Le Carême à l’ère numérique

(Photo: courtoisie de Pixabay)

Cette année, dans son homélie du Mercredi des cendres le Pape a prononcé une parole très évocatrice: Le voyage du Carême est un exode, un exode de l’esclavage à la liberté. Quelle formes d’esclavage pouvons-nous vivre aujourd’hui, alors que les droits et libertés de chacun sont reconnus et la communication est sans limites? La réponse se trouve à même certaines servitudes cachées, certaines tendances subtiles de notre époque qui nous affectent tous à certains degrés. Si l’ère du numérique nous a apporté un grand progrès, elle a aussi eu des conséquences sur notre contact avec Dieu et sa création. 

Les tentations numériques

Si nous pouvions mettre tout notre temps à nous rapprocher de Dieu, en évitant toute forme de distraction, nous pourrions goûter plus profondément à l’expérience de son Amour inconditionnel. Déjà, en étant marqués par le péché, nous avons toutes sortes de tentations qui nous éloignent naturellement de cette relation privilégiée. Nous tombons dans de nombreux excès d’orgueil, de gourmandise, d’avarice, etc. 

Il existe cependant des sources de distraction qui sont propres à notre époque, qui stimulent notre sens de la récompense instantanée: les téléphones intelligents, les jeux électroniques et les médias sociaux. Ayant émergé comme des outils permettant de faciliter la communication et le loisir, ces technologies se sont vite avérées être des sources de distraction sans fond qui absorbent chaque once d’attention que nous possédons. 

De plus, les médias sociaux affectent particulièrement l’image personnelle de nombreux adolescents et adolescentes. Au moment de la transformation physique la plus importante de leur vie, ceux-ci trouvent des millions de personnes auxquelles se comparer et qui sont susceptibles de juger leur apparence. Les réseaux sociaux offrent l’illusion d’une valeur quantifiée de son image corporelle et personnelle. Le nombre de ‘j’aime’ et le nombre d’abonnés ne sont en fait qu’un autre appel à s’enorgueillir. 

En d’autres termes, l’ère numérique semble être une ère du jugement et du divertissement. Où est la place pour la conversion, pour le retour vers le Christ?

Jeûne à la manière numérique

Le jeûne du Carême est bien connu. Depuis les débuts de l’Église, un ensemble de pratiques de jeûne sont maintenues par les fidèles. Aujourd’hui, elles se sont considérablement adoucies, le vrai jeûne n’étant demandé par l’Église qu’au Mercredi des cendres et au Vendredi Saint, et ce, en excluant les enfants, adolescents, les personnes âgées ainsi que les femmes enceintes. Pendant le Carême, une sorte de jeûne mineur est encouragé, en plus de l’aumône et de la prière. C’est pourquoi certains arrêtent de consommer du chocolat ou de l’alcool. 

Fondamentalement, le jeûne se rapporte à l’alimentation, mais par analogie, nous pouvons entamer toutes sortes de jeûnes. Le principe est celui de la conversion. Nous cherchons, en temps de Carême, à nous tourner vers Dieu, à améliorer notre relation avec lui. Nous pouvons difficilement faire cela si nous nous laissons toujours distraire par les réseaux sociaux, la télévision, et les jeux électroniques. 

Un jeûne numérique est peut-être le jeûne le plus profitable pour nombreux d’entre nous. Évidemment, la pandémie ne permet pas un jeûne numérique total, mais on peut tout de même tenter de diminuer notre temps d’écran pour se rapprocher de Dieu et lui offrir des  temps de silence.

Retour vers Dieu

L’origine latine de divertissement est diverto, se détourner de, qui exprime l’opposé de converto, se tourner vers, la racine du mot conversion. Ces deux mouvements très simples nous permettent de comprendre l’enseignement du Pape selon lequel le Carême est un voyage de retour vers Dieu, en même temps d’être un exode de l’esclavage à la liberté. 

Nous pouvons même voir que le passage de l’esclavage vers la liberté est un voyage vers Dieu, car Dieu est le seul à pouvoir nous rendre véritablement libre. En se rapprochant de lui, notre compréhension de la liberté s’aiguise et nous en donne une définition plus complète et précise. Non plus comme la « liberté » de faire n’importe quoi, mais plutôt notre capacité à rechercher et faire le bien.

Quel est alors notre esclavage? L’esclavage est celui du péché certes, mais ce dernier prend des formes diverses pour chacun. De mon côté, la vie numérique, les réseaux sociaux plus généralement, m’éloignent souvent de Dieu. C’est pourquoi c’est un jeûne numérique que j’entame. Quoique le Christ ou les Pères de l’Église n’aient pas présagé l’arrivée de notre monde virtuel, ils nous avaient déjà donné les principes pour en détecter le vice inhérent.

Rester en contact

Il existe une autre forme de communication qui, elle, est grandement utile à notre foi: la prière. Elle implique des choses que l’on a tendance à fuir: le silence et l’arrêt. Occuper chaque seconde avec un bruit ou une image est dangereux, car on passe ainsi à côté de chaque opportunité d’écouter l’Esprit Saint et de rendre grâce à Dieu. Le Carême est ainsi une chance inouïe d’affronter le silence, laisser de côté les tablettes et offrir notre temps “d’ennui” à Dieu pour que, transfigurés avec Lui, nous vivions chaque instant dans toute sa beauté et sa force.

Les intentions du Pape pour les femmes victimes de violence

(Photo: courtoisie de Pixabay)

La tradition de transmettre au monde entier les intentions du pape existe depuis plus de 150 ans, mais depuis deux ans, une nouvelle initiative a été mise en place pour les promouvoir et les faire circuler: le Réseau Mondial de Prière du Pape. Par l’entremise d’une immersion dans le monde de l’internet et du vidéo, le Pape peut maintenant partager ses intentions sur des sujets qui nous concernent de près. Durant le mois de février, les intentions sont centrées sur les femmes victimes de violence. Le pape nous invite à prier ainsi: 

Prions pour les  femmes victimes de violence, afin qu’elles soient protégées par la société et que leurs souffrances soient prises en compte et écoutées. 

L’objectif de ces intentions est de nous faire reconnaître la présence et le soutien de Dieu en toutes circonstances ainsi que la force de la prière pour renforcer notre foi, notre capacité à faire le bien ainsi que notre unité en tant qu’Église du Christ.

Les femmes victimes de violence: qui sont-elles?

Le plus souvent, les femmes victimes de violence le sont aux mains des membres de leurs familles. L’ONU rapporte qu’environ 137 femmes par jour sont tuées par un membre de leur famille dans le monde. En 2017, 87 000 femmes ont été tuées intentionnellement, dont plus de la moitié par un conjoint ou un membre de leur famille. Ces femmes qui subissent de la violence sont donc prises au piège dans leur propre cercle intime. Ce ne sont pas des actes de violence au hasard ou liés au crime organisé ; ces mêmes gens censés vivre l’amour et la confiance avec ces femmes les trahissent et leur enlèvent la vie. 

Au Québec, on rapporte que 78% des cas de violence conjugale sont subis par des femmes. La violence que peuvent subir les hommes est généralement d’une nature tout à fait différente. Les femmes souffrent le plus en termes non seulement de violence conjugale, mais aussi de violence sexuelle, les deux formes de violence qui affectent l’intimité, la confiance, le sens de soi et de sa propre sécurité le plus profondément. 

