« Misericordia et misera » ou la Miséricorde comme socle de l’action pastorale

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Photo: CNS/Paul Haring

Dimanche dernier, alors que se terminait la liturgie de conclusion de l’année jubilaire de la miséricorde, le pape François apposait sa signature sur la lettre apostolique « Misericordia et misera ». Faisant sienne la célèbre expression de Saint-Augustin selon laquelle « il ne resta que la misérable pécheresse en face de la bonté miséricordieuse », l’Évêque de Rome a voulu, par ce document, laisser un testament spirituelle de ce Jubilé à l’ensemble du Peuple de Dieu.

Pour vous tous qui avez pu suivre de près ou de loin l’agenda chargé du pape François lors de cette année, vous aurez certainement remarqué qu’il a tenu à rendre la miséricorde accessible et compréhensible pour tous. Que ce soit par l’organisation de pèlerinages et de rencontres à Rome tels que les jubilés des malades, des pauvres, des prisonniers, des catéchètes, et j’en passe, il est clair que le Pape voulait que tous aient l’occasion de faire l’expérience de la Miséricorde c’est-à-dire de l’Amour incommensurable que Dieu met à la portée de notre pauvreté.

Ainsi, comme un père attentif à ce que ses enfants aient bien compris, le Pape a voulu écrire cette lettre apostolique dans laquelle on retrouve plusieurs éléments. Dans un premier temps, il nous offre une réflexion sur l’Évangile dit de la « femme adultère » (Jn 8, 1-11) que l’on peut considérer comme « l’icône de ce que nous avons vécu durant le Jubilé » (no1).

En effet, pour François, cet épisode manifeste bien la logique de l’Évangile qui « replace la loi mosaïque dans son intention originelle » (no1). Jésus, de la même manière qu’Il allait, en décrétant son indissolubilité, réinsérer le mariage dans l’intention du Créateur, il allait aussi remettre la loi dans l’intention du Dieu Unique qui était d’être miséricordieux devant l’humanité blessée. En effet, « Il y a une valeur propédeutique dans la loi (cf. Ga 3,24) qui a comme fin, la charité (cf. Tm 1,5) » (no 11). Elle n’est que le commencement de la sainteté, son socle fondamental. Toutefois, puisqu’éviter le mal n’est pas encore faire le bien, nous devons aller plus loin en portant notre regard davantage sur l’horizon à atteindre que sur le sol qui nous porte.

De plus, la lumière miséricordieuse du Père nous libère de toute volonté de justification fortuite. Plus besoin de nous déculpabiliser en rationalisant ou en accusant les autres de nos propres fautes. Devant la croix du Christ, nous pouvons laisser tout cela derrière nous en acceptant la vérité sur nous-mêmes. Nos yeux fixés sur le visage du Christ, nous rencontrons l’Amour inconditionnel du Père qui nous purifie de notre égoïsme et nos infidélités. Lui, qui nous a pardonné « alors que nous étions ses ennemis » (Rm 5, 10), ne dédaigne aucune de nos contritions lorsqu’elles sont présentées dans l’humilité, le regret et « le désir sincère de ne plus offenser Dieu et de faire pénitence ». Ainsi chaque admission en confession nous permettra de revivre cet acte originel de salut reçu au baptême. D’où l’insistance du pape à redécouvrir le sacrement de pénitence (no8-11).

De cette expérience mille fois renouvelée, naît une joie constante et indéfectible capable de nous porter à travers tous les aléas de la vie. Citant le Pasteur d’Hermas, le Saint-Père affirme « Tout homme joyeux fait le bien, pense le bien et méprise la tristesse » (no3) non pas que nous devons cesser de « pleurer avec ceux qui pleurent » (Rm 12, 15) mais plutôt que nous ne devons pas nous laisser détourner de ce qui risque d’être détourné cette joie profonde que procure l’espérance d’être sauvé. Tentation toujours présente en un monde où les nouvelles de scandales et de corruptions sont omniprésentes.

Le document se poursuit par une série de paragraphes orientés à manifester différentes conséquences concrètes de la miséricorde dans la vie de l’Église et du monde. Exhortant tous et chacun à mettre de côté ce qui fait obstacle au déploiement du pardon de Dieu en notre monde, on peut interpréter dans ce contexte l’élargissement du pouvoir de tous les prêtres à octroyer l’absolution pour le péché d’avortement ainsi que l’étendue de la permission de confesser et de se confesser licitement à un prêtre de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (no 12).

Réaffirmant la mission profondément salvifique de l’Église par ses réformes Ad Intra, le Pape offre ensuite sa volonté que perdure cette pratique de souligner la miséricorde présente dans toutes les pratiques de l’Église, qu’elles soient liturgiques, spirituelles, sociales ou missionnaires.

Je vous invite à lire cette Lettre apostolique du pape François. On a pu le remarquer durant l’année, ce thème de la miséricorde, si cher au successeur de Pierre, nous permet à tous de faire un pas de plus vers la sainteté à laquelle nous sommes appelés. En nous donnant les instruments nécessaires pour prendre acte les grâces auxquelles nous avons pu assister ou bénéficier durant cette année jubilaire, le Pape nous invite à rendre grâce en partageant cette expérience qui nous a tous transformés profondément. Goûter de près cette proximité de Dieu aura donc été pour nous le socle nouveau sur lequel appuyer l’ensemble de la mission qui se présente devant nous.

 

Visite du Pape en Suède: Angelus au stade de Malmö

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CNS/Paul Haring

Vous trouverez ci-dessous le texte de l’allocution du pape François lors de l’Angelus suivant la Messe au stade de Malmö, Suède:

En terminant cette célébration, je voudrais remercier Mgr Anders Arborelius, Évêque de Stockholm, pour ses aimables paroles ainsi que pour l’effort des Autorités et de tous ceux qui ont pris part à la préparation et au déroulement de cette visite.

