Léon XIII, un pape pour notre époque

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Léon XIII peut être décrit comme le premier pape moderne. Son pontificat, d’une durée inattendue de 25 ans, a fait entrer l’Église du XIXe siècle dans le XXe. Couramment considéré comme le fondateur de la doctrine sociale de l’Église, Léon XIII s’est distingué par un certain nombre de différences avec son prédécesseur, le pape Pie IX.

Certaines de ces différences ont été accentuées jusqu’à l’absurde, le premier étant souvent dépeint comme une figure libérale et le second comme un théocrate réactionnaire aux préoccupations excessivement politiques, se déchaînant contre les forces de la modernité. 

La réalité est bien différente. L’histoire montre que Léon XIII a participé au pontificat de son prédécesseur et qu’il a été actif aux plus hauts niveaux d’autorité dans l’Église tout au long de ses événements les plus importants, comme le Concile Vatican I. Néanmoins, il est vrai que si Pie IX a été très actif dans la condamnation de certaines des erreurs caractéristiques du projet moderne, Léon XIII a eu une approche plus subtile, peut-être en raison des circonstances particulières qui ont prévalu pendant son pontificat. 

Parmi les principales caractéristiques du pape Léon XIII figurent, un peu comme pour le pape émérite Benoît XVI, ses formidables aptitudes intellectuelles. Ce charisme particulier a donné sa saveur à un pontificat qui a abordé les problèmes du modernisme avec une approche plus dialogique. Sans prétendre épuiser l’héritage de ce grand pasteur, nous pourrions dire que Léon XIII a fourni à l’Église une réponse en trois temps à ces difficultés: la dévotion mariale, le thomisme, et une riche compréhension des nouveaux problèmes sociaux. 

Dans la lignée de son prédécesseur immédiat, Léon XIII a fourni des enseignements approfondis sur l’importance primordiale de la dévotion mariale, notamment par le biais du rosaire et du scapulaire. Le recours à Marie ne peut être décrit comme une particularité de Léon XIII, bien sûr. Marie est présente dans l’Église depuis sa fondation et a toujours été profondément vénérée par les simples catholiques comme par les théologiens les plus sophistiqués. Pourtant, nombreux sont ceux qui diraient que le XIXe siècle a été particulièrement marial, compte tenu des apparitions et des définitions doctrinales importantes qui ont eu lieu à cette époque. Léon XIII encourage cette démarche comme un chemin sûr vers le Seigneur. 

Un aspect plus distinctif de l’enseignement de Léon XIII est cependant celui qui concerne le thomisme, c’est-à-dire la théologie et la philosophie de saint Thomas d’Aquin. D’une profondeur et d’une solidité inégalées, l’approche caractéristique de foi et raison de saint Thomas d’Aquin, qui permettait une forme de synthèse entre les œuvres philosophiques d’Aristote et la révélation chrétienne, fut ravivée par les enseignements de Léon XIII et de ses successeurs, qui la considéraient comme particulièrement capable de s’attaquer efficacement aux idéologies de l’époque. 

Notamment par l’encyclique Aeterni Patris, le pape Léon XIII a promu ce qu’il a appelé une « restauration de l’ancienne philosophie » en encourageant le travail intellectuel dans la tradition scolastique associée à saint Thomas d’Aquin et en définissant plus précisément l’autorité particulière qu’elle détient, au-delà d’autres importants docteurs de l’Église. Cette encyclique et les développements ultérieurs de l’enseignement de l’Église ont conféré à l’œuvre de Thomas d’Aquin une force normative inégalée, qui s’exprime bien dans les titres qui lui sont associés : Doctor Angelicus (Docteur angélique) et surtout Doctor Communis (Docteur commun).  

Le successeur immédiat de Léon XIII, le pape saint Pie X, par exemple, assisté de philosophes et de théologiens, définit en 1914 un ensemble complet de 24 thèses thomistes qui sont révélatrices de ce mouvement au sein de l’Église vers l’affirmation de l’autorité universelle de l’héritage de saint Thomas.

Le pari du pape Léon XIII était que, dans une époque se définissant par son souci de la raison et de la science, l’œuvre de saint Thomas, caractérisée par une méthode hautement systématique et rationnelle, fournirait à l’Église les moyens d’affronter le monde et ses prétentions avec un formidable arsenal intellectuel. Les prêtres devaient ainsi être formés à la philosophie et à la théologie thomistes. Les principales institutions de savoir étaient alors consacrées à ce travail, et une édition critique complète des œuvres de saint Thomas – dite édition léonine – devint une priorité pour l’Église. Pour ces raisons, le règne de Léon XIII fut tout autant un pontificat thomiste qu’un pontificat social.

Bien entendu, la contribution la plus connue du pape Léon XIII à l’enseignement de l’Église, d’un point de vue historique, est souvent considérée comme la naissance de la doctrine sociale de l’Église, avec la publication en 1891 de Rerum Novarum, qui visait à faire face aux transformations majeures affectant les réalités économiques du monde contemporain, en particulier en Europe. 

Dans la continuité avec l’œuvre de Pie IX, et dans un esprit de cohérence avec l’ensemble de l’enseignement de l’Église, Rerum Novarum constitue un rejet ferme des idéologies politiques modernes, et en particulier dans ce cas du libéralisme économique et du socialisme. Il met en avant un certain nombre de principes qui, ensemble, constituent la base de la doctrine sociale de l’Église moderne, dans un contexte marqué par les réalités d’une économie industrielle qui en est venue à opposer une vaste masse de travailleurs appauvris à un très petit nombre de propriétaires extrêmement riches.

La vision de Léon XIII en était une de droits et de devoirs mutuels, affirmant la liberté de former des syndicats de travailleurs, d’une part, et le droit à la propriété privée d’autre part, par exemple. S’inspirant de cet héritage, certains intellectuels catholiques tels que G. K. Chesterton et Hilaire Belloc ont tenté de formuler une troisième voie entre le libéralisme et le socialisme, ce que l’on appelle souvent le distributisme. 

Texte fondateur à bien des égards, Rerum Novarum résume certains des principes fondamentaux de la doctrine sociale de l’Église – la dignité de la personne humaine, le bien commun, la subsidiarité et la solidarité – à tel point qu’il a été régulièrement revisité par ses successeurs à l’occasion des anniversaires importants de sa publication, à commencer par le Quadragesimo Anno du pape Pie XI en 1931, et tout au long du XXe siècle par la suite. 

Nous avons tendance à parler de la doctrine sociale de l’Église en gardant Rerum Novarum à l’esprit comme principal point de référence. L’Église, cependant, n’a pas commencé à enseigner sur les questions sociales et politiques en 1891. Ce qui a changé, c’est qu’elle a commencé à le faire d’une manière distincte, afin de pouvoir aborder un ensemble particulier de problèmes qui étaient apparus à cette époque en raison d’une réorganisation radicale des sociétés. À bien des égards, la doctrine sociale de l’Église, avec sa préoccupation pour le bien commun, s’enracine dans la pensée aristotélico-thomiste que Léon XIII a également contribué à raviver. 

Le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui est très différent de celui de 1891, et pourtant il est confronté à des problèmes fondamentalement similaires: l’extrême disparité des richesses, la radicalisation politique et le rejet de la foi comme impertinente étaient des problèmes à l’époque, tout comme ils le sont aujourd’hui. Les difficultés qui nous paraissent nouvelles, comme la crise climatique, découlent souvent de problèmes précédemment mal compris, et qui se sont par conséquent aggravés.

La force de la réponse du pape Léon XIII est qu’elle est à bien des égards intemporelle. Elle fournit des principes de recherche du bien commun pour la communauté politique à partir desquels nous pouvons dériver des solutions adaptées aux circonstances changeantes. Elle indique un cadre intellectuel qui nous permet de relever les défis de la foi avec force et conviction. Et elle montre le chemin de la dévotion mariale, un excellent remède pour ceux d’entre nous, catholiques à l’inclination intellectuelle, dont la piété fragile peut nous priver de la vraie Sagesse.

Qui a encore besoin de l’univers?

