscité. Il n’y a pas de contenu plus important, rien de plus solide et actuel. Tout le contenu de la foi devient beau s’il est relié à ce centre, s’il est traversé par l’annonce pascale. En revanche, s’il est isolé, il perd sens et force. Nous sommes toujours appelés à vivre et à annoncer la nouveauté de l’amour du Seigneur : « Jésus t’aime vraiment, comme tu es. Fais-lui une place : malgré les déceptions et les blessures de la vie, laisse-lui la possibilité de t’aimer. Il ne te décevra pas ».

Le commandement dont parle saint Paul nous fait penser aussi au commandement nouveau de Jésus : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 15, 12). C’est en aimant que l’on annonce le Dieu-Amour. Non pas en cherchant à convaincre, jamais en imposant la vérité, non plus en se raidissant sur des obligations religieuses ou morales. Dieu est annoncé en rencontrant les personnes, en prêtant attention à leur histoire et à leur chemin. Car le Seigneur n’est pas une idée, mais une personne vivante : son message passe par le témoignage simple et vrai, par l’écoute et l’accueil, par la joie qui rayonne. On ne parle pas bien de Jésus quand on est triste : on ne transmet pas non plus la beauté de Dieu en faisant seulement de belles prédications. Le Dieu de l’espérance est annoncé en vivant aujourd’hui l’Evangile de la charité, sans peur d’en témoigner aussi sous des formes nouvelles d’annonces.

L’Evangile de ce dimanche nous aide à comprendre ce que veut dire aimer, et surtout à éviter certains risques. Dans la parabole, il y a un homme riche qui ne remarque pas Lazare, un pauvre qui est « devant son portail » (Lc 16, 20). Ce riche, en réalité, ne fait de mal à personne, on ne dit pas qu’il est mauvais. Mais il a une infirmité plus grande que celle de Lazare, qui est « couvert d’ulcères » (ibid.) : ce riche souffre d’une grande cécité, parce qu’il ne réussit pas à regarder au-delà de son monde fait de banquets et de beaux vêtements. Il ne voit pas derrière la porte de sa maison où est allongé Lazare, parce que ce qui se passe dehors ne l’intéresse pas. Il ne voit pas avec les yeux car il ne sent pas avec le cœur. La mondanité qui anesthésie l’âme est entrée dans son cœur. La mondanité est comme un « trou noir » qui engloutit le bien, qui éteint l’amour parce qu’elle ramène tout au moi. On ne voit plus alors que les apparences et on ne prête plus attention aux autres, car on devient indifférent à tout. Souvent, celui qui souffre de cette grave cécité se met à « loucher » : il regarde avec révérence les personnes célèbres, de haut rang, admirées du monde, et il détourne le regard des nombreux Lazare d’aujourd’hui, des pauvres et de ceux qui souffrent, qui sont les préférés du Seigneur.

Mais le Seigneur regarde celui qui est négligé et mis à l’écart du monde. Lazare est le seul personnage, dans toutes les paraboles de Jésus, à être appelé par son nom. Son nom veut dire « Dieu aide ». Dieu ne l’oublie pas, il l’accueillera au banquet de son Royaume, avec Abraham, dans une communion riche en affections. En revanche, l’homme riche, dans la parabole, n’a même pas de nom ; sa vie est oubliée, car celui qui vit pour soi ne fait pas l’histoire. Et un chrétien doit faire l’histoire ! Il doit sortir de lui-même, pour faire l’histoire ! Mais celui qui vit pour soi ne fait pas l’histoire. L’insensibilité d’aujourd’hui creuse des abîmes infranchissables à jamais. Et nous sommes tombés, à présent, dans cette maladie de l’indifférence, de l’égoïsme, de la mondanité.

Il y a un autre détail dans la parabole, un contraste. La vie opulente de cet homme sans nom est décrite comme ostentatoire : tout en lui réclame des besoins et des droits. Même mort il insiste pour être aidé et prétendre à ses intérêts. La pauvreté de Lazare, en revanche, s’exprime avec une grande dignité : aucune lamentation, protestation ni parole de mépris ne sort de sa bouche. C’est un enseignement précieux : en tant que serviteurs de la parole de Jésus nous sommes appelés à ne pas étaler une apparence et à ne pas rechercher la gloire ; nous ne pouvons pas non plus être tristes ni nous lamenter. Ne soyons pas des prophètes de malheur qui se complaisent à dénicher les dangers ou les déviances ; ne soyons pas des gens qui se retranchent dans leurs propres environnements en émettant des jugements amers sur la société, sur l’Eglise, sur tout et sur tous, polluant le monde de choses négatives. Celui qui est familier de la Parole de Dieu ne connaît pas le scepticisme qui se lamente.

Celui qui annonce l’espérance de Jésus est porteur de joie et voit loin, il a des horizons, il n’a pas un mur qui le ferme ; il voit loin car il sait regarder au-delà du mal et des problèmes. En même temps il voit bien de près, car il est attentif au prochain et à ses nécessités. Aujourd’hui, le Seigneur nous le demande : devant tant de Lazare que nous voyons, nous sommes appelés à nous inquiéter, à trouver des chemins pour rencontrer et aider, sans déléguer toujours aux autres et dire « je t’aiderai demain, aujourd’hui je n’ai pas le temps, je t’aiderai demain ». Et c’est un péché. Le temps donné pour porter secours aux autres est du temps donné à Jésus, c’est de l’amour qui demeure : c’est notre trésor au ciel que nous nous procurons ici sur terre.

En conclusion, chers catéchistes et chers frères et sœurs, que le Seigneur nous donne la grâce d’être renouvelés chaque jour par la joie de la première annonce : Jésus est mort et ressuscité, Jésus nous aime personnellement! Qu’il nous donne la force de vivre et d’annoncer le commandement de l’amour, en dépassant la cécité de l’apparence et les tristesses mondaines. Qu’il nous rende sensibles aux pauvres, qui ne sont pas un appendice de l’Evangile, mais une page centrale, toujours ouverte devant tous.

[01509-FR.02] [Texte original: Italien]

Discours du pape François lors de la cérémonie conclusive de la Journée Mondiale de Prière pour la Paix à Assise

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À 17:15, les participants des différentes religions se sont rencontrés sur la Place de Saint-François à Assise pour une cérémonie de conclusive de la Journée Mondiale de Prière pour la Paix. Le Saint-Père est arrivé sur la scène en compagnie du Rabbin Abraham Skorka, Recteur du Séminaire rabbinique de Marshall Meyer (Argentine); du professeur Abbas Schuman, Vice-Président de l’Université Al-Azhar (Égypte) ainsi que du Vénérable Gijun Sugitani, Conseillé Suprême de l’école Bouddhiste de Tendai (Japon).

