Visiste du Pape Azerbaïdjan: Homélie lors de la Messe à Baku

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À 9:45, Le Saint-Père François a quitté l’aéroport international Heydar Aliyev de Baku en direction de l’église de l’Immaculée à proximité du Centre Salésien de la ville pour la célébration de l’Eucharistie. À son arrivée le Pape a parcouru à pied la place devant l’église où s’étaient réunis une centaine de fidèle, pour ensuite se dirigé vers la sacristie.

À 10:30, le pape François a débuté la célébration de la Messe du 27e dimanche du temps ordinaire. À la fin de la célébration, le père Padre Vladimír Fekete,préfet apostolique de l’Azerbaïdjan, a offert ses plus sincères salutations au Saint-Père.
Vous trouverez ci-dessous le texte de l’homélie tel que prononcé par le pape François suite à la proclamation de l’Évangile.

La Parole de Dieu nous présente aujourd’hui deux aspects essentiels de la vie chrétienne : la foi et le service. À propos de la foi, deux demandes particulières sont adressées au Seigneur.

La première est celle du prophète Habacuc, qui implore Dieu pour qu’il intervienne et rétablisse la justice et la paix que les hommes ont rompu par la violence, les querelles et les disputes « Combien de temps, Seigneur, vais-je appeler, sans que tu m’entendes ? » (Ha 1, 2), demande le prophète. Dieu, en répondant, n’intervient pas directement, il ne résout pas la situation d’une manière brusque, il ne se rend pas présent par la force. Au contraire, il invite à attendre avec patience, sans jamais perdre l’espérance ; surtout, il souligne l’importance de la foi. Parce que par sa foi, l’homme vivra (cf. Ha 2, 4). Ainsi Dieu fait de même avec nous : il ne cède pas à nos désirs qui voudraient changer le monde et les autres immédiatement et continuellement, mais il vise surtout à guérir le cœur, le mien, le tien, le cœur de chacun ; Dieu change le monde en changeant nos cœurs, et cela il ne peut le faire sans nous. Le Seigneur désire en effet que nous lui ouvrions la porte de notre cœur, pour pouvoir entrer dans notre vie. Cette ouverture à lui, cette confiance en Lui est vraiment « la victoire remportée sur le monde : c’est notre foi (cf. 1 Jn 5, 4). Parce que lorsque Dieu trouve un cœur ouvert et confiant, là il peut accomplir des merveilles.

Mais avoir la foi, une foi vive, n’est pas facile ; et voici alors la seconde demande, celle que dans l’Évangile les Apôtres adressent au Seigneur : «Augmente en nous la foi : » (Lc 17, 6). C’est une belle demande, une prière que nous aussi nous pourrions adresser à Dieu chaque jour. Mais la réponse divine est surprenante et aussi dans ce cas renverse la demande : « Si vous aviez de la foi… ». C’est Lui qui nous demande d’avoir de la foi. Parce que la foi, qui est un don de Dieu et est toujours demandée, est aussi cultivée de notre part. Ce n’est pas une force magique qui descend du ciel, ce n’est pas une “ dot ” qui se reçoit une fois pour toutes, et non plus un superpouvoir qui sert à résoudre les problèmescapture-decran-2016-10-02-a-10-16-07 de la vie. Parce qu’une foi utile pour satisfaire nos besoins serait une foi égoïste, toute centrée sur nous. La foi n’est pas confondue avec le bien-être ou avec le fait de se sentir bien, avec le fait d’être consolé dans l’âme parce que nous avons un peu de paix dans le cœur. La foi est un fil d’or qui nous lie au Seigneur, la pure joie de rester avec Lui, d’être unis à Lui ; c’est le don qui est valable pour la vie entière, mais qui porte du fruit si nous faisons notre part.

Et quelle est notre part ? Jésus nous fait comprendre que c’est le service. Dans l’Évangile en effet, le Seigneur fait tout de suite suivre aux paroles sur la puissance de la foi, celles sur le service. Foi et service ne peuvent se séparer, elles sont même étroitement liées, nouées entre elles. Pour m’expliquer, je voudrais utiliser une image qui vous est très familière, celle d’un beau tapis : vos tapis sont de véritables œuvres d’art et proviennent d’une histoire très ancienne. La vie chrétienne de chacun vient aussi de loin, c’est un don que nous avons reçu dans l’Église et qui provient du cœur de Dieu, notre Père, qui désire faire de chacun de nous un chef d’œuvre de la création et de l’histoire. Chaque tapis, vous le savez bien, est tissé selon la trame et la chaîne ; seulement avec cette structure l’ensemble se trouve bien composé et harmonieux. C’est ainsi pour la vie chrétienne : elle est chaque jour patiemment tissée, entrecroisant entre elles une trame et une chaîne bien définies : la trame de la foi et la chaîne du service. Quand à la foi se noue le service, le cœur se maintient ouvert et jeune, et il se dilate en faisant le bien. Alors la foi, comme dit Jésus dans l’Évangile, devient puissante et elle fait des merveilles. Si elle marche sur cette route, alors elle mûrit et devient forte, à condition qu’elle reste toujours unie au service.

Mais qu’est-ce que le service ? Nous pouvons penser qu’il consiste seulement à être fidèle aux propres devoirs ou à accomplir quelque œuvre bonne. Pour Jésus, c’est beaucoup plus. Dans l’Évangile d’aujourd’hui, il nous demande, avec des paroles très fortes, radicales, une disponibilité totale, une vie mise pleinement à disposition, sans calculs et sans bénéfices. Pourquoi est-il si exigeant ? Parce que Lui nous a aimés ainsi, se faisant notre serviteur « jusqu’au bout » (Jn 13, 1), venant « pour servir et donner sa vie » (Mc 10, 45). Et cela a lieu encore chaque fois que nous célébrons l’Eucharistie : le Seigneur vient au milieu de nous et pour autant que nous puissions proposer de le servir et de l’aimer, capture-decran-2016-10-02-a-10-20-14c’est toujours Lui qui nous précède, nous servant et nous aimant plus que tout ce que nous imaginons ou méritons. Il nous donne sa vie-même. Et il nous invite à l’imiter, en nous disant : « Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive » (cf. Jn 12, 26).

Donc, nous ne sommes pas appelés à servir seulement pour avoir une récompense, mais pour imiter Dieu, qui s’est fait serviteur pour notre amour. Et nous ne sommes pas appelés à servir de temps et temps mais à vivre en servant. Le service est alors un style de vie, il résume même en lui tout le style de vie chrétien: servir Dieu dans l’adoration et dans la prière ; être ouverts et disponibles ; aimer concrètement le prochain : tout mettre en œuvre avec élan pour le bien commun.

Les tentations qui éloignent du style du service et finissent par rendre la vie inutile ne manquent pas aussi pour les croyants. Ici nous pouvons aussi en mettre deux en évidence. L’une est celle de laisser le cœur s’attiédir. Un cœur tiède se ferme dans une vie paresseuse et étouffe le feu de l’amour. Celui qui est tiède vit pour satisfaire ses propres aises, qui ne suffisent jamais, et ainsi il n’est jamais content ; peu à peu il finit par se contenter d’une vie médiocre. Le tiède réserve à Dieu et aux autres des “pourcentages” de son temps et de son cœur, sans jamais exagérer, et même en cherchant toujours à économiser. Ainsi la vie perd du goût : elle devient comme un thé qui était vraiment bon, mais qui lorsqu’il se refroidit ne peut plus se boire. Mais je suis certain que vous, regardant les exemples de ceux qui vous ont précédés dans la foi, ne laisserez pas votre cœur s’attiédir. L’Église entière, qui nourrit pour vous une sympathie spéciale, vous regarde et vous encourage : vous êtes un petit troupeau si précieux aux yeux de Dieu !

Il y a une seconde tentation, dans laquelle on peut tomber non pas parce qu’on est passifs, mais parce qu’on est “trop actifs” : celle de penser comme des propriétaires, de se donner du mal seulement pour gagner du crédit et pour devenir quelqu’un. Le service devient alors un moyen et non une fin, parce que la fin est devenue le prestige ; ensuite vient le pouvoir, la volonté d’être grands. « Parmi vous, – rappelle Jésus à nous tous – il ne devra pas en être ainsi : Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur » (Mt 20, 26). Ainsi s’édifie et s’embellit l’Église. Reprenant l’image du tapis, en l’appliquant à votre belle communauté : chacun de vous est comme un splendide fil de soie, mais les fils différents créent une belle composition seulement s’ils sont bien tissés entre eux ; tout seuls, ils ne servent pas. Restez toujours unis, en vivant humblement dans la charité et dans la joie ; le Seigneur, qui crée l’harmonie dans les différences, vous gardera.