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Mark Zuckerberg, cherchant à redorer le blason de Facebook après des années de critiques soutenues, a annoncé il y a quelques semaines que son entreprise serait renommée Meta afin de refléter sa volonté d’être un leader dans la création du métavers. 

Nombreux sont ceux qui ont critiqué ou ridiculisé cette initiative, considérant le métavers de Zuckerberg comme un faux-fuyant dont le but est de changer la teneure de la conversation après une série de controverses et d’attaques contre l’organisation qu’il dirige. C’est peut-être vrai, mais cela ne signifie pas que nous ne devons pas prendre au sérieux les promesses du métavers.

La nouvelle normalité se déchaîne

Grâce au travail acharné d’une élite culturelle d’entrepreneurs géniaux, nous n’aurons finalement plus à endurer l’univers. Exactement ce que vous cherchiez! Fatigué de faire la navette? Pas besoin! Vous en avez assez du centre commercial? On s’en fout! Vous vous réveillez tôt le dimanche matin pour aller à la messe et vous en avez assez? Qui a besoin de ça de toute façon… Vous pouvez faire tout cela – et bien plus encore! – depuis le confort de votre maison. 

Ça vous semble familier ? On n’en doute pas. 

Bien sûr, l’expérience de la pandémie de COVID-19 a démontré que, dans des circonstances graves et extraordinaires, nous pouvons effectivement limiter notre expérience du réel par le biais d’écrans, de claviers et de caméras, une idée qui n’était pas du tout courante il y a peu. 

Certains ont même prospéré sous ce régime d’exception. Le télétravail a ouvert un monde de possibilités dont j’ai pu, pour ma part, tirer parti. Pourtant, les dommages d’une vie vécue à travers des avatars, des identités secondaires, des jeux vidéo et la réalité virtuelle sont aussi importants qu’ils sont communs. 

La socialisation virtuelle, désenchantée

Les réalités de la socialisation virtuelle sont bien connues. 

On souffre de dépression et d’anxiété à des taux alarmants. Les jeunes – en particulier les jeunes femmes – montrent des signes d’inconfort intense avec leur corps en raison d’une surexposition à des images irréelles. 

Les jeunes hommes sont souvent absorbés dès leur plus jeune âge par la consommation de pornographie et se sont habitués au pire du pire en termes d’images sexuelles violentes. Ils sont de plus en plus engloutis dans un monde de jeux vidéo qui leur fait perdre du temps, absorbe leur énergie et les prive de capacités sociales essentielles à leur développement et à leur bonheur. 

Nous parlons souvent de la façon dont internet et les médias sociaux ont contribué à l’aliénation politique et à la polarisation sociale. Nous avons entendu parler encore et encore et encore de la fragmentation des médias. Ce sont de vrais problèmes. Mais l’aliénation est plus profonde que cela. 

L’estrangement des sexes

À bien des égards, jeunes hommes et jeunes femmes ont été séparés par des activités parasites différenciées qui affectent leur développement respectif et leurs interactions mutuelles d’une manière effrayante. De l’utilisation excessive des médias sociaux aux cyberdépendances liées à la pornographie et aux jeux vidéo, la socialisation virtuelle a des effets durables, souvent déplorables.

Bien sûr, beaucoup de jeunes ne se marient plus et n’ont plus d’enfants, du moins pas avant un âge plus avancé. Nous le savons, et les raisons de cette évolution forment un réseau complexe de changements sociaux et culturels. 

Mais aujourd’hui, ils ne datent plus. En fait, bien souvent, ils ne se rencontrent même pas. Lorsqu’ils se rencontrent, cela mène dans bien des cas à la déception, à la frustration et à l’incompréhension. La culture engendrée par la socialisation virtuelle ne leur a tout simplement pas donné les outils nécessaires pour se comporter d’une manière qui soit révélatrice de leur situation particulière, intentionnelle quant au but de l’occasion, ou ordonnée selon un objectif spécifique et plus élevé. 

La spiritualisation du monde

Il y a quelque temps, un ami proche m’a fait part d’une réflexion : d’une manière très étrange et effrayante, nous nous sommes spiritualisés. Nous sommes plus spirituels que nous ne l’avons jamais été. C’est l’une des choses les plus inhabituelles que j’aie entendues depuis un bon moment. 

Ceux d’entre nous qui sont chrétiens accordent souvent une grande valeur à ce qui est considéré comme spirituel. Et nous avons raison! Jusqu’à un certain point. Mais la nature de nos corps humains, animés par des âmes immatérielles, est révélatrice de l’excellence de notre physicalité. Nous parlons souvent du christianisme comme de la religion de l’Incarnation. Pourtant, une erreur très courante dans l’histoire du christianisme a été de mépriser notre corporéité. 

Tout au long de l’histoire, on a exprimé les réalités de l’esprit et de l’âme par des signes extérieurs, chargés de sens. Les nobles portaient des vêtements ostensiblement riches en matériaux, en couleurs et en symboles de la maison ou de la famille à laquelle ils appartenaient, par exemple. Les relations entre personnes de milieux, d’origines ou de sexes différents étaient dictées par certaines règles de conduite pleines de sens – et souvent de sagesse – mais parfois cachées derrière un rideau de traditionalisme, d’entêtement ou de snobisme. 

Aujourd’hui, nous n’avons plus d’aristocrates, mais nous avons certainement des oligarques, et ce sont eux qui proposent le métavers. Certaines de leurs fortunes s’élèvent à des centaines de milliards de dollars, mais il est souvent impossible de les distinguer extérieurement du citoyen moyen. 

D’une certaine manière, c’est la promesse de la socialisation virtuelle : devenir celui que l’on souhaite être. Les limites et les contraintes ont disparu, tout comme la compréhension de ses capacités et de ses faiblesses – son corps – dans le contexte de la personnalité donnée par Dieu.

Un vernis de démocratisation 

D’un point de vue socio-économique, cela illustre le triomphe d’un esprit démocratique qui domine la culture de notre époque et dont on pourrait penser qu’il tire ses origines de l’Évangile. 

Nous n’attendons plus que le visible parle de l’invisible, que ce soit dans des choses simples comme les vêtements ou les comportements amoureux, ou plus généralement dans nos interactions sociales, dans nos divertissements, dans notre sexualité. En ce sens, nous sommes plus spirituels que nos aînés. Pour faire simple, nous n’interagissons pas avec le monde dans toute sa physicalité.

Des promesses utopiques

Bien sûr, cela a beaucoup à voir avec internet, qui a certainement apporté des avantages indéniables en cours de route également. Cependant, si l’on considère les attentes quelque peu utopiques qui entouraient internet à ses débuts, on ne peut s’empêcher de se demander ce que le « métavers » apportera de bon une fois que nous en serons faits prisonniers. 

Si l’internet est un carré, le métavers sera un cube. Un mécanisme proprement dystopique prêt à nous maintenir dans le travail, le divertissement, la solitude et le désespoir, assis sur une pile de gadgets désuets, de restes de livraison et de chaussettes sales.

Se tenir à une saine distance sera difficile mais essentiel. On dit parfois que les outils en eux-mêmes n’ont pas de portée morale, une notion que nous pourrions vouloir contester. Mais le métavers n’est pas tant un outil qu’une idée de la vie bonne qui est étrangère à une compréhension classique et chrétienne de la personne humaine et de la façon dont elle peut trouver le bonheur. 

Une communauté qui a du corps

Le plus souvent, les relations saines et significatives, les amitiés, les mariages, les fratries ne peuvent pas être soutenues, ou croître dans la charité, lorsque nous sommes tous seuls.

La vie sacramentelle – qui accueille l’homme dans une relation avec Dieu par des signes tels que l’eau, le pain consacré et l’union conjugale – est l’une des façons par lesquelles les chrétiens sont liés à la communauté entre eux et avec Dieu, une communauté qui a du corps. Après tout, on parle du corps mystique du Christ.

Nous devons habiter nos églises, nos communautés, nos familles, nos amitiés avec la totalité de nous-mêmes. Vraiment, qui a besoin du métavers ? 

