L’importance du ressourcement spirituel chez les jeunes


Photo: © CNS photo/Vatican Media

Récemment, je suis allée au Sanctuaire Marie Reine de Cœurs avec une communauté hispanophone pour un pèlerinage d’une journée. Ayant déjà participé à plusieurs pèlerinages et retraites, je sentais ce désir d’aller avec ma petite famille pour approfondir ma foi. D’ailleurs, j’ai remarqué au courant de ses dernières années que peu de jeunes participent à un pèlerinage. Cela m’amène à un point : les jeunes ne se sentent pas interpellés. Mais pourquoi? N’avons-nous donc pas tous un désir de grandir, d’approfondir non seulement la foi, mais surtout notre identité en tant qu’être humain, ou, du moins, en tant que personne désireuse d’un avenir meilleur? Pourtant, c’est dans ce silence et ce dégagement entier de toutes préoccupations humaines qu’on peut plus se connecter à Dieu. C’est une façon de méditer et prier concernant nos réflexions de viepour en sortir avec des solutions, sentir la présence du Seigneur, ou du moins, se sentir allégé et confiant que tout repose dans les mains de Dieu.

Alors pourquoi les jeunes ne sentent pas le besoin de se retirer un peu de notre société qui est, après tout, constamment mouvementée? Peut-être parce qu’ils y sont habitués depuis leur naissance et donc ne ressentent pas ce besoin. Ou peut-être encore qu’avec le désintérêt qu’attribue la génération des milléniaux à la religion, ou du moins à la spiritualité, il est un tant soit peu normal que ce besoin soit complètement enseveli.  Pourtant, la société d’aujourd’hui va tellement vite qu’ils ne prennent pas le temps, ou bien ne choisissent pas de prendre le temps de ralentir. Avec tout ce qu’on vit, je pense qu’il faut accorder une place primordiale à se recentrer, se connecter à Dieu pour ensuite se sentir plus libre de toutes préoccupations, puisqu’on sait qu’après toute retraite spirituelle nous grandissons et nous comprenons qu’il faut simplement faire confiance à Dieu.

Celui qu’on essaie d’imiter, a Lui-même fait plusieurs retraites spirituelles. Nous pouvons prendre exemple lorsque Jésus se retirait loin de la foule et loin de tout pour prier son Père (Mt 14.22-23; Lc 9.28). Il voulait simplement être en communion avec son Père, et nous devons faire pareil. Il a prôné l’exemple à suivre. Pour être en communion avec le Saint Père, nous devons prendre le temps de nous retirer en silence et accorder une priorité pour approfondir notre relation avec Dieu.

Plusieurs jeunes pourraient dire qu’un pèlerinage ou une retraite est une perte de temps. Pourquoi se retirer et aller ailleurs pour méditer si on peut le faire chez nous? Pour répondre à cette question, j’invite fortement les jeunes à sortir de leur zone de confort simplement pour faire l’essai. Nous devons essayer en premier avant d’en tirer des conclusions. Le Pape François nous rappelle constamment qu’il faut sortir de notre zone de confort pour aller annoncer la bonne nouvelle et aider notre prochain. Nous ne pouvons pas nous permettre de ne rien faire. Grâce à une activité de pèlerinage ou une retraite spirituelle, nous ne pouvons que sortir gagnant puisque nous prenons le temps d’apprendre plus sur nous même, mais surtout, on se rend disponible à l’écoute de la Parole de Dieu. Avec ces outils spirituels, nous pouvons accomplir notre devoir de chrétien.

Nous écoutons souvent cette fameuse phrase qui parle du « lâcher-prise ». Plusieurs jeunes d’aujourd’hui veulent révolutionner le monde et des jeunes chrétiens cherchent une façon propice pour évangéliser et propager la bonne nouvelle autour du monde. Ce qui peut être très bien. Par contre, il est important de se rappeler que rien ne peut être totalement fait et accomplit sans l’aide du Seigneur. Alors, si nous accordons un peu de temps pour se connecter à Dieu, nous comprendrons qu’il faut simplement mettre TOUT dans les mains de Celui qui a tout créé, entre-autres, le « lâcher-prise ».

J’invite tous les jeunes du monde à prendre du temps pour soi-même, en compagnie de Dieu, à prendre du recul sur ses priorités, ses relations, ses préoccupations de vie pour revenir et en sortir meilleur. En allant à un pèlerinage ou une retraite spirituelle, nous nous recentrons sur l’essentiel pour faire place au nouveau et nous visons une nouvelle intimité avec Celui qui est la source de la vie. Dans le profond de notre cœur, on fait place au silence pour pouvoir entendre sa voix, sa présence et de cette manière lui dire « Seigneur me voici pour faire ta volonté » (Ps, 39).

Maribel Mayorga-Espinoza

« Protection des personnes mineures» : une démarche de contrition

Jeudi dernier le 4 octobre 2018, la Conférence des évêques catholiques du Canada publiait le document intitulé « Protection des personnes mineures contre les abus sexuels ». D’environ 200 pages et composé d’une annexe et de ressources à la disposition des catholiques, ce document important divisé en trois parties se veut un « Appel aux fidèles catholiques du Canada pour la guérison, la réconciliation et la transformation ». Prenant acte du mal commis à la fois par les membres de l’Église ayant abusé de personnes vulnérables et à la fois par ceux qui ont fait obstacle au processus judiciaire auquel ces derniers auraient dû faire face, la hiérarchie de l’Église canadienne fait aujourd’hui son mea-culpa devant Dieu et l’ensemble de la société afin que plus jamais de tels actes ne se produisent. Cette prise de parole historique ne se complait cependant pas dans la repentance inactive mais tente plutôt d’offrir des directives claires pour que les réformes attendues se mettent en place tant dans les consciences du Peuple de Dieu que dans les structures institutionnelles. Nous examinerons aujourd’hui la première partie de ce document.

Une démarche de contrition

Cherchant à appliquer son propre patrimoine moral à la situation, nous pouvons dire que ce document de la CECC respecte les conditions de la contrition telle que l’exige la célébration valide du sacrement de pénitence. En effet, selon le Concile de Trente, la contrition est « une douleur de l’âme et une détestation du péché commis avec la résolution de ne plus pécher à l’avenir » (CEC no 1451). En ce sens, les évêques sont pleinement conscients des erreurs commises dans le passé et prennent acte face aux récentes révélations en lien avec l’actualité (p.18). Sachant que les scandales des dernières semaines ont « profondément affectés » l’ensemble des fidèles catholiques, les évêques sont loin de s’apitoyer sur leur propre sort. Ils ont, au contraire, la ferme intention de mettre au premier plan la guérison des victimes, sans égards, comme ce fut le cas par le passé, malgré les risques que cela comporte.

