Homélie du pape François lors de la messe Chrismale du Jeudi Saint 2024

Le jeudi saint 28 mars 2024, le pape François a prononcé l’homélie de la messe chrismale annuelle à la basilique Saint-Pierre. Cette messe spéciale, célébrée dans les cathédrales du monde entier, est l’occasion pour chaque évêque de consacrer les huiles saintes qui seront utilisées tout au long de l’année dans son diocèse et pour les prêtres de renouveler leurs vœux. P

Lisez le texte intégral ci-dessous. 

Homélie de Sa Sainteté le Pape François
Messe chrismale
Jeudi Saint
28 mars 2024

« Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui » (Lc 4, 20). Ce passage de l’Évangile est toujours frappant, il nous permet de visualiser la scène d’imaginer ce moment de silence où tous les regards étaient fixés sur Jésus, dans un mélange d’étonnement et de méfiance. Nous savons cependant comment cela s’est terminé : après que Jésus eut démasqué les fausses attentes de ses compatriotes, ceux-ci « devinrent furieux » (Lc 4, 28), sortirent et le chassèrent hors de la ville. Leurs yeux s’étaient fixés sur Jésus, mais leurs cœurs n’étaient pas disposés à changer sur sa parole. Ils ont ainsi perdu la chance de leur vie.

Mais ce soir, Jeudi saint, un autre croisement de regards a lieu. Le protagoniste est le premier pasteur de notre Église, Pierre. Au début, lui non plus ne s’est pas fié à la parole “démasquante” que le Seigneur lui a adressée : « Tu m’auras renié trois fois » (Mc 14, 30). Il a ainsi “perdu de vue” Jésus et l’a renié au chant du coq. Mais ensuite, quand « le Seigneur, se retournant, posa son regard sur » lui, celui-ci « se souvint de la parole que le Seigneur lui avait dite […] Il sortit et, dehors, pleura amèrement » (Lc 22, 61-62). Ses yeux furent inondés de larmes qui jaillirent d’un cœur blessé, le libérant des fausses convictions et justifications. Ses larmes amères ont changé sa vie.

Les paroles et les gestes de Jésus, pendant des années, n’avaient pas fait dévier Pierre de ses attentes qui étaient semblables à celles des habitants de Nazareth. Lui aussi attendait un Messie politique et puissant, fort et décidé, et face au scandale d’un Jésus faible, arrêté sans opposer de résistance, il déclara : « Non, je ne le connais pas ! » (Lc 22, 57). Et c’est vrai, il ne le connaissait pas. Il a commencé à le connaître quand, dans l’obscurité du reniement, il a fait place aux larmes de la honte, aux larmes du repentir. Et il le connaîtra vraiment quand, « peiné parce que, pour la troisième fois, Jésus lui demandait : “M’aimes-tu ?” », il se laissera pleinement traverser par le regard de Jésus. Alors du « non, je ne le connais pas ! », il passera au : « Seigneur, toi, tu sais tout » (Jn 21, 17).

Chers frères prêtres, la guérison du cœur de Pierre, la guérison de l’Apôtre, la guérison du pasteur a lieu lorsque, blessé et repentant, on se laisse pardonner par Jésus : elle passe par les larmes, les pleurs amers, la douleur qui nous permet de redécouvrir l’amour. C’est pourquoi je souhaite partager avec vous quelques réflexions sur un aspect plutôt négligé – mais essentiel – de la vie spirituelle. Je vous le propose aujourd’hui avec un mot peut-être désuet, mais qu’il est bon je crois de redécouvrir : la componction.

Le mot évoque la piqûre : la componction est une “piqûre au cœur”, une perforation qui le blesse, faisant couler les larmes du repentir. Un épisode concernant encore saint Pierre nous aide. Transpercé par le regard et par les paroles de Jésus ressuscité, le jour de la Pentecôte, purifié et embrasé par l’Esprit, il proclame aux habitants de Jérusalem : « Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous avez crucifié. » (cf. Ac 2, 36). Les auditeurs ressentent à la fois le mal qu’ils ont fait et le salut que le Seigneur leur accorde, et « en entendant ces choses – dit le texte – ils furent touchés au cœur » (Ac 2, 37).

Voici la componction : elle n’est pas un sentiment de culpabilité qui abat, ni un scrupule qui paralyse, mais elle est une piqûre salutaire qui brûle à l’intérieur et guérit, parce que le cœur, lorsqu’il voit son mal et se reconnaît pécheur, s’ouvre, accueille l’action de l’Esprit Saint, eau vive qui l’émeut et fait couler des larmes sur son visage. Celui qui jette le masque et laisse Dieu regarder dans son cœur reçoit le don de ces larmes, les eaux les plus saintes après celles du baptême. [1] Chers frères prêtres, je vous souhaite cela aujourd’hui.

Il faut cependant bien comprendre ce que signifie pleurer sur nous-mêmes. Il ne s’agit pas de nous pleurer dessus, comme nous sommes souvent tentés de le faire. C’est le cas, par exemple, lorsque nous sommes déçus ou inquiets à cause de nos attentes qui ont échoué, du manque de compréhension des autres, peut-être des confrères et des supérieurs. Ou bien lorsque, par un étrange et malsain plaisir de l’âme, nous aimons ressasser les torts que nous avons reçus pour nous apitoyer sur notre sort, en pensant n’avoir pas reçu ce que nous méritions et en imaginant que l’avenir ne peut que nous réserver de continuelles surprises négatives. Cela – enseigne saint Paul – c’est la tristesse selon le monde, opposée à la tristesse selon Dieu. [2]

Pleurer sur nous-mêmes, au contraire, c’est nous repentir sérieusement d’avoir attristé Dieu avec le péché ; c’est reconnaître que nous sommes toujours en dette et jamais en crédit ; c’est admettre que nous avons perdu le chemin de la sainteté, n’ayant pas su garder la foi en l’amour de Celui qui a donné sa vie pour nous. [3] C’est regarder en moi-même et regretter mon ingratitude et mon inconstance ; c’est réfléchir avec tristesse sur ma duplicité et mes mensonges ; c’est descendre dans les méandres de mon hypocrisie, l’hypocrisie cléricale, chers frères, cette hypocrisie dans laquelle beaucoup, beaucoup tombent… Faites attention à l’hypocrisie cléricale. Pour ensuite, à partir de là, lever le regard vers le Crucifié et me laisser émouvoir par son amour qui pardonne toujours et relève, qui ne déçoit jamais les attentes de ceux qui se confient en Lui. Ainsi les larmes continuent à couler et purifient le cœur.

La componction, en effet, demande un effort mais redonne la paix ; elle ne provoque pas d’angoisse mais soulage l’âme de ses fardeaux parce qu’elle agit dans la blessure du péché, en nous disposant à y recevoir la caresse du Seigneur qui transforme le cœur quand il est « brisé et broyé » (Ps 51, 19), adouci par les larmes. La componction est donc l’antidote à la sclérocardie, cette dureté du cœur tant dénoncée par Jésus (cf. Mc 3, 5 ; 10, 5). Le cœur, en effet, sans repentir et sans pleurs, se raidit : il devient d’abord routinier, puis insouciant aux problèmes et indifférent aux personnes, puis froid et presque impassible, comme enveloppé d’une coque incassable, et finalement un cœur de pierre. Mais, comme la goutte creuse la pierre, les larmes creusent lentement les cœurs endurcis. On assiste ainsi au miracle de la tristesse, de la bonne tristesse qui conduit à la douceur.

