Discours du pape François lors de la Prière oecuménique dans la Basilique inférieure Saint-François d’Assise

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Vers 15:15, suivant un repas en commun au Couvent des franciscains d’Assise, le Pape a rencontré individuellement Sa Sainteté Bartholomée 1er, Patriarche Oecuménique de Constantinople, Sa Sainteté Ignatius Ephram II, Patriarche de l’église syrienne orthodoxe d’Antioche, Son excellence Justin Welby, Archevêque de Canterbury et Primat de la Communion anglicane, Le professeur Zygmut Bauman, sociologue et philosophe (Pologne), le professeur Din Syansuddin, Président du Conseil Uléma (Indonésie) ainsi que le Rabbin David Rosen (Israël).

À 16:00, les représentants des différentes religions ont priés pour la paix à différents endroits d’Assise. Tous les chrétiens se sont réunis dans la Basilique inférieur Saint-François pour une prière oecuménique durant laquelle furent mentionnés 28 pays en guerre. Une chandelle fut également allumés pour chacun d’eux. Vous trouverez ci-dessous le texte de la méditation du pape François:

Devant Jésus crucifié résonnent pour nous aussi ses paroles : « J’ai soif » (Jn 19, 28). La soif, encore plus que la faim, est le besoin extrême de l’être humain, mais en représente aussi l’extrême misère. Nous contemplons ainsi le mystère du Dieu Très-Haut, devenu, par miséricorde, miséreux parmi les hommes.

De quoi a soif le Seigneur ? Certainement d’eau, élément essentiel pour la vie. Mais surtout d’amour, élément non moins essentiel pour vivre. Il a soif de nous donner l’eau vive de son amour, mais aussi de recevoir notre amour. Le prophète Jérémie a exprimé la satisfaction de Dieu pour notre amour : « Je me souviens de la tendresse de tes jeunes années, ton amour de jeune mariée » (2, 2). Mais il a donné aussi une voix à la souffrance divine, quand l’homme, ingrat, a abandonné l’amour, quand – aujourd’hui aussi, semble dire le Seigneur – « ils m’ont abandonné, moi, la source d’eau vive et ils se sont creusés des citernes fissurées qui ne retiennent pas l’eau » (v. 13). C’est le drame du “cœur desséché”, de l’amour non rendu, un drame qui se renouvelle dans l’Évangile, quand, à la soif de Jésus l’homme répond par le vinaigre, qui est du vin tourné. Comme, prophétiquement, se lamentait le psalmiste : « Quand j’avais soif, ils m’ont donné du vinaigre » (Ps 69, 22).

“L’Amour n’est pas aimé” : selon certains récits, c’était la réalité qui troublait saint François d’Assise. Lui, par amour du Seigneur souffrant, n’avait pas honte de pleurer et de se lamenter à haute voix (cf. Sources franciscaines, n. 1413). Cette réalité même doit nous tenir à cœur en contemplant le Dieu crucifié, assoiffé d’amour. Mère Teresa de Calcutta a voulu que, dans les chapelles de chacune de ses communautés, près du Crucifié soit écrit “J’ai soif”. Étancher la soif d’amour de Jésus sur la croix par le service des plus pauvres parmi les pauvres a été sa réponse. Le Seigneur est en effet assoiffé de notre amour de compassion, il est consolé lorsque, en son nom, nous nous penchons sur les misères d’autrui. Au jugement, il appellera “bénis” tous ceux qui ont donné à boire à qui avait soif, qui ont offert un amour concret à qui en avait besoin : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40).

Les paroles de Jésus nous interpellent, elles demandent accueil dans notre cœur et réponse par notre vie. Dans son “J’ai soif”, nous pouvons entendre la voix de ceux qui souffrent, le cri caché des petits innocents exclus de la lumière de ce monde, la supplication qui vient du fond du cœur des pauvres et de ceux qui ont le plus besoin de paix. Elles implorent la paix, les victimes des guerres qui polluent les peuples de haine et la terre d’armes ; ils implorent la paix, nos frères et sœurs qui vivent sous la menace des bombardements ou sont contraints de laisser leurs maisons et d’émigrer vers l’inconnu, dépouillés de tout. Tous ceux-là sont des frères et des sœurs du Crucifié, petits dans son Royaume, membres blessés et desséchés de sa chair. Ils ont soif. Mais à eux il leur est souvent donné, comme à Jésus, le vinaigre amer du refus. Qui les écoute ? Qui se préoccupe de leur répondre ? Ils rencontrent trop souvent le silence assourdissant de l’indifférence, de l’égoïsme de celui qui est agacé, la froideur de celui qui éteint leur cri à l’aide avec la facilité avec laquelle on change un canal de télévision.