Je salue cordialement le Président et le Secrétaire général de la Fédération Luthérienne Mondiale ainsi que l’Archevêque de l’Église de Suède. Je salue les membres des délégations œcuméniques et du Corps Diplomatique présents à cette occasion ainsi que tous ceux qui ont souhaité s’unir à nous lors de cette célébration eucharistique.

Je rends grâce à Dieu pour m’avoir donné l’occasion de venir dans ce pays et de vous rencontrer, vous dont beaucoup proviennent de diverses parties du monde. En tant que catholiques, nous faisons partie d’une grande famille, soutenue par une même communion. Je vous encourage à vivre votre foi dans la prière, dans les sacrements et dans le service généreux en faveur de ceux qui sont dans le besoin et qui souffrent. Je vous exhorte à être sel et lumière dans les circonstances où il vous revient de vivre, par votre manière d’être et d’agir, à la manière de Jésus, et avec grand respect et solidarité envers les frères et sœurs des autres Églises et communautés chrétiennes et envers toutes les personnes de bonne volonté.

Dans notre vie, nous ne sommes pas seuls, nous avons toujours l’aide et la compagnie de la Vierge Marie, qui se présente à nous aujourd’hui comme la première parmi les Saints, la première disciple du Seigneur. Nous nous abandonnons à sa protection et nous lui présentons nos peines et nos joies, nos craintes et nos aspirations. Nous mettons tout sous sa protection, sûrs qu’elle nous regarde et nous protège par son amour de mère.

Chers frères, je vous demande de ne pas oublier de prier pour moi. Je vous garde également très présents dans ma prière.

Et maintenant, saluons ensemble la Vierge par la prière de l’Angelus.

[01740-FR.01] [Texte original: Espagnol]

Belle visite au diocèse de Mont-Laurier pour le lancement de l’année pastorale

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Chaque année, les personnes engagées dans les différents diocèses du Québec se réunissent pour échanger, approfondir leur foi et connaître les grandes priorités pastorales de leur diocèse. C’est à cet exercice auquel j’ai assisté jeudi dernier pour le lancement de l’année pastorale 2016-17 du diocèse de Mont-Laurier. S’étaient donc réunies quelque 150 personnes autour de leur évêque Mgr Paul Lortie pour vivre en sa compagnie une journée de ressourcement avant le départ en mission.

Je dis « mission » parce que cette année souligne la troisième étape d’une série de trois années dédiées au recentrement missionnaire de cette église diocésaine. En lien avec l’exhortation apostolique « Evangelii Gaudium », Mgr Lortie avait décrété comme priorité pastorale l’invitation pontificale à être « portés par la joie de l’Évangile ». En effet, mettant l’emphase sur la dimension missionnaire de la vocation baptismale, l’évêque de Mont-Laurier avait pensé présenter cette redécouverte en trois étapes, histoire de bien l’assimiler. Après « Semons la Parole. Va, je t’envoie » et « Donnons notre amour. Sors de chez toi ! » le thème de cette année est « Donnons notre pain ! Quitte ton confort. ». Faisant toujours référence au fabuleux texte du pape François, cette invitation, en deux parties, présentée dans un petit document remis aux participants, présente non seulement une vision réaliste des différents défis qui se présentent mais manifeste également une grande confiance en la présence du Seigneur.

Quitte ton confort

Dans un premier temps, le thème de l’année propose un regard critique et réaliste sur la réalité du monde d’aujourd’hui. À la manière du pape François, on décline les principaux défis culturels auxquels les acteurs pastoraux auront affaire alors même qu’ils tenteront d’entreren dialogue avec leurs contemporains, soit pour témoigner de la foi qui les habite, soit pour éduquer directement les personnes de tous âges qui leur seront confiées. « Quitte ton confort » signifie sortir de soi-même et de ses préférences personnelles pour embrasser la réalité de l’autre en montrant comment la miséricorde de Dieu est à leur portée. Pour que cela soit possible, nous dit le document, il ne faut pas se surprendre des réactions parfois négatives qui ne tiennent pas compte des efforts et de la générosité des disciples missionnaires. Au contraire, nous devons être conscients que notre société baigne dans une culture « narcissique » ou « l’indifférence religieuse » est très répandue et où les notions de base de dignité humaine et de respect de la vie ne sont plus comprises dans leur intégralité. En ce sens, l’invitation préalable à faire un deuil de notre propre confort nous permet d’être mieux préparés à la dure réalité de la mission en 2016.

Donne de ton pain

De ce « camps d’entraînement » spirituel que ce dénuement propose, la deuxième partie du thème de l’année pastorale du diocèse de Mont-Laurier vient apporter un baume qui saura réconforter ceux qui pourraient être tentés par le découragement. De fait, le document divulgue plusieurs façons de voir jusqu’à quel point le don généreux de soi peut être un réconfort inégalable tant pour celui qui s’engage que pour celui qui en bénéficie. Confier nos actions et notre bonheur dans les mains du Christ n’est jamais du temps perdu et les répercussions de cette dédication remplit le cœur de bonheur. Non pas de ce « bonheur » apparent que le pape François appelait « divan » dans son discours aux jeunes de Cracovie l’été dernier, mais d’un bonheur profond refusant de voir les personnes qui nous entourent laissées à elles-mêmes, dans l’ignorance de l’Amour qui est à portée de main depuis que le Seigneur a été glorifié sur la Croix.

