Le sport est une partie de plaisir

(Photo: Courtoisie Pixabay) Hier soir, mercredi 7 juillet 2021, le Canadien de Montréal perdait la finale de la coupe Stanley contre le Lightning de Tampa Bay. Alors que, pour les vainqueurs, cet événement était l’occasion de réjouissances et de célébrations, on comprend que les perdants et leurs partisans ont ressenti les émotions inverses. Comment faire en sorte que, pour les uns et les autres, cet engouement demeure à l’intérieur du cadre de cet « esprit sportif » qui rend l’expérience agréable ? Quelles sont les conditions qui font du sport une activité au service du développement humain ? L’actualité de cette semaine nous invite à nous pencher sur la question.

La vertu oubliée de l’Eutrapélie

Depuis que le monde est monde, les divertissements et jeux de toutes sortes agrémentent les sociétés humaines. Lors de l’apparition du christianisme, l’empire romain vouait au sport, à l’athlétisme et aux combats de gladiateurs une importance considérable. Citoyens comme les autres, les chrétiens ont dû réfléchir et développer une ligne de conduite par rapport à ces jeux. En effet, l’emprise que les divertissements peuvent avoir sur les personnes est grande et il est facile de perdre la raison en se laissant prendre par l’émotion. Or, devant cette possibilité, des générations de penseurs ont établi que, comme tout le reste, le rapport au jeu devrait être modéré par la vertu de tempérance. Plus tard, saint Thomas d’Aquin fera les distinctions nécessaires.

De fait, la tempérance, selon le catéchisme de l’Église catholique, est la « vertu morale qui modère l’attrait des plaisirs et procure l’équilibre dans l’usage des biens créés » (no 1809). Puisque cet équilibre doit être recherché dans l’ensemble de nos activités, la langue française a développé plusieurs mots propres à manifester l’exercice de la tempérance en des matières particulières. Alors que des termes comme ceux de continence, mansuétude, clémence ou modestie sont parvenus jusqu’à nous, d’autres ont été perdus en cours de route. C’est le cas notamment de « l’eutrapelia », cette vertu liée à la modestie qui « modère notre attitude face au jeu et au sport en général »*. Comme toutes les vertus, son exercice nous apprend à désirer à sa juste mesure la participation au sport afin de tirer profit de ses bénéfices pour la santé ou le développement personnel tout en évitant les excès qui peuvent être dommageables. Pratiquer l’eutrapélie a donc de très nombreux avantages.

Garder le plaisir du sport

Lorsqu’on considère la réalité du sport et des jeux, on voit tout de suite comment ces activités peuvent être bonnes pour les personnes et la société. Par exemple, le sentiment d’appartenance que le soutien à une équipe comme le Canadien de Montréal peut procurer est noble et sain en soi. Par contre, si celui-ci en vient à occuper une place disproportionnée dans nos vies, nous serions en proie à de nombreux désagréments. C’est ce que l’on voit parfois lorsqu’on assiste à des scènes de vandalisme après un match et où on voit des supporters s’insulter. Dans ces excès, on voit très bien comment le sport n’est plus l’occasion de fêter et d’avoir du plaisir dans le cadre d’une juste compétition mais, au contraire, le prétexte pour rabaisser les potentialités humaines à leur plus bas niveau. Dans ce cas, on perd non seulement la dignité due aux personnes mais aussi l’attrait du sport lui-même.

En effet, le bien de l’activité sportive (et cela est vrai en tant que participant ou spectateur engagé) est de permettre le déploiement des éléments propres à chaque personnalité dans le contexte d’une collaboration sociale. Lorsque nous jouons au hockey, l’ensemble de l’équipe se dédie à la cause de la victoire dans le cadre de règles établies et régies par les autorités compétentes. En l’occurrence il s’agit de la LNH. Cette unité autour d’un but commun est très importante et permet à chacun des joueurs de déployer ses propres talents. On comprend donc comment le sport peut être un lieu de croissance physique et personnel à ne pas négliger. L’eutrapélie rend donc le sport à sa véritable nature et permet à celui qui en fait l’exercice d’optimiser les effets positifs de cette activité sur sa vie. C’est également la meilleure façon de gagner ou de vivre la défaite dignement…

Le sport est une partie de plaisir
Il est tout à fait normal et souhaitable que des partisans du Canadien de Montréal soient déçus suite à la défaite! Une autre attitude nous ferait douter de leur attachement au tricolore. L’eutrapélie ne demande pas d’être détacher et stoïque face aux sentiments que nous fait vivre le fait d’être partisan d’une équipe plutôt qu’une autre. Dans ce contexte, on comprend comment le développement d’une attitude saine face au jeu et au sport peut faire toute la différence. Que nous soyons spectateurs ou joueurs, nous avons tous avantage à redécouvrir ce mot oublié, cette vertu de l’eutrapélie qui peut nous aider tous à vivre de beaux moments et des émotions intenses. Et que le sport demeure une partie de plaisir !

