Revivez dans cette émission les célébrations du week-end Pascal au Vatican. Depuis le Triduum Pascal dès jeudi saint, jusqu’au lundi de Pâques.
Message de Pâques et bénédiction Urbi et Orbi
Vous trouverez ci-dessous le message de Pâques prononcé par le pape François ce dimanche 1er avril 2018, ainsi que sa bénédiction Urbi et Orbi, depuis la loggia de la basilique Saint-Pierre.
Chers frères et soeurs, bonne fête de Pâques !
Jésus est ressuscité d’entre les morts.
Cette annonce résonne dans l’Église par le monde entier, avec le chant de l’Alleluia : Jésus est le Seigneur, le Père l’a ressuscité et il est vivant pour toujours au milieu de nous.
Jésus lui-même avait annoncé à l’avance sa mort et sa résurrection avec l’image du grain de blé. Il disait : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12, 24). Voilà, justement cela est arrivé : Jésus, le grain de blé semé par Dieu dans les sillons de la terre, est mort tué par le péché du monde, il est resté deux jours dans le tombeau ; mais dans sa mort était contenue toute la puissance de l’amour de Dieu, qui s’est dégagée et qui s’est manifestée le troisième jour, celui que nous célébrons aujourd’hui : la Pâque du Christ Seigneur.
Nous chrétiens, nous croyons et nous savons que la résurrection du Christ est la véritable espérance du monde, celle qui ne déçoit pas. C’est la force du grain de blé, celle de l’amour qui s’abaisse et qui se donne jusqu’au bout, et qui renouvelle vraiment le monde. Cette force porte du fruit aussi aujourd’hui dans les sillons de notre histoire, marquée de tant d’injustices et de violences. Elle porte des fruits d’espérance et de dignité là où il y a de la misère et de l’exclusion, là où il y a la faim et où manque le travail, au milieu des personnes déplacées et des réfugiés – tant de fois rejetés par la culture actuelle du rebut –, aux victimes du narcotrafic, de la traite des personnes et des esclavages de notre temps.
Et nous aujourd’hui, demandons des fruits de paix pour le monde entier, à commencer par la bien-aimée et tourmentée Syrie, dont la population est épuisée par une guerre qui ne voit pas de fin. En cette fête de Pâques, que la lumière du Christ Ressuscité éclaire les consciences de tous les responsables politiques et militaires, afin que soit mis un terme immédiatement à l’extermination en cours, que soit respecté le droit humanitaire et qu’il soit pourvu à faciliter l’accès aux aides dont ces frères et soeurs ont un urgent besoin, assurant en même temps des conditions convenables pour le retour de tous ceux qui ont été dispersés.
Invoquons des fruits de réconciliation pour la Terre Sainte, blessée encore ces jours-ci par des conflits ouverts qui n’épargnent pas les personnes sans défense, pour le Yémen et pour tout le Moyen Orient, afin que le dialogue et le respect réciproque prévalent sur les divisions et sur la violence. Puissent nos frères en Christ, qui souvent subissent brimades et persécutions, être des témoins lumineux du Ressuscité et de la victoire du bien sur le mal.
Demandons instamment des fruits d’espérance en ce jour pour tous ceux qui aspirent à une vie plus digne, surtout dans ces parties du continent africain tourmentées par la faim, par des conflits endémiques et par le terrorisme. Que la paix du Ressuscité guérisse les blessures au Sud Soudan et dans la République Démocratique du Congo tourmentée : qu’elle ouvre les coeurs au dialogue et à la compréhension réciproque. N’oublions pas les victimes de ces conflits, surtout les enfants ! Que ne manque pas la solidarité pour les nombreuses personnes contraintes à abandonner leurs terres et privées du minimum nécessaire pour vivre.
Implorons des fruits de dialogue pour la péninsule coréenne, pour que les entretiens en cours promeuvent l’harmonie et la pacification de la région. Que ceux qui ont des responsabilités directes agissent avec sagesse et discernement pour promouvoir le bien du peuple coréen et construire des relations de confiance au sein de la communauté internationale.
Demandons des fruits de paix pour l’Ukraine, afin que se renforcent les pas en faveur de la concorde et soient facilitées les initiatives humanitaires dont la population a besoin.
Appelons des fruits de consolation pour le peuple vénézuélien, qui – comme l’ont écrit ses pasteurs – vit dans une espèce de « terre étrangère » dans son propre pays. Puisse-t-il, par la force de la Résurrection du Seigneur Jésus, trouver le chemin juste, pacifique et humain pour sortir au plus vite de la crise politique et humanitaire qui le tenaille, et que accueil et assistance ne manquent pas à tous ceux de ses enfants qui sont contraints d’abandonner leur patrie.
Que le Christ Ressuscité apporte des fruits de vie nouvelle aux enfants qui, à cause des guerres et de la faim, grandissent sans espérance, privés d’éducation et d’assistance sanitaire ; et aussi pour les aînés mis à l’écart par la culture égoïste, qui met de côté celui qui n’est pas «productif».
Invoquons des fruits de sagesse pour ceux qui dans le monde entier ont des responsabilités politiques, afin qu’ils respectent toujours la dignité humaine, se prodiguent avec dévouement au service du bien commun et assurent développement et sécurité à leurs propres citoyens.
Chers frères et soeurs,
A nous aussi, comme aux femmes accourues au tombeau, sont adressées ces paroles : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici, il est ressuscité ! » (Lc 24, 5-6). La mort, la solitude et la peur ne sont plus la parole ultime. Il y a une parole qui va au-delà et que Dieu seul peut prononcer : c’est la parole de la Résurrection (cf. Jean-Paul II, Paroles au terme de la Via Crucis, 18 avril 2003). Avec la force de l’amour de Dieu, elle « chasse les crimes et lave les fautes, rend l’innocence aux coupables et l’allégresse aux affligés, dissipe la haine, dispose à l’amitié et soumet toute puissance » (Annonce de la Pâque).
Bonne fête de Pâques à tous !
Homélie du père Cantalamessa du Vendredi Saint 2018 en la Basilique Saint-Pierre de Rome
Vous trouverez ci-dessous l’homélie du père Raniero Cantalamessa, O.F.M. lors de la célébration du Vendredi Saint 2018 en la basilique Saint-Pierre de Rome:
CELUI QUI A VU REND TEMOIGNAGE
Homélie du Vendredi Saint 2018, en la Basilique Saint-Pierre
Quand ils arrivèrent à Jésus, voyant qu’il était déjà mort, ils ne lui brisèrent pas les jambes, mais un des soldats avec sa lance lui perça le côté ; et aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau. Celui qui a vu rend témoignage, et son témoignage est véridique ; et celui-là sait qu’il dit vrai afin que vous aussi, vous croyiez (Jn 19, 33-35).