Je fus très touché par la rencontre de toutes ces personnes présentes à cette journée importante de ressourcement. J’y ai rencontré des gens généreux, confiants de la présence du Seigneur à leurs côtés et enthousiastes de faire partie de cette Œuvre d’évangélisation qui est toujours à refaire. J’ai pu également être témoin d’une grande unité et fraternité de cette communauté avec leur évêque et leurs prêtres. En ce sens, l’envoi en mission à la fin de la journée fut certainement l’occasion de mettre les efforts à venir dans les mains de Dieu afin qu’Il les bénisse et qu’Il permette, s’Il le désire, cette « pêche miraculeuse » tant attendue !

 

La pédagogie conciliaire du pape François

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CNS/Paul Haring

Du 26 au 31 juillet dernier, avaient lieu à Cracovie les 31e Journées mondiales de la Jeunesse. Cet évènement fut une réussite non seulement parce qu’aucun incident majeur n’est venu ternir l’espérance célébrée mais aussi parce que la piété qui y fut exprimée a vraisemblablement eu l’impact désiré. En faisant la rétrospective de leur expérience suivant leur retour à la maison, les jeunes pourront relire les différents discours qui leur étaient adressés, sinon revivre ces évènements en revoyant notre couverture via notre chaîne YouTube !

De mon côté, j’ai pu suivre les JMJ de cette année par l’entremise de notre équipe sur le terrain et grâce à notre diffusion des différentes étapes du pèlerinage pontifical. Vous avez certainement suivi nos émissions quotidiennes intitulées Centrale JMJ qui faisaient un résumé complet de chacune de ces journées polonaises. Ayant moi-même suivi attentivement cette semaine intense tant physiquement que spirituellement, un élément a particulièrement retenu mon attention : la pédagogie toute conciliaire du pape François.

En effet, par l’utilisation dans ses discours d’images concrètes, le pape François montre à quel point il connaît, à la fois, la réalité des jeunes d’aujourd’hui et les recommandations du Concile Vatican II.

La question fondamentale ici est de savoir quel langage est le mieux adapté à l’expression du Mystère révélé en Jésus Christ afin qu’il soit compréhensible. De fait, notre discours a souvent bien de la difficulté à mettre des mots sur cette relation éternelle à laquelle nous sommes invités. Le recours à la précision théologique peut être d’un certain secours mais celle-ci ne peut être la seule solution parce que Dieu n’est pas venu sur terre pour créer des théologiens mais plutôt pour sauver l’humanité ! Ce dilemme (no2), le Concile l’avait identifié et le pape François semble l’avoir très bien assimilé.

Tout au long de son pontificat, le pape François s’est fait remarquer, entre autres, par ce don tout spécial qu’il possède d’utiliser des images. Cela manifesta tout autant sa connaissance de la foi que de la réalité concrète de la vie quotidienne des gens. Comme l’enseigne Vatican II dans le document Lumen Gentium :

« C’est sous des images variées que la nature intime de l’Église nous est montrée, images tirées soit de la vie pastorale ou de la vie des champs, soit du travail de construction ou encore de la famille et des épousailles, et qui se trouvent ébauchées déjà dans les livres des prophètes. » (no6)

En ce sens, le discours du pape François lors de la Veillée de prières au Campus Misericordiae m’a non seulement fait réfléchir mais m’a également fait bien rire :

« Dans la vie, il y a une autre paralysie encore plus dangereuse et souvent difficile à identifier, et qu’il nous coûte beaucoup de reconnaître. J’aime l’appeler la paralysie qui naît lorsqu’on confond le BONHEUR avec un DIVAN ! Oui, croire que pour être heureux, nous avons besoin d’un bon divan. Un divan qui nous aide à nous sentir à l’aise, tranquilles, bien en sécurité. Un divan – comme il y en a maintenant, modernes, avec des massages y compris pour dormir – qui nous garantissent des heures de tranquillité pour nous transférer dans le monde des jeux vidéo et passer des heures devant l’ordinateur. »

Il est vrai que tous les choix de notre vie dépendent de l’idée que l’on se fait du bonheur. Le pape François semble avoir une bonne idée des différentes tentations qui guettent la jeunesse d’aujourd’hui, bombardée de messages publicitaires de toutes sortes ; menaçant souvent même d’exclusion ceux qui refuseraient de se conformer aux nouveaux dogmes de la société du déchet.

En ce sens, les JMJ de Cracovie furent certainement l’occasion pour tous ces jeunes d’apprendre davantage sur leur vocation à la sainteté. Ils ont pu se mettre ensemble à l’écoute d’un message clair leur donnant, à la fois, l’enseignement nécessaire pour prendre des décisions face aux possibilités qui s’offrent à eux et recevoir l’impulsion essentielle sans laquelle tous ces jeunes réunis pourraient, comme tant d’autres, préférer le confort de leur sofa et l’anesthésie de leur console de jeux vidéos aux nombreux défis que comporte toute vie réussie.

Discours du pape François lors de sa visite à la Basilique Sainte-Marie-des-Anges, Assise

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Chers frères et sœurs,
J’aimerais rappeler aujourd’hui, avant tout, les paroles que, selon une antique tradition, saint

François a prononcées ici même, devant tout le peuple et devant les évêques : ‘‘Je désire vous envoyer tous au paradis’’. Que pouvait le Petit Pauvre d’Assise demander de plus beau, sinon le don du salut, de la vie éternelle avec Dieu et de la joie sans fin, que Jésus a obtenu pour nous par sa mort et sa résurrection ?