Douleur de l’âme

Bien que l’institution hiérarchique canadienne ait la responsabilité des actes commis dans le passé, aucun évêque en place ne s’est rendu personnellement coupable d’actes ignobles ou de couvertures de cas. Ainsi, puisque ce document revient à prendre sur eux le fardeau laissé par certains de leurs prédécesseurs, nous ne pouvons qu’être admiratif devant l’humilité et la compassion de ces hommes qui, comme le Christ, se mettent réellement au service des plus petits. Cette profonde douleur devant les péchés de l’Institution à laquelle ils ont donné leur vie est donc bénéfique puisque orientée à prendre sur eux la plus souffrante partie du Peuple de Dieu qui leur est confiée c’est-à-dire les victimes elles-mêmes. Les leçons 1 et 2 vont en ce sens.

Dans un premier temps, l’expérience de rencontres « pastorales avec les victimes » (p.25) a manifesté que « rencontrer les victimes face à face qualifient ces rencontres de déchirantes » et que « « bien qu’il puisse être difficile, et même humiliant, pour un évêque de trouver le courage de rencontrer les victimes, le pape Benoît XVI a montré que ce n’est pas impossible » (p.26). Ainsi, parce qu’une contrition digne de ce nom passe nécessairement par cette douleur de l’âme, il est impératif que les évêques du Canada mettent sur pied de telles rencontres et qu’ainsi ils apprennent à « tendre la main aux victimes avec le désir de les accompagner sur le chemin de la guérison » (p.27).

La « leçon 2 » selon laquelle les évêques et fidèles catholiques doivent « mieux connaître les abus sexuels » va également dans l’approfondissement de la douleur nécessaire à une réelle contrition. Que ce soit par une meilleure connaissance des « effets des agressions sexuelles » (p.29) psychologiques et sociologiques ou par une formation accrue concernant le « profil psychologique des délinquants » (p.29) permettant un dépistage plus efficace, les évêques du Canada sont disposés, bien que ce soit douloureux à bien des égards, à inclure ce type de formations aux différents niveaux des structures des diocèses canadiens.

Sur le chemin de réconciliation

La semaine prochaine, nous poursuivrons notre parcours de ce document important de la Conférence des évêques catholiques du Canada en examinant comment y est manifestée la prise de conscience du mal commis par un respect des exigences propres d’une contrition sincère telle qu’enseignée par le Christ lors de l’institution du sacrement de pénitence.

Nunzio Sulprizio: modèle de patience et de gentillesse dans la souffrance

Laïc italien (a travaillé comme apprenti forgeron)
Jour de fête : 5 mai
13 avril 1817 – 5 mai 1836

Nunzio Sulprizio est né le 13 avril 1817, alors que lEurope connaissait une grande famine, mais cette épreuve na pas été laspect le plus difficile de son enfance. Quand son père mourut, il navait que trois ans et deux ans plus tard, sa mère mourut également. Au milieu de ces tragédies, Nunzio a été envoyé chez sa grand-mère, mais elle est également décédée alors quil navait que huit ans. Il a pu supporter une telle perte, en partie parce qu’il prenait le temps dassister à la messe, même encore petit garçon, apprenant à connaitre Dieu et à suivre lexemple de Jésus et des saints et des saintes.

La douleur de perdre parents et grand-mère à un si jeune âge aurait semblé suffisante pour quiconque, pourtant l’enfant continua d’éprouver des difficultés dans sa vie, ayant été envoyé chez un oncle qui était violent et cruel. Cet oncle na pas permis à Nunzio daller à lécole et la plutôt engagé comme apprenti forgeron. Malheureusement pour le garçon, la réalité était moins celle dun apprentissage que celle dune servitude. Son oncle était dur avec lui, le battant souvent ou ne le nourrissant pas adéquatement, et si l’oncle croyait que son neveu avait besoin dêtre réprimandé ou corrigé, il le traitait plus durement.

Un jour, en 1831, la situation devint trop pénible pour Sulprizio. Son oncle lenvoya chercher du matériel dans les collines. Il revint de ce travail épuisé ce soir-là, ayant une jambe enflée et une fièvre brûlante qui lobligea à se mettre au lit. Le lendemain matin, il saperçut quil ne pouvait plus se tenir debout. Bien que son oncle ait été indifférent à la situation, le travail avait visiblement été trop lourd pour Nunzio. Plus tard, son état fut diagnostiqué comme la gangrène dans une jambe.

Il devint très malade et, le 20 juin 1832, il entra à lhôpital des Incurables à Naples pour se faire soigner. Malheureusement, il y resta hospitalisé pour le reste de sa vie. Cétait une situation quil supportait avec beaucoup de patience en offrant sa douleur à Dieu. On lui attribue les paroles suivantes : « Jésus a tellement souffert pour nous et, par ses mérites, nous attendons la vie éternelle. Si nous souffrons un peu, nous goûterons à la joie du paradis. Jésus a beaucoup souffert pour moi. Pourquoi ne devrais-je pas souffrir pour lui ? Je mourrais pour convertir même un seul pécheur. » Cette foi et cette attitude lont amené à aider les autres autant qu’il le pouvait. Bien que souffrant lui-même, le jeune homme aidait les patients à lhôpital et faisait tout ce quil pouvait pour soulager leur misère.

Comme sa douleur persistait, les médecins décidèrent de lui amputer la jambe en 1835 et, même sil saméliorait parfois, sa situation devint sérieuse en mars 1836 ; sa fièvre et ses souffrances augmentaient. Nunzio est décédé deux mois plus tard, le 5 mai 1836, des suites de sa maladie prolongée et dun cancer des os. Il navait que 19 ans.

Durant sa souffrance, Nunzio a toujours été considéré comme un homme doux et pieux. En dépit de sa maladie, il a servi les autres et a été dévoué à sa foi. Des décennies plus tard, cette sainteté conduisit le pape Léon XIII à proposer Sulprizio comme un modèle pour les travailleurs. Lorsque le pape Paul VI le béatifia, le 1er décembre 1963, le Saint-Père le proposa également comme modèle pour les jeunes. Il est clair que par de petits moyens Nunzio a eu un effet puissant sur ceux qui lentouraient, sur lÉglise et sur le monde.

Discours du pape François pour l’ouverture du Synode sur « Les jeunes, la foi et le discernements vocationnel »

(3 octobre 2018) Vous trouverez ci-dessous le texte complet du discours du pape François pour l’ouverture de la XVe Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques sur le thème « Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel »:

Chères Béatitudes, Éminences, Excellences, Chers frères et sœurs, très chers jeunes!

En entrant dans cette salle pour parler des jeunes, on sent déjà la force de leur présence qui émet positivité et enthousiasme, capables d’envahir et de réjouir non seulement cette salle, mais toute l’Église et le monde entier.

C’est pourquoi je ne peux pas commencer sans vous dire merci ! Merci à vous qui êtes présents, merci à toutes les personnes qui, au long d’un chemin de préparation de deux années, – ici dans l’Église de Rome et dans toutes les Églises du monde – ont travaillé avec dévouement et passion pour nous permettre de parvenir à ce moment. Merci infiniment au Cardinal Lorenzo Baldisseri, Secrétaire général du Synode, aux Présidents délégués, au Cardinal Sergio da Rocha, Rapporteur général, à Mgr Fabio Fabene, Sous-Secrétaire, aux officials du Secrétariat général et aux assistants; merci à vous tous, Pères synodaux, auditeurs, auditrices, experts et consulteurs ; aux Délégués fraternels ; aux traducteurs, aux choristes, aux journalistes. Merci infiniment à tous pour votre participation active et féconde.

