Discours du pape François à l’occasion des voeux du corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège

CNS/Paul Haring

Vous trouverez ci-dessous le discours du pape François à l’occasion des voeux du nouvel an du corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège:

Excellences
Mesdames et Messieurs,

Elle constitue une belle coutume, cette rencontre qui, en conservant encore vive dans les cœurs la joie de Noël, m’offre l’occasion de vous présenter personnellement les vœux pour l’année commencée depuis peu et de manifester ma proximité ainsi que mon affection aux peuples que vous représentez. Je remercie le Doyen du Corps Diplomatique, Son Excellence Monsieur Armindo Fernandes do Espiríto Santo Vieira, Ambassadeur de l’Angola, pour les paroles déférentes qu’il vient de m’adresser au nom de tout le Corps Diplomatique accrédité près le Saint-Siège. J’adresse une spéciale bienvenue aux Ambassadeurs venus de l’extérieur de Rome pour l’occasion, dont le nombre s’est accru suite aux relations diplomatiques nouées avec la République de l’Union du Myanmar, en mai dernier. De même, je salue les Ambassadeurs résidents à Rome toujours plus nombreux, parmi lesquels se trouve, à présent, l’Ambassadeur de la République de l’Afrique du Sud, tandis je voudrais dédier une pensée particulière à feu l’Ambassadeur de la Colombie, Guillermo León Escobar-Herran, décédé quelques jours avant Noël. Je vous remercie pour les relations fructueuses et constantes que vous entretenez avec la Secrétairerie d’État et avec les autres Dicastères de la Curie Romaine, en témoignage de l’intérêt de la communauté internationale pour la mission du Saint-Siège et pour l’engagement de l’Église catholique dans vos pays respectifs. Dans cette perspective se situe aussi l’activité du Saint-Siège concernant les Conventions, qui l’an dernier a vu la signature, au mois de février, de l’Accord Cadre avec la République du Congo et, au mois d’août, de l’Accord entre la Secrétairerie d’État et le Gouvernement de la Fédération Russe sur les voyages sans visa des titulaires de passeports diplomatiques.

Dans les relations avec les Autorités civiles, le Saint-Siège ne vise rien d’autre que de favoriser le bien-être spirituel et matériel de la personne humaine et la promotion du bien commun. Les voyages apostoliques que j’ai effectués au cours de l’année passée en Égypte, au Portugal, en Colombie, au Myanmar et au Bangladesh ont été une expression de cette sollicitude.

Je me suis rendu au Portugal, en pèlerin, lors du centenaire des apparitions de la Vierge à Fatima, pour célébrer la canonisation des pastoureaux Jacinthe et François Marto. J’ai pu y constater la foi remplie d’enthousiasme et de joie que la Vierge Marie a suscitée chez les nombreux pèlerins venus pour l’occasion. De même en Égypte, au Myanmar et au Bangladesh, j’ai pu rencontrer les communautés chrétiennes locales qui, bien que numériquement réduites, sont appréciées pour la contribution qu’elles offrent au développement et à la convivialité civile de leurs pays respectifs. Des rencontres avec les représentants des autres religions n’ont pas manqué, témoignant combien les spécificités de chacune ne sont pas un obstacle au dialogue, mais plutôt la sève qui l’alimente dans le désir commun de connaître la vérité et de pratiquer la justice. Enfin, en Colombie, j’ai voulu bénir les efforts et le courage de ce peuple bien-aimé, marqué par un ardent désir de paix après plus d’un demi-siècle de conflit interne.

Chers Ambassadeurs,

Au cours de cette année, aura lieu le centenaire de la fin de la première Guerre Mondiale : un conflit qui a remodelé le visage de l’Europe et du monde entier, avec la naissance de nouveaux États qui ont pris la place des anciens empires. Des cendres de la Grande Guerre, on peut tirer deux avertissements, que malheureusement l’humanité n’a pas su comprendre immédiatement, arrivant dans le laps d’une vingtaine d’années à affronter un nouveau conflit encore plus dévastateur que le précédent. Le premier avertissement, c’est que vaincre ne signifie jamais humilier l’adversaire défait. La paix ne se construit pas comme une affirmation du pouvoir du vainqueur sur le vaincu. Ce n’est pas la loi de la peur qui dissuade de futures agressions, mais plutôt la force de la raison douce qui encourage au dialogue et à la compréhension réciproque pour aplanir les différences (Cf. Jean XXIII, Lettre encyclique, Pacem in terris, 11 avril 1963, nn. 126-129). De cela découle le second avertissement : la paix se consolide lorsque les Nations peuvent traiter entre elles dans un climat de parité. Il y a un siècle – tout juste aujourd’hui –, le Président américain d’alors, Thomas Woodrow Wilson, l’a compris lorsqu’il a proposé la création d’une association générale des Nations destinée à promouvoir pour tous les États, indistinctement grands et petits, des garanties mutuelles d’indépendance et d’intégrité territoriale. Ainsi ont été jetées les bases de cette diplomatie multilatérale, qui a acquis progressivement au cours des années un rôle et une influence croissante au sein de la Communauté internationale tout entière.

Aussi bien les relations entre les Nations que les relations humaines « doivent […] [s’]harmoniser […] selon la vérité et la justice, en esprit d’active solidarité et dans la liberté » (Ibid., n. 80). Cela comporte « l’égalité naturelle de toutes les communautés politiques en dignité » (Ibid., n. 86), ainsi que la reconnaissance des droits mutuels, avec l’accomplissement des devoirs correspondants (cf. Ibid., n. 91). La condition fondamentale de cette attitude est l’affirmation de la dignité de chaque personne humaine, dont le mépris et la méconnaissance portent à des actes de barbarie qui offensent la conscience de l’humanité (cf. Déclaration universelle des droits de l’homme, 10 décembre 1948). D’autre part, « la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde » (Ibid., Préambule), comme l’affirme la Déclaration universelle des droits de l’homme.

C’est à cet important document que, soixante ans après son adoption de la part de l’Assemblée Générale des Nations Unis, advenue le 10 décembre 1948, je voudrais consacrer notre rencontre d’aujourd’hui. Pour le Saint-Siège, en effet, parler des droits humains signifie, avant tout, proposer de nouveau la centralité de la dignité de la personne, en tant qu’elle est voulue et créée par Dieu à son image et à sa ressemblance. Le Seigneur Jésus lui-même, en guérissant le lépreux, en redonnant la vue à l’aveugle, en s’entretenant avec le publicain, en sauvant la vie à la femme adultère et en invitant à prendre soin du voyageur blessé, a fait comprendre combien chaque être humain, indépendamment de sa condition physique, spirituelle ou sociale, mérite respect et considération. Du point de vue chrétien, il y a donc une relation significative entre le message évangélique et la reconnaissance des droits humains, dans l’esprit des rédacteurs de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Ces droits trouvent leur fondement dans la nature qui objectivement unit le genre humain. Ils ont été proclamés pour faire tomber les murs de séparation qui divisent la famille humaine et favoriser ce que la doctrine sociale de l’Église appelle le développement humain intégral, puisqu’il concerne la promotion de chaque homme et de tout l’homme, jusqu’à comprendre l’humanité tout entière (cf. Paul VI, Lettre encyclique, Populorum progressio, 26 mars 1967, n. 14). Une vision réductrice de la personne humaine ouvre au contraire la voie à la propagation de l’injustice, de l’inégalité sociale et de la corruption.

Il faut, toutefois, constater qu’au cours des années passées, surtout suite aux bouleversements sociaux de ‘1968’, l’interprétation de certains droits s’est progressivement modifiée, de façon à inclure une multiplicité de ‘‘nouveaux droits’’, souvent en contradiction entre eux. Cela n’a pas toujours favorisé la promotion de relations amicales entre les Nations (cf. Déclaration universelle des droits de l’homme, Préambule), car des conceptions controversées des droits humains ont été exprimées, en contraste avec la culture de nombreux pays, qui ne se sentent pas par conséquent respectés dans leurs traditions socio-culturelles propres, mais plutôt négligés quant aux nécessités réelles qu’ils doivent affronter. Il peut donc y avoir le risque – paradoxal par certains côtés – que, au nom des mêmes droits humains, on en vienne à instaurer des formes modernes de colonisation idéologique des plus forts et des plus riches au détriment des plus pauvres et des plus faibles. En même temps, il convient d’avoir présent à l’esprit que les traditions de chaque peuple ne peuvent être évoquées comme un prétexte pour manquer au respect dû aux droits fondamentaux énoncés par la Déclaration universelle des droits humains.

Après soixante ans, il est regrettable de relever comment de nombreux droits fondamentaux sont aujourd’hui encore violés. Le premier d’entre tous ces droits est celui à la vie, à la liberté et à l’inviolabilité de chaque personne humaine (cf. Ibid., art. 3). Ce ne sont pas seulement la guerre ou la violence qui les compromettent. En notre temps, il y a des formes plus subtiles : je pense d’abord aux enfants innocents, rejetés avant même de naître ; non voulus parfois uniquement parce qu’ils sont malades ou malformés, ou à cause de l’égoïsme des adultes. Je pense aux personnes âgées, elles aussi bien des fois rejetées, surtout si elles sont malades, car considérées comme un poids. Je pense aux femmes, qui souvent subissent des violences et des abus y compris au sein de leurs propres familles. Je pense, ensuite, à ceux qui sont victimes de la traite des personnes qui viole la prohibition de toute forme d’esclavage. Que de personnes, surtout fuyant la pauvreté et la guerre, sont objet de ce commerce illicite perpétré par des sujets sans scrupules ?

Défendre le droit à la vie et à l’intégrité physique signifie, ensuite, promouvoir le droit à la santé de la personne et de ses proches. Aujourd’hui, ce droit à la santé a adopté des implications qui dépassent les intentions d’origine de la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui visait à affirmer le droit de chacun à bénéficier des soins médicaux et des services sociaux nécessaires (cf. ibid., art. 25). Dans cette perspective, je souhaite que, au niveau des instances internationales compétentes, on œuvre pour favoriser surtout un accès facile de tous aux soins et aux traitements sanitaires. Il est important d’unir les efforts afin qu’on puisse adopter des politiques en mesure de garantir, à des prix accessibles, la fourniture des médicaments essentiels pour la survie des personnes démunies, sans négliger la recherche et le développement des traitements qui, bien que n’étant pas économiquement importants pour le marché, sont déterminants pour sauver des vies humaines.

Défendre le droit à la vie implique également d’œuvrer activement pour la paix, universellement reconnue comme l’une des valeurs les plus hautes à rechercher et à défendre. Cependant de graves conflits locaux continent à embraser diverses régions de la terre. Les efforts collectifs de la communauté internationale, l’action humanitaire des organisations internationales et les demandes incessantes de paix, qui s’élèvent des terres ensanglantées par des combats, semblent toujours moins efficaces face à la logique aberrante de la guerre. Cette situation n’entame pas notre désir et notre engagement pour la paix, conscients que sans elle le développement intégral de l’homme est hors de portée.

Le désarmement intégral et le développement intégral sont étroitement liés entre eux. D’autre part, la recherche de la paix comme condition préalable au développement implique de combattre l’injustice et d’éradiquer, de manière non violente, les causes de désaccord qui conduisent aux guerres. La prolifération des armes aggrave clairement les situations de conflit et comporte des coûts humains et matériels considérables qui minent le développement ainsi que la recherche d’une paix durable. Le résultat historique atteint l’année dernière avec l’adoption du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, au terme de la Conférence des Nations Unies, visant à négocier un instrument juridiquement contraignant pour prohiber les armes nucléaires, montre combien le désir de paix est toujours vif. La promotion de la culture de paix en vue d’un développement intégral demande des efforts persévérants pour le désarmement et la limitation du recours à la force armée dans la gestion des affaires internationales. Je voudrais, par conséquent, encourager un débat serein et le plus ample possible sur la question, qui évite des polarisations de la communauté internationale sur un sujet aussi délicat. Tout effort dans ce sens, si modeste soit-il, représente un résultat important pour l’humanité.

Pour sa part, le Saint-Siège a signé et ratifié, également au nom et pour le compte de l’État de la Cité du Vatican, le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, dans la perspective exprimée par saint Jean XXIII dans Pacem in terris, selon laquelle « La justice, la sagesse, le sens de l’humanité réclament par conséquent, qu’on arrête la course aux armements ; elles réclament la réduction parallèle et simultanée de l’armement existant dans les divers pays, la proscription de l’arme atomique » (n. 112). En effet, « qu’il y ait des hommes au monde pour prendre la responsabilité des massacres et des ruines sans nombre d’une guerre, cela peut paraître incroyable ; pourtant, on est contraint de l’avouer, une surprise, un accident suffiraient à provoquer la conflagration » ( Ibid. n. 111).

Le Saint-Siège réaffirme donc la ferme conviction « que les éventuels conflits entre les peuples ne doivent pas être réglés par le recours aux armes, mais par la négociation » (Ibid., n. 126). D’autre part, précisément la fabrication ininterrompue d’armes toujours plus sophistiquées et plus ‘‘perfectionnées’’ ainsi que la persistance de nombreux foyers de conflit – de ce que j’ai, plus d’une fois, qualifié de ‘‘troisième guerre mondiale par morceaux’’ – ne peut que nous faire répéter avec force les paroles de mon saint Prédécesseur : « Il devient humainement impossible de penser que la guerre soit, en notre ère atomique, le moyen adéquat pour obtenir justice […] Néanmoins, il est permis d’espérer que les peuples, intensifiant entre eux les relations et les échanges, découvriront mieux les liens d’unité qui découlent de leur nature commune ; ils comprendront plus parfaitement que l’un des devoirs primordiaux issus de leur communauté de nature, c’est de fonder les relations des hommes et des peuples sur l’amour et non sur la crainte. C’est, en effet, le propre de l’amour d’amener les hommes à une loyale collaboration, susceptible de formes multiples et porteuse d’innombrables bienfaits » (Ibid., nn. 127-129).

Dans cette perspective, il est d’une importance primordiale qu’on puisse soutenir toute tentative de dialogue dans la péninsule coréenne, afin de trouver de nouvelles voies pour surmonter les oppositions actuelles, d’accroître la confiance réciproque et d’assurer un avenir de paix au peuple coréen et au monde entier.