Personne ne pourra jamais nous convaincre que cette attestation solennelle ne correspond pas à la vérité historique, et que celui qui prétend avoir été là et avoir vu, en réalité n’était pas là et n’a pas vu. Il en va, dans ce cas, de l’honnêteté de l’auteur. Sur le Calvaire, aux pieds de la Croix, se tenait la mère de Jésus, et à ses côtés, “le disciple que Jésus aimait”. Nous avons un témoin oculaire! Non seulement il “a vu” ce qui arrivait sous le regard de tous; mais dans la lumière de l’Esprit-Saint, après la Pâque, il “a vu” également le sens de ce qui s’était passé: qu’à ce moment-là, le véritable
Agneau de Dieu était immolé et que s’accomplissait le sens de la Pâque antique; que le Christ sur la Croix était le nouveau temple de Dieu, du côté duquel , comme l’avait prédit le prophète Ezéchiel (47, 1 12), jaillit l’eau de la vie; que l’esprit qu’il rend au moment de sa mort marque le début de la nouvelle création, comme “l’esprit de Dieu”, se mouvant sur les eaux, avait transformé le chaos initial en cosmos. Jean a comprit le sens ultime des derniers mots de Jésus: “Tout est accomplit” (Jn 19, 30).
Mais demandons-nous pourquoi cette concentration illimitée de sens autour de la croix du Christ? Pourquoi cette omniprésence du Crucifix dans nos églises, sur les autels et dans tous les lieux fréquentés par les chrétiens? Quelqu’un a offert une clé de lecture pour comprendre le mystère chrétien, en disant que Dieu se révèle “sub contraria specie”, à travers le contraire de ce qu’il est réellement: il révèle sa puissance dans la faiblesse, sa sagesse dans la folie, sa richesse dans la pauvreté …
Cette clé de lecture ne s’applique pas à la croix. Sur la croix Dieu se révèle “sub propria specie”, pour ce qu’il est, dans sa réalité la plus intime et la plus vraie. “Dieu est agapè”, écrit saint Jean (1Jn 4,10), amour oblatif, et ce n’est que sur la croix que devient manifeste la capacité infinie d’auto-donation de Dieu. “ ” (Jn13,1); “ ” (Jn 3, 16); “ Ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’au bout Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné [à la mort] son Fils unique Il m’a aimé et s’est livré [à la mort] lui-même pour moi ” (Ga 2, 20). ***
En cette année où l’Église célèbre un synode sur les jeunes et veut les placer au centre de sa sollicitude pastorale, la présence sur le Calvaire du disciple que Jésus aimait contient un message spécial. Nous avons toutes les raisons de croire que Jean a suivi Jésus quand il était encore très jeune. Ce fut une véritable histoire d’amour. Tout le reste est soudainement passé en arrière-plan. Ce fut une rencontre “personnelle”, existentielle. Si, au centre de la pensée de Paul, il y a l’œuvre de Jésus et son mystère pascal de mort et de résurrection, au centre de la pensée de Jean il y a l’être, la personne de Jésus. Et à partir de là tout ces “Je suis” aux résonances éternelles qui ponctuent son Évangile: “Je suis le chemin, la vérité, et la vie”, “Je suis la lumière”, “Je suis la porte”, simplement “Je suis”.
Jean était presque certainement l’un des deux disciples du Baptiste qui suivirent Jésus quand ce dernier se présenta devant eux. A leur question: “Rabbi, où demeures-tu?”, Jésus répondit : “Venez et voyez”. “Ils allèrent donc et ils restèrent auprès de lui ce jour-là; il était environ quatre heures de l’après-midi ” (Jn 1, 35-39). Cette heure avait été décisive pour sa vie et il ne l’avait plus oubliée.
Cette année, nous nous efforcerons, à juste titre, de découvrir ce que le Christ attend des jeunes, ce qu’ils peuvent donner à l’Église et à la société. La chose la plus importante est cependant autre: c’est faire connaître aux jeunes ce que Jésus a à leur donner. Jean l’a découvert en restant avec lui: “vie en abondance”, “joie parfaite”.
Faisons en sorte que, dans tous les discours sur les jeunes et aux jeunes, résonne, comme une musique de fond, l’appel du Saint Père dans la Evangelii gaudium:
“J’invite chaque chrétien, en quelque lieu et situation où il se trouve, à renouveler aujourd’hui même sa rencontre personnelle avec Jésus Christ ou, au moins, à prendre la décision de se laisser rencontrer par lui, de le chercher chaque jour sans cesse. Il n’y a pas de motif pour lequel quelqu’un puisse penser que cette invitation n’est pas pour lui” (EG, n. 3).
Rencontrer personnellement le Christ, même aujourd’hui, cela est possible car il est ressuscité; il est une personne vivante, non pas un personnage. Tout est possible après cette rencontre personnelle; rien, sans elle, ne va vraiment changer dans la vie de chacun.
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Au-delà de l’exemple de sa vie, l’évangéliste Jean a également laissé un message écrit aux jeunes. Dans sa Première Lettre, nous lisons ces paroles émouvantes d’un ancien aux jeunes des églises qu’il :
“Je vous l’ai écrit, jeunes gens : Vous êtes forts, la parole de Dieu demeure en vous, vous avez vaincu le Mauvais. N’aimez pas le monde, ni ce qui est dans le monde” (1 Gv 2, 14-15).
Le monde que nous ne devons pas aimer et auquel nous ne devons pas nous conformer n’est pas, nous le savons, le monde créé et aimé par Dieu, ce ne sont pas les personnes du monde vers lesquelles, au contraire, nous devons toujours aller, surtout les pauvres, les derniers. Se “mêler” avec ce monde de la souffrance et de la marginalisation est, paradoxalement, le meilleur moyen de « se séparer » du monde, parce que c’est aller vers ce que le monde fuit de toutes ses forces. C’est se séparer du principe même qui gouverne le monde qui est l’égoïsme.
