Cette semaine à Église en sortie, on s’intéresse aux « Lettres biologiques » du Frère Marie-Victorin avec l’auteur et historien Yves Gingras. On vous présente un reportage sur le Forum jeunesse 2018 de l‘Assemblée des évêques catholiques du Québec. Dans la troisième partie de l’émission, Francis Denis s’entretient avec Ellen Roderick, co-directrice de l’Office pour le mariage, la vie et la famille de l’archidiocèse de Montréal, sur les « lettres biologiques » dans le contexte de l’enseignement de l’Église sur la sexualité.
Église en sortie 16 mars 2018
Cette semaine à Église en sortie, Francis Denis reçoit Delphine Collin-Vézina Ph.D, Directrice du Centre de recherche sur la famille et l’enfance de l’Université McGill sur le Centre pour la Protection des mineurs de l’Université Grégorienne de Rome. On vous présente un reportage sur l’apostolat des jésuites américains « America Media ». Dans la troisième partie d’émission, on parle du Groupe Sainte-Marthe avec Mgr Raymond Poisson, président du Comission épiscopale pour la Justice et la Paix de la Conférence des évêques catholiques du Canada.
Église en sortie 9 mars 2018
Cette semaine à Église en sortie, Francis Denis reçoit l’auteur et théologien Jacques Gauthier sur son tout dernier livre « Les saints, ces fous admirables ». On vous présente la chronique des actualités de la rue avec l’abbé Claude Paradis. Dans la troisième partie de l’émission, on s’entretient avec Mgr Yvon-Joseph Moreau sur son livre « Respirer Dieu ».
Le doux remède de la prière
Nous poursuivons notre exploration du message du pape François pour le Carême 2018. Après le « remède amer de la vérité », le Saint-Père nous invite à renouveler notre engagement envers ce qu’il nomme « le doux remède de la prière ». En effet, comme il existe des remèdes plus agréables que d’autres, la prière en est un qui nous aide à nous connaître davantage et ainsi, nous faire accéder de manière plus directe à la Présence réconfortante de Dieu.
La prière comme remède
La prière, que l’on définit habituellement comme « un dialogue avec Dieu », est un remède en ce sens qu’en nous permettant d’accéder, dès ici-bas, à la quiétude du ciel elle rétablit notre équilibre intérieur et extérieur.
En d’autres termes, la prière remet les choses à leur place intérieurement, non pas à la manière d’une journée au spa ou une séance de relaxation, mais en réorientant jour après jour l’ensemble de notre être à la volonté de Dieu. Créé par Dieu pour vivre de toute éternité en Union parfaite avec la Trinité, l’être humain perd trop souvent conscience des appels décisifs de l’Esprit Saint et finit par ne rechercher que le confort, ce qui se termine bien souvent dans le péché. C’est en ce sens que le « doux remède de la prière » nous permet de rétablir cet ordre intérieur, cette priorité donnée à l’orientation de tout notre être vers Dieu.
Par contre, comme le fait remarquer la plus récente instruction de la Congrégation de la Doctrine de la foi Placuit Deo, cet équilibre intérieur qu’offre Dieu dans la prière, ne doit pas nous convaincre qu’il s’agit d’un « parcours purement intérieur, en marge de nos rapports avec les autres et avec le monde créé ». Nous devons donc aussi demander, dans la prière, la force d’acquérir l’ensemble des vertus nécessaires à notre vocation de frères et sœurs dans le Christ, cet appel à trouver dans l’Église ou dans le monde ceux qui ont besoin de notre aide.
Le doux remède de la prière
Que notre cœur ne puisse être comblé que par l’Infini Amour de Dieu, l’expérience de chaque jour nous le prouve. Combien d’insatisfaits la recherche d’argent, du plaisir, du succès, etc. a-t-elle créés? De fait, « le salut total de la personne ne consiste pas en ce que l’homme pourrait obtenir par lui-même, comme la richesse ou le bien-être matériel, la science ou la technique, le pouvoir ou l’influence sur les autres, la bonne réputation ou l’auto-satisfaction ». Bien au contraire, ces tentatives nous éloignent du seul réconfort possible c’est-à-dire de se savoir aimé d’un Dieu Père qui prend soin de nous inconditionnellement.