L’ONU rapporte que 35% des femmes dans le monde ont déjà subi de la violence sexuelle. Au Canada, la proportion de femmes victimes de violence en général n’est qu’un peu plus élevée que celle d’hommes victimes de violence. Toutefois, quand on observe le taux de violence sexuelle, 29% de ce type de violence est subie par les femmes, contre 6% pour les hommes. Il faut ajouter que ces chiffres ne représentent que les cas déclarés c’est-à-dire, les femmes qui ont affronté le système de justice. Bien des femmes restent dans l’ombre par peur de représailles, de jugement ou tout simplement de voir leur cause abandonnée par faute de preuves matérielles. 

Justice et prière: des alliées insoupçonnées

Les systèmes de justice sont certes imparfaits. Il faut une force surnaturelle, qui touche le cœur des gens au plus profond d’eux-mêmes pour espérer changer les choses. Voilà où Dieu s’invite. La prière n’est pas un système alternatif dépourvu de tout impact sur nos sociétés. La prière est un outil puissant, car il nous permet d’actualiser le lien entre ciel et terre, entre Dieu et nous. Chaque fois que nous prions, nous nous tournons vers Dieu, nous lui faisons confiance pour soutenir l’œuvre du bien en ce monde. 

Le fait que le pape présente ces intentions à l’Église universelle n’est pas anodin non plus. Elles nous demandent de reconnaître que nous sommes pécheurs. Il y en parmi nous qui ont été victimes de violence, et d’autres qui ont été violents envers leur épouse. Le Pape nous invite ainsi à nous regarder nous-mêmes, à prier pour notre Église, pour tous ceux qui ont lancé des pierres à Marie Madeleine sans se demander si eux-mêmes n’avaient pas quelque chose à se reprocher d’abord. 

Le Christ a défendu une femme mal vue par la société et l’a sauvée in extremis de la violence qui allait s’abattre sur elle. Même si elle avait effectivement péché, il a préféré la pardonner et l’aimer, n’est-ce pas magnifique? Il savait qu’aucune femme, si pécheresse soit-elle, mérite ainsi la souffrance et le mal. Il nous enseigne aussi que le jugement n’est pas de notre ressort, mais du Sien. Nous sommes l’Église du Christ, et nous devons, comme lui, faire attention aux filles et femmes qui nous entourent, et, surtout, prendre soin de transmettre ce respect à nos fils.

Être dans le monde avec Dieu

Il est facile d’oublier que chaque relation, chaque interaction de nos vies est empreinte de la présence de Dieu. Bien sûr, nous sommes appelés à chercher le salut et à espérer entrer dans le Royaume des Cieux, mais nous sommes aussi dans le monde. Le mal existe, et personne en cette vie n’est épargné par sa présence, qui prend des formes parfois terribles. Prier Dieu pour le bien de toute l’humanité, mais tout particulièrement pour toutes celles qui souffrent de la main de ceux-là même qui devraient les chérir, voilà ce à quoi nous invite le pape François en ce mois de février. Ainsi, comme Dieu est avec nous dans cette prière, il sera aussi avec elles et avec ceux qui ont le pouvoir de changer les choses. 

Vous pouvez visionner le vidéo des intentions de prières du pape François du mois de février réalisé par le Réseau Mondial de Prière du Pape (Apostolat de la prière)
https://thepopevideo.org/?lang=fr

Les vies consacrées dans la Présentation du Seigneur

(Photo: courtoisie de Pixabay)

Cette semaine était célébrée la solennité de la Présentation du Seigneur, à laquelle est liée la journée mondiale de la Vie consacrée. Ce n’est pas un hasard si ces deux événements coïncident. La journée pour la Vie consacrée fut inaugurée en 1997 par le pape Jean Paul II, en reconnaissance de la grâce toute spéciale offerte à l’humanité dans la vocation religieuse, qui permet, comme il le soulignait, de “ garder vivante dans l’Église la forme historique de vie assumée par le Fils de Dieu quand il est venu sur cette terre”. L’épisode biblique de la Présentation du Seigneur abrite un ensemble de personnes dont la vie est donnée toute entière à Dieu, et chacun porte une mission unique. 

Syméon dans l’attente du Messie

Syméon est un vieil homme qui attend la venue du Messie à Jérusalem. Lorsqu’il voit l’enfant Jésus, il sait tout de suite qu’il est le Christ. C’est à ce moment qu’il exprime les paroles bien connues du Cantique de Syméon, chanté au moment des Complies: 

Maître Souverain, tu peux laisser ton serviteur s’en aller en paix selon ta parole, car il a vu le salut que tu préparais à la face des peuples ; lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël. 

L’ouverture et la confiance dont témoignent les paroles de Syméon manifestent la plus grande pureté de cœur. Alors que les lectures de l’Avent nous préparaient à veiller à l’arrivée du Christ, nous voici maintenant devant un exemple réel de cette attente incarnée, de toute une vie offerte à l’accueil du Seigneur. 

Il est écrit dans le Livre de Malachie: Qui pourra soutenir le jour de sa venue? Qui pourra rester debout lorsqu’il se montrera? Contrairement aux apôtres et autres figures qui rencontrent le Christ lors de sa vie publique, Syméon reconnaît sa véritable identité alors qu’il n’est qu’un enfant, et qu’il ne peut offrir de signes extérieurs de son lien unique avec Dieu. Sans voir de miracle ni entendre de parole, mais plutôt parce qu’étant rempli d’Esprit Saint, Syméon s’avance et reconnaît celui qui sauvera Israël et l’humanité.

La sainte Famille et les traditions juives

L’épisode de la Présentation du Seigneur présente un ensemble de rites traditionnels juifs entourant la naissance d’un enfant dont la purification de la mère et le sacrifice de deux colombes pour le rachat d’un premier né. Tous deux ont lieu au Temple de Jérusalem. À ce moment, Marie est bien engagée dans sa mission toute particulière: être la mère de Dieu. Marie donne sa vie pour le Seigneur, dès le premier jour où elle a connaissance de sa venue. Cette journée de la Présentation au temple est donc un signe fort de la valeur du don total dont elle a fait preuve en acquiesçant à la demande du Seigneur. Cela est vrai non seulement dans sa relation intime avec Dieu, mais aussi avec toute la tradition juive qui précède et prépare la venue du Christ.

Bien qu’étant l’Immaculé Conception, c’est-à-dire la seule à n’avoir besoin d’aucune purification, elle se soumet tout de même aux rituels avec la plus grande humilité et le plus grand respect de Dieu. Que la purification ait eu lieu au même moment que la présentation de Jésus est aussi chargé de sens. On voit comment, dans ces rituels est particulièrement manifeste le lien qui unit le Fils à sa Mère. 

Consécration de Jésus: le don total de soi

Une fois que tout cela est dit, le don de Jésus lui-même est bien sûr le plus grand don qui soit.  Bien qu’étant lui-même Seigneur, l’enfant est tout de même présenté au Seigneur par l’entremise du rituel sacerdotal juif. Ce don de soi va bien au-delà de ce que nous, humains, pouvons faire ou imaginer. La fragilité que choisit le Seigneur, en devenant un petit enfant, tout à fait dépendant de sa mère et de son père, qui ne peut même pas se nourrir soi-même, doit nous remplir de joie. Il nous rappelle aussi le don qu’il a fait sur la Croix, le point culminant de sa vie terrestre.