Le paradis, d’ailleurs, qu’est-ce sinon ce mystère d’amour qui nous lie pour toujours à Dieu pour le contempler sans fin ? L’Église, depuis toujours, professe cette foi lorsqu’elle dit qu’elle croit dans la communion des saints. Nous ne sommes jamais seuls en vivant la foi ; les saints et les bienheureux nous font compagnie, ainsi que nos proches qui ont vécu avec simplicité et joie la foi et en ont témoigné dans leur vie. Il y a un lien invisible, mais pas pour autant moins réel, qui fait de nous ‘‘un seul corps’’, en vertu de l’unique Baptême reçu, animés par un ‘‘seul Esprit’’ (cf. Ep 4, 4). Peut- être saint François, lorsqu’il demandait au Pape Honorius III le don de l’indulgence pour ceux qui venaient à la Portioncule, avait-il à l’esprit ces paroles de Jésus aux disciples : « Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures ; sinon, vous aurais-je dit : ‘‘Je pars vous préparer une place ?’’ Quand je serai parti vous préparer une place, je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi, afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi » (Jn 14, 2-3).

Le chemin du pardon est certainement le chemin principal à suivre pour rejoindre cette place au Paradis. Et ici à la Portioncule tout parle de pardon ! Quel grand don nous a fait le Seigneur en nous enseignant à pardonner pour nous faire toucher de la main la miséricorde du Père ! Nous avons écouté il y a quelques instants la parabole par laquelle Jésus nous a enseigné à pardonner (cf. Mt 18, 21-35). Pourquoi devrions-nous pardonner à une personne qui nous a fait du mal ? Parce qu’en premier nous avons reçu le pardon, et infiniment plus. La parabole nous dit exactement ceci : comme Dieu nous pardonne, de même nous devons nous aussi pardonner à qui nous fait du mal. Précisément comme dans la prière que Jésus nous a enseignée, le Notre Père, lorsque nous disons : « Remets-nousCapture d’écran 2016-08-04 à 11.17.26 nos dettes comme nous-mêmes nous remettons leurs dettes à nos débiteurs » (Mt 6, 12). Les dettes sont nos péchés devant Dieu, et nos débiteurs sont ceux à qui nous devons pardonner, nous aussi.

Chacun de nous pourrait être ce serviteur de la parabole qui a une grande dette à payer, mais tellement grande qu’il ne pourrait pas s’en sortir. Nous aussi, quand au confessionnal, nous nous mettons à genoux devant le prêtre, nous ne faisons que répéter le même geste du serviteur. Nous disons : ‘‘Seigneur, sois patient avec moi’’. Nous savons bien, en effet, que nous sommes pleins de défauts et que nous retombons souvent dans les mêmes péchés. Néanmoins, Dieu ne se lasse pas d’offrir toujours son pardon chaque fois que nous le demandons. C’est un pardon plein, total, par lequel il nous donne l’assurance que, bien que nous puissions retomber dans les mêmes péchés, lui a pitié de nous et ne se lasse pas de nous aimer. Comme le patron de la parabole, Dieu s’apitoie, c’est-à- dire qu’il éprouve un sentiment de pitié mêlé de tendresse : c’est une expression pour indiquer sa miséricorde envers nous. Notre Père, en effet, s’apitoie toujours quand nous nous repentons, et il nous renvoie à la maison le cœur tranquille et serein, en nous disant qu’il nous a tout remis et tout pardonné. Le pardon de Dieu ne connaît pas de limites ; il dépasse toute imagination et rejoint quiconque, dans l’intime du cœur, reconnaît avoir commis une faute et veut retourner à lui. Dieu regarde le cœur qui demande à être pardonné.

Le problème, malheureusement, survient quand nous nous trouvons face à notre frère qui nous causé un petit tort. La réaction que nous avons écoutée dans la parabole est très expressive : « Il se jeta sur lui pour l’étrangler, en disant : ‘‘Rembourse ta dette’’ » (Mt 18, 28). Dans cette scène, nous trouvons tout le drame de nos relations humaines. Quand nous sommes, nous, en dette avec les autres, nous voulons la miséricorde ; quand, au contraire, nous sommes créanciers nous invoquons la justice ! Cela, ce n’est pas la réaction du disciple du Christ et cela ne peut être le style de vie des chrétiens. Jésus nous enseigne à pardonner, et à le faire sans limites : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois » (v. 22). En somme, ce qu’il nous propose, c’est l’amour du Père, non pas notre prétendue justice. S’arrêter à cela, en effet, ne nous ferait pas reconnaître comme des disciples du Christ, qui ont obtenu miséricorde au pied de la croix seulement en vertu de l’amour du Fils de Dieu. N’oublions donc pas les paroles sévères par lesquelles se conclut la parabole : « C’est ainsi que votre Père du Ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur » (v. 35).

Chers frères et sœurs, le pardon dont saint François s’est fait le ‘‘canal’’ ici à la Portioncule continue à ‘‘générer le paradis’’ encore après huit siècles. En cette Année Sainte de la Miséricorde, il devient encore plus évident que le chemin du pardon peut vraiment renouveler l’Église et le monde. Offrir le témoignage de la miséricorde dans le monde d’aujourd’hui est une tâche à laquelle personne d’entre nous ne peut se soustraire. Le monde a besoin de pardon ; trop de personnes vivent enfermées dans la rancœur et couvent la haine, parce qu’incapables de pardon, ruinant leur propre vie et celle d’autrui au lieu de trouver la joie de la sérénité et de la paix. Demandons à saint François d’Assise d’intercéder pour nous, afin que nous ne renoncions jamais à être d’humbles signes de pardon et des instruments de miséricorde.

[01267-FR.01] [Texte original: Italien]

Témoignage de Miguel, 34 ans d’Asunción au Paraguay lors de la Veillée de prière avec le pape François

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Je m’appelle Miguel, j’ai 34 ans, je viens de Asunción, au Paraguay. Nous sommes onze frères et sœurs et je suis le seul à avoir des problèmes avec la drogue. J’ai vaincu mon addiction à la « Fazenda de la Esperanza San Rafael » (Maison de l’Espérance San Rafael) à Rio Grande do Sul, au Brésil.