Que nous aide l’intercession de la Vierge Immaculée et des Saints, en particulier de sainte Teresa de Calcutta, dont les fruits de foi et de service sont au milieu de vous. Accueillons quelques- unes de ses paroles splendides, qui résument le message d’aujourd’hui : « Le fruit de la foi est l’amour. Le fruit de l’amour est le service. Le fruit du service est la paix » (Le chemin simple, Introduction).

[01527-FR.01] [Texte original: Italien]

Visite du pape en Géorgie: homélie lors de la Messe à Tbisili

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Vous trouverez ci-dessous le texte de l’homélie du pape François telle que prononcée lors de la célébration de l’Eucharistie à Tbisili en Géorgie.

Parmi les nombreux trésors de ce splendide pays, ressort la grande valeur des femmes. Comme l’écrivait sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, dont nous faisons mémoire aujourd’hui – elles « aiment le Bon Dieu en bien plus grand nombre que les hommes » (Manuscrits autobiographiques, Manuscrit A, 66). Ici, en Géorgie, il y a beaucoup de grands-mères et de mères qui continuent à garder et à transmettre la foi, semée sur cette terre par sainte Nino, et apportent l’eau fraîche de la consolation de Dieu dans de nombreuses situations de désert et de conflit.

Cela nous aide à comprendre la beauté de tout ce que le Seigneur dit aujourd’hui dans la première lecture : « Comme un enfant que sa mère console, ainsi, je vous consolerai » (Is 66, 13). Comme une mère prend sur elle les fardeaux et les fatigues de ses enfants, ainsi Dieu aime se charger de nos péchés et de nos inquiétudes ; Lui, il nous connaît et il nous aime infiniment, il est sensible à notre prière et il sait essuyer nos larmes. En nous regardant, chaque fois il s’émeut et s’attendrit, avec un amour viscéral, parce que, au-delà du mal dont nous sommes capables, nous sommes toujours ses enfants ; il désire nous prendre dans les bras, nous protéger, nous libérer des dangers et du mal. Laissons résonner dans notre cœur ces paroles qu’aujourd’hui il nous adresse : “Comme une mère, je vous consolerai”.

La consolation dont nous avons besoin, au milieu des événements tumultueux de la vie, est vraiment la présence de Dieu dans notre cœur. Parce que sa présence en nous est la source de la véritable consolation, qui demeure, qui libère du mal, porte la paix et fait croître la joie. Pour cela, si nous voulons vivre comme des personnes consolées, il faut faire une place au Seigneur dans notre vie. Et pour que le Seigneur habite d’une façon stable en nous, il faut lui ouvrir la porte et ne pas le laisser dehors. Il y a des portes de la consolation à tenir toujours ouvertes, parce que Jésus aime entrer par-là : l’Évangile lu chaque jour et porté toujours avec nous, la prière silencieuse et adorante, la Confession, l’Eucharistie. À travers ces portes le Seigneur entre et donne une saveur nouvelle aux choses. Mais quand la porte du cœur se ferme, sa lumière n’arrive pas et on reste dans l’obscurité. Alors nous nous habituons au pessimisme, aux choses qui ne vont pas, aux réalités qui ne changeront jamais.

Et nous finissons par nous renfermer dans la tristesse, dans les souterrains de l’angoisse, seuls à l’intérieur de nous-même. Si au contraire, nous ouvrons tout grand les portes de la consolation, la lumière du Seigneur entre !

Mais Dieu ne nous console pas seulement dans le cœur ; avec le prophète Isaïe, il ajoute en effet « dans Jérusalem, vous serez consolés » (66, 13). À Jérusalem, c’est-à-dire dans la cité de Dieu, dans la communauté : quand nous sommes unis, quand il y a la communion entre nous la consolation de Dieu agit. Dans l’Église on trouve la consolation, elle est la maison de la consolation : là Dieu désire consoler. Nous pouvons nous demander : moi, qui suis dans l’Église, suis-je porteur de la consolation de Dieu ? Est-ce que je sais accueillir l’autre comme un hôte et consoler celui que je vois fatigué et déçu ? Même lorsqu’il subit des malheurs et des fermetures, le chrétien est toujours appelé à répandre l’espérance en celui qui est résigné, à redonner courage à celui qui est découragé, à porter la lumière de Jésus, la chaleur de sa présence, le réconfort de son pardon. Nombreux sont ceux qui souffrent, qui font l’expérience des épreuves et des injustices, qui vivent dans l’inquiétude. Il y a besoin de l’onction du cœur, de cette consolation du Seigneur qui n’enlève pas les problèmes, mais donne la force de l’amour, qui sait porter la douleur dans la paix. Recevoir et porter la consolation de Dieu : cette mission de l’Église est urgente. Chers frères et sœurs, sentons-nous appelés à cela : non pour nous figer dans ce qui ne va pas autour de nous ou pour nous attrister pour des manques d’harmonies que nous voyons parmi nous. Cela ne fait pas de bien de s’habituer à un “microclimat” ecclésial fermé; cela nous fait du bien de partager des horizons larges, des horizons ouverts d’espérance, en vivant le courage humble d’ouvrir les portes et de sortir de nous-mêmes.

Mais il y a une condition de fond pour recevoir la consolation de Dieu, que sa Parole nous rappelle aujourd’hui : devenir petits comme des enfants (cf. Mt 18, 4), être : « comme un petit enfant contre sa mère » (Ps 130, 2). Pour accueillir l’amour de Dieu cette petitesse de cœur est nécessaire : seuls des petits, en effet, peuvent être tenus dans les bras de la maman.

Celui qui se fait petit comme un enfant – nous dit Jésus – « est le plus grand dans le royaume des Cieux » (Mt 18, 4). La véritable grandeur de l’homme consiste dans le fait de se faire petit devant Dieu. Parce que Dieu ne se connaît pas par des pensées élevées et beaucoup d’étude, mais par la petitesse d’un cœur humble et confiant. Pour être grands devant le Très-Haut, il ne faut pas accumuler honneurs et prestiges, biens et succès terrestres, mais [il faut] se vider de soi-même. L’enfant est vraiment celui qui n’a rien à donner et tout à recevoir. Il est fragile, dépendant du papa et de la maman. Celui qui se fait petit comme un enfant devient pauvre de lui-même, mais riche de Dieu.

Les enfants, qui n’ont pas de problèmes pour comprendre Dieu, ont beaucoup à nous enseigner : ils nous disent que Lui, il accomplit de grandes choses avec celui qui ne lui oppose pas de résistance, avec celui qui est simple et sincère, sans duplicité. Cela, l’Évangile nous le montre, où de grandes merveilles s’accomplissent avec de petites chose : avec peu de pains et deux poissons (cf. Mt 14, 15-20), avec un grain de moutarde (cf. Mc 4, 30-32), avec un grain de blé qui meurt en terre (cf. Jn 12, 24), avec un seul verre d’eau donné (cf. Mt 10, 42), avec deux piécettes d’une pauvre veuve (cf. Lc 21, 1-4), avec l’humilité de Marie, la servante du Seigneur (cf. Lc 1, 46-55).

Voilà la grandeur surprenante de Dieu, d’un Dieu plein de surprises et qui aime les surprises : ne perdons jamais le désir et la confiance des surprises de Dieu ! Et cela nous fera du bien de nous rappeler que nous sommes toujours et surtout ses enfants : non des propriétaires de la vie, mais des enfants du Père ; non des adultes autonomes et autosuffisants, mais des enfants qui ont toujours besoin d’être pris dans les bras, de recevoir amour et pardon. Bienheureuses les communautés chrétiennes qui vivent cette authentique simplicité évangélique ! Pauvres de moyens, elles sont riches de Dieu. Bienheureux les Pasteurs qui ne courent pas après la logique du succès mondain, mais suivent la loi de l’amour : l‘accueil, l’écoute, le service. Bienheureuse l’Église qui ne se fie pas aux critères du fonctionnalisme et de l’efficacité dans l’organisation et ne s’occupe pas du retour d’image. Petit troupeau aimé de Géorgie, qui te dévoue tant à la charité et à la formation, accueille l’encouragement du Bon pasteur, confie-toi à Lui qui te prend sur ses épaules et te console !

