Réponse initiale de la CECC au rapport sommaire et aux appels à l’action de la Commission de Vérité et Réconciliation

Sel et Lumière

12 juin 2015
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Déclaration du Conseil permanent
de la Conférence des évêques catholiques du Canada
en réponse initiale au rapport sommaire
et aux appels à l’action de la Commission de Vérité et Réconciliation
Introduction
Depuis les débuts de la Commission de Vérité et Réconciliation du Canada, des centaines de milliers de catholiques de tout le pays ont participé directement ou indirectement à ses audiences, y compris des membres de notre Église appartenant aux communautés des Premières nations, des Métis et des Inuits ainsi que des catholiques non autochtones. Certains d’entre eux ont participé aux travaux effectifs de la Commission, tandis que beaucoup d’autres ont participé à ses activités nationales et régionales, mais tous ont exprimé un profond intérêt dans les questions soulevées, par leurs prières, leurs réflexions et de vifs sentiments de solidarité, de compassion et de justice. Le 2 juin dernier, la Commission déposé son rapport sommaire et ses appels à l’action dans la capitale nationale. Nous désirons faire connaître notre réponse immédiate en tant que Conseil permanent de la Conférence des évêques catholiques du Canada.
Un cheminement difficile et douloureux
Au cours des six dernières années, les commissaires, leur personnel et de nombreux bénévoles ont travaillé courageusement et sans relâche à guider notre nation dans un examen de conscience approfondi sur une partie douloureuse de son histoire collective : l’établissement et le maintien par le gouvernement canadien de pensionnats pour les enfants autochtones. Pendant près de 130 années, des diocèses, des communautés religieuses et des organismes missionnaires catholiques, de concert avec d’autres Églises chrétiennes, ont collaboré à diriger ces écoles. Les enfants autochtones ont été inscrits de force et assujettis à un processus d’assimilation agressif, ce qui a eu de terribles conséquences maintenant reconnues par la société canadienne.
La Commission de Vérité et Réconciliation a créé un environnement dans lequel un bon nombre de ces anciens élèves, leurs familles et leurs communautés ont été rendus capables de raconter leurs expériences et d’entendre celles des autres. Ces témoins ont révélé combien de torts et de souffrances ils ont vécus dans ces institutions et comment cela a aussi affecté la vie des générations suivantes. Ceux qui ont comparu devant la Commission ont fait preuve d’une force et d’une vision de réconciliation incroyables. Leurs témoignages ont exposé le défi et l’occasion qui se présente de choisir le chemin de la réconciliation.
La Commission de Vérité et Réconciliation a donné à de nombreux Canadiens un premier aperçu des impacts des pensionnats. Bien que certains anciens élèves aient affirmé avoir eu des expériences positives et aient exprimé leurs remerciements aux nombreux membres du personnel, bons et aimables, qui travaillaient dans les écoles, de nombreux autres ont témoigné de leur séparation difficile d’avec leur famille et leur communauté, de la discipline sévère, des dures conditions de vie et des attaques portées à leur langue, à leur culture et à leurs traditions spirituelles. Les victimes ont souvent parlé avec grande douleur d’abus physiques, émotifs et sexuels qui les ont hantés pendant toute leur vie.
Les dirigeants catholiques, y compris d’anciens membres du personnel ayant travaillé dans les écoles ainsi que des représentants d’autres institutions ecclésiales ont assisté aux activités nationales et régionales de la Commission de Vérité et Réconciliation, écoutant, témoignant, présentant leurs excuses et exprimant leurs regrets et le même désir de réconciliation. Ils ont été particulièrement touchés par la volonté de pardon et de réconciliation exprimée par certains de ceux qui avaient le plus souffert. Ils ont reconnu dans ces victimes le visage de Jésus, le guérisseur blessé, qui « intercède pour les pécheurs » (Isaïe 53, 12).
Un nouveau cheminement a déjà commencé
Pour certains membres de la communauté catholique – membres de diocèses et de congrégations religieuses ainsi que des catholiques métis, inuits et des Premières Nations qui ont fréquenté ces écoles –, le cheminement a commencé bien avant la Commission de Vérité et Réconciliation. Des ateliers comme Returning to Spirit et des activités comme l’Assemblée sacrée du regretté Elijah Harper ont fourni des occasions aux gens, autochtones et non autochtones, de témoigner de leur cheminement. La Commission de Vérité et Réconciliation a constitué pour ces derniers un autre pas important vers de nouvelles occasions de rencontres plus approfondies menant vers une meilleure compréhension et un espoir renouvelé.