De même, il est important qu’on puisse poursuivre, dans un climat constructif de confiance accrue entre les parties, les diverses initiatives de paix en cours en faveur de la Syrie, pour qu’on puisse finalement mettre fin au long conflit qui a affecté le pays et causé d’effroyables souffrances. Le souhait général est que, après tant de destructions, arrive le temps de la reconstruction. Mais plus encore que la reconstruction des édifices, s’avèrent nécessaires la reconstruction des cœurs, le retissage de la toile de la confiance réciproque, préalables indispensables pour l’épanouissement de toute société. Il faut donc travailler à favoriser les conditions juridiques, politiques et sécuritaires, pour une reprise de la vie sociale, où chaque citoyen, indépendamment de son appartenance ethnique et religieuse, puisse participer au développement du pays. En ce sens, il est vital que soient protégées les minorités religieuses, parmi lesquelles se trouvent les chrétiens, qui depuis des siècles contribuent activement à l’histoire de la Syrie.

Il est aussi important que puissent retourner dans leur patrie les nombreux réfugiés qui ont trouvé accueil et refuge dans les nations limitrophes, surtout en Jordanie, au Liban et en Turquie. L’engagement et les efforts accomplis par ces pays dans cette situation difficile mérite l’appréciation et le soutien de toute la communauté internationale, qui est en même temps appelée à œuvrer pour créer les conditions en vue du rapatriement des réfugiés provenant de la Syrie. C’est un engagement qu’elle doit concrètement prendre en commençant par le Liban, afin que ce pays bien-aimé continue à être un ‘‘message’’ de respect et de cohabitation ainsi qu’un modèle à imiter pour toute la région et pour le monde entier.

La volonté de dialogue est nécessaire également dans le bien-aimé Irak, pour que les diverses composantes ethniques et religieuses puissent retrouver le chemin de la réconciliation et de la cohabitation et collaboration pacifiques, tout comme au Yémen et dans d’autres parties de la région, ainsi qu’en Afghanistan.

J’adresse une pensée particulière aux Israéliens et aux Palestiniens, suite aux tensions des dernières semaines. Le Saint-Siège, en exprimant sa douleur pour ceux qui ont perdu la vie dans les récents affrontements, renouvelle son appel pressant à pondérer toute initiative afin qu’on évite d’exacerber les oppositions, et il invite à un engagement commun à respecter, en conformité avec les Résolutions pertinentes des Nations Unies, le status quo de Jérusalem, ville sacrée pour les chrétiens, les juifs et les musulmans. Soixante-dix ans d’affrontements rendent plus que jamais urgent de trouver une solution politique qui permette la présence dans la région de deux États indépendants dans des frontières internationalement reconnues. Même au sein des difficultés, la volonté de dialoguer et de reprendre les négociations reste le principal chemin pour arriver finalement à une cohabitation pacifique des deux peuples.

De même dans des contextes nationaux, l’ouverture et la disponibilité à la rencontre sont essentielles. Je pense surtout au bien-aimé Venezuela, qui traverse une crise politique et humanitaire toujours plus dramatique et sans précédent. Le Saint-Siège, alors qu’il exhorte à répondre sans tarder aux besoins primaires de la population, souhaite que soient créées les conditions afin que les élections prévues pour l’année en cours soient en mesure d’apporter une solution aux conflits existants, et qu’on puisse envisager l’avenir avec une sérénité retrouvée.

Que la communauté internationale n’oublie pas non plus les souffrances de nombreuses parties du Continent africain, spécialement au Sud-Soudan, en République Démocratique du Congo, en Somalie, au Nigéria et en République Centrafricaine, où le droit à la vie est menacé par l’exploitation abusive des ressources, par le terrorisme, par la prolifération de groupes armés et par des conflits persistants. Il ne suffit pas de s’indigner face à tant de violence. Il faut plutôt que chacun, dans son domaine propre, œuvre activement pour éradiquer les causes de la misère et pour construire des ponts de fraternité, condition fondamentale d’un développement humain authentique.

Un engagement commun pour reconstruire les ponts est urgent également en Ukraine. L’année qui vient de s’achever a connu de nouvelles victimes dans le conflit qui affecte le pays, en continuant à infliger de grandes souffrances à la population, en particulier aux familles qui résident dans les zones touchées par la guerre et qui ont perdu des proches, souvent des personnes âgées et des enfants.

Je voudrais précisément dédier à la famille une pensée spéciale. Le droit de former une famille, en tant qu’« élément naturel et fondamental de la société [qui] a le droit à la protection de la société et de l’État » (Déclaration universelle des droits de l’homme), est en effet reconnu par la Déclaration de 1948 elle-même. Malheureusement, on sait comment, surtout en Occident, la famille est considérée comme une institution dépassée. À la stabilité d’un projet définitif, on préfère de nos jours des liens fugaces. Mais une maison construite sur le sable des relations fragiles et instables ne tient pas. Il faut plutôt une roche, sur laquelle ancrer des bases solides. Et la roche est précisément cette communion d’amour, fidèle et indissoluble, qui unit l’homme et la femme, une communion qui a une beauté austère et simple, un caractère sacré et inviolable et une fonction naturelle dans l’ordre social (cf. Paul VI, Discours à l’occasion de la visite à la Basilique de l’Annonciation, Nazareth, 5 janvier 1964). Je juge, par conséquent, urgent qu’on entreprenne de réelles politiques de soutien aux familles, dont par ailleurs dépendent l’avenir et le développement des États. Sans cette politique, en effet, on ne peut pas construire des sociétés en mesure d’affronter les défis de l’avenir. Le désintérêt pour les familles entraîne, en outre, une autre conséquence dramatique – et particulièrement actuelle dans certaines régions – qui est la baisse de la natalité. On vit un véritable hiver démographique ! C’est le signe de sociétés qui ont du mal à affronter les défis du présent et qui deviennent donc toujours plus craintives face à l’avenir, en finissant par se replier sur elles-mêmes.

En même temps, on ne peut oublier la situation de familles brisées à cause de la pauvreté, des guerres et des migrations. Nous avons trop souvent sous nos yeux le drame des enfants qui, seuls, traversent les frontières séparant le sud du nord du monde, souvent victimes du trafic d’êtres humains.

Aujourd’hui, on parle beaucoup de migrants et de migrations, parfois juste pour susciter des peurs ancestrales. Il ne faut pas oublier que les migrations ont toujours existé. Dans la tradition judéo-chrétienne, l’histoire du salut est essentiellement une histoire de migrations. Il ne faut pas non plus oublier que la liberté de mouvement, tout comme celle de quitter son propre pays et d’y retourner, fait partie des droits fondamentaux de l’homme (cf. Déclaration universelle des droits de l’homme, art. 13). Il faut donc sortir d’une rhétorique répandue sur la question et aller au fait essentiel que devant nous, il y a d’abord et avant tout des personnes.

C’est ce que j’ai voulu réaffirmer par le Message pour la Journée Mondiale de la Paix, célébrée le 1er janvier dernier, consacré aux : ‘‘[Les] migrants et [les] réfugiés : des hommes et des femmes en quête de paix’’. Tout en reconnaissant qu’ils ne sont pas toujours tous animés des meilleures intentions, on ne peut pas oublier que la majorité des migrants préfèrerait rester dans leur propre pays, alors qu’elle se trouve contrainte à le quitter « à cause des discriminations, des persécutions, de la pauvreté et de la dégradation environnementale. […] Accueillir l’autre exige un engagement concret, une chaîne d’entraide et de bienveillance, une attention vigilante et compréhensive, la gestion responsable de nouvelles situations complexes qui, parfois, s’ajoutent aux autres problèmes innombrables déjà existants, ainsi que des ressources qui sont toujours limitées. En pratiquant la vertu de prudence, les gouvernants sauront accueillir, promouvoir, protéger et intégrer, en établissant des dispositions pratiques, « dans la mesure compatible avec le bien réel de leur peuple, …[pour] s’intégrer » (Pacem in terris, n. 106). Ils ont une responsabilité précise envers leurs communautés, dont ils doivent assurer les justes droits et le développement harmonieux, pour ne pas être comme le constructeur imprévoyant qui fit mal ses calculs et ne parvint pas à achever la tour qu’il avait commencé à bâtir (cf. Lc 14, 28-30)» (François, Message pour la 51ème Journée Mondiale de la Paix, 13 novembre 2017, n. 1).

Je voudrais de nouveau remercier les Autorités de ces États qui se sont prodigués au cours de ces années pour fournir une assistance aux nombreux migrants parvenus à leurs frontières. Je pense d’abord à l’engagement de nombreux pays en Asie, en Afrique et dans les Amériques, qui accueillent et assistent un grand nombre de personnes. Je garde encore vivante dans le cœur la rencontre que j’ai eue à Dacca avec quelques membres du peuple Rohingya et j’aimerais renouveler aux autorités du Bangladesh mes sentiments de gratitude pour l’assistance qu’elles offrent, sur leur propre territoire, à ces personnes.

Je voudrais ensuite exprimer une gratitude spéciale à l’Italie qui, ces années, a montré un cœur ouvert et généreux et a su aussi donner des exemples positifs d’intégration. Mon souhait est que les difficultés que le pays a traversées ces dernières années, et dont les conséquences persistent, ne conduisent pas à des fermetures et à des verrouillages, mais au contraire à une redécouverte de ces racines et de ces traditions qui ont nourri la riche histoire de la Nation et qui constituent un inestimable trésor à offrir au monde entier. De même, j’exprime mon appréciation pour les efforts accomplis par d’autres Etats européens, en particulier la Grèce et l’Allemagne. Il ne faut pas oublier que de nombreux réfugiés et migrants cherchent à rejoindre l’Europe parce qu’ils savent qu’ils pourront y trouver paix et sécurité, qui sont d’ailleurs le fruit d’un long cheminement né des idéaux des Pères fondateurs du projet européen après la seconde guerre mondiale. L’Europe doit être fière de ce patrimoine, fondé sur certains principes et sur une vision de l’homme qui plonge ses bases dans son histoire millénaire, inspirée par la conception chrétienne de la personne humaine. L’arrivée des migrants doit la pousser à redécouvrir son patrimoine culturel et religieux propre, de sorte que, reprenant conscience de ses valeurs sur lesquelles elle s’est édifiée, elle puisse en même temps maintenir vivante sa tradition et continuer à être un lieu accueillant, annonciateur de paix et de développement.

L’an passé, les gouvernements, les organisations internationales et la société civile se sont consultés réciproquement sur les principes de base, sur les priorités et sur les modalités les plus opportunes pour répondre aux mouvements migratoires et aux situations persistantes qui concernent les réfugiés. Les Nations Unies, suite à la Déclaration de New York pour les Réfugiés et les Migrants de 2016, ont initié d’importants processus de préparation en vue de l’adoption de deux Pactes Mondiaux (Global Compacts), respectivement sur les réfugiés et pour une migration sûre, ordonnée et régulière.

Le Saint Siège souhaite que ces efforts, grâce aux négociations qui s’ouvriront bientôt, conduisent à des résultats dignes d’une communauté mondiale toujours plus interdépendante, fondée sur les principes de solidarité et d’aide mutuelle. Dans le contexte international actuel, les possibilités et les moyens d’assurer à tout homme et à toute femme qui vit sur terre des conditions de vie dignes de la personne humaine ne manquent pas.

Dans le Message pour la Journée Mondiale de la Paix de cette année j’ai suggéré quatre ‘‘jalons’’ pour l’action : accueillir, protéger, promouvoir et intégrer (Ibid., n. 4). Je voudrais m’arrêter en particulier sur ce dernier, sur lequel s’affrontent différentes positions à la lumière d’autant d’évaluations, d’expériences, de préoccupations et de convictions. L’intégration est un “processus bidirectionnel”, avec des droits et des devoirs réciproques. Celui qui accueille est en effet appelé à promouvoir le développement humain intégral, alors qu’on demande à celui qui est accueilli de se conformer immanquablement aux normes du pays qui l’accueille, ainsi qu’au respect de ses principes identitaires. Tout processus d’intégration doit toujours maintenir au centre des normes qui concernent les divers aspects de la vie politique et sociale, la défense et la promotion des personnes, surtout de celles qui se trouvent dans des situations de vulnérabilité.

Le Saint Siège n’a pas l’intention d’interférer dans les décisions qui reviennent aux Etats, lesquels, à la lumière de leurs situations politiques, sociales et économiques respectives, et aussi des capacités propres et des possibilités d’hospitalité et d’intégration, ont la première responsabilité de l’accueil. Cependant, il estime nécessaire de jouer un rôle pour le “rappel” des principes d’humanité et de fraternité qui fondent toute société unie et harmonieuse. Dans cette perspective, il est important de ne pas oublier l’interaction avec les communautés religieuses, tant institutionnelles qu’au niveau associatif, qui peuvent jouer un rôle précieux de renfort dans l’assistance et la protection, de médiation sociale et culturelle, de pacification et d’intégration.

Parmi les droits humains que je voudrais rappeler aujourd’hui, il y a aussi le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, qui inclut le droit à la liberté de changer de religion (cf. Déclaration universelle des droits de l’homme, art. 18). On sait malheureusement combien le droit à la liberté de religion est souvent violé et la religion devient souvent ou l’occasion pour justifier idéologiquement de nouvelles formes d’extrémisme ou bien un prétexte à l’exclusion sociale, voire à des formes de persécutions des croyants. La construction de sociétés inclusives exige comme condition une compréhension intégrale de la personne humaine, qui peut se sentir vraiment accueillie quand elle est reconnue et acceptée dans toutes les dimensions qui constituent son identité, y compris religieuse.