Non, le monde à ne pas aimer est un autre; c’est le monde tel qu’il est devenu sous la domination de Satan et du péché, “la puissance de l’air”, comme l’appelle Saint Paul (Ep 2,1-2). L’opinion publique y joue un rôle décisif, elle est aujourd’hui, même littéralement, puissance “qui est dans l’air”, parce qu’elle se propage par la voie des ondes à travers les possibilités illimitées de la technologie. « Un esprit de grande intensité historique auquel l’individu peut difficilement échapper est déterminé. Nous suivons l’esprit général, il est tenu pour évidence. Agir ou penser ou dire quelque chose contre celui-ci est considéré comme insensé ou même une injustice ou un crime. Alors, on n’ose plus faire face aux choses et aux situations, et surtout à la vie, d’une manière différente de la façon dont il les présente » (H. Schlier).
C’est ce que nous appelons l’adaptation à l’esprit du temps, le conformisme. Un grand poète croyant du siècle dernier, T.S. Eliot, a écrit trois versets (Family Reunion, II, sc. 2) qui en disent davantage que des livres entiers: “ Dans un monde de fugitifs, celui qui prend la direction opposée aura l’air de s’enfuir ” .
Chers jeunes chrétiens, s’il est permis à un « ancien », comme l’était Jean, de s’adresser directement à vous, je vous exhorte: soyez de ceux qui prennent la direction opposée! Osez aller à contre- courant! Pour nous, la direction opposée n’est pas un lieu, c’est une personne, c’est Jésus notre ami et rédempteur.
Une tâche vous est particulièrement confiée: sauver l’amour humain de la dérive tragique dans laquelle il est tombé: l’amour qui n’est plus un don de soi, mais seulement la possession – souvent violente et tyrannique – de l’autre. Sur la croix, Dieu s’est révélé comme agapè, l’amour qui se donne. Mais l’agapè n’est jamais séparée de l’éros, de l’amour de recherche, du désir et de la joie d’être aimé. Dieu ne nous fait pas simplement la “charité” de nous aimer; il nous désire, dans la Bible, il se révèle comme un époux amoureux et jaloux. Son amour est également un amour “érotique”, au sens noble de ce terme. C’est ce qu’a expliqué Benoît XVI dans l’encyclique “Deus caritas est”.
“Éros et agapè – dit-il – , amour ascendant et amour descendant, ne se laissent jamais séparer complètement l’un de l’autre […]. La foi biblique ne construit pas un monde parallèle ou un monde opposé au phénomène humain originaire qui est l’amour, mais qu’elle accepte tout l’homme, intervenant dans sa recherche d’amour pour la purifier, lui ouvrant en même temps de nouvelles dimensions” (nr. 7-8). a fondées
Il ne s’agit donc pas de renoncer aux joies de l’amour, à l’attraction et à l’éros, mais de savoir unir l’éros à l’agapè, au désir de l’autre, la capacité de se donner à l’autre, en rappelant ce que saint Paul rapporte comme un dicton de Jésus: “ Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir ” (Ac 20,35).
C’est une capacité qui ne s’invente pas en un jour. Il faut se préparer à faire don total de soi à une autre créature dans le mariage, ou à Dieu dans la vie consacrée, en commençant à donner de son temps, de son sourire et de sa jeunesse en famille, dans la paroisse, dans le bénévolat. Ce que beaucoup d’entre vous font déjà et en silence.
Jésus sur la croix ne nous a pas seulement donné l’exemple d’un amour oblatif poussé à l’extrême; il nous a mérité la grâce de le mettre en œuvre, dans quelque mesure, dans notre vie. L’eau et le sang jaillis de son côté arrivent à nous aujourd’hui par les sacrements de l’Église, par la Parole, ou tout simplement en regardant le Crucifix avec foi. Sous la croix, Jean vit prophétiquement, une dernière chose : des hommes et des femmes de tous temps et de tous lieux qui regardaient “celui qui a été transpercé” et pleuraient de repentir et de consolation (cf. Jn 19, 37; Za 12,10). Nous aussi, nous nous unissons à eux par les gestes liturgiques qui suivront maintenant.
Traduit en Français par les Frères Mineurs Capucins de Lourdes
Non à l’instrumentalisation partisane de l’excuse
Mardi dernier était publiée une lettre du président de la Conférence des évêques catholiques du Canada adressée aux peuples autochtones. Alors que cette lettre réitérait la sollicitude de la CECC ainsi que son engagement à travailler à « un avenir où les injustices systémiques seront corrigées, où nous apprendrons tous de nouvelles façons de vivre ensemble qui sauront honorer et respecter les Premiers Peuples de notre pays », l’attention fut néanmoins portée sur le soi-disant « refus du pape à s’excuser ».
En effet, pour de nombreux acteurs de la société civile et politique, l’appel à l’action no 58 de la Commission Vérité et Réconciliation demandant « au pape de présenter, au nom de l’Église catholique romaine, des excuses… »* était très attendu. En effet, le Premier Ministre Justin Trudeau en avait lui-même discuté avec le Saint-Père lors de sa plus récente visite au Vatican. Désormais habitué à la politique de l’excuse, il était à prévoir que ce « refus » du Pape à « répondre personnellement » à cette demande allait causer une petite commotion politique et médiatique.
Dans une entrevue accordée à CBC, le père Thomas Rosica c.s.b. a tenu à expliquer cette décision du pape François. Pour l’ancien assistant de langue anglaise de la Salle de Presse du Vatican, cette demande de Justin Trudeau « ne prend pas en considération la nature même de l’Église catholique ». De fait, contrairement au fédéralisme centralisateur des Trudeau père et fils, la structure hiérarchique de l’Église est fondamentalement synodale. Cela implique la pleine responsabilité d’une église particulière à l’évêque du lieu ou, dans les cas qui les concernent, à un (e) Supérieur (e) de communauté religieuse (qui sont régis différemment). Dans ce cas-ci, les autorités compétentes se sont excusées à plusieurs reprises. Ainsi, puisque la responsabilité des graves injustices vécues dans les pensionnats fédéraux et gérés par des communautés religieuses n’étaient pas sous la responsabilité des Papes de l’époque, des excuses du pape François s’avèreraient infondées puisqu’ayant personnellement rien à se reprocher.
