Homélie du pape Léon XIV pour le Jubilé des Familles, des Enfants, des Grands-Parents

Photo Crédit : Vatican Media.

Dans son homélie, dimanche du Jubilé des familles, des enfants, des grands-parents et des personnes âgées, le pape Léon XIV nous invite à redécouvrir la beauté de la famille comme lieu de tendresse, de transmission et de foi. Dans son homélie, il rappelle que chaque génération a un rôle unique à jouer pour bâtir une société plus fraternelle, enracinée dans l’amour de Dieu.

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Jubilé Des Familles, Des Enfants, Des Grands-Parents

Et Des Personnes Âgées

HOMÉLIE DU PAPE LÉON XIV

Place Saint-Pierre
VIIe dimanche de Pâques – Dimanche 1er juin 2025

 

Lire le texte intégral de l’homélie du Saint-Père ci-dessous. :

L’Évangile qui vient d’être proclamé nous montre Jésus qui, lors de la dernière Cène, prie pour nous (cf. Jn 17, 20) : le Verbe de Dieu fait homme, désormais proche de la fin de sa vie terrestre, pense à nous, ses frères, se faisant bénédiction, supplication et louange au Père, avec la force de l’Esprit Saint. Et nous aussi, alors que nous entrons, remplis d’émerveillement et de confiance, dans la prière de Jésus, nous sommes impliqués par son amour dans un grand projet qui concerne toute l’humanité.

Le Christ demande en effet que nous soyons tous « un » (v. 21). Il s’agit là du plus grand bien que l’on puisse désirer, car cette union universelle réalise entre les créatures la communion éternelle d’amour dans laquelle s’identifie Dieu lui-même, comme le Père qui donne la vie, le Fils qui la reçoit et l’Esprit qui la partage.

Le Seigneur ne veut pas que nous nous unissions pour former une masse indistincte, comme un bloc anonyme, mais il souhaite que nous soyons un : « Comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi » (v. 21). L’unité pour laquelle Jésus prie est donc une communion fondée sur l’amour même dont Dieu aime, d’où viennent la vie et le salut. En tant que telle, elle est avant tout un don que Jésus vient apporter. C’est en effet, du fond de son cœur d’homme que le Fils de Dieu s’adresse au Père en disant : « moi en eux, et toi en moi. Qu’ils deviennent ainsi parfaitement un, afin que le monde sache que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé » (v. 23).

Écoutons avec admiration ces paroles : Jésus nous révèle que Dieu nous aime comme Il s’aime Lui-même. Le Père ne nous aime pas moins qu’Il n’aime son Fils unique, c’est-à-dire infiniment. Dieu n’aime pas moins, parce qu’Il aime d’abord, Il aime le premier ! Le Christ Lui-même en témoigne lorsqu’Il dit au Père : « Tu m’as aimé avant la fondation du monde » (v. 24). Et il en est ainsi : dans sa miséricorde, Dieu veut depuis toujours rassembler tous les hommes auprès de lui, et c’est sa vie, donnée pour nous dans le Christ, qui nous rend un, qui nous unit entre nous.

Écouter aujourd’hui cet Évangile, pendant le Jubilé des familles et des enfants, des grands-parents et des personnes âgées, nous comble de joie.

Très chers amis, nous avons reçu la vie avant même de la vouloir. Comme l’enseignait le pape François, « tous les hommes sont des enfants, mais aucun de nous n’a choisi de naître » (Angelus, 1er janvier 2025). Mais ce n’est pas tout. Dès notre naissance, nous avons eu besoin des autres pour vivre, seuls nous n’y serions pas y arriver : c’est quelqu’un d’autre qui nous a sauvés, en prenant soin de nous, de notre corps comme de notre esprit. Nous vivons donc tous grâce à une relation, c’est-à-dire à un lien libre et libérateur d’humanité et de soin mutuel.

Il est vrai que parfois cette humanité est trahie. Par exemple, chaque fois que l’on invoque la liberté non pour donner la vie, mais pour la retirer, non pour secourir, mais pour offenser. Cependant, même face au mal qui s’oppose et tue, Jésus continue de prier le Père pour nous, et sa prière agit comme un baume sur nos blessures, devenant pour tous une annonce de pardon et de réconciliation. Cette prière du Seigneur donne pleinement un sens aux moments lumineux de notre amour les uns pour les autres, en tant que parents, grands-parents, fils et filles. Et c’est cela que nous voulons annoncer au monde : nous sommes ici pour être “un” comme le Seigneur veut que nous soyons “un”, dans nos familles et là où nous vivons, travaillons et étudions : différents, mais un, nombreux, mais un, toujours, en toutes circonstances et à tous les âges de la vie.

Mes très chers amis, si nous nous aimons ainsi, sur le fondement du Christ, qui est « l’alpha et l’oméga », « le commencement et la fin » (cf. Ap 22, 13), nous serons un signe de paix pour tous, dans la société et dans le monde. Et n’oublions pas : c’est dans les familles que se construit l’avenir des peuples.

Au cours des dernières décennies, nous avons reçu un signe qui nous remplit de joie et qui nous fait réfléchir : je veux parler du fait que des couples mariés ont été proclamés bienheureux et saints, non pas séparément, mais ensemble, en tant que couples mariés. Je pense à Louis et Zélie Martin, les parents de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus ; et j’aime rappeler les bienheureux Luigi et Maria Beltrame Quattrocchi, dont la vie familiale s’est déroulée à Rome au siècle dernier. Et n’oublions pas la famille polonaise Ulma : parents et enfants unis dans l’amour et dans me martyre. Je disais que c’est un signe qui fait réfléchir. Oui : en désignant comme témoins exemplaires des époux, l’Église nous dit que le monde d’aujourd’hui a besoin de l’alliance conjugale pour connaître et accueillir l’amour de Dieu et surmonter, par sa force qui unifie et réconcilie, les forces qui désagrègent les relations et les sociétés.

C’est pourquoi, le cœur plein de reconnaissance et d’espérance, je vous dis, à vous les époux : le mariage n’est pas un idéal, mais la norme du véritable amour entre l’homme et la femme : un amour total, fidèle, fécond (cf. Saint Paul VI, Lettre encyclique Humanae vitae, 9). Tout en vous transformant en une seule chair, cet amour vous rend capables, à l’image de Dieu, de donner la vie.

C’est pourquoi je vous encourage à être, pour vos enfants, des exemples de cohérence, en vous comportant comme vous voulez qu’ils se comportent, en les éduquant à la liberté par l’obéissance, en recherchant toujours en eux le bien et les moyens de le faire grandir. Et vous, enfants, soyez reconnaissants envers vos parents : dire “merci” pour le don de la vie et pour tout ce qui nous est donné chaque jour avec elle, c’est la première manière d’honorer son père et sa mère (cf. Ex 20, 12). Enfin, à vous, chers grands-parents et personnes âgées, je recommande de veiller sur ceux que vous aimez, avec sagesse et compassion, avec l’humilité et la patience que les années enseignent.

Dans la famille, la foi se transmet avec la vie, de génération en génération : elle est partagée comme la nourriture sur la table et les affections du cœur. Cela en fait un lieu privilégié pour rencontrer Jésus, qui nous aime et veut notre bien, toujours.

Et j’aimerais ajouter une dernière chose. La prière du Fils de Dieu, qui nous donne l’espérance tout au long du chemin, nous rappelle aussi qu’un jour nous serons tous unum (cf. saint Augustin, Sermo super Ps. 127) : une seule chose dans l’unique Sauveur, étreints par l’amour éternel de Dieu. Non seulement nous, mais aussi nos pères et nos mères, nos grands-mères et nos grands-pères, nos frères, nos sœurs et nos enfants qui nous ont déjà précédés dans la lumière de sa Pâque éternelle, et que nous sentons présents ici, avec nous, en ce moment de fête.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

Survol sur le document Rerum Novarum

Statue du pape Léon XIII, au-dessus de l’entrée de son tombeau dans la basilique Saint-Jean-de-Latran. Photo © Sel + Lumière Média, 2025.

Le pape Léon XIII est sur le point de redevenir un nom familier, maintenant que son dernier successeur a pris son nom. Une recherche rapide sur Google Trends révèle que le terme de recherche « Léon XIII » a atteint le sommet de sa popularité le 8 mai, jour de l’élection du pape Léon XIV. Dans son discours au collège des cardinaux, quelques jours après son élection, notre nouveau pape a expliqué qu’il avait choisi le nom de Léon « principalement parce que le pape Léon XIII, dans son encyclique historique Rerum Novarum, a abordé la question sociale [la réponse de l’Église aux questions sociales, politiques et économiques] dans le contexte de la première grande révolution industrielle ».

Le pic de consultation de l’encyclique sur Google Trends ? Le 8 mai également. Ce jour-là, la popularité de Rerum Novarum et du pape qui l’a rédigée a dépassé toutes les données relatives à l’un ou l’autre terme depuis 2004, date des premières statistiques disponibles.

Dans mon article précédent, j’ai mentionné quelques papes notables nommés Léon à travers l’histoire, j’ai souligné que les papes choisissent leur nom pour signaler un thème important de leur pontificat et j’ai mis en évidence le fait que Rerum Novarum est la raison principale du choix du nom du pape Léon XIV. Dans cet article, je reviendrai sur l’encyclique révolutionnaire de Léon XIII. 