Enfin, je souhaite rappeler l’importance du droit au travail. Il n’y a pas de paix ni de développement si l’homme est privé de la possibilité de contribuer personnellement, par son travail, à l’édification du bien commun. Il est regrettable de constater, au contraire, combien le travail est, en de nombreuses régions du monde, un bien rare. Peu nombreuses sont parfois les opportunités, surtout pour les jeunes, de trouver du travail. Il est souvent facile de le perdre non seulement à cause des conséquences de l’alternance des cycles économiques, mais aussi en raison du recours progressif à des technologies et à des machines toujours plus perfectionnées et plus précises, capables de remplacer l’homme. Et si, d’un côté, on constate une répartition inéquitable des offres de travail, de l’autre on relève la tendance à demander à celui qui travaille des rythmes toujours plus pressants. Les exigences du profit, dictées par la globalisation, ont conduit à une réduction progressive des temps et des jours de repos, avec comme résultat la perte d’une dimension fondamentale de la vie – celle du repos – qui permet à la personne de se refaire non seulement physiquement mais aussi spirituellement. Dieu lui-même s’est reposé le septième jour. Il l’a béni et l’a consacré « car il avait chômé après tout son ouvrage de création » (Gn 2, 3). Dans l’alternance du travail et du repos, l’homme participe à la “sanctification du temps” accomplie par Dieu et il ennoblit son travail, le soustrayant aux dynamiques répétitives d’un quotidien aride qui ne connaît pas d’arrêt.

En outre, les données publiées récemment par l’Organisation Mondiale du Travail sur l’augmentation du nombre d’enfants employés dans des activités de travail et du nombre des victimes des nouvelles formes d’esclavage sont un motif de particulière préoccupation. Le fléau du travail des mineurs continue de compromettre sérieusement le développement psycho-physique des enfants, les privant des joies de l’enfance, fauchant des victimes innocentes. On ne peut penser projeter un avenir meilleur, ni souhaiter construire des sociétés plus inclusives si l’on continue à maintenir des modèles économiques orientés vers le simple profit et l’exploitation des plus faibles, tels que les enfants. Eliminer les causes structurelles de ce fléau devrait être une priorité des gouvernements et des organisations internationales, appelés à intensifier leurs efforts pour adopter des stratégies intégrées et des politiques coordonnées visant à faire cesser le travail des mineurs sous toutes ses formes.

Excellences, Mesdames et Messieurs,

En rappelant certains des droits contenus dans la Déclaration Universelle de 1948, je n’entends pas omettre un aspect qui lui est strictement connexe : tout individu a aussi des devoirs envers la communauté, visant à « satisfaire aux justes exigences de la morale, de l’ordre public et du bien-être général dans une société démocratique » (Ibid., n. 29). Le juste rappel des droits de tout être humain doit tenir compte du fait que chacun fait partie d’un corps plus grand. Nos sociétés aussi, comme tout corps humain, jouissent d’une bonne santé si chaque membre accomplit sa tâche, conscient que celle-ci est au service du bien commun.

Parmi les devoirs particulièrement impérieux, il y a aujourd’hui celui de prendre soin de notre terre. Nous savons que la nature peut être en elle-même meurtrière même quand il n’y a pas de responsabilité de l’homme. Nous l’avons vu cette dernière année avec les tremblements de terre qui ont touché diverses régions, particulièrement ces derniers mois au Mexique et en Iran, causant de nombreuses victimes, tout comme avec la force des ouragans qui ont touché plusieurs pays des Caraïbes jusqu’à atteindre les côtes des Etats-Unis et qui, plus récemment, ont investi les Philippines. Cependant, il ne faut pas oublier qu’il y a aussi une importante responsabilité de l’homme dans l’interaction avec la nature. Les changements climatiques, avec la hausse générale des températures et les effets dévastateurs qu’elle entraîne sont aussi une conséquence de l’action de l’homme. Il convient donc de faire face, dans un effort commun, à la responsabilité de laisser aux générations qui suivront une terre plus belle et plus vivable, en œuvrant, à la lumière des engagements pris à Paris en 2015, pour réduire les émissions de gaz nocifs pour l’atmosphère et dangereux pour la santé humaine.

L’esprit qui doit animer chaque personne comme les nations dans ce travail, est comparable à celui des constructeurs des cathédrales médiévales qui constellent l’Europe. Ces édifices imposants racontent l’importance de la participation de chacun à une œuvre capable de franchir les limites du temps. Le constructeur de cathédrales savait qu’il ne verrait pas l’achèvement de son travail. Néanmoins, il se prodiguait activement, comprenant qu’il faisait partie d’un projet dont jouiraient ses enfants, qui – à leur tour – l’embelliraient et l’agrandiraient pour leurs enfants. Chaque homme et chaque femme de ce monde – et en particulier celui qui a la responsabilité de gouverner – est appelé à cultiver le même esprit de service et de solidarité intergénérationnel, et être ainsi un signe d’espérance pour notre monde tourmenté.

C’est avec ces considérations que je renouvelle à chacun de vous, à vos familles et à vos peuples les vœux d’une année riche de joie, d’espérance et de paix.

Merci.

Top 10 de l’actualité catholique 2017

Comme chaque année, la venue de la nouvelle année nous porte aux rétrospectives qui nous permettent de voir le bout de chemin parcouru durant l’année  pour ensuite nous projeter dans l’année qui vient. Ce qui nous permet d’être encouragés à continuer le travail accompli durant l’année ou encore de rectifier le tir afin de ne pas répéter les mêmes erreurs. Il est ambitieux de vouloir résumer l’activité de plus de 1 milliard 400 millions de catholiques en 10 points. J’estime néanmoins qu’à l’échelle du Québec, nous pouvons résumer l’actualité de l’Église sans trop laisser d’événements de côté.

  1. Voyage du pape François au Myanmar et au Bangladesh :

C’est en fin d’année que le Saint-Père s’est rendu dans une zone trouble de la planète afin de construire des ponts et se faire  messager de paix. On le sait, la situation sur le terrain n’est pas des plus réjouissantes. Après des décennies d’instabilité, des tensions ethniques et interreligieuses ont provoqué l’exil de milliers de Rohingyas, obligés, pour la plupart, de se réfugier au Bangladesh. Usant de diplomatie, le Pape a tenu à manifester sa proximité avec les déplacés sans vouloir aggraver la situation en faisant une déclaration incendiaire contre ses hôtes qui, après tout, l’accueillaient dans leur pays. Comme il l’a dit lui-même : « Le plus important est que le message se rende à destination […] je n’ai pas voulu leur fermer la porte au nez ». Il me semble que l’ensemble de ce voyage pourrait se résumer par ce message : la paix et possible et n’attend souvent que la bonne volonté des peuples et des dirigeants politiques.

  1. Voyage du pape en Égypte :

Les 28 et 29 avril 2017, le pape François s’est rendu en Égypte, pays récemment touché par une foule de bouleversements politiques et de sociétaux. Trois grandes priorités étaient à l’ordre du jour de ce voyage. D’abord, le Saint-Père a voulu encourager les rapprochements avec l’Islam sunnite par l’entremise des grands représentants de l’Université Al-Azhar où se tenait au même moment une conférence sur la paix. Outre le caractère interreligieux de cette visite en Égypte, le Pape a tenu à lui donner un fort caractère œcuménique en rencontrant le Patriarche de l’Église orthodoxe Copte Tawadros II avec qui il a signé une Déclaration commune dans laquelle les deux Églises s’engagent à continuer le chemin vers l’Unité et à reconnaître mutuellement la validité du baptême de part et d’autre, s’engageant ainsi à ne plus administrer un deuxième baptême. Enfin, comme c’est son habitude, le Pape a eu des rencontres avec les autorités politiques d’Égypte afin de leur assurer sa pleine coopération au processus de paix dans la région.

  1. Voyage du pape François en Colombie :

Comme c’est son habitude, le pape François a apporté son support à la communauté catholique du pays qu’il visitait. Constituant la majorité de la population de ce pays d’Amérique latine, les catholiques ont depuis longtemps été impliqués au processus de paix tout récemment conclu avec les FARC. L’un des éléments les plus remarqué fut certainement le discours très personnel du pape François au Comité de direction du CELAM (Conseil épiscopal pour l’Amérique latine). Dans cette allocution qui fera certainement l’objet de plusieurs colloques et conférences, le Saint-Père a invité l’Église de ce coin du monde à redécouvrir la passion caractéristique de la jeunesse en étant « une Église capable d’être sacrement d’unité et d’espérance. D’une espérance au visage jeune et féminin ».

  1. 150e du Canada et Consécration au cœur Immaculée de Marie

Plus près de chez nous maintenant, le Canada fut consacré, cette année, au Cœur immaculé de Marie par tous les évêques dans leur diocèse respectif ainsi que lors d’une cérémonie officielle dans la cathédrale Notre-Dame d’Ottawa à l’occasion de l’Assemblée plénière de la Conférence des évêques catholiques du Canada au mois d’octobre dernier. Faisant référence au 50e anniversaire de l’organisation Développement et paix (CARITAS-Canada), le cardinal Gérald Cyprien Lacroix affirmait :

Développement et Paix a soutenu des milliers d’initiatives locales dans des domaines comme l’agriculture, l’éducation, l’action communautaire, la consolidation de la paix et la défense des droits humains dans soixante-dix pays. Il appuie les femmes dans leur recherche de justice sociale et économique. […]  Supplions notre Dieu par l’intercession de la Vierge Marie, des saints martyrs canadiens et de tous les saints et saintes de notre pays, d’envoyer sur nous un nouveau souffle de Pentecôte pour un renouveau en profondeur de notre foi et un accroissement de notre zèle apostolique et missionnaire.

  1. Forum des jeunes 2017

Un des éléments clefs du catholicisme au Canada fut certainement le Forum 2017 sur « Les jeunes, la foi et le discernement » qui, grâce à Sel et Lumière et tous ces généreux collaborateurs, a pu réunir des jeunes Canadiens d’un océan à l’autre pour discuter des enjeux qui les touchent. Voulant répondre aux nombreux appels du pape François pour une Église proche des gens, l’ensemble de l’Église canadienne s’est mis à l’écoute de cette jeunesse qui a soif d’engagements et qui trouve, malheureusement, difficilement sa place dans l’Église. L’élément le plus important de cette émission fut certainement le message vidéo du pape François aux jeunes Canadiens, dans lequel il leur a demandé :

« Ne vous laissez pas voler votre jeunesse. Ne permettez à personne de freiner ou obscurcir la lumière que le Christ met sur votre visage et dans votre cœur. Soyez les artisans de relations basées sur la confiance, le partage et l’ouverture et cela, jusqu’aux confins du monde. N’érigez pas des murs de division, n’érigez pas des mûrs de division! Construisez plutôt des ponts tels que vous le faites en ce moment par cet échange extraordinaire qui vous réunit d’un océan à l’autre. »

Se voulant une initiative d’abord canadienne, le Forum 2017 a eu un rayonnement international et peut être, selon moi, considéré comme l’élément déclencheur des activités de préparation au Synode des jeunes qui aura lieu à Rome en octobre 2018.

  1. Visite ad limina des évêques du Québec

L’année 2017 fut également l’année d’un pèlerinage important des évêques du Québec à Rome pour prier, réfléchir et rencontrer le successeur de Pierre ainsi que ses collaborateurs. Tous ayant eu la chance d’exprimer leur expérience de pasteur de leur église particulière, les évêques ont remis en main propre au pape François, un rapport sur la société québécoise dans lequel ils relatent, non seulement les défis actuels qui sont gigantesques mais également les signes d’espoir qu’ils discernent dans le Peuple de Dieu et la société en général. La réflexion portée par ce document peut être clairement résumée par l’un des paragraphes de l’introduction :

Tout en étant pasteurs pour le petit nombre — ce « petit troupeau » qui demeure attaché à l’Eglise d’une façon ou d’une autre — comment être à la fois apôtres et missionnaires dans ce Québec devenu sécularisé, diversifié, pluriel et pluraliste, qui a pour une bonne part rompu ses liens avec la tradition et l’héritage catholiques, qui cherche et choisit ses repères ailleurs que dans l’Évangile et pour qui la parole de l’Église est discréditée tant par les terribles scandales de nature sexuelle que par des enseignements qui lui paraissent dépassés, déconnectés et rétrogrades ? (p.i)

  1. Consécration de la cathédrale Marie-Reine-du-Monde de Montréal

L’un des moments forts de cette année de prière au Québec fut certainement la consécration de la Cathédrale de Montréal par Mgr Christian Lépine le vendredi 13 octobre 2017. Durant plus de trois heures, les fidèles de l’archidiocèse se sont réunis autour de leur pasteur pour la consécration de ce monument incontournable du centre-ville de Montréal.

Diffusée en direct sur les ondes de Sel et Lumière, cette célébration avait pour but de souligner la dimension spirituelle du 375e anniversaire de la ville de Montréal. Comme le mentionne la lettre d’invitation de l’archevêque de Montréal : « la fondation de Montréal est un moment privilégié pour souligner la dimension spirituelle de l’origine de la ville et de son histoire, l’aspiration à vivre ensemble qui a été présente dès le début, la riche tradition de solidarité avec les pauvres et les malades. »

  1. Retour du Crucifix à l’hôpital du Saint-Sacrement de Québec

La présence de la foi dans toute société peut créer des frictions et même faire scandale. C’est ce qui s’est passé dans un hôpital de Québec. En effet, le conseil d’administration de l’établissement de santé Saint-Sacrement de Québec a voulu retirer un Crucifix accroché sur un des mûrs du hall d’entrée, créant ainsi un tollé de protestation dans l’ensemble de la société. Se terminant heureusement par un recul de l’administration, cet événement a été un point tournant dans la logique de sécularisation sévissant au Québec depuis 50 ans. Les Québécois ressentent en leur for intérieur à la fois une soif du spirituel et une volonté de redécouvrir et d’affirmer leur identité. Cette fierté retrouvée se manifestera certainement dans les années à venir. C’est à suivre…

  1. Les chants de Noël des prêtres avec Mario Pelchat

L’événement culminant de cette année fut certainement la série de concerts catéchèses d’un groupe de prêtres avec Mario Pelchat. Pendant environ un mois, les prêtres- chanteurs ont parcouru le Québec en entier afin de chanter les classiques religieux de Noël en compagnie du chanteur très connu et apprécié au Québec. Mettant en scène une crèche vivante devant au-delà de 50 000 personnes, les prêtres ont certainement mis en pratique les enseignements du pape François d’aller « au-dehors, aux périphéries ». En ce sens, vous pouvez visionner un reportage sur la vie de ces prêtres à Noël au lien suivant.