Le récit évangélique de la Présentation au temple se termine ainsi: L’enfant, lui, grandissait et se fortifiait, rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui. (Lc 2, 22-40) Encore une fois, on témoigne de la pureté de cet enfant. Cette croissance fortifiante guidée par la grâce de Dieu est celle que nous voulons pour chaque enfant. Même à ce moment de la vie de Jésus, il y a un exemple qui s’adresse particulièrement à nous qui sommes soit  parents, soit enfants. Cherchons toujours la sagesse ensemble, et sachons que le don de soi est essentiel dans le plan de Dieu. 

L’espérance sans attente?

Est-il possible d’imaginer reproduire ces rituels, consacrer sa vie à la venue d’un enfant sans avoir d’espérance ni en Dieu ni en son Royaume? Cette fête et la réaction de Syméon ne sont possibles et beaux que dans un monde où la foi en Dieu existe et où l’Esprit Saint est accueilli. L’espérance transcende les difficultés de nos vies pour nous donner confiance qu’au bout de cette vie, le Seigneur nous attend. Comme Syméon, nous traversons notre vie en quête d’un peu de sagesse et de bonté pour enfin arriver auprès de Dieu. Une fois arrivés là-haut, nous pourrons éternellement ressentir la joie d’un vieillard rempli de sagesse et comme un enfant nouveau-né dans les bras de son Père. 

Saint Thomas d’Aquin: rebelle, universitaire, mystique

(Photo: courtoisie de Wikimedia Commons)

Parmi les adeptes de philosophie et de théologie, saint Thomas d’Aquin est une figure généralement inspirante. Docteur de l’Église, il est principalement connu pour sa Somme théologique, un traité considéré monumental et ardu aujourd’hui, mais qui se voulait à l’origine un guide de débutant. Ne serait-ce qu’en considérant cet ouvrage, la patience du saint, ainsi que son obéissance et sa sagesse sont manifestes. Ceci dit, ce moine et universitaire médiéval était aussi un personnage très coloré, dont il vaut la peine d’exposer la vie plus en détail. Il est un excellent exemple de sainteté de par la radicale authenticité de sa foi et sa vie en général. 

Rebelle de vocation

Le récit de son entrée dans la vie religieuse montre son indépendance d’esprit et son écoute authentique de l’Esprit Saint. Le jeune Thomas devient oblat à l’abbaye du Mont-Cassin, car ses parents, activement impliqués dans la politique écclésiastique, espèrent qu’il deviendra un jour l’abbé du lieu. S’il obtempère à suivre ce chemin pendant quelques années, c’est durant cette période qu’il rencontre l’ordre des frères prêcheurs, c’est-à-dire les dominicains, dont la vivacité de leur foi l’attire. Fondé par saint Dominique à peine 10 ans avant la naissance de saint Thomas d’Aquin, l’ordre des frères prêcheurs participe à un vent de nouveauté dans l’Église. Alors que de nombreux monastères se referment sur eux-mêmes, les dominicains vont à la rencontre du monde pour évangéliser.

Au 13e siècle, l’Église connaissait des dynamiques de pouvoir politique mondaines et avides. Bref, tout le contraire de ce que la mission de l’Église devrait être. Dans ce contexte, ce jeune saint en devenir ressent un appel profond à entrer dans un ordre mendiant à la mission novatrice. Sa mère, opposée à ce dessein, l’enleva et le garda enfermé pendant un an. Enfin, puisqu’il ne changeait pas d’idée, elle lui permit d’entrer dans l’ordre des dominicains. Aujourd’hui, nous savons combien l’entrée de ce jeune homme allait être importante, non seulement pour son Ordre mais pour l’Église entière. L’effort d’évangélisation que représente la Somme théologique ainsi que l’ensemble de son œuvre est immense. 

Un universitaire à contre-courant

Saint Thomas d’Aquin fut éduqué auprès de saint Albert Le Grand, et continua dans l’enseignement en Italie et ailleurs en Europe. Il participait ce faisant à une tradition universitaire fascinante. D’abord, le latin étant la lingua franca, c’est-à-dire une langue commune des milieux universitaires et ecclésiastiques de l’époque  il a donc pu enseigner à Paris comme en Italie sans barrière linguistique. 

Cependant, cela ne veut pas dire qu’il n’existait pas d’autres obstacles dans le contexte intellectuel de l’époque. Entre 1268 et 1272, saint Thomas d’Aquin participe à une querelle concernant la place d’Aristote dans l’enseignement universitaire catholique ainsi que les oppositions entre les ordres séculiers et les ordres mendiants. Toujours du côté de la nouveauté, le jeune universitaire réussit à concilier l’aristotélisme et la foi catholique dans sa Somme Théologique, et résiste aux attaques contre les ordres mendiants, dont l’ordre des frères prêcheurs fait partie. 

Des visions de Dieu: sa prière et son expérience mystique

Un côté moins connu de son œuvre sont ses prières sous forme de poème inspirées de ses expériences mystiques devant le Saint Sacrement. Parmi les écrits de cette nature qui sont les plus connus, nommons des hymnes essentiels dans la liturgie des heures: Pange Lingua, Panis Angelicus et Lauda Sion. Si nous les prenons pour acquises aujourd’hui, ces magnifiques témoignages de foi montrent la plus haute sensibilité à présence divine.

À la fin de sa vie, saint Thomas d’Aquin aurait même confié à son secrétaire et ami, un prénommé Réginald, la préoccupation que lui apportaient ses visions mystiques en regard de son oeuvre écrite:

Le terme de mes travaux est venu; tout ce que j’ai écrit et enseigné me semble un brin de paille auprès de ce que j’ai vu et de ce qui m’a été dévoilé. Désormais j’espère de la bonté de mon Dieu que la fin de ma vie suivra de près celle de mes travaux.

Cet état peut nous attrister, car lire un aussi grand saint traiter ainsi l’œuvre de toute une vie peut nous décourager dans notre propre quête de sainteté. Toutefois, ses paroles expriment quelque chose de magnifique : sa relation avec Dieu fut si intime que Dieu lui offrit de nombreuses visions célestes. Cela ne fait que confirmer les limites de la vie sur terre et amplifier la promesse du Royaume des Cieux. 

En route vers notre sainteté

Saint Thomas d’Aquin, décédé à moins de cinquante ans, eut un cheminement exemplaire, en grande partie parce qu’il resta fidèle à lui-même de la façon la plus authentique qui soit, c’est-à-dire, en étant fidèle à la volonté de Dieu. La sainteté est, au fond, une expression radicale de l’individualité et de l’écoute de la volonté divine. À travers toute l’histoire de l’Église, nous rencontrons des saints aussi remarquables les uns que les autres, alors même qu’ils ont des personnalités et des cheminements si distincts. Cela augure bien pour le monde; autant pouvons-nous être émerveillé de la vie d’un saint comme Thomas d’Aquin, autant cela devrait nous inspirer à rester fidèle à notre propre chemin de sainteté, celui-là même dont la découverte et la réalisation dépendent, avec la Grâce de Dieu, de notre assentiment libre.

Liberté et confinement : où sont les chrétiens?