Un deuxième point soulevé est celui du jeu politique sous-jacent à la requête de Justin Trudeau. Le pape François, comme tout Souverain Pontife, jouit d’une totale liberté politique et morale. Essayer de le forcer à faire quoi que ce soit n’est pas une bonne tactique lors des pourparlers avec l’Église. Les Papes ayant déjà fait leur « mea culpa » par le passé, rien ne laisse donc croire à un geste d’orgueil ou de mauvaise volonté. C’est plutôt du côté de la dissolution actuelle du sens de l’excuse que nous devons chercher. En effet, selon le père Rosica c.s.b. « nous vivons dans une époque où l’excuse est devenue jetable (cheap). Or, pour l’Église, le plus important est le travail concret pour la réconciliation. Ce qui n’est pas toujours le cas lorsque l’on se paye de mot en disant « je m’excuse ». Enfin, pour le père Rosica c.s.b, plusieurs autochtones et personnes directement concernées sont même « frustrés des manœuvres politiques instrumentalisant les excuses » à des fins partisanes plutôt qu’en faveur de la réconciliation. En ce sens, il est évident que l’Église catholique au Canada est l’une des institutions les plus impliquées sur les terrains auprès des communautés autochtones.
En ce qui a trait à un éventuel voyage du pape François au Canada, cette possibilité est toujours envisageable à moyen terme. Soulignant le fait « qu’aucun gouvernement ne dicte l’agenda d’un Pape lors de ses voyages apostolique », le père Rosica a ajouté que les autochtones sont une priorité pour le pape François. Sollicitude qui s’est manifestée à plusieurs reprises et, encore récemment, lors de son voyage en Bolivie où il a pu rencontrer les peuples autochtones d’Amazonie.
Cela ne fait aucun doute, ce refus de répondre par l’affirmative à l’appel à l’action numéro 58 ne doit pas nous faire conclure à un manque de proximité du pape François avec les peuples autochtones du monde entier. Cette décision communiquée par la lettre du président de la CECC doit plutôt manifester l’entière liberté d’un Pape qui, refusant la récupération politique, est pleinement engagé aux dialogues ainsi qu’à une véritable réconciliation. Cet esprit de réconciliation est pleinement incarné par les évêques du Canada pour qui les peuples autochtones font partie des plus hautes priorités. Pour en apprendre davantage sur la question, vous pourrez écouter mon entrevue exclusive avec Mgr Lionel Gendron à Église en sortie vendredi le 6 avril prochain à 19h30.
Homélie du pape François lors de la Messe chrismale
Vous trouverez ci-dessous le texte officiel de l’homélie du pape François telle que prononcée lors de la Messe chrismale 2018 en la basilique Saint-Pierre de Rome:
Chers frères, prêtres du diocèse de Rome et des autres diocèses du monde!
En lisant les textes de la liturgie de ce jour il me venait à l’esprit, avec insistance, le passage du Deutéronome qui dit : «Quelle est en effet la grande nation dont les dieux soient aussi proches que le Seigneur notre Dieu est proche de nous chaque fois que nous l’invoquons» (4, 7). La proximité de Dieu… notre proximité apostolique.Dans le texte du prophète Isaïe nous contemplons l’envoyé de Dieu autrefois “oint et envoyé”, au milieu de son peuple, proche des pauvres, des malades, des prisonniers…; et l’Esprit qui “est sur lui”, qui le pousse et l’accompagne le long du chemin.
Dans le Psaume 88 nous voyons comment la compagnie de Dieu, qui a guidé par la main le roi David dès son enfance et qui lui a prêté son bras, maintenant que celui-ci est âgé prend le nom de fidélité: la proximité qui se conserve au cours du temps s’appelle fidélité.
L’Apocalypse nous rapproche, au point de nous le rendre visible, de l’Erchomenos, le Seigneur en personne qui, toujours, «vient». L’allusion au fait que le verront «aussi ceux qui l’ont crucifié» nous fait sentir que les plaies du Seigneur ressuscité sont toujours visibles, que le Seigneur vient toujours à notre rencontre si nous voulons “nous faire proches” de la chair de tous ceux qui souffrent, spécialement des enfants.
Dans l’image centrale de l’Evangile de ce jour, nous contemplons le Seigneur à travers les yeux de ses compatriotes qui étaient « fixés sur lui» (Lc 4, 20). Jésus se leva pour lire dans la synagogue de Nazareth. Le rouleau du prophète Isaïe lui fut donné. Il le déroula jusqu’à ce qu’il trouve le passage de l’envoyé de Dieu. Il lut à voix haute: «L’Esprit du Seigneur Dieu est sur moi […] il m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé…» (61, 1). Et il conclut en établissant la proximité si provocatrice de ces paroles: «Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Ecriture que vous venez d’entendre» (Lc 4, 21).
Jésus trouve le passage et lit avec la compétence des scribes. Il aurait pu parfaitement être un scribe ou un docteur de la loi, mais il a voulu être un “évangélisateur”, un prédicateur de rue, le «Messager des Bonnes Nouvelles» pour son peuple, le prédicateur dont les pieds sont beaux, comme le dit Isaïe (cf. 52, 7).
Voilà le grand choix de Dieu : le Seigneur a choisi d’être quelqu’un qui se tient proche de son peuple. Trente ans de vie cachée ! Après seulement, il commencera à prêcher. C’est la pédagogie de l’incarnation, de l’inculturation; pas seulement dans les cultures lointaines, mais aussi dans la paroisse même, dans la nouvelle culture des jeunes…
La proximité est plus que le nom d’une vertu particulière, elle est une attitude qui implique toute la personne, sa manière d’établir des liens, d’être en même temps en soi-même et attentif à l’autre. Quand les gens disent d’un prêtre qu’il “est proche”, cela fait ressortir en général deux choses : la première, qu’ “il est toujours là” (contrairement au fait qu’ “il ne soit jamais là”. On dit souvent : “je sais, mon père, que vous êtes très occupé”). Et l’autre, qu’il sait trouver une parole pour chacun. Les gens disent : “Il parle avec tout le monde ; avec les grands, avec les petits, avec les pauvres, avec ceux qui ne croient pas…” Des prêtres proches, qui sont présents, qui parlent avec tout le monde… Des prêtres de rue.
Quelqu’un qui a bien appris de Jésus à être un prédicateur de rue, c’est Philippe. Les Actes disent qu’il allait de lieu en lieu en annonçant la Bonne Nouvelle de la Parole en prêchant dans toutes les villes et que celles-ci étaient pleines de joie (cf. 8, 4.5-8). Philippe était un de ceux que l’Esprit pouvait « saisir » à tout moment, le faire partir pour évangéliser en allant d’un endroit à un autre, quelqu’un capable aussi de baptiser les personnes de bonne foi, comme le ministre de la reine d’Ethiopie, et de le faire n’importe où, le long de la route (cf. Ac 8, 5 ; 36-40).