Discours du pape François lors de la rencontre avec les autorités civiles du Bangladesh

Vous trouverez ci-dessous le discours du pape François lors de la rencontre avec les autorités civiles du Bangladesh tel que prononcé au palais présidentiel de Dhaka:

Monsieur le Président,
Honorables Autorités de l’État et Autorités Civiles, Éminence, chers frères dans l’Épiscopat, Distingués Membres du Corps Diplomatique, Mesdames et Messieurs,

Au début de ma présence au Bangladesh, je voudrais vous remercier, Monsieur le Président, de votre aimable invitation à visiter cette Nation et de vos courtoises paroles de bienvenue. Je me trouve ici sur les pas de deux de mes Prédécesseurs, le Pape Paul VI et le Pape Jean-Paul II, à prier avec mes frères et sœurs catholiques et à leur offrir un message d’affection et d’encouragement. Le Bangladesh est un jeune État, pourtant il a toujours eu une place spéciale dans le cœur des Papes, qui dès le début ont exprimé leur solidarité avec son peuple, afin de l’aider à dépasser les difficultés initiales, et qui l’ont soutenu dans la tâche exigeante de construction de la Nation et de son développement. Je suis reconnaissant de l’opportunité de m’adresser à cette assemblée qui réunit des hommes et des femmes avec des responsabilités particulières dans l’élaboration de l’avenir de la société du Bangladesh.

Durant mon vol pour arriver ici, je me suis rappelé que le Bangladesh – “Golden Bengal”- est une nation unie par un vaste réseau fluvial et par des voies d’eau, grandes et petites. Cette beauté naturelle est, je crois, emblématique de votre identité particulière comme peuple. Le Bangladesh est une nation qui s’efforce d’atteindre une unité de langage et de culture avec le respect des différentes traditions et communautés, qui coulent comme tant de ruisseaux et viennent enrichir le grand cours de la vie politique et sociale du pays.

Dans le monde d’aujourd’hui, aucune communauté particulière, nation ou État, ne peut survivre et progresser dans l’isolement. En tant que membres de l’unique famille humaine, nous avons besoin les uns des autres et nous sommes dépendants les uns des autres. Le Président, Sheikh Mujibur Rahman, a compris et cherché à incorporer ce principe dans la Constitution nationale. Il a imaginé une société moderne, pluraliste et inclusive, dans laquelle chaque personne et chaque communauté pourrait vivre dans la liberté, la paix et la sécurité, avec le respect de la dignité innée et de l’égalité des droits de tous. L’avenir de cette jeune démocratie et la santé de sa vie politique sont essentiellement liés à la fidélité à cette vision fondatrice. En effet, c’est seulement à travers un dialogue sincère et le respect de la légitime diversité, qu’un peuple peut réconcilier les divisions, dépasser les perspectives unilatérales et reconnaître la valeur des points de vue divergents. Parce que le vrai dialogue est tourné vers l’avenir, celui-ci construit l’unité dans le service du bien commun et il est attentif aux besoins de tous les citoyens, en particulier des pauvres, des défavorisés et de ceux qui n’ont pas de voix.

Au cours des derniers mois, l’esprit de générosité et de solidarité, signes caractéristiques de la société du Bangladesh, a été observé de manière très vive dans son élan humanitaire en faveur des réfugiés arrivés en masse de l’État de Rakhine, leur procurant un abri temporaire et les premières nécessités pour vivre. Ce résultat a été obtenu avec beaucoup de sacrifices. Cela a aussi été fait sous les yeux du monde entier. Aucun d’entre nous ne peut manquer d’être conscient de la gravité de la situation, de l’immense coût imposé par les souffrances humaines et les conditions de vie précaires de si nombreux de nos frères et sœurs, dont la majorité sont des femmes et des enfants, rassemblés dans des camps de réfugiés. Il est nécessaire que la communauté internationale mette en œuvre des mesures décisives face à cette grave crise, non seulement en travaillant pour résoudre les questions politiques qui ont conduit à ce déplacement massif de personnes, mais aussi en offrant une assistance matérielle immédiate au Bangladesh dans son effort pour répondre efficacement aux besoins humains urgents.

Bien que ma visite soit principalement destinée à la Communauté catholique du Bangladesh, ma rencontre, demain, à Ramma avec les Responsables œcuméniques et interreligieux sera un moment privilégié. Ensemble nous prierons pour la paix et nous réaffirmerons notre engagement à travailler pour la paix. Le Bangladesh est connu pour l’harmonie qui a traditionnellement existé entre les adeptes de diverses religions. Cette atmosphère de respect mutuel et un climat grandissant de dialogue interreligieux permettent aux croyants d’exprimer librement leurs plus profondes convictions sur la signification et sur le but de la vie. Ainsi ils peuvent contribuer à promouvoir les valeurs spirituelles qui sont la base solide pour une société juste et pacifique. Dans un monde où la religion est souvent –scandaleusement – mal utilisée pour fomenter des divisions, ce genre de témoignage, de son pouvoir de réconciliation et d’union est plus que jamais nécessaire. Celui-ci s’est manifesté d’une manière particulièrement éloquente dans la réaction commune d’indignation qui a suivi la violente attaque terroriste de l’année dernière ici à Dhaka, et dans le message clair envoyé par les autorités religieuses de la nation pour qui le saint nom de Dieu ne peut jamais être invoqué pour justifier la haine et la violence contre les autres êtres humains, nos semblables.

Les catholiques du Bangladesh, bien que relativement peu nombreux, cherchent néanmoins à exercer un rôle constructif dans le développement de la nation, spécialement à travers leurs écoles, leurs cliniques et leurs dispensaires. L’Église apprécie la liberté, dont bénéficie toute la nation, de pratiquer sa propre foi et d’accomplir ses propres œuvres caritatives, dont celle d’offrir aux jeunes, qui représentent l’avenir de la société, une éducation de qualité et un exercice de saines valeurs éthiques et humaines. Dans ses écoles, l’Église cherche à promouvoir une culture de la rencontre qui rendra les élèves capables d’assumer leurs propres responsabilités dans la vie de la société. En effet, la grande majorité des étudiants et bon nombre des enseignants dans ces écoles ne sont pas chrétiens, mais proviennent d’autres traditions religieuses. Je suis sûr que, conformément à la lettre et à l’esprit de la Constitution nationale, la Communauté catholique continuera à jouir de la liberté de poursuivre ces bonnes œuvres comme l’expression de son engagement pour le bien commun.

Monsieur le Président, chers amis,
Je vous remercie de votre attention et je vous assure de ma prière, afin que dans vos nobles

responsabilités vous soyez toujours inspirés par les grands idéaux de justice et de service envers vos concitoyens. J’invoque volontiers sur vous et sur tout le peuple du Bangladesh les bénédictions divines d’harmonie et de paix.

[01796-FR.01] [Texte original: Italien]

Homélie du pape François lors de la Messe à Yangon, Myanmar

Vous trouverez ci-dessous l’homélie du pape François telle que prononcée lors de la Messe à Yangon au Myanmar et célébrée en compagnie du CardinalCharles Maung Bo s.d.b.:

Chers frères et sœurs,
avant de venir dans ce pays, j’ai longtemps attendu ce moment. Beaucoup parmi vous sont venus de loin et de régions montagneuses éloignées, quelques-uns aussi à pied. Je suis venu comme un pèlerin pour vous écouter et apprendre de vous, et pour vous offrir quelques paroles d’espérance et de consolation.

La première lecture d’aujourd’hui, du livre de Daniel, nous aide à voir combien la sagesse du roi Balthazar et de ses voyants est limitée. Ils savaient comment louer «leurs dieux d’or et d’argent, de bronze et de fer, de bois et de pierre» (Dn 5, 4), mais ils ne possédaient pas la sagesse pour louer Dieu dans les mains duquel est notre vie et notre souffle. Daniel au contraire, avait la sagesse du Seigneur et il était capable d’interpréter ses grands mystères.

L’interprète définitif des mystères de Dieu est Jésus. Il est la sagesse de Dieu en personne (cf. 1 Co 1, 24). Jésus ne nous a pas enseigné sa sagesse avec de longs discours ou par de grandes démonstrations de pouvoir politique ou terrestre, mais en donnant sa vie sur la croix. Nous pouvons tomber quelquefois dans le piège de faire confiance à notre sagesse elle-même, mais la vérité est que nous pouvons facilement perdre le sens de la direction. À ce moment, il est nécessaire de nous rappeler que nous disposons devant nous d’une boussole sûre, le Seigneur crucifié. Dans la croix, nous trouvons la sagesse, qui peut guider notre vie avec la lumière qui provient de Dieu.

De la croix, vient aussi la guérison. Là, Jésus a offert ses blessures au Père pour nous, les blessures par lesquelles nous sommes guéris (cf. 1 P 2, 24). Que ne nous manque jamais la sagesse de trouver dans les blessures du Christ la source de tout soin ! Je sais qu’au Myanmar beaucoup portent les blessures de la violence, qu’elles soient visibles ou invisibles. La tentation est de répondre à ces blessures avec une sagesse mondaine qui, comme celle du roi dans la première lecture, est profondément faussée. Nous pensons que le soin peut venir de la colère et de la vengeance. La voie de la vengeance n’est cependant pas la voie de Jésus.

La voie de Jésus est radicalement différente. Quand la haine et le refus l’ont conduit à la passion et à la mort, il a répondu par le pardon et la compassion. Dans l’Evangile d’aujourd’hui, le Seigneur nous dit que, comme lui, nous aussi nous pouvons rencontrer le refus et des obstacles, mais que toutefois, il nous donnera une sagesse à laquelle personne ne peut résister (cf. Lc 21, 15). Il parle ici de l’Esprit Saint, par lequel l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs (cf. Rm 5, 5). Avec le don de l’Esprit, Jésus rend capable chacun de nous d’être signes de sa sagesse, qui triomphe sur la sagesse de ce monde, et signes de sa miséricorde, qui apporte aussi soulagement aux blessures les plus douloureuses.

À la veille de sa passion, Jésus s’est donné à ses Apôtres sous les espèces du pain et du vin. Dans le don de l’Eucharistie, nous ne reconnaissons pas seulement avec les yeux de la foi, le don de son corps et de son sang ; nous apprenons aussi comment trouver le repos dans ses blessures, et là être purifiés de tous nos péchés et de nos routes déformées. En prenant refuge dans les blessures du Christ, chers frères et sœurs, vous pouvez goûter le baume apaisant de la miséricorde du Père et trouver la force de le porter aux autres, pour oindre chaque blessure et chaque mémoire douloureuse. De cette manière, vous serez des fidèles témoins de la réconciliation et de la paix, que Dieu désire voir régner dans chaque cœur humain et dans chaque communauté.

Je sais que l’Église au Myanmar fait déjà beaucoup pour porter le baume de guérison de la miséricorde de Dieu aux autres, spécialement à ceux qui en ont le plus besoin. Il y a des signes clairs que, même avec des moyens très limités, de nombreuses communautés proclament l’Évangile à d’autres minorités tribales, sans jamais forcer ou contraindre, mais toujours en invitant et en accueillant. Au milieu d’une grande pauvreté et de difficultés, beaucoup parmi vous offrent concrètement assistance et solidarité aux pauvres et à ceux qui souffrent. À travers l’attention quotidienne de ses évêques, prêtres, religieux et catéchistes, et particulièrement à travers le louable travail de Catholic Karuna Myanmar et de la généreuse assistance fournie par les Œuvres Pontificales missionnaires, l’Église dans ce pays aide un grand nombre d’hommes, de femmes et d’enfants, sans distinction de religion ou de provenance ethnique. Je peux témoigner que l’Église ici est vivante, que le Christ est vivant et qu’il est là, avec vous et avec vos frères et sœurs des autres communautés chrétiennes. Je vous encourage à continuer de partager avec les autres la sagesse sans prix que vous avez reçue, l’amour de Dieu qui jaillit du cœur de Jésus.

Jésus veut donner cette sagesse en abondance. Certainement, il récompensera vos efforts de semer des graines de guérison et de réconciliation dans vos familles, vos communautés et dans la société plus vaste de cette nation. Ne nous a-t-il pas dit que sa sagesse est irrésistible (cf. Lc 21, 15) ? Son message de pardon et de miséricorde utilise une logique que tous ne voudront pas comprendre, et qui rencontrera des obstacles. Cependant son amour, révélé sur la croix est, en dernière analyse, inéluctable. Il est comme un “GPS spirituel”; qui nous guide infailliblement vers la vie intime de Dieu et le cœur de notre prochain.

La Bienheureuse Vierge Marie a suivi aussi son Fils sur la montagne obscure du Calvaire et elle nous accompagne à chaque pas de notre voyage terrestre. Qu’elle puisse, Elle, nous obtenir toujours la grâce d’être des messagers de la véritable sagesse, profondément miséricordieux envers ceux qui sont dans le besoin, avec la joie qui vient du repos dans les blessures de Jésus, qui nous a aimés jusqu’au bout.

Que Dieu vous bénisse tous! Que Dieu bénisse l’Église au Myanmar ! Qu’il bénisse cette terre par sa paix! Que Dieu bénisse le Myanmar!

[01792-FR.01] [Texte original: Italien]

Vidéo des intentions du pape: Témoigner de l’Évangile en Asie

Ce qui m’impressionne le plus au sujet de l’Asie, c’est la diversité de ses populations héritières d’anciennes cultures, religions et traditions . Sur ce continent où l’Eglise est une minorité , le défi à relever est passionnant. Nous devons promouvoir le dialogue entre les religions et les cultures . Le dialogue joue un rôle essentiel dans la mission de l’Eglise en Asie . Prions pour que les chrétiens d’Asie favorisent le dialogue, la paix et la compréhension réciproque, particulièrement avec ceux qui appartiennent à d’autres religions .

Pape François en Colombie: Allocution lors de la Grande rencontre pour la réconciliation nationale

Vous trouverez ci-dessous le texte de l’allocution du pape François lors de la Grande rencontre pour la réconciliation nationale à Villavicencio:

Chers frères et sœurs,
Depuis le premier jour j’ai désiré qu’arrive ce moment de notre rencontre. Vous portez dans vos cœurs et dans votre chair les empreintes de l’histoire vivante et récente de votre peuple, histoire marquée par des événements tragiques mais aussi pleine de gestes héroïques de grande humanité et de haute valeur spirituelle, de foi et d’espérance. Je viens ici avec respect et avec la claire conscience, comme Moïse, de fouler une terre sacrée (cf. Ex 3, 5). Une terre arrosée par le sang de milliers de victimes innocentes et par la douleur déchirante de leurs familles et de leurs proches. Des blessures qu’il coûte de faire cicatriser et qui nous font mal à tous, parce que chaque violence commise contre un être humain est une blessure dans la chair de l’humanité ; chaque mort violente nous diminue en tant que personnes.