 

Sur les nouveaux sujets

Léon XIII a rédigé et publié ce document en 1891, inaugurant ainsi la tradition durable de l’enseignement social pontifical. À la lumière des conditions précaires et souvent abjectes des mines, des usines urbaines, des chemins de fer et d’autres innovations industrielles, il a appelé à des conditions de travail justes et saines, à des salaires équitables (n° 43-47) et au droit des travailleurs de s’organiser en syndicats et de défendre leurs besoins (n° 48-57). Pour ce faire, il a ancré son appel dans l’affirmation chrétienne de la dignité humaine et du bien commun, tout en défendant le droit à la propriété privée et l’intégrité de la famille (n° 9, 12-14).

Si nous considérons aujourd’hui comme acquis le droit à des conditions de travail équitables et à la syndicalisation, l’approbation magistérielle de Léon XIII constituait, à la fin du XIXe siècle, une prise de position étonnamment audacieuse en faveur des gens du peuple. De même, nous pourrions ne pas voir d’opposition entre les conditions de travail et les syndicats, d’une part, et la propriété privée et les droits de la famille, d’autre part, aujourd’hui. Cependant, le contexte politique de l’époque de Léon XIII était marqué par une polarisation intense entre les deux, en tant que réponses alternatives aux défis tumultueux de son temps, en particulier le fossé grandissant entre les riches et les pauvres (#1).Rerum Novarum est un blâme sévère contre les extrêmes du capitalisme débridé qui laisse les employeurs et les entreprises déshumaniser leurs travailleurs, et du socialisme autoritaire qui cherche à alléger le sort du travailleur par un contrôle étatique total du travail, de la propriété, de la production et de la vie de famille (#4, 5, etc.).

La réponse de Léon XIII est que le capital (employeurs, propriété) et le travail (travailleurs, syndicats) ont tous deux des droits et des devoirs, puisque tous les membres d’une société ont des droits et des devoirs les uns envers les autres. Tous sont appelés à « vivre ensemble dans la concorde et à aller de l’avant dans la prospérité et avec de bons résultats » (n°58). Il a exprimé l’espérance que « si les préceptes chrétiens prévalent », par opposition aux préceptes capitalistes ou socialistes, alors

Les classes respectives ne seront pas seulement unies par les liens de l’amitié, mais aussi par ceux de l’amour fraternel. Car elles comprendront et sentiront que tous les hommes sont enfants d’un même Père commun, qui est Dieu ; que tous ont pareillement la même fin, qui est Dieu lui-même, qui seul peut rendre les hommes ou les anges absolument et parfaitement heureux ; […] que les bénédictions de la nature et les dons de la grâce appartiennent en commun à toute la race humaine (#25).

En fin de compte, il a appelé à une réglementation gouvernementale accrue de l’industrie afin de protéger les droits et le bien-être des travailleurs, en particulier des pauvres (n° 35-37), tout en préservant le droit à la propriété privée (n° 38).

Les papes suivants ont considéré Rerum Novarum comme l’origine et la base de l’enseignement social catholique. Par exemple, ils ont publié leurs propres encycliques en revenant sur l’œuvre de Léon XIII et en réfléchissant à ses contributions pour leur propre époque : le 40e anniversaire de Rerum Novarum a été célébré par le Quadragesimo Anno de Pie XI en 1931 ; le Mater et Magistra de Saint Jean XXIII a été célébré par l’encyclique de l’Église Catholique. Jean XXIII a célébré le 60e anniversaire de Mater et Magistra en 1961 ; Octogesima Adveniens de Paul VI en 1971 (une « lettre apostolique » et un « appel à l’action ») a marqué le 80e anniversaire ; et Rerum Novarum de Jean-Paul II en 1981 et Centesimus Annus en 1991 ont célébré respectivement le 90e et le 100e anniversaire de Laborem Exercens.

Laborem Exercens se distingue par sa réflexion sur l’exigence que l’emploi, les conditions de travail, les salaires et l’investissement personnel d’un travailleur dans ses tâches soient au service de la dignité humaine universelle, plutôt que des moyens d’élever certains et d’abaisser d’autres. Suivant l’exemple du pape Léon XIII, Jean-Paul II a cherché avec force une troisième voie entre le capitalisme débridé et le socialisme autoritaire à la fin d’une guerre froide qui opposait les deux (voir n° 7, 11). L’exemple le plus tangible qui me vient à l’esprit est son soutien au mouvement syndical Solidarnosc (ou « Solidarité ») dans sa Pologne natale, qui a conduit à la restauration d’un gouvernement démocratique à l’est de l’Europe.

Dans six ans, nous célébrons le 140e anniversaire du Rerum Novarum. C’est une période extrêmement courte pour une Église qui « pense en siècles », mais incroyablement longue compte tenu du rythme effréné des changements technologiques, industriels, politiques et socio-économiques de notre époque. En choisissant son nom, le pape Léon XIV a déjà indiqué qu’il souhaitait réfléchir aux leçons de Rerum Novarum pour les questions déterminantes de notre époque, et que cette réflexion serait une tâche importante de son pontificat. 

Au cours de ses premières semaines sur la chaire de Saint-Pierre, il s’est déjà montré un pape très réfléchi et engagé, à l’écoute des préoccupations et des espoirs du monde. Nous attendons avec impatience ce leadership réfléchi, engagé et réceptif, alors qu’il développe la tradition durable de l’enseignement social catholique pour les grands défis et le potentiel du 21e siècle.

 

 

Homélie du pape Léon XIV lors de la messe et de l’installation sur la cathèdre romaine

Photo Credit : Vatican Media

Le dimanche 25 mai 2025, le pape Léon XIV a été officiellement installé sur la cathèdre du diocèse de Rome lors d’une messe dans la basilique Saint-Jean-de-Latran. Dans son homélie, il déclare que « la communion se construit d’abord “à genoux”, par la prière et l’engagement constant dans la conversion ».

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Messe et installation sur la cathèdre romaine

HOMÉLIE DU PAPE LÉON XIV

Basilique Saint-Jean-de-Latran
25 mai 2025

 

Lire le texte intégral de l’homélie du Saint-Père ci-dessous. :

Je salue cordialement les Cardinaux présents, en particulier le Cardinal Vicaire, les évêques auxiliaires et tous les évêques, les très chers prêtres – curés, vicaires et tous ceux qui, à divers titres, collaborent à la pastorale dans nos communautés – ; ainsi que les diacres, les religieux, les religieuses, les Autorités et vous tous, très chers fidèles.

L’Église de Rome est l’héritière d’une grande histoire, enracinée dans le témoignage de Pierre, de Paul et d’innombrables martyrs, et elle a une mission unique, bien indiquée par ce qui est écrit sur la façade de cette Cathédrale : être Mater omnium Ecclesiarum, Mère de toutes les Églises.

Le Pape François nous a souvent invités à réfléchir sur la dimension maternelle de l’Église (cf. Exhort. ap.Evangelii gaudium, nn. 46-49 ,  139-141Catéchèse, 13 janvier 2016) et sur ses caractéristiques propres : la tendresse, la disponibilité au sacrifice et cette capacité d’écoute qui permet non seulement de venir en aide, mais souvent aussi d’anticiper les besoins et les attentes, avant même qu’ils ne soient exprimés. Ce sont là des traits que nous souhaitons voir grandir partout dans le peuple de Dieu, ici aussi, dans notre grande famille diocésaine : chez les fidèles, chez les pasteurs, chez moi le premier. Les lectures que nous avons écoutées peuvent nous aider à y réfléchir.

Dans les Actes des Apôtres (cf. 15, 1-2.22-29), en particulier, il est raconté comment la communauté des origines a affronté le défi de l’ouverture au monde païen dans l’annonce de l’Évangile. Cela n’a pas été un processus facile : cela a demandé beaucoup de patience et d’écoute mutuelle ; cela s’est produit tout d’abord au sein de la communauté d’Antioche, où les frères, en dialoguant – même en discutant – sont parvenus à définir ensemble la question. Mais ensuite, Paul et Barnabé sont montés à Jérusalem. Ils n’ont pas décidé de leur propre chef : ils ont cherché la communion avec l’Église mère et s’y sont rendus avec humilité.

Pierre et les Apôtres les ont écoutés. Ainsi s’est engagé le dialogue qui a finalement conduit à la bonne décision : reconnaissant et considérant la difficulté des néophytes, il a été convenu de ne pas leur imposer de charges excessives, mais de se limiter à leur demander l’essentiel (cf. Ac 15, 28-29). Ainsi, ce qui pouvait sembler un problème est devenu pour tous une occasion de réfléchir et de grandir.

Le texte biblique, cependant, nous en dit davantage, allant au-delà de la riche et intéressante dynamique humaine de l’événement.

