Prier avec le pape François Réflexion – Septembre 2024

Mes frères et sœurs: Dans ce mois de septembre, le Pape François nous invite à prier pour que chacun d’entre nous écoute avec son cœur le cri de la Terre et les victimes des catastrophes environnementales et de la crise climatique, en s’engageant personnellement à prendre soin du monde qu’il habite.

Certains d’entre nous peuvent considérer les climats extrêmes comme des événements qui surviennent et disparaissent au cours de l’histoire de l’humanité. Mais la situation peut être très différente dans de nombreuses autres parties du monde, où les populations sont frappées par des climats extrêmes en vagues incessantes. 

Des gens voient leurs moyens de subsistance, leur logement et, en fin de compte, leur sécurité constamment menacés. Le cri de la Terre s’accompagne toujours du cri des pauvres. 

Ceux d’entre nous qui vivent dans les régions plus riches du monde peuvent se permettre de prendre des mesures pour atténuer les effets des climats extrêmes : nous pouvons acheter un climatiseur pour lutter contre une vague de chaleur, ou nous pouvons nous permettre de déménager dans un quartier moins sujet aux inondations locales ou aux glissements de terrain en cas de tempête majeure. 

Les pauvres n’ont pas les moyens de prendre ces mesures. En outre, nous devons nous méfier d’une mentalité fataliste et nous laisser paralyser par un sentiment de désespoir. Faire notre part et apporter notre contribution du mieux que nous pouvons est méritoire en soi. Écoutons donc le cri des pauvres dans le cri de la Terre et ne leur soyons pas indifférents. Que Dieu vous bénisse aujourd’hui.

Regardez ici, les vidéos précédentes de Prier avec le pape François.

Rencontre Interreligieuse en Indonésie – Discours du Saint-Père

Le pape François s’adresse à une réunion interreligieuse à la mosquée Istiqlal de Jakarta, en Indonésie, le 5 septembre 2024, assis à côté du grand imam Nasaruddin Umar et d’un traducteur.

Au cours de sa visite apostolique en Indonésie, le pape François s’est adressé à une réunion interreligieuse à la mosquée Istiqlal de Jakarta, foyer spirituel de la plus grande population musulmane du monde. Il a déclaré qu’«en regardant profondément, en saisissant ce qui coule au fond de nos vies, le désir de plénitude qui habite au plus profond de nos cœurs, nous découvrons que nous sommes tous frères et sœurs, tous pèlerins, tous en chemin vers Dieu, au-delà de ce qui nous différencie».

Lire le texte intégral de son discours ci-dessous. Vous pouvez suivre notre couverture de l’ensemble du voyage apostolique du pape François en Asie du Sud-Est et en Océanie sur slmedia.org/southeast-asia.

Lire le texte intégral de son discours ci-dessous. Vous pouvez suivre notre couverture de l’ensemble du voyage apostolique du pape François en Asie du Sud-Est et en Océanie sur slmedia.org/fr/asie-sud-est.

 

RENCONTRE INTERRELIGIEUSE

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

Mosquée Istiqlal (Jakarta, Indonésie)
Jeudi 5 septembre 2024

 

Chers frères et sœurs, bonjour !

Je suis heureux d’être avec vous tous ici, dans la plus grande mosquée d’Asie. Je salue le Grand Imam et le remercie pour les paroles qu’il m’a adressées, me rappelant que ce lieu de culte et de prière est aussi “une grande maison pour l’humanité” où chacun peut entrer pour faire une pause avec lui-même, pour donner de l’espace à cet élan d’infini qu’il porte dans son cœur, pour chercher la rencontre avec le divin et pour vivre la joie de l’amitié avec les autres.

Du reste, je tiens à mentionner que cette mosquée a été conçue par l’architecte Friedrich Silaban, qui était chrétien et a remporté le concours. Cela témoigne du fait que, dans l’histoire de cette nation et dans la culture que l’on y respire, la mosquée, comme les autres lieux de culte, sont des espaces de dialogue, de respect mutuel, de coexistence harmonieuse entre les religions et les différentes sensibilités spirituelles. C’est un grand don, que vous êtes appelés à cultiver chaque jour, afin que l’expérience religieuse soit un point de référence pour une société fraternelle et pacifique et jamais un motif de fermeture et d’affrontement.

À ce propos, il convient de mentionner la construction d’un tunnel souterrain – le “tunnel de l’amitié” – reliant la mosquée d’Istiqlal et la cathédrale Sainte-Marie-de-l’Assomption. Il s’agit d’un signe éloquent qui permet à ces deux grands lieux de culte d’être non seulement “en face” l’un de l’autre, mais aussi “reliés” l’un à l’autre. Ce passage permet en effet une rencontre, un dialogue, une possibilité réelle de « découvrir et de transmettre la “mystique” de vivre ensemble, de se mélanger, de se rencontrer, […] de participer à cette marée un peu chaotique qui peut se transformer en une véritable expérience de fraternité, en une caravane solidaire, en un saint pèlerinage » (Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 87). Je vous encourage à poursuivre sur cette voie : que tous, tous ensemble, chacun cultivant sa propre spiritualité et pratiquant sa propre religion, nous puissions marcher à la recherche de Dieu et contribuer à construire des sociétés accueillantes, fondées sur le respect mutuel et l’amour réciproque, capables d’écarter la rigidité, le fondamentalisme et l’extrémisme, qui sont toujours dangereux et jamais justifiables.

Dans cette perspective, symbolisée par le tunnel souterrain, je voudrais vous laisser deux consignes, pour encourager le chemin de l’unité et de l’harmonie que vous avez déjà entrepris.

La première est : regarder toujours en profondeur, car c’est seulement là que l’on peut trouver, au-delà des différences, ce qui unit. En effet, tandis qu’en surface il y a les espaces de la mosquée et de la cathédrale, bien définis et fréquentés par leurs fidèles respectifs, sous terre, le long du tunnel, ces mêmes personnes différentes se rencontrent et peuvent accéder au monde religieux de l’autre. Cette image nous rappelle quelque chose d’important : les aspects visibles des religions – les rites, les pratiques, et autres. – constituent un patrimoine traditionnel qui doit être protégé et respecté ; mais ce qui se trouve “en dessous”, ce qui coule de façon souterraine comme le “tunnel de l’amitié”, c’est-à-dire la racine commune à toutes les sensibilités religieuses est unique : c’est la quête de la rencontre avec le divin, la soif d’infini que le Très-Haut a mis dans notre, la recherche d’une joie plus grande et d’une vie plus forte que n’importe quelle mort qui anime le cours de notre vie et nous pousse à sortir de nous-mêmes pour aller à la rencontre de Dieu. Donc, rappelons-nous ceci : en regardant en profondeur, en saisissant ce qui coule au plus profond de nos vies, ce désir de plénitude qui habite le fond de nos cœurs, nous découvrons que nous sommes tous frères, tous pèlerins, tous en marche vers Dieu, au-delà de ce qui nous différencie.

La deuxième invitation est : prendre soin des liens. Le tunnel a été construit d’un côté à l’autre pour créer un lien entre deux endroits différents et éloignés. C’est ce que fait le passage souterrain : il relie, c’est-à-dire qu’il crée un lien. On pense parfois que la rencontre entre les religions consiste à rechercher à tout prix un point commun entre des doctrines et des professions religieuses différentes. En réalité, il peut arriver qu’une telle approche finisse par nous diviser. Car les doctrines et les dogmes de chaque expérience religieuse sont différents. Ce qui nous rapproche vraiment, c’est de créer une liaison entre nos différences, de veiller à cultiver des liens d’amitié, d’attention, de réciprocité. Ce sont des relations par lesquels chacun s’ouvre à l’autre, par lesquels on s’engage ensemble à chercher la vérité en apprenant de la tradition religieuse de l’autre et à nous venir en aide dans nos besoins humains et spirituels. Ce sont des liens qui nous permettent de travailler ensemble, de marcher unis dans la poursuite d’objectifs, la défense de la dignité humaine, la lutte contre la pauvreté, la promotion de la paix. L’unité naît des liens personnels d’amitié, du respect mutuel, de la défense réciproque des espaces et des idées des autres. Puissiez-vous toujours avoir soi de cela !