La cérémonie a débutée avec les salutations de Son Excellence Domenico Sorrentino, Archevêque d’Assise-Novera (Umbra-Gualdo Tadino), et de père Mauro Gambetti o.f.m., Gardien du Couvent sacré d’Assise. Après une introduction du professeur Andrea Riccardi, fondateur de la Communauté Sant’Egidio, une victime de la guerre en Syrie, Ms. Tamar Mikalli, réfugiée en provenance d’Alep (Syrie) a partagé son témoignage. Après l’allocution du Patriarche Bartholomée 1er, le professeur David Brodman, Rabbin d’Israël; le Vénérable Koei Morikawa, Patriarche du Bouddhisme Tendai (Japon), le Professeur Din Syamsuddin, Président du Conseil Ulema (Indonésie) ont prononcé leurs discours devant l’assemblée. Finalement, le pape François a prononcé le discours que voici:

Saintetés,
illustres Représentants des Églises, des Communautés chrétiennes et des Religions, chers frères et sœurs !

Je vous salue avec grand respect et affection et je vous remercie de votre présence. Je remercie la Communauté de Sant’Egidio, le diocèse d’Assise et les Familles franciscaines qui ont préparé cette journée de prière. Nous sommes venus à Assise comme des pèlerins en recherche de paix. Nous portons en nous, et nous mettons devant Dieu les attentes et les angoisses de nombreux peuples et personnes. Nous avons soif de paix, nous avons le désir de témoigner de la paix, nous avons surtout besoin de prier pour la paix, car la paix est un don de Dieu et il nous revient de l’invoquer, de l’accueillir et de la construire, chaque jour avec son aide.

« Bienheureux les artisans de paix » (Mt 5,9). Beaucoup d’entre vous ont fait une longue route pour rejoindre ce lieu béni. Sortir, se mettre en route, se retrouver ensemble, se prodiguer pour la paix : ce ne sont pas seulement des mouvements physiques, mais surtout des mouvements de l’âme, ce sont des réponses spirituelles concrètes pour vaincre les fermetures en s’ouvrant à Dieu et aux frères. Dieu nous le demande, en nous exhortant à faire face à la grande maladie de notre époque : l’indifférence. C’est un virus qui paralyse, qui rend inertes et insensibles, un mal qui attaque le centre même de la religiosité, provoquant un nouveau paganisme extrêmement triste : le paganisme de l’indifférence.

Nous ne pouvons pas rester indifférents. Aujourd’hui, le monde a une ardente soif de paix. Dans de nombreux pays on souffre de guerres souvent oubliées, mais qui sont toujours causes de souffrance et de pauvreté. A Lesbos, avec le cher Patriarche œcuménique Bartholomée, nous avons vu dans les yeux des réfugiés la douleur de la guerre, l’angoisse de peuples assoiffés de paix. Je pense aux familles dont la vie a été bouleversée ; aux enfants qui n’ont rien connu d’autre dans la vie que la violence ; aux personnes âgées contraintes de laisser leurs terres : tous ont une grande soif de paix. Nous ne voulons pas que ces tragédies tombent dans l’oubli. Nous désirons prêter notre voix à tous ceux qui souffrent, à tous ceux qui sont sans voix et sans personne qui les écoute. Eux savent bien, souvent mieux que les puissants, qu’il n’y a aucun avenir dans la guerre, et que la violence des armes détruit la joie de la vie.

Nous, nous n’avons pas d’armes. Mais nous croyons dans la douce et humble force de la prière. En ce jour, la soif de paix s’est faite invocation à Dieu, pour que cessent les guerres, le terrorisme et les violences. La paix que nous invoquons d’Assise n’est pas seulement une protestation contre la guerre, elle n’est pas non plus le résultat « de négociations, de compromis politiques ou de marchandages économiques. Elle résulte de la prière » (Jean Paul II, Discours, Basilique Sainte Marie des Anges, 27 octobre 1986: Enseignements IX, 2 [1986], 1252). Cherchons en Dieu, source de la communion, l’eau limpide de la paix dont l’humanité est assoiffée : elle ne peut jaillir des déserts de l’orgueil ni des intérêts de parti, des terres arides du gain à tout prix et du commerce des armes.

Nos traditions religieuses sont diverses. Mais la différence n’est pas pour nous un motif de conflit, de polémique ou de froide distance. Nous n’avons pas prié aujourd’hui les uns contre les autres, comme c’est malheureusement arrivé parfois dans l’histoire. Sans syncrétisme et sans relativisme, nous avons en revanche prié les uns à côté des autres, les uns pour les autres. Saint Jean-Paul II, en ce même lieu, a dit : « Peut-être que jamais comme maintenant dans l’histoire de l’humanité, le lien intrinsèque qui unit une attitude religieuse authentique et le grand bien de la paix est devenu évident pour tous » (Id., Discours, Place de la Basilique inférieure de Saint François, 27 octobre 1986 : l.c., 1268). En poursuivant le chemin commencé il y a trente ans à Assise – où la mémoire de cet homme de Dieu et de paix que fut saint François est vivante – « une fois encore, nous qui sommes réunis ici, nous affirmons ensemble que celui qui utilise la religion pour fomenter la violence en contredit l’inspiration la plus authentique et la plus profonde » (Id., Discours aux Représentants des Religions, Assise, 24 janvier 2002: Enseignements XXV, 1 [2002], 104), qu’aucune forme de violence ne représente « la vraie nature de la religion. Elle en est au contraire son travestissement et contribue à sa destruction » (Benoît XVI, Intervention à la journée de réflexion, de dialogue et de prière pour la paix et la justice dans le monde, Assise, 27 octobre 2011 : Enseignements VII, 2 [2011], 512). Ne nous lassons pas de répéter que jamais le nom de Dieu ne peut justifier la violence. Seule la paix est sainte. Seule la paix est sainte, pas la guerre !

Aujourd’hui, nous avons imploré le saint don de la paix. Nous avons prié pour que les consciences se mobilisent pour défendre la sacralité de la vie humaine, pour promouvoir la paix entre les peuples et pour sauvegarder la création, notre maison commune. La prière et la collaboration concrète aident à ne pas rester prisonniers des logiques de conflit et à refuser les attitudes rebelles de celui qui sait seulement protester et se fâcher. La prière et la volonté de collaborer engagent une vraie paix qui n’est pas illusoire : non pas la tranquillité de celui qui évite les difficultés et se tourne de l’autre côté, si ses intérêts ne sont pas touchés ; non pas le cynisme de celui qui se lave les mains des problèmes qui ne sont pas les siens ; non pas l’approche virtuelle de celui qui juge tout et chacun sur le clavier d’un ordinateur, sans ouvrir les yeux aux nécessités des frères ni se salir les mains pour qui en a besoin. Notre route consiste à nous immerger dans les situations et à donner la première place à celui qui souffre ; d’assumer les conflits et de les guérir de l’intérieur ; de parcourir avec cohérence les voies du bien, en repoussant les faux-fuyants du mal ; d’entreprendre patiemment, avec l’aide de Dieu et de la bonne volonté, des processus de paix.