Thomas d’Aquin, Somme théologique, IIa-IIae, q.198, a.2, c.

Les saints et le combat de la prière

A woman prays in 2015 as Pope Francis celebrates Mass in Manila, Philippines. The prayers of the faithful, not the pope, bishops, priests or nuns, have the power to make miracles happen in the most impossible situations, Pope Francis said at his morning Mass. (CNS photo/Dennis M. Sabangan, EPA) See POPE-MASS-PRAYER Jan. 12, 2016.

Les saints ont été les premiers à soutenir que la prière est un combat. Mais un combat contre qui ou contre quoi? Souvent contre eux-mêmes et tout ce qui détourne de Dieu. « Les grands priants de l’Ancienne Alliance avant le Christ, comme la Mère de Dieu et les saints avec Lui nous l’apprennent : la prière est un combat » (CÉC 2725). C’est pourquoi, la prière « suppose un effort constant … Le ‘combat spirituel’ de la vie nouvelle du chrétien est inséparable du combat de la prière » (ibid.).

Tout en sachant cela, on peut quand même se décourager rapidement. Il est facile d’oublier que la prière ne vient pas seulement de nos propres efforts mais surgit grâce à l’Esprit Saint, tel que Saint Paul nous l’explique dans l’une de ses lettres aux Romains : « l’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut » (Romains 8, 26). Les saints sont pour nous des modèles, non pas à cause de leur vie exemplaire mais en raison de leur persévérance lorsque les choses allaient mal.  Ils peuvent nous encourager lorsque notre prière semble vide, lorsqu’on arrête de prier, lorsqu’on n’y trouve plus le réconfort et qu’elle n’est plus source de joie mais de tristesse. Les saints ont tous fait face à cela.

Voici, donc, quelques exemples d’hommes et de femmes qui ont connu des défis dans leur vie spirituelle. Certaines anecdotes vous surprendront peut-être, mais en y regardant de plus près, nous constatons que les obstacles à la prière exigent au fond une plus grande confiance en Dieu !

Saint Bernard de Clairvaux, cistercien

J’ai découvert que saint Bernard avait de la difficulté à prier grâce au site web Word on Fire (un ministère d’évangélisation par les médias créé par Mgr Robert Barron, évêque auxiliaire de Los Angeles). Saint Bernard savait ce que voulait dire être distrait pendant son temps de prière. On donne comme exemple l’histoire de sa rencontre, un jour, avec un fermier…

Alors qu’il voyageait à cheval, Bernard s’arrête près d’un fermier qui travaille la terre. Le fermier lève la tête et lui dit qu’il a de la chance de passer sa vie à prier. Mais saint Bernard fait la remarque que la prière peut s’avérer encore plus difficile que labourer la terre. « Je doute bien que ce soit vrai » lui répond le fermier, « vous avez un beau cheval et une selle splendide, que savez-vous de l’épreuve? ». Saint Bernard dit alors au fermier que s’il arrive à prier le Notre Père sans interruption, il lui donnera son cheval. Le fermier accepte le défi et se met à prier, « Notre Père, qui est aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite… – tu me donnes la selle, aussi? ».

Je crois que Saint Bernard a bien illustré son objectif et est reparti avec et son cheval et sa selle. Les distractions et les combats dans la prière font partie de la vie spirituelle du chrétien. Les autres saints qui m’ont aidée à construire ce blogue, nous montrent de manière concrète à quoi ressemblait ce combat pour eux. J’espère qu’ils seront source d’encouragement pour vous aussi !

Sainte Thérèse d’Avila, carmélite

Sainte Thérèse d’Avila est devenue la première femme Docteur de l’Église, après avoir réformé l’Ordre des Carmélites, fondé des couvents un peu partout en Espagne, puis écrit quelques-uns des ouvrages spirituels les plus connus dans la littérature catholique. Mais avant d’en arriver là, la grande Thérèse a connu une vie intérieure houleuse.

Elle est rentrée au couvent à l’âge de 20 ans au grand déplaisir de son père. Au moment de son entrée, le couvent était alors un endroit prestigieux. Ainsi, lors de grandes réceptions tenues au couvent, Thérèse était au cœur de la fête. Par conséquent, sa vie spirituelle était tiède. Pendant ses temps de prière, elle était facilement distraite et voulait rarement prier. Elle attendait avec impatience la fin de son heure de prière. Elle raconte dans ses ouvrages qu’elle aurait pratiqué les plus dures pénitences au lieu de forcer l’oraison.