Méritent un cordial merci les deux Secrétaires spéciaux, le Père Giacomo Costa, jésuite, et Don Rossano Sala, salésien, qui ont travaillé généreusement avec engagement et abnégation.

Je désire aussi remercier vivement les jeunes reliés à nous, en ce moment, et tous les jeunes qui de bien des façons ont fait entendre leurs voix. Je les remercie pour avoir voulu parier que cela vaut la peine de se sentir membres de l’Église ou d’entrer en dialogue avec elle, que cela vaut la peine d’avoir l’Église comme mère, comme éducatrice, comme maison, comme famille, capable, malgré les faiblesses humaines et les difficultés, de faire briller et de transmettre le message indémodable du Christ ; que cela vaut la peine de s’agripper à la barque de l’Eglise qui, même à travers les tempêtes impitoyables du monde, continue à offrir à tous refuge et hospitalité ; que cela vaut la peine de nous mettre à l’écoute les uns des autres ; que cela vaut la peine de nager à contrecourant et de s’attacher à des valeurs supérieures : la famille, la fidélité, l’amour, la foi, le sacrifice, le service, la vie éternelle.

Notre responsabilité ici au Synode est de ne pas les démentir, au contraire, de démontrer qu’ils ont eu raison de parier: vraiment cela vaut la peine, vraiment ce n’est pas du temps perdu!

Et je vous remercie en particulier, chers jeunes présents! Le chemin préparatoire au Synode nous a enseigné que l’univers des jeunes est tellement diversifié qu’il ne peut pas être totalement représenté, mais vous en êtes certainement un signe important. Votre participation nous remplit de joie et d’espérance.

Le Synode que nous allons vivre est un moment de partage. Je désire donc, au début du parcours de l’Assemblée synodale, vous inviter tous à parler avec courage et franchise, c’est-à-dire en intégrant liberté, vérité et charité. Seul le dialogue peut nous faire grandir. Une critique honnête et transparente est constructive et cela aide, au contraire des bavardages inutiles, des rumeurs, des conjectures et des préjugés.

Au courage de parler doit correspondre l’humilité de l’écoute. J’ai dit aux jeunes à l’occasion de la Réunion pré-synodale : « S’il dit quelque chose qui ne me plaît pas, je dois l’écouter encore plus, parce que chacun a le droit d’être écouté, comme chacun a le droit de parler ». Cette écoute ouverte requiert le courage de prendre la parole et de se faire la voix de tant de jeunes du monde qui ne sont pas présents. C’est cette écoute qui ouvre l’espace au dialogue. Le Synode doit être un exercice de dialogue, d’abord entre ceux qui y participent. Et le premier fruit de ce dialogue est que chacun s’ouvre à la nouveauté, à la modification de sa propre opinion grâce à ce qu’il a entendu des autres. C’est important pour le Synode. Beaucoup d’entre vous ont déjà préparé leur intervention avant de venir – et je vous remercie pour ce travail – mais je vous invite à vous sentir libres de considérer tout ce que vous avez préparé comme une ébauche provisoire ouverte aux éventuelles intégrations et modifications que le chemin synodal pourrait suggérer à chacun. Sentons-nous libres d’accueillir et de comprendre les autres et donc, de changer nos convictions et nos positions : c’est un signe de grande maturité humaine et spirituelle.

Le Synode est un exercice ecclésial de discernement. Franchise dans la parole et ouverture dans l’écoute sont fondamentales afin que le Synode soit un processus de discernement. Le discernement n’est pas un slogan publicitaire, ni une technique d’organisation, ni même une mode de ce pontificat, mais une attitude intérieure qui s’enracine dans un acte de foi. Le discernement est la méthode et en même temps l’objectif que nous nous proposons : il se fonde sur la conviction que Dieu est à l’œuvre dans l’histoire du monde, dans les évènements de la vie, dans les personnes que je rencontre et qui me parlent. Pour cela, nous sommes appelés à nous mettre à l’écoute de ce que l’Esprit nous suggère, avec des modalités et dans des directions souvent imprévisibles. Le discernement a besoin d’espace et de temps. Pour cette raison, je demande que pendant les travaux, en assemblée plénière et dans les groupes, toutes les cinq interventions, on observe un moment de silence – d’environ trois minutes – pour permettre à chacun de prêter attention aux résonances que les choses entendues suscitent dans son cœur, pour aller en profondeur et saisir ce qui touche le plus. Cette attention à l’intériorité est la clef pour réaliser le chemin de la reconnaissance, de l’interprétation et du choix.

Nous sommes signe d’une Église à l’écoute et en chemin. L’attitude de l’écoute ne peut pas se limiter aux paroles que nous échangerons pendant les travaux synodaux. Le chemin préparatoire à ce moment a mis en évidence une Église « en déficit d’écoute » aussi vis-à-vis des jeunes, qui souvent ne se sentent pas compris par l’Église dans leur originalité et donc pas accueillis pour ce qu’ils sont vraiment, et parfois même rejetés. Ce Synode a l’opportunité, la tâche et le devoir d’être signe de l’Église qui se met vraiment à l’écoute, qui se laisse interpeller par les requêtes de ceux qu’elle rencontre, qui n’a pas toujours une réponse préemballée déjà prête. Une Église qui n’écoute pas se montre fermée à la nouveauté, fermée aux surprises de Dieu, et ne pourra pas s’avérer crédible, en particulier pour les jeunes, qui inévitablement s’en éloigneront plutôt que de s’en approcher.

Sortons des préjugés et des stéréotypes. Un premier pas en direction de l’écoute est de libérer nos esprits et nos cœurs des préjugés et des stéréotypes : quand nous pensons savoir déjà qui est l’autre et ce qu’il veut, alors nous avons vraiment du mal à l’écouter sérieusement. Les rapports entre générations sont un terrain où les préjugés et les stéréotypes s’enracinent avec une facilité proverbiale, si bien que souvent nous ne nous en rendons même pas compte. Les jeunes sont tentés de considérer les adultes comme dépassés ; les adultes sont tentés de prendre les jeunes pour inexpérimentés, de savoir comment ils sont et surtout comment ils devraient être et se comporter. Tout cela peut constituer un obstacle important au dialogue et à la rencontre entre générations. La plus grande partie des personnes ici présentes n’appartient pas à la génération des jeunes, il est donc clair que nous devons surtout faire attention au risque de parler des jeunes à partir de catégories et de schémas mentaux désormais dépassés. Si nous savons éviter ce risque, alors nous contribuerons à rendre possible une alliance entre générations. Les adultes devront vaincre la tentation de sous évaluer les capacités des jeunes et de les juger négativement. J’ai lu autrefois que la première mention de ce fait remonte à 3000 ans avant JC, et a été découverte sur un vase d’argile de la Babylone antique, où il est écrit que la jeunesse est immorale et que les jeunes ne sont pas capables de sauvegarder la culture du peuple. Les jeunes, au contraire, doivent vaincre la tentation de ne pas écouter les adultes et de considérer les personnes âgées comme “des affaires anciennes, passées et ennuyeuses”, en oubliant qu’il est stupide de vouloir toujours partir de zéro comme si la vie commençait seulement avec chacun d’eux. En réalité, les personnes âgées, malgré leur fragilité physique, restent toujours la mémoire de notre humanité, les racines de notre société, le “pouls” de notre civilisation. Les mépriser, les rejeter, les enfermer dans des réserves isolées ou bien les envoyer promener est l’indice d’une concession à la mentalité du monde qui est en train de détruire nos maisons de l’intérieur. Négliger le trésor d’expérience dont toute génération hérite et transmet à l’autre est un acte d’autodestruction.