Dans ce contexte, la prière nous met physiquement et spirituellement dans les bras de Celui qui, par le Christ, désire, plus que tout, que nous le rejoignions dans sa divinité même. Confiant en sa fidélité indéfectible, nous sommes ainsi délestés des soucis quotidiens qui empoisonnent trop souvent notre vie. Nous arrachant aux illusions des fausses assurances terrestres, la prière nous redonne la liberté nécessaire au bonheur humain. Ainsi, par contraste, on perçoit la douceur de cette prière qui apaise notre cœur et le libère de toutes ces insécurités qui naissent de cette incapacité à voir la Présence aimante de Dieu dans notre vie.
Nous poursuivrons la semaine prochaine cette analyse du message du pape François pour le Carême 2018.
Piquette ou Grand Cru ? À nous de choisir!
Alors que nous sommes sur le point d’entrer dans la deuxième semaine du Carême, nous poursuivons notre lecture du Message du pape François pour le Carême 2018, par une analyse plus détaillée de ce qu’il nommait « le remède parfois amer de la vérité ». En s’y arrêtant quelque peu, on remarquera, à la fois l’acuité et la pertinence de cette formule.
Le remède de la vérité
En quoi la vérité est-elle un remède ? Ne devrait-elle pas au contraire être perçue naturellement comme l’oxygène de notre intelligence plutôt que comme un sirop contre la toux? En effet, la vérité signifie d’abord et avant tout Adaequatio rei et intellectus (l’adéquation entre la réalité et notre intelligence). Parler de vérité comme d’un « remède » signifie donc que nous sommes souvent bien loin d’être en syntonie avec l’objectivité du monde qui nous entoure, préférant les rêves d’Hollywood ou ceux du monde numérique.
Pour retrouver ce lien avec la réalité, le Carême nous offre l’occasion, d’abord de refréner tout ce qui engourdit notre conscience ensuite de se reconnecter à la vérité première qu’est Dieu. En effet, la grâce de tempérance du Carême nous offre l’aide nécessaire pour diminuer cet appétit de consommation (télé, jeux vidéo, alcool, magasinage, etc.) qui, sans être intrinsèquement mauvais, nous détourne trop souvent de l’Unique Nécessaire. « Combien d’autres encore se sont immergés dans une vie complètement virtuelle où les relations semblent plus faciles et plus rapides pour se révéler ensuite tragiquement privées de sens ! » nous dit le Pape!
Notre horaire, ainsi délesté de quelques heures, nous permettra de renouer avec Dieu par la lecture de la Bible, de la vie des saints ou de spiritualité catholique. Tout cela afin de connaître mieux Celui qui désire plus que tout que nous le connaissions davantage.
Un remède amer ?
Le Pape sait que cela n’est pas toujours une partie de plaisir et que ce remède de la vérité peut parfois sembler amer, tel un médicament au goût désagréable. Cela est d’autant plus difficile lorsque l’on considère la culture actuelle. Allergique à la notion même de limites, notre société nous invite à tout remettre en question sous prétexte d’une quelconque émancipation. C’est ainsi que, peu à peu, les civilisations se détachent des institutions millénaires comme la famille, l’Église, la patrie et, encore plus radicalement, refuse des notions telles que la différentiation sexuelle ou l’accueil de la vie de la conception à la mort naturelle. Hypnotisés par l’utopie transhumaniste, nous assistons à la liquéfaction de ce qui, n’en déplaise aux partisans de ces théories, demeure son socle c’est-à-dire la nature humaine et son ouverture spirituelle.