Devant le Christ crucifié, « puissance de Dieu et sagesse de Dieu » (1 Co 1, 24), nous chrétiens, nous sommes appelés à contempler le mystère de l’Amour non aimé et à répandre de la miséricorde sur le monde. Sur la croix, arbre de vie, le mal a été transformé en bien ; nous aussi, disciples du Crucifié, nous sommes appelés à être des “arbres de vie” qui absorbent la pollution de l’indifférence et restituent au monde l’oxygène de l’amour. Du côté du Christ en croix sort de l’eau, symbole de l’Esprit qui donne la vie (cf. Jn 19 34) ; ainsi, que de nous, ses fidèles, sorte de la compassion pour tous les assoiffés d’aujourd’hui.

Comme Marie près de la Croix, que le Seigneur nous accorde d’être unis à Lui et proches de celui qui souffre. En nous approchant de tous ceux qui aujourd’hui vivent comme des crucifiés et en puisant la force d’aimer au Crucifié ressuscité, croîtront encore plus l’harmonie et la communion entre nous. « C’est Lui, le Christ, qui est notre paix » (Ep 2, 14), lui qui est venu pour annoncer la paix à ceux qui sont proches et à ceux qui sont loin (cf. v. 17). Qu’il nous garde tous dans l’amour et nous rassemble dans l’unité, dans laquelle nous sommes en chemin, pour que nous devenions ce que lui désire : « un » (Jn 17, 21).

Discours du pape François lors de sa visite à la Basilique Sainte-Marie-des-Anges, Assise

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Chers frères et sœurs,
J’aimerais rappeler aujourd’hui, avant tout, les paroles que, selon une antique tradition, saint

François a prononcées ici même, devant tout le peuple et devant les évêques : ‘‘Je désire vous envoyer tous au paradis’’. Que pouvait le Petit Pauvre d’Assise demander de plus beau, sinon le don du salut, de la vie éternelle avec Dieu et de la joie sans fin, que Jésus a obtenu pour nous par sa mort et sa résurrection ?

Le paradis, d’ailleurs, qu’est-ce sinon ce mystère d’amour qui nous lie pour toujours à Dieu pour le contempler sans fin ? L’Église, depuis toujours, professe cette foi lorsqu’elle dit qu’elle croit dans la communion des saints. Nous ne sommes jamais seuls en vivant la foi ; les saints et les bienheureux nous font compagnie, ainsi que nos proches qui ont vécu avec simplicité et joie la foi et en ont témoigné dans leur vie. Il y a un lien invisible, mais pas pour autant moins réel, qui fait de nous ‘‘un seul corps’’, en vertu de l’unique Baptême reçu, animés par un ‘‘seul Esprit’’ (cf. Ep 4, 4). Peut- être saint François, lorsqu’il demandait au Pape Honorius III le don de l’indulgence pour ceux qui venaient à la Portioncule, avait-il à l’esprit ces paroles de Jésus aux disciples : « Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures ; sinon, vous aurais-je dit : ‘‘Je pars vous préparer une place ?’’ Quand je serai parti vous préparer une place, je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi, afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi » (Jn 14, 2-3).