Nous comprenons alors pourquoi les maîtres spirituels insistent sur la componction. Saint Benoît invite à « confesser chaque jour à Dieu dans la prière ses fautes passées avec larmes et gémissements » [4], et il affirme qu’en priant, « ce n’est pas dans un flot de paroles mais dans la pureté du cœur et les larmes de la componction que nous serons exaucés ». [5] Et si, pour saint Jean Chrysostome, une seule larme éteint un brasier de fautes, [6] l’ Imitation du Christ recommande : « Disposez votre coeur à la componction », car « à cause de la légèreté de notre coeur et de l’insouciance de nos défauts, souvent nous ne sentons pas les maux de notre âme ». [7] La componction est le remède parce qu’elle nous ramène à la vérité sur nous-mêmes, de sorte que la profondeur de notre être de pécheurs révèle la réalité infiniment plus grande de notre être de pardonnés, la joie d’être pardonné. L’affirmation d’Isaac de Ninive n’est donc pas surprenante : « Celui qui oublie la mesure de ses propres péchés, oublie la mesure de la grâce de Dieu à son égard ». [8]

Certes, chers frères et sœurs, toute renaissance intérieure naît toujours de la rencontre entre notre misère et sa miséricorde – notre misère et sa miséricorde se rencontrent -, toute renaissance intérieure passe par notre pauvreté d’esprit qui permet à l’Esprit Saint de nous enrichir. On comprend dans cette lumière les affirmations fortes de nombre de maîtres spirituels. Pensons à celles, paradoxales, de saint Isaac : « Celui qui connaît ses propres péchés […] est plus grand que celui qui, par la prière, ressuscite les morts. Celui qui pleure une heure sur lui-même est plus grand que celui qui sert le monde entier par la contemplation […]. Celui à qui il est donné de se connaître lui-même est plus grand que celui à qui il est donné de voir les anges ». [9]

Frères, venons-en à nous, prêtres, et demandons-nous combien la componction et les larmes sont présentes dans notre examen de conscience et dans notre prière. Demandons-nous si, avec les années, les larmes augmentent. À cet égard, il est bon que le contraire se produise par rapport à la vie biologique, où, quand on grandit, on pleure moins que lorsqu’on est enfant. Dans la vie spirituelle, en revanche, où il est important de devenir un enfant (cf. Mt 18, 3), celui qui ne pleure pas régresse, il vieillit intérieurement tandis que celui qui parvient à une prière plus simple et plus intime, faite d’adoration et d’émotion devant Dieu ; celui-là mûrit. Il s’attache de moins en moins à lui-même et de plus en plus au Christ, et devient pauvre en esprit. Il se sent ainsi plus proche des pauvres, les bien-aimés de Dieu, qu’auparavant – comme l’écrit saint François dans son testament – il tenait à l’écart parce qu’il était dans le péché, mais dont la compagnie d’amère qu’elle était devient douce. [10] Ainsi, celui qui a de la componction dans le cœur se sent de plus en plus frère de tous les pécheurs du monde, il se sent davantage frère, sans aucun sentiment de supériorité ou de dureté de jugement, mais toujours avec le désir d’aimer et de réparer.

Et cela, chers frères est une autre caractéristique de la componction : la solidarité. Un cœur docile, animé de l’esprit des Béatitudes, devient naturellement enclin à la componction pour les autres : au lieu de se mettre en colère et de se scandaliser du mal fait par ses frères, il pleure leurs péchés. Il ne se scandalise pas. Il se produit une sorte de renversement. La tendance naturelle à être indulgent avec soi-même et inflexible avec les autres s’inverse et, par la grâce de Dieu, on devient ferme avec soi-même et miséricordieux avec les autres. Et le Seigneur recherche, surtout parmi ceux qui Lui sont consacrés, ceux qui pleurent les péchés de l’Église et du monde, en se faisant instrument d’intercession pour tous. Combien de témoins héroïques dans l’Église nous montrent cette voie ! Pensons aux moines du désert, en Orient et en Occident ; à l’intercession continue, faite de gémissements et de larmes, de saint Grégoire de Narek ; à l’offrande franciscaine pour l’Amour non aimé ; aux prêtres, comme le Curé d’Ars, qui ont vécu de pénitence pour le salut des autres. Chers frères, ce n’est pas de la poésie, c’est le sacerdoce !

Chers frères, à nous, ses pasteurs, le Seigneur ne demande pas de jugements méprisants à l’endroit de ceux qui ne croient pas, mais de l’amour et des larmes pour ceux qui sont loin. Les situations difficiles que nous voyons et que nous vivons, le manque de foi, les souffrances que nous touchons qui, au contact d’un cœur en componction, ne suscitent pas la fermeté dans la polémique, mais la persévérance dans la miséricorde. Combien nous avons besoin d’être libérés de la dureté et des récriminations, des égoïsmes et des ambitions, des rigidités et des insatisfactions, pour nous abandonner à Dieu, se confier et trouver en Lui une paix qui sauve de toute tempête! Adorons, intercédons et pleurons pour les autres : nous permettrons au Seigneur de faire des merveilles. Et n’ayons pas peur : Il nous surprendra !

Notre ministère en bénéficiera. Aujourd’hui, dans une société sécularisée, nous courons le risque d’être très actifs et en même temps de nous sentir impuissants, avec le résultat de perdre l’enthousiasme avec la tentation de “baisser les bras”, de nous enfermer dans la plainte et de laisser la grandeur des problèmes l’emporter sur la grandeur de Dieu. Nous devenons alors amers et irritables, toujours à dire du mal, toujours à trouver une occasion pour nous plaindre. Mais si, au contraire, l’amertume et la componction portent sur notre propre cœur et non pas sur le monde, le Seigneur ne manquera pas de nous visiter et de nous relever. Comme nous y exhorte l’Imitation du Christ : « N’attire pas à toi les affaires des autres, et ne t’embarrasse pas dans celles des grands. Aie toujours l’œil sur toi d’abord, et reprends-toi particulièrement toi-même, de préférence à tes meilleurs amis. Si tu n’as pas la faveur des hommes, garde-toi de t’en attrister ; mais que ta peine soit de ne pas avoir dans ta vie cette sagesse, cette circonspection qui conviendrait à un serviteur de Dieu ». [11]

Enfin, je voudrais souligner un aspect essentiel : la componction n’est pas tant le fruit de notre exercice, mais elle est une grâce et, comme telle, elle doit être demandée dans la prière. La repentance est un don de Dieu, elle est le fruit de l’action de l’Esprit Saint. Pour faciliter sa croissance, je partage deux petits conseils. Le premier est de ne pas regarder la vie et l’appel dans une perspective d’efficacité et d’immédiateté, liée seulement à aujourd’hui et à ses urgences et attentes, mais dans l’ensemble du passé et de l’avenir. Du passé, en rappelant la fidélité de Dieu – Dieu est fidèle –, en se souvenant de son pardon, en s’ancrant dans son amour ; et de l’avenir, en pensant au but éternel auquel nous sommes appelés, à la fin dernière de notre existence. Élargir les horizons, chers frères, élargir les horizons aide à dilater le cœur, stimule à rentrer en soi avec le Seigneur et à vivre la componction. Un deuxième conseil qui en découle : redécouvrir la nécessité de nous consacrer à une prière qui ne soit pas due et fonctionnelle, mais gratuite, calme et prolongée. Frère comment est ta prière ? Revenir à l’adoration – as-tu oublié d’adorer ?-, revenir à la prière du cœur. Répétons : Jésus, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur. Ressentons la grandeur de Dieu dans notre petitesse de pécheurs, afin de regarder en nous-mêmes et de nous laisser traverser par son regard. Redécouvrons la sagesse de notre Sainte Mère l’Église qui nous introduit dans la prière avec toujours l’invocation du pauvre qui crie : Dieu viens à mon aide.

Bien aimés, revenons enfin à saint Pierre et à ses larmes. L’autel placé sur son tombeau ne peut que nous faire penser à combien de fois, nous qui disons chaque jour « Prenez et mangez-en tous : ceci est mon Corps livré pour vous », nous décevons et attristons Celui qui nous aime au point de faire de nos mains les instruments de sa présence. Il est donc bon de faire nôtres les paroles avec lesquelles nous nous préparons à voix basse : « Le cœur humble et contrit, nous te supplions, Seigneur, accueille-nous », et encore : « Lave-moi de mes fautes, Seigneur, et purifie-moi de mon péché ». Frères, la certitude que nous a donnée aujourd’hui la Parole nous console en toutes choses: le Seigneur, consacré par l’onction (cf. Lc 4, 18), est venu « guérir ceux qui ont le cœur brisé » (Is 61, 1). Alors, si le cœur est brisé, il peut être pansé et guéri par Jésus. Merci, chers prêtres, merci pour vos cœurs ouverts et dociles ; merci pour vos peines et merci pour vos larmes ; merci parce que vous apportez la merveille de la miséricorde – pardonnez toujours, soyez miséricordieux – ; et apportez cette miséricorde, apportez Dieu aux frères et aux sœurs de notre temps. Chers prêtres, que le Seigneur vous réconforte, vous confirme et vous récompense. Merci.