Il faut donc, d’une part, vaincre résolument la plaie du cléricalisme. En effet, l’écoute et la sortie des stéréotypes sont aussi un puissant antidote contre le risque du cléricalisme, auquel une assemblée comme celle-ci est inévitablement exposée, au-delà des intentions de chacun de nous. Il naît d’une vision élitiste et exclusive de la vocation qui interprète le ministère reçu comme un pouvoir à exercer plutôt que comme un service gratuit et généreux à offrir. Et cela conduit à croire appartenir à un groupe qui possède toute les réponses et qui n’a plus besoin d’écouter et d’apprendre quoique ce soit. Le cléricalisme est une perversion et est la racine de nombreux maux dans l’Eglise : nous devons en demander humblement pardon et surtout créer les conditions pour qu’ils ne se répètent pas.

Mais il faut, d’autre part, soigner le virus de l’autosuffisance et des conclusions hâtives de nombreux jeunes. Un proverbe égyptien dit : “Si dans ta maison il n’y a pas de personne âgée, achète-la car elle te servira”. Répudier et rejeter tout ce qui a été transmis au cours des siècles conduit uniquement à un dangereux égarement qui, malheureusement, est en train de menacer notre humanité ; cela conduit à un état de désenchantement qui a envahi les cœurs de générations entières. L’accumulation des expériences humaines au cours de l’histoire est le trésor le plus précieux et crédible dont les générations héritent l’une de l’autre. Sans oublier jamais la révélation divine, qui illumine et donne sens à l’histoire et à notre existence.

Que le Synode réveille nos cœurs ! Le présent, y compris celui de l’Eglise, apparaît chargé d’ennuis, de problèmes, de fardeaux. Mais la foi nous dit qu’il est aussi le kairos où le Seigneur vient à notre rencontre pour nous aimer et nous appeler à la plénitude de la vie. L’avenir n’est pas une menace qu’il faut craindre, mais il est le temps que le Seigneur nous promet pour que nous puissions faire l’expérience de la communion avec lui, avec les frères et avec toute la création. Nous avons besoin de retrouver les raisons de notre espérance et surtout de les transmettre aux jeunes qui sont assoiffés d’espérance : comme l’affirmait le Concile Vatican II : « On peut légitimement penser que l’avenir est entre les mains de ceux qui auront su donner aux générations de demain des raisons de vivre et d’espérer » (Const. past. Gaudium et spes, n. 31).

La rencontre entre générations peut être extrêmement féconde et en mesure de générer l’espérance. Le prophète Joël nous l’enseigne – je le rappelais aussi aux jeunes de la Rencontre pré- synodale – en ce que je pense être la prophétie de notre époque : « Vos anciens seront instruits par des songes, et vos jeunes gens par des visions » (3, 1).

Il n’y a pas besoin d’argumentations théologiques sophistiquées pour montrer notre devoir d’aider le monde contemporain à marcher vers le Royaume de Dieu, sans fausses espérance et sans voir seulement ruines et malheurs. En effet, saint Jean XXIII, en parlant des personnes qui analysent les faits sans objectivité suffisante, ni prudence dans le jugement, affirmait : « Dans les conditions actuelles de la société humaine, elles ne sont pas capables de voir autre chose que ruines et malheurs ; elles disent que notre époque, si nous la comparons aux siècles passés, semble pire ; et elles en arrivent à se comporter comme si elles n’avaient rien apprendre de l’histoire qui est maîtresse de vie » (Discours pour l’ouverture solennelle du Concile Vatican II, 11 octobre 1962).

Ne nous laissons donc pas tenter par les “prophéties de malheur”, ne dépensons pas nos énergies à « compter les échecs et ressasser les amertumes », ayons le regard fixé sur le bien qui « souvent ne fait pas de bruit, n’est pas le thème des blogs et ne fait pas la une des journaux», et ne soyons pas effrayés «devant les blessures de la chair du Christ, toujours infligées par le péché et souvent par les enfants de l’Eglise » (cf. Discours aux Evêques de nomination récente participant au cours organisé par les Congrégations pour les Evêques et pour les Eglises Orientales, 13 septembre 2018).

Engageons-nous donc à chercher à “fréquenter l’avenir”, et à faire sortir de ce synode non seulement un document – qui est en général lu par un petit nombre et critiqué par beaucoup –, mais surtout des propositions pastorales concrètes en mesure de réaliser la tâche du Synode lui-même, c’est-à-dire celle de faire germer des rêves, susciter des prophéties et des visions, faire fleurir des espérances, stimuler la confiance, bander les blessures, tisser des relations, ressusciter une aube d’espérance, apprendre l’un de l’autre, et créer un imaginaire positif qui illumine les esprits, réchauffe les cœurs, redonne des forces aux mains, et inspire aux jeunes – à tous les jeunes, personne n’est exclu – la vision d’un avenir rempli de la joie de l’Evangile.

[01531-FR.01] [Texte original: Italien]

Homélie du pape François lors de la Messe pour le Synode des jeunes


Vous trouverez ci-dessous le texte de l’homélie du pape François tel que prononcée lors de la Messe d’ouverture du Synode sur « les jeunes, la foi et le discernement vocationnel » en la Place Saint-Pierre de Rome:

« L’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, vous enseignera tout et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit » (Jn 14, 26).

De cette manière très simple, Jésus offre à ses disciples la garantie qu’il accompagnera toute l’œuvre missionnaire qui leur sera confiée : l’Esprit Saint sera le premier à garder et à maintenir toujours vivante et actuelle la mémoire du Maître dans le cœur des disciples. C’est Lui qui permettra que la richesse et la beauté de l’Evangile soient source de joie et de nouveauté constantes.

Au début de ce moment de grâce pour toute l’Église, en syntonie avec la Parole de Dieu, demandons avec insistance au Paraclet qu’il nous aide à faire mémoire et à raviver les paroles du Seigneur qui ont fait brûler notre cœur (cf. Lc 24, 32). Ardeur et passion évangélique qui engendrent l’ardeur et la passion pour Jésus. Mémoire qui puisse réveiller et renouveler en nous la capacité de rêver et d’espérer. Parce que nous savons que nos jeunes seront capables de prophétie et de vision dans la mesure où, désormais adultes ou âgés, nous sommes capables de rêver et ainsi de rendre contagieux et de partager les rêves et les espérances que nous portons dans notre cœur (cf. Jl 3, 1).