Chers frères et sœurs, “promouvoir l’harmonie religieuse pour le bien de l’humanité” est l’inspiration que nous sommes appelés à suivre et qui donne également son titre à la Déclaration commune préparée pour cette occasion. Dans celle-ci, nous assumons de manière responsable les crises graves et parfois dramatiques qui menacent l’avenir de l’humanité, en particulier les guerres et les conflits, malheureusement alimentés aussi par les instrumentalisations religieuses, sans oublier la crise environnementale devenue un obstacle à la croissance et à la coexistence des peuples. Devant ce scénario, il est important de promouvoir et de renforcer les valeurs communes à toutes les traditions religieuses, en aidant la société à “vaincre la culture de la violence et de l’indifférence” (Déclaration conjointe d’Istiqlal) et à promouvoir la réconciliation et la paix.

Je vous remercie pour ce chemin commun que vous poursuivez. L’Indonésie est un grand pays, une mosaïque de cultures, d’ethnies et de traditions religieuses, une très riche diversité qui se reflète également dans la variété de l’écosystème et de l’environnement. Et s’il est vrai que vous abritez la plus grande mine d’or du monde, sachez que le trésor le plus précieux est la volonté, que les différences ne deviennent pas une cause de conflit mais s’harmonisent dans la concorde et le respect mutuel. L’harmonie, c’est ce que vous faites. Ne perdez pas ce don ! Ne vous appauvrissez jamais de cette richesse si grande ; au contraire, cultivez-la et transmettez-la, surtout aux plus jeunes. Que personne ne succombe au charme du fondamentalisme et de la violence, que tous soient au contraire fasciné par le rêve d’une société et d’une humanité libre, fraternelle et pacifique !

Merci ! Merci pour votre sourire aimable, qui brille toujours sur vos visages et est un signe de votre beauté et de votre ouverture intérieure. Puisse Dieu vous accorder ce don. Avec son aide et sa bénédiction, allez de l’avant, Bhinneka Tunggal Ika, unis dans la diversité. Merci !

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Salutations

Chers frères et sœurs,

Je vous félicite tous car ce « Tunnel de l’Amitié » se veut un lieu de dialogue et de rencontre.

Quand on pense à un tunnel, on imagine facilement un chemin sombre qui peut faire peur, surtout si l’on est seul. Ici, c’est différent, car tout est éclairé. Mais je voudrais vous dire que vous êtes la lumière qui l’éclaire, par votre amitié, l’harmonie que vous cultivez, le soutien que vous vous apportez mutuellement, et par votre marche ensemble qui vous conduit, au bout du chemin, à la pleine lumière.

Nous, croyants, qui appartenons à des traditions religieuses différentes, avons un rôle à jouer : aider chacun à traverser le tunnel les yeux tournés vers la lumière. Ainsi, au bout du chemin, nous pouvons reconnaître en ceux qui ont marché à nos côtés, un frère, une sœur, avec qui nous pouvons partager la vie et nous soutenir mutuellement.

Aux nombreux signes de menace, aux périodes sombres, opposons le signe de la fraternité qui, en accueillant l’autre et en respectant son identité, l’invite à un chemin commun, fait d’amitié, et menant vers la lumière.

Merci à tous ceux qui travaillent avec la conviction que nous pouvons vivre en harmonie et en paix, conscients de la nécessité d’un monde plus fraternel. Je souhaite que nos communautés soient de plus en plus ouvertes au dialogue interreligieux et qu’elles soient un symbole de la coexistence pacifique qui caractérise l’Indonésie.

J’élève ma prière vers Dieu, le Créateur de tous, afin qu’il bénisse tous ceux qui traverseront ce Tunnel dans un esprit d’amitié, d’harmonie et de fraternité. Merci !

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Intention de prière du pape François pour septembre 2024

Rejoignez-nous dans la prière pour les intentions qui nous ont été confiées par le Pape François.
Pour septembre 2024, nous nous joignons au Saint-Père pour prier pour le cri de la Terre:

Prions pour que chacun d’entre nous écoute avec son cœur le cri de la Terre et les victimes des catastrophes environnementales et de la crise climatique, en s’engageant personnellement à prendre soin du monde qu’il habite.

Écoutez également la Video du Pape sur les intentions de septembre.

Prions pour le cri de la Terre.

Si nous prenions la température de la planète, elle nous dirait que la Terre a de la fièvre. Elle est malade, comme toute personne malade.

Mais sommes-nous à l’écoute de cette douleur ?

Entendons-nous la douleur des millions de victimes des catastrophes environnementales ?

Ce sont les pauvres qui souffrent le plus des conséquences de ces catastrophes, eux qui sont contraints de quitter leur foyer à cause des inondations, des vagues de chaleur ou des sécheresses.

Faire face aux crises environnementales provoquées par l’homme, telles que le changement climatique, la pollution ou la perte de biodiversité, exige des réponses non seulement écologiques, mais aussi sociales, économiques et politiques.

Nous devons nous engager dans la lutte contre la pauvreté et la protection de la nature en changeant nos habitudes personnelles et celles de notre communauté.

Prions pour que chacun d’entre nous écoute avec son cœur le cri de la Terre et les victimes des catastrophes environnementales et de la crise climatique, en s’engageant personnellement à prendre soin du monde qu’il habite.

 

Prière quotidienne

Vous pouvez accompagner l’intention de prière du Pape par cette prière d’offrande quotidienne:

Dieu, notre Père, je t’offre toute ma journée.

Je t’offre mes prières, pensées,
paroles, actions, joies
et souffrances en union avec
ton Fils Jésus-Christ
qui continue à s’offrir à toi
dans l’Eucharistie pour le salut du monde.

Que l’Esprit Saint
qui a guidé Jésus,
soit mon guide et ma force
aujourd’hui pour que je puisse témoigner de ton amour.

Avec Marie,
la mère du Seigneur et de l’Église,
je prie spécialement aux intentions
que le Saint-Père recommande
à la prière de tous les fidèles pour ce mois.

Pour en apprendre plus sur l’Apostolat de la Priere, visitez le site du Réseau Mondial de la Prière.

 

Cliquez ici pour lire d’autres billets de blogues concernant les intentions du Pape.

 

Audience générale du pape François – mercredi 28 août 2024

Photo Pexels

Lors de son audience générale hebdomadaire, le pape François a interrompu son cycle habituel de catéchèse pour évoquer l’expérience des migrants qui traversent les mers et les déserts pour rejoindre leur nouveau foyer. Il a déclaré que « ces lieux sont les témoins du drame des personnes qui fuient l’oppression et l’esclavage. Ce sont des lieux de souffrance, de peur et de désespoir, mais en même temps ce sont des lieux de passage pour la libération, ce sont des lieux de passage pour la rédemption, pour atteindre la liberté et l’accomplissement des promesses de Dieu ».

Lisez le texte intégral ci-dessous. Vous pouvez également regarder l’intégralité de l’émission ce soir à 19h30 HE soit 16h30 HP sur Sel + Lumière TV et sur Sel + Lumière Plus.

Le texte ci-dessous comprend également des parties non lues qui sont également données comme prononcées: 

Catéchèse. La mer et le désert

Chers frères et sœurs, bonjour !

Aujourd’hui je reporte la catéchèse habituelle et je voudrais m’arrêter avec vous pour penser aux personnes qui – même en ce moment – sont en train de traverser les mers et les déserts pour atteindre une terre où elles peuvent vivre en paix et en sécurité.

Mer et désert : ces deux mots reviennent dans tant de témoignages que je reçois, aussi bien de la part des migrants que des personnes qui s’engagent à leur secours. Et quand je dis « mer », dans le contexte de la migration, je pense aussi océan, lac, fleuve, toutes les étendues d’eau périlleuses que tant de frères et sœurs du monde entier sont obligés de traverser pour atteindre leur destination. Et le “désert” n’est pas seulement celui du sable et des dunes, ou celui des rochers, mais aussi tous ces territoires inaccessibles et dangereux, tels que les forêts, les jungles, les steppes où les migrants marchent seuls, abandonnés à eux-mêmes. Migrants, mer et désert. Les routes migratoires d’aujourd’hui sont souvent marquées par des traversées de mers et de déserts qui, pour beaucoup, trop de personnes – trop ! -, se révèlent mortelles. Pour cela aujourd’hui, je veux m’entretenir avec vous sur ce drame, cette douleur. Certaines de ces routes sont mieux connues, car elles sont souvent sous les feux des projecteurs ; d’autres, la plupart, sont peu connues, mais non moins parcourues.