Je voudrais résumer ces pensées avec quelques paroles de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, dont nous faisons mémoire aujourd’hui. Elle nous indique sa “petite voie” vers Dieu, « l’abandon du petit enfant qui s’endort sans crainte dans les bras de son Père », parce que « Jésus ne demande pas de grandes actions, mais seulement l’abandon et la reconnaissance » (Manuscrits autobiographiques, Manuscrit B, 1). Malheureusement, cependant – écrivait-elle alors, mais c’est aussi vrai aujourd’hui –, Dieu trouve « peu de cœurs qui se livrent à lui sans réserve, qui comprennent toute la tendresse de son Amour infini » (ibid.). La jeune sainte et Docteur de l’Église, au contraire, était experte dans la « science de l’Amour » (ibid.) et elle nous enseigne que « la charité parfaite consiste à supporter les défauts des autres, à ne point s’étonner de leurs faiblesses, à s’édifier des plus petits actes de vertu qu’on leur voit pratiquer » ; elle nous rappelle aussi que « la charité ne doit point rester enfermée dans le fond du cœur » (Manuscrit C, 12). Demandons aujourd’hui, tous ensemble, la grâce d’un cœur simple, qui croit et vit dans la force humble de l’amour ; demandons de vivre avec une confiance sereine et totale en la miséricorde de Dieu.

[01523-FR.02] [Texte original: Italien]

Salut du Saint-Père à la fin de la Messe à Tbilisi
1er octobre 2016

Je remercie Monseigneur Pasotto pour les aimables paroles qu’il m’a adressées au nom des Communautés latine, arménienne et syro- chaldéenne. Je salue le Patriarche Sako et les Evêques chaldéens, Monseigneur Minassian et tous ceux qui sont venus de la proche Arménie, ainsi que vous tous, chers fidèles des diverses régions de la Géorgie. Je remercie les Autorités, les chers amis de l’Eglise Apostolique Arménienne et des confessions chrétiennes ici réunies, et en particulier les représentants de l’Eglise Orthodoxe Georgienne, qui nous honorent de leur présence. Alors que je vous demande, s’il vous plaît, de prier pour moi, je vous assure de mon souvenir pour chacun de vous et vous renouvelle mes remerciements : Didi madloba ! [merci beaucoup]

Visite du pape François en Géorgie: rencontre avec la communauté assyro-chaldéenne de Tbisili

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Vous trouverez ci-dessous la prière du pape François telle que prononcée lors de la rencontre dans l’église San Simone Bar Sabbae avec la communauté assyro-chaldéenne de Tbilisi:

Seigneur Jésus,
nous adorons ta croix,
qui nous délivre du péché, origine de toute division et de tout mal ; nous annonçons ta résurrection,qui rachète l’homme de l’esclavage de l’échec et de la mort ;nous attendons ta venue dans la gloire,
qui porte à son achèvement ton royaume de justice, de joie et de paix.
Seigneur Jésus,par ta glorieuse passion,
vaincs la dureté des cœurs, prisonniers de la haine et de l’égoïsme ;
par la puissance de ta résurrection,
arrache de leur condition les victimes de l’injustice et de la domination ; par la fidélité de ta venue,confonds la culture de la mort
et fais resplendir le triomphe de la vie.

Seigneur Jésus,
associe à ta croix les souffrances de tant de victimes innocentes :
les enfants, les personnes âgées, les chrétiens persécutés ;
drape de la lumière de Pâques ceux qui sont profondément blessés :
les personnes dont on a abusé, les personnes privées de liberté et de dignité ;
fais expérimenter la stabilité de ton royaume à ceux qui vivent dans l’incertitude : les exilés, les réfugiés, ceux qui ont perdu le goût de la vie.

Seigneur Jésus,
étends l’ombre de ta croix sur les peuples en guerre :
qu’ils apprennent la voie de la réconciliation, du dialogue et du pardon ;
fais goûter la joie de ta résurrection aux peuples épuisés par les bombes :
relève de la dévastation l’Iraq et la Syrie ;
réunis sous ton doux règne tes enfants dispersés :
soutiens les chrétiens de la diaspora et donne-leur l’unité de la foi et de l’amour.

Vierge Marie, Reine de la paix,
Toi qui t’es tenu au pied de la croix,
obtiens de ton Fils le pardon de nos péchés ;
toi qui n’as jamais douté de la victoire de la résurrection, soutiens notre foi et notre espérance ;toi qui es assise, en tant que Reine, dans la gloire, enseigne-nous la splendeur du service et la gloire de l’amour. Amen !

[01522-FR.01] [Texte original: Italien]

Visite du pape François en Géorgie: Rencontre avec les autorités civiles

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Vous trouverez ci-dessous le texte de l’allocution du pape François tel que prononcée lors de la visite de courtoisie aux autorités civiles de Géorgie:

Illustres Membres du Corps Diplomatique Mesdames et Messieurs,

Je remercie le Dieu Tout-Puissant de m’avoir offert l’opportunité de visiter cette terre bénie, lieu de rencontre et d’échange vital entre cultures et civilisations, qui a trouvé dans le christianisme, depuis la prédication de sainte Nino au début du IVème siècle, sa plus profonde identité et le fondement sûr de ses valeurs. Comme l’a affirmé saint Jean-Paul II en visitant votre patrie : « Le christianisme est devenu le germe de la floraison successive de la culture géorgienne » (Discours lors de la cérémonie de bienvenue, 8 novembre 1999 ; Insegnamenti XXII, 2 [1999], p. 841) ; et cette semence continue de produire ses fruits. En me rappelant avec gratitude notre rencontre au Vatican l’année dernière et les bonnes relations que la Géorgie a toujours maintenues avec le Saint-Siège, je vous remercie vivement, Monsieur le Président, pour votre aimable invitation et pour les paroles cordiales de bienvenue que vous m’avez adressées au nom des Autorités de l’État et de tout le peuple géorgien.

L’histoire pluriséculaire de votre patrie manifeste son enracinement dans les valeurs exprimées par sa culture, par sa langue et par ses traditions, insérant le pays de plein droit et de manière féconde et spéciale dans l’alvéole de la civilisation européenne ; en même temps, comme le met en évidence sa position géographique, ce pays est presqu’un pont naturel entre l’Europe et l’Asie, une charnière qui facilite les communications et les relations entre les peuples, qui a rendu possibles au cours des siècles aussi bien les commerces que le dialogue et la confrontation des idées et des expériences entre des mondes différents. Comme l’exprime avec fierté votre hymne national : « Mon icône est ma patrie, […] de splendides montagnes et vallées sont partagées avec Dieu ». La patrie est comme une icône qui définit l’identité, trace les principaux traits et l’histoire, tandis que les montagnes, s’élançant libres vers le ciel, loin de constituer une muraille insurmontable, donne de la splendeur aux vallées, les distinguent et les mettent en relation, en les rendant différentes, chacune des autres, et toutes solidaires avec le ciel commun qui les surplombe et les protège.

Monsieur le Président, vingt-cinq ans sont passés depuis la proclamation de l’indépendance de la Géorgie, qui durant cette période, en retrouvant sa pleine liberté, a construit et consolidé ses institutions démocratiques et a cherché les voies pour garantir un développement le plus inclusif et authentique possible. Tout cela non sans de grands sacrifices, que le peuple a courageusement affrontés pour s’assurer la liberté tant désirée. Je souhaite que le chemin de la paix et du développement se poursuive avec l’engagement solidaire de toutes les composantes de la société, de façon à créer les conditions de stabilité, d’équité et du respect de la légalité à même de favoriser la croissance et d’accroître les opportunités pour tous.

Ce progrès authentique et durable a pour condition préliminaire indispensable la coexistence pacifique entre tous les peuples et les États de la région. Cela demande que s’accroissent les sentiments d’estime réciproque et de considération qui ne peuvent pas négliger le respect des prérogatives souveraines de chaque pays dans le cadre du droit international. Afin d’ouvrir des voies qui portent à une paix durable et à une vraie collaboration, il faut être conscient que les principes importants pour une relation juste et stable entre les États sont au service de la cohabitation concrète, ordonnée et pacifique entre les nations. En trop d’endroits de la terre, en effet, semble l’emporter une logique qui rend difficile le maintien des différences légitimes et des différends – qui peuvent toujours surgir – dans un environnement de débat et de dialogue civil où prévalent la raison, la modération et la responsabilité. Cela n’en est que plus nécessaire en ce moment historique, où ne manquent pas non plus les extrémismes violents qui manipulent et déforment des principes de nature civile et religieuse pour les asservir à des projets obscurs de domination et de mort.

Il faut que chacun ait à cœur en premier lieu le sort de l’être humain dans sa dimension concrète et accomplisse avec patience tout effort [possible] pour éviter que les divergences débouchent sur des violences visant à provoquer d’énormes dégâts pour l’homme et la société. Toute distinction de caractère ethnique, linguistique, politique ou religieux, loin d’être utilisée comme prétexte pour transformer les divergences en conflits et les conflits en d’interminables tragédies, peut et doit être pour tous une source d’enrichissement réciproque en faveur du bien commun. Cela exige que chacun puisse mettre pleinement à profit ses spécificités propres, en ayant avant tout la possibilité de vivre en paix sur sa terre ou d’y retourner librement si, pour quelque motif, il a été contraint de l’abandonner. Je souhaite que les responsables publics continuent à avoir à cœur la situation de ces personnes, en s’engageant dans la recherche de solutions concrètes y compris en dehors des questions politiques non résolues. Il faut de la clairvoyance et du courage pour reconnaître le bien authentique des peuples et pour le poursuivre avec détermination et prudence, et il est indispensable d’avoir toujours sous les yeux les souffrances des personnes pour poursuivre avec conviction le chemin, patient et dur mais aussi passionnant et libérateur, de la construction de la paix.