La proximité est la clé de l’évangélisateur car elle est une attitude-clé dans l’Evangile (le Seigneur l’utilise pour décrire le Royaume). Nous considérons pour acquis le fait que la proximité est la clé de la miséricorde, parce que la miséricorde, comme une “bonne Samaritaine”, ne serait pas ce qu’elle est si l’on ne s’efforçait pas toujours de réduire les distances. Mais je crois que nous avons besoin de mieux percevoir le fait que la proximité est aussi la clé de la vérité. Peut-on supprimer les distances dans la vérité ? Oui, on le peut. La vérité n’est pas seulement en effet la définition qui permet de nommer les situations et les choses en les tenant à distance avec des concepts et des raisonnements logiques. Elle n’est pas seulement cela. La vérité est aussi fidélité (emeth), celle qui te permet de désigner les personnes par leur nom propre, comme le Seigneur les nomme, avant de les classifier ou de définir “ leur situation”.
Il faut faire attention à ne pas tomber dans la tentation de se faire des idoles de certaines vérités abstraites. Ce sont des idoles commodes, à portée de main, qui donnent un certain prestige et pouvoir, et qui sont difficiles à reconnaître. Car la “vérité-idole” se déguise, elle utilise les paroles évangéliques comme un vêtement mais elle ne permet pas de toucher le cœur. Et, ce qui est pire, elle éloigne les gens simples de la proximité de la Parole et des Sacrements de Jésus, qui guérit.
Sur ce point, adressons-nous à Marie, Mère des prêtres. Nous pouvons l’invoquer comme “Vierge de la Proximité” : « Comme une vraie mère, elle marche avec nous, lutte avec nous, et répand sans cesse la proximité de l’amour de Dieu » (Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 286), de telle manière que personne ne se sente exclu. Notre Mère est non seulement proche en se mettant au service avec cet « empressement » (ibid., n. 288) qui est une forme de proximité, mais aussi avec sa manière de dire les choses. A Cana, l’à-propos et le ton avec lesquels elle dit aux serviteurs : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le » (Jn 2, 5), feront que ces mots deviendront le modèle maternel de tout langage ecclésial. Mais, pour les dire comme elle, en plus de demander la grâce, il faut savoir se trouver là où les choses importantes se « mijotent », celles qui comptent pour tout cœur, pour toute famille, pour toute culture. C’est seulement avec cette proximité que l’on peut discerner quel est le vin qui manque, et quel est celui de meilleure qualité que le Seigneur veut donner.
Je vous suggère de méditer trois domaines de proximité sacerdotale dans lesquels ces paroles : “Tout ce qu’il vous dira, faites-le” doivent résonner – de mille manières différentes mais avec un même ton maternel – dans le cœur des personnes auxquelles nous parlons : le domaine de l’accompagnement spirituel, celui de la Confession et celui de la prédication.
Nous pouvons méditer la proximité dans le dialogue spirituel en contemplant la rencontre du Seigneur avec la Samaritaine. Le Seigneur lui apprend à reconnaître avant tout comment adorer, en Esprit et en vérité. Puis, avec délicatesse, il l’aide à donner un nom à son péché ; enfin il la gagne de son esprit missionnaire et va avec elle évangéliser dans son village. Modèle de dialogue spirituel que celui du Seigneur qui sait mettre au jour le péché de la Samaritaine sans faire de l’ombre à sa prière d’adoratrice ni mettre d’obstacles à sa vocation missionnaire.
Nous pouvons méditer la proximité dans la Confession en contemplant le passage de la femme adultère. On voit là clairement comment la proximité est décisive, car les vérités de Jésus s’approchent toujours et se disent (on peut dire, toujours) seul à seul. Regarder l’autre dans les yeux – comme le Seigneur quand il se met debout après avoir été à genoux près de la femme adultère qu’ils voulaient lapider et quand il lui dit : « Moi non plus je ne te condamne pas » (Jn 8, 11) – ce n’est pas aller contre la loi. Et l’on peut ajouter : « désormais ne pèche plus » (ibid.) non pas avec un ton qui appartient au domaine juridique de la vérité-définition – le ton de celui qui doit décider quelles sont les conditions de la Miséricorde divine – mais avec une expression que l’on emploie dans le domaine de la vérité-fidélité, qui permet au pécheur de regarder en avant et non en arrière.
Le ton juste de ce « ne pèche plus » est celui du confesseur qui le dit en étant prêt à le répéter soixante-dix fois sept fois. Enfin, le domaine de la prédication. Méditons là-dessus en pensant à ceux qui sont loin, et faisons-le en écoutant la première prédication de Pierre, qui se situe dans le contexte de l’événement de la Pentecôte. Pierre annonce que la parole est «pour tous ceux qui sont loin» (Ac 2, 39) et prêche de telle sorte que le kérygme “transperce leurs cœurs” et les conduit à demander « Que devons-nous faire?» (Ac 2, 37). Une question, comme nous le disions, que nous devons poser et à laquelle nous devons toujours répondre sur un ton marial, ecclésial. L’homélie est la pierre de touche « pour évaluer la proximité et la capacité de rencontre d’un pasteur avec son peuple» (Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 135). Dans l’homélie on voit combien nous avons été proches de Dieu dans la prière, et combien nous sommes proches de nos gens dans leur vie quotidienne.
La bonne nouvelle se réalise quand ces deux proximités se nourrissent et s’entretiennent mutuellement. Si tu te sens loin de Dieu, approche-toi de son peuple qui te guérira des idéologies qui ont refroidi ta ferveur. Les petits t’apprendront à regarder Jésus de manière différente. A leurs yeux, la personne de Jésus est attachante, son bon exemple donne de l’autorité morale, ses enseignements sont utiles pour la vie. Si tu te sens loin des gens, rapproche-toi du Seigneur, de sa Parole : dans l’Evangile, Jésus t’apprendra sa manière de regarder les gens, quelle valeur a, à ses yeux, chacun de ceux pour qui il a versé son sang sur la croix. Dans la proximité avec Dieu, la Parole se fera chair en toi et tu deviendras un prêtre proche de toute chair. Dans la proximité avec le peuple de Dieu, sa chair douloureuse deviendra parole dans ton cœur et tu auras de quoi parler avec Dieu, tu deviendras un prêtre intercesseur.