J’ai souvent parlé de la Méditerranée, parce que je suis Évêque de Rome et parce qu’elle est emblématique : la mare nostrum, lieu de communication entre les peuples et les civilisations, est devenue un cimetière. Et la tragédie, c’est que beaucoup, la plupart de ces morts, auraient pu être sauvés. Il faut le dire clairement : il y a ceux qui travaillent systématiquement par tous les moyens à repousser les migrants – à repousser les migrants. Et cela, en toute conscience et responsabilité, est un péché grave. N’oublions pas ce que dit la Bible : « Tu ne molesteras ni n’opprimeras l’étranger » (Ex 22,20). L’orphelin, la veuve et l’étranger sont les pauvres par excellence que Dieu défend toujours et demande de défendre.

Même certains déserts, malheureusement, deviennent des cimetières de migrants. Et même là, il ne s’agit souvent pas de morts « naturelles ». Non. Parfois, ils y ont été amenés et abandonnés dans le désert. Tous nous connaissons la photo de la femme et de la fille de Pato, mortes de faim et de soif dans le désert. À l’ère des satellites et des drones, il y a des hommes, des femmes et des enfants migrants que personne ne doit voir : on les cache. Seul Dieu les voit et entend leur cri. Et là c’est une cruauté de notre civilisation.

En effet, la mer et le désert sont également des lieux bibliques chargés d’une valeur symbolique. Ce sont des scènes très importantes dans l’histoire de l’Exode, la grande migration du peuple conduit par Dieu, par l’intermédiaire de Moïse, de l’Égypte à la Terre promise. Ces lieux sont les témoins du drame du peuple fuyant l’oppression et l’esclavage. Ce sont des lieux de souffrance, de peur, de désespoir, mais en même temps ce sont des lieux de passage vers la libération – et combien de personnes passent par les mers, les déserts pour se libérer, aujourd’hui -, ce sont des lieux de passage pour la rédemption, vers la liberté et l’accomplissement des promesses de Dieu (cf. Message pour la Journée mondiale du migrant et du réfugié 2024).

Un psaume, s’adressant au Seigneur, dit : « Par la mer passait ton chemin, / tes sentiers, par les eaux profondes » (77 (76),20). Et un autre chante ainsi : « Lui qui mena son peuple au désert, / éternel est son amour !» (136 (135), 16). Ces paroles saintes nous disent que, pour accompagner le peuple sur le chemin de la liberté, Dieu lui-même traverse la mer et le désert ; Dieu ne reste pas à distance, non, il partage le drame des migrants, Dieu est avec eux, avec les migrants, il souffre avec eux, avec les migrants, il pleure et espère avec eux, avec les migrants. Cela nous fera du bien aujourd’hui de penser : le Seigneur est avec nos migrants dans la mare nostrum, le Seigneur est avec eux, pas avec ceux qui les rejettent.

Frères et sœurs, nous pourrions tous être d’accord sur une chose : dans ces mers et ces déserts meurtriers, les migrants d’aujourd’hui ne devraient pas y être – et ils y sont, malheureusement. Mais ce n’est pas par des lois plus restrictives, ce n’est pas par la militarisation des frontières, ce n’est pas par des rejets que nous y parviendrons. Nous y parviendrons plutôt en élargissant les voies d’entrée sûres et légales pour les migrants, en facilitant l’accueil de ceux qui fuient les guerres, la violence, les persécutions et les nombreuses calamités ; nous y parviendrons en encourageant de toutes les manières possibles une gouvernance mondiale des migrations fondée sur la justice, la fraternité et la solidarité. Et en unissant nos forces pour lutter contre la traite des êtres humains, pour arrêter les trafiquants criminels qui exploitent sans pitié la misère d’autrui.

Chers frères et sœurs, pensez à tant de tragédies de migrants : combien meurent en Méditerranée. Pensez à Lampedusa, à Crotone ? combien de choses hideuses et tristes. Et je voudrais conclure en reconnaissant et en louant les efforts de tant de bons samaritains, qui font tout leur possible pour secourir et sauver les migrants blessés et abandonnés sur les routes de la désespérance, sur les cinq continents. Ces hommes et ces femmes courageux sont le signe d’une humanité qui ne se laisse pas contaminer par la culture néfaste de l’indifférence et du rejet : ce qui tue les migrants, c’est notre indifférence et notre attitude de rejet. Et ceux qui ne peuvent pas être comme eux « en première ligne » – Je pense à tant de bonnes volontés qui sont là, en première ligne, à Mediterranea Saving Humans et à tant d’autres associations – ne sont pas pour autant exclus d’un tel combat pour la civilisation : nous ne pouvons pas être en première ligne, mais nous ne sommes pas exclus ; il y a de nombreuses façons d’apporter sa contribution, et en tout premier lieu la prière. Et je vous le demande : priez-vous pour les migrants, pour ceux qui viennent sur nos terres pour sauver leur vie ? Et « vous » voulez les chasser.

Chers frères et sœurs, unissons nos cœurs et nos forces pour que les mers et les déserts ne soient pas des cimetières, mais des espaces où Dieu peut ouvrir des chemins de liberté et de fraternité.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 21 août 2024

Ravenne – Battistero Neoniana – Mosaïque du Baptême du Christ Wikimedia Commons

Lors de son audience générale hebdomadaire, le pape François a évoqué la descente de l’Esprit Saint sur le Christ lors de son baptême. Il a déclaré que « Dans le Jourdain, Dieu le Père a oint Jésus du Saint-Esprit » c’est-à-dire qu’il a consacré Jésus comme roi, prophète et prêtre.

Lisez le texte intégral ci-dessous. Vous pouvez également regarder l’intégralité de l’émission ce soir à 19h30 HE soit 16h30 HP sur Sel + Lumière TV et sur Sel + Lumière Plus.

Le texte ci-dessous comprend également des parties non lues qui sont également données comme prononcées:

Chers frères et sœurs, bonjour!

Nous réfléchissons aujourd’hui sur l’Esprit Saint qui descend sur Jésus lors du baptême du Jourdain et, de Lui, se diffuse dans son corps qui est l’Eglise. Dans l’Evangile de Marc, la scène du baptême de Jésus est décrite ainsi: «En ces jours-là, Jésus vint de Nazareth, ville de Galilée, et il fut baptisé par Jean dans le Jourdain. Et aussitôt, en remontant de l’eau, il vit les cieux se déchirer et l’Esprit descendre sur lui comme une colombe. Il y eut une voix venant des cieux: “Tu es mon Fils bien-aimé; en toi, je trouve ma joie”» (Mc 1, 9-11).

Toute la Trinité s’est donné rendez-vous, à cet instant, sur les rives du Jourdain! Il y a le Père qui se rend présent par sa voix; il y a l’Esprit Saint qui descend sur Jésus sous la forme d’une colombe et il y a celui que le Père proclame son Fils bien-aimé, Jésus. C’est un moment très important de la Révélation, c’est un moment très important de l’histoire du salut. Il nous sera bon de relire ce passage de l’Evangile.

Que s’est-il passé de si important dans le baptême de Jésus pour que tous les évangélistes le racontent? Nous trouvons la réponse dans les paroles que Jésus prononce, peu de temps après, dans la synagogue de Nazareth, avec une claire référence à l’événement du Jourdain: «L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction » (Lc 4, 18).

Au Jourdain, Dieu le Père a «oint d’Esprit Saint», c’est-à-dire qu’il a consacré Jésus comme Roi, Prophète et Prêtre. En effet, dans l’Ancien Testament, les rois, les prophètes et les prêtres étaient oints avec de l’huile parfumée. Dans le cas du Christ, à la place de l’huile réelle, il y a l’huile spirituelle qui est l’Esprit Saint, à la place du symbole, il y a la réalité: il y a l’Esprit même qui descend sur Jésus.

Jésus était empli d’Esprit Saint depuis le premier instant de son Incarnation. Mais il s’agissait d’une «grâce personnelle», non communicable; à présent en revanche, avec cette onction, il reçoit la plénitude du don de l’Esprit mais pour sa mission que, comme tête, il communiquera à son corps qui est l’Eglise, et à chacun de nous. C’est pourquoi l’Eglise est le nouveau «peuple royal, peuple prophétique, peuple sacerdotal». Le terme hébreu «Messie» et le terme grec correspondant «Christ» — Christos —, qui se réfèrent tous deux à Jésus, signifient «oint»: il a été oint avec l’huile de la joie, oint avec l’Esprit Saint. Notre nom lui-même de «chrétiens» sera expliqué par les Pères dans le sens littéral: chrétiens signifie «oints à l’image du Christ» [1].