La paix, un fil d’espérance qui relie la terre et le ciel, un mot si simple, et en même temps difficile. Paix veut dire Pardon qui, fruit de la conversion et de la prière, naît de l’intérieur et, au nom de Dieu, rend possible de guérir les blessures du passé. Paix signifie Accueil, disponibilité au dialogue, dépassement des fermetures, qui ne sont pas des stratégies de sécurité, mais des ponts sur le vide. Paix veut dire Collaboration, échange vivant et concret avec l’autre, qui est un don et non un problème, un frère avec qui chercher à construire un monde meilleur. Paix signifie Education : un appel à apprendre chaque jour l’art difficile de la communion, à acquérir la culture de la rencontre, en purifiant la conscience de toute tentation de violence et de raidissement, contraires au nom de Dieu et à la dignité de l’homme.

Nous ici, ensemble et dans la paix, nous croyons et nous espérons en un monde fraternel. Nous désirons que les hommes et les femmes de religions différentes, partout se réunissent et créent de la concorde, spécialement là où il y a des conflits. Notre avenir est de vivre ensemble. C’est pourquoi nous sommes appelés à nous libérer des lourds fardeaux de la méfiance, des fondamentalismes et de la haine. Que les croyants soient des artisans de paix dans l’invocation à Dieu et dans l’action pour l’homme ! Et nous, comme Chefs religieux, nous sommes tenus à être de solides ponts de dialogue, des médiateurs créatifs de paix. Nous nous tournons aussi vers ceux qui ont une responsabilité plus haute dans le service des peuples, aux Leaders des Nations, pour qu’ils ne se lassent pas de chercher et de promouvoir des chemins de paix en regardant au-delà des intérêts de parti et du moment : que ne demeurent pas inécoutés l’appel de Dieu aux consciences, le cri de paix des pauvres et les bonnes attentes des jeunes générations. Ici, il y a trente ans, saint Jean-Paul II a dit : « La paix est un chantier ouvert à tous et pas seulement aux spécialistes, aux savants et aux stratèges. La paix est une responsabilité universelle » (Discours, Place inférieure de la Basilique de saint François, 27 octobre 1986 : l.c., 1269). Sœurs et frères, assumons cette responsabilité, réaffirmons aujourd’hui notre oui à être, ensemble, constructeurs de la paix que Dieu veut et dont l’humanité est assoiffée.

Discours du pape François lors de la Prière oecuménique dans la Basilique inférieure Saint-François d’Assise

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Vers 15:15, suivant un repas en commun au Couvent des franciscains d’Assise, le Pape a rencontré individuellement Sa Sainteté Bartholomée 1er, Patriarche Oecuménique de Constantinople, Sa Sainteté Ignatius Ephram II, Patriarche de l’église syrienne orthodoxe d’Antioche, Son excellence Justin Welby, Archevêque de Canterbury et Primat de la Communion anglicane, Le professeur Zygmut Bauman, sociologue et philosophe (Pologne), le professeur Din Syansuddin, Président du Conseil Uléma (Indonésie) ainsi que le Rabbin David Rosen (Israël).

À 16:00, les représentants des différentes religions ont priés pour la paix à différents endroits d’Assise. Tous les chrétiens se sont réunis dans la Basilique inférieur Saint-François pour une prière oecuménique durant laquelle furent mentionnés 28 pays en guerre. Une chandelle fut également allumés pour chacun d’eux. Vous trouverez ci-dessous le texte de la méditation du pape François:

Devant Jésus crucifié résonnent pour nous aussi ses paroles : « J’ai soif » (Jn 19, 28). La soif, encore plus que la faim, est le besoin extrême de l’être humain, mais en représente aussi l’extrême misère. Nous contemplons ainsi le mystère du Dieu Très-Haut, devenu, par miséricorde, miséreux parmi les hommes.

De quoi a soif le Seigneur ? Certainement d’eau, élément essentiel pour la vie. Mais surtout d’amour, élément non moins essentiel pour vivre. Il a soif de nous donner l’eau vive de son amour, mais aussi de recevoir notre amour. Le prophète Jérémie a exprimé la satisfaction de Dieu pour notre amour : « Je me souviens de la tendresse de tes jeunes années, ton amour de jeune mariée » (2, 2). Mais il a donné aussi une voix à la souffrance divine, quand l’homme, ingrat, a abandonné l’amour, quand – aujourd’hui aussi, semble dire le Seigneur – « ils m’ont abandonné, moi, la source d’eau vive et ils se sont creusés des citernes fissurées qui ne retiennent pas l’eau » (v. 13). C’est le drame du “cœur desséché”, de l’amour non rendu, un drame qui se renouvelle dans l’Évangile, quand, à la soif de Jésus l’homme répond par le vinaigre, qui est du vin tourné. Comme, prophétiquement, se lamentait le psalmiste : « Quand j’avais soif, ils m’ont donné du vinaigre » (Ps 69, 22).

“L’Amour n’est pas aimé” : selon certains récits, c’était la réalité qui troublait saint François d’Assise. Lui, par amour du Seigneur souffrant, n’avait pas honte de pleurer et de se lamenter à haute voix (cf. Sources franciscaines, n. 1413). Cette réalité même doit nous tenir à cœur en contemplant le Dieu crucifié, assoiffé d’amour. Mère Teresa de Calcutta a voulu que, dans les chapelles de chacune de ses communautés, près du Crucifié soit écrit “J’ai soif”. Étancher la soif d’amour de Jésus sur la croix par le service des plus pauvres parmi les pauvres a été sa réponse. Le Seigneur est en effet assoiffé de notre amour de compassion, il est consolé lorsque, en son nom, nous nous penchons sur les misères d’autrui. Au jugement, il appellera “bénis” tous ceux qui ont donné à boire à qui avait soif, qui ont offert un amour concret à qui en avait besoin : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40).