C’est ce que révèlent les paroles que les frères de Jérusalem adressent par lettre à ceux d’Antioche, leur communiquant les décisions prises. Ils écrivent : « L’Esprit Saint et nous-mêmes » (Ac 15, 28). Ils soulignent, en effet, que dans toute cette histoire, l’écoute la plus importante, celle qui a rendu tout le reste possible, a été celle de la voix de Dieu. Ils nous rappellent ainsi que la communion se construit avant tout “à genoux”, dans la prière et dans un engagement continu de conversion. Ce n’est que dans cette tension, en effet, que chacun peut entendre en lui la voix de l’Esprit qui crie : « Abba ! Père ! » (Ga 4, 6) et, par conséquent, écouter et comprendre les autres comme des frères.

L’Évangile nous réaffirme également ce message (cf. Jn 14, 23-29), en nous disant que nous ne sommes pas seuls dans les choix de vie. L’Esprit nous soutient et nous montre le chemin à suivre, en nous “enseignant” et en nous “rappelant” tout ce que Jésus nous a dit (cf. Jn 14, 26).

Tout d’abord, l’Esprit nous enseigne les paroles du Seigneur en les imprimant profondément en nous, selon l’image biblique de la loi écrite non plus sur des tables de pierre, mais dans nos cœurs (cf. Jr 31, 33) ; un don qui nous aide à grandir jusqu’à devenir “lettre du Christ” (cf. 2 Co 3, 3) les uns pour les autres. Et il en est ainsi : nous sommes d’autant plus capables d’annoncer l’Évangile que nous nous laissons conquérir et transformer, en permettant à la puissance de l’Esprit de nous purifier au plus profond de nous-mêmes, de rendre nos paroles simples, nos désirs honnêtes et limpides, nos actions généreuses.

Et c’est là qu’intervient l’autre verbe : “rappeler”, c’est-à-dire ramener l’attention du cœur vers ce que nous avons vécu et appris, afin d’en pénétrer plus profondément le sens et d’en savourer la beauté.

Je pense à cet égard au chemin exigeant que le diocèse de Rome parcourt depuis quelques années, articulé à différents niveaux d’écoute : vers le monde environnant, pour en accueillir les défis, et au sein des communautés, pour en comprendre les besoins et promouvoir des sages et prophétiques initiatives d’évangélisation et de charité. C’est un chemin difficile, encore en cours, qui cherche à embrasser une réalité très riche, mais aussi très complexe. Il est toutefois digne de l’histoire de cette Église qui a si souvent démontré sa capacité à voir “grand”, en s’investissant sans réserve dans des projets courageux et s’impliquant même face à des scénarios nouveaux et exigeants.

En témoigne le travail considérable accompli ces jours-ci par l’ensemble du diocèse en vue du Jubilé, dans l’accueil et l’accompagnement des pèlerins et à travers d’innombrables autres initiatives. Grâce à ces nombreux efforts, la ville apparaît à ceux qui y arrivent, parfois de très loin, comme une grande maison ouverte et accueillante, et surtout comme un foyer de foi.

Pour ma part, j’exprime le désir et l’engagement d’entrer dans ce chantier si vaste en me mettant, autant que possible, à l’écoute de tous, pour apprendre, comprendre et décider ensemble : “chrétien avec vous et pour vous évêque ”, comme le disait saint Augustin (cf. Discours 340, 1). Je vous demande de m’aider à le faire dans un effort commun de prière et de charité, en rappelant les paroles de saint Léon le Grand : « Tout le bien que nous accomplissons dans l’exercice de notre ministère est l’œuvre du Christ ; et non pas la nôtre, car nous ne pouvons rien sans lui, mais nous nous glorifions en lui, de qui vient toute l’efficacité de notre action » (Serm. 5, de natali ipsius, 4).

À ces paroles je voudrais joindre, en concluant, celles du Bienheureux Jean-Paul Ier, qui le 23 septembre 1978, avec le visage radieux et serein qui lui avait déjà valu l’appellation de “Pape du sourire”, saluait ainsi sa nouvelle famille diocésaine : « Devenant Patriarche à Venise, Saint Pie X s’était exclamé à St-Marc : “Qu’en serait-il de moi, Vénitiens, si je ne vous aimais pas ?”. Aux Romains, je dirai quelque chose de semblable ; je puis vous assurer que je vous aime, que je désire seulement entrer à votre service et mettre à votre disposition, toutes mes pauvres forces, le peu que j’ai et le peu que je suis » (Homélie à l’occasion de la Prise de Possession de la Cathedra Romana, 23 septembre 1978).

Je vous exprime également toute mon affection, avec le désir de partager avec vous, sur notre chemin commun, les joies et les peines, les difficultés et les espoirs. Je vous offre moi aussi “le peu que j’ai et que je suis”, et je le confie à l’intercession des saints Pierre et Paul et de tant d’autres frères et sœurs dont la sainteté a illuminé l’histoire de cette Église et les rues de cette ville. Que la Vierge Marie nous accompagne et intercède pour nous.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

Quel est le sens d’un nom ? Les plus grands papes de l’histoire qui s’appellent Léo

Saint Léon le Grand. Herrera Mozo. Wikimedia Commons

Le pape Léon XIV ! La réalité pleine d’espérance d’un nouveau Souverain Pontife commence à s’installer. Plus je le vois, plus je l’entends parler (même dans sa langue maternelle, l’anglais !),  et plus je lis son nom, plus cette nouvelle ère de la vie de l’Église me semble familière.

Qu’est-ce qu’un nom ? Lorsqu’un nouveau pape choisit un nom qui a déjà été utilisé, c’est généralement pour mettre en avant certains de ses prédécesseurs ou d’autres personnages historiques, afin de rappeler l’importance de leur héritage dans le présent.

Par exemple, en 2005, Benoît XVI a choisi son nom pour honorer à la fois saint Benoît de Nursie, le père du monachisme occidental. Le pape Benoît XV, qui s’est opposé à la popularité en appelant à la paix pendant la Première Guerre mondiale. Dans un nouveau siècle marqué par un sécularisme plus dominant en Occident et un choc croissant des civilisations mondialisées, Le pape Benoît XVI s’est attaché à la formation d’une Église européenne plus petite et plus fidèle qui proclame librement la paix du Christ.

Lorsque le pape François a choisi son nom, il a indiqué que son pontificat sera marqué par un appel à une relation renouvelée avec notre maison commune et toutes les créatures qui y vivent, ainsi qu’à une fraternité renouvelée entre les nations, les peuples et les personnes. Il a nommé ses deux encycliques sociales phares, Laudato Si’ et Fratelli Tutti, d’après des prières poétiques du grand mystique d’Assise.

En ce qui concerne le pape Léon XIV, il a explicitement mentionné le dernier prédécesseur à porter ce nom, Léon XIII (1878-1903). Voici quelques exemples antérieurs qui méritent d’être soulignés avant :

Léon III (795-816) est peut-être le plus connu pour ses relations diplomatiques avec le Souverain franc Charlemagne. Ce dialogue s’est avéré mutuellement bénéfique, en particulier lorsque Léon a couronné Charlemagne comme premier empereur romain d’Occident en trois siècles, le jour de Noël, en l’an 800 de notre ère. Il a été canonisé par le pape Clément XI en 1673.

Léon IX (1049-1054) fut un Pape réformateur qui renouvela l’exigence du célibat des clercs et éradiqua la simonie (vente de services ecclésiastiques), et d’autres formes de corruption. Cependant, son pontificat a été marqué par un affaiblissement des relations avec l’Église d’Orient, ce qui a conduit au Grand Schisme d’Occident au cours de la dernière année de son règne. Il a été canonisé 28 ans plus tard, en 1082 par le pape Grégoire VII.

Le Pape le plus important de cette « liste de Léons » est sans aucun doute saint Léon 1er (440-461), père latin et docteur de l’Église. Il fut le premier Pape à recevoir officiellement le titre de « Grand », suivi par saint Grégoire et saint Nicolas. La contribution la plus durable de saint Léon le Grand a été la doctrine de Jésus le Fils de Dieu : il a écrit de manière convaincante sur l’union dans la distinction des natures divine et humaine du Christ. Cette doctrine, appelée plus tard « union hypostatique », a été affirmée lors du concile de Chalcédoine en 451 et continue d’être la norme de la foi catholique jusqu’à aujourd’hui. La reconnaissance de sa sainteté est antérieure au processus officiel de canonisation, mais il est nommé docteur de l’unité de l’Église par le pape Benoît XIV en 1754.

Le pontificat extraordinairement long de 25 ans du pape Léon XIII a immédiatement suivi le pontificat encore plus long de 32 ans du bienheureux Pie IX. Au cours de son règne, il a promulgué des règles pour une musique plus simple et plus traditionnelle dans la liturgie, a entamé des relations plus constructives avec la nouvelle République italienne et a même composé la célèbre prière de Saint-Michel ! Il est peut-être mieux connu comme le père de l’enseignement social catholique moderne, qui commence officiellement avec son encyclique Rerum Novarum de 1891. Le 15 mai dernier était le 134e anniversaire de sa promulgation !

Cela nous amène au choix du nom du pape Léon XIV : Dans son discours au Collège des cardinaux lors de son élection, notre nouveau Pape a expliqué qu’il l’avait choisi

Principalement parce que le Pape Léon XIII, avec l’encyclique historique Rerum novarum, a abordé la question sociale dans le contexte de la première grande révolution industrielle ; et aujourd’hui l’Église offre à tous son héritage de doctrine sociale pour répondre à une autre révolution industrielle et aux développements de l’intelligence artificielle, qui posent de nouveaux défis pour la défense de la dignité humaine, de la justice et du travail.