Il y a un Psaume de la Bible qui parle d’une huile parfumée, versée sur la tête du souverain prêtre Aaron et qui descend jusqu’au bord de son vêtement (cf. Ps 132, 2). Cette image poétique de l’huile qui descend, utilisée pour décrire le bonheur de vivre ensemble en frères, est devenue une réalité spirituelle et une réalité mystique dans le Christ et dans l’Eglise. Le Christ est la tête, notre Prêtre Suprême, l’Esprit Saint est l’huile parfumée et l’Eglise est le corps du Christ dans lequel il se diffuse.

Nous avons vu pourquoi l’Esprit Saint, dans la Bible, est symbolisé par le vent et prend même son nom à lui, Ruah. Il vaut la peine de nous demander aussi pourquoi il est symbolisé par l’huile, et quel enseignement pratique nous pouvons tirer de ce symbole. Lors de la Messe du Jeudi Saint, en consacrant l’huile dite «Chrême», l’évêque, se référant à ceux qui recevront l’onc-tion dans le baptême et la confirmation, dit: «Que chaque baptisé imprégné de l’onction sanctifiante, libéré de la corruption première, désormais temple de l’Esprit, répande la bonne odeur d’une vie pure». C’est une application qui remonte à saint Paul, qui écrit aux Corinthiens: «Car nous sommes pour Dieu la bonne odeur du Christ» (2 Co 2, 15). L’onc-tion nous fait parfum, et même une personne qui vit avec joie son onction parfume l’Eglise, parfume la communauté, parfume la famille avec ce parfum spirituel.

Nous savons malheureusement que, parfois, les chrétiens ne répandent pas le parfum du Christ, mais la mauvaise odeur de leur péché. Et n’oublions jamais: le péché nous éloigne de Jésus, le péché nous transforme en huile rance. Et le diable, ne l’oublions pas, le diable entre par les poches — faites attention. Et cela ne doit pas nous dispenser de l’engagement de réaliser, dans la mesure de notre possible et chacun dans son propre domaine, cette vocation sublime d’être la bonne odeur du Christ dans le monde. Le parfum du Christ émane des «fruits de l’Esprit» qui sont «amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi» (Ga 5, 22). C’est ce que dit Paul, et qu’il est beau de rencontrer une personne qui possède ces vertus: une personne qui aime, une personne joyeuse, une personne qui bâtit la paix, une personne magnanime, qui n’est pas avare, une personne volontaire qui accueille tout le monde, une personne bonne. Il est beau de rencontrer une personne bonne, une personne fidèle, une personne douce, qui n’est pas orgueilleuse… Si nous nous efforçons de cultiver ces fruits et lorsque nous rencontrons ces personnes alors, sans que nous nous en apercevions, l’on sentira autour de nous un peu du parfum de l’Esprit du Christ. Demandons à l’Esprit Saint qu’il nous rende plus conscients oints, oints par Lui.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Le cheminement fécond de la grossesse : Soyons des sentinelles de l’aurore

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Selon mon épouse, la grossesse dure 9 mois, afin que le couple ait suffisamment de temps pour se préparer à ce qui va lui arriver. C’est d’autant plus vrai quand on attend son premier enfant. Au cours des premiers mois, souvent accompagnés de nausées, il peut être difficile de comprendre qu’une nouvelle vie est en route. Puis la grossesse commence à se manifester et l’idée devient plus concrète. Voir son enfant pendant une échographie peut faire naître le sentiment indescriptible qu’une nouvelle personne est là, si petite et pourtant si réelle. Sereinement niché dans le ventre de sa mère, le bébé fait ses premiers pas dans notre cœur. C’est une période où l’on se prépare, où l’on observe et où l’on attend.

Au début de ce siècle marqué par un affolement général pour le passage à l’an 2000, le Pape Jean-Paul II a appelé les jeunes à être « les sentinelles d’une nouvelle d’espérance » à l’aube du troisième millénaire.

Une sentinelle est quelqu’un qui veille, comme les veilleurs du matin dans le livre du prophète Isaïe (21,11-12). Être une sentinelle de l’aube exige de la patience. La nuit est longue et l’obscurité peut sembler sans fin. Mais pour ceux qui guettent la lumière, la nuit apporte aussi un immense sentiment d’émerveillement et d’attente. Lorsque la lueur du nouveau jour apparaît à l’horizon, la promesse du matin fait éveiller la joie, progressivement.   

Dans les évangiles, Jésus parle de « veiller » comme d’une leçon clé pour ses disciples : guetter la venue de Dieu afin d’être prêts à l’accueillir dans nos vies. Cette même attitude spirituelle qui consiste à guetter la présence de Dieu s’applique également aux dons de Dieu dans nos vies. Quel plus beau cadeau Dieu pourrait-il faire à un homme et à une femme qu’un enfant ? 

Veiller sur l’enfant en chemin est un voyage du cœur pour les parents du bébé. Bien sûr, il y a beaucoup à préparer pour son arrivée – entre la poussette, le siège auto, le berceau et les vêtements. Mais il y a aussi une préparation plus profonde qui se déploie : se préparer à accueillir ce don de Dieu non seulement dans notre maison, mais aussi dans notre cœur. Il ne s’agit pas d’être « parfaitement prêt ». Après tout, qui pourrait l’être ? Mais nous pouvons demander à Dieu de préparer nos cœurs, de semer en nous la grâce d’aimer le nouvel enfant comme lui, avec tendresse et joie. 

À travers les hauts et les bas de la grossesse, il peut être utile de se rappeler ce dont il s’agit : accueillir l’enfant comme un cadeau précieux. Un enfant apporte une nouvelle espérance à un couple, à une famille, et même au monde : une nouvelle personne qui ouvre un nouvel horizon, un nouveau commencement pour l’humanité. Car chaque enfant est une étincelle d’espérance pour la grande famille humaine. 

Tant de couleurs remplissent le ciel du matin avant que les rayons du soleil ne s’élèvent au-dessus de l’horizon. Voir enfin le bébé face à face, le tenir dans ses bras, c’est le lever du soleil qu’il faut guetter. C’est l’aube d’une nouvelle vie. 

Christ, notre Aube, viens à nous dans les lueurs d’espérance que tu nous envoies, ces joies de la vie qui éclairent notre monde. Aide nous à garder nos yeux fixés sur l’horizon, jusqu’à ce que l’étoile du matin se lève dans nos cœurs. Amen.

Prier avec le pape François Réflexion – Août 2024

Mes frères et sœurs : Dans ce mois d’août, le Pape François nous invite à prier pour que les dirigeants politiques soient au service de leur peuple ; qu’ils œuvrent en faveur du développement humain intégral et du bien commun, tout en se souciant de ceux qui ont perdu leur emploi et en donnant la priorité aux plus pauvres.

La relation entre la religion et la politique peut être un sujet brûlant, mais le pape François a consacré un chapitre entier à la politique dans son encyclique Fratelli Tutti. Il parle de la nécessité d’une meilleure politique qui n’est pas une question de pouvoir ou de stratégies de marketing visant à rendre nos dirigeants politiques plus populaires. L’engagement politique doit plutôt découler de la charité. 

Le Pape François nous met au défi de réfléchir et d’approfondir les raisons pour lesquelles nous nous engageons dans la politique en premier lieu. L’engagement politique enraciné dans la charité cultive une véritable préoccupation pour la vie des autres de manière globale. Nous passons à côté de l’essentiel si nos politiques sont motivées par des idéologies ou des théories plutôt que par des êtres humains réels. 

Il s’agit de prioriser ce qui contribue à l’épanouissement de l’homme, le bien commun, plutôt qu’à la politique partisane. Pratiquer la politique de cette manière exige une conversion du cœur. Cela va certainement à l’encontre d’une grande partie de la culture politique qui nous est familière, mais l’Évangile est toujours contre-culturel. 

C’est pourquoi le pape François dit que la pratique de la politique peut même être considérée comme une chose noble. Prions donc pour nos dirigeants politiques, pour qu’ils continuent à convertir leurs cœurs. Que Dieu vous bénisse tous aujourd’hui.

Regardez ici, les vidéos précédentes de Prier avec le pape François.