Elle menait en quelque sorte une double vie jusqu’au jour où elle tombe sur un texte de Saint Augustin. Elle se convertit (une deuxième fois, dit-elle) à l’âge de quarante ans et tombe amoureuse de Jésus. Sa vie change complètement. Nourrie par l’oraison, elle commence à exhorter le reste de ses consœurs de mener une vie digne de la vocation à laquelle elles ont été appelées.

Malgré son amour de Dieu, qui l’habite désormais, elle parle des défis qu’elle continue de rencontrer dans sa vie intérieure. Dans son livre Le Château intérieur, elle écrit : « Toutes les épreuves que nous devons endurer ne peuvent se comparer à la lutte intérieure … mais ne croyez pas qu’il s’agisse de ne pas penser à autre chose et que si vous êtes un peu distrait, tout est ‘perdu’… ces distractions sont comme des nuages qui passent dans le ciel et détournent notre regard un seul instant du Soleil de Justice ».

Saint Jean de la Croix, carme

Alors que sainte Thérèse change le visage de la vie religieuse en Espagne, saint Jean de la Croix se lie d’amitié avec elle. Elle sera éventuellement comme sa « mère spirituelle ». Attiré par son feu il devient carme déchaux et l’aidera à établir d’autres couvents carmélites. Il sera, lui aussi, nommé Docteur de l’Église.

Saint Jean a forgé l’expression la « nuit obscure de l’âme ». Il s’en est servi pour décrire l’expérience que nous vivons parfois lorsque nous sommes éprouvés dans la prière. Il nous dit que cette épreuve de la foi se manifeste à nous par la sécheresse, le sentiment d’abandon ou de l’absence de Dieu, alors qu’en vérité, il ne nous abandonne jamais. Au contraire, cette « nuit » est permise par Dieu pour que, petit à petit, nous arrivions à nous détacher de tout ce qui prend Sa place, dans notre prière mais aussi dans notre vie comme les plaisirs, les appétits, les loisirs, les pensées, les idées, etc. Ces choses peuvent être belles et bonnes mais ne devraient pas être des obstacles à la grâce; elles devraient plutôt nous aider à aller vers Dieu.

Sans jamais forcer notre liberté, Dieu nous invite simplement à collaborer au travail de la grâce en nous. Il est en train d’enlever les mauvaises herbes. Saint Jean nous montre qu’il ne faut pas craindre ces moments d’incertitude et de vide. C’est dans ces instants de « purification » que nous voyons notre grand besoin de Dieu et que nous pouvons nous abandonner plus à Sa miséricorde.

Mère Térésa de Calcutta, missionnaire de la charité

On la connaît très bien pour son immense œuvre auprès des pauvres. Mais Mère Térésa de Calcutta (bientôt sainte Mère Térésa) a fondé les Missionnaires de la charité alors qu’elle se sentait complètement abandonnée par Dieu. Sa prière, avant le début de sa mission en Inde, était remplie de la présence de Dieu. Elle voyait Jésus, lui parlait et entendait sa voix… Elle lui demandait de connaître un jour la souffrance du Christ en croix et de partager sa solitude. C’est cette prière qui lui a permis d’entendre Dieu l’appeler comme missionnaire auprès des plus démunis.

Mais, dès son arrivée à Calcutta, tout a changé. Dieu s’est tu. Elle n’avait plus de grandes visions et ne ressentait plus Son amour, Sa proximité. « J’appelle, je m’accroche, je désire, mais il n’y a personne pour me répondre ». Elle vécut comme cela pendant quarante ans. Pourtant, elle persévérait tout de même dans sa prière et dans son travail auprès des marginalisés. « Je ne fais que regarder Jésus souffrant et je répète : laisse-moi prendre part à ta douleur! Si cette douleur et cette souffrance … ne te donnent qu’une seule goutte de consolation, mon Jésus, fais de moi ce qu’il te plaira ». Quelle confiance ! On disait d’elle, qu’elle était une personne joyeuse et radieuse.

On ne pourrait parler de Mère Térésa sans reconnaître ce combat bien réel qu’elle a mené. Ce qui fait d’elle une sainte, ce n’est pas uniquement son travail auprès des pauvres mais aussi sa fidélité à sa vocation et à sa mission malgré sa « nuit obscure de l’âme ».

Nous comprendrons, à travers ces quelques exemples, que le combat de la prière est commun à tous les chrétiens – et même aux plus grands saints ! Mais, cette bataille intérieure n’est pas livrée pour rien !  C’est l’occasion pour Dieu de nous montrer ce que nous sommes, nous montrer les mauvaises herbes, les péchés ou les blessures qui ont encore de l’emprise sur nous. Finalement, c’est l’occasion de nous raccrocher à Lui en toute confiance, pour qu’Il nous redise Son amour et Sa miséricorde.

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