Que l’Esprit nous donne la grâce d’être des Pères synodaux oints du don des rêves et de l’espérance, afin que nous puissions, à notre tour, oindre nos jeunes du don de la prophétie et de la vision ; qu’il nous donne la grâce d’être une mémoire active, vivante, efficace, qui de génération en génération ne se laisse pas étouffer ni écraser par des prophètes de calamités et de malheur, ni par nos limites, erreurs et péchés, mais qui est capable de trouver des espaces pour enflammer le cœur et discerner les chemins de l’Esprit. C’est avec cette attitude d’écoute docile de la voix de l’Esprit que nous sommes réunis de toutes les parties du monde. Aujourd’hui, pour la première fois, sont aussi ici avec nous deux confrères évêques de la Chine continentale. Nous leur exprimons notre chaleureuse bienvenue : la communion de l’Episcopat tout entier avec le Successeur de Pierre est encore plus visible grâce à leur présence.

Oints dans l’espérance, nous commençons une nouvelle rencontre ecclésiale capable d’élargir les horizons, de dilater le cœur et de transformer ces structures qui aujourd’hui nous paralysent, nous séparent et nous éloignent des jeunes, les laissant exposés aux intempéries et orphelins d’une communauté de foi qui les soutienne, d’un horizon de sens et de vie (cf. Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 49).

L’espérance nous interpelle, nous déplace et rompt avec le conformisme du “on a toujours fait ainsi”, et elle nous demande de nous lever pour regarder directement le visage des jeunes et les situations dans lesquelles ils se trouvent. La même espérance nous demande de travailler pour renverser les situations de précarité, d’exclusion et de violence, auxquelles sont exposés nos enfants.

Les jeunes, qui sont le fruit de nombreuses décisions prises dans le passé, nous appellent à prendre en charge avec eux le présent, en nous engageant davantage et à lutter contre ce qui, de toutes les façons, empêche leur vie de se développer avec dignité. Ils nous demandent et exigent un dévouement créatif, une dynamique intelligente, enthousiaste et pleine d’espérance, et que nous ne les laissions pas seuls aux mains de tant de marchands de mort qui oppriment leur vie et obscurcissent leur vision.

Cette capacité de rêver ensemble, qu’aujourd’hui le Seigneur nous offre à nous comme Église, exige – selon ce que disait Saint Paul dans la première Lecture – de développer entre nous une attitude bien précise: « Que chacun de vous ne soit pas préoccupé de ses propres intérêts; pensez aussi à ceux des autres » (Ph 2, 4). Et en même temps, il vise plus haut, demandant qu’avec humilité nous considérions les autres supérieurs à nous-mêmes (cf. v. 3). Avec cet esprit nous chercherons à nous mettre à l’écoute les uns des autres pour discerner ensemble ce que le Seigneur demande à son Église. Et cela exige de nous que nous soyons attentifs et veillions bien à ce que ne prévale pas la logique de l’auto-préservation et de l’autoréférentialité, qui finit par faire devenir important ce qui est secondaire et secondaire ce qui est important. L’amour pour l’Evangile et pour le peuple qui nous a été confié nous demande d’élargir le regard et de ne pas perdre de vue la mission à laquelle il nous appelle pour viser un plus grand bien qui profitera à nous tous. Sans cette attitude, tous nos efforts seront vains.

Le don de l’écoute sincère, priante et le plus possible sans préjugés ni conditions nous permettra d’entrer en communion avec les diverses situations que vit le Peuple de Dieu. Ecouter Dieu, pour écouter avec lui le cri des gens; écouter les gens pour respirer avec eux la volonté à laquelle Dieu nous appelle (cf. Discours lors de la veillée de prière en préparation au Synode sur la famille, 4 octobre 2014).

Cette attitude nous défend de la tentation de tomber dans une position moralisante ou élitiste, comme aussi de l’attraction pour des idéologies abstraites qui ne correspondent jamais à la réalité de nos gens (cf. J.M. BERGOGLIO, Meditaciones para religiosos, 45-46).

Frères, plaçons ce temps sous la protection maternelle de la Vierge Marie. Femme de l’écoute et de la mémoire, qu’elle nous accompagne pour reconnaître les traces de l’Esprit afin que, avec empressement (cf. Lc 1, 39), entre rêves et espérances, nous accompagnions et stimulions nos jeunes afin qu’ils ne cessent pas de prophétiser.

Pères synodaux, beaucoup d’entre nous étaient jeunes ou faisaient leurs premiers pas dans la vie religieuse alors que se terminait le Concile Vatican II. Aux jeunes d’alors a été adressé le dernier message des Pères conciliaires. Cela nous fera du bien de repasser de nouveau dans notre cœur ce que nous avons entendu lorsque nous étions jeunes en rappelant les paroles du poète: que «l’homme conserve ce qu’il a promis lorsqu’il était enfant » (F. HÖLDERLIN)

Les Pères conciliaires nous ont ainsi parlé: « L’Église, quatre années durant, vient de travailler à rajeunir son visage, pour mieux répondre au dessein de son Fondateur, le grand Vivant, le Christ éternellement jeune. Et au terme de cette imposante “révision de vie”, elle se tourne vers vous. C’est pour vous, les jeunes, pour vous surtout, qu’elle vient, par son Concile, d’allumer une lumière: lumière qui éclaire l’avenir, votre avenir. L’Église est soucieuse que cette société que vous allez constituer respecte la dignité, la liberté, le droit des personnes: et ces personnes, c’est vous […] Elle a confiance […] que vous saurez affirmer votre foi dans la vie et dans ce qui donne un sens à la vie: la certitude de l’existence d’un Dieu juste et bon.

C’est au nom de ce Dieu et de son Fils Jésus que nous vous exhortons à élargir vos cœurs aux dimensions du monde, à entendre l’appel de vos frères et à mettre hardiment à leur service vos jeunes énergies. Luttez contre tout égoïsme. Refusez de laisser libre cours aux instincts de violence et de haine, qui engendrent les guerres et leur cortège de misères. Soyez généreux, purs, respectueux, sincères. Et construisez dans l’enthousiasme un monde meilleur que celui de vos aînés! » (PAUL VI, Message aux jeunes à la fin du Concile Vatican II, 8 décembre 1965).

Pères synodaux, l’Église vous regarde avec confiance et amour.

Sur la route du diocèse d’Amos (1ère partie)

Dans cet épisode de « Sur la route des diocèses », Francis Denis nous transporte dans le diocèse d’Amos à la rencontre des différents visages de cette église particulière. Sous l’épiscopat de Mgr Gilles Lemay, évêque du lieu, l’Église à Amos est pleinement engagée dans la transformation missionnaire voulue par le pape François. Que ce soit dans sa volonté de transmettre son riche héritage ou par la proximité avec les pauvres, les jeunes et toute personne habitant sur ce territoire aux dimensions démesurées, l’Église catholique à Amos est un bon exemple d’un Peuple de Dieu au service des besoins spirituels et humains des âmes auxquelles il est envoyé.