Prier avec le pape François Réflexion – Juillet 2024

Mes frères et sœurs : En ce mois de juillet, le Pape François nous demande de prier pour la pastorale des malades, pour que le sacrement de l’onction des malades donne aux personnes qui le reçoivent, ainsi qu’à leurs proches, la force du Seigneur, et qu’il soit de plus en plus pour tous un signe visible de compassion et d’espérance.

La pastorale des malades nous offre le temps et le lieu pour rencontrer les autres au moment où ils en ont le plus besoin, où ils se sentent le plus vulnérables. Le sacrement de l’onction est un moyen puissant de recevoir les grâces de Dieu en cette période critique. 

Le Pape François nous dit que ce sacrement confère « la force du Seigneur » aux malades et à leurs proches. L’onction d’huile nous rappelle que le pouvoir de guérison de Dieu n’est pas un jeu dans la tête ; sa consolation nous réconforte de manière tangible.

Cependant, les grâces de Dieu peuvent aussi nous aider dans une guérison intérieure, au niveau du cœur. Lorsque je commence à penser que Dieu n’est pas avec moi dans ma douleur et mon agonie, et que personne ne se soucie de moi, c’est le signe que j’ai besoin d’une guérison intérieure. 

Non seulement Jésus-Christ guérit, mais c’est par ses blessures sur la Croix que nous sommes guéris. La souffrance n’est pas dénuée de sens parce que Jésus l’a traversée et l’a rachetée ; nous ne sommes pas seuls dans notre souffrance parce que nous sommes unis à Jésus sur la Croix. Tout cela nous enseigne et nous permet de « bien souffrir », parce que nous imitons ainsi la vie du Christ. 

Mes frères et sœurs : Apprenons à ouvrir nos cœurs pour recevoir les grâces de Dieu, surtout lorsque nous sommes malades. Que Dieu vous bénisse aujourd’hui.

Regardez ici, les vidéos précédentes de Prier avec le pape François.

Audience générale du pape François – mercredi 19 juin 2024

Psautier pourpre et or, Riems, France, 9e siècle, Bodleian Libraries. Wikimedia Commons.

Lors de son audience générale hebdomadaire, le pape François a poursuivi sa catéchèse sur « L’Esprit et l’Épouse ». Réfléchissant à son commentaire selon lequel il espère que 2024 sera une « grande ‘symphonie’ de prière » avant le Jubilé de 2025, il a déclaré que « l’Église possède déjà une symphonie de prière, dont le compositeur est l’Esprit Saint, et c’est le livre des Psaumes. »

Lisez le texte intégral ci-dessous. Vous pouvez également regarder l’intégralité de l’émission ce soir à 19h30 HE soit 16h30 HP sur Sel + Lumière TV et sur Sel + Lumière Plus.

Chers frères et sœurs, bonjour !

En préparation du prochain Grand Jubilé, je nous ai invités à dédier l’année 2024 « à une grande « symphonie » de prière » [1]. Dans la catéchèse d’aujourd’hui, je voudrais rappeler que l’Église possède déjà une symphonie de prière dont le compositeur est l’Esprit Saint, et c’est le Livre des Psaumes.

Comme dans toute symphonie, il y a divers « mouvements », c’est-à-dire divers genres de prière : louange, action de grâce, supplication, lamentation, narration, réflexion sapientielle, et autres, aussi bien dans la forme personnelle que dans la forme chorale de tout le peuple. Ce sont les chants que l’Esprit lui-même a mis sur les lèvres de l’Épouse, son Église. Tous les Livres de la Bible, je le rappelais la dernière fois, sont inspirés par l’Esprit Saint, mais le Livre des Psaumes l’est aussi en ce sens qu’il est rempli d’inspiration poétique.

Les Psaumes ont eu une place privilégiée dans le Nouveau Testament. En fait, il y a eu et il y a encore des éditions qui contiennent ensemble le Nouveau Testament et les Psaumes. J’ai sur mon bureau une édition ukrainienne de ce Nouveau Testament avec les Psaumes, qui m’a été envoyée et qui appartenait à un soldat mort à la guerre. Il priait au front avec ce livre. Les chrétiens et encore moins l’homme moderne ne peuvent pas reprendre et s’approprier tous les psaumes – ni tout dans chaque psaume. Ils reflètent parfois une situation historique et une mentalité religieuse qui ne sont plus les nôtres. Cela ne signifie pas qu’ils ne sont pas inspirés, mais qu’à certains égards, ils sont liés à une époque et à un stade provisoire de la révélation, comme c’est aussi le cas pour une grande partie de la législation ancienne.

Ce qui justifie le plus notre accueil des psaumes, c’est qu’ils ont été la prière de Jésus, de Marie, des Apôtres et de toutes les générations chrétiennes qui nous ont précédés. Lorsque nous les récitons, Dieu les entend dans la grandiose « orchestration » qu’est la communion des saints. Jésus, selon la Lettre aux Hébreux, entre dans le monde avec dans le cœur un verset de psaume : « Me voici, je suis venu, mon Dieu, pour faire ta volonté, » (cf. He 10, 7 ; Ps 40, 9) ; et il quitte le monde, selon l’Évangile de Luc, avec un autre verset sur les lèvres : « Père, entre tes mains je remets mon esprit » (Lc 23, 46 ; cf. Ps 31, 6).

Après le Nouveau Testament, les Pères et toute l’Église ont utilisé les psaumes, ce qui en fait un élément fixe de la célébration de la Messe et de la Liturgie des Heures. « Toute l’Écriture Sainte respire la bonté de Dieu, dit Saint Ambroise, mais en particulier le doux livre des psaumes » [2], le doux livre des psaumes. Je me demande : priez-vous parfois avec les psaumes ? Prenez la Bible ou le Nouveau Testament et priez un psaume. Par exemple, quand vous êtes un peu triste parce que vous avez péché, priez-vous le psaume 50 ? Il y a tant de psaumes qui nous aident à avancer. Prenez l’habitude de prier les psaumes. Je vous assure que vous serez heureux à la fin.

Mais nous ne pouvons pas nous contenter seulement de vivre de l’héritage du passé : il nous faut faire des psaumes notre prière. Il a été écrit que, dans un certain sens, nous devons devenir nous-mêmes « auteurs » des psaumes, les faisant nôtres et en priant avec [3]. S’il y a des psaumes, ou simplement des versets, qui parlent à notre cœur, il est bon de les répéter et de les prier pendant la journée. Les psaumes sont des prières « pour toutes les saisons » : il n’y a pas d’état d’âme ni de besoin qui ne trouve en eux les meilleurs mots pour se transformer en prière. À la différence de toutes les autres prières, les psaumes ne perdent pas leur efficacité à force d’être répétés, bien mieux, elle est accrue. Pourquoi ? Parce qu’ils sont inspirés par Dieu et qu’ils « respirent » Dieu, chaque fois qu’on les lit avec foi.

Si nous nous sentons accablés par le remords et la culpabilité, car nous sommes pécheurs, nous pouvons répéter avec David : « Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour, selon ta grande miséricorde » (Ps 51 (50), 3), le psaume 51 (50). Si nous voulons exprimer un lien personnel fort avec Dieu, disons : « Dieu, tu es mon Dieu, / je te cherche dès l’aube : / mon âme a soif de toi ; / après toi languit ma chair, / terre aride, altérée, sans eau » psaume 63 (62) (Ps 63(62), 2). Ce n’est pas pour rien que la liturgie a inclus ce psaume dans les Laudes des dimanches et des solennités. Et si la peur et l’angoisse nous assaillent, ces merveilleuses paroles du psaume 23 (22) viennent à notre secours : « Le Seigneur est mon berger […]. Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal » (Ps 23(22), 1.4).

Les Psaumes nous consentent de ne pas appauvrir notre prière en la réduisant uniquement à des demandes, à un continuel « donne-moi, donne-nous… ». Apprenons de la prière du notre Père qui, avant de demander le « pain quotidien », dit : « Que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite ». Les psaumes nous aident à nous ouvrir à une prière moins centrée sur nous-mêmes : une prière de louange, de bénédiction, d’action de grâce ; ils nous aident aussi à être la voix de toute la création, en l’associant à notre louange.

Frères et sœurs, que l’Esprit Saint, qui a donné à l’Église-Épouse les mots pour prier son divin Époux, nous aide à les faire résonner dans l’Église d’aujourd’hui et à faire de cette année préparatoire au Jubilé une véritable symphonie de prière. Merci !