Je suis ici non pas tant pour parler moi, mais pour être près de vous et vous regarder dans les yeux, pour vous écouter et ouvrir mon cœur à votre témoignage de vie et de foi. Et, si vous me le permettez, je désirerais aussi vous embrasser et pleurer avec vous, je voudrais que nous prions ensemble et que nous nous pardonnions – moi aussi je dois demander pardon – et qu’ainsi, tous ensemble, nous puissions regarder et aller de l’avant avec foi et espérance.

Nous sommes rassemblés aux pieds du Crucifié de Bojaya, qui, le 2 mai 2002, vit et souffrit le massacre de dizaines de personnes réfugiées dans son église. Cette statue a une forte valeur symbolique et spirituelle. En la regardant nous contemplons non seulement ce qui s’est passé ce jour-là, mais aussi tant de souffrance, tant de mort, tant de vies brisées et tant de sang versé en Colombie ces dernières décennies. Voir le Christ ainsi, mutilé et blessé, nous interpelle. Il n’a plus de bras et il n’a plus de corps, mais il a encore son visage qui nous regarde et qui nous aime. Le Christ brisé et amputé est pour nous encore « davantage le Christ », parce qu’il nous montre, une fois de plus, qu’il est venu pour souffrir pour son peuple et avec son peuple ; et pour nous apprendre aussi que la haine n’a pas le dernier mot, que l’amour est plus fort que la mort et la violence. Il nous apprend à transformer la souffrance en source de vie et de résurrection, pour que, unis à lui et avec lui, nous apprenions la force du pardon, la grandeur de l’amour.

Je remercie nos frères qui ont voulu partager leurs témoignages, au nom de beaucoup d’autres. Combien cela nous fait du bien d’écouter vos histoires ! Je suis bouleversé. Ce sont des histoires de souffrances et d’amertume, mais aussi et surtout, ce sont des histoires d’amour et de pardon qui nous parlent de vie et d’espérance ; de ne pas laisser la haine, la vengeance et la souffrance s’emparer de notre cœur.

L’oracle final du Psaume 85: «Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent » (v. 11) est postérieur à l’action de grâce et à la supplication où l’on demande à Dieu : Fais-nous revenir ! Merci Seigneur pour le témoignage de ceux qui ont infligé de la souffrance et qui demandent pardon ; de ceux qui ont injustement souffert et qui pardonnent. Cela est possible seulement avec ton aide et ta présence… cela est déjà un très grand signe que tu veux restaurer la paix et la concorde sur cette terre colombienne.

Pastora Mira, tu l’as très bien dit : tu veux déposer toute ta souffrance, et celle de milliers de victimes, aux pieds de Jésus crucifié pour qu’elle soit associée à la sienne et soit ainsi transformée en bénédiction et en capacité de pardon pour briser le cycle de violence qui a prévalu en Colombie. Tu as raison : la violence engendre plus de violence, la haine plus de haine et la mort plus de mort. Nous devons briser cette chaîne qui parait inéluctable, et cela est possible seulement par le pardon et la réconciliation. Et toi, chère Pastora, et beaucoup d’autres comme toi, vous nous avez montré que c’est possible. Oui, avec l’aide du Christ vivant au milieu de la communauté, il est possible de vaincre la haine, il est possible de vaincre la mort, il est possible de recommencer et d’apporter la lumière à une Colombie nouvelle. Merci Pastora ; quel grand bien tu nous fais à tous, aujourd’hui, par le témoignage de ta vie. C’est le crucifié de Bajaya qui t’a donné cette force de pardonner et d’aimer, et pour t’aider à voir, en la chemise que ta fille Sandra Paola avait offerte à ton fils Jorge Anibal, non seulement le souvenir de leur mort, mais aussi l’espérance que la paix triomphe définitivement en Colombie.

Ce qu’a dit Luz Dary dans son témoignage nous bouleverse aussi : les blessures du cœur sont plus profondes et difficiles à guérir que celles du corps. C’est ainsi. Et, ce qui est le plus important, tu t’es rendu compte qu’on ne peut pas vivre de rancœur, que seul l’amour libère et construit. Et de cette manière tu as commencé à guérir aussi les blessures d’autres victimes, à reconstruire leur dignité. Cette sortie de toi-même t’a enrichie, t’a aidé à regarder devant, à trouver la paix et la sérénité, et une raison pour aller de l’avant. Je te remercie pour la béquille que tu m’offres. Bien que tu gardes encore des séquelles physiques de tes blessures, ta marche spirituelle est rapide et sûre parce que tu penses aux autres et tu veux les aider. Cette béquille est un symbole de cette autre béquille plus importante, dont nous avons tous besoin, celle de l’amour et du pardon. Par ton amour et ton pardon tu aides beaucoup de personnes à marcher dans la vie. Merci.

Je veux remercier aussi pour le témoignage éloquent de Deisy et de Juan Carlos. Ils nous ont fait comprendre que tous, en fin de compte, d’une manière ou d’une autre, nous sommes aussi des victimes, innocentes ou coupables, mais tous victimes. Tous unis dans cette perte d’humanité que provoquent la violence et la mort. Deisy l’a dit clairement : tu as compris que toi-même avais été une victime et que tu avais besoin qu’on te donne une chance. Et tu as commencé à réfléchir, et maintenant tu travailles pour aider les victimes et pour que les jeunes ne tombent pas dans les réseaux de la violence et de la drogue. Il y a aussi une espérance pour celui qui a fait le mal ; tout n’est pas perdu. Il est certain que dans cette régénération morale et spirituelle de l’agresseur, la justice doit s’accomplir. Comme l’a dit Deisy, il faut contribuer positivement à guérir cette société qui a été déchirée par la violence.

Il semble difficile d’accepter le changement de ceux qui ont fait appel à la violence cruelle pour promouvoir leurs intérêts, pour protéger leurs commerces illicites et s’enrichir, ou pour, hypocritement, prétendre défendre la vie de leurs frères. C’est certainement un défi pour chacun de nous de croire qu’il puisse y avoir un pas en avant de la part de ceux qui ont infligé des souffrances à des communautés et à un pays tout entier. Il est certain qu’en cet immense champ qu’est la Colombie, il y a de la place encore pour l’ivraie… Soyez attentifs aux fruits… prenez soin du blé, et ne perdez pas la paix à cause de l’ivraie. Le semeur, quand il voit poindre l’ivraie au milieu du blé n’a pas de réactions alarmistes. Il trouve la manière dont la Parabole s’incarnera dans une situation concrète et donnera des fruits de vie nouvelle, bien qu’ils soient en apparence imparfaits ou inachevés (cf. Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 24). Même quand perdurent les conflits, la violence ou les sentiments de vengeance, n’empêchons pas la justice et la miséricorde de se rencontrer dans une étreinte que l’histoire de souffrance de la Colombie assumera. Guérissons cette souffrance et accueillons tout être humain qui a commis des délits, les reconnaît, se repent et s’engage à réparer en contribuant à la construction de l’ordre nouveau où brillent la justice et la paix.

Comme l’a laissé entrevoir dans son témoignage Juan Carlos, dans tout ce processus, long, difficile, mais qui donne l’espérance de la réconciliation, il est indispensable aussi d’assumer la vérité. C’est un défi grand mais nécessaire. La vérité est une compagne indissociable de la justice et de la miséricorde. Ensemble, elles sont essentielles pour construire la paix et, d’autre part, chacune d’elle empêche que les autres soient altérées et se transforment en instruments de vengeance sur celui qui est le plus faible. La vérité ne doit pas, de fait, conduire à la vengeance, mais, bien plutôt, à la réconciliation et au pardon. La vérité, c’est de dire aux familles déchirées par la douleur ce qui est arrivé à leurs parents disparus. La vérité, c’est d’avouer ce qui s’est passé avec les plus jeunes enrôlés par les acteurs violents. La vérité, c’est de reconnaître la souffrance des femmes victimes de violence et d’abus.

Je voudrais, enfin, comme frère et comme père, dire : Colombie, ouvre ton cœur de peuple de Dieu et laisse-toi réconcilier. Ne crains pas la vérité ni la justice. Chers Colombiens : n’ayez pas peur de demander ni d’offrir le pardon. Ne résistez pas à la réconciliation pour vous rapprocher, vous rencontrer comme des frères et dépasser les inimitiés. C’est le moment de guérir les blessures, de construire des ponts, d’aplanir les différences. C’est le moment de désactiver les haines, de renoncer aux vengeances, et de s’ouvrir à la cohabitation fondée sur la justice, sur la vérité et sur la création d’une véritable culture de la rencontre fraternelle. Puissions-nous vivre en harmonie et dans la fraternité, comme désire le Seigneur. Demandons à être constructeurs de paix, que là où il y a la haine et le ressentiment, nous mettions l’amour et la miséricorde (cf. Prière attribuée à saint François d’Assise).

Je souhaite déposer toutes ces intentions devant la statue du crucifié, le Christ noir de Bojaya:

Oh, Christ noir de Bojaya,
qui nous rappelles ta passion et ta mort ; avec tes bras et tes pieds
ils t’ont arraché à tes enfants
qui cherchaient refuge en toi.

Oh, Christ noir de Bojaya,
qui nous regardes avec tendresse,
la sérénité règne sur ton visage ;
ton cœur bat aussi
pour nous accueillir dans ton amour.

Oh, Christ noir de Bojaya,
fais que nous nous engagions
à restaurer ton corps. Que nous soyons tes pieds pour sortir à la rencontre
du frère dans le besoin ;
tes bras pour étreindre
celui qui a perdu sa dignité ;
tes mains pour bénir et consoler
celui qui pleure dans la solitude.

Fais que nous soyons témoins
de ton amour et de ton infinie miséricorde.

[01232-FR.01] [Texte original: Espagnol]

Pape en Colombie: Discours lors de la rencontre avec les évêques

CTV


Vous trouverez ci-dessous le texte complet de l’allocution du pape François aux évêques de Colombie:

La paix soit avec vous !

C’est ainsi que le Ressuscité a salué son petit troupeau après avoir vaincu la mort ; permettez-moi de vous saluer de la même manière au début de mon voyage.

Je remercie pour vos paroles de bienvenue. Je suis heureux parce que mes premiers pas en ce pays me conduisent à vous rencontrer vous, les évêques de la Colombie, pour embrasser en vous toute l’Église colombienne et pour serrer votre peuple contre mon cœur de Successeur de Pierre. Je vous suis très reconnaissant pour votre ministère épiscopal, que je vous prie de continuer à exercer avec une générosité renouvelée. J’adresse une salutation spéciale aux évêques émérites, en les encourageant à continuer de soutenir, par la prière et par la présence discrète, l’Épouse du Christ pour laquelle il se sont généreusement donnés.

Je viens annoncer le Christ et parcourir en son nom un itinéraire de paix et de réconciliation. Le Christ est notre paix ! Il nous a réconciliés avec Dieu et entre nous !

Je suis convaincu que la Colombie a quelque chose d’original qui attire fortement l’attention : elle n’a jamais été un objectif complètement réalisé, ni une destination totalement atteinte, ni un trésor totalement possédé. Sa richesse humaine, ses ressources naturelles luxuriantes, sa culture, sa synthèse chrétienne lumineuse, le patrimoine de sa foi et la mémoire de ses évangélisateurs, la joie gratuite et inconditionnelle de son peuple, le sourire sans prix de sa jeunesse, sa fidélité originale à l’Évangile du Christ et à son Église et, surtout, son courage indomptable à résister à la mort, non seulement annoncée mais bien des fois semée, tout cela se dérobe, disons se cache, à ceux qui se présentent comme des étrangers avides de s’en accaparer, et en revanche, s’offre généreusement à celui qui touche son cœur par la douceur du pèlerin. C’est ainsi qu’est la Colombie !

C’est pourquoi, comme pèlerin, je m’adresse à son Église. Je suis votre frère, désireux de partager le Christ ressuscité pour qui aucun mur n’est éternel, aucune peur n’est indestructible, aucune blessure n’est incurable.

Je ne suis pas le premier Pape à vous parler chez vous. Deux de mes plus grands prédécesseurs ont été des hôtes ici : le bienheureux Paul VI, qui est venu juste après avoir conclu le Concile Vatican II, pour encourager la réalisation collégiale du mystère de l’Église en Amérique Latine ; et saint Jean-Paul II lors de sa mémorable visite apostolique de 1986. Les paroles de ces deux Papes sont une ressource permanente ; les indications qu’ils ont esquissées et la merveilleuse synthèse qu’ils ont offerte sur notre ministère épiscopal constituent un patrimoine à sauvegarder. Je voudrais que ce que je vais vous dire soit reçu dans la continuité de ce qu’ils ont enseigné.

Gardiens et sacrement du premier pas

«Faire le premier pas» est le thème de ma visite et pour vous aussi, c’est mon premier message. Vous savez bien que Dieu est le Seigneur du premier pas. Il nous devance toujours. Toute l’Écriture Sainte parle de Dieu comme exilé hors de soi par amour. Il en a été ainsi lorsqu’il n’y avait que ténèbres, chaos et, en sortant de lui-même, il a fait en sorte que tout vienne à l’être (cf. Gn 1.2, 4) ; il en a été ainsi lorsqu’il se promenait dans le jardin des origines, se rendant compte de la nudité de sa créature (cf. Gn 3, 8-9) ; il en a été ainsi lorsque, pèlerin, il a logé sous la tente d’Abraham, en lui faisant la promesse d’une fécondité inespérée (cf. Gn 18, 1-10) ; il a en été ainsi lorsqu’il s’est présenté à Moïse en le séduisant, alors qu’il n’avait plus d’autre horizon que de paître les brebis de son beau-père (cf. Ex 3, 1-2) ; il en a été ainsi lorsqu’il n’a pas détourné le regard de sa Jérusalem bien-aimée, même quand elle se prostituait sur le trottoir de l’infidélité (cf. Ez 16, 15) ; il en a été ainsi lorsqu’il a émigré avec sa gloire vers son peuple exilé, en esclavage (cf. Ez 10, 18-19).