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[1] « L’Église a de l’eau et des larmes : l’eau du baptême, les larmes de la pénitence ». (S. Ambroise, Epistula extra collectionem, I, 12).

[2] « Une tristesse vécue selon Dieu produit un repentir qui mène au salut, sans causer de regrets, tandis que la tristesse selon le monde produit la mort » ( 2 Cor 7, 10).

[3] Cf. S. Jean Chrisostome, De compunctione, I, 10.

[4] Règle, IV, 57.

[5] Ivi, XX, 3.

[6] Cf. De paenitentia. VII, 5.

[7] Chap. XXI

[8] Discours acétiques (III Coll.), XII.

[9] Discours acétiques (I Coll.), XXXV (vers. grecque).

[10] Cf. FF 110.

[11] Chap XXI.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Qu’est-ce que la résurrection ?

Qu’est-ce que la résurrection ? Bien sûr, on pense tout d’abord à la résurrection de Jésus, trois jours après sa mort. C’est ce qu’on célèbre chaque année à Pâques. C’est aussi ce qu’on célèbre chaque dimanche, jour de la résurrection ! C’est pour cela que les chrétiens du monde entier se rassemblent le dimanche. La mort n’a pas pu emprisonner Jésus. Il est le Vivant. Il est le Ressuscité. Il va rencontrer les disciples sur le chemin d’Emmaüs, il rentre dans le cénacle où les apôtres sont rassemblés, il laisse Thomas toucher ses mains et son côté. Il est vraiment ressuscité ! 

Mais la résurrection de Jésus n’est pas le seul moment dans les évangiles où une personne revient à la vie après sa mort. Par exemple, Jésus ressuscite son ami Lazare, mort et enterré depuis quatre jours. « Lazare, viens dehors ! » cria Jésus d’une voix forte devant le tombeau de son ami, qui sort, les mains et les pieds liés par des bandelettes, le visage enveloppé d’un suaire. « Déliez-le et laissez-le aller » dit Jésus, « Je suis la Résurrection et la Vie. » Il y aussi la fille de Jaïre, le chef de la synagogue qui tombe aux pieds de Jésus et le supplie de venir dans sa maison, pour sauver sa fille qui est en train de mourir. En route vers la maison, on reçoit la nouvelle que la fille est morte, mais cela n’arrête pas Jésus. Arrivé à la maison, Jésus prend la main de la petite fille et lui dit, « Mon enfant, éveille-toi ! » L’esprit lui revient et elle se lève. Et Jésus demande de lui donner à manger. Mais dans ces deux cas, Lazare et la fille de Jaïre ne sont pas ressuscités éternellement. Tous les deux, ils reviennent à la vie terrestre, comme s’ils s’étaient simplement endormis.   

Jésus ne nous ressuscite pas pour continuer tranquillement notre vie ici sur terre. En fait, la résurrection de Jésus le jour de Pâques a pour but de nous ressusciter tous à la vie éternelle. C’est pour cela qu’il est mort et ressuscité le troisième jour. Pas pour montrer sa puissance personnelle, mais pour que nous puissions ressusciter avec lui et partager sa vie éternelle. Déjà entre le Vendredi saint et le dimanche de Pâques, Jésus descend aux enfers – comme on dit dans le Credo – pour libérer tous ceux et celles qui y séjournent attendant que se réalisent les promesses de Dieu. On peut penser à toutes les personnes justes de l’Ancien Testament : Abraham, Moïse, Ruth. Jésus vient les ressusciter. Et c’est ainsi qu’il veut ressusciter tout le genre humain. Sa résurrection est la récapitulation de la création toute entière, qui attend le salut. Le dimanche de Pâques ouvre notre horizon au dernier jour où le Christ ressuscitera toute chair. Car oui, ce n’est pas simplement nos âmes que Jésus convie à la vie éternelle, mais nos corps glorifiés comme le sien, et toute la création renouvelée ! « Terre nouvelle et cieux nouveaux » comme nous dit le livre de l’Apocalypse. 

Toi et moi, nous sommes appelés à la vie et à la résurrection. C’est l’espérance et la promesse que Jésus nous donne. Il ne veut pas ressusciter tout seul mais avec nous et avec tous. Déjà ici-bas, dans notre quotidien, nous pouvons faire l’expérience de sa résurrection. Par exemple, dans les moments où nous sommes dans le désespoir, puis il nous arrive une bonne nouvelle. Quand on a peur, puis on est consolé. Quand un défi nous semble insurmontable, nous y arrivons quand même. Quand une amitié ou une relation semble brisée de manière irréparable et puis, s’ouvre la voie du pardon. Quand la nuit nous écrase, mais arrive un jour nouveau. Saint Jean Paul II nous dit : « Nous sommes un peuple pascal et l’Alléluia est notre hymne ». Vivons cette espérance et cette joie que Jésus nous a obtenues par sa victoire sur la mort. Sa résurrection est aussi la nôtre ! 

Viens Jésus, sois vivant en nous pour toujours. Amen.

Qu’est-ce que nous célébrons à Pâques ? Dieu nous tend la main

Que célébrons-nous à Pâques ? Tout le mystère de Pâques peut se résumer en une phrase simple : Dieu tend les mains. Dieu tend les mains entre la Croix et la Résurrection, entre la mort et la vie, entre le ciel et la terre, pour unir toute l’humanité à lui. 

De la Croix à la Résurrection

À la messe, nous entendons que Jésus « étendit les mains à l’heure de sa passion, afin que soit brisée la mort, et que la résurrection soit manifestée » (Prière eucharistique II). Imagine Jésus tendant les bras pour endurer sa passion. Jésus n’est pas contraint à ouvrir ses bras : il les tend volontairement, afin de mourir pour notre salut. C’est ce que nous célébrons et ce dont nous sommes témoins le Vendredi saint, lorsque nous voyons notre Seigneur souffrir et donner sa vie pour nous. Mais la mort n’a pas le dernier mot. Les bras tendus de Jésus sur la Croix ne s’affaissent pas en signe de défaite, mais s’étendent pour nous étreindre, comme l’arbre de vie d’où jaillit la source du salut éternel.

Image de Wikimedia Commons

De la Croix à la Résurrection

AÀ la messe, nous entendons que Jésus « étendit les mains à l’heure de sa passion, afin que soit brisée la mort, et que la résurrection soit manifestée » (Prière eucharistique II). Imagine Jésus tendant les bras pour endurer sa passion. Jésus n’est pas contraint à ouvrir ses bras : il les tend volontairement, afin de mourir pour notre salut. C’est ce que nous célébrons et ce dont nous sommes témoins le Vendredi saint, lorsque nous voyons notre Seigneur souffrir et donner sa vie pour nous. Mais la mort n’a pas le dernier mot. Les bras tendus de Jésus sur la Croix ne s’affaissent pas en signe de défaite, mais s’étendent pour nous étreindre, comme l’arbre de vie d’où jaillit la source du salut éternel.

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Entre la mort et la vie

Les bras tendus de Jésus sont un pont entre la mort et la vie. C’est le pont que Jésus traverse le samedi saint, lorsqu’il descend aux enfers pour réveiller ceux qui se sont endormis. Il existe de magnifiques icônes représentant Jésus, les bras étendus, en train de ressusciter ceux qui sont morts. Jésus ne ressuscite pas seulement pour lui-même : il ressuscite pour nous ressusciter ! Il revient à la vie pour restaurer notre vie. Il passe de la mort à la vie pour que nous puissions l’accompagner sur ce même chemin. 

Jésus se lève de la tombe et nous tire de notre tombe avec lui. C’est ce que Jésus fait également avec nos proches qui sont décédés. Pour le Christ, ils ne sont pas morts mais endormis, et il vient les relever et leur donner une vie nouvelle. Ainsi, Pâques n’est pas seulement la fête de la résurrection de Jésus, mais la fête de la résurrection de tous ceux et celles qui se sont endormis, et la fête de notre résurrection aussi. En Christ, nous restons en communion avec ceux qui nous ont précédés. Il est notre pont vers eux, et leur pont vers nous.