APPEL

Demain, c’est la Journée Mondiale du Réfugié, promue par les Nations Unies. Que ce soit l’occasion de porter un regard attentif et fraternel sur tous ceux qui sont contraints de fuir leur domicile à la recherche de paix et de sécurité. Nous sommes tous appelés à accueillir, promouvoir, accompagner et intégrer ceux qui frappent à nos portes. Je prie pour que les États s’efforcent d’assurer des conditions humaines aux réfugiés et à faciliter les processus d’intégration.

Je salue l’Association des «Amis du cardinal Celso Costantini», accompagnée de l’évêque du diocèse de Concordia-Pordenone Giuseppe Pellegrini, à l’occasion du 100anniversaire du Concilium Sinense de Shanghai. Cela me fait également penser au cher peuple chinois. Prions toujours pour ce peuple noble et si courageux, qui possède une si belle culture. Prions pour le peuple chinois.

Après-demain, nous célébrerons la mémoire liturgique de saint Louis de Gonzague, qui a aimé la vie et a dépensé celle-ci pour les grands idéaux chrétiens; qu’il vous aide à redécouvrir la vocation à la sainteté dans le don généreux à Dieu et à nos frères et sœurs.

Frères et sœurs, continuons à prier pour la paix. La guerre est toujours une défaite, dès le début. Prions pour la paix dans l’Ukraine martyrisée, en Terre Sainte, au Soudan, en Birmanie et partout où les gens souffrent de la guerre. Prions tous les jours pour la paix! A vous tous va ma bénédiction!

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Discours du pape François – Session du G7 sur l’intelligence artificielle

Le pape François salue le Premier ministre canadien Justin Trudeau lors du sommet des dirigeants du G7 à Borgo Egnazia, 14 juin 2024.

Le 14 juin 2024, le pape François s’est adressé au sommet des dirigeants du G7 à Borgo Egnazia, en Italie. Réfléchissant aux nouvelles technologies d’intelligence artificielle, il a déclaré : « Pour qu’elles soient des instruments de construction du bien et d’un avenir meilleur, elles doivent toujours viser le bien de chaque être humain, avoir une « inspiration » éthique. Elles doivent avoir une ‘inspiration’ éthique ».

Lisez le discours ci-dessous. Vous pouvez également regarder l’intégralité de l’émission ce soir à 19h30 HE soit 16h30 HP sur Sel + Lumière TV et sur Sel + Lumière Plus.

Mesdames et Messieurs !

Je m’adresse à vous aujourd’hui, dirigeants du Forum intergouvernemental du G7, pour vous présenter une réflexion sur les effets de l’intelligence artificielle sur l’avenir de l’humanité.

« L’Écriture Sainte témoigne que Dieu a donné aux hommes son Esprit pour qu’ils aient “la sagesse, l’intelligence et la connaissance de toutes sortes de travaux” ( Ex 35, 31) » [1]. La science et la technologie sont donc les produits extraordinaires du potentiel créatif des êtres humains [2].

Or c’est précisément l’utilisation de ce potentiel créatif donné par Dieu qui est à l’origine de l’intelligence artificielle.

Cette dernière, comme on le sait, est un outil extrêmement puissant, utilisé dans de nombreux domaines de l’activité humaine : de la médecine au monde du travail, de la culture à la communication, de l’éducation à la politique. Et l’on peut désormais supposer que son utilisation influencera de plus en plus notre mode de vie, nos relations sociales et même, à l’avenir, la manière dont nous concevons notre identité en tant qu’êtres humains [3].

Le thème de l’intelligence artificielle est cependant souvent perçu comme ambivalent : d’une part, il enthousiasme par les possibilités qu’il offre, d’autre part, il suscite la crainte par les conséquences qu’il laisse présager. À cet égard, on peut dire que nous sommes tous, à des degrés divers, traversés par deux émotions : nous sommes enthousiastes lorsque nous imaginons les progrès qui peuvent découler de l’intelligence artificielle, mais, en même temps, nous sommes effrayés lorsque nous voyons les dangers inhérents à son utilisation [4].

Nous ne pouvons d’ailleurs douter que l’avènement de l’intelligence artificielle représente une véritable révolution cognitivo-industrielle qui contribuera à la création d’un nouveau système social caractérisé par de complexes transformations historiques. Par exemple, l’intelligence artificielle pourrait permettre la démocratisation de l’accès au savoir, le progrès exponentiel de la recherche scientifique, la possibilité de confier des travaux pénibles à des machines ; mais, en même temps, elle pourrait entraîner une plus grande injustice entre les pays riches et les pays en voie de développement, entre les classes sociales dominantes et les classes sociales opprimées, compromettant ainsi la possibilité d’une “culture de la rencontre” au profit d’une “culture du rejet”.

L’ampleur de ces transformations complexes est évidemment liée au développement technologique rapide de l’intelligence artificielle elle-même.

C’est précisément cette avancée technologique vigoureuse qui fait de l’intelligence artificielle un outil fascinant et redoutable et qui appelle une réflexion à la hauteur de la situation.

Dans ce sens, on pourrait peut-être partir du constat que l’intelligence artificielle est avant tout un outil. Et il va de soi que les bienfaits ou les méfaits qu’elle apportera dépendront de son utilisation.

C’est certainement vrai, puisqu’il en a été ainsi pour tous les outils construits par l’homme depuis la nuit des temps.

Notre capacité à construire des outils, en quantité et complexité inégalées parmi les êtres vivants, fait parler d’une condition techno-humaine : l’être humain a toujours entretenu une relation avec l’environnement par l’intermédiaire des outils qu’il a progressivement produits. Il n’est pas possible de séparer l’histoire de l’homme et de la civilisation de l’histoire de ces outils. Certains ont voulu lire dans tout cela une sorte de manque, de déficit de l’être humain, comme si, en raison de ce déficit, il était contraint de donner vie à la technique [5]. Un regard attentif et objectif nous montre en fait le contraire. Nous vivons dans une condition d’ultériorité par rapport à notre être biologique ; nous sommes des êtres déséquilibrés par rapport à notre extérieur, voire radicalement ouverts sur l’au-delà. C’est de là que vient notre ouverture aux autres et à Dieu ; c’est de là que naît le potentiel créatif de notre intelligence en termes de culture et de beauté ; c’est de là finalement que provient notre capacité technique. La technologie est donc la trace de cette ultériorité.

Cependant, l’utilisation de nos outils n’est pas toujours uniquement orientée vers le bien. Même si l’être humain sent en lui une vocation à l’au-delà et à la connaissance vécue comme instrument du bien au service des frères et sœurs et de la maison commune (cf. Gaudium et spes, n. 16), cela ne se produit pas toujours. Au contraire, il n’est pas rare que, précisément à cause de sa liberté radicale, l’humanité ait perverti les finalités de son être en se transformant en son propre ennemi ainsi que de la planète [6].Les outils technologiques peuvent connaître le même sort. Ce n’est que si leur vocation au service de l’humain est garantie que les outils technologiques révèleront non seulement la grandeur et la dignité unique de l’être humain, mais aussi le mandat qu’il a reçu de “cultiver et garder” (cf. Gn 2, 15) la planète et tous ses habitants. Parler de technologie, c’est parler de ce que signifie être humain et de notre condition unique entre liberté et responsabilité, c’est-à-dire parler d’éthique.

Lorsque nos ancêtres aiguisaient des silex pour fabriquer des couteaux, ils les utilisaient à la fois pour couper le cuir pour les vêtements et pour s’entretuer. On pourrait dire la même chose pour d’autres technologies beaucoup plus avancées, comme l’énergie produite par la fusion d’atomes telle qu’elle se produit sur le soleil, qui pourrait certes être utilisée pour produire une énergie propre et renouvelable, mais aussi pour réduire notre planète en un tas de cendres.

L’intelligence artificielle est cependant un outil encore plus complexe. Je dirais presque qu’il s’agit d’un outil sui generis. Alors que l’utilisation d’un outil simple (comme le couteau) est sous le contrôle de l’être humain qui l’utilise et que son bon usage ne dépend que de lui, l’intelligence artificielle, en revanche, peut s’adapter de manière autonome à la tâche qui lui est assignée et, si elle est conçue de cette manière, faire des choix indépendants de l’être humain pour atteindre l’objectif fixé [7].