Le chemin du pardon est certainement le chemin principal à suivre pour rejoindre cette place au Paradis. Et ici à la Portioncule tout parle de pardon ! Quel grand don nous a fait le Seigneur en nous enseignant à pardonner pour nous faire toucher de la main la miséricorde du Père ! Nous avons écouté il y a quelques instants la parabole par laquelle Jésus nous a enseigné à pardonner (cf. Mt 18, 21-35). Pourquoi devrions-nous pardonner à une personne qui nous a fait du mal ? Parce qu’en premier nous avons reçu le pardon, et infiniment plus. La parabole nous dit exactement ceci : comme Dieu nous pardonne, de même nous devons nous aussi pardonner à qui nous fait du mal. Précisément comme dans la prière que Jésus nous a enseignée, le Notre Père, lorsque nous disons : « Remets-nousCapture d’écran 2016-08-04 à 11.17.26 nos dettes comme nous-mêmes nous remettons leurs dettes à nos débiteurs » (Mt 6, 12). Les dettes sont nos péchés devant Dieu, et nos débiteurs sont ceux à qui nous devons pardonner, nous aussi.

Chacun de nous pourrait être ce serviteur de la parabole qui a une grande dette à payer, mais tellement grande qu’il ne pourrait pas s’en sortir. Nous aussi, quand au confessionnal, nous nous mettons à genoux devant le prêtre, nous ne faisons que répéter le même geste du serviteur. Nous disons : ‘‘Seigneur, sois patient avec moi’’. Nous savons bien, en effet, que nous sommes pleins de défauts et que nous retombons souvent dans les mêmes péchés. Néanmoins, Dieu ne se lasse pas d’offrir toujours son pardon chaque fois que nous le demandons. C’est un pardon plein, total, par lequel il nous donne l’assurance que, bien que nous puissions retomber dans les mêmes péchés, lui a pitié de nous et ne se lasse pas de nous aimer. Comme le patron de la parabole, Dieu s’apitoie, c’est-à- dire qu’il éprouve un sentiment de pitié mêlé de tendresse : c’est une expression pour indiquer sa miséricorde envers nous. Notre Père, en effet, s’apitoie toujours quand nous nous repentons, et il nous renvoie à la maison le cœur tranquille et serein, en nous disant qu’il nous a tout remis et tout pardonné. Le pardon de Dieu ne connaît pas de limites ; il dépasse toute imagination et rejoint quiconque, dans l’intime du cœur, reconnaît avoir commis une faute et veut retourner à lui. Dieu regarde le cœur qui demande à être pardonné.

Le problème, malheureusement, survient quand nous nous trouvons face à notre frère qui nous causé un petit tort. La réaction que nous avons écoutée dans la parabole est très expressive : « Il se jeta sur lui pour l’étrangler, en disant : ‘‘Rembourse ta dette’’ » (Mt 18, 28). Dans cette scène, nous trouvons tout le drame de nos relations humaines. Quand nous sommes, nous, en dette avec les autres, nous voulons la miséricorde ; quand, au contraire, nous sommes créanciers nous invoquons la justice ! Cela, ce n’est pas la réaction du disciple du Christ et cela ne peut être le style de vie des chrétiens. Jésus nous enseigne à pardonner, et à le faire sans limites : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois » (v. 22). En somme, ce qu’il nous propose, c’est l’amour du Père, non pas notre prétendue justice. S’arrêter à cela, en effet, ne nous ferait pas reconnaître comme des disciples du Christ, qui ont obtenu miséricorde au pied de la croix seulement en vertu de l’amour du Fils de Dieu. N’oublions donc pas les paroles sévères par lesquelles se conclut la parabole : « C’est ainsi que votre Père du Ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur » (v. 35).

Chers frères et sœurs, le pardon dont saint François s’est fait le ‘‘canal’’ ici à la Portioncule continue à ‘‘générer le paradis’’ encore après huit siècles. En cette Année Sainte de la Miséricorde, il devient encore plus évident que le chemin du pardon peut vraiment renouveler l’Église et le monde. Offrir le témoignage de la miséricorde dans le monde d’aujourd’hui est une tâche à laquelle personne d’entre nous ne peut se soustraire. Le monde a besoin de pardon ; trop de personnes vivent enfermées dans la rancœur et couvent la haine, parce qu’incapables de pardon, ruinant leur propre vie et celle d’autrui au lieu de trouver la joie de la sérénité et de la paix. Demandons à saint François d’Assise d’intercéder pour nous, afin que nous ne renoncions jamais à être d’humbles signes de pardon et des instruments de miséricorde.

[01267-FR.01] [Texte original: Italien]

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