 

Entre ciel et terre

Sur la Croix, Jésus tend les bras pour réunir le ciel et la terre. En effet, toute la vie de Jésus dans notre monde est un rendez-vous entre la terre et le ciel. Jésus est le royaume de Dieu présent parmi nous. Il vient de Dieu pour nous amener à Dieu. Jésus descend sur terre depuis le cœur de la Trinité, comme le bras tendu du Père, pour venir au secours de l’humanité, pour nous sauver de nos fautes et même de la mort. Jésus monte au ciel pour nous amener avec lui, nous donnant de partager la vie de la Trinité. Dieu le Fils est devenu un être humain afin que nous puissions vivre éternellement avec lui en tant que fils et filles du Père, frères et sœurs les uns des autres. 

 

Entre le Juif et le Grec

Jésus jette un pont entre le ciel et la terre, non seulement pour que nous puissions être unis à Dieu en tant qu’individus, mais surtout collectivement. En effet, le paradis n’est pas une expérience solitaire dans laquelle chacun d’entre nous a sa propre petite chambre d’hôtel, où nous nous reposons tranquillement, loin des autres. Au contraire, le paradis est à la fois l’union avec Dieu et l’unité de tout le genre humain. Être sauvé, ce n’est pas seulement être réconcilié avec Dieu, c’est aussi être réconcilié avec tous nos frères et sœurs de l’humanité. Dieu ne nous sauve pas seulement en tant qu’individus, mais ensemble en tant que peuple qu’il rassemble à lui (cf. Lumen Gentium, 1 ; 9). 

La mort et la résurrection de Jésus n’ont pas seulement le pouvoir de nous réconcilier avec Dieu, mais aussi de nous réconcilier les uns avec les autres. À l’époque de Jésus, la société était divisée entre les Juifs et les païens. Les uns étaient considérés comme le peuple de Dieu, les autres comme des infidèles. Pourtant, Jésus brise les murs de division entre eux, les réconciliant l’un avec l’autre par le sang de la Croix. Pour reprendre les mots de saint Paul :

Mais maintenant, dans le Christ Jésus, vous qui autrefois étiez loin, vous êtes devenus proches par le sang du Christ. C’est lui, le Christ, qui est notre paix : des deux, le Juif et le païen, il a fait une seule réalité ; par sa chair crucifiée, il a détruit ce qui les séparait, le mur de la haine ; il a supprimé les prescriptions juridiques de la loi de Moïse. Ainsi, à partir des deux, le Juif et le païen, il a voulu créer en lui un seul Homme nouveau en faisant la paix, et réconcilier avec Dieu les uns et les autres en un seul corps par le moyen de la croix ; en sa personne, il a tué la haine. Il est venu annoncer la bonne nouvelle de la paix, la paix pour vous qui étiez loin, la paix pour ceux qui étaient proches. Par lui, en effet, les uns et les autres, nous avons, dans un seul Esprit, accès auprès du Père. Ainsi donc, vous n’êtes plus des étrangers ni des gens de passage, vous êtes concitoyens des saints, vous êtes membres de la famille de Dieu, car vous avez été intégrés dans la construction qui a pour fondations les Apôtres et les prophètes ; et la pierre angulaire, c’est le Christ Jésus lui-même. En lui, toute la construction s’élève harmonieusement pour devenir un temple saint dans le Seigneur. En lui, vous êtes, vous aussi, les éléments d’une même construction pour devenir une demeure de Dieu par l’Esprit Saint (Éphésiens 2,13-22).

La mort de Jésus marque un tournant dans nos relations mutuelles en tant qu’êtres humains. Par sa vie, sa mort et sa résurrection, Jésus cherche à établir la paix entre des peuples en guerre. Il meurt pour abattre les murs qui nous séparent de Dieu, ainsi que les murs qui nous séparent les uns des autres. Cela est vrai non seulement pour les guerres, mais aussi dans notre vie quotidienne, dans les divisions, les conflits et les tensions qui affectent nos relations les uns avec les autres, que ce soit dans nos familles, sur notre lieu de travail ou dans nos communautés. Il veut faire de nous des citoyens du ciel, des membres de la famille de Dieu, dès ici et maintenant.

Cette année, laisse Jésus être le pont dans ta vie. Laisse-le marcher avec toi à travers les croix que tu portes pour qu’il touche ta vie avec la puissance de la résurrection. Laisse-le te réconcilier avec Dieu et avec les autres, et te conduire, toi et ceux et celles qui t’entourent, sur le chemin de la vie éternelle. Laisse Jésus te tendre la main. Qu’il nous embrasse et nous réunisse en lui.

Jésus ressuscité, viens et sois le Pont entre le ciel et la terre, dans nos vies et dans notre monde. Rassemble-nous dans l’unité et la paix pour unir tout le genre humain avec Dieu. Amen.

Le Carême and Pâques : soyons transformés, cheminant ensemble

Quel est le lien entre la synodalité, le Carême et Pâques ? Comment vivre le chemin de Carême et de Pâques de manière synodale ?

Pensons à deux images clés : celle de « marcher ensemble » et celle de la « transformation ». 

La synodalité nous rappelle que le Carême et la Pâques ne sont pas un trajet à faire tout seul, mais un chemin que nous sommes appelés à parcourir ensemble. Tout d’abord, nous marchons ensemble avec Dieu. C’est le Christ qui nous précède et qui nous conduit. Le Carême et Pâques sont un temps où nous avançons avec Jésus, où nous le suivons de plus près, où nous réalisons à nouveau combien il est proche de nous. En même temps, l’expérience de marcher avec le Christ nous ouvre les uns aux autres. Être disciple, ce n’est pas seulement suivre Jésus, mais le faire avec d’autres, comme les premiers apôtres que Jésus a rassemblés autour de lui. Ils ont parcouru ensemble la Galilée et la Judée pendant trois ans en suivant Jésus. Ils ne marchaient pas tout seuls : ils faisaient partie d’une communauté en marche, qui s’appelle aujourd’hui « l’Église » !

Comme il est facile de considérer le Carême comme un chemin personnel dans lequel chacun de nous s’efforce de faire ses propres efforts. Mais le Carême n’est pas destiné à être vécu seul, tout comme Pâques n’est pas destiné à être célébré seul. Le Carême et Pâques sont le voyage de l’Église toute entière – c’est le chemin qui mène du désert à la terre promise, de la mort à la vie nouvelle, du péché au salut, de la Croix à la Résurrection. Cette année, profitons de ce temps pour vivre ce cheminement ensemble avec le Christ et avec d’autres. 

Cela nous amène à notre deuxième image-clé : la transformation. Notre expérience du Carême et de Pâques est censée nous transformer, tout comme le chemin de la synodalité. Les deux vont de pair. Comme nous le savons, le Carême est un temps de conversion : pour nous préparer à Pâques, pour ouvrir nos cœurs et nous laisser renouveler par Dieu. Jésus nous invite à nous concentrer sur Lui et sur les autres, en surmontant nos tentations de rester centrés sur nous-mêmes. La synodalité implique ce même type de conversion, d’ouverture à Dieu et aux autres. Notre pèlerinage du Carême et de Pâques est une chance de se laisser renouveler par le Christ chaque année. La synodalité est le chemin par lequel Dieu veut renouveler toute l’Église en ce moment de l’histoire. Le Christ nous transforme lorsque nous marchons ensemble, en tant que chrétiens et en tant qu’êtres humains. Car la synodalité n’est pas seulement une façon de marcher ensemble en tant que disciples mais aussi une façon de marcher ensemble avec le monde. Notre mission en tant qu’Église est de partager avec tous la joie de Pâques – du Christ qui est vraiment ressuscité et présent au milieu de nous. Marcher avec le monde est le chemin par lequel nous pouvons vivre la mission de l’Église au 21ème siècle. 

Alors que nous traversons les temps du Carême et de Pâques, cherchons des moyens de partager notre expérience avec d’autres. Ce n’est pas un chemin que nous parcourons seuls. Profitons de ce temps pour parler aux autres de la manière dont tu as grandi spirituellement pendant le Carême. Ose répandre la joie de Pâques plus largement cette année, en particulier avec ceux et celles qui sont dans la difficulté et le besoin. Pourquoi pas inviter quelqu’un qui est seul à célébrer le dimanche de Pâques avec toi et ta famille à se joindre à vous pour Pâques, ou tend la main à un membre de ta famille élargie avec qui tu as perdu le contact. Laisse-toi transformer par l’expérience de marcher ensemble avec d’autres dans la lumière du Christ ressuscité, qui nous appelle non seulement en tant qu’individus mais ensemble. Notre Seigneur crucifié et ressuscité vient à notre rencontre à travers les autres, tout comme il vient à la rencontre des autres à travers nous. Il est présent et vivant au milieu de nous alors que nous cheminons ensemble, les uns avec les autres.