Allocution du pape François aux jeunes de Lituanie

Vous trouverez ci-dessous le texte de l’allocution du pape François telle que prononcée lors de la rencontre avec les jeunes de Lituanie sur la place de la cathédrale de Vilnius (CNS photo/Paul Haring): 

Merci Monique et Jonas, pour votre témoignage! Je l’ai accueilli comme un ami, comme si nous étions assis ensemble, dans un bar, à nous raconter les choses de la vie, en prenant une bière ou une ghira, après avoir été au ‘‘Jaunimo teatras”.

Votre vie, cependant, n’est pas une pièce de théâtre, elle est réelle, concrète, comme celle de chacun d’entre nous qui sommes ici, sur cette belle place située entre ces deux fleuves. Et peut-être que tout cela nous servira à relire vos histoires et à y découvrir le passage de Dieu… Car Dieu passe toujours dans notre vie. Il passe toujours. Et un grand philosophe a dit: “Moi, j’ai peur, quand Dieu passe! Peur de ne pas m’en apercevoir!”.

Comme cette église cathédrale, vous avez fait l’expérience de situations qui vous ont fait crouler, d’incendies dont il semblait que vous vous n’auriez pas pu vous relever. À maintes reprises, ce temple a été dévoré par les flammes, il a été démoli, et cependant il y a toujours eu des gens qui ont décidé de le reconstruire, qui ne se sont pas laissés vaincre par les difficultés, qui n’ont pas baissé les bras. Il y a un beau chant alpin qui dit ainsi: “ Dans l’art de monter, le secret n’est pas de ne pas tomber, mais de ne pas rester à terre ”. Recommencer toujours de nouveau, et ainsi monter. Comme cette cathédrale. Même la liberté de votre patrie est construite sur ceux qui ne se sont pas laissés abattre par la terreur et par le malheur. La vie, la condition et la mort de ton papa, Monique; ta maladie, Jonas, auraient pu vous abattre… Et cependant, vous êtes ici, pour partager votre expérience avec un regard de foi, en nous faisant découvrir que Dieu vous a donné la grâce de supporter, de vous relever, de continuer à marcher dans la vie.

Et je me demande: comment la grâce de Dieu s’est-elle répandue sur vous? Non à travers l’air, non d’une façon magique, il n’y a pas de baguette magique pour la vie. C’est arrivé par l’intermédiaire de personnes qui ont croisé votre vie, de bonnes gens qui vous ont nourris de leur expérience de foi. Il y a toujours des gens, dans la vie, qui nous donnent la main pour nous aider et nous relever. Monique, ta grand-mère et ta maman, la paroisse franciscaine, ont été pour toi comme la confluence de ces deux fleuves: tout comme le Vilnia s’unit au Neris, tu t’es jointe, tu t’es laissée conduire par ce courant de grâce. Car le Seigneur nous sauve en nous faisant membre d’un peuple. Le Seigneur nous sauve en nous faisant membre d’un peuple. Il nous insère dans un peuple, et notre identité, à la fin, sera l’appartenance à un peuple. Personne ne peut dire: ‘‘Je me sauve tout seul’’, nous sommes tous reliés, nous sommes tous ‘‘en réseaux’’. Dieu a voulu entrer dans cette dynamique de relations et nous attire à lui en communauté, en donnant à notre vie un sens plénier d’identité et d’appartenance (cf. Exhort. ap. Gaudete et exsultate, n. 6). Toi aussi, Jonas, tu as trouvé dans les autres, dans ton épouse et dans la promesse faite le jour du mariage, la raison d’aller de l’avant, de lutter, de vivre. Ne permettez pas que le monde vous fasse croire qu’il est mieux de marcher seuls. Seuls on n’arrive jamais. Oui, tu pourras avoir du succès dans la vie, mais sans amour, sans compagnie, sans faire partie d’un peuple, sans cette expérience si belle qui est de risquer ensemble. On ne peut marcher tout seuls. Ne cédez pas à la tentation de vous replier sur vous-mêmes, en vous regardant le nombril, à la tentation de devenir égoïstes ou superficiels devant la souffrance, devant les difficultés ou le succès passager. Affirmons encore une fois que ‘‘ce qui arrive à l’autre, m’arrive aussi’’, allons à contrecourant de cet individualisme qui isole, qui nous fait devenir égocentriques, qui nous fait devenir vaniteux, préoccupés uniquement par notre image et notre propre bien-être. Préoccupés de l’image, du paraître. Elle est triste la vie devant le miroir, elle est triste. Au contraire, elle est belle la vie avec les autres, en famille, avec les amis, avec la lutte de mon peuple… Ainsi la vie est belle!

Nous sommes chrétiens et nous voulons parier sur la sainteté. Pariez sur la sainteté à partir de la rencontre et de la communion avec les autres, attentifs à leurs besoins (cf. ibid, n. 146). Notre vraie identité présuppose l’appartenance à un peuple. Il n’y a pas d’identité ‘‘de laboratoire’’, il n’y en a pas, ni d’identité ‘‘distillée’’, d’identité “pur-sang”: elles n’existent pas. Il y a l’identité du marcher ensemble, du lutter ensemble, d’aimer ensemble. Il y a l’identité d’appartenir à une famille, à un peuple. Il y a l’identité qui te donne l’amour, la tendresse, qui te rend préoccupé des autres… Il y a l’identité qui te donne la force pour lutter et en même temps la tendresse pour caresser. Chacun de nous connaît la beauté et aussi la fatigue, – c’est beau que les jeunes se fatiguent, c’est le signe qu’ils travaillent – et souvent la souffrance d’appartenir à un peuple, vous connaissez cela. Ici s’enracine notre identité, nous ne sommes pas des personnes sans racines. Nous ne sommes pas des personnes sans racines!

Tous deux, vous avez aussi rappelé votre appartenance au chœur, la prière en famille, la Messe, la catéchèse et l’aide aux plus démunis; ce sont des armes que le Seigneur nous donne. La prière et le chant, pour ne pas s’enfermer dans l’immanence de cemonde: en désirant Dieu, vous êtes sortis de vous-mêmes et vous avez pu contempler avec les yeux de Dieu ce qui se passait dans votre cœur (cf. ibid, n. 147); en faisant de la musique, vous vous ouvrez à l’écoute et à l’intériorité, vous vous laissez ainsi toucher dans votre sensibilité et cela est toujours une bonne opportunité pour le discernement (cf. Synode consacré aux jeunes, Instrumentum laboris, n. 162). Certes, la prière peut être une expérience de ‘‘combat spirituel’’, mais c’est là que nous apprenons à écouter l’Esprit, à discerner les signes des temps et à retrouver des forces pour continuer à annoncer l’Evangile aujourd’hui. De quelle autre manière pourrions-nous combattre le découragement face aux difficultés personnelles et à celles des autres, face aux horreurs du monde? Que ferions-nous sans la prière pour ne pas croire que tout dépend de nous, que nous sommes seuls dans ce corps à corps avec les adversités? ‘‘Jésus et moi, majorité absolue’’. Ne l’oubliez pas, cela c’est un saint qui le disait, saint Alberto Hurtado. La rencontre avec lui, avec sa Parole, avec l’Eucharistie, nous rappelle que la force de l’adversaire n’importe pas ; il n’importe pas que le ‘‘Zalgiris Kaunas’’ soit premier ou que ce soit le ‘‘Vilius Rytas’’ [applaudissements, et rires]… A ce sujet, je vous demande: qui est le premier? [rires] Peu importe qui est le premier, le résultat n’importe pas, mais il importe que le Seigneur soit avec nous.