Je reviendrai sur Rerum Novarum dans un autre article de blog. Surveillez notre blogue, et visitez https://slmedia.org/fr/pape, pour notre dernière couverture de cette quatorzième papauté léonine.

Discours du pape Léon XIV aux membres du corps diplomatique

Le pape Léon XIV salue un membre du corps diplomatique accrédité auprès du Saint-Siège. Photo avec l’aimable autorisation de Vatican Media.

Le mercredi 16 mai 2025, le pape Léon XIV s’est adressé aux membres du corps diplomatique accrédités auprès du Saint-Siège. Son discours réaffirme l’engagement du Saint-Siège à poursuivre la paix, la justice et la vérité dans son activité diplomatique, en disant que « dans [cette] activité diplomatique, le Saint-Siège est inspiré par une pastorale qui le conduit non pas à rechercher des privilèges, mais à renforcer sa mission évangélique au service de l’humanité ».

Consultez tous nos articles et la couverture du pape Léon XIV sur notre page :  slmedia.org/fr/pape-leon-xiv

 

DISCOURS DU PAPE LÉON XIV
AUX MEMBRES DU CORPS DIPLOMATIQUE ACCRÉDITÉ PRÈS LE SAINT-SIÈGE

Salle Clémentine
Vendredi 16 mai 2025

 

Lire le texte intégral du discours du Saint-Père aux membres du corps diplomatique ci-dessous. :

Éminence,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Que la paix soit avec vous !

Je remercie S.E. M. George Poulides, Ambassadeur de la République de Chypre et Doyen du Corps diplomatique, pour les paroles cordiales qu’il m’a adressées en votre nom à tous, et pour le travail inlassable qu’il poursuit avec la vigueur, la passion et l’amabilité qui le caractérisent. Ces qualités lui ont valu l’estime de tous mes prédécesseurs qu’il a rencontrés au cours de ces années de mission auprès du Saint-Siège, et en particulier du regretté Pape François.

Je voudrais également vous exprimer ma gratitude pour les nombreux messages de vœux qui ont suivi mon élection, ainsi que pour les messages de condoléances au décès du Pape François provenant aussi de pays avec lesquels le Saint-Siège n’entretient pas de relations diplomatiques. Il s’agit là d’une marque d’estime significative qui encourage à approfondir les relations mutuelles.

Dans notre dialogue, je voudrais que le sentiment d’appartenance à une famille prenne toujours le pas. En effet, la communauté diplomatique représente toute la famille des peuples, partageant les joies et les peines de la vie ainsi que les valeurs humaines et spirituelles qui l’animent. La diplomatie pontificale est, en effet, une expression de la catholicité même de l’Église et, dans son action diplomatique, le Saint-Siège est animé par une urgence pastorale qui le pousse non pas à rechercher des privilèges, mais à intensifier sa mission évangélique au service de l’humanité. Il combat toute indifférence et rappelle sans cesse les consciences, comme l’a fait inlassablement mon vénérable prédécesseur, toujours attentif au cri des pauvres, des nécessiteux et des marginalisés, mais aussi aux défis qui marquent notre temps, depuis la sauvegarde de la création jusqu’à l’intelligence artificielle.

En plus d’être le signe concret de l’attention que vos pays accordent au Siège Apostolique, votre présence aujourd’hui est pour moi un don qui permet de renouveler l’aspiration de l’Église – et la mienne personnelle – à rejoindre et à étreindre tous les peuples et toutes les personnes de cette terre, désireux et en quête de vérité, de justice et de paix ! D’une certaine manière, mon expérience de vie, qui s’est déroulée entre l’Amérique du Nord, l’Amérique du Sud et l’Europe, est représentative de cette aspiration à dépasser les frontières pour rencontrer des personnes et des cultures différentes.

Grâce au travail constant et patient de la Secrétairerie d’État, j’entends consolider la connaissance et le dialogue avec vous et vos pays, dont j’ai déjà eu la grâce d’en visiter un bon nombre au cours de ma vie, en particulier lorsque j’étais prieur général des Augustins. Je suis convaincu que la Divine Providence m’accordera d’autres occasions de rencontres avec les réalités dont vous êtes issus, me permettant ainsi de saisir les opportunités qui se présenteront pour confirmer la foi de tant de frères et sœurs dispersés à travers le monde, et pour construire de nouveaux ponts avec toutes les personnes de bonne volonté.

Dans notre dialogue, je voudrais que nous gardions à l’esprit trois mots clés qui constituent les piliers de l’action missionnaire de l’Église et du travail diplomatique du Saint-Siège.

Le premier mot est paix. Trop souvent, nous considérons ce mot comme “négatif”, c’est-à-dire comme la simple absence de guerre et de conflit, car l’opposition fait partie de la nature humaine et nous accompagne toujours, nous poussant trop souvent à vivre dans un “état de conflit” permanent : à la maison, au travail, dans la société. La paix semble alors n’être qu’une simple trêve, une pause entre deux conflits, car, malgré tous nos efforts, les tensions sont toujours présentes, un peu comme des braises qui couvent sous la cendre, prêtes à se rallumer à tout moment.

Dans la perspective chrétienne – comme dans d’autres expériences religieuses – la paix est avant tout un don le premier don du Christ : « Je vous donne ma paix » (Jn 14, 27). Elle est cependant un don actif, engageant, qui concerne et implique chacun de nous, indépendamment de notre origine culturelle et de notre appartenance religieuse, et qui exige avant tout un travail sur soi-même. La paix se construit dans le cœur et à partir du cœur, en déracinant l’orgueil et les revendications, et en mesurant son langage, car on peut blesser et tuer aussi par des mots, pas seulement par des armes.

Dans cette optique, je considère que la contribution que les religions et le dialogue interreligieux peuvent apporter pour favoriser des contextes de paix est fondamentale. Cela exige naturellement le plein respect de la liberté religieuse dans chaque pays, car l’expérience religieuse est une dimension fondamentale de la personne humaine, sans laquelle il est difficile, voire impossible, d’accomplir cette purification du cœur nécessaire pour construire des relations de paix.

À partir de ce travail, auquel nous sommes tous appelés, il est possible d’éradiquer les prémices de tout conflit et de toute volonté destructrice de conquête. Cela exige également une sincère volonté de dialogue, animée par le désir de se rencontrer plutôt que de s’affronter. Dans cette perspective, il est nécessaire de redonner un souffle à la diplomatie multilatérale et aux institutions internationales qui ont été voulues et conçues avant tout pour remédier aux conflits pouvant surgir au sein de la Communauté internationale. Bien sûr, il faut encore la volonté de cesser de produire des instruments de destruction et de mort, car, comme le rappelait le  pape François dans son dernier Message Urbi et Orbi, « aucune paix n’est possible sans véritable désarmement [et] le besoin de chaque peuple de pourvoir à sa propre défense ne peut se transformer en une course générale au réarmement » [1].

Le deuxième mot est justice. Poursuivre la paix exige de pratiquer la justice. Comme je l’ai déjà évoqué, j’ai choisi mon nom en pensant avant tout à Léon XIII, le Pape de la première grande encyclique sociale, Rerum novarum. Dans le changement d’époque que nous vivons, le Saint-Siège ne peut s’empêcher de faire entendre sa voix face aux nombreux déséquilibres et injustices qui conduisent, entre autres, à des conditions de travail indignes et à des sociétés de plus en plus fragmentées et conflictuelles. Il faut également s’efforcer de remédier aux inégalités mondiales, qui voient l’opulence et la misère creuser des fossés profonds entre les continents, entre les pays et même au sein d’une même société.

Il incombe à ceux qui ont des responsabilités gouvernementales de s’efforcer à construire des sociétés civiles harmonieuses et pacifiées. Cela peut être accompli avant tout en misant sur la famille fondée sur l’union stable entre un homme et une femme, « une société très petite sans doute, mais réelle et antérieure à toute société civile » [2]. En outre, personne ne peut se dispenser de promouvoir des contextes où la dignité de chaque personne soit protégée, en particulier celle des plus fragiles et des plus vulnérables, du nouveau-né à la personne âgée, du malade au chômeur, que celui-ci soit citoyen ou immigrant.

Mon histoire est celle d’un citoyen, descendant d’immigrés, lui-même émigré. Au cours de la vie, chacun d’entre nous peut se retrouver en bonne santé ou malade, avec ou sans emploi, dans sa patrie ou en terre étrangère : cependant sa dignité reste toujours la même, celle d’une créature voulue et aimée de Dieu.

Le troisième mot est vérité. On ne peut construire des relations véritablement pacifiques, même au sein de la Communauté internationale, sans vérité. Là où les mots revêtent des connotations ambiguës et ambivalentes ou le monde virtuel, avec sa perception altérée de la réalité, prend le dessus sans contrôle, il est difficile de construire des rapports authentiques, puisque les prémisses objectives et réelles de la communication font défaut.