Et, à la plénitude des temps, il a voulu révéler le vrai nom du premier pas, de son premier pas. Il s’appelle Jésus et il est un pas irréversible. Il provient de la liberté d’un amour qui précède tout. Car le Fils, lui-même, est l’expression vivante de cet amour. Ceux qui le reconnaissent et l’accueillent reçoivent en héritage le don d’être introduits dans la liberté de pouvoir toujours accomplir en lui le premier pas ; ils n’ont pas peur de se perdre s’ils sortent d’eux-mêmes, car ils ont la garantie de son amour provenant du premier pas de Dieu, une boussole qui leur évite de se perdre.

Préservez donc, avec une crainte et une émotion saintes, ce premier pas de Dieu vers vous et, par votre ministère, vers les personnes qui vous ont été confiées, conscients d’être sacrement vivant de cette liberté divine qui n’a pas peur de sortir d’elle-même par amour, qui n’a pas peur de s’appauvrir tandis qu’elle se donne, qui n’a besoin d’autre force que l’amour.

Dieu nous précède, nous sommes des sarments et non la vigne. Par conséquent, ne taisez pas la voix de celui qui vous a appelés et ne pensez pas que ce soit la somme de vos pauvres vertus ou les compliments des puissants du moment qui assurent le résultat de la mission que Dieu vous a confiée. Au contraire, mendiez dans la prière quand vous ne pouvez pas donner ou vous donner, pour que vous ayez quelque chose à offrir à ceux qui s’approchent constamment de vos cœurs de pasteurs. La prière dans la vie de l’évêque est la sève vitale qui coule dans la vigne, sans laquelle le sarment se flétrit en devenant stérile. Par conséquent, luttez avec Dieu, et plus encore dans la nuit de son absence, jusqu’à ce qu’il vous bénisse (cf. Gn 32, 25-27). Les blessures de cette bataille quotidienne et prioritaire dans la prière seront source de guérison pour vous ; vous serez blessés par Dieu afin d’être capables de guérir.

Rendre visible votre identité de sacrement du premier pas.

De fait, rendre tangible l’identité de sacrement du premier pas de Dieu exigera un exode intérieur continu. « Il n’y a pas de plus grande invitation à l’amour que de devancer ce même amour » (Saint Augustin, De catechizandis rudibus, liber I, 4.7, 26 : PL 40), donc, aucun domaine de la mission épiscopale ne peut faire abstraction de cette liberté de faire le premier pas. La condition pour pouvoir exercer le ministère apostolique est la disponibilité à s’approcher de Jésus en laissant derrière « ce que nous avons été pour être ce que nous n’étions pas » (Saint Augustin, in Psal., 121, 12 : PL 36).

Je vous recommande de veiller non seulement individuellement mais aussi collégialement, dociles à l’Esprit Saint, sur ce point de départ permanent. Sans ce noyau, les traits du Maître languissent sur le visage des disciples, la mission s’embourbe et la conversion pastorale diminue, qui n’est autre que de préserver cette urgence d’annoncer l’Évangile de la joie aujourd’hui, demain et après-demain (cf. Lc 13, 33), diligence qui a dévoré le cœur de Jésus en le laissant sans nid ni abri, uniquement penché sur l’accomplissement jusqu’à la fin de la volonté du Père (cf. Lc 9, 58.62). Quel autre avenir pouvons-nous poursuivre ? A quelle autre dignité pouvons-nous aspirer ?

Ne vous mesurez pas avec le mètre de ceux qui voudraient que vous ne soyez qu’une caste de fonctionnaires repliés sur la dictature du présent. Ayez, au contraire, le regard toujours fixé sur l’éternité de celui qui vous a élus, prêts à accueillir le jugement décisif de ses lèvres.

Dans la complexité du visage de cette Église colombienne, il est très important de préserver la singularité de ses forces diverses et légitimes, les sensibilités pastorales, les particularités régionales, les mémoires historiques, les richesses des expériences ecclésiales spécifiques. Pentecôte consciente que tous entendent dans leur propre langue. C’est pourquoi, recherchez avec persévérance la communion entre vous. Ne vous lassez pas de la construire à travers le dialogue franc et fraternel, en condamnant comme la peste les agendas cachés. Empressez-vous de faire le premier pas, l’un vers l’autre. Devancez-vous dans la disponibilité à comprendre les raisons de l’autre. Laissez-vous enrichir par ce que l’autre peut vous offrir et construisez une Église qui offre à ce pays un témoignage éloquent de combien on peut progresser quand on est disposé à ne pas dépendre de quelques-uns. Le rôle des Provinces ecclésiastiques par rapport au message de l’Évangile lui-même est fondamental, car diverses et harmonieuses sont les voix qui le proclament. Pour cela, ne vous contentez pas d’un médiocre engagement minimal qui laisse les résignés dans la tranquille quiétude de leur propre impuissance, en même temps qu’il dompte ces espérances qui exigeraient le courage de se concentrer davantage sur la force de Dieu que sur sa propre fragilité.

Ayez une sensibilité spéciale envers les racines afro-colombiennes de votre peuple, qui ont contribué si généreusement à modeler le visage de ce pays.

Toucher la chair du corps du Christ

Je vous invite à ne pas avoir peur de toucher la chair blessée de votre propre histoire et de l’histoire de votre peuple. Faites-le avec humilité, sans la vaine prétention de protagonisme, et d’un cœur sans partage, libre de toute compromission et de toute servilité. Seul Dieu est Seigneur et nous ne devons soumettre notre âme de pasteur à aucune autre cause.

La Colombie a besoin de votre regard, propre à des évêques, pour la soutenir dans le courage du premier pas vers la paix définitive, la réconciliation, vers le renoncement à la violence comme méthode, vers la suppression des inégalités qui sont la racine de nombreuses souffrances, la renonciation au chemin facile mais sans issue de la corruption, la patiente et persévérante consolidation de la ‘‘res publica’’ qui demande l’éradication de la misère et de l’inégalité.

Il s’agit d’une tâche ardue mais à laquelle on ne peut renoncer, les chemins sont raides et les solutions ne sont pas évidentes. De la hauteur de Dieu, qui est la croix de son fils, vous obtiendrez la force ; avec la petite lumière humble des yeux du Ressuscité, vous parcourrez le chemin ; en écoutant la voix de l’Époux qui susurre dans le cœur, vous recevrez les critères pour discerner à nouveau, dans chaque incertitude, la direction juste.

L’un de vos illustres hommes de lettre a écrit, en parlant de l’un de vos personnages mythiques : « Il n’imaginait pas qu’il était plus facile de commencer une guerre que de la terminer » (Gabriel García Márquez, Cent ans de solitude, chapitres 9). Nous savons tous que la paix exige des hommes un courage moral différent. La guerre suit ce qu’il y a de plus bas dans notre cœur, la paix nous incite à être plus grands que nous-mêmes. Poursuivant, l’écrivain ajoutait : « Il ne comprenait pas qu’il ait fallu beaucoup de mots pour expliquer ce qu’on sentait durant la guerre, si un seul suffisait : la peur » (Ibid. ch. 15). Il n’est pas nécessaire que je vous parle de cette peur, racine empoisonnée, fruit amer et héritage néfaste de chaque conflit. Je voudrais vous encourager à continuer à croire qu’on peut procéder d’une autre manière, en rappelant que vous n’avez pas reçu un esprit d’esclaves pour retomber dans la crainte ; l’Esprit lui-même témoigne que vous êtes des fils destinés à la liberté de la gloire qui vous est réservée (cf. Rm 8, 15-16).

Vous voyez de vos propres yeux et vous connaissez comme peu de personnes la déformation du visage de ce pays ; vous êtes les gardiens des pièces fondamentales qui l’unifient, malgré ses lacérations. C’est précisément pour cela que la Colombie a besoin de vous pour se reconnaître dans son vrai visage, chargé d’espérance en dépit de ses imperfections, pour se pardonner réciproquement malgré les blessures pas tout à fait cicatrisées, pour croire qu’on peut faire un autre chemin même lorsque l’inertie pousse à répéter les mêmes erreurs, pour avoir le courage de surmonter ce qui peut la rendre misérable malgré ses trésors.

Je vous encourage, en effet, à ne pas vous lasser de faire de vos Églises un ventre de lumière, capable de produire, même en souffrant de faim, les nouvelles ressources dont cette terre a besoin. Abritez-vous dans l’humilité de votre peuple pour vous rendre compte de ses ressources humaines secrètes et de sa foi ; écoutez combien son humanité dépouillée aspire à la dignité que seul le Ressuscité peut donner. N’ayez pas peur de sortir de vos certitudes apparentes à la recherche de la vraie gloire de Dieu, qu’est l’homme vivant.

La parole de réconciliation

Beaucoup peuvent contribuer au défi de cette Nation, mais votre mission est singulière. Vous n’êtes ni techniciens ni politiciens, vous êtes des pasteurs. Le Christ est la parole de réconciliation écrite dans vos cœurs et vous avez la force de pouvoir la prononcer, non seulement en chaire, à travers les documents ecclésiaux ou à travers les articles de journaux, mais bien plus dans le cœur des personnes, dans le secret sacré de leurs consciences, dans la chaleur remplie d’espérance qui les attire à l’écoute de la voix du ciel qui proclame « paix aux hommes que Dieu aime » (Lc 2, 14). Vous devez la prononcer avec la fragile, humble, mais invincible ressource de la miséricorde de Dieu, la seule capable de vaincre l’arrogance cynique des cœurs autoréférentiels.

L’Église n’est intéressée par rien d’autre que la liberté de prononcer cette Parole. Les alliances avec une partie ou une autre ne servent pas, mais la liberté de s’adresser aux cœurs de tous. Précisément vous avez là l’autonomie pour inquiéter, vous avez là la possibilité de soutenir un changement de direction.

Le cœur humain, bien des fois dupé, conçoit le projet insensé de faire de la vie une conquête continue d’espaces pour déposer ce qu’il accumule. Précisément ici, il faut que résonne la question : à quoi sert-il de gagner le monde si un vide demeure dans l’âme ? (cf. Mt 16, 26).

À travers vos lèvres de pasteurs légitimes du Christ, tels que vous êtes, la Colombie a le droit d’être interpellée par la vérité de Dieu, qui répète sans cesse : « Où est ton frère ? » (Gn 4, 9). C’est une interrogation, qui ne peut être tue, même quand celui qui l’écoute ne peut que baisser le regard, confus, et balbutier sa propre honte de l’avoir vendu, peut-être au prix d’une dose de stupéfiant ou d’une idée équivoque de raison d’État, peut-être à cause de la fausse conscience que la fin justifie les moyens.

Je vous prie d’avoir le regard toujours fixé sur l’homme concret. Ne servez pas un concept de l’homme, mais la personne humaine aimée par Dieu, faite de chair, d’os, d’histoire, de foi, d’espérance, de sentiments, de déceptions, de frustrations, de souffrances, de blessures ; et vous verrez que ce caractère concret de l’homme démasque les statistiques froides, les calculs manipulés, les stratégies aveugles, les informations falsifiées, en vous rappelant qu’« en réalité, le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné » (Gaudium et spes, n. 22).

Une Église en mission

J’ai conscience du généreux travail pastoral que vous réalisez déjà; permettez-moi cependant de vous faire part de certaines inquiétudes que je porte dans mon cœur de pasteur, désireux de vous exhorter à être toujours davantage une Église en mission. Mes prédécesseurs ont déjà insisté sur plusieurs de ces défis : la famille et la vie, les jeunes, les prêtres, les vocations, les laïcs, la formation. Ces dernières décennies, malgré l’énorme travail, les réponses pour rendre efficace la maternité de l’Église dans l’enfantement, dans la sustentation et l’accompagnement de ses fils, sont peut-être devenues encore plus difficiles.

Je pense aux familles colombiennes, à la défense de la vie depuis le sein maternel jusqu’à sa fin naturelle, au fléau de la violence et de l’alcoolisme touchant souvent les foyers, à la fragilité du lien matrimonial et à l’absence des parents avec ses conséquences tragiques d’insécurité et qui font des orphelins. Je pense aux nombreux jeunes menacés par le vide de l’âme et entraînés dans la fuite de la drogue, dans le style d’une vie facile, dans la tentation de la subversion. Je pense aux nombreux et généreux prêtres et au défi de les soutenir dans leur option fidèle et quotidienne pour le Christ et pour l’Église, tandis que certains autres continuent de répandre la neutralité confortable de ceux qui ne choisissent rien pour rester dans la solitude avec eux-mêmes. Je pense aux fidèles laïcs répandus dans toutes les Églises particulières, résistant dans l’effort pour se laisser rassembler par Dieu qui est communion, même quand beaucoup proclament le nouveau dogme de l’égoïsme et de la mort de toute solidarité. Je pense à l’immense effort de tous afin d’approfondir la foi et d’en faire une lumière vive pour les cœurs et une lampe pour le premier pas.

Je ne vous apporte pas de recettes ni n’entends vous laisser une liste de tâches. Cependant, je voudrais vous prier de garder la sérénité en réalisant dans la communion votre lourde mission de pasteurs de la Colombie. Vous savez bien que, dans la nuit, le malin continue de semer l’ivraie, mais ayez la patience du Maître du champ, en faisant confiance à la bonne qualité de ses grains. Apprenez de sa longanimité et de sa magnanimité. Ses temps sont longs parce que son regard d’amour est incommensurable. Quand l’amour est ténu, le cœur devient impatient, troublé par l’anxiété de faire des choses, dévoré par la peur d’avoir échoué. Croyez surtout en l’humilité de la semence de Dieu. Faites confiance à la puissance cachée de son levain. Dirigez vos cœurs vers la belle fascination qui attire et fait vendre tout afin de posséder ce trésor divin.

De fait, quoi d’autre pouvez-vous offrir de plus fort à la famille colombienne que la force humble de l’Évangile de l’amour généreux qui unit l’homme et la femme, faisant d’eux une image de l’union du Christ avec son Église, des canaux et des gardiens de la vie ? Les familles ont besoin de savoir que dans le Christ elles peuvent devenir un arbre luxuriant capable d’offrir de l’ombre, de porter du fruit en toute saison de l’année, d’abriter la vie dans ses branches. Ils sont si nombreux aujourd’hui ceux qui rendent hommage aux arbres sans ombre, stériles, aux branches privées de nids. Pour vous, que le point de départ soit le témoignage joyeux que la fidélité se trouve ailleurs.