Pour en savoir davantage sur le parcous sur la synodalité, regardez le dernier épisode de « Sur le chemin du Synode » sur Sel + Lumière plus.

 

Quel est le sens du Carême ?

Photo de Cristian Gutiérrez, LC sur Cathopic.

Nous voici de nouveau dans le temps de Carême. Quel est le sens du Carême ? 

Souvent, nous considérons le Carême comme un moment dur où nous devons serrer les dents et nous efforcer de nous améliorer. Nous voulons peut-être perdre du poids, alors nous renonçons au chocolat. Nous voulons améliorer notre santé, alors nous renonçons à l’alcool. Nous nous concentrons sur nos efforts humains et sur le degré d’autodiscipline que nous pouvons rassembler pour nous améliorer. Mais est-ce vraiment là le sens du carême ? 

En réalité, le Carême ne porte pas tant sur ce que nous pouvons faire pour Dieu, ou pour nous-mêmes, mais plutôt sur ce que Jésus fait pour nous et sur la manière dont nous pouvons nous mettre sur sa longueur d’onde. Le Carême, c’est le temps privilégié pour accompagner Jésus dans sa montée vers Jérusalem, lieu de notre salut, de la mort et la résurrection du Christ. Le Carême consiste à se mettre au diapason du sacrifice que Jésus fait de lui-même, un sacrifice qu’aucune de nos actions ne pourra jamais égaler ou atteindre. Le don de Jésus est totalement unique, une fois pour toutes. 

Chaque année, nous faisons l’expérience du Carême afin de nous ouvrir davantage pour recevoir le don de son sacrifice pour nous. L’accent n’est pas tant mis sur ce que nous pouvons ou ne pouvons pas faire, mais sur ce que Jésus a fait, fait et fera pour nous. La dureté du désert de Carême est adoucie par la miséricorde, la tendresse et la compassion de Dieu qui vient nous faire avancer avec lui. Le Carême est un chemin de conversion sur lequel Dieu nous prend par la main comme un Père pour marcher avec son Fils Jésus. 

Le Carême nous prépare à ce que nous célébrerons le Jeudi Saint, le Vendredi Saint et le Dimanche de Pâques, lorsque nous verrons Jésus se livrer pour nous, donner sa vie et ressusciter le troisième jour. Il ne s’agit pas seulement d’un temps lourd à supporter, mais d’un moment propice, une saison favorable, pour grandir avec le Seigneur, pour nous laisser saisir par lui, pour trouver plus de force, de ferveur et d’enthousiasme à sa suite. Ce n’est pas seulement l’occasion de se laisser fortifier par Dieu face à nos tentations, nos mauvais penchants, mais encore plus l’opportunité de nous laisser transfigurer, façonner, modeler par le Christ, à son image. Pour devenir davantage fils et filles du Père dans l’Esprit Saint. 

En ce sens, les trois pratiques qui caractérisent le Carême – la prière, le jeûne et les actes de charité – sont des clés d’entrée dans cette dynamique de la grâce par laquelle Dieu nous transforme petit-à-petit. 

Jésus nous invite à l’accompagner dans ce pèlerinage de la mort à la vie nouvelle, et il est à l’œuvre tout au long du Carême pour nous conduire sur ce chemin qu’il a déjà emprunté avant nous. Comment Jésus t’appelle-t-il à te tourner vers lui pendant ce Carême ? Comment le Christ t’invite-t-il à être plus conscient de ce qu’il fait en toi et autour de toi ? Quels nouveaux chemins Jésus veut-il ouvrir pour toi pendant ce Carême, afin de vivre plus pleinement sa mort et sa résurrection à Pâques ? En même temps, souvenons-nous que nous ne sommes pas seuls sur ce chemin de Carême. Nous vivons ce temps ensemble, en Église, comme des compagnons de route à la suite du Christ. 

Jésus, envoie ton Esprit pour nous renouveler, nous fortifier, nous transformer pendant ces 40 jours. Marche avec nous, guide nos pas, prends-nous par la main, alors que nous marchons ensemble à ta suite.

Message du pape François pour le Carême 2023

Église de la Transfiguration, Mont Thabor. Wikimedia Commons.

Dans son message pour le Carême 2023, le Pape François a évoqué la Transfiguration de Notre Seigneur et la  » ‘retraite’ sur le Mont Thabor  » comme une image du chemin de l’Église vers Pâques ainsi que du chemin synodal. Le Saint-Père a déclaré que « le Carême conduit à Pâques : la « retraite » n’est pas une fin en soi, mais un moyen de nous préparer à vivre la passion et la croix du Seigneur avec foi, espérance et amour, et à arriver ainsi à la résurrection. »

Voici le texte intégral:

Message du pape François pour le Carême 2023

Ascèse de Carême, itinéraire synodal

Chers frères et sœurs !

Les Évangiles de Matthieu, de Marc et de Luc concordent pour raconter l’épisode de la Transfiguration de Jésus. Dans cet événement, nous voyons la réponse du Seigneur à l’incompréhension manifestée par les disciples à son égard. Peu avant, en effet, un accrochage sérieux s’était produit entre le Maître et Simon-Pierre qui, après avoir professé sa foi dans le fait que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, avait repoussé son annonce de la passion et de la croix. Jésus l’avait repris avec force : « Passe derrière moi, Satan ! Tu es pour moi une occasion de chute : tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes » (Mt 16, 23). Et voici que « six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmène à l’écart, sur une haute montagne » (Mt 17, 1).

L’Évangile de la Transfiguration est proclamé chaque année, le deuxième dimanche du Carême. Durant ce temps liturgique, en effet, le Seigneur nous prend avec lui et nous emmène à l’écart. Même si nos activités ordinaires requièrent que nous restions aux lieux habituels, en vivant un quotidien souvent répétitif et parfois ennuyant, pendant le Carême nous sommes invités à monter “sur une haute montagne” avec Jésus, pour vivre avec le Peuple saint de Dieu une expérience d’ascèse particulière.

L’ascèse de Carême est un effort, toujours animé par la Grâce, pour surmonter nos manques de foi et nos résistances à suivre Jésus sur le chemin de la croix. Précisément ce dont avaient besoin Pierre et les autres disciples. Pour approfondir notre connaissance du Maître, pour comprendre et accueillir à fond le mystère du salut divin, réalisé dans le don total de soi par amour, il faut se laisser conduire par lui à l’écart et en hauteur, en se détachant des médiocrités et des vanités. Il faut se mettre en chemin, un chemin qui monte, qui exige effort, sacrifice, concentration, comme une excursion en montagne. Ces conditions sont également importantes pour le chemin synodal dans lequel nous nous sommes engagés, en tant qu’Église. Il nous sera bon de réfléchir sur cette relation qui existe entre l’ascèse de Carême et l’expérience synodale.

Pour cette “retraite” sur le mont Thabor, Jésus emmène avec lui trois disciples, choisis pour être témoins d’un événement unique. Il veut que cette expérience de grâce ne soit pas solitaire, mais partagée, comme l’est, du reste, toute notre vie de foi. Jésus, on doit le suivre ensemble. Et c’est ensemble, comme Église pérégrinant dans le temps, que l’on vit l’année liturgique et, à l’intérieur de celle-ci, le Carême, en marchant avec ceux que le Seigneur a placés à nos côtés comme compagnons de voyage. Par analogie avec la montée de Jésus et des disciples au Thabor, nous pouvons dire que notre chemin de Carême est “synodal”, car nous l’accomplissons ensemble sur le même chemin, disciples de l’unique Maître. Bien plus, nous savons qu’il est lui-même la Voie, et donc, que ce soit dans l’itinéraire liturgique ou dans celui du Synode, l’Église ne fait rien d’autre que d’entrer toujours plus profondément et pleinement dans le mystère du Christ Sauveur.