Contre cette tentation de considérer l’homme au-dessus ou au-dessous de ce qu’il est, le remède amer de la vérité nous apprend à garder une juste anthropologie, soucieuse de maintenir la primauté de la dimension spirituelle de la personne. Redécouvrir la nature humaine nous aidera donc à discerner ce qui, dans notre vie, nous éloigne de nous-mêmes et de nos véritables besoins existentiels. Loin de tomber dans ce mirage d’une absolue autonomie de l’homme devant sa condition, nous redécouvrirons cette condition de notre libération véritable qu’est la conscience de notre absolue dépendance envers Dieu. Ainsi, notre goût de la vérité se perfectionnera comme le goût d’une personne qui apprend à reconnaître un bon vin. En ce sens, « l’amertume de la vérité » n’est autre que notre acharnement à confondre piquette et Grand Cru.
La semaine prochaine nous poursuivrons notre analyse du message du pape François pour le Carême 2018 en examinant « la douceur de la prière ».
Église en sortie 16 février 2018
Cette semaine à Église en sortie, Francis Denis reçoit Jessica Poulin qui nous parle de son premier album « Le passage » dédié aux personnes en fin de vie. On vous présente un reportage sur la conférence Francis@FIVE à l’Université Fordham de New-York. Dans la troisième partie de l’émission, Mgr Christian Lépine, archevêque de Montréal nous relate son expérience comme représentant de la Conférence des évêques catholique du Canada lors du voyage apostolique du pape François au Pérou.
Le remède du Carême selon le pape François
Le 6 février dernier, le pape François publiait son message du Carême 2018. Visant à réaffirmer la foi et l’ardeur de la charité des catholiques, ce message nous invite à l’introspection plus qu’à l’accusation lorsque nous considérons le mal dans notre monde.
L’ampleur du mal et les faux prophètes
Dans un premier temps, le Saint-Père nous exhorte à la vigilance envers les soi-disant « maîtres » qui se présentent à nous et que nous suivons trop souvent et facilement. En effet, « face à des événements douloureux, certains faux prophètes tromperont beaucoup de personnes, jusqu’au point d’éteindre dans les cœurs la charité ». Mais qui sont ces faux prophètes contre lesquels nous devons nous prémunir ? Ce sont ceux qui viennent éteindre en nous la certitude en la primauté de la Providence de Dieu, qui naît de la foi.
Sommes-nous donc conscients et certains que devant l’ampleur du mal, Dieu écrit son Histoire Sainte ? Ou nous laissons-nous décourager par les mauvaises nouvelles jusqu’à nous justifier de notre inaction et remettre à plus tard cette soif de prière, pourtant bien réelle, qui demeure en nous tous ?
De charmés à charlatants
Lorsque nous nous laissons charmer par ces tentations de faux bonheurs (drogues, égoïsme, amour désordonné des richesses, concupiscence des yeux et orgueil), nous devenons nous-mêmes des charlatans puisque, par tout le mal que nous faisons ou ce bien que nous ne faisons pas par omission, nous participons à cette injustice cosmique contre les hommes et le monde. Ainsi, ces « « charmeurs de serpents », qui utilisent les émotions humaines pour réduire les personnes en esclavage et les mener à leur gré » ne se contentent pas de faire de nous des pantins. Ils font de nous des tentateurs à notre tour.
Cela tient à la logique de notre nature. Créé pour l’Infini, notre cœur ne peut se satisfaire des bonnes choses de ce monde, d’où le besoin constant de nouveautés. Or cet appétit insatiable (chef-d’œuvre de la création lorsqu’il se déploie en Dieu) devient lui-même autodestructeur lorsqu’il n’y trouve pas son repos. On devient donc des consommateurs de biens matériels d’abord, et de personnes ensuite. Tout cela au grand détriment des plus pauvres et de l’environnement.
Cette pente glissante nous emmène tranquillement et sournoisement à ne plus reconnaître et même dédaigner les plus belles réalités de notre monde : « tout cela se transforme en violence à l’encontre de ceux qui sont considérés comme une menace à nos propres « certitudes » : l’enfant à naître, la personne âgée malade, l’hôte de passage, l’étranger, mais aussi le prochain qui ne correspond pas à nos attentes ».