Que pouvez-vous offrir à vos jeunes ? Ils aiment se sentir aimés, ils se méfient de ceux qui les sous-estiment, ils demandent une cohérence limpide et espèrent être impliqués. Recevez-les, par conséquent, avec le cœur du Christ et ouvrez-leur des espaces dans la vie de vos Églises. Ne prenez part à aucune négociation qui brade leurs espérances. N’ayez pas peur de hausser sereinement la voix pour rappeler à tous qu’une société qui se laisse séduire par le mirage du narcotrafic s’introduit elle-même dans cette métastase morale qui mercantilise l’enfer et sème partout la corruption et, en même temps, engraisse les paradis fiscaux.

Que pouvez-vous offrir à vos prêtres ? Le premier don est celui de votre paternité qui assure que la main qui les a générés et oints ne s’est pas retirée de leurs vies. Nous vivons à l’ère de l’informatique et il ne nous est pas difficile d’atteindre nos prêtres en temps réel par quelque messagerie. Mais le cœur d’un père, d’un évêque, ne peut se contenter de la communication précaire, impersonnelle et externe avec son clergé. L’inquiétude concernant le lieu où vivent ses prêtres ne peut s’éloigner du cœur de l’évêque. Vivent-ils vraiment selon Jésus ? Ou bien se sont-ils inventé d’autres sécurités telles que la stabilité économique, l’ambiguïté morale, la double vie ou l’illusion myope de la carrière ? Les prêtres ont besoin, avec une nécessité et une urgence vitales, de la proximité physique et affective de leur évêque. Ils demandent à sentir qu’ils ont un père.

La fatigue du travail quotidien pèse fréquemment sur les épaules des prêtres. Ils sont en première ligne, continuellement encerclés par des personnes qui, abattues, cherchent en eux le visage du Pasteur. Les gens s’approchent et frappent à la porte de leurs cœurs. Ils doivent donner à manger à la multitude et la nourriture de Dieu n’est jamais une propriété dont on peut simplement disposer. Au contraire, elle ne provient que de l’indigence mise en contact avec la bonté divine.

Congédier la multitude et manger le peu que l’on peut indûment s’approprier est une tentation permanente (cf. Lc 9, 13).

Veillez par conséquent sur les racines spirituelles de vos prêtres. Conduisez-les sans cesse à cette Césarée de Philippe où, à la source du Jourdain de chacun, ils peuvent entendre de nouveau la question de Jésus : Qui suis-je pour toi ? La cause de la détérioration progressive qui, souvent, conduit à la mort du disciple se trouve toujours dans un cœur qui ne peut plus répondre : « Tu es le Christ, le Fils de Dieu » (Cf. Mt 16, 13-16). De là, s’affaiblit le courage de l’irréversibilité du don de soi, et dérive également une désorientation intérieure, la fatigue d’un cœur qui ne sait plus accompagner le Seigneur sur son chemin vers Jérusalem.

Prenez particulièrement soin de l’itinéraire de formation de vos prêtres, depuis la naissance de l’appel de Dieu dans leurs cœurs. La nouvelle Ratio Fundamentalis Institutionis Sacerdotalis, récemment publiée, est une précieuse ressource, encore à mettre en pratique, pour que l’Église colombienne soit à la hauteur du don de Dieu qui n’a jamais cessé d’appeler beaucoup de ses fils au sacerdoce.

Ne négligez pas, s’il vous plaît, la vie des hommes consacrés et des femmes consacrées. Ils constituent la gifle kérygmatique à toute la mondanité et sont appelés à brûler toute vague de valeurs mondaines dans le feu des béatitudes vécues sans glose et dans l’abaissement total de soi dans le service. Ne les considérez pas comme des ‘‘ressources utiles’’ pour les œuvres apostoliques ; sachez plutôt voir en eux le cri de l’amour consacré de l’Épouse : « Viens, Seigneur Jésus » (Ap 22, 20).

Réservez la même préoccupation concernant la formation de vos laïcs, dont dépend non seulement la solidité des communautés de foi, mais aussi une grande partie de la présence de l’Église dans le domaine de la culture, de la politique, de l’économie. Former dans l’Église signifie se mettre en contact avec la foi vivante de la Communauté vivante, s’insérer dans un patrimoine d’expériences et de réponses que suscite l’Esprit Saint, car c’est lui qui enseigne toutes choses (cf. Jn 14, 26).

Je voudrais exprimer une pensée sur les défis de l’Église en Amazonie, région dont, avec raison, vous êtes fiers, car elle est une partie essentielle de la merveilleuse biodiversité de ce pays. L’Amazonie est pour nous tous une preuve décisive pour vérifier si notre société, presque toujours réduite au matérialisme et au pragmatisme, est en mesure de sauvegarder ce qu’elle a reçu gratuitement, non pas pour le dévaliser, mais pour le rendre fécond. Je pense, surtout, à la sagesse cachée des peuples indigènes de l’Amazonie et je me demande si nous sommes encore capables d’apprendre d’eux la sacralité de la vie, le respect de la nature, la conscience du fait qu’à elle seule la raison instrumentale n’est pas suffisante pour combler le vide de l’homme et répondre à ses inquiétudes les plus chargées d’interrogations.

C’est pourquoi je vous invite à ne pas abandonner à elle-même l’Église en Amazonie. La consolidation d’un visage amazonien par l’Église qui pérégrine ici est pour vous tous un défi, qui dépend de l’appui missionnaire grandissant et conscient de tous les diocèses colombiens et de leur clergé tout entier. J’ai entendu que dans certaines langues locales amazoniennes, pour se référer au mot ‘‘ami’’, on utilise l’expression ‘‘mon autre bras’’. Soyez par conséquent l’autre bras de l’Amazonie. La Colombie ne peut l’amputer sans être mutilée dans son visage et dans son âme.

Chers frères,
Je vous invite à présent à vous adresser spirituellement à Notre Dame du Rosaire de

Chiquinquira, dont vous avez eu la délicatesse d’apporter l’image, depuis son Sanctuaire, dans la magnifique Cathédrale de cette ville pour que moi aussi je puisse la contempler.

Comme vous le savez bien, la Colombie ne peut se donner à elle-même le vrai Renouveau auquel elle aspire, mais il est accordé d’en haut. Supplions donc le Seigneur par la Vierge.

Tout comme à Chiquinquira Dieu a restauré la splendeur du visage de sa Mère, qu’il continue d’illuminer par sa lumière céleste le visage de tout ce pays et bénisse l’Église de la Colombie par sa compagnie bienveillante.

[01228-FR.01] [Texte original: Espagnol]

Pape en Colombie: Discours aux jeunes lors de la visite au palais épiscopale de Bogotà

CTV

Vous trouverez ci-dessous le texte du discours du pape François lors de la visite à la cathédrale et au palais épiscopal de Bogotà tel que prononcé avant la bénédiction apostolique aux fidèles présents devant le palais cardinalice:

Chers frères et sœurs,
Je vous salue avec grande joie et je vous remercie pour votre bienvenue chaleureuse. « Dans toute maison où vous entrerez, dites d’abord: “Paix à cette maison”. S’il y a là un ami de la paix, votre paix ira reposer sur lui; sinon, elle reviendra sur vous» (Lc 10, 5-6).

J’entre aujourd’hui dans cette maison qu’est la Colombie en vous disant: la paix soit avec vous! C’était l’expression qu’utilisait tout juif, et aussi Jésus, pour saluer. J’ai voulu venir jusqu’ici comme pèlerin de paix et d’espérance, et je désire vivre ces moments de rencontre avec joie, rendant grâce à Dieu pour tout le bien qu’il a fait dans cette nation, en chacune de vos vies.

Je viens aussi pour apprendre; oui, pour apprendre de vous, de votre foi, de votre force devant l’adversité. Vous avez vécu des moments difficiles et sombres, mais le Seigneur est près de vous, il est dans le cœur de chaque fils et fille de ce pays. Lui, il n’est pas sélectif, il n’exclut personne mais embrasse chacun ; et nous sommes tous importants et nécessaires pour lui. Durant ces jours, je voudrais partager avec vous la vérité la plus importante : Dieu vous aime avec un amour de Père et il vous encourage à continuer à chercher et à désirer la paix, cette paix qui est authentique et durable.

Je vois ici beaucoup de jeunes qui sont venus des quatre coins du pays : de l’intérieur, de la côte, des régions forestières, des vallées, des plaines. C’est toujours pour moi un motif de joie de me retrouver avec les jeunes. Aujourd’hui je vous dis : gardez vive votre joie, elle est le signe d’un cœur jeune, d’un cœur qui a rencontré le Seigneur. Personne ne pourra vous l’enlever (cf. Jn 16, 22). Ne vous la laissez pas voler ; gardez cette joie qui unifie tout, conscients d’être aimés par le Seigneur. Le feu de l’amour de Jésus-Christ fait déborder cette joie, et il est suffisant pour enflammer le monde entier. Comment n’allez-vous pas pouvoir changer cette société et ce qu’on vous propose ! N’ayez pas peur de l’avenir ! Osez rêver grand ! C’est à ces grands rêves que je
voudrais vous inviter aujourd’hui.

Vous, les jeunes, vous avez une sensibilité spéciale pour reconnaître la souffrance des autres ; les volontaires du monde entier proviennent de milliers d’entre vous qui sont capables de renoncer à leur temps, à leur confort, à leurs projets centrés sur eux-mêmes pour se laisser émouvoir par les besoins des plus fragiles et se dévouer pour eux. Mais il peut arriver aussi que vous soyez nés dans des environnements où la mort, la souffrance, la division vous ont imprégnés si profondément qu’elles vous ont laissés à moitié étourdis, comme anesthésiés. Laissez la souffrance de vos frères colombiens vous gifler et vous faire bouger ! Et nous, les plus âgés, aidez-nous à ne pas nous habituer à la souffrance et à l’abandon.

Vous également, jeunes gens et jeunes filles, qui vivez dans des milieux complexes, avec des réalités différentes, et des situations familiales les plus diverses, vous vous êtes habitués à voir que tout n’est pas tout blanc ou tout noir ; que la vie quotidienne consiste en une large gamme de tonalités grises, et cela peut vous exposer au risque de tomber dans une atmosphère de relativisme, laissant de côté cette capacité qu’ont les jeunes d’entendre la douleur de ceux qui ont souffert. Vous avez la capacité non seulement de juger, de souligner des erreurs, mais également cette autre capacité magnifique et constructive : celle de comprendre. Comprendre que même derrière une erreur – parce qu’une erreur est une erreur et il ne faut pas le maquiller – il y a une infinité de raisons, de circonstances atténuantes. Combien la Colombie a besoin de vous pour se mettre dans la peau de tous ceux pour lesquels de nombreuses générations n’ont pas pu ou n’ont pas su le faire, ou n’ont pas trouvé les modalités d’une compréhension adéquate !

A vous, les jeunes, il vous est très facile de vous rencontrer. Il vous suffit d’un bon café, d’un bon verre ou quoi que ce soit comme prétexte pour susciter la rencontre. Les jeunes se retrouvent sur la musique, l’art…oui, même une finale entre l’Atlético Nacional et l’América de Cali est une occasion pour se réunir ! Vous pouvez nous enseigner que la culture de la rencontre ne consiste pas à penser, à vivre ni à réagir tous de la même manière ; elle consiste à savoir qu’au-delà de nos différences nous faisons tous partie de quelque chose de grand qui nous unit et nous transcende, nous faisons partie de ce merveilleux pays.

Votre jeunesse vous rend capables aussi de quelque chose de très difficile dans la vie : pardonner. Pardonner à ceux qui nous ont blessés ; il est remarquable de voir comment vous ne vous laissez pas embobiner par de vieilles histoires, comment vous nous regardez avec étonnement, nous les adultes, répéter des histoires de divisions seulement pour rester prisonniers des rancœurs. Vous nous aidez dans cette tentative de laisser derrière ce qui nous a blessés et vous nous aidez à regarder en avant sans le fardeau de la haine, parce que vous nous faites voir le monde entier qu’il y a devant, toute la Colombie qui veut grandir et continuer à se développer ; cette Colombie qui a besoin de chacun de nous et que, nous les plus âgés, nous vous devons.

Et c’est précisément pour cela que vous affrontez l’énorme défi de nous aider à guérir notre cœur ; de nous transmettre l’espérance jeune qui est toujours prête à donner aux autres une seconde chance. Les environnements d’inquiétude et d’incrédulité enferment l’âme, environnements qui ne trouvent pas d’issue aux problèmes et qui boycottent ceux qui essayent, abiment l’espérance dont toute communauté a besoin pour avancer. Que vos illusions et vos projets donnent de l’oxygène à la Colombie et la remplissent de saines utopies.

C’est seulement ainsi que vous vous résoudrez à découvrir le pays qui se cache derrière les montagnes ; celui qui ne fait pas les titres des journaux et n’apparaît pas parmi les préoccupations quotidiennes parce qu’il est très loin. Ce pays que l’on ne voit pas et qui fait partie de ce corps social qui a besoin de nous : découvrir la Colombie profonde. Les cœurs jeunes sont stimulés devant les grands défis : combien de beautés naturelles y-a-t-il à contempler sans avoir besoin de les exploiter ! Que de jeunes comme vous ont besoin de votre main tendue, de votre épaule pour entrevoir un avenir meilleur.

Aujourd’hui j’ai voulu passer ces moments avec vous, je suis sûr que vous avez la capacité nécessaire pour construire la nation que nous avons toujours rêvée. Les jeunes sont l’espérance de la Colombie et de l’Eglise ; sur leur chemin et sur leurs pas nous devinons ceux du Messager de paix, de celui qui nous porte de bonnes nouvelles.