Comprendre la controverse sur la cohérence eucharistique aux États-Unis

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Au cours des derniers mois, un nouveau mot à la mode a commencé à circuler dans les milieux catholiques américains, débordant jusque dans les médias grand public et provoquant une controverse appréciable : la notion de cohérence eucharistique

À première vue, la conversation qui y est associée semble jaillir d’une collision assez peu commune entre les affaires de l’État et celles de l’Église, tournant autour de l’élection d’un deuxième président catholique, Joe Biden, mais les racines d’une réflexion renouvelée sur l’eucharistie dans le contexte américain soient plus profondes que cela. 

Commençons par rendre compte – autant que faire se peut – du contexte social et politique.

Un homme et son temps

Joe Biden avait 17 ans lorsque JFK – le tout premier président catholique, lui aussi d’origine irlandaise – a été élu en 1960 ; il avait 20 ans lorsque Vatican II s’est ouvert en 1962 ; il avait 25 ans lorsque Humanae Vitae a été promulguée en 1968 ; et il était déjà bien engagé dans sa carrière politique lorsque Jean-Paul II est devenu pape en 1978. La génération de catholiques américains à laquelle il appartient est à bien des égards différente des plus jeunes générations.

Les catholiques de la génération de Biden faisaient souvent partie de groupes ethniques confrontés à la marginalisation : Irlandais, Italiens, Polonais, Canadiens français, etc. Leur foyer naturel était le Parti démocrate, qui, à l’époque, était perçu par beaucoup comme reflétant mieux la doctrine sociale de l’Église, avec ses idéaux économiques progressistes et sa lutte pour les droits civils, au niveau fédéral du moins. 

Lorsque Biden est entré en politique fédérale en tant que jeune sénateur du Delaware en 1973, le jugement historique de la Cour suprême sur la légalité de l’avortement, Roe c. Wade, était à quelques jours d’être prononcé. Cette décision particulière est finalement devenue un point de désaccord majeur dans la société américaine, conduisant à une ère de guerres culturelles opposant les partisans d’une conception traditionnelle du mariage, de la famille, de la sexualité, mais aussi de la religion et de sa relation avec le politique, aux partisans d’une conception progressiste du libéralisme. 

Pendant un bon moment, ces guerres culturelles ont opposé les membres des partis respectifs tout autant que les partis eux-mêmes. Il y avait des démocrates pro-vie et pro-choix ainsi que des républicains pro-vie et pro-choix. Cependant, sous l’influence d’un processus lent mais croissant de polarisation politique et sociale, les deux partis sont devenus de plus en plus liés à l’une ou l’autre de ces positions. 

Une société polarisée, une Église déchirée

En conséquence, les Américains qui voulaient voter pour l’un ou l’autre des grands partis politiques traditionnels devaient choisir entre un parti économiquement et socialement conservateur et un parti économiquement et socialement libéral, laissant les catholiques américains avec deux options souvent peu attrayantes.

En effet, comme nous le savons, la doctrine sociale de l’Église, une tradition qui, dans sa forme moderne, remonte au pape Léon XIII, rejette à bien des égards le type de perspective économique que l’on décrit habituellement comme conservatrice aux États-Unis, du moins jusqu’à un certain point. L’Église catholique ne s’est pas engagée dans des considérations politiques et économiques particulières sur les moyens de mettre en œuvre les principes généraux qu’elle avance, mais le genre de dédain pour le pauvre qu’on a pu voir au cours des dernières décennies chez certains éléments de la droite américaine entre clairement en contradiction avec les instincts sociaux de nombreux catholiques. 

D’autre part, les enseignements clairs, définitifs et faisant autorité de l’Église sur des questions telles que l’avortement, le mariage et la sexualité, par exemple, mais aussi sur l’euthanasie et des notions générales de bioéthique, ont souvent été décrits dans notre environnement polarisé comme étant conservateurs. La plupart des grandes figures progressistes ou libérales du pays se sont associées à des luttes sociales et politiques contre ces normes qui, pour la plupart, ne sont pas en fait ancrées dans la croyance religieuse tant qu’elles reflètent l’attachement continu de l’Église catholique à une philosophie morale réaliste. En termes simples, cela signifie que la loi morale que nous soutenons épouse notre nature et que l’adhésion à cette loi conduit au bonheur. 

Dans ces guerres culturelles, les catholiques ont souvent été pris entre l’arbre et l’écorce. La pression exercée pour se conformer à un environnement politique polarisé ne cessant d’augmenter, beaucoup se sont retrouvés face à un choix binaire : soit ils devaient mettre de côté les principes économiques de la doctrine sociale de l’Église – comme s’il s’agissait d’une sorte de supplément facultatif – et se ranger du côté des conservateurs, soit ils prenaient le parti des libéraux sur des questions épineuses afin de poursuivre leur vision de la justice sociale. 

L’avortement et les guerres culturelles

Il s’agit évidemment d’une représentation très schématique de la situation, mais à bien des égards, cette dichotomie a également défini une nouvelle division au sein de l’Église entre ce qu’on a appelé des « catholiques libéraux » et des « catholiques conservateurs » – un schisme politique indésirable qui a déchiré l’unité de l’enseignement de l’Église sur les questions concernant le bien commun d’une manière très dommageable. Néanmoins, cette division a défini le catholicisme américain pendant des décennies – jusqu’à ce que des événements récents viennent brouiller les cartes. 

Joe Biden, un catholique irlandais du Delaware aux tendances progressistes, a choisi son camp, comme tant d’autres. Modéré dans l’âme, il s’est efforcé tout au long de sa carrière de maintenir une position mitoyenne sur des questions dites complexes comme l’avortement. Dans les années 70, il était personnellement opposé à l’avortement et politiquement favorable à certaines restrictions. Aujourd’hui, au soir de sa vie politique, la position de Biden sur l’avortement reflète le courant dominant du progressisme actuel : il est clairement et sans équivoque en faveur de la légalité, de la disponibilité et du caractère abordable de l’avortement, et dirige son administration en conséquence. 

Évidemment, cela contraste avec l’insistance de l’Église catholique à dénoncer l’avortement et à plaider pour son abolition. L’avortement a été décrit comme une question morale de très haute importance par tous les Papes à qui la question a été posée, depuis qu’elle est considérée comme un sujet de débat. Les catholiques, selon l’enseignement de l’Église, ont l’obligation morale d’aborder cette question, lorsqu’ils exercent leur droit de vote, avec grand soin et grande considération.

Selon un mémorandum de 2004 produit par la Congrégation pour la doctrine de la foi, signé par son préfet – à l’époque Joseph Ratzinger, qui est devenu le pape Benoît XVI peu après – une personne peut voter pour un candidat qui défend la position pro-choix, avec un esprit de proportion, malgré la position dudit candidat, mais jamais à cause de cette position. Dans le même esprit, un acteur politique donné qui est catholique peut choisir de ne pas poursuivre une lutte politique contre l’avortement pour des raisons prudentielles dans certaines circonstances, mais ne peut pas, par ses actions, faciliter l’accès à l’avortement sans prendre part à un acte intrinsèquement mauvais. 

La vitalité des débats sur l’avortement dans la société et la politique américaines est devenue spécifique au contexte américain. Dans d’autres pays, comme le Canada et une grande partie de l’Europe occidentale, la réalité est qu’il y a très peu d’intérêt politique pour un changement sur cette question, du moins pour le moment. En ce sens, les politiciens américains de confession catholique se trouvent dans un ensemble très spécifique de circonstances morales et politiques qui seraient impensables ailleurs de nos jours.

Des tensions croissantes 

Le fait qu’un président catholique en exercice (et nous pourrions également noter une présidente en exercice de la Chambre des représentants, également catholique) s’oppose si vigoureusement à l’agenda pro-vie dans de telles circonstances a entraîné des tensions au sein de l’Église catholique des États-Unis. Certains perçoivent Biden comme une figure modérée qui a aidé le pays à guérir, à dépasser une présidence remarquablement controversée et – diraient-ils – dangereuse. Le programme économique et environnemental de Biden serait également décrit par beaucoup comme plus conforme à des principes de solidarité sociale que celui de son prédécesseur. 