(Image: courtoisie de Pixabay)

Cette‌ ‌semaine‌ ‌a‌ ‌lieu‌ ‌la‌ ‌semaine‌ ‌de‌ ‌prière‌ ‌pour‌ ‌l’unité‌ ‌des‌ ‌chrétiens.‌ ‌Initié‌e ‌en‌ ‌1908,‌ ‌cette‌ ‌semaine‌ ‌de‌ ‌prière‌ ‌a‌ ‌pour‌ ‌but‌ ‌l’oecuménisme,‌ ‌c’est-à-dire‌ ‌la‌ ‌communication‌ ‌et‌ ‌le‌ ‌rapprochement‌ ‌entre‌ ‌toutes‌ ‌les‌ ‌dénominations‌ ‌chrétiennes.‌ ‌Par‌ ‌le‌ ‌passé,‌ ‌des‌ ‌célébrations‌ ‌étaient‌ ‌organisées‌ ‌un‌ ‌peu‌ ‌partout‌ ‌afin‌ ‌d’accueillir‌ ‌les‌ ‌autres‌ ‌communautés.‌ ‌À‌ ‌Montréal‌ ‌en‌ ‌particulier,‌ ‌certaines‌ ‌églises‌ ‌orthodoxes‌ ‌accueillent habituellement‌ ‌des‌ ‌catholiques‌ ‌et‌ ‌protestants‌ ‌dans‌ ‌leurs‌ ‌rites‌ ‌singuliers,‌ ‌et‌ ‌organisent‌ ‌des‌ ‌conférences‌ ‌sur‌ ‌des‌ ‌aspects‌ ‌de‌ ‌la‌ ‌foi‌ ‌orthodoxe.‌ ‌Une‌ ‌célébration‌ ‌oecuménique‌ ‌est ‌également‌ ‌organisée‌ ‌alternativement‌ ‌dans‌ ‌une‌ ‌église‌ ‌catholique,‌ ‌presbytérienne‌ ‌ou‌ ‌orthdoxe.‌ ‌Cette‌ ‌année,‌ ‌la‌ ‌distanciation‌ ‌est‌ ‌de‌ ‌mise.‌ ‌Comment‌ ‌peut-on‌ ‌penser‌ ‌et‌ ‌vivre‌ ‌l’unité‌ ‌chrétienne‌ ‌sans‌ ‌cet‌ ‌élément‌ ‌essentiel‌ ‌qu’est‌ ‌la‌ ‌communion‌ ‌au‌ ‌sens‌ ‌de‌ ‌rassemblement?‌ ‌

Il est incontournable que c’est une année difficile pour l’ensemble des chrétiens. Les besoins spirituels des fidèles sont perçus comme non-essentiels alors même que les centres d’achats et les gyms étaient présentés comme tels il y a quelque temps. Il est donc compréhensible que de nombreux chrétiens se sentent peu écoutés par leurs gouvernements. Une fois que cela est dit, la situation actuelle est incontournable. La pandémie demeure, et les mesures de distanciation restent essentielles pour la traverser. Par ailleurs, nous ne sommes plus habitués à recevoir la réalité de notre époque avec résignation, car la modernité fournit l’illusion du choix en abondance. Nous pouvons choisir notre divertissement, nos vêtements, notre nourriture dans une diversité immensément plus vaste que jamais auparavant. Nous voguons sur des choix matériels et superficiels, et nous ignorons le plus souvent ce qu’est la conscience réellement libre.

Libérés par l’Esprit Saint

La liberté au sens chrétien est synonyme d’une vie intérieure enrichie par sa relation avec Dieu. Une personne complètement absorbée par Son amour suivra les commandements du Seigneur et cherchera à faire le bien, à agir en conséquence. Cette recherche du bien sera guidée par l’Esprit Saint, qui procure la vraie liberté. Où se trouve l’Esprit du Seigneur se trouve la liberté (2 Corinthiens 3:17). C’est dans cette parole que se transforme la notion banale de liberté comme possibilité d’agir. La transformation s’opère dès l’arrivée du Christ, lorsqu’il nous enseigne que l’exigence extérieure de suivre la loi de Dieu doit s’appuyer sur une exigence intérieure motivée par l’amour:

Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépend toute la Loi, ainsi que les Prophètes. (Mt 22:37-40)

Le Christ nous invite à aimer Dieu de telle façon que nous n’ayons d’autre désir que de suivre sa volonté. Ainsi, tout en restant cohérentes avec la vision légaliste de l’Ancien Testament, les notions de liberté et de loi prennent un sens nouveau, plus conforme à nos aspirations humaines.

Si vous êtes conduits par l’Esprit, vous n’êtes plus soumis à la loi (Galates 5:18). Certains ont supposé que cela voulait dire que les justes sont au-dessus de la loi, mais au contraire, ils vivent intimement celle-ci, au point que la soumission n’est plus requise. La volonté libre est pleinement engagée. Saint Thomas d’Aquin commente en ce sens la deuxième lettre aux Corinthiens de saint Paul : « On peut donc dire l’âme libre, non parce qu’elle se soumet à la loi divine, mais parce que, par l’effet de l’habitude bonne, elle incline à faire ce que la loi divine ordonne. » Cette perspective à la fois sur la vie intérieure et sur la liberté peut porter fruit dans la situation que vivent les chrétiens actuellement.

Unité et liberté: remèdes à l’individualisme

L’unité des chrétiens dépend de la liberté de chacun et de leur amitié avec Dieu. Il est possible qu’avant la pandémie, nous n’ayons jamais pensé à cela, et que nous concevions la notion de liberté au sens d’une simple capacité de faire ce qui nous plaît. Aujourd’hui, la liberté d’agir est remise en cause au profit d’un but collectif qui est d’éviter un trop grand nombre de malades et de décès liés à la pandémie. Cependant, une recherche de la liberté telle qu’envisagée par le Christ et par saint Paul est à notre portée à chaque instant. Elle implique toutefois une confiance et une espérance en Dieu. Nous ne pouvons choisir  les paramètres de gestion de cette pandémie ; nous sommes impuissants face à ses effets et face aux effets des mesures sanitaires. Pourtant, Dieu nous veut libres, il veut que nos cœurs soient unis pour faire le bien là où il se présente. Par sa grâce, en dépit des mesures sanitaires restrictives, une liberté singulière inspirée par l’Esprit Saint nous est accessible.

Ainsi cette semaine de prière pour l’unité des chrétiens tombe à point. C’est une occasion de nous demander comment percevons-nous l’unité? Par les médias sociaux? Par les rencontres joyeuses mais superficielles? Ou bien encore par une prière soutenue pour le salut du monde? En quoi nos amis chrétiens d’autres dénominations nous ressemblent, et qu’avons-nous en commun face à cette crise toute particulière? Il nous faut avoir confiance en l’amour de Dieu pour eux et pour le monde et s’unir à cet Amour. Nous pouvons tous et chacun être libres grâce à l’Esprit Saint, et c’est plus que jamais une occasion pour nous d’habiter cette liberté dans notre prière et dans notre conscience.

Une année de la famille pour 2021

 

(Photo: courtoisie de Pixabay)

Le 19 mars prochain sera le cinquième anniversaire d’Amoris Laetitia, l’encyclique du pape François sur la famille. Pour l’occasion, le pape confie tous les fidèles à la Sainte Famille, en particulier à saint Joseph dans le cadre d’une année de la « famille Amoris Laetitia ». Cela aura notamment pour conséquence que de nombreux outils pastoraux seront fournis aux paroisses et aux fidèles pour parler du pardon dans la famille et approfondir la préparation à la vie familiale. De nombreuses réflexions sur le contenu d’Amoris Laetitia seront partagées au courant de l’année.