Il y a plus de 20 ans, le 24 juillet 1991, les Oblats de Marie Immaculée ont présenté leurs excuses au lieu de pèlerinage du Lac Sainte-Anne. C’était la première de nombreuses déclarations similaires de la part des évêques catholiques et d’autres dirigeants catholiques qui, au cours des ans, ont présenté leurs excuses « pour avoir fait partie d’un système qui, en raison de ses privilèges historiques et de sa supériorité présumée, a grandement nui aux peuples autochtones du Canada » et dont « les politiques ont violé le lien familial primordial ». (Traduction tirée de Apology of the Oblates of Mary Immaculate at Lac Ste Anne Pilgrimage, 24 juin 1991) Reconnaissant l’appel à être le peuple de Dieu, vraiment catholique et englobant toutes les cultures, ils ont regretté « d’avoir contribué à la perte de la langue et de la culture (autochtones) et au poids de la honte ». En solidarité avec ceux qui sont passés avant nous, « nous portons une peine immense pour avoir contribué à cette tragédie ».
Aller de l’avant
Pendant les années 1880, les Cris de la Saskatchewan assistaient à la mort de leur mode de vie. Ce fut une période de grands traumatismes pour leurs familles et leurs communautés. Le chef Poundmaker a livré un discours fameux dans lequel il encourageait son peuple à ne pas abandonner le cheminement : « Nous connaissons tous l’histoire de l’homme qui est resté assis trop longtemps le long de la piste si bien que la végétation y a repoussé et qu’il n’a jamais plus pu retrouver son chemin. Nous ne pourrons jamais oublier ce qui est arrivé, mais nous ne pouvons revenir en arrière ni rester assis le long de la piste » (Derniers mots de Petocahhanawawin (Chief Poundmaker), 1842-1886). Aujourd’hui, confrontés au fardeau du passé, tous les Canadiens, non autochtones et autochtones, ont besoin de trouver tous ensemble la force d’avancer sur le chemin de la réconciliation que la Commission de Vérité et Réconciliation a tracé.
Ayant confiance en Dieu qui, par le don de Jésus, exaucera tout acte de bonté et tout sacrifice offert de bon cœur, nous invitons tous les Canadiens à s’encourager mutuellement sur la voie de la réconciliation. Là où des membres de notre Église et d’autres Églises n’ont pas réussi à être d’authentiques témoins de l’amour libérateur de Dieu, écoutons les mots du pape François : « Dieu peut toujours nous rendre la joie; Il nous permet de relever la tête et de recommencer » (Pape François, Exhortation apostolique Evangelii gaudium, no 3).
1. Nous pencher sur la question plus large :
En mettant l’accent sur les pensionnats indiens, la Commission de Vérité et Réconciliation a encouragé un examen collectif du lien du Canada avec une institution qui a existé pendant 130 ans. Toutefois, la politique coloniale qui avait été appliquée dans les pensionnats a affecté toute la société, et continue aujourd’hui d’avoir des répercussions négatives dans les institutions canadiennes et même parmi les membres de communautés de foi canadiennes.
L’Église catholique, en tant que communauté d’hommes et de femmes pécheurs, n’est pas épargnée. Ses membres ont parfois été spirituellement aveugles, incapables de se voir comme une seule famille catholique et de célébrer ce que le pape saint Jean-Paul II a proclamé de façon si prophétique : « le Christ, par les membres de son Corps, est lui-même Indien ». Le travail de réconciliation devra tenir compte non seulement de l’héritage des pensionnats, mais aussi des politiques culturelle, économique et sociale qui peuvent miner la vision et la mise en œuvre d’un partenariat renouvelé avec les Peuples autochtones.
2. Nous engager dans un dialogue sérieux
Le travail de réconciliation fournit une occasion privilégiée de vivre selon l’Évangile. Dans la vie de l’Église catholique du Canada, il se rapproche des efforts renouvelés et des nouvelles approches d’évangélisation, par la demande « d’un dialogue entre les personnes, mais aussi entre les cultures. Elle vise à transformer les cœurs autant qu’à humaniser les systèmes politiques et économiques » (Vers une nouvelle évangélisation : Message du Conseil permanent de la Conférence des évêques catholiques du Canada pour le 500e anniversaire de l’évangélisation des Amériques, 14 septembre 1992).
Le dialogue requiert que nous cultivions dans nos vies une attitude d’ouverture. Il demande une écoute approfondie, de l’attention, du respect et de l’hospitalité envers l’autre. C’est une grâce qui doit être encouragée et pratiquée, car elle est à la base de ce que signifie être à la fois humain et chrétien. C’est à cette fin que nous invitons chacun des diocèses catholiques et tous les catholiques à rechercher des façons et des occasions de favoriser l’esprit de dialogue. Nous encourageons les communautés catholiques à trouver des occasions de se rassembler en une communauté de foi unie, peut-être lors de la fête de Notre-Dame de la Guadeloupe (12 décembre), de celle de sainte Kateri Tekakwitha (17 avril), que le pape Benoit XVI a déclarée protectrice du Canada, ou lors d’autres occasions comme la Journée nationale des Autochtones (21 juin), pour embrasser et célébrer l’unité à laquelle le Christ appelle tous ses membres.
