Les saints ont été les premiers à soutenir que la prière est un combat. Mais un combat contre qui ou contre quoi? Souvent contre eux-mêmes et tout ce qui détourne de Dieu. « Les grands priants de l’Ancienne Alliance avant le Christ, comme la Mère de Dieu et les saints avec Lui nous l’apprennent : la prière est un combat » (CÉC 2725). C’est pourquoi, la prière « suppose un effort constant … Le ‘combat spirituel’ de la vie nouvelle du chrétien est inséparable du combat de la prière » (ibid.).
Tout en sachant cela, on peut quand même se décourager rapidement. Il est facile d’oublier que la prière ne vient pas seulement de nos propres efforts mais surgit grâce à l’Esprit Saint, tel que Saint Paul nous l’explique dans l’une de ses lettres aux Romains : « l’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut » (Romains 8, 26). Les saints sont pour nous des modèles, non pas à cause de leur vie exemplaire mais en raison de leur persévérance lorsque les choses allaient mal. Ils peuvent nous encourager lorsque notre prière semble vide, lorsqu’on arrête de prier, lorsqu’on n’y trouve plus le réconfort et qu’elle n’est plus source de joie mais de tristesse. Les saints ont tous fait face à cela.
Voici, donc, quelques exemples d’hommes et de femmes qui ont connu des défis dans leur vie spirituelle. Certaines anecdotes vous surprendront peut-être, mais en y regardant de plus près, nous constatons que les obstacles à la prière exigent au fond une plus grande confiance en Dieu !
Saint Bernard de Clairvaux, cistercien
J’ai découvert que saint Bernard avait de la difficulté à prier grâce au site web Word on Fire (un ministère d’évangélisation par les médias créé par Mgr Robert Barron, évêque auxiliaire de Los Angeles). Saint Bernard savait ce que voulait dire être distrait pendant son temps de prière. On donne comme exemple l’histoire de sa rencontre, un jour, avec un fermier…
Alors qu’il voyageait à cheval, Bernard s’arrête près d’un fermier qui travaille la terre. Le fermier lève la tête et lui dit qu’il a de la chance de passer sa vie à prier. Mais saint Bernard fait la remarque que la prière peut s’avérer encore plus difficile que labourer la terre. « Je doute bien que ce soit vrai » lui répond le fermier, « vous avez un beau cheval et une selle splendide, que savez-vous de l’épreuve? ». Saint Bernard dit alors au fermier que s’il arrive à prier le Notre Père sans interruption, il lui donnera son cheval. Le fermier accepte le défi et se met à prier, « Notre Père, qui est aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite… – tu me donnes la selle, aussi? ».
Je crois que Saint Bernard a bien illustré son objectif et est reparti avec et son cheval et sa selle. Les distractions et les combats dans la prière font partie de la vie spirituelle du chrétien. Les autres saints qui m’ont aidée à construire ce blogue, nous montrent de manière concrète à quoi ressemblait ce combat pour eux. J’espère qu’ils seront source d’encouragement pour vous aussi !
Sainte Thérèse d’Avila, carmélite
Sainte Thérèse d’Avila est devenue la première femme Docteur de l’Église, après avoir réformé l’Ordre des Carmélites, fondé des couvents un peu partout en Espagne, puis écrit quelques-uns des ouvrages spirituels les plus connus dans la littérature catholique. Mais avant d’en arriver là, la grande Thérèse a connu une vie intérieure houleuse.
Elle est rentrée au couvent à l’âge de 20 ans au grand déplaisir de son père. Au moment de son entrée, le couvent était alors un endroit prestigieux. Ainsi, lors de grandes réceptions tenues au couvent, Thérèse était au cœur de la fête. Par conséquent, sa vie spirituelle était tiède. Pendant ses temps de prière, elle était facilement distraite et voulait rarement prier. Elle attendait avec impatience la fin de son heure de prière. Elle raconte dans ses ouvrages qu’elle aurait pratiqué les plus dures pénitences au lieu de forcer l’oraison.
Elle menait en quelque sorte une double vie jusqu’au jour où elle tombe sur un texte de Saint Augustin. Elle se convertit (une deuxième fois, dit-elle) à l’âge de quarante ans et tombe amoureuse de Jésus. Sa vie change complètement. Nourrie par l’oraison, elle commence à exhorter le reste de ses consœurs de mener une vie digne de la vocation à laquelle elles ont été appelées.