Cependant, d’autres estiment qu’un catholique contredisant la plus haute autorité de l’Église sur une question aussi importante fait scandale. Après tout, Biden ne se contente pas de tolérer l’avortement comme une réalité inévitable, mais a été un défenseur constant, bien que prudent, du mouvement pro-choix au fil des ans. Ceci, disent-ils, laisse Biden dans un état de péché grave, public et obstiné, et les personnes dans sa situation ne devraient pas être autorisées à recevoir la communion, parce qu’elles ne sont pas, en fait, en communion avec l’Église sur une question morale clairement et définitivement réglée. 

L’argumentation en faveur de cette position se fonde sur le droit canonique, en particulier le canon 915, qui stipule que : « les excommuniés et les interdits, après l’infliction ou la  déclaration de la peine et ceux qui persistent avec obstination dans un péché grave et manifeste, ne seront pas admis à la sainte communion ». Selon le mémorandum de la CDF cité ci-dessus, les hommes politiques qui militent activement en faveur de l’avortement ou de l’euthanasie ne devraient pas être autorisés par leur pasteur à recevoir la communion tant qu’ils se trouvent dans cette situation objective de péché. Cette position a été maintenue par l’USCCB – la Conférence des évêques catholiques des États-Unis – depuis lors. 

Certains prêtres et évêques estiment toutefois que toute décision visant à isoler le président Biden et à lui refuser la communion serait motivée par des considérations politiques. Ils pensent qu’une telle décision aurait pour effet de politiser l’eucharistie d’une manière qui divise et, en tant que telle, serait contraire à la notion même de communion. 

Une Église prise au piège

Ces débats ont donné lieu à une rhétorique intense dans le monde des médias catholiques américains. C’est dans ce contexte que l’USCCB a choisi, après un vote plus tôt cet été, d’approuver la rédaction d’un document sur l’eucharistie, espérant méditer et réfléchir sur ce mystère et sa centralité dans la vie de l’Église ainsi que sur les implications de la communion eucharistique pour l’Église et les fidèles de manière holistique, d’où la notion de cohérence eucharistique. 

Beaucoup ont noté que le contexte politique particulier entourant ce processus a obscurci la plénitude des intentions des évêques, pour qui une variété d’autres motivations – telles qu’une compréhension et une croyance défaillantes dans le mystère de l’eucharistie parmi la population catholique américaine – ont donné lieu à la rédaction d’un tel document.

En tant que telles, les réflexions sur la centralité de l’eucharistie pour les catholiques ne sont en aucun cas limitées à la controverse particulière entourant la situation singulière du président Biden. Loin de là. En fait, le document doit être compris comme une continuation de l’enseignement antérieur sur le sujet, comme l’encyclique Ecclesia de Eucharistia du saint Pape Jean Paul II en 2003 et Sacramentum caritatis, l’exhortation apostolique post-synodale du Pape Benoît XVI en 2007.

L’espoir d’un renouveau eucharistique 

Avant l’Assemblée générale d’automne de l’USCCB, qui a lieu cette semaine, un document de travail, qui ne mentionne ni Biden ni l’avortement en particulier, a été porté à la connaissance du public, réaffirmant des considérations théologiques générales sur le sacrement. 

Il semblerait que la plupart des évêques pensent que la priorité devrait être donnée à l’évangélisation et à un meilleur enseignement sur la splendeur de l’eucharistie dans le contexte d’une société sécularisée, où de nombreux catholiques ne comprennent pas ou ne croient pas en la présence réelle de Jésus-Christ dans le pain et le vin consacrés, par exemple, et en tenant compte des effets de la pandémie sur la fréquentation de l’Église et sur les communautés catholiques à travers le pays.

En ce sens, il semble que l’USCCB – ou du moins les évêques responsables de la rédaction du document – préfère ne pas limiter la conversation sur l’eucharistie comme « un mystère à croire, à célébrer et à vivre » (Sacramentum caritatis, 2007) aux particularités d’une controverse politique spécifique. En même temps, elle a démontré sa volonté constante à réitérer les principes généraux concernant la disposition à recevoir la communion comme un élément parmi d’autres dans une compréhension plus large de ce sacrement, avec ses différents aspects.

Cela reflète le principe d’organisation de l’Église, où l’autorité n’est pas nationale, mais plutôt diocésaine. Bien que certains au sein de l’Église américaine puissent espérer voir l’USCCB se prononcer dans un sens ou dans l’autre sur cette question, l’USCCB n’a aucune autorité particulière sur ce sujet; seuls les évêques concernés en ont une, dans le cadre de leur juridiction et conformément au droit canonique. 

Il est très possible que ceux qui souhaitaient que l’USCCB condamne publiquement et sans équivoque le président Biden pour sa politique pro-choix et ceux qui ont tendance à rejeter l’application attentive des principes concernant la disposition à recevoir la communion aux personnalités publiques soient déçus. Il n’y a pas de place dans l’Église pour les divisions particulières du système partisan américain, mais il y a très certainement de la place dans la société américaine – comme dans toutes les sociétés – pour le genre d’unité fondée sur la vérité que seule l’Église peut pleinement offrir.  

Les métamorphoses du moi

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Carl R. Trueman est un historien et théologien presbytérien travaillant aux États-Unis. Professeur et auteur de plusieurs ouvrages, il a récemment publié The Rise and Triumph of the Modern Self : Cultural Amnesia, Expressive Individualism, and the Road to Sexual Revolution, un ouvrage qui a fait sensation et a été décrit par plusieurs comme l’un des livres les plus importants de l’année, voire de la décennie. 

Publication majeure, préfacée par le célèbre écrivain orthodoxe Rod Dreher, le livre de Trueman est une authentique histoire intellectuelle du moi. À une époque où les critiques faciles et banales de la condition de l’homme moderne ne sont pas rares, la profondeur de la perspective de Truman est rafraîchissante.

Il aborde la révolution sexuelle – c’est-à-dire la libéralisation des mœurs sexuelles dans les sociétés occidentales au cours de la seconde moitié du XXe siècle – comme le symptôme d’une compréhension nouvelle et distinctive du moi, en invoquant certaines des grandes figures de la philosophie et de la littérature modernes.

Trueman s’appuie sur les analyses du sociologue américain Philip Rieff, qui a pensé l’homme moderne comme un être psychologique, dont la conception du bonheur est liée à un processus de découverte et d’expression de son identité intérieure fondamentale. Ce développement pour Trueman est à l’origine d’une disposition de plus en plus courante à rejeter les connaissances ou les idées qui remettent en cause ce mouvement de découverte et d’expression. 

Cette notion est liée à l’idée d’anti-culture, également de Rieff, pour qui l’homme psychologique rompt avec la transmission, caractéristique essentielle de la culture, dans la mesure où cette transmission, réalisée dans le milieu académique par la relation entre maître et apprenti, contredit le déploiement des identités. 

Pour expliquer cette transformation de la culture, Trueman évoque également les notions de mimesis (l’acte de répétition et d’imitation du maître qui fait entrer dans une culture qui nous dépasse) et de poesis (la recherche d’authenticité accomplie par la construction de son identité par et pour soi). 

Pour Trueman, notre époque est caractérisée par une forme d’individualisme expressif, qui met l’accent sur la vie intérieure et les émotions dissociées du contexte social particulier dans lequel nous sommes appelés à évoluer. Pour l’individualiste expressif, le moi se trouve dans le mouvement interne de sa psychologie, susceptible d’être réprimé de multiples façons dans l’ordre social. 

Trueman en fait remonter les origines à Rousseau et voit dans les différents représentants du mouvement romantique, comme Percy Shelley, l’héritage de cette inclination à concevoir la vie intérieure, psychologique, et les émotions comme le fondement de l’identité et à se méfier de l’environnement social comme lieu de répression du moi authentique.

Le philosophe catholique canadien de renommée mondiale Charles Taylor est identifié par l’auteur comme l’un des interprètes de cette transformation, lui qui l’a pensée en termes d’authenticité, une notion qui ne manque pas de résonance dans la culture populaire actuelle. 

Pour Trueman, nous sommes désormais immergés dans cette conception de l’identité et du moi, qui est déterminante pour notre réalité collective et partagée. Il soutient que la révolution sexuelle et ses effets font partie de cette évolution de notre conception commune de l’identité et de ce qui en constitue le cœur. 