J’ai pris de la drogue pendant 16 ans, à partir de l’âge de 11 ans. J’ai toujours eu de grandes difficultés dans les relations avec ma famille, je ne me sentais ni aimé ni proche d’eux. On se disputait sans arrêt et on vivait constamment stressés. Je ne me souviens pas de m’être assis à table avec eux. Pour moi la famille était un concept inexistant, et la maison était juste un endroit pour dormir et manger.

À l’âge de 11 ans je me suis enfui de la maison car le vide en moi était trop grand. Je continuais les cours, mais je voulais la «liberté». Quelques mois après, je me suis drogué pour la première fois sur le chemin de l’école. Cela ne faisait qu’approfondir le vide qui était en moi, je ne voulais pas rentrer à la maison, faire face à ma famille, faire face à moi-même. Ensuite j’ai abandonné l’école et mes parents m’ont fermé les portes de la maison, car ils avaient perdus tout espoir. À 15 ans, j’ai commis un délit pour lequel je suis allé en prison. En me rendant visite, mon père m’a demandé si je voulais changer et j’ai répondu « Oui ». Sorti de prison, peu de temps après je suis retourné à la criminalité. Un jour, j’ai commis un crime et j’ai été à nouveau mis en prison, cette fois-ci pour six ans, années durant lesquelles j’ai beaucoup souffert. Je ne pouvais pas comprendre pourquoi aucun de mes frères et sœurs ne m’avaient pas rendu visite. Ainsi, les années ont passé et j’ai purgé ma peine. Mes parents sont restés toujours liés à l’Église.

Après ma sortie de prison, un prêtre, ami de la famille, m’a invité à voir un endroit appelé “Fazenda de la Esperanza” (Maison de l’Espérance). J’étais sans but dans la vie. Toutes ces années perdues étaient fortement visibles dans mes yeux, sur mon visage. J’ai accepté d’y aller, et pour la première fois j’ai senti ce qu’était une vraie famille. Au début, les relations avec les autres et la vie commune étaient très difficiles pour moi. Là-bas, la méthode de guérison se fait au travers de la Parole de Dieu. J’avais un colocataire que je ne pouvais pas alors pardonner. J’avais besoin de paix, et lui, il avait besoin d’amour. Pendant les sept mois que j’ai passés dans cet endroit, il me fut demandé de faire quelque chose pour améliorer la vie dans la maison. C’est ainsi que j’ai compris que Dieu voulait quelque chose de moi. Ce camarade a reçu une lettre de sa femme. Leurs relations n’étaient pas très bonnes. Cela m’a aidé à mieux le comprendre. Je lui ai donné cette lettre et il m’a dit « Frère, peux-tu me pardonner ? » et je lui ai répondu « Oui, bien sûr. Dès ce moment, j’eu une excellente relation avec lui. Dieu nous transforme vraiment, IL nous restaure !

J’ai recouvré complètement ma santé il y a 10 ans, j’étais responsable de la maison «Quo Vadis ? » à la Maison de l’Ésperance à Cerro Chato, pendant trois ans.

Trad. : Joasia Kierska

Témoignage de Rand Mittri, 26 ans d’Alep en Syrie lors de la Veillée de prière avec le pape François

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Je m’appelle Rand Mittri. J’ai 26 ans et je viens d’Alep, en Syrie. Comme vous le savez peut-être, notre ville a été détruite, ruinée et brisée. Le sens de notre vie a été anéanti. Nous sommes la ville oubliée.

Cela peut être difficile pour une grande partie d’entre vous de comprendre l’étendue de ce qui se passe maintenant dans mon pays bien-aimé, en Syrie. Il va m’être très difficile de vous donner une image de la vie pleine de douleur en quelques phrases, mais je vais partager avec vous quelques aspects de notre réalité.

Chaque jour, nous vivons entourés de la mort. Mais comme vous, le matin, nous fermons la porte quand nous allons au travail ou à l’école. C’est à ce moment que nous sommes pris par la peur de ne pas pouvoir rentrer pour retrouver nos maisons et nos familles. Peut-être serons- nous tués ce jour. Peut-être nos familles ne seront plus en vie. C’est un sentiment dur et douloureux de savoir que tu es entouré de la mort et de la tuerie, et qu’il n’y a pas de possibilité de s’enfuir : il n’y a personne pour t’aider.

Est-il possible que ce soit la fin et que nous soyons nés pour mourir en souffrance ? Ou bien sommes-nous nés pour vivre, pour vivre la vie le plus pleinement possible ? Mon expérience de cette guerre a été rude et difficile. Mais tout ça a fait que j’ai mûri et j’ai grandi avant mon âge, que je vois les choses d’une perspective différente.

Je travaille dans le centre Don Bosco à Alep. Notre centre reçoit plus de 700 jeunes hommes et femmes qui s’y rendent en espérant de voir un sourire ou entendre un mot d’encouragement. Ils recherchent aussi quelque chose qui manque dans leurs vies : de vrais soins humanitaires. Mais il est très difficile pour moi de donner de la joie et de la foi aux autres quand moi-même je manque de ces choses dans ma vie.

A travers ma maigre expérience de vie, j’ai appris que ma foi en Jésus Christ l’emporte sur les circonstances de la vie. La vérité n’est pas conditionnée par une vie en paix, exempté de souffrance. De plus en plus je crois que Dieu existe malgré toute notre douleur. Je crois que parfois, à travers notre douleur, Il nous enseigne le vrai sens de l’amour. Ma foi en Jésus Christ est la raison de ma joie et de mon espoir. Personne ne sera jamais capable de me voler cette vraie joie.

Je vous remercie tous et je vous demande sincèrement de prier pour mon pays bien-aimé, la Syrie.