Il faut toujours garder à l’esprit que la machine peut, sous certaines formes et par ces nouveaux moyens, produire des choix algorithmiques. Ce que fait la machine est un choix technique entre plusieurs possibilités et se base soit sur des critères bien définis, soit sur des déductions statistiques. L’être humain, quant à lui, non seulement choisit, mais dans son cœur il est capable de décider. La décision est un élément que nous pourrions concevoir plus stratégique qu’un choix et nécessite une évaluation pratique.Parfois, et bien souvent dans la tâche difficile de gouverner, nous sommes appelés à prendre des décisions qui ont des conséquences pour de nombreuses personnes. Depuis toujours la réflexion humaine parle à ce propos de sagesse, la phronesis de la philosophie grecque et au moins en partie la sagesse de l’Écriture Sainte. Face aux prodiges des machines, qui semblent capables de choisir de manière autonome, nous devons être clairs sur le fait que la décision doit toujours être laissée à l’être humain, même dans une tournure dramatique et urgente avec laquelle elle se présente parfois dans nos vies. Nous condamnerions l’humanité à un avenir sans espoir si nous retirions aux gens la capacité de décider d’eux-mêmes et de leur vie, les condamnant à dépendre des choix des machines. Nous devons garantir et protéger un espace de contrôle humain significatif sur le processus de choix des programmes d’intelligence artificielle : la dignité humaine elle-même en dépend.

Permettez-moi d’insister précisément sur ce sujet : dans un drame tel qu’un conflit armé, il est urgent de repenser le développement et l’utilisation de dispositifs tels que les “armes autonomes létales” afin d’en interdire l’usage, en commençant déjà par un engagement dynamique et concret à introduire un contrôle humain de plus en plus significatif. Aucune machine ne devrait jamais choisir d’ôter la vie à un être humain.

Il faut, en outre, ajouter que le bon usage, au moins des formes avancées d’intelligence artificielle, ne sera pas entièrement sous le contrôle des utilisateurs ou des programmateurs qui en ont défini les visées originelles au moment de la conception. Ceci est d’autant plus vrai qu’il est fort probable que, dans un avenir assez proche, les programmes d’intelligence artificielle pourront communiquer directement entre eux afin d’améliorer leurs performances. Et si, dans le passé, les hommes qui ont façonné des outils simples ont vu leur existence modifiée par eux – le couteau leur a permis de survivre au froid mais aussi de développer l’art de la guerre –, maintenant que les hommes ont façonné un outil complexe, ils verront celui-ci modifier encore davantage leur existence [8].

Le mécanisme de base de l’intelligence artificielle

Je voudrais maintenant aborder brièvement la complexité de l’intelligence artificielle. Dans son essence, l’intelligence artificielle est un outil conçu pour résoudre un problème et fonctionne par un enchaînement logique d’opérations algébriques, effectuées sur des catégories de données, qui sont confrontées pour découvrir des corrélations, en améliorant leur valeur statistique, grâce à un processus d’auto-apprentissage, basé sur la recherche de nouvelles données et l’auto-modification de ses procédures de calcul.

L’intelligence artificielle est ainsi destinée à résoudre des problèmes spécifiques, mais pour ceux qui l’utilisent, la tentation est souvent irrésistible de tirer, à partir des solutions spécifiques qu’elle propose, des déductions générales, voire anthropologiques.

Un bon exemple est l’utilisation des programmes destinés à aider les magistrats à décider de l’assignation à résidence des détenus purgeant une peine dans un établissement pénitentiaire. Dans ce cas, on demande à l’intelligence artificielle de pronostiquer la probabilité de récidive d’un crime commis par un condamné à partir de catégories prédéfinies (type de crime, comportement en prison, évaluation psychologique et autres), ce qui permet à l’intelligence artificielle d’avoir accès à des catégories de données touchant à la vie privée du condamné (origine ethnique, niveau d’éducation, marge de crédit et autres). L’utilisation d’une telle méthodologie – qui risque parfois de déléguer de facto à une machine le dernier mot sur le sort d’une personne – peut renvoyer implicitement aux partialités inhérentes aux catégories de données utilisées par l’intelligence artificielle.

Le fait d’être classé dans un certain groupe ethnique ou, plus prosaïquement, d’avoir commis un délit mineur des années auparavant (ne pas avoir payé, par exemple, une amende pour un stationnement interdit) influencera, en effet, la décision concernant le fait de procéder ou non à une assignation à résidence. Au contraire, l’être humain évolue en permanence et se montre capable de surprendre par ses actes, chose que la machine ne peut pas prendre en compte.

Il convient également de noter que des applications similaires à celle qui vient d’être mentionnée subiront une accélération du fait que les programmes d’intelligence artificielle seront de plus en plus dotés de la capacité d’interagir directement avec des êtres humains (chatbots), en tenant des conversations avec eux et en établissant avec eux des relations étroites, souvent très agréables et rassurantes, car ces programmes d’intelligence artificielle seront conçus pour apprendre à répondre, de manière personnalisée, aux besoins physiques et psychologiques des êtres humains.

Oublier que l’intelligence artificielle n’est pas un autre être humain et qu’elle ne peut proposer de principes généraux, est souvent une grave erreur qui découle ou du besoin profond de l’être humain de trouver une forme stable de compagnie ou d’un présupposé inconscient de sa part, à savoir que les observations obtenues au moyen d’un mécanisme de calcul sont pourvues des qualités de certitude indiscutable et d’universalité irréfutable.

Cette hypothèse est toutefois risquée, comme le montre l’examen des limites inhérentes au calcul lui-même. L’intelligence artificielle utilise des opérations algébriques à effectuer dans une séquence logique (par exemple, si la valeur de X est supérieure à celle de Y, on multiplie X par Y ; sinon, on divise X par Y). Cette méthode de calcul, appelée “algorithme”, ne présente ni objectivité ni neutralité [9]. En effet, puisque elle est basée sur l’algèbre, elle ne peut examiner que des réalités formulées en termes numériques [10].

Il ne faut pas oublier non plus que les algorithmes conçus pour résoudre des problèmes très complexes sont si sophistiqués qu’il est difficile pour les programmateurs eux-mêmes de comprendre exactement comment ils réussissent à obtenir leurs résultats. Cette tendance à la sophistication risque de s’accélérer considérablement avec l’introduction des ordinateurs quantiques qui ne fonctionnent pas avec des circuits binaires (semi-conducteurs ou puces), mais selon les lois, pour le moins complexes, de la physique quantique. D’autre part, l’introduction continue de puces de plus en plus performantes est déjà devenue l’une des causes de la prépondérance de l’usage de l’intelligence artificielle par les quelques nations qui en sont équipées.

Qu’elles soient sophistiquées ou non, la qualité des réponses fournies par les programmes d’intelligence artificielle dépend en fin de compte des données qu’ils utilisent et de la manière dont elles sont structurées.

Enfin, je voudrais souligner un dernier domaine dans lequel apparaît clairement la complexité du mécanisme de l’intelligence artificielle dite générative (Generative Artificial Intelligence). Nul ne doute qu’il existe aujourd’hui de magnifiques outils d’accès à la connaissance qui permettent même l’auto-apprentissage et l’auto-tutorat dans une myriade de domaines. Beaucoup d’entre nous ont été impressionnés par les applications facilement disponibles en ligne pour composer un texte ou produire une image sur n’importe quel thème ou sujet. Les étudiants se montrent particulièrement attirés par cette perspective qui, lorsqu’ils doivent préparer des travaux, en font un usage disproportionné.

Ces élèves, souvent bien mieux préparés et habitués à l’utilisation de l’intelligence artificielle que leurs professeurs, oublient cependant que l’intelligence artificielle dite générative, au sens strict, n’est pas vraiment “générative”. En effet, cette dernière recherche dans les big data des informations et les conditionne dans le style qui lui est demandé. Elle ne développe pas de nouveaux concepts ou de nouvelles analyses. Elle répète celles qu’elle trouve, en leur donnant une forme attrayante. Et plus une notion ou une hypothèse est répétée, plus elle la considère comme légitime et valable. Plutôt que “générative”, elle est donc “renforçatrice”, en ce sens qu’elle réorganise des contenus existants, contribuant à les consolider, souvent sans vérifier s’ils contiennent des erreurs ou des idées préconçues.

Cela risque non seulement de légitimer les fake news et de renforcer le poids d’une culture dominante, mais aussi de saper le processus éducatif in nuce. L’éducation qui devrait fournir aux étudiants la possibilité d’une réflexion authentique risque de se réduire à une répétition de notions, qui seront de plus en plus estimées incontestables, simplement parce que constamment reprises [11].