Et nous arrivons au moment culminant. L’Évangile raconte que Jésus « fut transfiguré devant eux ; son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière » (Mt 17, 2). Voilà le “sommet”, le but du chemin. Au terme de la montée, lorsqu’ils sont sur la montagne avec Jésus, la grâce est donnée aux trois disciples de le voir dans sa gloire, resplendissant de lumière surnaturelle, qui ne venait pas du dehors, mais qui irradiait de Lui-même. La divine beauté de cette vision fut incomparablement supérieure à toute la fatigue que les disciples avaient pu accumuler pour monter au Thabor. Comme pour toute excursion exigeante en montagne, il faut en montant tenir le regard bien fixé sur le sentier ; mais le panorama qui se déploie à la fin surprend et récompense par son émerveillement. Le processus synodal apparaît lui aussi souvent ardu et nous pourrions parfois nous décourager. Mais ce qui nous attend à la fin est sans aucun doute quelque chose de merveilleux et de surprenant, qui nous aidera à mieux comprendre la volonté de Dieu et notre mission au service de son Royaume.

L’expérience des disciples sur le Thabor s’enrichit encore quand, lorsqu’à côté de Jésus transfiguré apparaissent Moïse et Élie qui personnifient la Loi et les Prophètes (cf. Mt 17, 3). La nouveauté du Christ est l’accomplissement de l’Ancienne Alliance et des promesses ; elle est inséparable de l’histoire de Dieu avec son peuple et en révèle le sens profond. De même, le parcours synodal est enraciné dans la tradition de l’Église et, en même temps, ouvert à la nouveauté. La tradition est source d’inspiration pour chercher des voies nouvelles, en évitant les tentations opposées de l’immobilisme et de l’expérimentation improvisée.

Le chemin ascétique du Carême, ainsi que le chemin synodal ont tous deux comme objectif une transfiguration, personnelle et ecclésiale. Une transformation qui, dans les deux cas, trouve son modèle dans celle de Jésus et se réalise par la grâce de son mystère pascal. Pour que cette transfiguration puisse s’accomplir en nous cette année, je voudrais proposer deux “sentiers” à suivre pour monter avec Jésus et parvenir avec Lui à destination.

Le premier fait référence à l’impératif que Dieu le Père adresse aux disciples sur le Thabor, alors qu’ils contemplent Jésus transfiguré. La voix venant de la nuée dit : « Écoutez-le » (Mt 17, 5). La première indication est donc très claire : écouter Jésus. Le Carême est un temps de grâce dans la mesure où nous nous mettons à l’écoute de Celui qui parle. Et comment nous parle-t-il ? Avant tout dans la Parole de Dieu que l’Église nous offre dans la Liturgie : ne la laissons pas tomber dans le vide. Si nous ne pouvons pas toujours participer à la messe, lisons les Lectures bibliques jour après jour, y compris avec l’aide d’internet. En plus des Écritures, le Seigneur nous parle à travers les frères, surtout par les visages et par les histoires de ceux qui ont besoin d’aide. Mais je voudrais ajouter aussi un autre aspect, très important dans le processus synodal : l’écoute du Christ passe aussi à travers l’écoute des frères et des sœurs dans l’Église, cette écoute réciproque qui est l’objectif principal durant certaines phases, mais qui, de toute façon, demeure toujours indispensable dans la méthode et dans le style d’une Église synodale.

En entendant la voix du Père, « les disciples tombèrent face contre terre et furent saisis d’une grande crainte. Jésus s’approcha, les toucha et leur dit : “Relevez-vous et soyez sans crainte”. Levant les yeux, ils ne virent plus personne, sinon lui, Jésus, seul » (Mt 17, 6-8). Voilà la seconde indication pour ce Carême : ne pas se réfugier dans une religiosité faite d’événements extraordinaires, d’expériences suggestives, par peur d’affronter la réalité avec ses efforts quotidiens, ses duretés et ses contradictions. La lumière que Jésus montre aux disciples est une anticipation de la gloire pascale, vers laquelle il faut aller, en le suivant “Lui seul”. Le Carême est orienté vers Pâques : la “retraite” n’est pas une fin en soi, mais elle nous prépare à vivre avec foi, espérance et amour, la passion et la croix, pour parvenir à la résurrection. De même, le parcours synodal ne doit pas non plus nous faire croire que nous sommes arrivés quand Dieu nous donne la grâce de certaines expériences fortes de communion. Là encore, le Seigneur nous répète : « Relevez-vous et soyez sans crainte ». Redescendons dans la plaine et que la grâce dont nous saurons fait l’expérience nous soutienne pour être des artisans de synodalité dans la vie ordinaire de nos communautés.

Chers frères et sœurs, Que l’Esprit Saint nous fasse vivre ce Carême dans l’ascèse avec Jésus, pour faire l’expérience de sa splendeur divine et, ainsi fortifiés dans la foi, poursuivre ensemble le chemin avec Lui, gloire de son peuple et lumière des nations.


Le Carême à l’ère numérique

(Photo: courtoisie de Pixabay)

Cette année, dans son homélie du Mercredi des cendres le Pape a prononcé une parole très évocatrice: Le voyage du Carême est un exode, un exode de l’esclavage à la liberté. Quelle formes d’esclavage pouvons-nous vivre aujourd’hui, alors que les droits et libertés de chacun sont reconnus et la communication est sans limites? La réponse se trouve à même certaines servitudes cachées, certaines tendances subtiles de notre époque qui nous affectent tous à certains degrés. Si l’ère du numérique nous a apporté un grand progrès, elle a aussi eu des conséquences sur notre contact avec Dieu et sa création. 

Les tentations numériques

Si nous pouvions mettre tout notre temps à nous rapprocher de Dieu, en évitant toute forme de distraction, nous pourrions goûter plus profondément à l’expérience de son Amour inconditionnel. Déjà, en étant marqués par le péché, nous avons toutes sortes de tentations qui nous éloignent naturellement de cette relation privilégiée. Nous tombons dans de nombreux excès d’orgueil, de gourmandise, d’avarice, etc. 

Il existe cependant des sources de distraction qui sont propres à notre époque, qui stimulent notre sens de la récompense instantanée: les téléphones intelligents, les jeux électroniques et les médias sociaux. Ayant émergé comme des outils permettant de faciliter la communication et le loisir, ces technologies se sont vite avérées être des sources de distraction sans fond qui absorbent chaque once d’attention que nous possédons. 

De plus, les médias sociaux affectent particulièrement l’image personnelle de nombreux adolescents et adolescentes. Au moment de la transformation physique la plus importante de leur vie, ceux-ci trouvent des millions de personnes auxquelles se comparer et qui sont susceptibles de juger leur apparence. Les réseaux sociaux offrent l’illusion d’une valeur quantifiée de son image corporelle et personnelle. Le nombre de ‘j’aime’ et le nombre d’abonnés ne sont en fait qu’un autre appel à s’enorgueillir. 

En d’autres termes, l’ère numérique semble être une ère du jugement et du divertissement. Où est la place pour la conversion, pour le retour vers le Christ?

Jeûne à la manière numérique

Le jeûne du Carême est bien connu. Depuis les débuts de l’Église, un ensemble de pratiques de jeûne sont maintenues par les fidèles. Aujourd’hui, elles se sont considérablement adoucies, le vrai jeûne n’étant demandé par l’Église qu’au Mercredi des cendres et au Vendredi Saint, et ce, en excluant les enfants, adolescents, les personnes âgées ainsi que les femmes enceintes. Pendant le Carême, une sorte de jeûne mineur est encouragé, en plus de l’aumône et de la prière. C’est pourquoi certains arrêtent de consommer du chocolat ou de l’alcool. 

Fondamentalement, le jeûne se rapporte à l’alimentation, mais par analogie, nous pouvons entamer toutes sortes de jeûnes. Le principe est celui de la conversion. Nous cherchons, en temps de Carême, à nous tourner vers Dieu, à améliorer notre relation avec lui. Nous pouvons difficilement faire cela si nous nous laissons toujours distraire par les réseaux sociaux, la télévision, et les jeux électroniques. 

Un jeûne numérique est peut-être le jeûne le plus profitable pour nombreux d’entre nous. Évidemment, la pandémie ne permet pas un jeûne numérique total, mais on peut tout de même tenter de diminuer notre temps d’écran pour se rapprocher de Dieu et lui offrir des  temps de silence.

Retour vers Dieu

L’origine latine de divertissement est diverto, se détourner de, qui exprime l’opposé de converto, se tourner vers, la racine du mot conversion. Ces deux mouvements très simples nous permettent de comprendre l’enseignement du Pape selon lequel le Carême est un voyage de retour vers Dieu, en même temps d’être un exode de l’esclavage à la liberté. 