Vous aussi, l’expérience d’aider les autres a été pour vous dans la vie un soutien, découvrir qu’à côté de nous il y a des personnes qui vont mal, et même pire que nous. Monique, tu nous as raconté ton engagement auprès des enfants porteurs de handicap. Voir la fragilité des autres nous plonge dans la réalité, cela nous empêche de vivre en léchant nos blessures. Il est triste de vivre en nous lamentant, c’est triste, Il est triste de vivre en léchant nos blessures! Que de jeunes partent de leur pays par manque d’opportunités! Combien sont victimes de la dépression, de l’alcool et des drogues! Vous le savez bien. Que de personnes âgées sont seules, sans quelqu’un avec qui partager le présent et craignant que le passé ne revienne. Vous, les jeunes, vous pouvez répondre à ces défis par votre présence et par la rencontre entre vous et avec les autres. Jésus nous invite à sortir de nous-mêmes, à risquer le ‘‘face à face’’ avec les autres. Il est vrai que croire en Jésus implique bien des fois faire un saut de foi dans le vide, et cela fait peur. D’autres fois, cela nous conduit à nous remettre en cause, à sortir de nos schémas, et cela peut nous faire souffrir et nous soumettre à la tentation du découragement. Mais, soyez courageux! Suivre Jésus est une aventure passionnante qui remplit de sens notre vie, qui nous fait sentir que nous sommes membres d’une communauté qui nous encourage, d’une communauté qui nous accompagne, qui nous engage au service. Chers jeunes, cela vaut la peine de suivre le Christ, cela vaut la peine! N’ayons pas peur de participer à la révolution à laquelle il nous invite: la révolution de la tendresse (cf. Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 88).

Si la vie était une pièce de théâtre ou un jeu vidéo, elle serait limitée dans un temps précis, entre un début et une fin où tombe le rideau ou bien quelqu’un gagne la partie. Mais la vie se mesure avec d’autres temps, pas avec le temps du théâtre ou du jeu vidéo, la vie se joue dans des temps en relation avec le cœur de Dieu; parfois, on avance, d’autres fois on recule, on essaie et on cherche des routes, on les change. L’indécision semble naître de la peur que tombe le rideau, ou que le chronomètre nous laisse hors de la partie, dans l’impossibilité de monter d’un cran au jeu. Au contraire, la vie est toujours un parcours, la vie est un chemin, elle n’est pas arrêtée; la vie est toujours un parcours à la recherche de la direction juste, sans peur de retourner en arrière si je me suis trompé. La chose la plus dangereuse, c’est de confondre le chemin avec un labyrinthe: ce fait de tourner en rond dans la vie, sur soi-même, sans prendre la route qui conduit en avant. S’il vous plaît, ne soyez pas des jeunes du labyrinthe dont il est difficile de sortir, mais des jeunes en chemin. Aucun labyrinthe: en chemin!

N’ayez pas peur de vous décider pour Jésus, d’embrasser sa cause, celle de l’Évangile, de l’humanité, des êtres humains. En effet, il ne descendra jamais de la barque de votre vie, il sera toujours au carrefour de nos routes, il ne cessera jamais de nous reconstituer, même si parfois nous nous évertuons à nous démolir. Jésus nous fait don de temps longs et généreux, où il y a de la place pour les échecs, où personne n’a besoin d’émigrer, parce qu’il y a de la place pour tous. Beaucoup voudront occuper vos cœurs, infester les champs de vos aspirations par l’ivraie, mais à la fin, si nous offrons notre vie au Seigneur, le bon grain l’emporte toujours. Votre témoignage, Monique et Jonas, parlait de la grand-mère, de la maman… Je voudrais vous dire – et je finis par cela, soyez tranquilles! – je voudrais vous dire de ne pas oublier les racines de votre peuple. Pensez au passé, parlez avec les plus vieux: ce n’est pas ennuyeux de parler avec les personnes âgées. Allez chercher les personnes âgées et faites-vous raconter les racines de votre peuple, les joies, les souffrances, les valeurs. Ainsi, en puisant dans ses racines, vous ferez avancer votre peuple, l’histoire de votre peuple pour un fruit plus grand. Chers jeunes, si vous voulez un peuple grand, libre, prenez dans les racines sa mémoire et faites-le avancer. Merci beaucoup!

[01432-FR.02] [Texte original: Italien]

Église en sortie 21 septembre 2018

Cette semaine à Église en sortie, on parle des communications dans l’Église à l’heure de la révolution médiatique avec Mme Érika Jacinto, directrice des communications de l’archidiocèse de Montréal. On vous présente un reportage sur le lancement de l’année pastorale de l’archidiocèse de Montréal à la cathédrale Marie-Reine-du-Monde. Dans la troisième partie de l’émission, Francis Denis reçoit l’archevêque de Montréal, Mgr Christian Lépine, avec qui il s’entretient de sa vision pastorale ainsi que du tournant missionnaire voulu par le pape François.

La famille: une priorité pour l’Église

CNS/L’Osservatore Romano

Comme nous l’avons vu la semaine dernière, la vision ecclésiale de la famille comme « ciment de la société » manifeste, non seulement, son rôle irremplaçable pour toute société mais également les coûts humains et sociaux qu’entraîne sa détérioration. Quel rôle l’Église peut-elle jouer pour aider les familles à réaliser pleinement ce qu’elles sont appelées à être ? C’est l’un des thèmes abordés par le pape François lors de son allocution au Stade Croke Park de Dublin pour la Rencontre Mondiale des familles. En effet, pour le Saint-Père, « L’Église est la famille des enfants de Dieu […] parce que Dieu notre Père a fait de nous tous ses enfants dans le Baptême ». Le baptême peut donc être considéré comme une nouvelle naissance et l’élargissement de notre propre cercle familial.

Naissance dans l’Esprit

Pour le pape François, il est important « d’encourager les parents à faire baptiser les enfants dès que possible » puisqu’il « est nécessaire d’inviter chacun à la fête, même le petit enfant ! ». Le thème de la « fête » est récurrent dans la pensée du Saint-Père. Pour lui, il est nécessaire d’inviter la communauté entière à se réjouir des réussites et des joies des membres de l’Église. Cela fait même partie de sa définition d’une « Église en sortie » (no24). Une Église cohérente avec le Mystère qu’elle porte, n’attend donc pas avant d’accueillir ses enfants.