Les paroles de Jésus nous interpellent, elles demandent accueil dans notre cœur et réponse par notre vie. Dans son “J’ai soif”, nous pouvons entendre la voix de ceux qui souffrent, le cri caché des petits innocents exclus de la lumière de ce monde, la supplication qui vient du fond du cœur des pauvres et de ceux qui ont le plus besoin de paix. Elles implorent la paix, les victimes des guerres qui polluent les peuples de haine et la terre d’armes ; ils implorent la paix, nos frères et sœurs qui vivent sous la menace des bombardements ou sont contraints de laisser leurs maisons et d’émigrer vers l’inconnu, dépouillés de tout. Tous ceux-là sont des frères et des sœurs du Crucifié, petits dans son Royaume, membres blessés et desséchés de sa chair. Ils ont soif. Mais à eux il leur est souvent donné, comme à Jésus, le vinaigre amer du refus. Qui les écoute ? Qui se préoccupe de leur répondre ? Ils rencontrent trop souvent le silence assourdissant de l’indifférence, de l’égoïsme de celui qui est agacé, la froideur de celui qui éteint leur cri à l’aide avec la facilité avec laquelle on change un canal de télévision.

Devant le Christ crucifié, « puissance de Dieu et sagesse de Dieu » (1 Co 1, 24), nous chrétiens, nous sommes appelés à contempler le mystère de l’Amour non aimé et à répandre de la miséricorde sur le monde. Sur la croix, arbre de vie, le mal a été transformé en bien ; nous aussi, disciples du Crucifié, nous sommes appelés à être des “arbres de vie” qui absorbent la pollution de l’indifférence et restituent au monde l’oxygène de l’amour. Du côté du Christ en croix sort de l’eau, symbole de l’Esprit qui donne la vie (cf. Jn 19 34) ; ainsi, que de nous, ses fidèles, sorte de la compassion pour tous les assoiffés d’aujourd’hui.

Comme Marie près de la Croix, que le Seigneur nous accorde d’être unis à Lui et proches de celui qui souffre. En nous approchant de tous ceux qui aujourd’hui vivent comme des crucifiés et en puisant la force d’aimer au Crucifié ressuscité, croîtront encore plus l’harmonie et la communion entre nous. « C’est Lui, le Christ, qui est notre paix » (Ep 2, 14), lui qui est venu pour annoncer la paix à ceux qui sont proches et à ceux qui sont loin (cf. v. 17). Qu’il nous garde tous dans l’amour et nous rassemble dans l’unité, dans laquelle nous sommes en chemin, pour que nous devenions ce que lui désire : « un » (Jn 17, 21).

Belle visite au diocèse de Mont-Laurier pour le lancement de l’année pastorale

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Chaque année, les personnes engagées dans les différents diocèses du Québec se réunissent pour échanger, approfondir leur foi et connaître les grandes priorités pastorales de leur diocèse. C’est à cet exercice auquel j’ai assisté jeudi dernier pour le lancement de l’année pastorale 2016-17 du diocèse de Mont-Laurier. S’étaient donc réunies quelque 150 personnes autour de leur évêque Mgr Paul Lortie pour vivre en sa compagnie une journée de ressourcement avant le départ en mission.

Je dis « mission » parce que cette année souligne la troisième étape d’une série de trois années dédiées au recentrement missionnaire de cette église diocésaine. En lien avec l’exhortation apostolique « Evangelii Gaudium », Mgr Lortie avait décrété comme priorité pastorale l’invitation pontificale à être « portés par la joie de l’Évangile ». En effet, mettant l’emphase sur la dimension missionnaire de la vocation baptismale, l’évêque de Mont-Laurier avait pensé présenter cette redécouverte en trois étapes, histoire de bien l’assimiler. Après « Semons la Parole. Va, je t’envoie » et « Donnons notre amour. Sors de chez toi ! » le thème de cette année est « Donnons notre pain ! Quitte ton confort. ». Faisant toujours référence au fabuleux texte du pape François, cette invitation, en deux parties, présentée dans un petit document remis aux participants, présente non seulement une vision réaliste des différents défis qui se présentent mais manifeste également une grande confiance en la présence du Seigneur.

Quitte ton confort

Dans un premier temps, le thème de l’année propose un regard critique et réaliste sur la réalité du monde d’aujourd’hui. À la manière du pape François, on décline les principaux défis culturels auxquels les acteurs pastoraux auront affaire alors même qu’ils tenteront d’entreren dialogue avec leurs contemporains, soit pour témoigner de la foi qui les habite, soit pour éduquer directement les personnes de tous âges qui leur seront confiées. « Quitte ton confort » signifie sortir de soi-même et de ses préférences personnelles pour embrasser la réalité de l’autre en montrant comment la miséricorde de Dieu est à leur portée. Pour que cela soit possible, nous dit le document, il ne faut pas se surprendre des réactions parfois négatives qui ne tiennent pas compte des efforts et de la générosité des disciples missionnaires. Au contraire, nous devons être conscients que notre société baigne dans une culture « narcissique » ou « l’indifférence religieuse » est très répandue et où les notions de base de dignité humaine et de respect de la vie ne sont plus comprises dans leur intégralité. En ce sens, l’invitation préalable à faire un deuil de notre propre confort nous permet d’être mieux préparés à la dure réalité de la mission en 2016.

Donne de ton pain

De ce « camps d’entraînement » spirituel que ce dénuement propose, la deuxième partie du thème de l’année pastorale du diocèse de Mont-Laurier vient apporter un baume qui saura réconforter ceux qui pourraient être tentés par le découragement. De fait, le document divulgue plusieurs façons de voir jusqu’à quel point le don généreux de soi peut être un réconfort inégalable tant pour celui qui s’engage que pour celui qui en bénéficie. Confier nos actions et notre bonheur dans les mains du Christ n’est jamais du temps perdu et les répercussions de cette dédication remplit le cœur de bonheur. Non pas de ce « bonheur » apparent que le pape François appelait « divan » dans son discours aux jeunes de Cracovie l’été dernier, mais d’un bonheur profond refusant de voir les personnes qui nous entourent laissées à elles-mêmes, dans l’ignorance de l’Amour qui est à portée de main depuis que le Seigneur a été glorifié sur la Croix.

Je fus très touché par la rencontre de toutes ces personnes présentes à cette journée importante de ressourcement. J’y ai rencontré des gens généreux, confiants de la présence du Seigneur à leurs côtés et enthousiastes de faire partie de cette Œuvre d’évangélisation qui est toujours à refaire. J’ai pu également être témoin d’une grande unité et fraternité de cette communauté avec leur évêque et leurs prêtres. En ce sens, l’envoi en mission à la fin de la journée fut certainement l’occasion de mettre les efforts à venir dans les mains de Dieu afin qu’Il les bénisse et qu’Il permette, s’Il le désire, cette « pêche miraculeuse » tant attendue !