La Sainte Famille comme exemple de société

Pour notre plus grand bonheur, et notre plus grande humilité, Dieu a choisi de se faire connaître au sein d’une famille, d’être un bébé dans les bras de sa mère. Il n’y a rien d’anodin dans cette arrivée ; elle nous montre par analogie que chaque famille a une place pour le Seigneur. Car là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux (Mt, 18:20). Dieu a choisi le couple comme lieu privilégié pour sa création, et offre ses grâces à tous les mariés et à toutes les familles.

Ainsi, il donne une valeur et une voix à la vie familiale quotidienne. Chaque geste influence la foi et la sainteté de ses membres. Le repas familial est un exemple classique du partage et de la reconnaissance des dons du Seigneur pris en charge par les parents. La relation filiale elle-même peut être empreinte d’un amour divin, et sa destruction amène des conséquences très graves. Un parent qui demeure indifférent devant son enfant, ayant négligé les soins essentiels que Dieu lui a confiés, blesse son enfant durant toute sa vie. Au contraire, un parent qui est un exemple d’humilité, de patience et d’amour charitable touchera le cœur de son enfant pour toujours et l’aidera à rechercher les vertus humaines et divines.

La famille est par ailleurs l’unité élémentaire de la société, sa forme la plus essentielle. Aussi, elle est au cœur de l’éducation au monde et à la foi, et elle porte ses conséquences dans la société à plus grande échelle. Toutes les vertus peuvent être travaillées dans la famille et tous les vices rencontrés. C’est pour cette raison que le pape insiste autant sur l’importance capitale de la famille dans la formation et l’unité de nos sociétés.

Les paroles de la famille

Le pape mentionne trois paroles essentielles au bon fonctionnement de la famille: « S’il te plaît », « Merci » et « Excuse-moi ». Au lieu d’insister sur les notions d’autorité parentale, de liberté ou d’individualité, qui jouent chacune une part importante dans les dynamiques familiales, il présente les paroles dont chacun doit se porter garant. Trois courtes expressions extérieures d’un ensemble de grandes vertus intérieures: la patience et l’écoute, la reconnaissance et l’accueil, l’humilité et le pardon. Chaque personne dans le monde mettant en œuvre ces vertus fait un pas en avant vers la sainteté, vers l’accueil dans le Royaume des Cieux. Et nous avons chaque jour l’occasion de les pratiquer en famille, quelle joie immense! Le pape met ainsi en lumière la nécessaire simplicité dans l’exercice des vertus.

La pandémie et les familles sous pression

Cette pandémie met justement en péril non seulement la société en général, mais aussi chacune de ses petites sociétés. Le rythme de vie change, les enfants ne sont plus stimulés par des activités extérieures, les couples sont ensemble 24/7. La pression a déjà monté beaucoup et très vite dans plusieurs foyers, et nombreux sont les couples qui se sont brisés dans les derniers mois. C’est pour eux en particulier que le pape lance cette année de la « famille Amoris Laetitia », dans le but de renforcer « la pastorale de la préparation au mariage » et de soutenir « les familles blessées ». Il envoie aussi son soutien aux familles du milieu de la santé, qui vivent la fragilité de la famille dans de multiples dimensions, principalement celle de la santé physique et de la perte d’espérance.

La vocation familiale

La mission de la vie familiale est une mission ardue en temps normal, et rendue plus difficile encore en temps de crise. La bienveillance du pape François à l’égard des familles se fait remarquer depuis longtemps, et surtout lors de la publication d’Amoris Laetitia, une encyclique au style limpide et direct qui prend en compte les défis concrets des familles. Cette année dédiée à la famille sera d’ailleurs l’occasion d’intégrer davantage les familles aux structures diocésaines et paroissiales afin qu’un dialogue constant entre elles, les prêtres et les agents pastoraux nourrissent les enseignements sur la famille pour les générations à venir. La sagesse pratique accumulée des familles est une ressource inestimable non seulement pour l’enseignement pastoral, mais aussi pour l’unité de l’Église. Nous sommes sur un chemin difficile, mais la Sainte Famille guide chacun de nos pas, et ce, tout particulièrement cette année.

L’année dédiée à la famille proclamée par le pape François débutera à la fête de la Saint Joseph, le 19 mars, et se terminera le 26 juin 2022 avec la 10e rencontre mondiale des familles à Rome. 

Saint Jean-Paul II, un docteur pour notre temps ?

(CNS/L’Osservatore Romano) Cette semaine, la Conférence des évêques de Pologne présentait officiellement sa demande au pape François afin de déclarer saint Jean-Paul II docteur de l’Église et co-patron de l’Europe . En effet, pour les évêques polonais : « Le pontificat du Pape polonais était rempli de décisions révolutionnaires et d’événements importants qui ont changé le visage de la papauté et influencé le cours de l’histoire européenne et mondiale »[2], d’où la nécessité de reconnaître son importance en le faisant docteur de l’Église. Mais que signifie cette dénomination : « docteur de l’Église » ?

Des serviteurs de la Vérité

La Foi reçue du Christ, transmise par les apôtres et présentée d’une manière unique dans les Saintes Écritures fut l’objet d’études, de formulations intellectuelles, de traductions et de diverses interprétations au cours des siècles ; non pas à cause de contradictions internes au message du Christ mais plutôt à cause de la profondeur infinie de sa révélation d’une part et, d’autre part, à cause des limites de l’intelligence humaine. C’est pourquoi l’histoire de l’Église manifeste l’évolution graduelle de notre compréhension de ce que Dieu nous dit sur Lui-même et sur le monde. Ayant le charisme d’interprétation de la Révélation, le Magistère de l’Église se nourrit d’abord des décisions des Conciles œcuméniques, des enseignements des Papes et ensuite de la vie de saints spécialement dédiés à la méditation et à l’étude de la théologie. C’est pourquoi certains saints reçoivent parfois le titre de « docteur » c’est-à-dire un « théologien, philosophe ou écrivain ayant enrichi significativement le Magistère tant au niveau philosophique que spirituel ».

Tous les saints ne sont pas docteurs mais tous les docteurs sont saints.  Plusieurs critères précis sont essentiels pour recevoir ce titre exceptionnel. Il faut être un « saint (e) canonisé, avoir élaboré une pensée de la foi en accord avec les principes de base de l’Église tout en découvrant un pan inexploré de l’Écriture se vérifiant comme fondamental par son influence auprès des fidèles et par une renommée internationale ». Saint Jean-Paul II mérite-t-il d’être érigé au côté des saints Augustin, Thomas d’Aquin, Jérôme, Bonaventure, Catherine de Sienne, Thérèse d’Avila et Hildegarde de Bingen et Thérèse de Lisieux pour ne nommer que ceux-là ? Je crois que oui et voici pourquoi.