Il soutient que toute cette logique – inhérente au mouvement de libéralisation sexuelle – se reflète dans notre conception du sexe et du genre en tant qu’identités. Cette question est particulièrement importante dans le cas des personnes transgenres, dont l’expérience est fondée sur un sentiment authentique et profond de distance radicale entre la personne intérieure et la personne extérieure, la personne privée et la personne publique, et qui parfois rapporte leur expérience de la vie sociale vécue comme une performance. 

La réalité des mœurs sexuelles après la libéralisation n’est plus comprise, dans la culture populaire et dans les mentalités de la plupart, en termes d’action, mais en termes d’identité. Ainsi, pour Trueman, les normes sexuelles qui étaient considérées comme ordinaires et largement partagées dans la société au moment de la révolution sexuelle ont été rapidement balayées par « l’amnésie culturelle » et « l’individualisme expressif ». 

L’Église catholique elle-même a fait l’expérience de la révolution sexuelle. Dans l’immédiate période postconciliaire, les principes catholiques de la morale sexuelle ont été remis en cause, même au sein de l’Église. Si le pape saint Paul VI les a réitérés en son temps, c’est le pape saint Jean-Paul II qui leur a donné le contexte d’une anthropologie philosophique, illustrant la concordance entre la loi morale et la nature profonde de la personne humaine. 

Cette nature est partagée, et elle se vit dans le monde social qui – dans le meilleur des cas et malgré les imperfections que nous connaissons – est le véhicule du développement de la personne et de son identité, plutôt que son ennemi. 

L’approche de Trueman fournit un outil précieux pour interpréter les transformations survenues dans notre compréhension de la personne humaine et des conditions propices à son développement intégral. Avec sophistication, Trueman ose dire des vérités dérangeantes sans être polémique. Après tout, nous devons comprendre le monde dans lequel nous vivons si nous espérons participer, modestement, à son évangélisation.

Les évêques canadiens accueilleront le pape François au Canada à l’occasion d’un pèlerinage historique de guérison et de réconciliation

(Image : Courtoisie de Unsplash)

La déclaration suivante de la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC) a été publiée le mercredi 27 octobre 2021.

L’appel à l’action #58 de la Commission de vérité et de réconciliation du Canada (CVR) stipule : «Nous demandons au pape de présenter, au nom de l’Église catholique romaine, des excuses aux survivants, à leurs familles ainsi qu’aux collectivités concernées pour les mauvais traitements sur les plans spirituel, culturel, émotionnel, physique et sexuel que les enfants des Premières Nations, des Inuits et des Métis ont subis dans les pensionnats dirigés par l’Église catholique. Nous demandons que ces excuses soient semblables à celles faites en 2010 aux Irlandais qui avaient été victimes de mauvais traitements et à ce qu’elles soient présentées par le pape au Canada, dans un délai d’un an suivant la publication du présent rapport.»

Pour en savoir plus sur la CVR et l’implication des catholiques dans les pensionnats, visitez le site Web du Centre national pour la vérité et la réconciliation.

Les évêques canadiens accueilleront le pape François au Canada à l’occasion d’un pèlerinage historique de guérison et de réconciliation

OTTAWA, 27 octobre 2021 – Les évêques catholiques du Canada remercient le pape François d’avoir accepté leur invitation à participer à un pèlerinage de guérison et de réconciliation au Canada. On peut consulter la déclaration complète du Saint-Père à ce sujet ici.

En prévision de cette visite, une délégation de survivants, d’aînés, de gardiens du savoir et de jeunes autochtones se rendra au Saint-Siège, où elle aura l’occasion de s’entretenir avec le pape François sur le calendrier, l’orientation et les thèmes du futur pèlerinage au Canada.

« Les évêques du Canada se sont engagés dans des discussions constructives avec les Premières Nations, en particulier avec les populations qui sont touchées par les problèmes liés aux pensionnats autochtones, et celles-ci ont témoigné de la souffrance et des difficultés qu’elles rencontrent encore aujourd’hui, a déclaré le président de la CECC, Mgr Raymond Poisson. Nous prions pour que la visite du pape François au Canada marque une étape importante sur le chemin de la réconciliation et de la guérison. »

Les évêques canadiens se sont récemment engagés à travailler avec le Saint-Siège et les partenaires autochtones afin d’organiser une visite pastorale du pape au Canada. À la suite de cet engagement, et après trois années de dialogue entre les évêques canadiens, le Saint-Siège et les peuples autochtones, le président et l’ancien président de la CECC se sont rendus à Rome au début du mois pour y rencontrer le secrétaire d’État du Saint-Siège et discuter des prochaines étapes du processus de réconciliation et des préparatifs en vue de la visite de la délégation.

Cette délégation, qui sera accueillie par le Saint-Siège du 17 au 20 décembre 2021, est organisée en étroite collaboration avec les organisations autochtones nationales et d’autres partenaires

« Nous inviterons cette délégation de survivants, d’aînés et de jeunes autochtones à ouvrir leur cœur au Saint-Père, à exposer leurs souffrances, et à exprimer leurs espoirs et leurs désirs en vue de sa future visite au Canada », a ajouté Mgr Poisson.

D’autres détails sur le pèlerinage du pape François au Canada, ainsi que sur la délégation de Rome, seront annoncés par la CECC dès que les détails seront confirmés. 

À propos de la Conférence des évêques catholiques du Canada

La Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC) est l’Assemblée nationale des évêques du Canada. Elle a été fondée en 1943 et reconnue officiellement par le Saint-Siège en 1948.

Ne manquez pas cette nouvelle Pentecôte!

(Image : courtoisie de Unsplash)

Le 10 octobre dernier, le pape François a ouvert le Synode sur la synodalité, qui commence maintenant et qui culminera en 2023. Un « Synode sur la synodalité » peut paraître curieux, mais ce que ça veut dire concrètement, c’est que l’Église entière entame un chemin inédit pour se renouveler, à partir du niveau local. Pour avancer sur ce chemin, l’Église a besoin de vous ! 

C’est une nouvelle Pentecôte, pour cheminer ensemble afin de devenir l’Église que Dieu appelle à ce tournant crucial dans l’histoire de l’humanité.

Donc ça marche comment ?

À travers le monde entier, des personnes vont commencer à se rassembler dans les paroisses, les groupes, les mouvements catholiques et les diocèses, afin de faire entendre leur voix et de s’écouter mutuellement.

Une Église synodale, en annonçant l’Évangile, “marche ensemble”. De quelle manière ce “marcher ensemble” se réalise-t-il aujourd’hui dans votre Église locale ? Quels pas l’Esprit nous invite-t-il à faire pour grandir ?

Quels sont les joies, les défis, les points d’ombre et de lumière sur notre chemin commun, en tant que chrétiens dans le monde d’aujourd’hui ? De quelle manière l’Esprit saint nous appelle-t-il à avancer ensemble, comme pèlerins sur la même route, au service de l’humanité, comme Dieu le veut ? Le but est d’impliquer autant de personnes que possible dans ce processus mondial d’écoute mutuelle sincère. Par cette expérience, notre objectif est d’écouter ce que l’Esprit saint a à nous dire. 

Dieu ne parle pas à travers les ondes d’un mégaphone. Au contraire, il sème son grain dans nos cœurs, irrigués chaque fois que nous nous rassemblons en Église. Par notre cheminement commun, nous sommes capables de parcourir le monde et de porter du fruit dans la société, dans nos familles, dans nos milieux de travail et à travers l’humanité tout entière. 

Ne manquez pas cette occasion de faire entendre votre voix sur ce chemin que nous empruntons ensemble vers l’Église que Dieu veut pour aujourd’hui et demain. Chacun a son rôle à jouer. Sous ce rapport, l’Église est comme un casse-tête – chaque pièce est nécessaire, sans quoi il y a quelque chose qui manque.  

Renseignez-vous auprès de votre paroisse ou de votre diocèse pour savoir comment vous pouvez vous impliquer! Et s’il n’y a rien de prévu, pourquoi ne pas prendre l’initiative vous-mêmes, et former un groupe pour réfléchir et partager? Cette opportunité est trop importante pour la manquer! Qui sait ce que l’Esprit saint sera capable de faire en nous si nous lui laissons un peu de place dans nos cœurs et au sein de nos communautés! Le chemin vers une nouvelle Pentecôte pour l’Église et pour le monde commence par vous et moi. 