Pour sa part, l’Église ne peut jamais se soustraire à son devoir de dire la vérité sur l’homme et sur le monde, en recourant si nécessaire à un langage franc qui peut au début susciter une certaine incompréhension. Mais la vérité n’est jamais séparée de la charité qui, à la racine, a toujours le souci de la vie et du bien de tout homme et de toute femme. D’ailleurs, dans la perspective chrétienne, la vérité n’est pas l’affirmation de principes abstraits et désincarnés, mais la rencontre avec la personne même du Christ qui vit dans la communauté des croyants. Ainsi, la vérité ne nous éloigne pas, mais au contraire elle nous permet d’affronter avec plus de vigueur les défis de notre temps comme les migrations, l’utilisation éthique de l’intelligence artificielle et la sauvegarde de notre Terre bien-aimée. Ce sont des défis qui exigent l’engagement et la collaboration de tous, car personne ne peut penser les relever seul.

Chers Ambassadeurs,

mon ministère commence au cœur d’une année jubilaire, dédiée d’une façon particulière à l’espérance. C’est un temps de conversion et de renouveau, mais surtout l’occasion de laisser derrière nous les conflits et d’emprunter un nouveau chemin, animés par l’espérance de pouvoir construire, en travaillant ensemble, chacun selon ses sensibilités et ses responsabilités, un monde dans lequel chacun pourra réaliser son humanité dans la vérité, dans la justice et dans la paix. Je souhaite que cela puisse se réaliser dans tous les contextes, à commencer par les plus éprouvés, comme celui de l’Ukraine et de la Terre Sainte.

Je vous remercie pour tout le travail que vous accomplissez afin de construire des ponts entre vos pays et le Saint-Siège, et de tout cœur je vous bénis, ainsi que vos familles et vos peuples. Merci !

[Bénédiction]

Et merci pour tout le travail que vous accomplissez !

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

Discours du pape Léon XIV aus participants au Jubilé des Églises orientale

Photo de Sel + Lumière Média

Le 14 mai 2025, le pape Léon XIV a accueilli les participants au Jubilé des Églises orientales à Rome. Dans un discours empreint de fraternité, il a salué la richesse spirituelle des traditions orientales et souligné leur rôle essentiel dans l’Église universelle, en appelant à préserver cet héritage, notamment pour les communautés en diaspora.

Consultez tous nos articles et la couverture du pape Léon XIV sur notre page :  slmedia.org/fr/pape-leon-xiv

 

DISCOURS DU PAPE LÉON XIV
AUX PARTICIPANTS AU JUBILÉ DES ÉGLISES ORIENTALES 

Salle Paul VI
Mercredi 14 mai 2025

Lire le texte intégral du discours du Saint-Père aux participants au Jubilé des Églises Orientales ci-dessous. :

Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, que la paix soit avec vous !

Béatitudes, Éminence, Excellences,
chers prêtres, consacrés et consacrées,
frères et sœurs,

Le Christ est ressuscité. Il est vraiment ressuscité ! Je vous salue avec les paroles que, dans de nombreuses régions, l’Orient chrétien ne se lasse pas de répéter en ce temps pascal, professant ainsi le noyau central de la foi et de l’espérance. Et il est beau de vous voir ici, précisément à l’occasion du Jubilé de l’espérance dont la résurrection de Jésus est le fondement indestructible. Bienvenue à Rome ! Je suis heureux de vous rencontrer et de consacrer aux fidèles orientaux l’une des premières audiences de mon pontificat.

Vous êtes précieux. En vous regardant, je pense à la diversité de vos origines, à l’histoire glorieuse et aux dures souffrances que beaucoup de vos communautés ont endurées ou endurent encore. Et je voudrais répéter ce que le Pape François a dit à propos des Églises orientales : « Ce sont des Églises qu’il faut aimer : elles préservent des traditions spirituelles et sapientielles uniques, et ont beaucoup à nous dire sur la vie chrétienne, la synodalité, la liturgie ; pensons aux Pères anciens, aux conciles, au monachisme : ce sont des trésors inestimables pour l’Église » (Discours aux participants à l’Assemblée de la ROACO, 27 juin 2024).

Je voudrais également citer le Pape Léon XIII qui fut le premier à consacrer un document spécifique à la dignité de vos Églises, en raison du fait que “l’œuvre de la rédemption humaine a commencé en Orient” (cf. Lett. apOrientalium dignitas, 30 novembre 1894). Oui, vous avez « un rôle unique et privilégié, dans la mesure où il constitue le cadre originel de l’Église naissante » (S. Jean-Paul II, Lett. ap. Orientale lumen, n. 5). Il est significatif que certaines de vos liturgies – que vous célébrez solennellement ces jours-ci à Rome selon les différentes traditions – utilisent encore la langue du Seigneur Jésus. Mais le Pape Léon XIII lança un appel émouvant afin que « la légitime diversité de la liturgie et de la discipline orientales […] redonne […] une grande dignité et une grande valeur à l’Église » (Lett. ap. Orientalium dignitas). Sa préoccupation d’alors est très actuelle, car aujourd’hui, beaucoup de nos frères et sœurs orientaux, dont plusieurs d’entre vous, contraints de fuir leur terre d’origine à cause de la guerre et des persécutions, de l’instabilité et de la pauvreté, risquent, en arrivant en Occident, de perdre, outre leur patrie, leur identité religieuse. C’est ainsi qu’au fil des générations, le patrimoine inestimable des Églises Orientales se perd.

Il y a plus d’un siècle, Léon XIII remarquait que « la conservation des rites orientaux est plus importante qu’on ne le croit » et, à cette fin, il prescrivait même que « tout missionnaire latin, du clergé séculier ou régulier, qui, par ses conseils ou son aide, attirait un Oriental vers le rite latin » serait « destitué et exclu de sa charge » (ibid.). Nous accueillons l’appel à préserver et à promouvoir l’Orient chrétien, en particulier dans la diaspora, où il y est nécessaire de sensibiliser les Latins ; en plus de la création, lorsque cela est possible et opportun, de circonscriptions orientales. En ce sens, je demande au Dicastère pour les Églises Orientales, que je remercie pour son travail, de m’aider à définir des principes, des normes, des lignes directrices grâce auxquels les Pasteurs latins pourront concrètement soutenir les catholiques orientaux de la diaspora afin de préserver leurs traditions vivantes et d’enrichir par leur spécificité le contexte dans lequel ils vivent.

L’Église a besoin de vous. Quelle contribution importante peut nous apporter aujourd’hui l’Orient chrétien ! Combien nous avons besoin de retrouver le sens du mystère, si vivant dans vos liturgies qui impliquent la personne humaine dans sa totalité, chantent la beauté du salut et suscitent l’émerveillement devant la grandeur divine qui embrasse la petitesse humaine ! Et combien il est important de redécouvrir, même dans l’Occident chrétien, le sens de la primauté de Dieu, la valeur de la mystagogie, de l’intercession incessante, de la pénitence, du jeûne, des larmes pour ses propres péchés et pour ceux de toute l’humanité (penthos), si typiques des spiritualités orientales ! Il est donc fondamental de préserver vos traditions sans les édulcorer ne serait-ce que par commodité, afin qu’elles ne soient pas corrompues par un esprit consumériste et utilitariste.

Vos spiritualités, anciennes et toujours nouvelles, sont un remède. Le sens dramatique de la misère humaine s’y confond avec l’émerveillement devant la miséricorde divine, de sorte que nos bassesses ne provoquent pas le désespoir mais invitent à accueillir la grâce d’être des créatures guéries, divinisées et élevées aux hauteurs célestes. Nous devons louer et remercier sans cesse le Seigneur pour cela. Avec vous, nous pouvons prier avec les paroles de saint Éphrem le Syrien et dire à Jésus : « Gloire à toi qui as fait de ta croix un pont sur la mort. […] Gloire à toi qui t’es revêtu du corps de l’homme mortel et l’as transformé en source de vie pour tous les mortels » (Discours sur le Seigneur, 9). C’est un don à demander que de voir la certitude de Pâques dans chaque épreuve de la vie et de ne pas perdre courage en se rappelant, comme l’écrivait un autre Père oriental, que « le plus grand péché est de ne pas croire aux énergies de la Résurrection » (Saint Isaac De Ninive, Sermons ascétiques, I, 5).

Qui donc, plus que vous, pourrait chanter des paroles d’espérance dans l’abîme de la violence ? Qui plus que vous, qui connaissez de près les horreurs de la guerre, au point que le Pape François a qualifié vos Églises de « martyres » (Discours à la ROACO, cit.) ? C’est vrai : de la Terre Sainte à l’Ukraine, du Liban à la Syrie, du Moyen-Orient au Tigré et au Caucase, quelle violence ! Et sur toute cette horreur, sur les massacres de tant de jeunes vies qui devraient provoquer l’indignation car ce sont des personnes qui meurent au nom de la conquête militaire, se détache un appel : non pas tant celui du Pape, mais celui du Christ, qui répète : « La paix soit avec vous ! » (Jn 20, 19.21.26). Et il précise : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne » (Jn 14, 27). La paix du Christ n’est pas le silence de mort après le conflit, elle n’est pas le résultat de l’oppression, mais un don qui concerne les personnes et réactive leur vie. Prions pour cette paix qui est réconciliation, pardon, courage de tourner la page et de recommencer.