L’Église catholique – présente depuis des siècles dans ce pays et qui s’est distinguée en particulier par son engagement dans la promotion humaine et dans les œuvres caritatives – partage les joies et les inquiétudes du peuple géorgien et entend offrir sa contribution au bien-être et à la paix de la nation, en collaborant activement avec les Autorités et la société civile. Je souhaite vivement qu’elle continue à apporter sa contribution authentique à la croissance de la société géorgienne, grâce au témoignage commun de la tradition chrétienne qui nous unit, grâce à son engagement en faveur des plus démunis et à travers un dialogue renouvelé et accru avec l’antique Église Orthodoxe géorgienne et avec les autres communautés religieuses du pays.

Que Dieu bénisse la Géorgie et lui donne paix et prospérité !

[01520-FR.01] [Texte original: Italien]

Rencontre du pape François avec Sa Béatitude Catholicos Patriarche de Georgie

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Je remercie Votre Sainteté. Je suis profondément ému d’entendre l’“Ave Maria” que Sa Sainteté a elle-même composé. Seulement d’un cœur qui aime beaucoup la Sainte Mère de Dieu, un cœur de fils et aussi d’enfant, peut sortir une chose aussi belle.

C’est pour moi une grande joie et une grâce particulière de rencontrer Votre Sainteté et Béatitude, ainsi que les vénérables Métropolites, Archevêques et Evêques membres du Saint Synode. Je salue Monsieur le Premier Ministre et vous aussi, illustres représentants du monde académique et de la culture.

Sainteté, vous avez inauguré une nouvelle page dans les relations entre l’Eglise Orthodoxe de Géorgie et l’Eglise Catholique, en accomplissant la première visite historique au Vatican d’un Patriarche géorgien. A cette occasion, vous avez échangé avec l’Evêque de Rome le baiser de la paix ainsi que la promesse de prier l’un pour l’autre. Les liens significatifs qui existent entre nous depuis les premiers siècles du christianisme ont pu ainsi se renforcer. Ils se sont développés, et ils se maintiennent respectueux et cordiaux, comme le manifestent aussi l’accueil chaleureux réservé ici à mes envoyés et représentants, les activités d’étude et de recherche de fidèles orthodoxes géorgiens aux Archives Vaticanes et dans les Universités pontificales, la présence à Rome d’une de vos communautés accueillie dans une église de mon diocèse, et la collaboration, surtout de caractère culturel, avec la communauté catholique locale.

En tant que pèlerin et ami, je suis arrivé sur cette terre bénie, alors que, pour les catholiques, l’Année jubilaire de la Miséricorde atteint son apogée. Le saint Pape Jean-Paul II lui aussi était venu ici – la première fois pour un successeur de Pierre – à un moment très important, au seuil du jubilé de l’an 2000 : il était venu renforcer « les liens profonds et forts » avec le siège de Rome (Discours lors de la cérémonie de bienvenue, Tbilisi, 8 novembre 1999 : Insegnamenti 22,2 [1999], 843), et rappeler combien était nécessaire, au seuil du troisième millénaire, « la contribution de la Géorgie, antique carrefour de cultures et de traditions, pour l’édification […] d’une civilisation de l’amour » (Discours au Palais patriarcal, Tbilisi, 8 novembre 1999 : Insegnamenti 22,2 [1999], 848).

A présent la Providence divine nous fait nous rencontrer de nouveau et, face à un monde assoiffé de miséricorde, d’unité et de paix, elle nous demande que ces liens entre nous reçoivent un nouvel élan, connaissent une ferveur renouvelée, ce dont le baiser de la paix et notre accolade fraternelle sont déjà un signe éloquent. L’Eglise Orthodoxe de Géorgie, enracinée dans la prédication apostolique, en particulier dans la figure de l’Apôtre André, et l’Eglise de Rome, fondée sur le martyre de l’Apôtre Pierre, ont ainsi la grâce de renouveler aujourd’hui, au nom du Christ et à sa gloire, la beauté de la fraternité apostolique. Pierre et André, en effet, étaient frères : Jésus les a appelés à laisser les filets et à devenir, ensemble, pêcheurs d’hommes (cf. Mc 1, 16-17). Cher frère, laissons-nous regarder de nouveau par le Seigneur Jésus, laissons-nous attirer encore par son invitation à laisser ce qui nous empêche d’être ensemble des annonciateurs de sa présence.

Pour cela, l’amour qui a transformé la vie des Apôtres nous soutient. C’est l’amour sans égal que le Seigneur a incarné : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jn 15, 13) et qu’il nous a donné, afin que nous nous aimions les uns les autres comme lui nous a aimés (cf. Jn 15, 12). A ce sujet, le grand poète de cette terre semble aussi nous adresser quelques-unes de ses paroles célèbres : « As-tu lu comment les Apôtres écrivent au sujet de l’amour, comment ils disent, comment ils le louent ? Le connais-tu ? Tourne ton esprit vers ces paroles : « l’amour nous élève » et rien d’autre. » (S. RUSTAVELI, Le Chevalier dans la peau de tigre, Tbilisi 1988, stance 785). Vraiment, l’amour du Seigneur nous élève parce qu’il nous permet de nous élever au-dessus des incompréhensions du passé, des calculs du présent et des craintes de l’avenir.

Le peuple géorgien a témoigné au cours des siècles de la grandeur de cet amour. Il y a trouvé la force de se relever après d’innombrables épreuves ; c’est en lui qu’il s’est élevé jusqu’aux sommets d’une extraordinaire beauté artistique. Sans l’amour, en effet, comme l’a écrit un autre grand poète, « Le soleil ne règne pas dans la coupole du ciel » et pour les hommes « Il n’existe ni beauté, ni immortalité » (G. TABIDZE, « Sans l’amour » in Galaktion Tabidze, Tbilisi 1982, 25). L’immortelle beauté de votre patrimoine culturel trouve sa raison d’être dans l’amour. Beauté qui s’exprime sous de multiples formes parmi lesquelles, par exemple, la musique, la peinture, l’architecture et la danse. Vous en avez donné, cher frère, une digne expression, en composant en particulier de précieux hymnes sacrés, certains également en langue latine, particulièrement chers à la tradition catholique. Ils enrichissent votre trésor de foi et de culture, don unique fait à la chrétienté et à l’humanité, qui mérite d’être connu et apprécié de tous.

On doit surtout l’histoire glorieuse de l’Evangile sur cette terre à Sainte Nino, qui est assimilée aux Apôtres : elle a diffusé la foi avec le signe particulier de la croix faite en bois de vigne. Il ne s’agit pas d’une croix dépouillée, parce que l’image de la vigne, outre le fruit qui excelle sur cette terre, représente le Seigneur Jésus. En effet, il est « la vrai vigne », et il a demandé à ses Apôtres de rester fortement greffé sur lui, comme des sarments, pour porter du fruit (cf. Jn 15, 1-8). Pour que l’Evangile porte du fruit encore aujourd’hui, il nous est demandé, cher Frère, de rester encore plus fermes dans le Seigneur et uni entre nous. Que la multitude des saints que compte ce pays nous encourage à mettre l’Évangile avant toute chose et à évangéliser comme par le passé, plus encore que par le passé, libres des liens des préjugés et ouverts à la nouveauté éternelle de Dieu. Les difficultés ne sont pas des empêchements mais des stimulants à mieux nous connaître, à partager la sève vitale de la foi, à intensifier la prière les uns pour les autres et à collaborer avec charité apostolique dans le témoignage commun, à la gloire de Dieu dans les cieux et au service de la paix sur la terre.

Le peuple géorgien aime célébrer, en trinquant avec le fruit de la vigne, les valeurs les plus chères. Avec l’amour qui élève, un rôle particulier est réservé à l’amitié. Le poète rappelle encore : « Celui qui ne cherche pas un ami est ennemi de lui-même » (S. RUSTAVELI, Le Chevalier dans la peau de tigre, stance 847). Je désire être un ami sincère de cette terre et de cette chère population, qui n’oublie pas le bien reçu et dont le trait hospitalier s’accorde avec un style de vie naturellement plein d’espérance, même dans les difficultés qui ne manquent jamais. Cet aspect positif trouve aussi ses racines dans la foi qui porte les Géorgiens à invoquer, autour de sa table, la paix pour tous et à se souvenir même des ennemis.