 

Canonisation de Mère Teresa de Calcutta: homélie du pape François

Le dimanche 4 septembre 2016, le pape François a proclamé Mère Teresa de Calcutta une sainte ! Voici le texte complet de son homélie:

« Qui peut comprendre les volontés du Seigneur ? » (Sg 9, 13). Cette interrogation du livre de la Sagesse, que nous avons écoutée dans la première lecture, nous présente notre vie comme un mystère, dont la clef d’interprétation n’est pas en notre possession. Les protagonistes de l’histoire sont toujours deux : Dieu d’une part et les hommes de l’autre. Nous avons la tâche de percevoir l’appel de Dieu et, ensuite, d’accueillir sa volonté. Mais pour l’accueillir sans hésitation, demandons-nous : quelle est la volonté de Dieu ?

Dans le même passage du livre de la Sagesse, nous trouvons la réponse : « C’est ainsi que les hommes ont appris ce qui te plaît » (v. 18). Pour authentifier l’appel de Dieu, nous devons nous demander et comprendre ce qui lui plaît. Bien souvent, les prophètes annoncent ce qui plaît au Seigneur. Leur message trouve une admirable synthèse dans l’expression : « C’est la miséricorde que je veux et non des sacrifices » (Os 6, 6 ; Mt 9, 13). Toute œuvre de miséricorde plaît à Dieu, parce que dans le frère que nous aidons nous reconnaissons le visage de Dieu que personne ne peut voir (cf. Jn 1, 18). Et chaque fois que nous nous penchons sur les besoins de nos frères, nous donnons à manger et à boire à Jésus ; nous vêtons, nous soutenons et nous visitons le Fils de Dieu (cf. Mt 25, 40). En somme, nous touchons la chair du Christ.

Nous sommes donc appelés à traduire dans le concret ce que nous invoquons dans la prière et professons dans la foi. Il n’y a pas d’alternative à la charité : ceux qui se mettent au service de leurs frères, même sans le savoir, sont ceux qui aiment Dieu (cf. 1Jn 3, 16-18 ; Jc 2, 14-18). La vie chrétienne, cependant, n’est pas une simple aide qui est fournie dans le temps du besoin. S’il en était ainsi, ce serait certes un beau sentiment de solidarité humaine qui suscite un bénéfice immédiat, mais qui serait stérile, parce que sans racines. L’engagement que le Seigneur demande, au contraire, est l’engagement d’une vocation à la charité par laquelle tout disciple du Christ met sa propre vie à son service, pour grandir chaque jour dans l’amour.

Nous avons écouté dans l’Évangile que « de grandes foules faisaient route avec Jésus » (Lc 14, 25). Aujourd’hui, ces « grandes foules » sont représentées par le vaste monde du volontariat, ici réuni à l’occasion du Jubilé de la Miséricorde. Vous êtes cette foule qui suit le Maître et qui rend visible son amour concret pour chaque personne. Je vous répète les paroles de l’apôtre Paul : « Ta charité m’a déjà apporté de joie et de réconfort, car grâce à toi…, les cœurs des fidèles ont trouvé du repos » (Phm 7). Que de cœurs les volontaires réconfortent ! Que de mains ils soutiennent ! Que de larmes ils essuient ! Que d’amour mis dans le service caché, humble et désintéressé ! Ce service louable manifeste la foi – manifeste la foi – et exprime la miséricorde du Père qui se fait proche de ceux qui sont dans le besoin.

Suivre Jésus est un engagement sérieux et en même temps joyeux ; cela demande radicalité et courage pour reconnaître le divin Maître dans le plus pauvre ainsi que dans le marginalisé de la vie et pour se mettre à son service. C’est pourquoi, les volontaires qui, par amour pour Jésus, servent les derniers et les démunis n’attendent aucune reconnaissance ni aucune gratification, mais renoncent à tout cela parce qu’ils ont découvert l’amour authentique. Et chacun de nous peut dire : ‘‘Comme le Seigneur est venu vers moi et s’est penché sur moi en temps de besoin, de la même manière moi aussi je vais vers lui et je me penche sur ceux qui ont perdu la foi ou vivent comme si Dieu n’existait pas, sur les jeunes sans valeurs et sans idéaux, sur les familles en crise, sur les malades et les détenus, sur les réfugiés et les migrants, sur les faibles et sur ceux qui sont sans défense corporellement et spirituellement, sur les mineurs abandonnés à eux-mêmes, ainsi que sur les personnes âgées laissées seules. Partout où il y a une main tendue qui demande une aide pour se remettre debout, doit se percevoir notre présence ainsi que la présence de l’Église qui soutient et donne espérance’’. Et cela, il faut le faire avec la mémoire vivante de la main du Seigneur tendue sur moi quand j’étais à terre.

Mère Teresa, tout au long de son existence, a été une généreuse dispensatrice de la miséricorde divine, en se rendant disponible à travers l’accueil et la défense de la vie humaine, la vie dans le sein maternel comme la vie abandonnée et rejetée. Elle s’est dépensée dans la défense de la vie, en proclamant sans relâche que « celui qui n’est pas encore né est le plus faible, le plus petit, le plus misérable ». Elle s’est penchée sur les personnes abattues qu’on laisse mourir au bord des routes, en reconnaissant la dignité que Dieu leur a donnée ; elle a fait entendre sa voix aux puissants de la terre, afin qu’ils reconnaissent leurs fautes face aux crimes – face aux crimes – de la pauvreté qu’ils ont créée eux-mêmes. La miséricorde a été pour elle le ‘‘sel’’ qui donnait de la saveur à chacune de ses œuvres, et la ‘‘lumière’’ qui éclairait les ténèbres de ceux qui n’avaient même plus de larmes pour pleurer leur pauvreté et leur souffrance.

Sa mission dans les périphéries des villes et dans les périphéries existentielles perdure de nos jours comme un témoignage éloquent de la proximité de Dieu aux pauvres parmi les pauvres. Aujourd’hui, je remets cette figure emblématique de femme et de consacrée au monde du volontariat : qu’elle soit votre modèle de sainteté ! Je crois qu’il nous sera un peu difficile de l’appeler sainte Teresa ; sa sainteté nous est si proche, si tendre et si féconde que spontanément nous continuerons de lui dire : ‘‘Mère Teresa’’. Que cet infatigable artisan de miséricorde nous aide à comprendre toujours mieux que notre unique critère d’action est l’amour gratuit, libre de toute idéologie et de tout lien et offert à tous sans distinction de langue, de culture, de race ou de religion. Mère Teresa aimait dire : « Je ne parle peut-être pas leur langue, mais je peux sourire ». Portons son sourire le dans le cœur et offrons-le à ceux que nous rencontrons sur notre chemin, surtout à ceux qui souffrent. Nous ouvrirons ainsi des horizons de joie et d’espérance à tant de personnes découragées, qui ont besoin aussi bien de compréhension que de tendresse.