Je mettrai tout en œuvre pour que cette paix se répande. Le Saint-Siège est disponible pour que les ennemis se rencontrent et se regardent dans les yeux, pour que les peuples retrouvent l’espérance et la dignité qui leur reviennent, la dignité de la paix. Les peuples veulent la paix et, la main sur le cœur, je dis aux responsables des peuples : rencontrons-nous, dialoguons, négocions ! La guerre n’est jamais inévitable, les armes peuvent et doivent se taire, car elles ne résolvent pas les problèmes, elles les aggravent ; ce sont ceux qui sèment la paix qui passeront à la postérité, pas ceux qui font des victimes ; les autres ne sont pas d’abord des ennemis, mais des êtres humains : pas des méchants à haïr, mais des personnes avec qui parler. Fuyons les visions manichéennes typiques des récits violents qui divisent le monde entre bons et méchants.

L’Église ne se lassera pas de répéter : que les armes se taisent. Et je voudrais remercier Dieu pour tous ceux qui, dans le silence, dans la prière, dans le don de soi, tissent des liens de paix, ainsi que les chrétiens – orientaux et latins – qui, surtout au Moyen-Orient, persévèrent et résistent sur leurs terres, plus forts que la tentation d’abandonner ces terres. Il faut donner aux chrétiens la possibilité, et pas seulement en paroles, de rester sur leurs terres avec tous les droits nécessaires à une existence sûre. Je vous en prie, engagez-vous pour cela !

Et merci, merci à vous, chers frères et sœurs d’Orient, où est né Jésus, Soleil de justice, d’être “lumières du monde” (cf. Mt 5, 14). Continuez à briller par la foi, l’espérance et la charité, et par rien d’autre. Que vos Églises soient un exemple, et que les Pasteurs promeuvent avec droiture la communion, surtout dans les Synodes des Évêques, afin qu’ils soient des lieux de collégialité et d’authentique coresponsabilité. Veillez à la transparence dans la gestion des biens, témoignez d’un dévouement humble et total au saint peuple de Dieu, sans attachement aux honneurs, aux pouvoirs du monde et à votre propre image. Saint Siméon le Nouveau Théologien en donnait un bel exemple : « De même que quelqu’un qui jette de la poussière sur la flamme d’un fourneau allumé l’éteint, de même les soucis de cette vie et tout attachement à des choses mesquines et sans valeur détruisent la chaleur du cœur enflammé au commencement » (Chapitres pratiques et théologiques, 63). La splendeur de l’Orient chrétien demande aujourd’hui plus que jamais d’être libérée de toute dépendance mondaine et de toute tendance contraire à la communion, afin d’être fidèle à l’obéissance et au témoignage évangéliques.

Je vous en remercie et je vous bénis de tout cœur, en vous demandant de prier pour l’Église et d’élever vos puissantes prières d’intercession pour mon ministère. Merci !

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

Discours du pape Léon XIV aux représentants des médias

Le pape Léon XIV s’adressant le lundi 12 mai aux représentants des médias : « Désarmons la communication de tout préjugé, rancœur, fanatisme et haine ; purifions-la de toute agression. Nous n’avons pas besoin d’une communication tonitruante et musclée, mais plutôt d’une communication capable d’écouter, de recueillir la voix des faibles qui n’ont pas de voix. Désarmons les mots et contribuons à désarmer la Terre. »

Consultez tous nos articles et la couverture du conclave, l’interrègne papal et l’eléction du pape Léon XIV sur notre page : https://slmedia.org/fr/papaute

Lire le texte intégral du discours du Saint-Père aux représentants des médias ci-dessous. :

Bonjour, et merci pour cet accueil formidable ! On dit que les applaudissements au début n’ont  pas beaucoup d’importance… Si vous êtes encore réveillés à la fin et que vous avez encore envie  d’applaudir… Merci beaucoup !

Frères et sœurs ! 

Je vous souhaite la bienvenue, représentants des médias du monde entier. Je vous remercie pour  le travail que vous avez accompli et que vous accomplissez en ce moment, qui est essentiellement un  temps de grâce pour l’Église. 

Dans le « Discours sur la montagne », Jésus a proclamé : « Heureux les artisans de paix » (Mt 5, 9). Il s’agit d’une béatitude qui nous interpelle tous et qui vous concerne particulièrement, appelant  chacun à s’engager à promouvoir une communication différente, qui ne recherche pas le consensus à  tout prix, qui ne se revêt pas de mots agressifs, qui n’épouse pas le modèle de la compétition, qui ne  sépare jamais la recherche de la vérité de l’amour avec lequel nous devons humblement la rechercher.  La paix commence par chacun de nous : par la manière dont nous regardons les autres, dont nous les  écoutons, dont nous parlons d’eux ; et, en ce sens, la manière dont nous communiquons est d’une  importance fondamentale : nous devons dire « non » à la guerre des mots et des images, nous devons  rejeter le paradigme de la guerre. 

Permettez-moi donc de réaffirmer aujourd’hui la solidarité de l’Église avec les journalistes  emprisonnés pour avoir recherché à rapporter la vérité, et par ces paroles, de demander la libération de ces journalistes emprisonnés. L’Église reconnaît dans ces témoins – je pense à ceux qui racontent  la guerre au prix de leur vie – le courage de ceux qui défendent la dignité, la justice et le droit des  peuples à être informés, car seuls des peuples informés peuvent faire des choix libres. La souffrance  de ces journalistes emprisonnés interpelle la conscience des nations et de la communauté  internationale, nous appelant tous à préserver le bien précieux que sont la liberté d’expression et la  liberté de la presse. 

Merci, chers amis, pour votre service à la vérité. Vous avez été à Rome ces dernières semaines  pour raconter l’Église, sa diversité et, en même temps, son unité. Vous avez accompagné les rites de  la Semaine Sainte ; vous avez ensuite raconté la douleur causée par la mort du pape François, survenue  cependant dans la lumière de Pâques. Cette même foi pascale nous a introduits dans l’esprit du  Conclave, qui vous a vu particulièrement engagés pendant ces journées fatigantes ; et, même en cette  occasion, vous avez su raconter la beauté de l’amour du Christ qui nous unit tous et fait de nous un  seul peuple, guidé par le Bon Pasteur. 

Nous vivons des temps difficiles à traverser et à raconter, qui représentent un défi pour nous  tous et que nous ne devons pas fuir. Au contraire, ils exigent de chacun, dans nos différents rôles et  services, de ne jamais céder à la médiocrité. L’Église doit relever le défi de son temps et, de la même  manière, il ne peut y avoir de communication et de journalisme hors du temps et de l’histoire. Comme  nous le rappelle saint Augustin, qui disait : « Vivons bien, et les temps seront bons. Nous sommes les  temps » (Discours 311). 

Merci donc pour ce que vous avez fait pour sortir des stéréotypes et des lieux communs à travers  lesquels nous lisons souvent la vie chrétienne et la vie même de l’Église. Merci d’avoir su saisir  l’essentiel de ce que nous sommes et de l’avoir transmis par tous les moyens au monde entier. 

Aujourd’hui, l’un des défis les plus importants est de promouvoir une communication capable  de nous faire sortir de la « tour de Babel » dans laquelle nous nous trouvons parfois, de la confusion  des langages sans amour, souvent idéologiques ou partisans. C’est pourquoi votre service, avec les  mots que vous utilisez et le style que vous adoptez, est important. En effet, la communication n’est  pas seulement la transmission d’informations, mais aussi la création d’une culture, d’environnements  humains et numériques qui deviennent des espaces de dialogue et de confrontation. Et si l’on  considère l’évolution technologique, cette mission devient encore plus nécessaire. Je pense en  particulier à l’intelligence artificielle, avec son immense potentiel, qui exige toutefois responsabilité  et discernement pour orienter les outils vers le bien de tous, afin qu’ils puissent produire des bénéfices  pour l’humanité. Et cette responsabilité concerne tout le monde, proportionnellement à l’âge et aux  rôles sociaux. 

Chers amis, nous apprendrons avec le temps à mieux nous connaître. Nous avons vécu – nous  pouvons le dire ensemble – des jours vraiment particuliers. Nous les avons partagés avec tous les  moyens de communication : la télévision, la radio, le web, les réseaux sociaux. Je souhaite vivement 

que chacun de nous puisse dire qu’ils nous ont révélé un peu du mystère de notre humanité et qu’ils  nous ont laissé un désir d’amour et de paix. C’est pourquoi je vous répète aujourd’hui l’invitation  lancée par le pape François dans son dernier message pour la prochaine Journée mondiale des  communications sociales : désarmons la communication de tout préjugé, rancœur, fanatisme et haine ;  purifions-la de toute agressivité. Nous n’avons pas besoin d’une communication bruyante, musclée,  mais plutôt d’une communication capable d’écouter, de recueillir la voix des faibles qui n’ont pas de  voix. Désarmons les mots et nous contribuerons à désarmer la Terre. Une communication désarmée  et désarmante nous permet de partager un regard différent sur le monde et d’agir en cohérence avec  notre dignité humaine. 

Vous êtes en première ligne pour raconter les conflits et les espoirs de paix, les situations  d’injustice et de pauvreté, ainsi que le travail silencieux de tant de personnes pour un monde meilleur.  C’est pourquoi je vous demande de choisir avec conscience et courage la voie d’une communication  de paix. 