Chers frères et sœurs de ce pays bien-aimé, je m’adresse maintenant à tous, enfants, jeunes, adultes et personnes âgées, comme celui qui veut être porteur d’espérance ; que les difficultés ne vous oppriment pas, que la violence ne vous abatte pas, que le mal ne vous vainque pas. Nous croyons que Jésus, par son amour et sa miséricorde qui demeurent pour toujours, a vaincu le mal, le péché et la mort. Il suffit d’aller à sa rencontre. Je vous invite à l’engagement – non à l’achèvement – pour la rénovation de la société afin qu’elle soit juste, stable, féconde. De ce lieu, je vous encourage à vous appuyer sur le Seigneur, il est le seul qui nous soutient et nous encourage à contribuer à la réconciliation et à la paix.

Je vous embrasse tous et chacun, les malades, les pauvres, les marginalisés, ceux qui sont dans le besoin, les personnes âgées, ceux qui sont dans leurs maisons… chacun de vous ; vous êtes tous dans mon cœur. Et je demande à Dieu de vous bénir. Et s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi.

[01227-FR.01] [Texte original: Espagnol]

Discours du pape François aux autorités de Colombie lors de la visite au palais présidentiel

Vous trouverez ci-dessous le discours du pape François aux Membres du gouvernement et autorités de la République de Colombie lors de la visite au palais présidentiel de Bogotà: 

Monsieur le Président,
Membres du Gouvernement de la République et du Corps Diplomatique Distinguées Autorités,
Représentants de la société civile,
Mesdames et Messieurs,

Je salue cordialement Monsieur le Président de la Colombie, le Docteur Juan Manuel Santos, et je le remercie pour son aimable invitation à visiter cette Nation en un moment particulièrement important de son histoire; je salue les membres du Gouvernement de la République et du Corps Diplomatique. Et, à travers vous, représentants de la société civile, je voudrais saluer affectueusement tout le peuple colombien, en ces premiers instants de mon voyage apostolique.

Je viens en Colombie, en suivant les traces de mes prédécesseurs, le bienheureux Paul VI et saint Jean-Paul II et, comme eux, je suis animé du désir de partager avec mes frères colombiens le don de la foi, qui s’est si fortement enracinée en ces terres, et l’espérance qui palpite dans le cœur de tous. Ce n’est qu’ainsi, avec foi et espérance, qu’on peut surmonter les nombreuses difficultés du chemin et construire un pays qui soit une patrie et une maison pour tous les Colombiens.

La Colombie est une Nation bénie de nombreuses manières ; la nature généreuse non seulement permet l’admiration pour sa beauté, mais aussi invite à un respect minutieux de sa biodiversité. La Colombie est le deuxième pays au monde en biodiversité, et en le parcourant, on peut goûter et voir combien le Seigneur a été bon (cf. Ps 33, 9), en la dotant d’une si grande diversité de flore et de faune à travers ses forêts arrosées par la pluie, à travers ses déserts, à travers le Chocó, les falaises de Cali ou les chaînes de montagnes comme celles de la Macarena et tant d’autres lieux. De même, sa culture est exubérante ; et le plus important : la Colombie est riche par la qualité humaine de ses habitants, hommes et femmes à l’esprit accueillant et bon ; des personnes dotées de ténacité et de courage pour surmonter les obstacles.

Cette rencontre m’offre l’occasion d’exprimer mon appréciation pour les efforts faits tout au long des dernières décennies, pour mettre fin à la violence armée et trouver des chemins de réconciliation. Au cours de l’année écoulée, on a avancé certainement de manière significative. Les pas faits font grandir l’espérance, dans la conviction que la recherche de la paix est un travail toujours inachevé, une tâche sans répit et qui exige l’engagement de tous. Travail qui nous demande de ne pas relâcher l’effort de construire l’unité de la nation et, malgré les obstacles, les différences et les diverses approches sur la manière de parvenir à la cohabitation pacifique, de persévérer dans la lutte afin de favoriser la ‘‘culture de la rencontre’’ qui exige de mettre au centre de toute action, sociale et économique, la personne humaine, sa très haute dignité, et le respect du bien commun. Que cet effort nous fasse fuir toute tentation de vengeance et de recherche d’intérêts uniquement particuliers et à court terme ! Plus difficile est le chemin qui conduit à la paix et à l’entente, plus nous devons nous engager à reconnaître l’autre, à guérir les blessures et à construire des ponts, à serrer les liens et à nous entraider (cf. Exhort. Ap. Evangelii gaudium, n. 67).

La devise de ce pays dit : « Liberté et ordre ». Dans ces deux mots se trouve tout un enseignement. Les citoyens doivent être respectés dans leur liberté et protégés par un ordre stable. Ce n’est pas la loi du plus fort, mais la force de la loi, approuvée par tous, qui régit la cohabitation pacifique. Il faut des lois justes pouvant garantir cette harmonie et aider à surmonter les conflits qui ont déchiré cette Nation durant des décennies ; des lois qui ne naissent pas de l’exigence pragmatique de mettre de l’ordre dans la société mais du désir de s’attaquer aux causes structurelles de la pauvreté qui génèrent exclusion et violence. Ce n’est qu’ainsi qu’on soigne la maladie qui fragilise et rend indigne la société et la laisse toujours au seuil de nouvelles crises. N’oublions pas que l’iniquité est la racine des maux sociaux (cf. ibid., n.202).

Dans cette perspective, je vous encourage à poser le regard sur tous ceux qui, aujourd’hui, sont exclus et marginalisés par la société, ceux qui ne comptent pas pour la majorité et qui sont repoussés et mis à l’écart. Nous sommes tous nécessaires pour créer et former la société. Celle-ci n’est pas constituée uniquement par quelques-uns de ‘‘pur-sang’’, mais par tous. Et c’est ici que s’enracinent la grandeur et la beauté d’un pays, dans lequel tous ont une place et tous sont importants. Il y a de la richesse dans la diversité. Je pense à ce premier voyage de saint Pierre Claver depuis Cartagena jusqu’à Bogota en naviguant sur le Magdalena : sa stupéfaction est la nôtre. Hier et aujourd’hui, nous posons le regard sur les différentes ethnies et sur les habitants des zones les plus reculées, les paysans. Nous arrêtons le regard sur les plus faibles, sur ceux qui sont exploités et maltraités, sur ceux qui n’ont pas de voix, parce qu’on les en a privé ou qu’on ne la leur a pas donnée, ou qu’on ne la leur reconnaît pas. Nous arrêtons le regard également sur la femme, sur son apport, sur son talent, sur sa façon d’être ‘‘mère’’ dans les multiples tâches. La Colombie a besoin de la participation de tous pour s’ouvrir à l’avenir avec espérance.

L’Église, fidèle à sa mission, s’engage pour la paix, la justice et le bien de tous. Elle est consciente que les principes évangéliques constituent une dimension significative du tissu social colombien, et pour cela, peuvent apporter beaucoup à la croissance du pays. En particulier, le respect sacré de la vie humaine, surtout la plus faible et sans défense, est une pierre angulaire dans la construction d’une société sans violence. En outre, nous ne pouvons nous empêcher de souligner l’importance sociale de la famille, voulue par Dieu comme le fruit de l’amour des époux, « lieu où l’on apprend à vivre ensemble dans la différence et à appartenir aux autres » (Ibid. n. 66). Et s’il vous plaît, je vous demande d’écouter les pauvres, ceux qui souffrent. Regardez-les dans les yeux et laissez-vous interroger à tout moment par leurs visages sillonnés de souffrance et par leurs mains suppliantes. En eux, on apprend d’authentiques leçons de vie, d’humanité, de dignité. Car, ceux-là, qui gémissent dans les chaînes, comprennent, bien-sûr, les paroles de celui qui est mort sur la croix – comme le dit le texte de votre hymne national –.

Mesdames et Messieurs, vous avez devant vous une belle et noble mission, qui est en même temps une tâche difficile. L’encouragement de votre grand compatriote Gabriel García Márquez résonne dans le cœur de chaque Colombien : « Sans doute, face à l’oppression, le pillage et l’abandon, notre réponse est la vie. Ni les déluges ni les pestes, ni les famines ni les cataclysmes, ni même les guerres éternelles tout au long des siècles ne sont parvenus à réduire l’avantage tenace de la vie sur la mort. Un avantage qui augmente et s’accélère ». Est donc possible, poursuit l’écrivain, « une nouvelle et irrésistible utopie de la vie, où personne ne peut décider pour les autres, ni même la façon de mourir, où vraiment l’amour est certain et le bonheur possible, et où les lignées condamnées à cent ans de solitude ont, enfin et pour toujours, une seconde opportunité sur la terre » (Discours de réception du Prix Nobel, 1982).

Beaucoup de temps a été passé dans la haine et dans la vengeance… La solitude de la confrontation permanente se compte déjà par décades et semble avoir duré cent ans ; nous ne voulons pas que quelque genre de violence que ce soit limite ou sacrifie ne serait-ce qu’une seule vie de plus. Et j’ai voulu venir ici pour vous dire que vous n’êtes pas seuls, que nous sommes nombreux, nous qui voulons vous accompagner sur ce chemin; ce voyage se veut un encouragement pour vous, un apport qui en quelque sorte aplanit le chemin vers la réconciliation et la paix.

Vous êtes présents dans mes prières. Je prie pour vous, pour le présent et pour l’avenir de la Colombie.

[01226-FR.01] [Texte original: Espagnol]

Une autre semaine tragique sous le soleil de Satan

CNS photo/JJ Guillen, EPA

Cette semaine, l’actualité a eu tôt fait de nous rappeler l’aspect tragique de l’histoire. De Charlottesville à Barcelone, les médias continuent de manifester la difficile entente entre les hommes, la vigilance et l’effort constants dont doivent faire preuve nos sociétés pour éviter les débordements et maintenir l’État de droit. Nous qui, depuis la deuxième guerre mondiale, pensions être à l’abri du déferlement de violence et de négation des droits humains, nous sommes plongés dans ce que le pape François a, à plusieurs reprises, qualifié de « troisième guerre mondiale par morceaux ».

Devant ces actes horribles de racisme et de haine civilisationnelle, ni le système médiatique qui semble parfois aggraver sinon profiter des tensions actuelles, ni les gouvernements ne semblent être en mesure de rassembler autour d’une nouvelle « Common decency », et d’un seul cœur rester fidèle à la Déclaration des droits de l’homme. En peu de mots, nous sommes témoins d’un monde pris dans l’engrenage du soupçon et où le recours à la violence semble trouver de plus en plus de légitimité chez trop de gens.

Qu’est-ce qui ne tourne pas rond dans notre monde ? Cette question, tous se la posent. En premier lieu, les odieux acteurs. Qu’ils soient racistes ou islamistes, ces terroristes s’entendent sur un point : « l’enfer c’est les autres ». Que ce soit la haine contre les différences ethniques, religieuses ou civilisationnelles, tous s’entendent pour enlever à d’autres hommes et femmes leur dignité humaine, légitimant ainsi de les priver de leurs droits fondamentaux, jusqu’au meurtre. Bien que cette exclusion fondamentale de l’humanité soit poussée aux extrêmes par certains groupes, notre société n’est-elle pas également contaminée par ce poison ? Ne sommes-nous pas nous-mêmes souvent enclins à faire porter le blâme du mal sur d’autres personnes humaines ?

En porte-à-faux contre ces fausses réponses au problème du mal la foi catholique nous apprend que, bien que le péché ait une puissance sur l’homme, il n’en ait pas la source principale. Commentant la dernière demande du Notre Père, le Catéchisme de l’Église catholique enseigne que « le Mal n’est pas une abstraction, mais il désigne une personne, Satan, le Mauvais, l’ange qui s’oppose à Dieu. Le  » diable  » (dia-bolos) est celui qui  » se jette en travers  » du Dessein de Dieu et de son  » œuvre de salut  » accomplie dans le Christ » (no 2851).

Contre un tel ennemi, la seule réponse possible est la prière puisque seul Dieu peut vaincre le Malin et son emprise sur l’humanité. Citoyens, lobbys, journaux, politiciens, Chefs d’État, conventions, juges, tous sont en eux-mêmes impuissants contre celui qui tente par tous les moyens de dresser les hommes les uns contre les autres. On m’aura bien compris, cette vérité n’enlève en rien à la responsabilité des hommes qui succombent à la tentation. Et on doit évidemment condamné, comme l’Église l’a toujours fait, toutes les idéologies infernales et mortifères tels que le nazisme et l’islamisme. Mais l’existence du mal en ce monde ne trouvera de solution que dans la Toute-puissance de la Grâce de Dieu. En ce sens, est donc primordial de renouer avec les paroles de l’apôtre Paul qui, dans l’épitre au Éphésiens (Ep 6, 10-20), nous enseigne que :

Enfin, puisez votre énergie dans le Seigneur et dans la vigueur de sa force.
Revêtez l’équipement de combat donné par Dieu, afin de pouvoir tenir contre les manœuvres du diable.
Car nous ne luttons pas contre des êtres de sang et de chair, mais contre les Dominateurs de ce monde de ténèbres, les Principautés, les Souverainetés, les esprits du mal qui sont dans les régions célestes.
Pour cela, prenez l’équipement de combat donné par Dieu ; ainsi, vous pourrez résister quand viendra le jour du malheur, et tout mettre en œuvre pour tenir bon.
Oui, tenez bon, ayant autour des reins le ceinturon de la vérité, portant la cuirasse de la justice,
les pieds chaussés de l’ardeur à annoncer l’Évangile de la paix,
et ne quittant jamais le bouclier de la foi, qui vous permettra d’éteindre toutes les flèches enflammées du Mauvais.
Prenez le casque du salut et le glaive de l’Esprit, c’est-à-dire la parole de Dieu.
En toute circonstance, que l’Esprit vous donne de prier et de supplier : restez éveillés, soyez assidus à la supplication pour tous les fidèles.

L’actualité mondiale des prochaines années risque d’être encore le triste spectacle du déferlement de la violence. Que ce soit par le racisme ou la haine civilisationnelle, l’exclusion de personnes ou le retrait de leur dignité et de leurs droits fondamentaux ne peut jamais être justifiée. Or, personne ne devrait se considérer hors de portée de cette tentation de l’exclusion, de ce Mal qui nous guette « comme un lion rugissant, qui rôdant, cherchant qui dévorer » (1 Pierre, 5,8).

Renouons donc avec cette rencontre avec le Prince de la Paix par un désir renouvelé pour la prière et l’amour du prochain.

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