La clé de la mémoire

Il y a un mois, des milliers de jeunes étaient réunis à Cracovie pour les Journées mondiales de la jeunesse. J’y étais aussi en tant que journaliste. La semaine était un exercice de la mémoire… et un apprentissage du courage.

À mon arrivée à l’aéroport de Cracovie, les pèlerins commençaient déjà à inonder l’endroit. En attendant nos bagages sur le carrousel, deux jeunes filles étaient près de moi. C’était leurs premières JMJ…

Madrid. C’est là où j’ai vécu mes premières JMJ. Je faisais partie d’un groupe d’environ quarante personnes – nous étions tous universitaires – et notre pèlerinage vers Madrid comprenait des arrêts à Lourdes, Fatima, Avila et Compostelle. Ces lieux nous permettraient de s’apprivoiser, de prier ensemble et de nous préparer aux JMJ en présence du pape Benoit XVI et de milliers d’autres pèlerins comme nous. Le pèlerinage vers les JMJ est important, voire nécessaire, car il permet au coeur de s’ouvrir à la surprise de Dieu en chemin.

Pourtant, bien que je me sois préparée à ces Journées mondiales, les seuls souvenirs que je garde sont la chaleur, les nombreuses heures de marche, le manque de sommeil et la tempête épouvantable de la Vigile, alors que mes amis en sont repartis renouvelés. C’est comme si j’avais vécu les JMJ les yeux fermés!

…En parlant un peu plus longtemps avec ces jeunes filles, arrivées pour la première fois sur la terre de Jean-Paul II, elles m’ont demandé des conseils pour bien vivre les JMJ. (Ça m’a fait rire alors que j’en suis revenue un peu déçue la dernière fois.) Mais sachant tout de même que les JMJ étaient un temps de grâce pour l’Église, je leur ai dit de rester attentives à tout ce qui se passera autour d’elles. Dieu parle en toute chose, et il le fera par la bouche et les gestes du Pape, par les catéchèses, par les temps de prières, par chacune des conversations et rencontres qu’elles auront.

C’est lorsque je suis arrivée au Campus Misericordiae pour la Vigile avec le Pape, où je me suis « souvenu » de Dieu, de la joie qui nous pénètre quand on se laisse aimée par Lui, une joie qui peut être partagée avec tant d’autres. Plus de 1.5 millions de pèlerins étaient installés sur ce vaste terrain à plusieurs kilomètres de Cracovie. Ils ont fait le pèlerinage jusqu’au campus pour camper sous les étoiles, prier avec le Saint Père et faire la fête. Depuis cette veillée, je fais mémoire presque chaque jour de ces milliers de bougies allumées en même temps. La scène était frappante. C’était un signe de la communion de l’Église, de sa ferveur, de sa clarté au sein des ténèbres.

243A1741Dans le dernier discours qu’il a prononcé, aux bénévoles des JMJ, le Saint Père a dit : « Vous êtes l’espoir du futur ». Pour cela, poursuivait-il, « vous devez atteindre certaines conditions. La première est de préserver votre mémoire : de ton peuple, de ta famille, d’où tu viens, la mémoire de ton cheminement et ce que tu as reçu de ceux qui sont proches de toi ». La deuxième condition est « d’avoir courage – d’avoir du courage et de ne pas avoir peur ».

Pour faire mémoire, donc, j’ai appris une chose: il faut se parler. Il faut se parler et être attentif. Ça prend les autres pour nous rappeler ce que nous avons vécu et nous ramener à l’essentiel. Pendant l’une des catéchèses, un évêque s’est adressé aux jeunes en leur disant, qu’« il faut être mendiants les uns envers les autres… j’ai besoin de toi pour grandir ». Quand on se croit incapable de réussir une tâche, on a besoin qu’on nous dise: « Mais te souviens-tu de cette fois où tu l’as réussi? C’est toujours possible! ». Encore, si l’on croit ne pas pouvoir corriger une faiblesse en nous, quelqu’un doit 243A1534répéter: « N’oublie pas que le Seigneur est plus grand que ta faiblesse! »

Ceux qui ont perdu espoir ou qui ne croient pas que l’Église est vivante alors, c’est le moment opportun de faire mémoire de ce qui s’est passé pendant les JMJ, de ce qu’on a vu et entendu. En effet, j’ai pris à cœur le seul conseil que j’ai laissé aux jeunes pèlerins en début de voyage. Y être comme journaliste était une grâce puisque cela m’a obligée d’être attentive à ce qui se vivait au jour le jour. « Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons à vous aussi, pour que vous aussi vous soyez en communion avec nous… Et nous écrivons cela, afin que notre joie soit complète » (1 Jean 1, 3-4).

La pédagogie conciliaire du pape François

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CNS/Paul Haring

Du 26 au 31 juillet dernier, avaient lieu à Cracovie les 31e Journées mondiales de la Jeunesse. Cet évènement fut une réussite non seulement parce qu’aucun incident majeur n’est venu ternir l’espérance célébrée mais aussi parce que la piété qui y fut exprimée a vraisemblablement eu l’impact désiré. En faisant la rétrospective de leur expérience suivant leur retour à la maison, les jeunes pourront relire les différents discours qui leur étaient adressés, sinon revivre ces évènements en revoyant notre couverture via notre chaîne YouTube !

De mon côté, j’ai pu suivre les JMJ de cette année par l’entremise de notre équipe sur le terrain et grâce à notre diffusion des différentes étapes du pèlerinage pontifical. Vous avez certainement suivi nos émissions quotidiennes intitulées Centrale JMJ qui faisaient un résumé complet de chacune de ces journées polonaises. Ayant moi-même suivi attentivement cette semaine intense tant physiquement que spirituellement, un élément a particulièrement retenu mon attention : la pédagogie toute conciliaire du pape François.

En effet, par l’utilisation dans ses discours d’images concrètes, le pape François montre à quel point il connaît, à la fois, la réalité des jeunes d’aujourd’hui et les recommandations du Concile Vatican II.

La question fondamentale ici est de savoir quel langage est le mieux adapté à l’expression du Mystère révélé en Jésus Christ afin qu’il soit compréhensible. De fait, notre discours a souvent bien de la difficulté à mettre des mots sur cette relation éternelle à laquelle nous sommes invités. Le recours à la précision théologique peut être d’un certain secours mais celle-ci ne peut être la seule solution parce que Dieu n’est pas venu sur terre pour créer des théologiens mais plutôt pour sauver l’humanité ! Ce dilemme (no2), le Concile l’avait identifié et le pape François semble l’avoir très bien assimilé.