« de même que nous laissons la nature dicter le moment de la naissance naturelle, laissons le cycle de la vie sacramentelle rythmer l’éclosion de la vie surnaturelle. »

Un autre argument convainc le pape François de « baptiser rapidement » les enfants. Il s’explique : « Faisons une comparaison : un enfant sans le Baptême, parce que les parents disent : « Non, quand il sera grand » ; et un enfant avec le Baptême, avec l’Esprit Saint en lui : celui-là est plus fort parce qu’il a en lui la force de Dieu ! ». Privé volontairement un enfant du don que Dieu désire ardemment lui transmettre équivaut à l’empêcher d’atteindre son plein épanouissement. Ainsi, de même que nous laissons la nature dicter le moment de la naissance naturelle, laissons le cycle de la vie sacramentelle rythmer l’éclosion de la vie surnaturelle.

La force d’une relation indestructible

Qu’elle est donc cette nouvelle force reçue au baptême et quels en sont les effets sur la vie concrète du baptisé ? Pour le pape François, « si quelque chose doit saintement nous préoccuper et inquiéter notre conscience, c’est que tant de nos frères vivent sans la force, la lumière et la consolation de l’amitié de Jésus-Christ, sans une communauté de foi qui les accueille, sans un horizon de sens et de vie. » (No 49). Nous pourrions facilement écrire plusieurs traités tant la densité du contenu de cette expression est riche. Je ne m’attarderai qu’à en souligner deux grands traits.

D’abord, puisque le baptême fait de nous des enfants de Dieu, frères et sœurs de Jésus, il imprime en nous un caractère nouveau et indélébile. De la même manière que la famille dans laquelle nous naissons a un impact sur notre vie, la relation vitale avec Dieu créée par l’action du baptême sur notre âme influence l’ensemble de notre existence. Cette amitié a la caractéristique d’être indestructible et indéfectible, à condition que nous ne coupions pas les ponts. Ainsi, comme nous pouvons être certains de l’appui et de la consolation de notre famille, nous pouvons être assurés de la Présence constante de Dieu dans notre vie.

« Créée pour l’Infini, comment des êtres finis, aussi nobles soient-ils, peuvent-ils nous satisfaire ? »

Cette nouvelle relation ne fait pas que nous soutenir lorsque nous tombons, elle nous éclaire et ouvre un horizon indépassable pour notre vie. De fait, nous faisons constamment l’expérience de notre insatisfaction permanente des réalités de ce monde. Nourriture, divertissement, connaissances, succès, technologies, etc., ces réalités ne peuvent satisfaire ce qui apparaît comme un manque insatiable. Ce désir présent en toute personne provient de notre nature créée à l’image et à la ressemblance de Dieu. Créée pour l’Infini, comment des êtres finis, aussi nobles soient-ils, peuvent-ils nous satisfaire ? Ne leur demandons donc pas l’impossible et adressons-nous plutôt au seul Être capable de nous assouvir c’est-à-dire Dieu. C’est ce que le baptême nous offre quelques semaines après notre naissance.

Le baptême : expérience inépuisable

Nos sociétés sont de plus en plus fragmentées et les personnes de moins en moins capables de s’engager dans des relations durables. Or le remède adapté à la situation nous est confié. En nous laissant transformer par la grâce divine présente dans le baptême et les invitations à l’engagement charitable, nos communautés ont tout ce qu’il faut pour offrir à nos contemporains, la famille dont ils ont toujours rêvé. Cherchons donc à nous réjouir de ce cadeau comme une vraie famille et invitons toute personne à recevoir ce don gratuit. Notre société entière ne manquera pas de profiter de cet apport non négligeable.

La famille: une priorité pour la société

Nous sommes en pleine campagne électorale et, comme tous les quatre ans, nous sommes invités à réfléchir sur les différents enjeux culturels et sociaux et les propositions qu’offrent les partis politiques pour y répondre. Par exemple, lors du débat télévisé de jeudi dernier, on a pu constater à quel point l’État québécois est sollicité. Or, derrière la panoplie de requêtes d’une population de plus en plus laissée à elle-même, une tangente semble se dessinée. Pénurie de main-d’œuvre, besoins criants dans les centres hospitaliers et CHSLD, accroissement d’enfants en difficultés, manque de places en garderie, la pression sur l’appareil étatique ne semble pas vouloir cesser de s’accroître.

Bien que l’État ait évidemment quelque légitimité d’intervention en ces domaines, il semble que la fragilisation des familles y soit pour quelque chose et que les partis politiques auraient tout avantage à mettre en place des politiques familiales adaptées à la réalité d’aujourd’hui. En ce sens, les différents discours du pape François lors de la Rencontre Mondiale des familles de Dublin 2018 peuvent nous éclairer.

La famille, ciment de la société

Après la foi, notre famille est ce que nous avons de plus précieux. L’ayant devant les yeux tous les jours, on peut avoir tendance à la prendre pour acquise et à la négliger. Lorsque cette mauvaise habitude atteint les pouvoirs publics, de graves conséquences sont à prévoir. Comme le dit le pape François dans son discours aux autorités politiques irlandaises : « La famille est le ciment de la société ; son bien ne peut pas être tenu pour acquismais doit être promu et protégé par tous les moyens appropriés ». Qu’arrive-t-il lorsque le ciment est fragilisé ou même dilué lors de la construction d’un édifice ? Nul besoin d’entrer dans les détails mais l’image parle d’elle-même. Une société forte dépend de familles fortes, stables, solides et « tissées serrées ». Notre société a un besoin criant de familles capables d’entraide et de partage, de soutien lorsque les difficultés de la vie surgissent et qui, lorsque tout va bien, s’engagent auprès de leur communauté pour aider ceux pour qui la chance a mal tournée.

La famille, école du vivre ensemble

De plus, en cette ère de changements rapides et de rencontres entre les peuples et les cultures, on ne peut négliger l’importance d’une vie familiale de qualité où on apprend « à vivre ensemble de manière harmonieuse, à contrôler nos instincts égoïstes, à concilier les différences et surtout à discerner et à rechercher ces valeurs qui donnent un sens authentique et une plénitude à la vie ». En cette époque de communication et de relations multiculturelles, la société a plus que jamais besoin de retrouver « dans tous les milieux de la vie politique et sociale, le sens d’être une vraie famille de peuples ! ». Comment considérer l’autre comme un frère lorsqu’on a nous-mêmes souffert dans nos relations familiales ? La famille doit redevenir la priorité des priorités sociales et politiques. Comme le dit le Pape : « Ne se pourrait-il pas au contraire que la croissance d’une « culture du déchet » matérialiste, nous ait rendus de fait plus indifférents aux pauvres et aux membres plus vulnérables de la famille humaine, y compris les enfants non nés, privés du droit même à la vie ? » Dans ce contexte, quelle part l’Église peut-elle jouée ? Nous examinerons cette questions la semaine prochaine.

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