Remède au mal
Devant les myriades de faux prophètes qui nous entourent, de ceux qui, par leur utopies ou distropies, nous promettent le paradis maintenant ou jamais, nous devons redécouvrir le mystère de la Providence divine. Cette omniprésence de Dieu qui, pour nous permettre de l’aimer librement, reste « caché » jusqu’à notre propre trépas.
En ce sens, ce temps de Carême nous permet de nous rendre compte que le seul vrai salut du monde, le seul vrai bonheur vient de notre union à ce Dieu qui s’est fait proche de nous en Jésus-Christ. Cette invitation prend une dimension très concrète pendant 40 jours où peuvent s’exprimer tout particulièrement des gestes qui, selon la Tradition de l’Église, sont à même de nous rapprocher de Dieu. En effet, « L’Église, notre mère et notre éducatrice, nous offre pendant ce temps du Carême, avec le remède parfois amer de la vérité, le doux remède de la prière, de l’aumône et du jeûne ». Dans cette attente active vers Pâques, nous explorerons plus en profondeur, au cours des prochaines semaines, ces quatre exercices de l’âme : vérité, prière, aumône et jeûne.
« La charte n’est pas un CREDO »: la liberté de conscience selon Mgr Christian Lépine
Depuis quelques semaines déjà, un bras de fer s’est enclenché opposant le gouvernement du Canada et plusieurs groupes défendant la liberté de conscience. Au cœur de la tourmente, la modification des règles d’admissibilité aux subventions pour les emplois d’été au gouvernement fédéral. Ces changements excluent a priori toute organisation ne partageant pas une option en faveur de l’avortement. Bien que cette nouvelle règle ait été contestée par des groupes de toutes les confessions religieuses, l’épiscopat canadien fut sans contredit à l’avant-scène des discussions.
Encore tout récemment, l’évêque du Diocèse de London en Ontario, publiait un communiqué de presse cinglant dans lequel il affirmait que « nous devons nous lever contre cette position du gouvernement du Canada en affirmant que nous ne nous laisserons pas intimider (bullied) en ayant même l’apparence de collusion sur cet enjeu ». Pour l’évêque de London, il ne fait aucun doute qu’il s’agit « d’une regrettable violation de la liberté de conscience et de religion, de penser et de croire, d’opinion et d’expression, garantie par la Charte ».
Au Québec, dans une entrevue accordée à Sel et Lumière, Mgr Christian Lépine souligne que l’on peut voir la question de deux manières. En effet, il affirme que « l’angle des jeunes qui se verront refuser un travail l’été prochain ne doit certainement pas rester sous silence » sans oublier les différents destinataires des services rendus par ces jeunes durant l’été qui souffriront d’une manière non négligeable de leur absence.
De plus, l’archevêque souligne la tendance profonde de l’utilisation idéologique de la Charte canadienne des Droits et Libertés : « le but d’une charte n’est pas d’être un système de croyances parallèlement à d’autres systèmes de croyances. Son rôle est plutôt de délimiter un espace de liberté où les différentes croyances et de convictions peuvent s’exercer dans le dialogue et la sécurité ». Dans ce cas précis, on utilise la Charte comme un système venant s’opposer aux croyances des gens, qu’elles soient chrétiennes ou autres en leur imposant des valeurs qui leur sont contradictoires. « La Charte n’est pas un Credo » affirme Mgr Christian Lépine.
Afin de retrouver le véritable sens de ce qu’est une Charte, Mgr Lépine invite les dirigeants à un retour aux sources, « à la mère de toutes les chartes qu’est la Déclaration universelle des droits de l’homme ». À court terme, selon l’archevêque de Montréal, les institutions catholiques sont appelées à exercer leur droit fondamental à la liberté de conscience « en remplissant leur demande de subvention sans cocher l’alinéa en question et le gouvernement fera son cheminement ».