Des raisons pour une reconnaissance

La première raison est que saint Jean-Paul II a réussi une synthèse très difficile entre la pensée moderne et la pensée classique. Souvent séparées et réputées irréconciliables, la pensée moderne philosophique s’est souvent développée en porte à faux face à la pensée grecque et médiévale. Cherchant à dépasser ce qu’ils considéraient être un carcan intellectuel, certains penseurs contemporains de Carol Wojtyla, se sont enfermés dans un esprit de système qui rendait impossible le dialogue et, donc, une évolution saine de la pensée. Or, en réaction à ce rejet, les philosophes fidèles à la tradition de la philosophie grecque ont également eu tendance à évoluer en vase clos. Saint Jean-Paul II, tout philosophe catholique qu’il était, ne pouvait rejeter un camp ou l’autre. Travaillant toute sa vie à développer une pensée, à la fois fondamentalement moderne (très influencée par le courant de la phénoménologie) et assumant l’héritage de la scolastique, on peut considérer que son œuvre fut une volonté d’aller au-delà des écueils etdes « interprétations fausses ou partielles, qui contredisent d’autres enseignements de la même Écriture. » (EG, no 148).

Une deuxième raison découle de la richesse intellectuelle des enseignements présents sur l’ensemble de ses encycliques. En effet, durant ses 28 ans de pontificat, saint Jean-Paul II a pu véritablement accompagner le Peuple chrétien au travers des crises et courants de pensée parfois hostiles à la Révélation. Par ses enseignements tirés de son érudition sur la tradition intellectuelle de l’Église et de la pensée moderne, il a pu offrir un nouveau socle aux catholiques soucieux de « donner les raisons de l’espérance qui est en eux » (1 P 3,15). Par exemple, le déploiement et l’utilisation des concepts de « personne » et de « dignité » sont sans contredit un puissant héritage qui perdurera pour les siècles à venir.

La troisième raison qui me pousse à croire au bien-fondé de la reconnaissance de Jean-Paul II comme docteur de l’Église est la création de ce que l’on appelle désormais la « Théologie du Corps ». Cela est particulièrement évident pour nous qui vivons en Occident où l’enseignement de l’Église sur la sexualité humaine ne fait pas l’unanimité. Partant de cet état de fait, saint Jean-Paul II a voulu offrir au monde une présentation à la hauteur des exigences des sociétés devenues, pour le meilleur et pour le pire, individualistes. Par exemple, en liant des concepts tels que l’appel universel à l’amour authentiqueavec celui de dignité intégrale de la personne, il a réussi à exposer d’une manière moderne les raisons des exigences de la morale catholique sur la sexualité. Ainsi, par la richesse de ces enseignements exprimés lors des « audiences du mercredi », saint Jean-Paul II a enrichi l’enseignement de l’Église sur la sexualité humaine.

L’un des grands pas en avant et, sans contredit, l’un des héritages les plus significatifs de saint Jean-Paul II fut la rédaction du Catéchisme de l’Église catholique[7]. Suivant la célébration du Concile Vatican II, l’Église ne pouvait évidemment plus se contenter du Catéchisme du Concile de Trente. En effet, bien qu’en profonde continuité avec ce dernier, une nouvelle synthèse était nécessaire ; une nouvelle exposition intégrale de la Foi du Peuple de Dieu qui  incluerait les enseignements du Concile qui venait de se terminer. Quelques décennies plus-tard et après beaucoup de travail,  la Constitution apostolique Fidei depositum[8]instituant le Catéchisme de l’Église catholique était publiée dans le  but de « présenter fidèlement et organiquement l’enseignement de l’Écriture sainte, de laTradition vivante dans l’Église et du Magistère authentique, de même que l’héritage spirituel desPères, des saints et des saintes de l’Église, pour permettre de mieux connaître le mystère chrétien et de raviver la foi du peuple de Dieu ». Pour cette synthèse, malheureusement encore trop peu connue, saint Jean-Paul II mérite le titre de docteur de l’Église.

Enfin, une dernière raison justifiant le titre de docteur de l’Église : la publication du Code de Droit Canonique (CDC) en 1983[10]. En effet, l’Église, étant une société d’hommes et de femmes en marche vers le Royaume des cieux, elle se doit de garder l’unité et, donc, d’établir des règles afin que les principes de justice soient respectés. Voyant les profondes évolutions positives de l’Église telles que son expansion sur tous les continents, son contact avec toutes les cultures, langues, traditions, systèmes politiques et juridiques, etc, il était nécessaire d’opérer une modernisation du CDC. Ce travail, à la fois, minutieux et volumineux ne laissait aucune place à l’improvisation. Cette contribution fondamentale qui affecte la vie concrète de tous les catholiques du monde est un héritage intellectuel extrêmement important. Nous le devons aussi à ce grand et saint Pape.

Un docteur pour notre temps

Évidemment, il ne s’agit pas là d’une liste exhaustive des réalisations intellectuelles du saint Pape polonais. Toutefois, tant ses riches encycliques, sa synthèse philosophique, l’innovation de la théologie du corps, la publication du Catéchisme de l’Église catholique et du Code de Droit Canonique représentent, selon moi, des arguments de poids en faveur de la reconnaissance de saint Jean-Paul II comme docteur de l’Église. Que la décision finale aille ou non en ce sens, nous pouvons tous rendre grâce à Dieu pour la vie de cet homme d’exception qui, du haut du ciel, continue d’accompagner l’Église de par sa puissante intercession.

Redécouvrir Humanae Vitae 50 ans plus tard

CNS/Paul Haring

Mercredi dernier, l’Église célébrait le 50e anniversaire de la publication de l’encyclique Humanae vitae sur le mariage et la régulation des naissances. Ayant suscité depuis de vifs débats tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Église, et ce, en quantité inversement proportionnelle à la longueur du texte lui-même, ce document du Bienheureux pape Paul VI peut être analysé de plusieurs manières. En effet, pour comprendre cette encyclique, trois lectures me semblent particulièrement appropriées: 1) une perspective soulignant les enseignements comme tel; 2) une autre tenant compte du contexte historique de sa parution à aujourd’hui; 3) la double relecture ecclésiale dont Humanae vitae fut l’objet de la part des successeurs du Bienheureux Saint-Père.

Un texte au service de la vision authentique de l’amour

Comme son nom l’indique, l’encyclique Humanae Vitae porte sur « le très grave devoir de transmettre la vie humaine »(no 1). Avec ses deux mille ans d’histoire, ce n’était pas la première fois que l’Église s’exprimait sur la sexualité humaine. Il suffit de lire la Bible pour s’en convaincre. Toutefois, l’accroissement rapide des connaissances scientifiques et l’évolution des techniques dans le domaine de la reproduction exigeaient à l’époque, une nouvelle évaluation à la lumière des principes moraux découlant de la Révélation confiés à l’Église. L’encyclique réitère donc d’abord les principes (no 7-11) de l’enseignement de l’Église sur l’expression de l’Amour que sont : 1. l’intégralité de la personne dans ses dimensions corporelle et spirituelle ; 2. l’aspect entier du don corporel (fidélité, exclusivité jusqu’à la mort) ; 3. l’ouverture à la vie ou « fécondité » (no 9). En tout cela, rien de surprenant puisque le texte est en complète continuité avec l’enseignement traditionnel de l’Église. Qui avait-il donc de si nouveau pour susciter un tel de débat ?