Nous pouvons même voir que le passage de l’esclavage vers la liberté est un voyage vers Dieu, car Dieu est le seul à pouvoir nous rendre véritablement libre. En se rapprochant de lui, notre compréhension de la liberté s’aiguise et nous en donne une définition plus complète et précise. Non plus comme la « liberté » de faire n’importe quoi, mais plutôt notre capacité à rechercher et faire le bien.

Quel est alors notre esclavage? L’esclavage est celui du péché certes, mais ce dernier prend des formes diverses pour chacun. De mon côté, la vie numérique, les réseaux sociaux plus généralement, m’éloignent souvent de Dieu. C’est pourquoi c’est un jeûne numérique que j’entame. Quoique le Christ ou les Pères de l’Église n’aient pas présagé l’arrivée de notre monde virtuel, ils nous avaient déjà donné les principes pour en détecter le vice inhérent.

Rester en contact

Il existe une autre forme de communication qui, elle, est grandement utile à notre foi: la prière. Elle implique des choses que l’on a tendance à fuir: le silence et l’arrêt. Occuper chaque seconde avec un bruit ou une image est dangereux, car on passe ainsi à côté de chaque opportunité d’écouter l’Esprit Saint et de rendre grâce à Dieu. Le Carême est ainsi une chance inouïe d’affronter le silence, laisser de côté les tablettes et offrir notre temps “d’ennui” à Dieu pour que, transfigurés avec Lui, nous vivions chaque instant dans toute sa beauté et sa force.

Homélie du pape François pour le mercredi des Cendres

(Photo:CNS/Paul Haring) Vous trouverez ci-dessous le texte complet de l’homélie du Pape François lors de la célébration du Mercredi des cendres en la basilique Sainte-Sabine de Rome:

« Sonnez du cor, prescrivez un jeûne sacré » (Jl 2, 15), dit le prophète dans la Première Lecture. Le Carême s’ouvre avec un son strident, celui d’une corne qui ne caresse pas les oreilles, mais organise un jeûne. C’est un son puissant, qui veut ralentir notre vie qui va toujours au pas de course, mais souvent ne sait pas bien où. C’est un appel à s’arrêter, à aller à l’essentiel, à jeûner du superflu qui distrait. C’est un réveil pour l’âme.

Au son de ce réveil est joint le message que le Seigneur transmet par la bouche du prophète, un message bref et pressant : « Revenez à moi » (v. 12). Revenir. Si nous devons revenir, cela signifie que nous sommes allés ailleurs. Le Carême est le temps pour retrouver la route de la vie.Parce que dans le parcours de la vie, comme sur tout chemin, ce qui compte vraiment est de ne pas perdre de vue le but. Lorsqu’au contraire dans le voyage, ce qui intéresse est de regarder le paysage ou de s’arrêter pour manger, on ne va pas loin. Chacun de nous peut se demander : sur le chemin de la vie, est-ce que je cherche la route ? Ou est-ce que je me contente de vivre au jour le jour, en pensant seulement à aller bien, à résoudre quelques problèmes et à me divertir un peu ? Quelle est la route ? Peut-être la recherche de la santé, que beaucoup disent venir avant tout mais qui un jour ou l’autre passera ? Peut-être les biens et le bien-être ? Mais nous ne sommes pas au monde pour cela.Revenez à moi, dit le Seigneur. A moi. C’est le Seigneur le but de notre voyage dans le monde. La route est fondée sur Lui.

Pour retrouver la route, aujourd’hui nous est offert un signe : des cendres sur la tête. C’est un signe qui nous fait penser à ce que nous avons en tête. Nos pensées poursuivent souvent des choses passagères, qui vont et viennent. La légère couche de cendres que nous recevrons est pour nous dire, avec délicatesse et vérité : des nombreuses choses que tu as en tête, derrière lesquelles chaque jour tu cours et te donne du mal, il ne restera rien. Pour tout ce qui te fatigue, de la vie tu n’emporteras avec toi aucune richesse. Les réalités terrestres s’évanouissent, comme poussière au vent. Les biens sont provisoires, le pouvoir passe, le succès pâlit. La culture de l’apparence,aujourd’hui dominante, qui entraîne à vivre pour les choses qui passent, est une grande tromperie. Parce que c’est comme une flambée : une fois finie, il reste seulement la cendre. Le Carême est le temps pour nous libérer de l’illusion de vivre en poursuivant la poussière. Le Carême c’est redécouvrir que nous sommes faits pour le feu qui brûle toujours, non pour la cendre qui s’éteint tout de suite; pour Dieu, non pour le monde ; pour l’éternité du Ciel, non pour la duperie de la terre ; pour la liberté des enfants, non pour l’esclavage des choses. Nous pouvons nous demander aujourd’hui : de quel côté suis-je ? Est-ce que je vis pour le feu ou pour la cendre ?

Dans ce voyage de retour à l’essentiel qu’est le Carême, l’Evangile propose trois étapes que le Seigneur demande de parcourir sans hypocrisie, sans comédie : l’aumône, la prière, le jeûne. A quoi servent-elles ? L’aumône, la prière et le jeûne nous ramènent aux trois seules réalités qui ne disparaissent pas. La prière nous rattache à Dieu ; la charité au prochain ; le jeûne à nous-mêmes. Dieu, les frères, ma vie : voilà les réalités qui ne finissent pas dans le néant, sur lesquelles il faut investir. Voilà où le Carême nous invite à regarder : vers le Haut, avec la prière qui nous libère d’une vie horizontale, plate, où on trouve le temps pour le ‘je’ mais où l’on oublie Dieu. Et puisvers l’autre avec la charité qui libère de la vanité de l’avoir, du fait de penser que les choses vont bien si elles me vont bien à moi. Enfin, il nous invite à regarder à l’intérieur, avec le jeûne, qui nous libère de l’attachement aux choses, de la mondanité qui anesthésie le cœur. Prière, charité, jeûne : trois investissements pour un trésor qui dure.

Jésus a dit : « Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur » (Mt 6, 21). Notre cœur regarde toujours dans quelque direction : il est comme une boussole en recherche d’orientation. Nous pouvons aussi le comparer à un aimant : il a besoin de s’attacher à quelque chose. Mais s’il s’attache seulement aux choses terrestres, tôt ou tard, il en devient esclave : les choses dont on se sert deviennent des choses à servir. L’aspect extérieur, l’argent, la carrière, les passe-temps : si nous vivons pour eux, ils deviendront des idoles qui nous utilisent, des sirènes qui nous charment et ensuite nous envoient à la dérive. Au contraire, si le cœur s’attache à ce qui ne passe pas, nous nous retrouvons nous-même et nous devenons libres. Le Carême est un temps de grâce pour libérer le cœur des vanités. C’est un temps de guérison des dépendances qui nous séduisent. C’est un temps pour fixer le regard sur ce qui demeure.

Où fixer alors le regard le long du chemin du Carême ? Sur le Crucifié. Jésus en croix est la boussole de la vie, qui nous oriente vers le Ciel. La pauvreté du bois, le silence du Seigneur, son dépouillement par amour nous montrent les nécessités d’une vie plus simple, libre de trop de soucis pour les choses. De la Croix Jésus nous enseigne le courage ferme du renoncement. Parce que chargés de poids encombrants, nous n’irons jamais de l’avant. Nous avons besoin de nous libérer des tentacules du consumérisme et des liens de l’égoïsme, du fait de vouloir toujours plus, de n’être jamais content, du cœur fermé aux besoins du pauvre. Jésus sur le bois de la croix brûle d’amour, il nous appelle à une vie enflammée de Lui, qui ne se perd pas parmi les cendres du monde ; une vie qui brûle de charité et ne s’éteint pas dans la médiocrité. Est-il difficile de vivre comme lui le demande ? Oui, mais il conduit au but. Le Carême nous le montre. Il commence avec la cendre, mais à la fin, il nous mène au feu de la nuit de Pâques ; à découvrir que, dans le tombeau, la chair de Jésus ne devient pas cendre, mais resurgit glorieuse. Cela vaut aussi pour nous, qui sommes poussière : si avec nos fragilités nous revenons au Seigneur, si nous prenons le chemin de l’amour, nous embrasserons la vie qui n’a pas de couchant. Et nous serons dans la joie.