Le prêtre qui est proche, qui marche au milieu de ses gens avec la proximité et la tendresse du bon pasteur (et, dans sa pastorale, parfois devant, parfois au milieu et parfois derrière), les gens non seulement l’apprécient beaucoup, mais plus encore : ils sentent pour lui quelque chose de spécial, quelque chose qui se sent seulement en présence de Jésus. Par conséquent, cette reconnaissance de notre proximité n’est pas seulement une chose en plus. En elle se joue le fait que Jésus sera rendu présent dans la vie de l’humanité, ou bien qu’il restera au plan des idées, enfermé en lettres d’imprimerie, incarné tout au plus dans quelque bonne habitude qui peu à peu deviendra routine.
Demandons à Marie, “Vierge de la Proximité”, de se faire proche de nous et d’unifier notre ton au moment où nous disons à notre peuple de “faire tout ce que Jésus dit”, afin que dans la diversité de nos opinions soit rendue présente sa proximité maternelle qui, par son “oui” nous a pour toujours rapprochés de Jésus.
[00507-FR.01] [Texte original: Italien]
Échos du Vatican
Retour dans cette émission sur le pré-synode des jeunes qui s’est déroulé à Rome pendant une semaine avec 300 participants venus du monde entier, en préparation au Synode sur les jeunes, la foi et le discernement qui se tiendra en octobre prochain au Vatican.
Message de Pâques 2018 du Président de la Conférence des évêques catholiques du Canada
Vous trouverez ci-dessous le Message de pâques 2018 de Mgr Lionel Gendron, P.S.S., évêque de Saint-Jean-Longueuil et président de la Conférence des évêques catholiques du Canada:
Au Canada, la célébration de Pâques, qui coïncide avec l’arrivée du printemps, est toujours remplie d’un sentiment de vie nouvelle. Alors que nous commençons à nous défaire de nos manteaux d’hiver et de nos bottes, les jours rallongent, le soleil devient plus chaud et la vie nouvelle abonde avec les arbres qui bourgeonnent et les plantes qui commencent à pousser.
Mais qu’est au juste la vie nouvelle qui nous remplit de la joie pascale? En fait, c’est une vie nouvelle enracinée profondément dans l’expérience de notre réconciliation avec Dieu par la mort et la résurrection du Christ. Tout ce qui pouvait nous séparer de Dieu a été enlevé, détruit, et par cette réconciliation, nous avons obtenu la libération des ténèbres du péché et de la mort. Nous sommes libérés, capables de rejeter ce qui nous rend esclaves afin de nous plonger dans l’étreinte d’amour universel de notre Dieu.
Mais la vie nouvelle pascale nous demande davantage. Pâques nous rappelle qu’alors même que nous célébrons notre réconciliation avec Dieu, nous sommes appelés à nous réconcilier avec nos frères et sœurs, dans nos familles, dans nos paroisses, dans nos communautés et dans le monde. Nous sommes appelés à partager notre joie pascale en faisant la paix avec notre prochain.
Le pape François, dans une homélie à la population de Villavicencio, en Colombie, a dit : « Tout effort de paix sans un engagement sincère de réconciliation sera toujours voué à l’échec. » Il a ajouté : « Se réconcilier, c’est ouvrir une porte à toutes les personnes et à chaque personne, qui ont vécu la réalité dramatique du conflit. »
Plus tôt cette année, j’ai eu le privilège de participer à la Coordination de la Terre Sainte avec d’autres évêques du monde entier. Nous avons rencontré beaucoup de jeunes dont la vie est durement marquée par un conflit dont ils ont hérité malgré eux. Pendant nos conversations avec eux, il est apparu très clairement que ces jeunes désirent un nouveau genre de relations les uns avec les autres. Cela est évident dans les nombreuses initiatives dans lesquelles les jeunes s’engagent pour promouvoir le dialogue et établir la justice, la paix et la réconciliation dans leur vie et dans les communautés au milieu desquelles ils vivent.
Un parfait exemple fut la rencontre de deux jeunes membres d’un groupe appelé « Cercle parents-famille ». Ils nous ont raconté leur expérience, comment à la suite du meurtre d’une jeune palestinienne par un Israélien et de la mort d’une jeune israélienne lors d’un attentat-suicide à la bombe par un palestinien, les parents des familles des deux jeunes tuées ont choisi de ne pas se haïr les uns les autres. Ensuite ils ont appris à leurs enfants à ne pas se haïr et ces deux jeunes sont devenus de grands amis, des exemples vivants de ce que nous voulons dire par la volonté de réconciliation même au milieu d’une tragédie et d’un deuil profonds. Les familles ont compris la conséquence tragique des conflits, ont répondu avec amour et ont lancé le Cercle parents-familles. Voilà ce que c’est que la réconciliation.
Ici au Canada, nous sommes vivement conscients de l’appel à nous réconcilier avec les peuples autochtones. Nous reconnaissons le besoin de cette réconciliation comme première étape, et nous cherchons des moyens pour la réaliser par l’écoute et le dialogue dans des organismes comme le Cercle Notre-Dame-de-Guadalupe et le Conseil autochtone. Ce processus sera long et il exige foi, sincérité du cœur et engagement pour une paix durable.
Nous vivons dans un monde trop souvent marqué par les divisions. On a tendance à dénigrer l’« autre » et à nourrir des soupçons contre l’« étranger ». Nous sommes appelés à reconnaitre notre humanité commune, à reconnaitre que nous sommes tous frères et sœurs créés à l’image de Dieu.
Une fois réconciliés avec Dieu par la mort et la résurrection du Christ, nous sommes appelés à chercher la réconciliation avec les autres. La paix entre nous sera un signe de la véritable joie pascale!
+Lionel Gendron, P.S.S.