Remettre la dignité de la personne au centre d’une proposition éthique partagée

Il convient maintenant d’ajouter une observation plus générale à ce qui a déjà été dit. La saison d’innovation technologique que nous traversons actuellement s’accompagne en effet d’une conjoncture sociale particulière et sans précédent : sur les grandes questions de la vie sociale, il est de plus en plus difficile de trouver des accords. Même dans les communautés caractérisées par une certaine continuité culturelle, des débats passionnés et des confrontations surgissent souvent, rendant difficile la production de réflexions et de solutions politiques partagées visant à rechercher ce qui est bon et juste. Au-delà de la complexité des visions légitimes qui caractérisent la famille humaine, un facteur émerge qui semble unir ces différentes instances. Nous assistons à une disparition ou du moins à une éclipse du sens de l’humain et à une apparente insignifiance du concept de dignité humaine [12]. Il semble que nous perdons la valeur et le sens profond de l’une des catégories fondamentales de l’Occident : la catégorie de la personne humaine. En ce moment où les programmes d’intelligence artificielle remettent en question l’être humain et son agir, c’est précisément la faiblesse de l’ ethos lié à la perception de la valeur et de la dignité de la personne humaine qui risque d’être le plus grand vulnus dans la mise en œuvre et le développement de ces systèmes. En effet, il ne faut pas oublier qu’aucune innovation n’est neutre. La technologie naît dans un but précis et, dans son impact sur la société humaine, elle représente toujours une forme d’ordre dans les relations sociales et une disposition de pouvoir, permettant à certains d’accomplir des actions et empêchant d’autres d’en accomplir d’autres. Cette dimension constitutive de pouvoir de la technologie comprend toujours, de manière plus ou moins explicite, la vision du monde de ceux qui l’ont conçue et développée.

Cela vaut également pour les programmes d’intelligence artificielle. Pour qu’ils soient des outils pour la construction du bien et d’un avenir meilleur, ils doivent toujours être ordonnés au bien de chaque être humain. Ils doivent avoir une inspiration éthique.

La décision éthique, en effet, est celle qui prend en compte non seulement des résultats d’une action, mais aussi des valeurs en jeu et des devoirs qui en découlent. C’est pourquoi j’ai accueilli favorablement, la signature à Rome, en 2020, du Rome Call for AI Ethics [13] et son soutien à cette forme de modération éthique des algorithmes et des programmes d’intelligence artificielle que j’ai appelée “algor-éthique” [14]. Dans un contexte pluriel et global, où s’affichent également des sensibilités différentes et des hiérarchies plurielles dans les échelles de valeurs, il semble difficile de trouver une hiérarchie unique des valeurs. Mais dans l’analyse éthique, nous pouvons également recourir à d’autres types d’outils : si nous peinons à définir un ensemble unique de valeurs globales, nous pouvons toutefois trouver des principes partagés avec lesquels on aborde et résout tout dilemme ou conflit de vie.

C’est la raison pour laquelle est né le Rome Call : dans le terme “algor-éthique”, est condensée une série de principes qui se révèlent être une plateforme globale et plurielle capable de trouver le soutien des cultures, des religions, des organisations internationales et des grandes entreprises qui sont des acteurs de ce développement.

La politique dont nous avons besoin

Nous ne pouvons donc pas occulter le risque concret, puisqu’il est inhérent à son mécanisme fondamental, que l’intelligence artificielle limite la vision du monde à des réalités exprimables en chiffres et enfermées dans des catégories préconçues, en évinçant l’apport d’autres formes de vérité et en imposant des modèles anthropologiques, socio-économiques et culturels uniformes. Le paradigme technologique incarné par l’intelligence artificielle risque alors de céder la place à un paradigme bien plus dangereux, que j’ai déjà identifié sous le nom de “paradigme technocratique” [15]. Nous ne pouvons pas permettre qu’un outil aussi puissant et indispensable que l’intelligence artificielle renforce un tel paradigme ; au contraire, nous devons faire de l’intelligence artificielle un rempart précisément contre son expansion.

Et c’est précisément là que l’action politique est urgente, comme le rappelle l’encyclique Fratelli tutti. Certes, « pour beaucoup de personnes, la politique est aujourd’hui un vilain mot et on ne peut pas ignorer qu’à la base de ce fait, il y a souvent les erreurs, la corruption, l’inefficacité de certains hommes politiques. À cela s’ajoutent les stratégies qui cherchent à affaiblir la politique, à la remplacer par l’économie ou la soumettre à quelque idéologie. Mais le monde peut-il fonctionner sans la politique ? Peut-il y avoir un chemin approprié vers la fraternité universelle et la paix sociale sans une bonne politique ? » [16].

Notre réponse à ces dernières questions est : non ! La politique est nécessaire ! Je tiens à réaffirmer à cette occasion que « face à tant de formes mesquines de politique et à courte vue […] la grandeur politique se révèle quand, dans les moments difficiles, on œuvre pour les grands principes et en pensant au bien commun à long terme. Il est très difficile pour le pouvoir politique d’assumer ce devoir dans un projet de Nation et encore davantage dans un projet commun pour l’humanité présente et future » [17].

Mesdames, Messieurs !

Ma réflexion sur les effets de l’intelligence artificielle sur l’avenir de l’humanité nous amène donc à considérer l’importance d’une “saine politique” pour envisager notre avenir avec espoir et confiance. Comme je l’ai déjà dit ailleurs, « sur le plan mondial, la société a de sérieux défauts structurels qu’on ne résout pas avec des rapiècements ou des solutions rapides, purement occasionnelles. Certaines choses sont à changer grâce à des révisions de fond et des transformations importantes. Seule une politique saine sera à même de les conduire, en engageant les secteurs les plus divers et les connaissances les plus variées. De cette manière, une économie intégrée dans un projet politique, social, culturel et populaire visant le bien commun peut “ouvrir le chemin à différentes opportunités qui n’impliquent pas d’arrêter la créativité de l’homme et son rêve de progrès, mais d’orienter cette énergie vers des voies nouvelles” ( Laudato si’, n. 191) » [18].

C’est précisément le cas de l’intelligence artificielle. Il appartient à chacun d’en faire bon usage et à la politique de créer les conditions pour que cet usage soit possible et fécond.

Merci.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

[1] Message pour la 57ème Journée Mondiale de la Paix du 1er janvier 2024, n. 1.

[2] Cf. Ibid.

[3] Cf. Ibid, n. 2.

[4] Cette ambivalence avait déjà été soulignée par le Pape saint Paul VI dans son Discours au personnel du “Centre d’automatisation des analyses linguistiques” de l’Aloysianum, du 19 juin 1964.

[5] Cf. A. Gehlen, L’uomo. La sua natura e il suo posto nel mondo, Milano 1983, p. 43.

[6] Cf. Lett. enc. Laudato si’ (24 mai 2015), nn. 102-114.

[7] Message pour la 57ème Journée Mondiale de la Paix du 1er janvier 2024, n. 3.

[8] Les intuitions de Marshall McLuhan et de John M. Culkin sont particulièrement pertinentes en ce qui concerne les conséquences de l’utilisation de l’intelligence artificielle.

[9] Cf. Discours aux participants à l’Assemblée Plénière de l’Académie Pontificale pour la Vie, 28 février 2020.

[10]Cf. Message pour la 57ème Journée Mondiale de la Paix du 1er janvier 2024, n. 4.

[11]Cf. Ibid., nn. 3 et 7.

[12]Cf. Dicastère pour la Doctrine de la Foi, Déclaration Dignitas infinita sur la dignité humaine (2 avril 2024).

[13] Cf. Discours aux participants à l’Assemblée Plénière de l’Académie Pontificale pour la Vie, 28 février 2020.

[14] Cf. Discours aux participants au Congrès “Promoting Digital Child Dignity – From Concet to Action”, 14 novembre 2019 ; Discours aux participants à l’Assemblée Plénière de l’Académie Pontificale pour la Vie, 28 février 2020.

[15] Pour un exposé plus complet, je renvoie à ma Lettre Encyclique Laudato si’ sur la sauvegarde de la maison commune du 24 mai 2015.

[16] Lett. enc. Fratelli tutti sur la fraternité et l’amitié sociale (3 octobre 2020), n. 176.

[17] Ibid., n. 178.

[18] Ibid., n. 179.

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