Merci. Que Dieu vous bénisse ! Et au revoir.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

Élever son enfant à l’exemple de Carlo Acutis

Ma fille entrain de prier à la cathédrale de saint Maron à Montréal

Ma fille est entrain de prier à la cathédrale de saint Maron à Montréal

Élever son enfant dans la foi chrétienne est un beau défi au quotidien, mais aussi une véritable épreuve dans un monde où les distractions numériques sont partout. Chaque jour, nous faisons face à des choix qui influencent la manière dont nos enfants grandissent, ce qu’ils regardent, ce qu’ils apprennent et ce qui façonne leur vision du monde.

Ma fille de 9 ans a fait sa première communion l’année dernière, un moment rempli de joie et de foi pour elle comme pour nous. C’était un temps de grâce, où elle a pris conscience de l’importance de sa relation avec Dieu et de la force de la prière. Jusqu’à l’âge de 7 ans, nous avons fait le choix de la garder éloignée des écrans, non pas par opposition à la technologie, mais parce que nous voulions lui offrir un environnement où l’imaginaire, la lecture, les jeux et les échanges en famille occupaient une place centrale. Nous avons privilégié les histoires du soir, les jeux de société, les sorties en plein air, et ce temps nous a permis de tisser des liens forts avec elle.

Mais aujourd’hui, la réalité nous rattrape. Ses amis sont de plus en plus nombreux à posséder une tablette ou un téléphone, à passer du temps sur des jeux en ligne ou à regarder des vidéos à longueur de journée. Lorsqu’elle revient de l’école, elle nous raconte que tel camarade joue à Roblox, que telle amie a une chaîne YouTube favorite ou possède un compte TikTok, et qu’elle se sent parfois mise à l’écart parce qu’elle ne connaît pas ces références. La pression sociale commence à se faire sentir : « Pourquoi moi je n’ai pas le droit alors que tout le monde le fait ? »

C’est un dilemme auquel de nombreux parents sont confrontés : comment poser des limites sans que notre enfant ait l’impression d’être exclu.e de son cercle d’ami.es ? Comment lui expliquer que nos choix éducatifs ne sont pas une punition, mais une manière de l’aider à grandir avec discernement ?

Nous avons donc cherché des alternatives. Plutôt que de diaboliser les écrans, nous avons commencé à l’orienter vers des applications et des contenus enrichissants : le dessin numérique, l’apprentissage des langues, et bien sûr, des applications axées sur la foi. Mais même en proposant ces solutions, le défi demeure. L’attrait du divertissement instantané, des vidéos virales et des jeux en ligne reste fort, et il nous faut sans cesse l’accompagner, lui expliquer, et surtout lui donner l’exemple par notre propre usage des écrans.

 

Carlo Acutis : Un modèle pour la jeunesse connectée

Dans cette quête d’un équilibre entre foi et numérique, un exemple m’est venu en tête : Carlo Acutis. Ce jeune Italien, qui sera canonisé à la fin du mois, est un modèle fascinant pour notre époque. Né en 1991 à Londres, il a grandi à Milan dans une famille ordinaire ; mais très tôt, il a montré un attachement particulier à la foi. Dès son plus jeune âge, il avait une profonde dévotion pour l’Eucharistie et assistait à la messe quotidiennement, ce qui est peu commun pour un enfant de son âge.

Mais Carlo n’était pas un enfant coupé du monde moderne. Passionné d’informatique, il a appris seul à programmer, à créer des sites web et à utiliser la technologie pour une cause bien plus grande que le simple divertissement. À l’âge de 11 ans, il a entrepris un projet ambitieux : créer une plateforme en ligne pour recenser et documenter les miracles eucharistiques du monde entier. Son objectif ? Partager avec le plus grand nombre la beauté et la vérité de la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie, en utilisant les outils numériques à bon escient.

Malgré son amour pour la technologie, il ne s’est jamais laissé absorber par elle au détriment de sa relation avec Dieu et les autres. Il avait conscience du danger d’une vie dominée par les écrans et mettait un point d’honneur à limiter son propre usage des technologies. Il disait souvent :

« L’Eucharistie est mon autoroute vers le ciel. »

Et aussi cette phrase devenue célèbre :

« Tous naissent comme des originaux, mais beaucoup meurent comme des photocopies. »

Ces paroles résonnent particulièrement dans un monde où les jeunes sont souvent influencés par les tendances des réseaux sociaux, cherchant à imiter plutôt qu’à cultiver leur propre identité.

À 15 ans, Carlo est tombé malade d’une leucémie foudroyante. Malgré la douleur, il a accepté sa maladie avec une foi inébranlable, offrant ses souffrances pour l’Église et pour le Pape. Il est décédé en 2006, laissant derrière lui un témoignage puissant de sainteté accessible, enracinée dans la vie quotidienne et dans une utilisation vertueuse de la technologie.

Lorsque j’ai parlé de Carlo Acutis à ma fille, elle a été intriguée. Elle a lu son histoire et a été surprise de voir qu’un jeune si proche d’elle en âge avait réussi à concilier foi et technologie de manière inspirante. Cela l’a fait réfléchir sur sa propre utilisation des écrans et lui a donné envie d’en apprendre plus sur la manière dont elle pourrait aussi utiliser le numérique pour quelque chose de plus grand que le simple divertissement.

 

Comment guider nos enfants dans un monde ultra-connecté ?

L’exemple de Carlo Acutis m’a confortée dans l’idée qu’il est possible d’utiliser le numérique intelligemment, sans sacrifier les valeurs chrétiennes. Plutôt que de voir les écrans uniquement comme un danger, je réalise qu’ils peuvent aussi être un outil puissant d’apprentissage, de créativité et même d’évangélisation. Mais pour cela, un cadre clair et une guidance bienveillante sont essentiels. Voici quelques principes que j’essaie d’appliquer avec ma fille :

 

1. Encadrer et orienter l’usage des écrans

L’interdiction totale des écrans n’est plus une solution viable lorsque nos enfants grandissent dans un monde où le numérique fait partie de leur quotidien. Plutôt que de bannir complètement la technologie, nous avons choisi de l’encadrer en établissant des règles claires :

  • Limiter le temps d’écran et privilégier les moments en famille, comme les repas, sans distractions numériques.
  • Choisir ensemble des contenus enrichissants, qu’il s’agisse d’applications éducatives, de documentaires, ou même de dessins animés portant sur des valeurs positives.
  • Impliquer l’enfant dans le choix des médias pour lui apprendre à discerner ce qui est bénéfique de ce qui est superflu ou nuisible.

Nous avons par exemple exploré des applications chrétiennes interactives, des jeux qui stimulent la réflexion, et des chaînes YouTube éducatives qui abordent la foi de manière accessible. L’idée est de montrer à ma fille qu’il existe un autre usage des écrans que le simple divertissement passif.

 

2. Favoriser les discussions sur les influences numériques

Les enfants sont influencés par ce qu’ils voient en ligne, que ce soit sur YouTube, les réseaux sociaux ou les jeux vidéo. Même sans accès direct aux plateformes populaires, ils entendent parler de certaines tendances et veulent comprendre ce qui les entoure.

C’est pourquoi, je prends le temps de discuter avec ma fille des contenus qu’elle rencontre : Pourquoi certaines vidéos sont-elles conçues pour capter notre attention en permanence ? Pourquoi tant de jeunes veulent imiter des influenceurs et des influenceuses ? Quels sont les dangers des défis viraux ou des interactions en ligne ?

L’objectif n’est pas de diaboliser le numérique, mais d’éveiller son esprit critique. Je l’encourage à me poser des questions et à exprimer son ressenti face aux images et aux messages qu’elle découvre.

 

3. Valoriser le temps passé hors écran

Les écrans sont captivants, mais ils ne doivent pas remplacer les expériences de la vie réelle. Nous avons donc instauré des moments dédiés aux activités non numériques :

  • La lecture, qui nourrit l’imagination et la réflexion.
  • Le dessin et la musique, qui permettent d’exprimer sa créativité.
  • Le jeu en plein air, essentiel pour le développement physique et émotionnel.
  • La prière et la participation à la vie de l’Église, qui l’aident à ancrer sa foi dans le quotidien.

Carlo Acutis lui-même alternait entre sa passion pour l’informatique et des activités qui nourrissaient son âme et son corps, telles que la messe, la charité envers les plus pauvres, le temps en famille et les activités sportives.

 

4. Présenter des modèles positifs

Un autre aspect qui me conforte dans l’importance d’une éducation chrétienne, c’est l’impact qu’elle peut avoir dans les moments difficiles. Ma fille a été intimidée à l’école, et cette période a été particulièrement éprouvante pour elle. Voir son enfant souffrir à cause des autres est une douleur immense pour un parent, et j’ai mis en pratique tous les moyens possibles pour l’aider à surmonter cela.

C’est finalement dans la catéchèse et dans sa foi qu’elle a trouvé une véritable force intérieure. Elle a découvert, à travers les histoires bibliques et les Enseignements de l’Église, que même les saints ont traversé des épreuves et qu’ils ont trouvé leur réconfort en Dieu. L’exemple de Jésus lui-même, qui a connu l’injustice et le rejet, l’a aidée à comprendre qu’elle n’était pas seule et que sa valeur ne dépendait pas du regard des autres.