Avec la paix et le pardon nous sommes appelés à vaincre nos vrais ennemis, qui ne sont pas de chair ni de sang, mais qui sont les esprits du mal, en nous et en dehors de nous (cf. Ep 6, 12). Cette terre bénie est riche des valeureux héros selon l’Evangile qui, comme saint Georges ont su terrasser le mal. Je pense à tant de moines et en particulier aux nombreux martyrs dont la vie a triomphé « par la foi et la patience » (IOANE SABANISZE, Martyre d’Abel, III) : elle est passée par le pressoir de la souffrance en restant unie au Seigneur, et elle a, de cette manière, porté un fruit pascal, en irriguant le sol géorgien du sang versé par amour. Que leur intercession procure un soulagement à tant de chrétiens qui, encore aujourd’hui dans le monde, souffrent persécutions et outrages, et qu’elle renforce en nous le bon désir d’être fraternellement unis pour annoncer l’Evangile de la paix.

[Après l’échange des dons]

Merci, Sainteté. Que Dieu bénisse Sa Sainteté et l’Eglise Orthodoxe de la Géorgie. Merci, Sainteté. Et qu’elle puisse avancer sur le chemin de la liberté.

Merci, Sainteté, de l’accueil et de vos paroles. Merci de votre bienveillance et aussi de cet engagement fraternel de prier l’un pour l’autre après nous être donnés le baiser de la paix. Merci.

[01521-FR.02] [Texte original: Italien]

La pastorale face à l’euthanasie

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Cette semaine se tenait à Cornwall, l’Assemblée plénière des évêques catholiques du Canada. Lors de cette rencontre annuelle, les évêques de partout au pays se sont réunis pour prier, réfléchir, discuter et prendre des décisions concernant les grandes orientations de la Conférence pour l’année à venir. Suivant un agenda bien rempli, les évêques ont donc pu aborder plusieurs thèmes relatifs à la réalité pastorale propre au Canada. Parmi les sujets abordés cette année, l’euthanasie a certainement retenu l’attention des participants.

La pastorale devant l’euthanasie

La question de l’euthanasie au Québec et au Canada est une problématique relativement nouvelle puisque les législations permettant une telle pratique sont apparues dans le courant de cette année. La CECC a donc fait appel au Cardinal Willem Eijk, archevêque d’Utrecht au Pays-Bas, afin qu’il puisse partager son expérience d’évêque dans un pays ayant une législation très permissive en matière d’euthanasie et de suicide assisté. Dans un deuxième temps, les évêques de partout au pays ont pu se concerter avant d’amorcer ce qui pourrait être le début d’un processus visant à définir certaines balises communes en cette matière. Les évêques catholiques d’Alberta ayant publié un document sur cette question peu de temps avant la plénière, celle-ci n’a attiré l’attention des médias québécois et canadiens qu’à la veille de la clôture de cette rencontre. Manifestant l’urgence d’aborder cette nouvelle réalité, cette polémique va certainement pousser les évêques à réfléchir avec plus d’intensité aux conséquences d’une telle législation sur la pastorale.

De la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté surgissent deux problématiques distinctes, celle de la célébration du sacrement de l’onction des malades d’une part, et, d’autre part, celle de la célébration des funérailles. C’est deux questions appellent à certaines clarifications.

Le sacrement de l’onction des malades, une porte de la miséricorde

Dans un premier temps, la célébration du sacrement des malades dans le contexte précédant une euthanasie demande un discernement approfondi. D’un côté, il y a la réalité objective. Dans le cas d’une personne faisant la demande de l’injection létale causant directement sa mort, il apparaît contradictoire qu’elle demande du même coup le sacrement des malades. En effet, comment célébrer authentiquement le signe efficace d’une foi qui est volontairement niée dans son élément le plus fondamental, c’est-à-dire le sens chrétien de la souffrance ? Le sacrement des malades (anciennement « extrême onction ») ayant pour but d’ouvrir à l’espérance de la vie éternelle et d’accepter le don gratuit de la miséricorde de Dieu dans la vie d’une personne, il apparaît contradictoire que cette personne en face la demande avant de commettre ce que l’Église enseigne comme étant un rejet du don le plus précieux de Dieu : la vie humaine elle-même. Que conclure de cette contradiction?

Du côté pastoral, il apparaît clair qu’un refus pur et simple de célébrer ce sacrement pourrait faire offense au cri de détresse qu’une telle demande représente. En effet, les pasteurs ne peuvent jamais « jeter l’éponge » puisque Dieu accueille toujours celui ou celle qui vient à Lui. C’est ainsi que nous devons comprendre l’appel du pape François ainsi que des évêques du Québec entendues ces derniers jours dans les médias. Bien que le contexte médical et humain de la société risque fort de se détériorer avec les lois 52 et C-14, puisque ces dernières désacralisent la vie et la dignité humaine de tous les citoyens, de son côté, l’Église ne changera pas la posture qui était et qui sera la sienne, celle d’accompagner toutes les personnes qui viennent à elle et qui lui demandent de l’aide. L’absence d’interdiction de célébrer les sacrements des malades aux personnes sur le point de se suicider ne devrait donc ni être comprise comme un encouragement, ni comme un consentement. Au contraire, elle devrait être interprétée comme une porte ouverte aux personnes en détresse sur le point de commettre l’irréparable. Une « porte de la miséricorde » par laquelle la grâce de Dieu pourrait être sentie par l’entremise de la présence aimante et pleine de tendresse d’un frère dans la foi.

Pour ce qui est des funérailles

La célébration des funérailles est une autre question. Il ne s’agit hélas plus d’accompagner la personne vers « sa mort naturelle » mais bien d’accompagner les personnes qui sont encore parmi nous afin qu’elles puissent prier pour le défunt et se sentir elles-mêmes réconfortées par la présence mystérieuse de Dieu.

Prier pour le défunt, contrairement à ce qu’on pourrait penser, n’est pas une évidence. Durant les funérailles, prier pour une personne signifie la remettre dans les mains de Dieu en Lui demandant de bien vouloir l’accueillir dans son Royaume. Cependant, un suicide peut causer du ressentiment et de la rancœur pour ceux qui restent et qui se sentent souvent trahis lorsqu’une personne aimée les quitte de cette manière. Avec la légalisation de l’euthanasie, sa banalisation et l’élargissement de cette pratique dont les premiers signes sont déjà perceptibles à l’horizon, ces blessures seront de plus en plus répandues. L’Église devra donc mettre sur pied une pastorale adéquate d’accueil et d’accompagnement des personnes, nous pourrions dire, « doublement » endeuillées. Les funérailles étant un lieu privilégié pour accompagner et manifester la sollicitude de l’Église, il m’apparaît important qu’elle respecte la volonté du défunt d’avoir des funérailles puisque, malgré l’aspect objectivement contradictoire de sa « dernière volonté » avec la foi catholique, elle peut être une belle occasion d’aider et d’évangéliser.

Ainsi, loin de causer scandale ou de présenter une image de l’Église comme cautionnant cette pratique inhumaine qu’est l’euthanasie, fermer unilatéralement la porte aux familles des défunts serait une erreur tant au niveau de la pastorale d’accompagnement si chère au pape François, qu’au niveau d’une perspective missionnaire.

Bien que les assemblées d’évêques, telles que l’AECQ ou la CECC n’ont pas pour mission de se substituer au jugement pastoral de chaque évêque dans son diocèse, la plénière de la CECC de cette année aura certainement permis aux évêques de partout au pays de réfléchir aux différents scénarios d’adaptation devant les défis de l’effritement de la protection juridique de la dignité humaine au Canada. Les évêques devront faire preuve d’une immense tendresse envers les personnes qui seront, à cause de la pratique de l’euthanasie, de plus en plus blessées et en détresse. En ce sens, garder un esprit et une réglementation fondamentalement ouverts aux personnes m’apparaît le plus à même de servir le salut des âmes.

Allocution du pape François lors de la rencontre avec les familles des victimes des attentats de Nice

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Mes chers frères et sœurs, je m’excuse de parler italien, mais mon français n’est pas bon.

C’est une grande émotion pour moi de vous rencontrer, vous qui souffrez dans votre corps ou dans votre âme parce qu’un soir de fête la violence vous a frappés aveuglément, vous ou l’un de vos proches, sans considération d’origine ou de religion. Je veux partager votre peine, une peine qui se fait encore plus vive lorsque je pense aux enfants, parfois aux familles entières, dont la vie a été arrachée à l’improviste et de façon dramatique. Soyez tous assurés de ma compassion, de ma proximité et de ma prière.