Évêque de Saint-Jean-Longueuil et
Président de la Conférence des évêques
catholiques du CanadaPâques 2018
Document final de la réunion presynodale des jeunes (traduction non-officielle)
Homélie du pape François pour le Dimanche des rameaux 2018
Jésus entre à Jérusalem. La liturgie nous a invités à intervenir et à participer à la joie ainsi qu’à la fête du peuple qui est capable de crier et de louer son Seigneur ; une joie qui se ternit et laisse un goût amer et douloureux lorsqu’on a fini d’écouter le récit de la Passion. Dans cette célébration semblent s’entrecroiser des histoires de joie et de souffrance, d’erreurs et de succès qui font partie de notre vie quotidienne de disciples, car elles parviennent à mettre à nu des sentiments et des contradictions que nous aussi nous éprouvons souvent aujourd’hui, hommes et femmes de ce temps : capables de beaucoup aimer… mais aussi de haïr – et beaucoup – ; capables de courageux sacrifices, mais aussi capables de savoir ‘‘se laver les mains’’ au moment opportun ; capables de fidélité mais aussi de grands abandons et de grandes trahisons.Et on voit clairement dans tout le récit évangélique que la joie suscitée par Jésus est, pour certains, un motif de gêne et d’agacement.
Entouré de ses gens, Jésus entre dans la ville, parmi les chants et les cris bruyants. Nous pouvons imaginer que c’est la voix du fils pardonné, celle du lépreux guéri ou le bêlement de la brebis égarée qui, tous ensemble, résonnent fortement lors de cette entrée. C’est le chant du publicain et de l’homme impur ; c’est le cri de celui qui vivait en marge de la ville. C’est le cri des hommes et des femmes qui l’ont suivi parce qu’ils ont fait l’expérience de sa compassion face à leur douleur et à leur misère… C’est le chant et la joie spontanés de tant de personnes marginalisées qui, touchées par Jésus, peuvent crier : “Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur !”. Comment ne pas acclamer celui qui leur avait redonné la dignité et l’espérance ? C’est la joie de tant de pécheurs pardonnés qui ont retrouvé confiance et espérance. Et ils crient. Ils se réjouissent. C’est la joie ! Cette joie de l’hosanna se révèle gênante et devient absurde et scandaleuse pour ceux qui se considèrent justes et ‘‘fidèles’’ à la loi et aux préceptes rituels.[1] Joie insupportable pour ceux qui sont restés insensibles à la douleur, à la souffrance et à la misère. Et beaucoup d’entre ceux-ci pensent : ‘‘Regarde, quel peuple mal éduqué !’’. Joie intolérable pour ceux qui ont perdu la mémoire et oublié les nombreuses faveurs reçues. Pour celui qui cherche à se justifier lui-même et à s’installer, comme il est difficile de comprendre la joie et la fête de la miséricorde de Dieu ! Pour ceux qui ne mettent leur confiance qu’en leurs propres forces et qui se sentent supérieurs aux autres[2], comme il est difficile de pouvoir partager cette joie !
Et c’est ainsi que naît le cri de celui dont la voix ne tremble pas pour hurler : ‘‘Crucifie-le !’’ Il ne s’agit pas d’un cri spontané, mais c’est le cri artificiel, construit, fait du mépris, de la calomnie, de faux témoignages suscités. C’est le cri qui naît dans le passage du fait au compte-rendu, qui naît dans le compte-rendu. C’est la voix de celui qui manipule la réalité, crée une version à son avantage et ne se pose aucun problème pour ‘‘coincer” les autres afin de s’en sortir. C’est un [faux] compte- rendu ! C’est le cri de celui qui n’a pas de scrupules à chercher les moyens de se renforcer et à faire taire les voix dissonantes. C’est le cri qui naît de la réalité ‘‘truquée’’ et présentée de telle sorte qu’elle finit par défigurer le visage de Jésus et le transformer en ‘‘malfaiteur’’. C’est la voix de celui qui veut défendre sa propre position en discréditant spécialement celui qui ne peut pas se défendre. C’est le cri, fabriqué par les ‘‘intrigues’’ de l’autosuffisance, de l’orgueil et de l’arrogance, qui proclame sans problèmes : ‘‘Crucifie-le, crucifie-le !’’.
Et on finit ainsi par faire taire la fête du peuple, on détruit l’espérance, on tue les rêves, on supprime la joie ; on finit ainsi par blinder le cœur, on refroidit la charité. C’est le cri du ‘‘sauve-toi toi-même’’ qui veut endormir la solidarité, éteindre les idéaux, rendre le regard insensible… le cri qui veut effacer la compassion, ce ‘‘pâtir avec’’, la compassion, qui est la faiblesse de Dieu.
Face à toutes ces voix qui hurlent, le meilleur antidote, c’est de regarder la croix du Christ et de nous laisser interpeller par son dernier cri. Le Christ est mort en criant son amour pour chacun d’entre nous : pour les jeunes et pour les personnes âgées, pour les saints et les pécheurs, son amour pour ceux de son temps et pour ceux de notre temps. Nous avons été sauvés sur sa croix pour que personne n’éteigne la joie de l’Évangile ; pour que personne, dans la situation où il se trouve, ne reste éloigné du regard miséricordieux du Père. Regarder la croix signifie se laisser interpeller dans nos priorités, nos choix et nos actions. Cela signifie laisser notre sensibilité être interpelée par celui qui passe ou vit un moment difficile. Chers frères et sœurs, que voit notre cœur ? Jésus continue-t-il d’être un motif de joie et de louange dans notre cœur ou bien avons-nous honte de ses priorités pour les pécheurs, les derniers, ceux qui sont oubliés ?
Et vous, chers jeunes, la joie que Jésus suscite en vous est un motif de gêne et également d’agacement pour certains, parce qu’il est difficile de manipuler un jeune joyeux. Qu’il est difficile de manipuler un jeune joyeux !
Mais il y a aujourd’hui la possibilité d’un troisième cri : « Quelques pharisiens qui se trouvaient dans la foule dirent à Jésus : “Maître, réprimande tes disciples”. Mais il prit la parole en disant : “Je vous le dis, si eux se taisent, les pierres crieront” » (Lc 19, 39-40). Faire taire les jeunes est une tentation qui a toujours existé. Les mêmes pharisiens s’en prennent à Jésus et lui demandent de les calmer et de les faire taire.
Il y a de nombreuses manières de rendre les jeunes silencieux et invisibles. De nombreuses manières de les anesthésier et de les endormir pour qu’ils ne fassent pas de bruit, pour qu’ils ne s’interrogent pas et ne se remettent pas en question. ‘‘Vous, taisez-vous !’’ Il y a de nombreuses manières de les faire tenir tranquilles pour qu’ils ne s’impliquent pas et que leurs rêves perdent de la hauteur et deviennent des rêvasseries au ras du sol, mesquines, tristes.