Viens, Esprit saint, inonde nos cœurs, rassemble-nous et renouvelle Ton Église pour la vie du monde. Amen.

Utopie, dystopie et espérance chrétienne

(Image : Sohee Park/Bessi/USA)

La semaine dernière, j’ai abordé le binôme utopie-dystopie en évoquant le roman d’anticipation dystopique du prêtre catholique Robert Hugh Benson, Le Maître de la terre. Cette semaine, j’aimerais aborder de manière plus générale cette question et ses ramifications dans la culture populaire. 

De l’utopie…

Pour y arriver, il sera utile de nous pencher rapidement sur la notion d’utopie et sa signification. Le terme « utopie » a été forgé par saint Thomas More, un éminent juriste et homme politique anglais ayant subi le martyr pour avoir refusé d’acquiescer à l’entreprise schismatique du roi Henri VIII. 

Saint Thomas More l’a utilisé pour intituler un ouvrage dans lequel est présenté une société supposée idéale, la meilleure forme de communauté politique envisageable. Il signifie, d’un point de vue étymologique, quelque chose comme « de nulle part », ou « en aucun lieu ». La démarche de More, parfois comparée à celle de Platon dans la République, est complexe et ses motivations pour la rédaction de cet ouvrage ont fait l’objet de nombreuses interprétations.

De manière générale, l’utopie comme genre littéraire est la démarche intellectuelle visant la description d’une société idéale, libérée du poids des vicissitudes humaines. L’utopie est souvent articulée autour d’idéaux comme l’égalité, la justice et la fraternité. Du même souffle, ce vocable revêt le sens d’une vision impossible à réaliser dans les faits, d’une proposition imaginaire. 

À mesure qu’avance le projet moderne, la démarche de l’utopie, en s’appuyant sur une confiance croissante dans les capacités humaines à ordonner le monde, a tendu à se confondre aux idéologies politiques, dont certaines, comme le socialisme utopique, vise la construction ici-bas de la société idéale. 

Des expériences historiques dramatiques comme la Révolution française et la Révolution d’octobre 1917 en Russie ont été motivées par ce type d’ambition. On pourrait même dire que les grandes idéologies du XXe siècle – le fascisme, le communisme et le libéralisme – sont chacune caractérisée par une inclination utopique particulière. L’expérience de ce siècle de violence et l’évidence de l’échec des entreprises utopiques d’extrême-droite et d’extrême-gauche aura tendu à briser le moule de l’utopie politique, jusqu’à conduire, pour certains, à la fin des idéologies. 

À la dystopie

On ne peut parler de l’utopie comme genre littéraire sans parler de la dystopie, sa contrepartie, son terme opposé, dont l’étymologie signifie essentiellement  « mauvais lieu ». Le genre dystopique a connu au XXe siècle une fortune extraordinaire. 

Nous avons abordé précédemment certains des grands titres du genre : 1984 (Orwell) et Le Meilleur des mondes (Huxley), ou encore Fahrenheit 451 (Bradbury). La prolifération de livres, de films et de séries télévisées à caractère dystopique est certainement le signe d’une société marquée par l’angoisse. Comme l’objet propre de chaque utopie pointe en quelque sorte vers l’idole à laquelle elle se rapporte, l’objet particulier de chaque dystopie est révélateur des inquiétudes propres à l’esprit du temps.

De cette manière, on sent que l’on a assisté à une transition. Avant la tragédie des grands conflits mondiaux, nous vivions à une époque marquée par un certain optimisme à l’égard des potentialités de l’homme seul, exemplifié notamment par une glorification de la science expérimentale et des savoirs dits positifs. C’est d’ailleurs justement cet excès d’optimisme qui nous conduit vers les pires expériences de l’histoire humaine, et à ce titre la perspective de Benson sur la menace d’un humanisme séculier apparaît tout à fait prophétique. 

D’ailleurs, si la disposition utopique n’a pas la crédibilité dont elle jouissait plus spontanément à une autre époque, force est de constater qu’elle s’est manifestée par vague à certains moments de notre histoire récente. Si les grandes crises écologiques, économiques et sanitaires que nous vivons actuellement peuvent nous conduire à un excès de pessimisme, en Occident le futurisme caractéristique des années 1960 ou le triomphalisme militaire singulier des années 1990 ne sont pas loin derrière nous. 

L’espérance chrétienne : ni optimiste, ni pessimiste

Derrière le binôme utopie-dystopie, dans la plupart de ses représentations axées sur les réalisations humaines, se cache justement les excès d’optimisme et/ou de pessimisme dont le chrétien, mû par l’espérance théologale, doit savoir se tenir éloigné. La tradition chrétienne se distingue, en effet, par un certain nombre de caractéristiques qui devraient nous en prévenir. 

D’un côté, l’anthropologie catholique est caractérisée par un certain pessimisme : l’homme est pécheur et c’est la grâce qui sauve. De l’autre, l’eschatologie chrétienne, à laquelle se rapporte justement la vertu théologale d’espérance, contient la promesse d’une Création renouvelée, d’une Cité nouvelle, d’une Jérusalem céleste où les hommes vivront en pleine communion avec Dieu, point d’aboutissement d’une victoire décisive déjà acquise par son Christ. 

En un sens, l’anthropologie catholique nous interdit d’entretenir des visées utopiques : le Paradis n’est pas de ce monde, les hommes sont généralement faibles, la vie politique, si elle est une nécessité et poursuit un certain bien, ne peut répondre seule à toutes les crises qui choquent la conscience des croyants : crise écologique, crise migratoire, crise sanitaire, crise économique. La doctrine sociale de l’Église n’est certes pas fataliste, mais elle est à son meilleur habitée par un réalisme qu’il ne faut pas oublier.

Il n’est pas rare à notre époque cependant, pour des raisons diverses qui ont à voir avec les profonds changements spirituels qui affectent nos sociétés occidentales, d’entendre dans certains milieux chrétiens un ton excessivement catastrophiste ou l’utilisation d’un langage radicalement dystopique. Si certaines choses ne vont pas aussi bien qu’on pourrait le souhaiter dans nos société, à bien des égards, ces imperfections parfois choquantes ne doivent pas nous laisser nous détourner de l’espérance eschatologique. 

L’histoire de la Chrétienté est pleine de rebondissements, mais nous ne devons jamais oublier que c’est une histoire qui se finit bien.

Ressources supplémentaires

On trouvera ici une série d’exemples de livres, de films et de séries télévisées ayant influencé la culture populaire, abordant de près ou de loin les thèmes de l’utopie et de la dystopie, sous des formes diverses. Plusieurs de ces réalisations, abordant des thématiques parfois choquantes, ne sont pas elles-mêmes porteuses d’un regard chrétien sur la réalité.

 

Utopie 

  • La République (livre), Platon. 
  • L’Utopie (livre), Thomas More. 
  • Une utopie moderne (livre), H. G. Wells.
  • Le Monde de demain (film), Brad Bird. 
  • The Good Place (série humoristique), Michael Schur. 

Dystopie 

  • Le Maître de la terre (livre), Robert Hugh Benson.
  • Le Meilleur des monde (livre), Aldous Huxley. 
  • 1984 (livre), George Orwell. 
  • Les racines du mal (roman cyberpunk), Maurice G. Dantec. 
  • Blade Runner (film), Ridley Scott. 
  • La Matrice (film), Les Wachowski
  • Black Mirror (série), Charlie Brooker. 
  • The Handmaid’s Tale : La Servante écarlate (série basée sur le roman de Margaret Atwood), Bruce Miller.

Compte-rendu de lecture : Le Maître de la terre

(Image : courtoisie de Wikimedia Commons)

Le binôme utopie-dystopie constitue un thème central de la littérature du vingtième siècle. Certains des romans les plus lus de notre époque sont directement issus de cette tradition. On peut notamment penser à 1984 de George Orwell, une dystopie au caractère profondément politique qui illustre brillamment les pires excès du totalitarisme. 