Chères familles, j’invoque Notre Père du ciel, notre Père à tous, pour qu’il accueille vos défunts bien-aimés auprès de lui afin qu’ils trouvent sans tarder le repos et la joie de la vie éternelle. Pour nous chrétiens, le fondement de notre espérance c’est le Christ mort et ressuscité. L’Apôtre Paul nous l’affirme : « Si nous sommes passés par la mort avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui. Nous le savons en effet : ressuscité d’entre les morts, le Christ ne meurt plus ; sur lui la mort n’a plus aucun pouvoir» (Rm 6,8-9). Que la certitude de la vie éternelle, qui est aussi celle de croyants d’autres religions, soitcapture-decran-2016-09-25-a-11-07-12 une consolation pour toute votre vie, et un puissant motif de persévérance afin de continuer courageusement votre route ici-bas.

Je prie aussi le Dieu de miséricorde pour toutes les personnes blessées, parfois atrocement mutilées dans leur chair ou dans leur âme, et je n’oublie pas toutes celles qui n’ont pas pu venir ou qui sont encore hospitalisées. L’Église vous demeure proche et vous accompagne avec son immense compassion. Par sa présence à vos côtés en ces moments si lourds à porter, elle demande à Dieu de vous venir en aide et de mettre en votre cœur des sentiments de paix et de fraternité.

Le drame qu’a connu la ville de Nice a suscité, de toutes parts, de belles initiatives de solidarité et d’accompagnement. Je remercie toutes les personnes qui, sur le moment, ont porté secours aux victimes, ou qui aujourd’hui encore, et pour longtemps sans doute, se dévouent à soutenir et accompagner les familles. Je pense, bien sûr, à la Communauté catholique et à son Evêque, Monseigneur André Marceau, mais aussi aux services de soins et au monde associatif, en particulier, à l’association Alpes-Maritimes Fraternité ici présente, qui rassemble des représentants de toutes les confessions religieuses, ce qui est un très beau signe d’espérance. Et je me réjouis de voir que chez vous les relations interreligieuses sont bien vivantes, ce qui ne peut que contribuer à panser les blessures de ces dramatiques événements.

En effet, l’établissement d’un dialogue sincère et de relations fraternelles entre tous, en particulier entre ceux qui confessent un Dieu unique et miséricordieux, est une urgente priorité que les responsables, tant politiques que religieux, doivent chercher de favoriser et que chacun est appelé à mettre en œuvre autour de soi. Alors que la tentation de se replier sur soi-même, ou bien de répondre à la haine par la haine et à la violence par la violence est grande, une authentique conversion du cœur est nécessaire. C’est là le message que l’Évangile de Jésus nous adresse à tous. On ne peut répondre aux assauts du démon que par les œuvres de Dieu qui sont pardon, amour et respect du prochain, même s’il est différent.

Chers frères et sœurs, je vous assure encore une fois de ma prière et de toute la tendresse du successeur de Pierre. Je prie aussi pour votre cher pays et pour ses responsables afin que soit édifiée sans relâche une société juste, pacifique et fraternelle. En signe de ma proximité, j’invoque sur chacun de vous le secours de la Vierge Marie et l’abondance des Bénédictions divines.

Le Seigneur bénisse vous tous. [01508-FR.02] [Texte original: Italien] [B0668-XX.02]

Homélie du pape François lors de la Messe pour le Jubilé des catéchistes

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L’Apôtre Paul, dans la seconde lecture, adresse à Timothée, mais aussi à nous, quelques recommandations qui lui tiennent à cœur. Parmi elles, il demande de « garder le commandement du Seigneur, en demeurant sans tache, irréprochable » (1Tm 6, 14). Il parle simplement d’un commandement. Il semble qu’il veuille faire fixer notre regard sur ce qui est essentiel pour la foi. Saint Paul, en effet, ne recommande pas beaucoup de points ni d’aspects, mais il souligne le centre de la foi. Ce centre autour duquel tout tourne, ce cœur palpitant qui donne vie à tout, c’est l’annonce pascale, la première annonce : le Seigneur Jésus est ressuscité, le Seigneur Jésus t’aime, il a donné sa vie pour toi ; ressuscité et vivant, il est présent à tes côtés et il t’attend chaque jour. Nous ne devons jamais l’oublier. En ce Jubilé des catéchistes, il nous est demandé de ne pas nous lasser de mettre en premier l’annonce principale de la foi : le Seigneur est ressuscité. Il n’y a pas de contenu plus important, rien de plus solide et actuel. Tout le contenu de la foi devient beau s’il est relié à ce centre, s’il est traversé par l’annonce pascale. En revanche, s’il est isolé, il perd sens et force. Nous sommes toujours appelés à vivre et à annoncer la nouveauté de l’amour du Seigneur : « Jésus t’aime vraiment, comme tu es. Fais-lui une place : malgré les déceptions et les blessures de la vie, laisse-lui la possibilité de t’aimer. Il ne te décevra pas ».

Le commandement dont parle saint Paul nous fait penser aussi au commandement nouveau de Jésus : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 15, 12). C’est en aimant que l’on annonce le Dieu-Amour. Non pas en cherchant à convaincre, jamais en imposant la vérité, non plus en se raidissant sur des obligations religieuses ou morales. Dieu est annoncé en rencontrant les personnes, en prêtant attention à leur histoire et à leur chemin. Car le Seigneur n’est pas une idée, mais une personne vivante : son message passe par le témoignage simple et vrai, par l’écoute et l’accueil, par la joie qui rayonne. On ne parle pas bien de Jésus quand on est triste : on ne transmet pas non plus la beauté de Dieu en faisant seulement de belles prédications. Le Dieu de l’espérance est annoncé en vivant aujourd’hui l’Evangile de la charité, sans peur d’en témoigner aussi sous des formes nouvelles d’annonces.

L’Evangile de ce dimanche nous aide à comprendre ce que veut dire aimer, et surtout à éviter certains risques. Dans la parabole, il y a un homme riche qui ne remarque pas Lazare, un pauvre qui est « devant son portail » (Lc 16, 20). Ce riche, en réalité, ne fait de mal à personne, on ne dit pas qu’il est mauvais. Mais il a une infirmité plus grande que celle de Lazare, qui est « couvert d’ulcères » (ibid.) : ce riche souffre d’une grande cécité, parce qu’il ne réussit pas à regarder au-delà de son monde fait de banquets et de beaux vêtements. Il ne voit pas derrière la porte de sa maison où est allongé Lazare, parce que ce qui se passe dehors ne l’intéresse pas. Il ne voit pas avec les yeux car il ne sent pas avec le cœur. La mondanité qui anesthésie l’âme est entrée dans son cœur. La mondanité est comme un « trou noir » qui engloutit le bien, qui éteint l’amour parce qu’elle ramène tout au moi. On ne voit plus alors que les apparences et on ne prête plus attention aux autres, car on devient indifférent à tout. Souvent, celui qui souffre de cette grave cécité se met à « loucher » : il regarde avec révérence les personnes célèbres, de haut rang, admirées du monde, et il détourne le regard des nombreux Lazare d’aujourd’hui, des pauvres et de ceux qui souffrent, qui sont les préférés du Seigneur.

Mais le Seigneur regarde celui qui est négligé et mis à l’écart du monde. Lazare est le seul personnage, dans toutes les paraboles de Jésus, à être appelé par son nom. Son nom veut dire « Dieu aide ». Dieu ne l’oublie pas, il l’accueillera au banquet de son Royaume, avec Abraham, dans une communion riche en affections. En revanche, l’homme riche, dans la parabole, n’a même pas de nom ; sa vie est oubliée, car celui qui vit pour soi ne fait pas l’histoire. Et un chrétien doit faire l’histoire ! Il doit sortir de lui-même, pour faire l’histoire ! Mais celui qui vit pour soi ne fait pas l’histoire. L’insensibilité d’aujourd’hui creuse des abîmes infranchissables à jamais. Et nous sommes tombés, à présent, dans cette maladie de l’indifférence, de l’égoïsme, de la mondanité.

Il y a un autre détail dans la parabole, un contraste. La vie opulente de cet homme sans nom est décrite comme ostentatoire : tout en lui réclame des besoins et des droits. Même mort il insiste pour être aidé et prétendre à ses intérêts. La pauvreté de Lazare, en revanche, s’exprime avec une grande dignité : aucune lamentation, protestation ni parole de mépris ne sort de sa bouche. C’est un enseignement précieux : en tant que serviteurs de la parole de Jésus nous sommes appelés à ne pas étaler une apparence et à ne pas rechercher la gloire ; nous ne pouvons pas non plus être tristes ni nous lamenter. Ne soyons pas des prophètes de malheur qui se complaisent à dénicher les dangers ou les déviances ; ne soyons pas des gens qui se retranchent dans leurs propres environnements en émettant des jugements amers sur la société, sur l’Eglise, sur tout et sur tous, polluant le monde de choses négatives. Celui qui est familier de la Parole de Dieu ne connaît pas le scepticisme qui se lamente.