En ce Dimanche des Rameaux, célébrant la Journée Mondiale de la Jeunesse, il nous est bon d’entendre la réponse de Jésus aux pharisiens d’hier et de tous les temps, également à ceux d’aujourd’hui : « Si eux se taisent, les pierres crieront » (Lc 19, 40).
Chers jeunes, c’est à vous de prendre la décision de crier, c’est à vous de vous décider pour l’Hosanna du dimanche, pour ne pas tomber dans le “crucifie-le !” du vendredi… et cela dépend de vous de ne pas rester silencieux. Si les autres se taisent, si nous, les aînés et les responsables – bien des fois corrompus – restons silencieux, si le monde se tait et perd la joie, je vous le demande : vous, est-ce que vous crierez ?
S’il vous plaît, décidez-vous avant que les pierres ne crient !
image: CNS
Le Martyre Chrétien
Le Martyre Chrétien
par Mgr Arthur Roche, secrétaire de la congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements
Depuis quelque temps, le mot « martyre » revient assez souvent dans les médias. Il désigne généralement des djihadistes qui font le sacrifice de leur vie pour détruire d’autres vies humaines. Il s’agit manifestement de meurtriers et d’assassins, même s’ils considèrent que leur geste va leur valoir la faveur divine. Cette prétention jette un profond discrédit sur la notion de martyre, et ce, au moment même où nombre de chrétiens, au Moyen-Orient et dans plusieurs autres régions du monde, sont martyrisés pour leur foi au Christ. Contrairement aux djihadistes, les chrétiens ne recherchent pas le martyre. C’est une conséquence qu’ils subissent, non pas en vertu d’accusations criminelles fondées, mais parce qu’ils portent le nom du Christ et parce qu’ils refusent d’abjurer leur foi et parfois d’enlever la vie à d’autres personnes.
Quel poignant témoignage nous ont donné récemment les 21 jeunes chrétiens qu’a décapités l’État islamique (EI) simplement parce qu’ils étaient chrétiens. Ils sont morts, non pas en soldats, mais en victimes innocentes animées par une foi profonde. Ils ont invoqué le nom de Jésus au moment où on les exécutait sans pitié. Le spectacle qu’a donné l’EI en faisant étalage d’une brutalité répugnante a plutôt fait voir au monde comment la souffrance cédait la place à un profond amour, la rétribution au pardon et la mort à la vie éternelle.
Dans une lettre adressée au pape François, un groupe de chrétiens iraquiens lui expliquent que leur foi s’est affermie après qu’ils eurent choisi de rester fidèles au Christ plutôt que d’abjurer pour pouvoir demeurer dans leur patrie. Ils ont dû renoncer à tout ce qu’ils possédaient afin, écrivent-ils, d’être « jugés dignes d’être au nombre de ses brebis, de faire partie de son troupeau ». Loin de s’apitoyer sur leur sort, ils ajoutent : « Père bienveillant, en toute simplicité et en toute humilité, nous vous demandons de prier et d’intervenir pour nous et pour notre peuple blessé dans le monde arabe, pour le pardon de nos péchés, et pour que prévale la paix du Christ. Mais nous voulons prier avant tout pour tous ceux qui sont la cause de tout ce mal et de ces œuvres mauvaises. Nous voulons prier pour tous ceux qui ont versé le sang de tant d’innocents en obéissant aux lois du mal et des ténèbres. Très Saint-Père, nous vous demandons de prier pour qu’ils se repentent devant leur Créateur, pour qu’ils deviennent des instruments de paix et d’amour, qu’ils cessent de faire le jeu du Malin et qu’ils deviennent de vrais enfants de Dieu. »
Le plus éloquent dans le martyre chrétien, c’est la profondeur de l’amour en lieu et place de la haine, ce qui ressort ici à l’évidence. Combien de martyrs des séminaires anglais sont allés à la mort en priant pour leur souveraine, au nom de qui ils étaient exécutés, en priant ouvertement pour leurs compatriotes et en pardonnant à leurs bourreaux. Ils aimaient leur pays et leurs concitoyens, mais ils aimaient Dieu encore davantage. Comme le dit la préface des martyrs, « le sang des bienheureux martyrs, répandu comme celui du Christ pour glorifier ton nom, montre la grandeur de tes œuvres puisque ta puissance se déploie dans la faiblesse quand tu donnes à des êtres fragiles de te rendre témoignage ». Ce n’est pas là une vie gaspillée ; c’est la vie embrassée en plénitude et donnée librement ; un trop-plein de foi, un trop-plein d’amour de Dieu.
La vidéo que l’EI a produite pour montrer au monde sa haine des chrétiens avait pour titre : « Un message en lettres de sang aux nations de la Croix ». Une menace, assurément, mais la pers-pective du martyre n’est pas étrangère à la conscience des chrétiens. L’Écriture le confirme, par exemple en 2 Timothée 3, 12, où nous lisons que « tous ceux qui veulent vivre en hommes religieux dans le Christ Jésus subiront la persécution ». Ou quand Jésus déclare en Jean 15, 20 : « si l’on m’a persécuté, on vous persécutera, vous aussi ». Jésus lui-même a été brutalement crucifié par le terro-risme d’État que pratiquait Rome. C’était une méthode de dissuasion efficace. La majorité des disciples ont fui pour éviter de connaître un sort analogue. Mais la Résurrection a depuis enseigné aux disciples du Christ à honorer la croix comme son icône la plus précieuse et à unir leurs souffrances, grandes et petites, à celles de celui qui a donné sa vie pour la vie du monde. Ils en sont venus à comprendre que Jésus a pénétré la dimension terrible et le pouvoir horrible de la mort afin de la terrasser, la subjuguer, non pas à force violence, de rancœur ou de vengeance, mais par la puissance de l’amour.
Comme les 21 martyrs coptes, bon nombre de personnes ont reçu la mort d’autres bourreaux en ayant aux lèvres le nom de Jésus et en proclamant qu’il est le Seigneur. Elles affirmaient ainsi sa royauté et son règne, non pas depuis un trône, mais du haut de la croix dont le pouvoir est fait de pardon, et non de haine. Au fil des siècles, de nombreux tyrans, tel l’EI aujourd’hui, ont cru pouvoir éliminer le christianisme en appliquant une extrême cruauté, mais, comme Tertullien l’a fait observer il y a déjà longtemps, le sang des martyrs est la semence de l’Église.
Cet extrait provient du magazine Sel et Lumière édition hiver 2015