Tout au long de son pontificat, le pape François s’est fait remarquer, entre autres, par ce don tout spécial qu’il possède d’utiliser des images. Cela manifesta tout autant sa connaissance de la foi que de la réalité concrète de la vie quotidienne des gens. Comme l’enseigne Vatican II dans le document Lumen Gentium :

« C’est sous des images variées que la nature intime de l’Église nous est montrée, images tirées soit de la vie pastorale ou de la vie des champs, soit du travail de construction ou encore de la famille et des épousailles, et qui se trouvent ébauchées déjà dans les livres des prophètes. » (no6)

En ce sens, le discours du pape François lors de la Veillée de prières au Campus Misericordiae m’a non seulement fait réfléchir mais m’a également fait bien rire :

« Dans la vie, il y a une autre paralysie encore plus dangereuse et souvent difficile à identifier, et qu’il nous coûte beaucoup de reconnaître. J’aime l’appeler la paralysie qui naît lorsqu’on confond le BONHEUR avec un DIVAN ! Oui, croire que pour être heureux, nous avons besoin d’un bon divan. Un divan qui nous aide à nous sentir à l’aise, tranquilles, bien en sécurité. Un divan – comme il y en a maintenant, modernes, avec des massages y compris pour dormir – qui nous garantissent des heures de tranquillité pour nous transférer dans le monde des jeux vidéo et passer des heures devant l’ordinateur. »

Il est vrai que tous les choix de notre vie dépendent de l’idée que l’on se fait du bonheur. Le pape François semble avoir une bonne idée des différentes tentations qui guettent la jeunesse d’aujourd’hui, bombardée de messages publicitaires de toutes sortes ; menaçant souvent même d’exclusion ceux qui refuseraient de se conformer aux nouveaux dogmes de la société du déchet.

En ce sens, les JMJ de Cracovie furent certainement l’occasion pour tous ces jeunes d’apprendre davantage sur leur vocation à la sainteté. Ils ont pu se mettre ensemble à l’écoute d’un message clair leur donnant, à la fois, l’enseignement nécessaire pour prendre des décisions face aux possibilités qui s’offrent à eux et recevoir l’impulsion essentielle sans laquelle tous ces jeunes réunis pourraient, comme tant d’autres, préférer le confort de leur sofa et l’anesthésie de leur console de jeux vidéos aux nombreux défis que comporte toute vie réussie.

Le président français au Vatican, après l’assassinat du Père Hamel

Pope Francis exchanges gifts with French President Francois Hollande at the Vatican Aug. 17. (CNS photo/L’Osservatore Romano via Reuters) See POPE-HOLLANDE Aug. 17, 2016. Editor’s note: For editorial use only.

Le président français a été reçu ce mercredi au Vatican par le pape François, 3 semaines après l’assassinat du père Jacques Hamel, égorgé dans son église à Saint-Etienne-du-Rouvray. C’est dans ce contexte que François Hollande a rendu visite au Souverain Pontife, pour lui exprimer sa gratitude pour ses « paroles très réconfortantes » au lendemain de l’attentat. Les deux hommes s’étaient alors entretenus par téléphone. Le Saint-Père s’était adressé à François Hollande comme à un « frère » selon l’Élysée, et François Hollande quant à lui avait assuré que « lorsqu’un prêtre est attaqué, c’est toute la France qui est meurtrie ».

Depuis que la France est touchée par des attentats terroristes le pape François multiplie les messages de soutien aux français, comme il l’avait fait par exemple au lendemain de l’attaque de Nice le 14 juillet. Le Pape s’était dit « proche de chaque famille et de la nation française toute entière ».

Ce mercredi le président a donc voulu dire au Pape « combien nous étions sensibles aux paroles qui ont été prononcées et à l’action qui est la sienne, et qui conforte notre vision de l’humanité ».

Lors de cette audience privée d’une quarantaine de minutes, les deux François ont également échangés sur le sort des chrétiens d’Orient,  dont la France est la protectrice traditionnelle. Ils ont par ailleurs évoqué la situation au Moyen Orient et la crise des réfugiés.

Cette deuxième rencontre entre François Hollande et le Souverain Pontife devait resserrer les liens entre la France et le Saint-Siège, en soulignant cette fois-ci leurs positions convergentes, après une longue période d’incompréhension entre les deux états.

Discours du pape François lors de sa visite à la Basilique Sainte-Marie-des-Anges, Assise

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Chers frères et sœurs,
J’aimerais rappeler aujourd’hui, avant tout, les paroles que, selon une antique tradition, saint

François a prononcées ici même, devant tout le peuple et devant les évêques : ‘‘Je désire vous envoyer tous au paradis’’. Que pouvait le Petit Pauvre d’Assise demander de plus beau, sinon le don du salut, de la vie éternelle avec Dieu et de la joie sans fin, que Jésus a obtenu pour nous par sa mort et sa résurrection ?

Le paradis, d’ailleurs, qu’est-ce sinon ce mystère d’amour qui nous lie pour toujours à Dieu pour le contempler sans fin ? L’Église, depuis toujours, professe cette foi lorsqu’elle dit qu’elle croit dans la communion des saints. Nous ne sommes jamais seuls en vivant la foi ; les saints et les bienheureux nous font compagnie, ainsi que nos proches qui ont vécu avec simplicité et joie la foi et en ont témoigné dans leur vie. Il y a un lien invisible, mais pas pour autant moins réel, qui fait de nous ‘‘un seul corps’’, en vertu de l’unique Baptême reçu, animés par un ‘‘seul Esprit’’ (cf. Ep 4, 4). Peut- être saint François, lorsqu’il demandait au Pape Honorius III le don de l’indulgence pour ceux qui venaient à la Portioncule, avait-il à l’esprit ces paroles de Jésus aux disciples : « Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures ; sinon, vous aurais-je dit : ‘‘Je pars vous préparer une place ?’’ Quand je serai parti vous préparer une place, je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi, afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi » (Jn 14, 2-3).

Le chemin du pardon est certainement le chemin principal à suivre pour rejoindre cette place au Paradis. Et ici à la Portioncule tout parle de pardon ! Quel grand don nous a fait le Seigneur en nous enseignant à pardonner pour nous faire toucher de la main la miséricorde du Père ! Nous avons écouté il y a quelques instants la parabole par laquelle Jésus nous a enseigné à pardonner (cf. Mt 18, 21-35). Pourquoi devrions-nous pardonner à une personne qui nous a fait du mal ? Parce qu’en premier nous avons reçu le pardon, et infiniment plus. La parabole nous dit exactement ceci : comme Dieu nous pardonne, de même nous devons nous aussi pardonner à qui nous fait du mal. Précisément comme dans la prière que Jésus nous a enseignée, le Notre Père, lorsque nous disons : « Remets-nousCapture d’écran 2016-08-04 à 11.17.26 nos dettes comme nous-mêmes nous remettons leurs dettes à nos débiteurs » (Mt 6, 12). Les dettes sont nos péchés devant Dieu, et nos débiteurs sont ceux à qui nous devons pardonner, nous aussi.