Malgré son amour de Dieu, qui l’habite désormais, elle parle des défis qu’elle continue de rencontrer dans sa vie intérieure. Dans son livre Le Château intérieur, elle écrit : « Toutes les épreuves que nous devons endurer ne peuvent se comparer à la lutte intérieure … mais ne croyez pas qu’il s’agisse de ne pas penser à autre chose et que si vous êtes un peu distrait, tout est ‘perdu’… ces distractions sont comme des nuages qui passent dans le ciel et détournent notre regard un seul instant du Soleil de Justice ».
Saint Jean de la Croix, carme
Alors que sainte Thérèse change le visage de la vie religieuse en Espagne, saint Jean de la Croix se lie d’amitié avec elle. Elle sera éventuellement comme sa « mère spirituelle ». Attiré par son feu il devient carme déchaux et l’aidera à établir d’autres couvents carmélites. Il sera, lui aussi, nommé Docteur de l’Église.
Saint Jean a forgé l’expression la « nuit obscure de l’âme ». Il s’en est servi pour décrire l’expérience que nous vivons parfois lorsque nous sommes éprouvés dans la prière. Il nous dit que cette épreuve de la foi se manifeste à nous par la sécheresse, le sentiment d’abandon ou de l’absence de Dieu, alors qu’en vérité, il ne nous abandonne jamais. Au contraire, cette « nuit » est permise par Dieu pour que, petit à petit, nous arrivions à nous détacher de tout ce qui prend Sa place, dans notre prière mais aussi dans notre vie comme les plaisirs, les appétits, les loisirs, les pensées, les idées, etc. Ces choses peuvent être belles et bonnes mais ne devraient pas être des obstacles à la grâce; elles devraient plutôt nous aider à aller vers Dieu.
Sans jamais forcer notre liberté, Dieu nous invite simplement à collaborer au travail de la grâce en nous. Il est en train d’enlever les mauvaises herbes. Saint Jean nous montre qu’il ne faut pas craindre ces moments d’incertitude et de vide. C’est dans ces instants de « purification » que nous voyons notre grand besoin de Dieu et que nous pouvons nous abandonner plus à Sa miséricorde.
Mère Térésa de Calcutta, missionnaire de la charité
On la connaît très bien pour son immense œuvre auprès des pauvres. Mais Mère Térésa de Calcutta (bientôt sainte Mère Térésa) a fondé les Missionnaires de la charité alors qu’elle se sentait complètement abandonnée par Dieu. Sa prière, avant le début de sa mission en Inde, était remplie de la présence de Dieu. Elle voyait Jésus, lui parlait et entendait sa voix… Elle lui demandait de connaître un jour la souffrance du Christ en croix et de partager sa solitude. C’est cette prière qui lui a permis d’entendre Dieu l’appeler comme missionnaire auprès des plus démunis.
Mais, dès son arrivée à Calcutta, tout a changé. Dieu s’est tu. Elle n’avait plus de grandes visions et ne ressentait plus Son amour, Sa proximité. « J’appelle, je m’accroche, je désire, mais il n’y a personne pour me répondre ». Elle vécut comme cela pendant quarante ans. Pourtant, elle persévérait tout de même dans sa prière et dans son travail auprès des marginalisés. « Je ne fais que regarder Jésus souffrant et je répète : laisse-moi prendre part à ta douleur! Si cette douleur et cette souffrance … ne te donnent qu’une seule goutte de consolation, mon Jésus, fais de moi ce qu’il te plaira ». Quelle confiance ! On disait d’elle, qu’elle était une personne joyeuse et radieuse.
On ne pourrait parler de Mère Térésa sans reconnaître ce combat bien réel qu’elle a mené. Ce qui fait d’elle une sainte, ce n’est pas uniquement son travail auprès des pauvres mais aussi sa fidélité à sa vocation et à sa mission malgré sa « nuit obscure de l’âme ».
Nous comprendrons, à travers ces quelques exemples, que le combat de la prière est commun à tous les chrétiens – et même aux plus grands saints ! Mais, cette bataille intérieure n’est pas livrée pour rien ! C’est l’occasion pour Dieu de nous montrer ce que nous sommes, nous montrer les mauvaises herbes, les péchés ou les blessures qui ont encore de l’emprise sur nous. Finalement, c’est l’occasion de nous raccrocher à Lui en toute confiance, pour qu’Il nous redise Son amour et Sa miséricorde.