Nous avons également discuté de la manière dont Carlo Acutis voyait les choses : il disait souvent que notre véritable but dans la vie est d’être proche de Dieu et que ce qui importe, ce n’est pas ce que les autres pensent de nous, mais la façon dont nous choisissons d’aimer et de faire le bien autour de nous.

Sa foi l’a aidée à reprendre confiance en elle, à pardonner et à avancer sans se laisser définir par la douleur qu’elle avait vécue. Aujourd’hui, elle comprend mieux que la vraie force ne réside pas dans la popularité ou l’approbation des autres, mais dans la paix intérieure et la certitude d’être aimée de Dieu.

Dans un monde où les influenceurs, les influenceuses et les célébrités dictent souvent les tendances, il est essentiel de proposer aux enfants d’autres figures d’inspiration. Carlo Acutis en est un parfait exemple : un adolescent passionné par la technologie, mais profondément ancré dans sa foi.

J’essaie de montrer à ma fille qu’il existe des jeunes qui utilisent leur talent pour quelque chose de plus grand que la simple recherche de likes ou de vues. Nous avons lu ensemble des histoires de saints contemporains, de jeunes engagés dans des causes humanitaires et d’enfants qui font une différence autour d’eux. Un rituel aussi fait partie de sa vie quotidienne ;  elle a appris à prier tous les jours avant d’aller se coucher.

En avril 2025, le pape François a souligné l’importance d’une utilisation responsable des nouvelles technologies. Il a exhorté à ce que leur usage « ne remplace pas les relations humaines, respecte la dignité des personnes et aide à affronter les crises de notre temps  ».  Cette réflexion résonne particulièrement dans notre démarche d’accompagner nos enfants dans un monde numérique, en veillant à ce que la technologie serve de pont vers des relations authentiques plutôt que de barrière. 

L’éducation chrétienne à l’ère du numérique est un défi, mais aussi une opportunité. En guidant nos enfants avec bienveillance et discernement, nous pouvons leur montrer que la technologie n’est pas une menace, mais un outil qui, bien utilisé, peut les aider à grandir dans la foi.

Comment naviguer le monde de l’intelligence artificielle en tant que chrétiens ?

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Qu’est-ce que l’Église enseigne en matière de l’intelligence artificielle, ou l’IA ? En tant que chrétiens dans le monde d’aujourd’hui, comment appréhendons-nous le domaine en pleine expansion de l’IA ?

En janvier 2025, le Dicastère pour la doctrine de la foi au Vatican a publié un document intitulé Antiqua et nova, ce qui signifie en latin « ancien et nouveau ». 

Il s’agit d’une Note sur les relations entre l’intelligence artificielle et l’intelligence humaine. Ce document commence par affirmer que l’Église encourage le développement de la science, de la technologie et d’autres formes d’ingéniosité humaine. Il nous rappelle que nos capacités humaines et notre créativité sont un don de Dieu. Lorsque nous les utilisons à bon escient, nous reflétons la sagesse de Dieu et collaborons avec lui à l’œuvre de la création. 

Le document déclare que, comme toute invention humaine, « l’IA peut être utilisée à des fins positives ou négatives ». Elle peut être utilisée de manière à respecter et à promouvoir le bien-être des êtres humains et le bien commun de la société. Le document souligne ici le principe fondamental de la responsabilité morale que nous avons, en tant qu’êtres humains, de toujours utiliser la technologie d’une manière qui soit ordonnée vers le bien des personnes réelles et non contre elles.  

Cette responsabilité incombe en premier lieu à ceux qui créent, conçoivent et gèrent les systèmes d’IA, mais elle s’étend également à ceux d’entre nous qui utilisent l’IA sous ses diverses formes. Il nous appartient d’utiliser la technologie de manière éthique. Nous ne sommes pas impuissants face à l’océan de technologies qui nous entoure. Nous avons le choix de la manière dont nous utilisons la technologie et dont nous nous informons des effets qu’elle a, non seulement sur nous-mêmes, mais aussi sur les autres.   

En ce sens, il est important de veiller à ce que l’IA soit utilisée d’une manière qui ne nous prive pas de notre pouvoir en tant qu’êtres humains. L’objectif de l’IA ne peut en aucun cas être de remplacer l’humanité par des robots ou de subordonner les intérêts humains à ce que les algorithmes et les machines nous disent être le mieux. 

Les implications de l’IA sont nombreuses et nécessiteront une réflexion approfondie et des mesures de protection efficaces dans les années à venir. Dans ce document, le Vatican souligne la nécessité de défendre la vérité contre la menace de la désinformation, de la manipulation et des « deepfakes ». Il est également nécessaire de protéger la vie privée, afin d’éviter de se retrouver dans un État omniscient où tout ce que nous faisons est constamment surveillé. Mettre l’IA au service de l’humanité signifie également prêter attention à la manière dont elle affecte notre économie et le marché du travail, en veillant à ce que les gens aient du travail et ne se retrouvent pas au chômage. Il est également important d’éviter la prolifération de l’IA dans les conflits armés, afin qu’elle ne soit pas utilisée comme une arme pour commettre des atrocités. 

Si l’IA peut imiter l’intelligence humaine qui l’a conçue, elle ne pourra jamais remplacer ce que nous sommes en tant qu’êtres humains et le rôle que Dieu nous a donné dans l’univers. De même, aucune technologie ne pourra jamais prétendre se substituer à Dieu, qui est à l’œuvre, avec nous, au service de la vérité et du bien commun de l’humanité. 

Regarder nos enfants, percevoir le regard de Dieu sur nous

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Si avoir un bébé peut être une période mouvementée, c’est aussi un temps rempli de clins d’œil de Dieu. C’est ce que j’ai vécu ces derniers mois, depuis que nous avons accueilli notre premier enfant. 

Tout de suite après sa naissance, notre fille a été emmenée dans la salle d’observation pour y subir des examens, et j’ai pu l’accompagner. Mon instinct le plus fort, en regardant notre bébé pour la première fois, était de m’assurer qu’elle ne se sente pas seule, qu’elle ne pense pas que nous l’avions abandonnée. J’ai fait tout ce que j’ai pu pour la rassurer, en lui répétant alors qu’elle ouvrait les yeux pour la première fois : « Ne t’inquiète pas, nous sommes là, avec toi. » A ce moment, j’ai réalisé que c’est ainsi que Dieu doit être avec nous : toujours désireux de nous rassurer sur sa présence, de nous entourer de sa proximité et de nous rappeler à quel point il est proche de nous, à quel point il ne nous abandonne jamais. 

Puis vint le moment du premier changement de couche. J’avais changé les couches de mes jeunes frères et de divers enfants que j’avais gardés au fil des ans, mais c’était il y a une vingtaine d’années. En la nettoyant, je n’ai pas pu m’empêcher de penser que Dieu fait de même avec nous. Dans un certain sens, la confession et le fait de recevoir le pardon de Dieu ne sont-ils pas en fait comme un changement de couche divin, enlevant tout ce qui est dégoûtant et qui s’accroche à nous afin de nous rendre frais et propres à nouveau ?

Comme nous, les adultes, les bébés peuvent passer par des montagnes russes émotionnelles au quotidien. Ils peuvent sourire et rire avec délice, puis pleurer de façon incontrôlée comme si c’était la fin du monde. En tant que parents, nous voulons être présents dans les hauts et les bas, même si les hauts sont beaucoup plus agréables et moins angoissants ! J’ai été tellement émerveillée de voir notre petite fille commencer à sourire, à rire et à babiller. Lorsque je la regarde dans les yeux et que je lui souris, je me dis que Dieu fait exactement la même chose avec nous. Il nous regarde et se réjouit, voyant en nous l’image de son Fils et nous reconnaissant comme ses fils et ses filles. Il en va de même tard dans la nuit, lorsque notre fille se met à pleurer dans son berceau, alors qu’on pensait qu’elle était enfin endormie. Bien que l’on ait d’abord envie de ne rien faire, on ne peut s’empêcher de vouloir être là pour elle, pour la réconforter jusqu’à ce qu’elle s’endorme. C’est pareil lorsqu’elle crie à tue-tête, même si on ne sait pas pourquoi. Il en va de même lorsque nous sommes au bout du rouleau, lorsque nous sommes tristes, bouleversés ou inconsolables – Dieu est là avec nous. Il ne règle pas toujours le problème tout de suite, mais il reste près de nous, il nous porte dans ce que nous vivons, il nous berce doucement, il nous chante des chansons douces et il nous donne des signes de son amour fidèle.

L’aventure d’être parent ne fait que commencer pour mon épouse et moi, mais ce chemin qui s’ouvre devant nous me fait déjà prendre conscience, sous un jour nouveau, de « la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur » de l’amour de Dieu (Éphésiens 3,18). Que ce soit dans les moments de joie pure, en se réjouissant des moments de toute beauté, ou dans les heures qui exigent de la patience pour persévérer à travers les larmes de la nuit, les parents ont la possibilité d’apercevoir en regardant leurs enfants le regard de Dieu sur chacun de nous.

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