Chacun de nous pourrait être ce serviteur de la parabole qui a une grande dette à payer, mais tellement grande qu’il ne pourrait pas s’en sortir. Nous aussi, quand au confessionnal, nous nous mettons à genoux devant le prêtre, nous ne faisons que répéter le même geste du serviteur. Nous disons : ‘‘Seigneur, sois patient avec moi’’. Nous savons bien, en effet, que nous sommes pleins de défauts et que nous retombons souvent dans les mêmes péchés. Néanmoins, Dieu ne se lasse pas d’offrir toujours son pardon chaque fois que nous le demandons. C’est un pardon plein, total, par lequel il nous donne l’assurance que, bien que nous puissions retomber dans les mêmes péchés, lui a pitié de nous et ne se lasse pas de nous aimer. Comme le patron de la parabole, Dieu s’apitoie, c’est-à- dire qu’il éprouve un sentiment de pitié mêlé de tendresse : c’est une expression pour indiquer sa miséricorde envers nous. Notre Père, en effet, s’apitoie toujours quand nous nous repentons, et il nous renvoie à la maison le cœur tranquille et serein, en nous disant qu’il nous a tout remis et tout pardonné. Le pardon de Dieu ne connaît pas de limites ; il dépasse toute imagination et rejoint quiconque, dans l’intime du cœur, reconnaît avoir commis une faute et veut retourner à lui. Dieu regarde le cœur qui demande à être pardonné.

Le problème, malheureusement, survient quand nous nous trouvons face à notre frère qui nous causé un petit tort. La réaction que nous avons écoutée dans la parabole est très expressive : « Il se jeta sur lui pour l’étrangler, en disant : ‘‘Rembourse ta dette’’ » (Mt 18, 28). Dans cette scène, nous trouvons tout le drame de nos relations humaines. Quand nous sommes, nous, en dette avec les autres, nous voulons la miséricorde ; quand, au contraire, nous sommes créanciers nous invoquons la justice ! Cela, ce n’est pas la réaction du disciple du Christ et cela ne peut être le style de vie des chrétiens. Jésus nous enseigne à pardonner, et à le faire sans limites : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois » (v. 22). En somme, ce qu’il nous propose, c’est l’amour du Père, non pas notre prétendue justice. S’arrêter à cela, en effet, ne nous ferait pas reconnaître comme des disciples du Christ, qui ont obtenu miséricorde au pied de la croix seulement en vertu de l’amour du Fils de Dieu. N’oublions donc pas les paroles sévères par lesquelles se conclut la parabole : « C’est ainsi que votre Père du Ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur » (v. 35).

Chers frères et sœurs, le pardon dont saint François s’est fait le ‘‘canal’’ ici à la Portioncule continue à ‘‘générer le paradis’’ encore après huit siècles. En cette Année Sainte de la Miséricorde, il devient encore plus évident que le chemin du pardon peut vraiment renouveler l’Église et le monde. Offrir le témoignage de la miséricorde dans le monde d’aujourd’hui est une tâche à laquelle personne d’entre nous ne peut se soustraire. Le monde a besoin de pardon ; trop de personnes vivent enfermées dans la rancœur et couvent la haine, parce qu’incapables de pardon, ruinant leur propre vie et celle d’autrui au lieu de trouver la joie de la sérénité et de la paix. Demandons à saint François d’Assise d’intercéder pour nous, afin que nous ne renoncions jamais à être d’humbles signes de pardon et des instruments de miséricorde.

[01267-FR.01] [Texte original: Italien]

Angelus du pape François à la fin de la Messe de clôture des JMJ de Cracovie

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Chers frères et sœurs,

au terme de cette célébration, je désire m’unir à vous tous pour rendre grâce à Dieu, Père d’infinie miséricorde, parce qu’il nous a accordé de vivre ces Journées Mondiales de la Jeunesse. Je remercie le Cardinal Dziwisz et le Cardinal Ryłko pour les paroles qu’ils m’ont adressées et surtout pour le travail et la prière avec lesquels ils ont préparé cet événement ; et je remercie tous ceux qui ont collaboré pour sa bonne réussite. Un immense « merci » à vous, chers jeunes ! Vous avez rempli Cracovie de l’enthousiasme contagieux de votre foi. Saint Jean-Paul II s’est réjoui du ciel, et il vous aidera à porter partout la joie de l’Évangile.

En ces jours, nous avons fait l’expérience de la beauté de la fraternité universelle dans le Christ, centre et espérance de notre vie. Nous avons écouté sa voix, la voix du Bon Pasteur, vivant au milieu de nous. Il a parlé au cœur de chacun de vous : il vous a renouvelés par son amour, il vous a fait sentir la lumière de son pardon, la force de sa grâce. Il vous a fait faire l’expérience de la réalité de la prière. Ce fut une “oxygénation” spirituelle pour que vous puissiez vivre et marcher dans la miséricorde une fois rentrés dans vos pays et dans vos communautés.

À côté de l’autel, il y a ici l’image de la Vierge Marie, vénérée par saint Jean-Paul II au Sanctuaire de Kalwaria. Elle, notre Mère, nous enseigne de quelle façon l’expérience vécue ici en Pologne peut être féconde ; elle nous dit de faire comme elle : de ne pas perdre le don reçu, mais de le garder dans le cœur, afin qu’il germe et porte du fruit, par l’action de l’Esprit Saint. De cette façon, chacun de vous, avec ses limites et ses fragilités, pourra être témoin du Christ là où il vit, en famille, en paroisse, dans les associations et dans les groupes, dans les milieux d’étude, de travail, de service, de loisirs, partout où la Providence vous conduira sur votre chemin.

La Providence de Dieu nous précède toujours. Pensez qu’elle a déjà décidé quelle sera la prochaine étape de ce grand pèlerinage commencé en 1985 par saint Jean-Paul II! Et par conséquent, je vous annonce avec joie que les prochaines Journées Mondiales de la Jeunesse – après les deux au niveau diocésain – auront lieu en 2019 à (…).

Par l’intercession de Marie, invoquons l’Esprit Saint afin qu’il illumine et soutienne le chemin des jeunes dans l’Église et dans le monde, afin qu’ils soient de disciples et des témoins de la Miséricorde de Dieu.

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