Le dialogue prend aussi la forme de l’action. L’enseignement social catholique donne priorité à l’action en faveur de la justice comme partie intégrante du témoignage de l’Évangile. Cela a établi, au Canada, les fondements de nombreux efforts et initiatives en solidarité avec les peuples autochtones pendant le dernier demi-siècle. L’engagement envers la lutte pour la justice, à son tour, a été grandement renforcé et élargi par la coopération œcuménique entre chrétiens canadiens. Cela aussi demande à être poursuivi et renforcé.
Nous sommes reconnaissants envers ceux qui ont développé des ateliers, des cours et d’autres outils d’apprentissage pour engager ensemble les non-Autochtones et les Autochtones dans un dialogue visant la compréhension, la célébration de la diversité et l’unité. Nous encourageons les pasteurs, les leaders spirituels autochtones ainsi que les enseignants et les autres laïcs catholiques à profiter de ce qui est offert par les groupes et organismes au Canada et qui témoigne des possibilités de réconciliation et de guérison.
1. Renforcer les familles
Les témoins de la Commission de Vérité et Réconciliation ont souvent fait mention des dommages que le système des pensionnats indiens a infligés à leurs familles. Aujourd’hui, les Premières Nations, les Métis et les Inuits constituent les populations qui connaissent la plus forte croissance au Canada. Un engagement en faveur de la réconciliation comprendra un travail d’appui aux efforts des peuples autochtones pour s’assurer que les générations futures engendreront des familles fortes, fières, aimantes et saines.
Tous les ordres de gouvernement – fédéral, provincial, territorial et municipal – doivent collaborer pour assurer un système d’éducation pour les enfants autochtones qui leur assurera un accès équitable à un enseignement pertinent sur le plan culturel dans des écoles subventionnées de façon juste, sûres, sécuritaires et accessibles à tous les élèves autochtones, de l’enseignement élémentaire jusqu’au postsecondaire.
Il faut prêter une attention spéciale au rôle central des femmes dans la famille et la communauté en luttant contre l’épidémie de femmes autochtones assassinées et portées disparues. On doit réaffirmer le droit et la responsabilité des familles et des communautés autochtones à fournir un environnement aidant et correctif à leurs membres. Les Canadiens doivent aussi travailler ensemble à dépeupler les prisons du Canada. Un nombre disproportionné de prisonniers sont autochtones, signe que la justice et le système correctionnel canadiens ne répondent pas de façon convenable à la réalité autochtone.
2.La Conférence des évêques catholiques du Canada
Ni les évêques catholiques dans leur ensemble, ni la Conférence des évêques catholiques du Canada n’ont participé aux activités ou à la direction des anciens pensionnats indiens. De plus, notre Conférence n’est pas le siège social national de l’Église catholique, et elle n’a pas autorité non plus sur les diocèses ou sur les communautés religieuses de notre pays. Parmi ses fonctions en tant qu’assemblée nationale des évêques, notre Conférence facilite le travail individuel des évêques, qui sont les premiers pasteurs et animateurs de la foi dans leurs diocèses respectifs.
Dans ce cadre, nous désirons confirmer que les appels à l’action qui ont été recommandés aux Églises par la Commission de Vérité et Réconciliation sont à l’ordre du jour de la prochaine Assemblée plénière des évêques catholiques du Canada. Nous sommes résolus à faire en sorte que les appels à l’action seront écoutés attentivement et discutés à fond. Nous sommes convaincus qu’ils seront considérés attentivement par les évêques du Canada, et dans ce processus nous savons que nous pouvons compter sur la collaboration du Conseil autochtone catholique du Canada. En outre, nous sommes confiants que les supérieur(e)s majeur(e)s des congrégations religieuses à travers le Canada s’engagent à discerner comment elles peuvent recevoir et répondre aux appels à l’action.
3. Compagnons de route sur la voie qui mène à Dieu
Formant une seuls famille devant Dieu, unis à nos frères et sœurs autochtones catholiques, nous nous encourageons les uns les autres dans l’espoir que, par l’Esprit de Jésus qui a réconcilié le monde entier avec le Père, nous – Autochtones et non-Autochtones – soyons réconciliés les uns avec les autres. Comme membres de la communauté catholique, nous sommes convaincus que nous entreprenons tous ce cheminement sous la protection de sainte Kateri Tekakwitha, une mère spirituelle de notre foi. Nous nous souvenons d’elle comme d’une personne qui nous révèle ce que c’est que d’être disciple de Jésus et permettre à l’Esprit Saint d’illuminer ce qu’il y a de plus noble, de plus vrai et de plus saint dans nos cultures. Sa vie de vertu héroïque en tant que femme mohawk vraiment chrétienne est un don à toute l’Église de notre pays et du monde entier. Demandons-lui d’intercéder et de nous guider comme protectrice de tout le Canada.