Notez que cette polémique s’inscrit dans un rétrécissement des libertés civiles imposé aux groupes pro-vie du Canada. En février 2014, Justin Trudeau avait affirmé son intention d’exclure tous les candidats pro-vie du Parti Libéral du Canada.
Église en sortie 9 février 2018
Cette semaine à Église en sortie: Francis Denis reçois Robert Lalonde qui nous parle de son livre « D’encre et de Chair: voyage aux pays des artisans de ponts de paix ». On vous présente un reportage sur la visite de la relique de Saint-François Xavier à la cathédrale Marie-Reine-du-Monde de Montréal. Dans la troisième partie de l’émission, entrevue avec l’auteur et théologien Jacques Gauthier sur son livre « Heni Caffarel: Maître d’oraison »
Message du pape François pour le Carême 2018
Vous trouverez ci-dessous le texte du Message du pape François pour le Carême 2018:
« À cause de l’ampleur du mal,
la charité de la plupart des hommes se refroidira » (Mt 24, 12)Chers Frères et Sœurs,
La Pâque du Seigneur vient une fois encore jusqu’à nous ! Chaque année, pour nous y préparer, la Providence de Dieu nous offre le temps du Carême. Il est le « signe sacramentel de notre conversion »[1], qui annonce et nous offre la possibilité de revenir au Seigneur de tout notre cœur et par toute notre vie.
Cette année encore, à travers ce message, je souhaite inviter l’Eglise entière à vivre ce temps de grâce dans la joie et en vérité ; et je le fais en me laissant inspirer par une expression de Jésus dans l’Évangile de Matthieu : « À cause de l’ampleur du mal, la charité de la plupart des hommes se refroidira » (24, 12). Cette phrase fait partie du discours sur la fin des temps prononcé à Jérusalem, au Mont des Oliviers, précisément là où commencera la Passion du Seigneur. Jésus, dans sa réponse à l’un de ses disciples, annonce une grande tribulation et il décrit la situation dans laquelle la communauté des croyants pourrait se retrouver : face à des évènements douloureux, certains faux prophètes tromperont beaucoup de personnes, presqu’au point d’éteindre dans les cœurs la charité qui est le centre de tout l’Évangile.
Les faux prophètes
Mettons-nous à l’écoute de ce passage et demandons-nous : sous quels traits ces faux prophètes se présentent-ils ? Ils sont comme des « charmeurs de serpents », c’est-à-dire qu’ils utilisent les émotions humaines pour réduire les personnes en esclavage et les mener à leur gré. Que d’enfants de Dieu se laissent séduire par l’attraction des plaisirs fugaces confondus avec le bonheur ! Combien d’hommes et de femmes vivent comme charmés par l’illusion de l’argent, qui en réalité les rend esclaves du profit ou d’intérêts mesquins ! Que de personnes vivent en pensant se suffire à elles-mêmes et tombent en proie à la solitude !
D’autres faux prophètes sont ces « charlatans » qui offrent des solutions simples et immédiates aux souffrances, des remèdes qui se révèlent cependant totalement inefficaces : à combien de jeunes a-t-on proposé le faux remède de la drogue, des relations « use et jette », des gains faciles mais malhonnêtes ! Combien d’autres encore se sont immergés dans une vie complètement virtuelle où les relations semblent plus faciles et plus rapides pour se révéler ensuite tragiquement privées de sens ! Ces escrocs, qui offrent des choses sans valeur, privent par contre de ce qui est le plus précieux : la dignité, la liberté et la capacité d’aimer. C’est la duperie de la vanité, qui nous conduit à faire le paon…. pour finir dans le ridicule ; et du ridicule, on ne se relève pas. Ce n’est pas étonnant : depuis toujours le démon, qui est « menteur et père du mensonge » (Jn 8, 44), présente le mal comme bien, et le faux comme vrai, afin de troubler le cœur de l’homme. C’est pourquoi chacun de nous est appelé à discerner en son cœur et à examiner s’il est menacé par les mensonges de ces faux prophètes. Il faut apprendre à ne pas en rester à l’immédiat, à la superficialité, mais à reconnaître ce qui laisse en nous une trace bonne et plus durable, parce que venant de Dieu et servant vraiment à notre bien.