On pense également au célèbre Meilleur des mondes, d’Aldous Huxley, qui parodie le caractère utopique du roman d’anticipation futuriste caractéristique de l’œuvre de H.G. Wells et met en scène les vicissitudes d’un monde où règnent le confort matériel, le plaisir et l’avachissement de l’âme humaine dans un océan de banalité narcotique. 

Il semble que ces œuvres soient devenues si connues, si profondément ancrées dans la culture populaire qu’elles ont perdu de leur vivacité, ou plutôt de leur capacité à surprendre. Si cela n’enlève rien à leur mérite, et qu’une discussion passionnante sur ce qui nous fait craindre l’avenir mérite d’avoir lieu, d’autres œuvres moins connues mais tout aussi fascinantes abordent la question sous des angles parfois très surprenants. 

C’est le cas du Maître de la terre, un roman dystopique écrit par le prêtre catholique anglais Robert Hugh Benson, dont l’histoire personnelle rime avec celle du Mouvement d’Oxford et de son plus illustre représentant, saint John Henry Newman. 

Benson est issu d’un milieu très sophistiqué, héritier d’une importante famille du clergé anglican. Son père était archevêque de Cantorbéry, la plus haute fonction ecclésiastique de l’Église anglicane, et c’est par lui qu’il fut ordonné prêtre de l’Église anglicane à la fin du XIXe siècle. 

C’est au terme d’un vif parcours intellectuel qu’il se convertit et devient prêtre dans l’Église catholique au début du siècle suivant. Le Maître de la terre, de loin son œuvre la plus connue et la plus lue, a été louée et qualifiée de prophétique par un certain nombre de penseurs ces dernières années, dont le Pape émérite Benoît XVI et le Pape François, qui en ont chacun souligné les mérites. 

Mais de quoi parle cette œuvre mystérieuse? Publié en 1908, le livre projette son contemporain cent ans dans le futur, au début du XXIe siècle. Le père Percy Franklin vit à Londres, dans une Europe transformée, essentiellement acquise à une forme d’humanisme séculier, libéré de toute considération métaphysique et semblable, par bien des aspects, au positivisme caractéristique de la pensée du philosophe français Auguste Comte, où l’homme s’est, pour ainsi dire, érigé en son propre dieu. On y reconnaîtra aussi certainement l’univers dans lequel nous évoluons actuellement. 

Le monde, divisé politiquement en une Confédération européenne, une République américaine et un Empire d’Orient, est divisé spirituellement entre l’humanisme séculier dont nous avons parlé, les religions orientales et un catholicisme vacillant, la seule forme de christianisme qui ait survécu jusqu’à présent. Nous vivons sous la menace d’une confrontation entre la Confédération européenne et l’Empire d’Orient, qui fait des progrès notables. 

On suit d’une part l’histoire du père Percy Franklin, de plus en plus vulnérable à mesure que la position du catholicisme s’affaiblit, et d’autre part un ensemble de personnages impliqués dans l’administration du régime socialiste en place en Angleterre, alors qu’un mystérieux sénateur Felsenburgh, doté de dons particuliers, émerge de cette situation humaine et géopolitique tendue, prétendant apporter la paix et se voyant attribuer des pouvoirs extraordinaires sur une Europe troublée.

L’histoire du Maître de la terre – qui aborde sous le couvert du roman d’anticipation et de la science-fiction les questions profondes de l’eschatologie chrétienne – met en avant des principes contradictoires. L’humanisme séculier, centré sur les préoccupations humaines et s’écartant des pratiques rituelles chrétiennes à la manière des pires excès de la Révolution française, est l’adversaire d’un catholicisme qui, isolé et affaibli à la fin de l’histoire, est appelé à lui résister avec des moyens limités. 

La perspective dystopique de Benson s’articule ici – loin des angoisses technologiques ou écologiques – essentiellement autour de considérations spirituelles. Il surprendra certains de nos contemporains par sa description lucide mais piquante d’un certain humanisme lorsqu’il est détaché des principes qui le justifient, en l’occurrence les principes de l’anthropologie chrétienne. 

À l’heure des grandes crises écologiques, sanitaires et économiques, la perspective dystopique est dans l’air du temps, un temps très éloigné des décennies – certes contrastées mais marquées en Occident par un état d’esprit optimiste, voire à certains moments futuristes – de la seconde moitié du XXe siècle. Aussi, la littérature dystopique et ses expressions dans la culture populaire ont le mérite de mettre en lumière ce qui inquiète les uns et ce qui réjouit les autres. 

Pour Benson, un penseur défini par une compréhension chrétienne de la cosmologie et de l’avenir du Monde – notre maison éphémère – le péril spirituel de l’homme semble résider dans la forme particulière du culte de l’homme par l’homme, une humanité s’idôlatrant elle-même. Dans un monde largement sécularisé, il y a là matière à réflexion.

Qu’est-ce que le synode sur la synodalité ?

(Image : courtoisie de Unsplash)

En octobre, l’Église tout entière entre en synode.

Le pape François l’ouvrira à Rome durant la fin de semaine du 9 au 10 octobre, et chaque diocèse du monde entier est appelé à célébrer l’ouverture du synode au niveau local le dimanche suivant, le 17 octobre. Le thème en est « Pour une Église synodale : communion, participation et mission ».

Il y a un synode qui commence en octobre ?

Oui ! Et ce synode sera différent de tous les autres ! De 2021 à 2023, ce sera un chemin de partage, de réflexion et d’écoute à tous les niveaux et dans toute l’Église !

Qu’est-ce qu’un synode exactement ?

Un synode est un rassemblement – traditionnellement d’évêques – qui aide l’Église à avancer dans une même direction. Le mot « synode » vient du grec syn-hodos, qui signifie « le même chemin » ou « la même voie ». Les synodes étaient courants dans les premiers siècles du christianisme, donnant aux évêques l’occasion de se rencontrer et de discuter de questions importantes pour la vie de l’Église. En 1965, le pape Paul VI a institué le Synode des évêques au niveau universel de l’Église. Il voulait un moyen de poursuivre l’échange fraternel et collégial qui avait été expérimenté lors du Concile Vatican II, où les évêques du monde entier s’étaient réunis entre 1962 et 1965. Depuis lors, des synodes sont organisés tous les deux ou trois ans, réunissant des évêques, des experts et divers délégués pour discuter de sujets tels que l’Eucharistie, la parole de Dieu, le Moyen-Orient, la nouvelle évangélisation, la famille, les jeunes et l’Amazonie. Dans chaque cas, les évêques votent sur un document final, puis le pape rédige son propre texte – appelé « exhortation apostolique » – afin d’ouvrir de nouvelles voies et d’éclairer d’un jour nouveau ce dont il a été question, pour que cela puisse rayonner dans toute l’Église.

Quelle est la particularité de ce synode sur la synodalité ?

Contrairement aux synodes précédents, celui-ci n’a pas pour but d’aborder une question particulière, mais de nous permettre de devenir ce que Dieu nous appelle à être en tant qu’Église, tous ensemble, dans la réalité du monde d’aujourd’hui ! Le Synode qui débutera en octobre 2021 est totalement inédit, pour au moins trois raisons.

  1. Il ne s’agit plus seulement d’un Synode des évêques d’un mois, mais d’un processus synodal de deux ans pour tout le peuple de Dieu, tous les baptisés ! Tous sont invités et personne ne doit être laissé de côté, ou exclu !
  2. C’est un synode qui vise à donner à toute l’Église une expérience vécue de la synodalité. Il ne s’agit pas seulement de remplir un questionnaire, mais de recueillir les fruits de ce que l’Esprit Saint nous dit ici et maintenant.
  3. Le but du synode n’est pas seulement de parler de la synodalité, mais de la mettre en pratique dès maintenant, dans chaque diocèse, paroisse et pays du monde entier. Cela nous appelle tous, à tous les niveaux de l’Église, à renouveler notre façon d’être et de travailler ensemble pour aller de l’avant.

Mais qu’est-ce que la synodalité ?

Fondamentalement, la synodalité consiste en un cheminement commun. Cela se fait par l’écoute mutuelle qui permet d’entendre ce que Dieu nous dit. C’est réaliser que le Saint-Esprit peut s’exprimer à travers n’importe qui pour nous aider à avancer ensemble sur notre chemin comme peuple de Dieu.