Trad. : Alicja Slowik

Homélie du pape François lors de la Messe de la Solennité des saints Pierre et Paul

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Bénédiction des pallia et Messe de la Solennité des saints Pierre et Paul

Lors de la Messe de Solennité des saints Pierre et Paul à 9h30 am dans la basilique vaticane, le pape François a béni les Pallia (du singulier « Pallium ») tiré de la confession de l’apôtre Pierre pour les nouveaux Archevêques métropolitains nommés au cours de la dernière année. Le Pallium sera ensuite imposé sur chacun des archevêques métropolitains par le représentant pontifical dans leur siège métropolitain et pays respectifs.

Après le rite de bénédiction des Pallia, le Pape a présidé à la Messe accompagné des nouveaux archevêques métropolitains. Comme le veux la coutume à l’occasion de la Fête des saints apôtres Pierre et Paul, patrons de la ville de Rome, furent présent lors de la Sainte Messe une délégation du Patriarcat Œcuménique de Constantinople. À la tête de cette délégation se trouvait le Patriarche Bartholomé 1er, Son Éminence Méthodios, Métropolitain de Boston, Son Excellence Job, Archevêque de Telmessos ainsi que le Révérend Diacre Patriarche Nephon Tsimalis.

Vous trouverez ci-dessous le texte complet de l’homélie telle que prononcée par le pape François :

La Parole de Dieu de cette liturgie contient un binôme central : fermeture / ouverture. Nous pouvons rapprocher aussi de cette image le symbole des clefs, que Jésus promet à Simon Pierre pour qu’il puisse ouvrir l’entrée du Royaume des cieux, et certainement pas pour la fermer aux gens, comme le faisaient certains scribes et pharisiens hypocrites que Jésus réprimandait (cf. Mt 23, 13).

La lecture des Actes des Apôtres (12, 1-11) nous présente trois fermetures : celle de Pierre en prison ; celle de la communauté recueillie en prière ; et – dans le contexte immédiat de notre texte – celle de la maison de Marie, mère de Jean surnommé Marc, où Pierre va frapper à la porte après avoir été libéré.

En ce qui concerne les fermetures, la prière apparaît comme la voie de sortie principale : voie de sortie pour la communauté, qui risque de se replier sur elle-même à cause de la persécution et de la peur ; voie de sortie pour Pierre, qui, encore au début de la mission qui lui a été confiée par le Seigneur, est jeté en prison par Hérode et risque la condamnation à mort. Et tandis que Pierre était en prison, « l’Église priait Dieu pour lui incessamment » (Ac 12, 5). Et le Seigneur répond à la prière et envoie son ange le libérer, ‘‘en l’arrachant aux mains d’Hérode’’ (cf. v. 11). La prière, en tant qu’humble abandon à Dieu et à sa sainte volonté, est toujours la voie de sortie de nos fermetures personnelles et communautaires. C’est la grande voie de sortie des fermetures.

De même Paul, en écrivant à Timothée, parle de son expérience de libération, de sortie du danger d’être lui aussi condamné à mort ; au contraire, le Seigneur lui a été proche et lui a donné la force de pouvoir porter à son achèvement son œuvre d’évangélisation des peuples (cf. 2 Tm 4, 17). Mais Paul parle d’une ‘‘ouverture’’ bien plus grande, vers un horizon infiniment plus vaste : celui de la vie éternelle, qui l’attend à la fin de sa ‘‘course’’ terrestre. Il est beau alors de voir la vie de l’Apôtre toute ‘‘en sortie’’ grâce àCapture d’écran 2016-06-29 à 10.12.16 l’Évangile : toute projetée en avant, d’abord pour porter le Christ à ceux qui ne le connaissent pas, et ensuite pour se jeter, pour ainsi dire, dans ses bras, et être conduit par lui, sain et sauf au ciel, dans son Royaume (cf. v. 18).

Retournons à Pierre. Le récit évangélique (Mt 16, 13-19) de sa confession de foi et de la mission qui lui a été confiée ensuite par Jésus nous montre que la vie de Simon, pêcheur galiléen, – comme la vie de chacun de nous – s’ouvre, s’épanouit pleinement lorsqu’elle accueille de Dieu le Père la grâce de la foi. Alors Simon se met en route – une route longue et dure – qui le conduira à sortir de lui-même, de ses sécurités humaines, surtout de son orgueil mêlé de courage et d’altruisme généreux. Dans ce parcours de libération, la prière de Jésus est décisive : « J’ai prié pour toi [Simon] afin que ta foi ne défaille pas » (Lc 22, 32). Et également décisif est le regard plein de compassion du Seigneur après que Pierre l’a eu renié trois fois : un regard qui touche le cœur et fait sécher les larmes de repentir (cf. Lc 22, 61-62). Alors Simon Pierre a été libéré de la prison de son moi orgueilleux, de son moi peureux, et il a surmonté la tentation de se fermer à l’appel de Jésus à le suivre sur la voie de la croix.