La grande nouveauté d’Humanae vitae est l’expression d’un nouveau principe moral qui, bien qu’implicitement contenu dans ceux énumérés jusqu’alors, permettait aux couples chrétiens d’orienter l’exercice de leur sexualité devant les nouveautés de l’époque en cette matière. Le pape Paul VI, de par son autorité de successeur de Pierre, a donc promulgué l’indissociabilité des fonctions unitives et procréatives de la sexualité humaine ; promulguant que « l’acte conjugal, enmême temps qu’il unit profondément les époux, les rend aptes à la génération de nouvelles vies, selon des lois inscrites dans l’être même de l’homme et de la femme. C’est en sauvegardant ces deux aspects essentiels, union et procréation que l’acte conjugal conserve intégralement le sens de mutuel et véritable amour et son ordination à la très haute vocation de l’homme à la paternité » (no 12). À première vue, ce principe semble difficile à contredire. Pourquoi donc cet enseignement a-t-il suscité une telle controverse ?

Un enseignement simple pour une époque compliquée

Pour bien comprendre la réception mouvementée dont ce texte fut l’objet, il est important de se mettre dans le contexte des années 1960. Sans faire une étude exhaustive des faits historiques, il est possible de dire que la révolution sexuelle qui avait lieu à cette époque avait popularisé une vision de la sexualité comme simple divertissement. Cette dissociation entre engagement et sexualité d’une part, et entre sexualité et reproduction d’autre part, soutenue par ce qui était encore à l’époque une contre-culture, gagnait en influence et considérait toute critique comme un affront à la liberté individuelle à l’auto-détermination. Devant cette nouvelle idéologie hédoniste, les critères moraux promulgués par l’Église pouvaient être perçus comme rétrogrades par un nombre grandissant de personnes. Dans ce contexte, il n’est donc pas étonnant que cette société en profonde mutation cherchât par tous les moyens à ne pas écouter la parole du Pape. Toutefois, cela n’explique pas totalement les raisons d’être d’une telle polémique. Comment donc expliquer la forte contestation à l’intérieur même de l’Église contre Humanae Vitae ?

Encore une fois, le contexte aide à comprendre ce qui s’est passé. Alors même que les sociétés occidentales subissaient d’importantes transformations, l’Église elle-même effectuait son « aggiornamento » avec le Concile Vatican II. Fruit de l’Esprit Saint, de la prière, des discussions et des réflexions de l’épiscopat mondial avec au centre le Saint-Père, le Concile avait exprimé sa volonté d’une grande réforme dans l’agir pastoral de l’Église et, ce, à tous les niveaux. Ainsi, pleinement incarnés dans le monde, les chrétiens du Québec, par exemple, ont pu voir dans les changements de Vatican II, une sorte de Nihil Obstat de l’Église face aux nouvelles orientations de la société. Bien que cela soit vrai en partie, il n’en demeure pas moins que l’horizon d’attentes de certains catholiques en occident en matière sexuelle (telles que la libéralisation de l’avortement, de la contraception, de la stérilisation, de la PMA, etc. (no 14)) impliquait une contradiction avec l’Enseignement du Christ et la Tradition de l’Église. Un clash était ainsi à prévoir et c’est ce qui est  arrivé. On a donc accusé le Bienheureux Paul VI de ne pas être fidèle à « l’Esprit du Concile »; d’où la défection ou, du moins, une contestation d’un grand nombre de catholiques en occident sur cette question particulière.  Cependant, notre compréhension ne pourrait s’arrêter sans prendre en compte deux évolutions importantes et qui se sont déroulées au cours de ces 50 années.

Cinquante ans de tumultes fructueux

Cette tension fondamentale, à la fois externe et interne à l’Église, allait devoir demander des autorités compétentes fermeté et tact. Sous ces deux aspects, il me semble que les papes ont été à la hauteur de cet impressionnant défi. Dans un premier temps, ce que plusieurs ont appelé la « crise » post conciliaire liée à l’interprétation de Vatican II fut définitivement une des priorités du saint pape Jean-Paul II et de Benoît XVI, tout spécialement en ce qui concerne l’enseignement sur la sexualité humaine. En effet, il est aujourd’hui admis que la « Théologie du corps » de saint Jean-Paul II fait partie des grands héritages du saint Polonais à l’Église tout entière. Relisant Humanae Vitae pour le bien de cet article, il me semblait que le langage de l’encyclique semble, de par son style très direct, être d’un autre temps ; ce qui pourrait être un obstacle pour la transmission de son contenu, lui, plus que jamais actuel. Ainsi, par son travail intellectuel, Jean-Paul II a réussi à manifester la beauté de l’enseignement du Bienheureux Paul VI tout en gardant les garde-fous indispensables contre « l’exploitation de l’homme par l’homme », ce qui abonde en nos sociétés.

Une deuxième étape, plus récente celle-là, manifeste quant à elle, le côté « prophétique » des enseignements d’Humanae Vitae. En effet, bien que ne dépendant pas d’une approche « conséquentialiste », les mises en garde qui s’y trouvent ne semblent pas avoir perdu de leur pertinence. Qui tenterait de nier aujourd’hui l’augmentation de « l’infidélité conjugale et l’abaissement général de la moralité » ou « l’arme dangereuse que l’on viendrait à mettre ainsi aux mains d’autorités publiques peu soucieuses des exigences morales » (no 17) ou en d’autres termes, de ce « colonialisme idéologique » que l’on voit s’imposer dans de nombreux pays en voie de développement depuis 50 ans ? Enfin, on note bien aujourd’hui les effets extrêmement néfastes sur l’environnement de ce refus de « reconnaître des limites infranchissables au pouvoir de l’homme sur son corps et sur ses fonctions » (no 17). Comme le dit le pape François :

« L’acceptation de son propre corps comme don de Dieu est nécessaire pour accueillir et pour accepter le monde tout entier comme don du Père et maison commune ; tandis qu’une logique de domination sur son propre corps devient une logique, parfois subtile, de domination sur la création. Apprendre à recevoir son propre corps, à en prendre soin et à en respecter les significations, est essentiel pour une vraie écologie humaine. » (no 155).

Redécouvrir Humanae Vitae 50 ans plus tard

À l’heure où nous fêtons les 50 ans de la publication d’Humanae Vitae, je vous invite à relire ce document important qui, tant par son contenu, son histoire ou la validité de ses enseignements, nous porte à contempler le charisme d’enseignement de l’Église qui, grâce à l’Esprit Saint (Can. 747 – § 1), nous offre les instruments pour vivre une vie pleinement libre. Comme le pape Paul VI le disait lui-même : « L’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres, ou s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont des témoins ». Loin des modes idéologiques, le témoignage de fermeté dans l’amour du Bienheureux pape Paul VI nous permet de connaître sans œillères, la vérité sur la sexualité humaine.

Discours du pape François lors de la rencontre avec les autorités civiles du Chili

Vous trouverez ci-dessous le texte complet du discours du pape François lors de la rencontre avec les autorités civiles du Chili:

Madame la Présidente,
Membres du Gouvernement de la République et du Corps diplomatique,
Représentants de la société civile, Distinguées autorités
Mesdames et Messieurs,

C’est pour moi une joie de pouvoir me retrouver sur le sol latino-américain et de commencer cette visite par cette terre chilienne bien-aimée qui a su m’accueillir et me former dans ma jeunesse ; je voudrais que ce temps avec vous soit aussi un moment de gratitude pour tant de bien reçu. Je me souviens de cette strophe de votre hymne national : « Chili, pur est ton ciel bleu/, de pures brises te traversent aussi, / et ton champ bordé de fleurs/ est la copie réussie de l’Éden », un authentique chant de louange à la terre, riche de promesse et de défis, que vous habitez ; mais surtout pleine d’avenir.