Un cœur froid
Dans sa description de l’enfer, Dante Alighieri imagine le diable assis sur un trône de glace[2] ; il habite dans la froidure de l’amour étouffé. Demandons-nous donc : comment la charité se refroidit-elle en nous ? Quels sont les signes qui nous avertissent que l’amour risque de s’éteindre en nous?
Ce qui éteint la charité, c’est avant tout l’avidité de l’argent, « la racine de tous les maux » (1Tm 6, 10) ; elle est suivie du refus de Dieu, et donc du refus de trouver en lui notre consolation, préférant notre désolation au réconfort de sa Parole et de ses Sacrements.[3] Tout cela se transforme en violence à l’encontre de ceux qui sont considérés comme une menace à nos propres « certitudes » : l’enfant à naître, la personne âgée malade, l’hôte de passage, l’étranger, mais aussi le prochain qui ne correspond pas à nos attentes.
La création, elle aussi, devient un témoin silencieux de ce refroidissement de la charité : la terre est empoisonnée par les déchets jetés par négligence et par intérêt ; les mers, elles aussi polluées, doivent malheureusement engloutir les restes de nombreux naufragés des migrations forcées ; les cieux – qui dans le dessein de Dieu chantent sa gloire – sont sillonnés par des machines qui font pleuvoir des instruments de mort.
L’amour se refroidit également dans nos communautés. Dans l’Exhortation Apostolique Evangelii Gaudium, j’ai tenté de donner une description des signes les plus évidents de ce manque d’amour. Les voici : l’acédie égoïste, le pessimisme stérile, la tentation de l’isolement et de l’engagement dans des guerres fratricides sans fin, la mentalité mondaine qui conduit à ne rechercher que les apparences, réduisant ainsi l’ardeur missionnaire.[4]
Que faire ?
Si nous constatons en nous-mêmes ou autour de nous les signes que nous venons de décrire, c’est que l’Eglise, notre mère et notre éducatrice, nous offre pendant ce temps du Carême, avec le remède parfois amer de la vérité, le doux remède de la prière, de l’aumône et du jeûne.
En consacrant plus de temps à la prière, nous permettons à notre cœur de découvrir les mensonges secrets par lesquels nous nous trompons nous-mêmes[5], afin de rechercher enfin la consolation en Dieu. Il est notre Père et il veut nous donner la vie.
La pratique de l’aumône libère de l’avidité et aide à découvrir que l’autre est mon frère : ce que je possède n’est jamais seulement mien. Comme je voudrais que l’aumône puisse devenir pour tous un style de vie authentique ! Comme je voudrais que nous suivions comme chrétiens l’exemple des Apôtres, et reconnaissions dans la possibilité du partage de nos biens avec les autres un témoignage concret de la communion que nous vivons dans l’Eglise. A cet égard, je fais mienne l’exhortation de Saint Paul quand il s’adressait aux Corinthiens pour la collecte en faveur de la communauté de Jérusalem : « C’est ce qui vous est utile, à vous » (2 Co 8, 10). Ceci vaut spécialement pour le temps de carême, au cours duquel de nombreux organismes font des collectes en faveur des Eglises et des populations en difficulté. Mais comme j’aimerais que dans nos relations quotidiennes aussi, devant tout frère qui nous demande une aide, nous découvrions qu’il y a là un appel de la Providence divine: chaque aumône est une occasion pour collaborer avec la Providence de Dieu envers ses enfants ; s’il se sert de moi aujourd’hui pour venir en aide à un frère, comment demain ne pourvoirait-il pas également à mes nécessités, lui qui ne se laisse pas vaincre en générosité ? [6]
Le jeûne enfin réduit la force de notre violence, il nous désarme et devient une grande occasion de croissance. D’une part, il nous permet d’expérimenter ce qu’éprouvent tous ceux qui manquent même du strict nécessaire et connaissent les affres quotidiennes de la faim ; d’autre part, il représente la condition de notre âme, affamée de bonté et assoiffée de la vie de Dieu. Le jeûne nous réveille, nous rend plus attentifs à Dieu et au prochain, il réveille la volonté d’obéir à Dieu, qui seul rassasie notre faim.