Celui qui annonce l’espérance de Jésus est porteur de joie et voit loin, il a des horizons, il n’a pas un mur qui le ferme ; il voit loin car il sait regarder au-delà du mal et des problèmes. En même temps il voit bien de près, car il est attentif au prochain et à ses nécessités. Aujourd’hui, le Seigneur nous le demande : devant tant de Lazare que nous voyons, nous sommes appelés à nous inquiéter, à trouver des chemins pour rencontrer et aider, sans déléguer toujours aux autres et dire « je t’aiderai demain, aujourd’hui je n’ai pas le temps, je t’aiderai demain ». Et c’est un péché. Le temps donné pour porter secours aux autres est du temps donné à Jésus, c’est de l’amour qui demeure : c’est notre trésor au ciel que nous nous procurons ici sur terre.

En conclusion, chers catéchistes et chers frères et sœurs, que le Seigneur nous donne la grâce d’être renouvelés chaque jour par la joie de la première annonce : Jésus est mort et ressuscité, Jésus nous aime personnellement! Qu’il nous donne la force de vivre et d’annoncer le commandement de l’amour, en dépassant la cécité de l’apparence et les tristesses mondaines. Qu’il nous rende sensibles aux pauvres, qui ne sont pas un appendice de l’Evangile, mais une page centrale, toujours ouverte devant tous.

[01509-FR.02] [Texte original: Italien]

Discours du pape François lors de la cérémonie conclusive de la Journée Mondiale de Prière pour la Paix à Assise

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À 17:15, les participants des différentes religions se sont rencontrés sur la Place de Saint-François à Assise pour une cérémonie de conclusive de la Journée Mondiale de Prière pour la Paix. Le Saint-Père est arrivé sur la scène en compagnie du Rabbin Abraham Skorka, Recteur du Séminaire rabbinique de Marshall Meyer (Argentine); du professeur Abbas Schuman, Vice-Président de l’Université Al-Azhar (Égypte) ainsi que du Vénérable Gijun Sugitani, Conseillé Suprême de l’école Bouddhiste de Tendai (Japon).

La cérémonie a débutée avec les salutations de Son Excellence Domenico Sorrentino, Archevêque d’Assise-Novera (Umbra-Gualdo Tadino), et de père Mauro Gambetti o.f.m., Gardien du Couvent sacré d’Assise. Après une introduction du professeur Andrea Riccardi, fondateur de la Communauté Sant’Egidio, une victime de la guerre en Syrie, Ms. Tamar Mikalli, réfugiée en provenance d’Alep (Syrie) a partagé son témoignage. Après l’allocution du Patriarche Bartholomée 1er, le professeur David Brodman, Rabbin d’Israël; le Vénérable Koei Morikawa, Patriarche du Bouddhisme Tendai (Japon), le Professeur Din Syamsuddin, Président du Conseil Ulema (Indonésie) ont prononcé leurs discours devant l’assemblée. Finalement, le pape François a prononcé le discours que voici:

Saintetés,
illustres Représentants des Églises, des Communautés chrétiennes et des Religions, chers frères et sœurs !

Je vous salue avec grand respect et affection et je vous remercie de votre présence. Je remercie la Communauté de Sant’Egidio, le diocèse d’Assise et les Familles franciscaines qui ont préparé cette journée de prière. Nous sommes venus à Assise comme des pèlerins en recherche de paix. Nous portons en nous, et nous mettons devant Dieu les attentes et les angoisses de nombreux peuples et personnes. Nous avons soif de paix, nous avons le désir de témoigner de la paix, nous avons surtout besoin de prier pour la paix, car la paix est un don de Dieu et il nous revient de l’invoquer, de l’accueillir et de la construire, chaque jour avec son aide.

« Bienheureux les artisans de paix » (Mt 5,9). Beaucoup d’entre vous ont fait une longue route pour rejoindre ce lieu béni. Sortir, se mettre en route, se retrouver ensemble, se prodiguer pour la paix : ce ne sont pas seulement des mouvements physiques, mais surtout des mouvements de l’âme, ce sont des réponses spirituelles concrètes pour vaincre les fermetures en s’ouvrant à Dieu et aux frères. Dieu nous le demande, en nous exhortant à faire face à la grande maladie de notre époque : l’indifférence. C’est un virus qui paralyse, qui rend inertes et insensibles, un mal qui attaque le centre même de la religiosité, provoquant un nouveau paganisme extrêmement triste : le paganisme de l’indifférence.

Nous ne pouvons pas rester indifférents. Aujourd’hui, le monde a une ardente soif de paix. Dans de nombreux pays on souffre de guerres souvent oubliées, mais qui sont toujours causes de souffrance et de pauvreté. A Lesbos, avec le cher Patriarche œcuménique Bartholomée, nous avons vu dans les yeux des réfugiés la douleur de la guerre, l’angoisse de peuples assoiffés de paix. Je pense aux familles dont la vie a été bouleversée ; aux enfants qui n’ont rien connu d’autre dans la vie que la violence ; aux personnes âgées contraintes de laisser leurs terres : tous ont une grande soif de paix. Nous ne voulons pas que ces tragédies tombent dans l’oubli. Nous désirons prêter notre voix à tous ceux qui souffrent, à tous ceux qui sont sans voix et sans personne qui les écoute. Eux savent bien, souvent mieux que les puissants, qu’il n’y a aucun avenir dans la guerre, et que la violence des armes détruit la joie de la vie.

Nous, nous n’avons pas d’armes. Mais nous croyons dans la douce et humble force de la prière. En ce jour, la soif de paix s’est faite invocation à Dieu, pour que cessent les guerres, le terrorisme et les violences. La paix que nous invoquons d’Assise n’est pas seulement une protestation contre la guerre, elle n’est pas non plus le résultat « de négociations, de compromis politiques ou de marchandages économiques. Elle résulte de la prière » (Jean Paul II, Discours, Basilique Sainte Marie des Anges, 27 octobre 1986: Enseignements IX, 2 [1986], 1252). Cherchons en Dieu, source de la communion, l’eau limpide de la paix dont l’humanité est assoiffée : elle ne peut jaillir des déserts de l’orgueil ni des intérêts de parti, des terres arides du gain à tout prix et du commerce des armes.

Nos traditions religieuses sont diverses. Mais la différence n’est pas pour nous un motif de conflit, de polémique ou de froide distance. Nous n’avons pas prié aujourd’hui les uns contre les autres, comme c’est malheureusement arrivé parfois dans l’histoire. Sans syncrétisme et sans relativisme, nous avons en revanche prié les uns à côté des autres, les uns pour les autres. Saint Jean-Paul II, en ce même lieu, a dit : « Peut-être que jamais comme maintenant dans l’histoire de l’humanité, le lien intrinsèque qui unit une attitude religieuse authentique et le grand bien de la paix est devenu évident pour tous » (Id., Discours, Place de la Basilique inférieure de Saint François, 27 octobre 1986 : l.c., 1268). En poursuivant le chemin commencé il y a trente ans à Assise – où la mémoire de cet homme de Dieu et de paix que fut saint François est vivante – « une fois encore, nous qui sommes réunis ici, nous affirmons ensemble que celui qui utilise la religion pour fomenter la violence en contredit l’inspiration la plus authentique et la plus profonde » (Id., Discours aux Représentants des Religions, Assise, 24 janvier 2002: Enseignements XXV, 1 [2002], 104), qu’aucune forme de violence ne représente « la vraie nature de la religion. Elle en est au contraire son travestissement et contribue à sa destruction » (Benoît XVI, Intervention à la journée de réflexion, de dialogue et de prière pour la paix et la justice dans le monde, Assise, 27 octobre 2011 : Enseignements VII, 2 [2011], 512). Ne nous lassons pas de répéter que jamais le nom de Dieu ne peut justifier la violence. Seule la paix est sainte. Seule la paix est sainte, pas la guerre !

Aujourd’hui, nous avons imploré le saint don de la paix. Nous avons prié pour que les consciences se mobilisent pour défendre la sacralité de la vie humaine, pour promouvoir la paix entre les peuples et pour sauvegarder la création, notre maison commune. La prière et la collaboration concrète aident à ne pas rester prisonniers des logiques de conflit et à refuser les attitudes rebelles de celui qui sait seulement protester et se fâcher. La prière et la volonté de collaborer engagent une vraie paix qui n’est pas illusoire : non pas la tranquillité de celui qui évite les difficultés et se tourne de l’autre côté, si ses intérêts ne sont pas touchés ; non pas le cynisme de celui qui se lave les mains des problèmes qui ne sont pas les siens ; non pas l’approche virtuelle de celui qui juge tout et chacun sur le clavier d’un ordinateur, sans ouvrir les yeux aux nécessités des frères ni se salir les mains pour qui en a besoin. Notre route consiste à nous immerger dans les situations et à donner la première place à celui qui souffre ; d’assumer les conflits et de les guérir de l’intérieur ; de parcourir avec cohérence les voies du bien, en repoussant les faux-fuyants du mal ; d’entreprendre patiemment, avec l’aide de Dieu et de la bonne volonté, des processus de paix.