Comme je le disais, dans le contexte immédiat du passage des Actes des Apôtres il y a un détail qu’il peut nous faire du bien de noter (cf. 12, 12-17). Lorsque Pierre se retrouve miraculeusement libre, hors de la prison d’Hérode, il se rend dans la maison de la mère de Jean surnommé Marc. Il frappe à la porte, et de l’intérieur répond une domestique du nom de Rhodè, qui, ayant reconnu la voix de Pierre, au lieu d’ouvrir la porte, à la fois incrédule et pleine de joie, court rapporter la chose à sa patronne. Le récit, qui peut sembler comique – et qui peut donner origine au soi-disant “complexe de Rhodè”-, nous fait percevoir le climat de peur dans lequel se trouvait la communauté chrétienne, qui demeurait enfermée à la maison, et fermée aussi aux surprises de Dieu. Pierre frappe à la porte. “Regarde !”. Il y a de la joie, il y a de la peur… “Nous ouvrons, nous n’ouvrons pas ?…”. Et lui est en danger, parce que la police peut le prendre. Mais la peur nous arrête, elle nous arrête toujours ; elle nous ferme, elle nous ferme aux surprises de Dieu. Ce détail nous parle de la tentation qui existe toujours pour l’Église : celle de se replier sur elle-même, face aux dangers. Mais il y a aussi ici la spirale à travers laquelle peut passer l’action de Dieu : Luc dit que dans cette maison « se trouvaient rassemblés un certain nombre de personnes qui priaient » (v. 12). La prière permet à la grâce d’ouvrir une voie de sortie : de la fermeture vers l’ouverture, de la peur vers le courage, de la tristesse vers la joie. Et nous pouvons ajouter : de la division vers l’unité. Oui, nous le disons aujourd’hui, confiants, avec nos frères de la Délégation envoyée par le cher Patriarche Œcuménique Bartholomée, pour participer à la fête des Saints Patrons de Rome. Une fête de communion pour toute l’Église, comme le met aussi en évidence la présence des Archevêques Métropolitains venus pour la bénédiction des Palliums, qui leur seront imposés par mes Représentants dans leurs Sièges respectifs.

Que les saints Pierre et Paul intercèdent pour nous, afin que nous puissions parcourir avec joie ce chemin, faire l’expérience de l’action libératrice de Dieu et en témoigner à tous.

[01119-FR.02] [Texte original: Italien]

Église en sortie 3 juin 2016

Cette semaine à Église en sortie, nous vous présentons une entrevue avec l’abbé Louis-André Naud, prêtre du diocèse de Québec et directeur de l’Office national de liturgie à la CECC. On participe à la procession de la Fête-Dieu dans les rues de Montréal.  Enfin, dans la troisième partie de l’émission nous rencontrons Mgr Yvon Joseph Moreau, évêque du diocèse de Sainte-Anne-de-la-Pocatière au Québec et président de la Commission épiscopale pour la liturgie et les sacrements de la CECC pour le secteur francophone qui nous entretient de l’importance de la liturgie dans la vie missionnaire de l’Église.

Les saints et le combat de la prière

A woman prays in 2015 as Pope Francis celebrates Mass in Manila, Philippines. The prayers of the faithful, not the pope, bishops, priests or nuns, have the power to make miracles happen in the most impossible situations, Pope Francis said at his morning Mass. (CNS photo/Dennis M. Sabangan, EPA) See POPE-MASS-PRAYER Jan. 12, 2016.

Les saints ont été les premiers à soutenir que la prière est un combat. Mais un combat contre qui ou contre quoi? Souvent contre eux-mêmes et tout ce qui détourne de Dieu. « Les grands priants de l’Ancienne Alliance avant le Christ, comme la Mère de Dieu et les saints avec Lui nous l’apprennent : la prière est un combat » (CÉC 2725). C’est pourquoi, la prière « suppose un effort constant … Le ‘combat spirituel’ de la vie nouvelle du chrétien est inséparable du combat de la prière » (ibid.).

Tout en sachant cela, on peut quand même se décourager rapidement. Il est facile d’oublier que la prière ne vient pas seulement de nos propres efforts mais surgit grâce à l’Esprit Saint, tel que Saint Paul nous l’explique dans l’une de ses lettres aux Romains : « l’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut » (Romains 8, 26). Les saints sont pour nous des modèles, non pas à cause de leur vie exemplaire mais en raison de leur persévérance lorsque les choses allaient mal.  Ils peuvent nous encourager lorsque notre prière semble vide, lorsqu’on arrête de prier, lorsqu’on n’y trouve plus le réconfort et qu’elle n’est plus source de joie mais de tristesse. Les saints ont tous fait face à cela.

Voici, donc, quelques exemples d’hommes et de femmes qui ont connu des défis dans leur vie spirituelle. Certaines anecdotes vous surprendront peut-être, mais en y regardant de plus près, nous constatons que les obstacles à la prière exigent au fond une plus grande confiance en Dieu !

Saint Bernard de Clairvaux, cistercien

J’ai découvert que saint Bernard avait de la difficulté à prier grâce au site web Word on Fire (un ministère d’évangélisation par les médias créé par Mgr Robert Barron, évêque auxiliaire de Los Angeles). Saint Bernard savait ce que voulait dire être distrait pendant son temps de prière. On donne comme exemple l’histoire de sa rencontre, un jour, avec un fermier…

Alors qu’il voyageait à cheval, Bernard s’arrête près d’un fermier qui travaille la terre. Le fermier lève la tête et lui dit qu’il a de la chance de passer sa vie à prier. Mais saint Bernard fait la remarque que la prière peut s’avérer encore plus difficile que labourer la terre. « Je doute bien que ce soit vrai » lui répond le fermier, « vous avez un beau cheval et une selle splendide, que savez-vous de l’épreuve? ». Saint Bernard dit alors au fermier que s’il arrive à prier le Notre Père sans interruption, il lui donnera son cheval. Le fermier accepte le défi et se met à prier, « Notre Père, qui est aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite… – tu me donnes la selle, aussi? ».

Je crois que Saint Bernard a bien illustré son objectif et est reparti avec et son cheval et sa selle. Les distractions et les combats dans la prière font partie de la vie spirituelle du chrétien. Les autres saints qui m’ont aidée à construire ce blogue, nous montrent de manière concrète à quoi ressemblait ce combat pour eux. J’espère qu’ils seront source d’encouragement pour vous aussi !