Merci Madame la Présidente pour les paroles de bienvenue que vous m’avez adressées. En vous, je voudrais saluer et embrasser le peuple chilien depuis l’extrême nord de la région d’Arica et du Parinacota jusqu’à l’archipel sud «et à son déchaînement de péninsules et de canaux» (Gabriela Mistral, Elogios de la tierra de Chile). La diversité et la richesse géographiques que vous possédez nous permettent d’entrevoir la richesse de cette polyphonie culturelle qui vous caractérisent.

J’apprécie la présence des membres du Gouvernement; celle des Présidents du Sénat, de la Chambre des Députés et de la Cour Suprême, ainsi que des autres Autorités de l’État et de leurs collaborateurs. Je salue le Président élu ici présent, Monsieur Sebastián Piñera Echenique, qui a récemment reçu le mandant du peuple chilien pour prendre les rênes du pays pour les quatre prochaines années.

Le Chili a été caractérisé, ces dernières décennies, par le développement d’une démocratie qui lui a permis un progrès soutenu. Les récentes élections politiques ont été une manifestation de la solidité et de la maturité civique que vous avez atteintes, ce qui revêt un cachet particulier cette année où se commémorent les 200 ans de la déclaration de l’indépendance. Moment particulièrement important, car il a marqué votre destin en tant que peuple, fondé sur la liberté et sur le droit, qui a dû également affronter diverses périodes turbulentes mais qu’il a réussi – non sans mal – à surmonter. Ainsi, vous avez su consolider et renforcer le rêve de vos pères fondateurs.

En ce sens, je me rappelle les paroles emblématiques du Cardinal Silva Henríquez quand, lors d’un Te Deum, il affirmait: «Nous sommes – tous – des constructeurs de la belle œuvre : la patrie. La patrie terrestre qui préfigure et prépare la patrie sans frontières. Cette patrie ne commence pas aujourd’hui, avec nous ; mais elle ne peut grandir et porter des fruits sans nous. C’est pourquoi, nous la recevons avec respect, comme une tâche qui commençait il y a de nombreuses années, comme un héritage dont nous sommes fiers et en même temps qui nous engage » (Homélie lors du Te Deum œcuménique, 4 novembre 1970).

Chaque génération doit faire siens les luttes et les acquis des générations passées et les conduire à des sommets plus hauts encore. Le bien, comme l’amour également, la justice et la solidarité ne s’obtiennent pas une fois pour toutes; il faut les conquérir chaque jour. Il n’est pas possible de se contenter de ce qui a été réalisé dans le passé et de s’installer pour en jouir comme si cette condition nous conduisait à ignorer que beaucoup de nos frères subissent des situations d’injustice qui nous interpellent tous.

Vous avez tous, par conséquent, un défi grand et passionnant: continuer à travailler pour que la démocratie et le rêve de vos aînés, au-delà de leurs aspects formels, soient vraiment un lieu de rencontre pour tous. Qu’ils soient un lieu où tous, sans exception, se sentent appelés à construire une maison, une famille et une nation. Un lieu, une maison, une famille, appelée Chili : généreux, accueillant, qui aime son histoire, qui travaille pour son présent de convivialité et regarde avec espérance vers l’avenir. Il convient de rappeler ici les paroles de saint Albert Hurtado: «Une nation, plus que par ses frontières, plus que par sa terre et ses chaînes de montagne, ses mers, plus que par sa langue ou ses traditions, est une mission à accomplir » (Te Deum, septembre 1948). C’est l’avenir. Et cet avenir se joue, en grande partie, dans la capacité de votre peuple et de vos autorités à écouter.

Cette capacité d’écoute revêt une grande importance dans cette nation où la pluralité ethnique, culturelle et historique demande à être préservée de toute tentative de division ou de suprématie et qui requiert de nous la capacité de nous défaire des dogmatismes qui excluent, pour une saine ouverture au bien commun (qui, s’il n’a pas un caractère communautaire, ne sera jamais un bien). Il faut écouter : écouter les chômeurs, qui ne peuvent pas subvenir dans le présent et encore moins dans l’avenir aux besoins de leurs familles ; les peuples autochtones, souvent oubliés et dont les droits ont besoin d’être pris en compte et la culture protégée, pour que ne se perde pas une partie de l’identité et de la richesse de cette nation. Écouter les migrants, qui frappent à la porte de ce pays à la recherche d’un mieux-être et, en même temps, avec la force et l’espérance de vouloir construire un avenir meilleur pour tous. Écouter les jeunes, dans leur désir d’avoir plus d’opportunités, surtout sur le plan éducatif et, ainsi se sentir des protagonistes du Chili dont ils rêvent, en les préservant activement du fléau de la drogue qui les prive du meilleur de leurs vies. Écouter les personnes âgées, avec leur sagesse si nécessaire et leur fragilité croissante. Nous ne pouvons pas les abandonner. Écouter les enfants, qui se présentent au monde les yeux remplis d’étonnement et d’innocence et attendent de nous des réponses réelles pour un avenir de dignité. Et ici, je ne peux m’empêcher de manifester la douleur et la honte que je ressens face au mal irréparable fait à des enfants par des ministres de l’Église. Je voudrais m’unir à mes frères dans l’épiscopat, car s’il est juste de demander pardon et de soutenir avec force les victimes, il nous faut en même temps nous engager pour que cela ne se reproduise pas.

Par cette capacité d’écoute, nous sommes invités – aujourd’hui, de façon spéciale – à prêter une attention préférentielle à notre maison commune : promouvoir une culture qui sache protéger la terre et ainsi ne pas nous contenter juste d’offrir des réponses ponctuelles aux graves problèmes écologiques et environnementaux qui se posent ; à cet effet, il faut l’audace d’offrir « un regard différent, une pensée, une politique, un programme éducatif, un style de vie et une spiritualité qui constitueraient une résistance face à l’avancée du paradigme technocratique» (Lettre encyclique Laudato si’, n. 111), qui privilégie l’agression du pouvoir économique contre les écosystèmes naturels et, par conséquent, contre le bien commun de nos peuples. La sagesse des peuples autochtones peut constituer une grande contribution. De ceux-ci, nous pouvons apprendre qu’il n’y a pas de développement authentique pour un peuple qui tourne le dos à la terre et à tous ceux qui l’entourent. Le Chili a dans ses racines une sagesse capable d’aider à transcender la conception purement consumériste de l’existence pour adopter une attitude de sagesse face à l’avenir.

Ce qui caractérise l’âme chilienne, c’est la vocation à être, cette volonté tenace d’exister (Cf. Gabriela MISTRAL, Breve descripción de Chile, en Anales de la Universidad de Chile [14], 1934). Vocation à laquelle vous êtes tous appelés et par rapport à laquelle personne ne peut se sentir exclu ou superflu. Vocation qui exige une option radicale pour la vie, surtout sous toutes les formes où celle-ci se voit menacée.

Je remercie, une fois encore, pour l’invitation qui m’a permis de venir vous rencontrer, rencontrer l’âme de ce peuple ; et je prie pour que la Vierge du Carmel, Mère et Reine du Chili, continue d’accompagner et de prendre soin des rêves de cette nation bien-aimée.

[00052-FR.01] [Texte original: Espagnol]

Vidéo des intentions du pape François pour février: l’accueil les personnes dans le besoin

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