La paix, un fil d’espérance qui relie la terre et le ciel, un mot si simple, et en même temps difficile. Paix veut dire Pardon qui, fruit de la conversion et de la prière, naît de l’intérieur et, au nom de Dieu, rend possible de guérir les blessures du passé. Paix signifie Accueil, disponibilité au dialogue, dépassement des fermetures, qui ne sont pas des stratégies de sécurité, mais des ponts sur le vide. Paix veut dire Collaboration, échange vivant et concret avec l’autre, qui est un don et non un problème, un frère avec qui chercher à construire un monde meilleur. Paix signifie Education : un appel à apprendre chaque jour l’art difficile de la communion, à acquérir la culture de la rencontre, en purifiant la conscience de toute tentation de violence et de raidissement, contraires au nom de Dieu et à la dignité de l’homme.

Nous ici, ensemble et dans la paix, nous croyons et nous espérons en un monde fraternel. Nous désirons que les hommes et les femmes de religions différentes, partout se réunissent et créent de la concorde, spécialement là où il y a des conflits. Notre avenir est de vivre ensemble. C’est pourquoi nous sommes appelés à nous libérer des lourds fardeaux de la méfiance, des fondamentalismes et de la haine. Que les croyants soient des artisans de paix dans l’invocation à Dieu et dans l’action pour l’homme ! Et nous, comme Chefs religieux, nous sommes tenus à être de solides ponts de dialogue, des médiateurs créatifs de paix. Nous nous tournons aussi vers ceux qui ont une responsabilité plus haute dans le service des peuples, aux Leaders des Nations, pour qu’ils ne se lassent pas de chercher et de promouvoir des chemins de paix en regardant au-delà des intérêts de parti et du moment : que ne demeurent pas inécoutés l’appel de Dieu aux consciences, le cri de paix des pauvres et les bonnes attentes des jeunes générations. Ici, il y a trente ans, saint Jean-Paul II a dit : « La paix est un chantier ouvert à tous et pas seulement aux spécialistes, aux savants et aux stratèges. La paix est une responsabilité universelle » (Discours, Place inférieure de la Basilique de saint François, 27 octobre 1986 : l.c., 1269). Sœurs et frères, assumons cette responsabilité, réaffirmons aujourd’hui notre oui à être, ensemble, constructeurs de la paix que Dieu veut et dont l’humanité est assoiffée.

Discours du pape François lors de la Prière oecuménique dans la Basilique inférieure Saint-François d’Assise

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Vers 15:15, suivant un repas en commun au Couvent des franciscains d’Assise, le Pape a rencontré individuellement Sa Sainteté Bartholomée 1er, Patriarche Oecuménique de Constantinople, Sa Sainteté Ignatius Ephram II, Patriarche de l’église syrienne orthodoxe d’Antioche, Son excellence Justin Welby, Archevêque de Canterbury et Primat de la Communion anglicane, Le professeur Zygmut Bauman, sociologue et philosophe (Pologne), le professeur Din Syansuddin, Président du Conseil Uléma (Indonésie) ainsi que le Rabbin David Rosen (Israël).

À 16:00, les représentants des différentes religions ont priés pour la paix à différents endroits d’Assise. Tous les chrétiens se sont réunis dans la Basilique inférieur Saint-François pour une prière oecuménique durant laquelle furent mentionnés 28 pays en guerre. Une chandelle fut également allumés pour chacun d’eux. Vous trouverez ci-dessous le texte de la méditation du pape François:

Devant Jésus crucifié résonnent pour nous aussi ses paroles : « J’ai soif » (Jn 19, 28). La soif, encore plus que la faim, est le besoin extrême de l’être humain, mais en représente aussi l’extrême misère. Nous contemplons ainsi le mystère du Dieu Très-Haut, devenu, par miséricorde, miséreux parmi les hommes.

De quoi a soif le Seigneur ? Certainement d’eau, élément essentiel pour la vie. Mais surtout d’amour, élément non moins essentiel pour vivre. Il a soif de nous donner l’eau vive de son amour, mais aussi de recevoir notre amour. Le prophète Jérémie a exprimé la satisfaction de Dieu pour notre amour : « Je me souviens de la tendresse de tes jeunes années, ton amour de jeune mariée » (2, 2). Mais il a donné aussi une voix à la souffrance divine, quand l’homme, ingrat, a abandonné l’amour, quand – aujourd’hui aussi, semble dire le Seigneur – « ils m’ont abandonné, moi, la source d’eau vive et ils se sont creusés des citernes fissurées qui ne retiennent pas l’eau » (v. 13). C’est le drame du “cœur desséché”, de l’amour non rendu, un drame qui se renouvelle dans l’Évangile, quand, à la soif de Jésus l’homme répond par le vinaigre, qui est du vin tourné. Comme, prophétiquement, se lamentait le psalmiste : « Quand j’avais soif, ils m’ont donné du vinaigre » (Ps 69, 22).

“L’Amour n’est pas aimé” : selon certains récits, c’était la réalité qui troublait saint François d’Assise. Lui, par amour du Seigneur souffrant, n’avait pas honte de pleurer et de se lamenter à haute voix (cf. Sources franciscaines, n. 1413). Cette réalité même doit nous tenir à cœur en contemplant le Dieu crucifié, assoiffé d’amour. Mère Teresa de Calcutta a voulu que, dans les chapelles de chacune de ses communautés, près du Crucifié soit écrit “J’ai soif”. Étancher la soif d’amour de Jésus sur la croix par le service des plus pauvres parmi les pauvres a été sa réponse. Le Seigneur est en effet assoiffé de notre amour de compassion, il est consolé lorsque, en son nom, nous nous penchons sur les misères d’autrui. Au jugement, il appellera “bénis” tous ceux qui ont donné à boire à qui avait soif, qui ont offert un amour concret à qui en avait besoin : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40).

Les paroles de Jésus nous interpellent, elles demandent accueil dans notre cœur et réponse par notre vie. Dans son “J’ai soif”, nous pouvons entendre la voix de ceux qui souffrent, le cri caché des petits innocents exclus de la lumière de ce monde, la supplication qui vient du fond du cœur des pauvres et de ceux qui ont le plus besoin de paix. Elles implorent la paix, les victimes des guerres qui polluent les peuples de haine et la terre d’armes ; ils implorent la paix, nos frères et sœurs qui vivent sous la menace des bombardements ou sont contraints de laisser leurs maisons et d’émigrer vers l’inconnu, dépouillés de tout. Tous ceux-là sont des frères et des sœurs du Crucifié, petits dans son Royaume, membres blessés et desséchés de sa chair. Ils ont soif. Mais à eux il leur est souvent donné, comme à Jésus, le vinaigre amer du refus. Qui les écoute ? Qui se préoccupe de leur répondre ? Ils rencontrent trop souvent le silence assourdissant de l’indifférence, de l’égoïsme de celui qui est agacé, la froideur de celui qui éteint leur cri à l’aide avec la facilité avec laquelle on change un canal de télévision.

Devant le Christ crucifié, « puissance de Dieu et sagesse de Dieu » (1 Co 1, 24), nous chrétiens, nous sommes appelés à contempler le mystère de l’Amour non aimé et à répandre de la miséricorde sur le monde. Sur la croix, arbre de vie, le mal a été transformé en bien ; nous aussi, disciples du Crucifié, nous sommes appelés à être des “arbres de vie” qui absorbent la pollution de l’indifférence et restituent au monde l’oxygène de l’amour. Du côté du Christ en croix sort de l’eau, symbole de l’Esprit qui donne la vie (cf. Jn 19 34) ; ainsi, que de nous, ses fidèles, sorte de la compassion pour tous les assoiffés d’aujourd’hui.

Comme Marie près de la Croix, que le Seigneur nous accorde d’être unis à Lui et proches de celui qui souffre. En nous approchant de tous ceux qui aujourd’hui vivent comme des crucifiés et en puisant la force d’aimer au Crucifié ressuscité, croîtront encore plus l’harmonie et la communion entre nous. « C’est Lui, le Christ, qui est notre paix » (Ep 2, 14), lui qui est venu pour annoncer la paix à ceux qui sont proches et à ceux qui sont loin (cf. v. 17). Qu’il nous garde tous dans l’amour et nous rassemble dans l’unité, dans laquelle nous sommes en chemin, pour que nous devenions ce que lui désire : « un » (Jn 17, 21).

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