Je voudrais que ma voix parvienne au-delà des confins de l’Eglise catholique, et vous rejoigne tous, hommes et femmes de bonne volonté, ouverts à l’écoute de Dieu. Si vous êtes, comme nous, affligés par la propagation de l’iniquité dans le monde, si vous êtes préoccupés par le froid qui paralyse les cœurs et les actions, si vous constatez la diminution du sens d’humanité commune, unissez-vous à nous pour qu’ensemble nous invoquions Dieu, pour qu’ensemble nous jeûnions et qu’avec nous vous donniez ce que vous pouvez pour aider nos frères !
Le feu de Pâques
J’invite tout particulièrement les membres de l’Eglise à entreprendre avec zèle ce chemin du carême, soutenus par l’aumône, le jeûne et la prière. S’il nous semble parfois que la charité s’éteint dans de nombreux cœurs, cela ne peut arriver dans le cœur de Dieu ! Il nous offre toujours de nouvelles occasions pour que nous puissions recommencer à aimer.
L’initiative des « 24 heures pour le Seigneur », qui nous invite à célébrer le sacrement de Réconciliation pendant l’adoration eucharistique, sera également cette année encore une occasion propice. En 2018, elle se déroulera les vendredi 9 et samedi 10 mars, s’inspirant des paroles du Psaume 130 : « Près de toi se trouve le pardon » (Ps 130, 4). Dans tous les diocèses, il y aura au moins une église ouverte pendant 24 heures qui offrira la possibilité de l’adoration eucharistique et de la confession sacramentelle.
Au cours de la nuit de Pâques, nous vivrons à nouveau le rite suggestif du cierge pascal : irradiant du « feu nouveau », la lumière chassera peu à peu les ténèbres et illuminera l’assemblée liturgique. « Que la lumière du Christ, ressuscitant dans la gloire, dissipe les ténèbres de notre cœur et de notre esprit »[7] afin que tous nous puissions revivre l’expérience des disciples d’Emmaüs : écouter la parole du Seigneur et nous nourrir du Pain eucharistique permettra à notre cœur de redevenir brûlant de foi, d’espérance et de charité.
Je vous bénis de tout cœur et je prie pour vous. N’oubliez pas de prier pour moi.
Du Vatican, le 1er November 2017
Solennité de la ToussaintFrançois
[1] Texte original en italien: “segno sacramentale della nostra conversione”, in: Messale Romano, Oraison Collecte du 1er dimanche de carême. N.B. Cette phrase n’a pas encore été traduite dans la révision (3ème), qui est en cours, du Missel romain en français.
[2] « C’est là que l’empereur du douloureux royaume/de la moitié du corps se dresse hors des glaces » (Enfer XXXIV, 28-29)
[3] « C’est curieux, mais souvent nous avons peur de la consolation, d’être consolés. Au contraire, nous nous sentons plus en sécurité dans la tristesse et dans la désolation. Vous savez pourquoi ? Parce que dans la tristesse nous nous sentons presque protagonistes. Mais en revanche, dans la consolation, c’est l’Esprit Saint le protagoniste ! » (Angelus, 7 décembre 2014)
[4] Nn. 76-109
[5] Cf Benoît XVI , Lett. Enc. Spe Salvi, n. 33
[6] Cf Pie XII, Lett. Enc. Fidei donum, III
[7] Missel romain, Veillée pascale, Lucernaire