Il ne s’agit pas de prendre deux ans pour comprendre un nouveau mot à la mode qui va bientôt disparaître. La synodalité n’est pas une phase passagère ! Au contraire, « marcher ensemble » est au cœur de ce qu’est l’Église, comme peuple de Dieu en pèlerinage au milieu du monde. À l’époque de l’Église primitive, saint Jean Chrysostome disait que pour lui, « Église » et « synode » étaient synonymes, puisque l’Église consiste en ce cheminement commun. En ce sens, la synodalité est une manière de renouveler l’Église à partir de ses racines les plus profondes, afin d’être plus unis les uns aux autres et de mieux accomplir notre mission dans le monde. Concrètement, la synodalité est une façon d’être et de travailler selon une approche plus proche de la base et plus collaborative, en prenant le temps de discerner le chemin à suivre ensemble. Elle met en évidence le fait que nous avons tous quelque chose de précieux à apporter au Corps du Christ. De cette manière, une « Église synodale »  est une Église qui écoute : « C’est une écoute réciproque dans laquelle chacun a quelque chose à apprendre. Le peuple fidèle, le Collège épiscopal, l’Évêque de Rome, chacun à l’écoute des autres ; et tous à l’écoute de l’Esprit Saint, l’« Esprit de Vérité » (Jn 14, 17), pour savoir ce qu’il dit aux Églises (Ap 2, 7). » (Pape François, Commémoration du 50e anniversaire de l’institution du Synode des évêques, 17 octobre 2015).

Cela nous appellera naturellement à changer nos façons de faire, afin que nous devenions de plus en plus ce que nous sommes véritablement en tant qu’Église, et que nous cheminions ensemble au milieu de toute la famille humaine, guidés par l’Esprit Saint.

Alors pourquoi un synode sur la synodalité ?

L’idée d’un « synode sur la synodalité » peut ressembler à celle d’un film sur le cinéma ou un livre sur la littérature (ou encore un rêve dans un rêve pour ceux qui ont vu le film Origine). Mais ne vous inquiétez pas, il ne s’agit pas d’un tour de passe-passe compliqué. Il s’agit plutôt d’une invitation pour que l’ensemble de l’Église fasse entendre sa voix.

Nous ne pouvons avancer que si nous travaillons et marchons ensemble. Aucun chrétien ne doit être seul ! Chaque membre est nécessaire au Corps du Christ !

À travers ce synode, l’Église dit : la voix de TOUS compte parce que Dieu peut parler à travers N’IMPORTE QUI – pas seulement les évêques, les prêtres, les diacres, les frères ou les sœurs, mais NOUS TOUS ! Le pape François a déclaré que cette approche collaborative et inclusive de la synodalité est précisément « le chemin que Dieu attend de l’Église au troisième millénaire ». Il s’agit véritablement d’une révolution de l’Esprit-Saint vers l’Église que Dieu nous appelle à être pour demain, dès aujourd’hui !

Découvrez ce qui se passe dans votre diocèse et votre paroisse pour vivre le Synode au niveau local. Chaque diocèse est appelé à animer des rencontres synodales locales pour impliquer tous les fidèles dans ce cheminement entrepris par toute l’Église.

Bien sûr, « synodalité » peut avoir l’air d’un mot compliqué, mais il est encore plus difficile de la mettre en pratique. C’est tout l’enjeu du synode de deux ans que l’Église entame maintenant : permettre à l’Église d’avancer unie dans la mission que tous partagent. Cela commence par l’attention portée à ceux qui sont souvent oubliés, exclus ou pas écoutés – nous devons entendre ce que Dieu a à nous dire à travers ceux que nous tendons à ignorer. Le chemin vers une Église qui écoute commence avec vous et moi. Allons de l’avant ensemble !

Esprit Saint de Dieu, conduis l’Église sur son chemin de pèlerinage alors que nous T’écoutons parler à travers chacun. Fais brûler le feu de Ton amour dans nos cœurs pour que nous avancions ensemble comme Église, accompagnant toute l’humanité sur un chemin commun vers Toi.

Vérité et réconciliation : le chemin devant nous

(Crédit photo : Cathopic)

Est-ce que je suis le gardien de mon frère, est-ce que je suis le gardien de ma sœur?

Cette question éclaire le sens profond de la première journée nationale de la vérité et de la réconciliation. 

Elle est la réponse de Caïn lorsque Dieu lui demande : « Où est ton frère Abel ? »

Nous pourrions être tentés de considérer cette journée comme un simple congé férié ou une occasion de se tenir occupés à la maison. Nous pourrions ne pas voir le lien qui nous unit avec les innombrables élèves et survivants du système des pensionnats, leurs familles et leurs communautés. Nous pourrions nous demander : « Est-ce que je suis le gardien de mon frère, est-ce que je suis le gardien de ma sœur ? »

À travers le Canada aujourd’hui, nous avons l’occasion de comprendre la question de Dieu sous un jour nouveau : « Où est ton frère autochtone, où est ta sœur autochtone ? » Quelle est notre réponse ? 

Nous pourrions rester détachés, en nous disant que c’est la responsabilité d’un autre. Or, nous pouvons aussi nous laisser toucher et nous sentir personnellement concernés. Il est particulièrement crucial pour nous, catholiques et chrétiens, de le faire, puisque des figures d’autorités dans notre Église sont parmi les responsables de ces tragédies odieuses. Quelle est notre réponse personnelle face à ces réalités troublantes ? De quelle manière notre foi peut-elle contribuer à éclairer le chemin à parcourir ?

La chemin de l’indifférence, qu’il peut être tentant d’emprunter, ne fait que nous aveugler et refroidir nos cœurs. Devant cette crise nationale, Dieu nous invite à marcher dans une autre voie, en ouvrant nos yeux sur la souffrance des autres, et en nous faisant sortir de nous-mêmes vers la solidarité, la guérison et la réconciliation. Quelle route choisirons-nous d’emprunter ?

Le contraste entre ces deux voies est saisi de manière poignante dans la parabole du bon Samaritain (Luc 10:25-37). On demande à Jésus : « Qui est mon prochain ? ». Par sa réponse, Jésus nous présente la figure d’un homme battu et ensanglanté, souffrant à cause des blessures qu’il a subies. Beaucoup passent à côté, détournent et font semblant de ne pas voir. Puis, quelqu’un ose s’arrêter, mettre l’indifférence de côté et se laisser toucher personnellement. Avec son cœur et ses mains, il entre dans une relation. Jésus nous dit : « Va, et toi aussi, fais de même. »

Nous pouvons entendre ces paroles de Jésus et y voir une référence à tous ceux qui souffrent. Pour l’instant, aujourd’hui, à ce moment de l’histoire de notre pays, nous devons entendre le cri de nos frères et sœurs autochtones. Nous devons ouvrir nos oreilles pour entendre la vérité, et nous devons travailler à la réconciliation avec nos cœurs et avec nos mains.

Le chemin de la vérité et de la réconciliation est long et ardu. Il n’y a pas de solution miracle, et nous ne verrons peut-être pas l’impact de nos efforts. L’argent et les ressources ne sont qu’une partie de l’équation. La véritable guérison exige bien plus. Chaque personne guérit à son propre rythme, et il n’existe pas de solution unique. À mesure que la vérité fait surface, nous devons faire notre part pour rencontrer les survivants, leurs familles et leurs communautés là où ils se trouvent afin d’avancer ensemble sur un chemin graduel de réconciliation. C’est ainsi que Jésus se comportait avec les personnes qu’il rencontrait, en particulier celles qui souffraient. Il leur a tendu la main, les a écoutés et a marché avec eux sur un chemin de guérison.

Pour faire notre part, nous devons choisir entre deux voies très différentes. Allons-nous détourner le regard, préférant ne pas voir ? Ou laisserons-nous nos cœurs et nos mains s’ouvrir pour entrer en relation avec nos frères et nos sœurs ? 

Que l’Esprit de notre Père et Créateur nous conduise vers la guérison des blessures et la réconciliation de Ses enfants. Nous sommes gardiens de nos frères, nous sommes gardiens de nos sœurs.

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