Sainte Thérèse d’Avila, carmélite

Sainte Thérèse d’Avila est devenue la première femme Docteur de l’Église, après avoir réformé l’Ordre des Carmélites, fondé des couvents un peu partout en Espagne, puis écrit quelques-uns des ouvrages spirituels les plus connus dans la littérature catholique. Mais avant d’en arriver là, la grande Thérèse a connu une vie intérieure houleuse.

Elle est rentrée au couvent à l’âge de 20 ans au grand déplaisir de son père. Au moment de son entrée, le couvent était alors un endroit prestigieux. Ainsi, lors de grandes réceptions tenues au couvent, Thérèse était au cœur de la fête. Par conséquent, sa vie spirituelle était tiède. Pendant ses temps de prière, elle était facilement distraite et voulait rarement prier. Elle attendait avec impatience la fin de son heure de prière. Elle raconte dans ses ouvrages qu’elle aurait pratiqué les plus dures pénitences au lieu de forcer l’oraison.

Elle menait en quelque sorte une double vie jusqu’au jour où elle tombe sur un texte de Saint Augustin. Elle se convertit (une deuxième fois, dit-elle) à l’âge de quarante ans et tombe amoureuse de Jésus. Sa vie change complètement. Nourrie par l’oraison, elle commence à exhorter le reste de ses consœurs de mener une vie digne de la vocation à laquelle elles ont été appelées.

Malgré son amour de Dieu, qui l’habite désormais, elle parle des défis qu’elle continue de rencontrer dans sa vie intérieure. Dans son livre Le Château intérieur, elle écrit : « Toutes les épreuves que nous devons endurer ne peuvent se comparer à la lutte intérieure … mais ne croyez pas qu’il s’agisse de ne pas penser à autre chose et que si vous êtes un peu distrait, tout est ‘perdu’… ces distractions sont comme des nuages qui passent dans le ciel et détournent notre regard un seul instant du Soleil de Justice ».

Saint Jean de la Croix, carme

Alors que sainte Thérèse change le visage de la vie religieuse en Espagne, saint Jean de la Croix se lie d’amitié avec elle. Elle sera éventuellement comme sa « mère spirituelle ». Attiré par son feu il devient carme déchaux et l’aidera à établir d’autres couvents carmélites. Il sera, lui aussi, nommé Docteur de l’Église.

Saint Jean a forgé l’expression la « nuit obscure de l’âme ». Il s’en est servi pour décrire l’expérience que nous vivons parfois lorsque nous sommes éprouvés dans la prière. Il nous dit que cette épreuve de la foi se manifeste à nous par la sécheresse, le sentiment d’abandon ou de l’absence de Dieu, alors qu’en vérité, il ne nous abandonne jamais. Au contraire, cette « nuit » est permise par Dieu pour que, petit à petit, nous arrivions à nous détacher de tout ce qui prend Sa place, dans notre prière mais aussi dans notre vie comme les plaisirs, les appétits, les loisirs, les pensées, les idées, etc. Ces choses peuvent être belles et bonnes mais ne devraient pas être des obstacles à la grâce; elles devraient plutôt nous aider à aller vers Dieu.

Sans jamais forcer notre liberté, Dieu nous invite simplement à collaborer au travail de la grâce en nous. Il est en train d’enlever les mauvaises herbes. Saint Jean nous montre qu’il ne faut pas craindre ces moments d’incertitude et de vide. C’est dans ces instants de « purification » que nous voyons notre grand besoin de Dieu et que nous pouvons nous abandonner plus à Sa miséricorde.

Mère Térésa de Calcutta, missionnaire de la charité

On la connaît très bien pour son immense œuvre auprès des pauvres. Mais Mère Térésa de Calcutta (bientôt sainte Mère Térésa) a fondé les Missionnaires de la charité alors qu’elle se sentait complètement abandonnée par Dieu. Sa prière, avant le début de sa mission en Inde, était remplie de la présence de Dieu. Elle voyait Jésus, lui parlait et entendait sa voix… Elle lui demandait de connaître un jour la souffrance du Christ en croix et de partager sa solitude. C’est cette prière qui lui a permis d’entendre Dieu l’appeler comme missionnaire auprès des plus démunis.

Mais, dès son arrivée à Calcutta, tout a changé. Dieu s’est tu. Elle n’avait plus de grandes visions et ne ressentait plus Son amour, Sa proximité. « J’appelle, je m’accroche, je désire, mais il n’y a personne pour me répondre ». Elle vécut comme cela pendant quarante ans. Pourtant, elle persévérait tout de même dans sa prière et dans son travail auprès des marginalisés. « Je ne fais que regarder Jésus souffrant et je répète : laisse-moi prendre part à ta douleur! Si cette douleur et cette souffrance … ne te donnent qu’une seule goutte de consolation, mon Jésus, fais de moi ce qu’il te plaira ». Quelle confiance ! On disait d’elle, qu’elle était une personne joyeuse et radieuse.

On ne pourrait parler de Mère Térésa sans reconnaître ce combat bien réel qu’elle a mené. Ce qui fait d’elle une sainte, ce n’est pas uniquement son travail auprès des pauvres mais aussi sa fidélité à sa vocation et à sa mission malgré sa « nuit obscure de l’âme ».

Nous comprendrons, à travers ces quelques exemples, que le combat de la prière est commun à tous les chrétiens – et même aux plus grands saints ! Mais, cette bataille intérieure n’est pas livrée pour rien !  C’est l’occasion pour Dieu de nous montrer ce que nous sommes, nous montrer les mauvaises herbes, les péchés ou les blessures qui ont encore de l’emprise sur nous. Finalement, c’est l’occasion de nous raccrocher à Lui en toute confiance, pour qu’Il nous redise Son amour et Sa miséricorde.

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