[00395-FR.01] [Texte original: Italien]

Message du pape François pour le carême 2019

Vous trouverez ci-dessous le texte complet du Message du pape François pour le Carême 2019 (CNS photo/Stefano Rellandini, Reuters):

«La création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu» (Rm 8,19)

Chers frères et sœurs,
Chaque année, Dieu, avec le secours de notre Mère l’Eglise, « accorde aux chrétiens de se préparer aux fêtes pascales dans la joie d’un cœur purifié » (Préface de Carême 1) pour qu’ils puissent puiser aux mystères de la rédemption, la plénitude offerte par la vie nouvelle dans le Christ. Ainsi nous pourrons cheminer de Pâques en Pâques jusqu’à la plénitude du salut que nous avons déjà reçue grâce au mystère pascal du Christ : « Car nous avons été sauvés, mais c’est en espérance » (Rm 8,24). Ce mystère de salut, déjà à l’œuvre en nous en cette vie terrestre, se présente comme un processus dynamique qui embrasse également l’Histoire et la création tout entière. Saint Paul le dit : « La création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu » (Rm8,19). C’est dans cette perspective que je souhaiterais offrir quelques points de réflexion pour accompagner notre chemin de conversion pendant le prochain carême.

1. La rédemption de la Création

La célébration du Triduum pascal de la passion, mort et résurrection du Christ, sommet de l’année liturgique, nous appelle, chaque fois, à nous engager sur un chemin de préparation, conscients que notre conformation au Christ (cf. Rm 8,29) est un don inestimable de la miséricorde de Dieu.

Si l’homme vit comme fils de Dieu, s’il vit comme une personne sauvée qui se laisse guider par l’Esprit Saint (cf. Rm 8,14) et sait reconnaître et mettre en œuvre la loi de Dieu, en commençant par celle qui est inscrite en son cœur et dans la nature, alors il fait également du bien à la Création, en coopérant à sa rédemption. C’est pourquoi la création, nous dit Saint Paul, a comme un désir ardent que les fils de Dieu se manifestent, à savoir que ceux qui jouissent de la grâce du mystère pascal de Jésus vivent pleinement de ses fruits, lesquels sont destinés à atteindre leur pleine maturation dans la rédemption du corps humain. Quand la charité du Christ transfigure la vie des saints – esprit, âme et corps –, ceux-ci deviennent une louange à Dieu et, par la prière, la contemplation et l’art, ils intègrent aussi toutes les autres créatures, comme le confesse admirablement le « Cantique des créatures » de saint François d’Assise (cf. Enc. Laudato Sì, n. 87). En ce monde, cependant, l’harmonie produite par la rédemption, est encore et toujours menacée par la force négative du péché et de la mort.

2. La force destructrice du péché

En effet, lorsque nous ne vivons pas en tant que fils de Dieu, nous mettons souvent en acte des comportements destructeurs envers le prochain et les autres créatures, mais également envers nous-mêmes, en considérant plus ou moins consciemment que nous pouvons les utiliser selon notre bon plaisir. L’intempérance prend alors le dessus et nous conduit à un style de vie qui viole les limites que notre condition humaine et la nature nous demandent de respecter. Nous suivons alors des désirs incontrôlés que le Livre de la Sagesse attribue aux impies, c’est-à-dire à ceux qui n’ont pas Dieu comme référence dans leur agir, et sont dépourvus d’espérance pour l’avenir (cf. 2,1-11). Si nous ne tendons pas continuellement vers la Pâque, vers l’horizon de la Résurrection, il devient clair que la logique du « tout et tout de suite », du « posséder toujours davantage » finit par s’imposer.

La cause de tous les maux, nous le savons, est le péché qui, depuis son apparition au milieu des hommes, a brisé la communion avec Dieu, avec les autres et avec la création à laquelle nous sommes liés avant tout à travers notre corps. La rupture de cette communion avec Dieu a également détérioré les rapports harmonieux entre les êtres humains et l’environnement où ils sont appelés à vivre, de sorte que le jardin s’est transformé en un désert (cf. Gn 3,17-18). Il s’agit là du péché qui pousse l’homme à se tenir pour le dieu de la création, à s’en considérer le chef absolu et à en user non pas pour la finalité voulue par le Créateur mais pour son propre intérêt, au détriment des créatures et des autres.

Quand on abandonne la loi de Dieu, la loi de l’amour, c’est la loi du plus fort sur le plus faible qui finit par s’imposer. Le péché qui habite dans le cœur de l’homme (cf. Mc 7, 20-23) – et se manifeste sous les traits de l’avidité, du désir véhément pour le bien-être excessif, du désintérêt pour le bien d’autrui, et même souvent pour le bien propre – conduit à l’exploitation de la création, des personnes et de l’environnement, sous la motion de cette cupidité insatiable qui considère tout désir comme un droit, et qui tôt ou tard, finira par détruire même celui qui se laisse dominer par elle.

3. La force de guérison du repentir et du pardon

C’est pourquoi la création a un urgent besoin que se révèlent les fils de Dieu, ceux qui sont devenus “une nouvelle création” : « Si donc quelqu’un est dans le Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né » (2 Co 5,17). En effet, grâce à leur manifestation, la création peut elle aussi « vivre » la Pâque : s’ouvrir aux cieux nouveaux et à la terre nouvelle (cf. Ap 21,1). Le chemin vers Pâques nous appelle justement à renouveler notre visage et notre cœur de chrétiens à travers le repentir, la conversion et le pardon afin de pouvoir vivre toute la richesse de la grâce du mystère pascal.

Cette “impatience ”, cette attente de la création, s’achèvera lors de la manifestation des fils de Dieu, à savoir quand les chrétiens et tous les hommes entreront de façon décisive dans ce “labeur” qu’est la conversion. Toute la création est appelée, avec nous, à sortir « de l’esclavage de la dégradation, pour connaître la liberté de la gloire donnée aux enfants de Dieu » (Rm 8,21). Le carême est un signe sacramentel de cette conversion. Elle appelle les chrétiens à incarner de façon plus intense et concrète le mystère pascal dans leur vie personnelle, familiale et sociale en particulier en pratiquant le jeûne, la prière et l’aumône.

Jeûner, c’est-à-dire apprendre à changer d’attitude à l’égard des autres et des créatures : de la tentation de tout “ dévorer” pour assouvir notre cupidité, à la capacité de souffrir par amour, laquelle est capable de combler le vide de notre cœur. Prier afin de savoir renoncer à l’idolâtrie et à l’autosuffisance de notre moi, et reconnaître qu’on a besoin du Seigneur et de sa miséricorde.Pratiquer l’aumône pour se libérer de la sottise de vivre en accumulant toute chose pour soi dans l’illusion de s’assurer un avenir qui ne nous appartient pas. Il s’agit ainsi de retrouver la joie du dessein de Dieu sur la création et sur notre cœur, celui de L’aimer, d’aimer nos frères et le monde entier, et de trouver dans cet amour le vrai bonheur.

Chers frères et sœurs, le « carême » du Fils de Dieu a consisté à entrer dans le désert de la création pour qu’il redevienne le jardin de la communion avec Dieu, celui qui existait avant le péché originel (cf. Mc 1,12-13 ; Is 51,3). Que notre Carême puisse reparcourir le même chemin pour porter aussi l’espérance du Christ à la création, afin qu’« elle aussi, libérée de l’esclavage de la dégradation, puisse connaître la liberté de la gloire donnée aux enfants de Dieu » (cf. Rm 8,21). Ne laissons pas passer en vain ce temps favorable ! Demandons à Dieu de nous aider à mettre en œuvre un chemin de vraie conversion. Abandonnons l’égoïsme, le regard centré sur nous-mêmes et tournons-nous vers la Pâque de Jésus : faisons-nous proches de nos frères et sœurs en difficulté en partageant avec eux nos biens spirituels et matériels. Ainsi, en accueillant dans le concret de notre vie la victoire du Christ sur le péché et sur la mort, nous attirerons également sur la création sa force transformante.

Du Vatican, le 4 octobre 2018 Fête de Saint François d’Assise.

[00312-FR.01] [Texte original: Français]

Testo in lingua inglese

FRANÇOIS

Le doux remède de la prière

CNS photo/Gregory A. Shemitz

Nous poursuivons notre exploration du message du pape François pour le Carême 2018. Après le « remède amer de la vérité », le Saint-Père nous invite à renouveler notre engagement envers ce qu’il nomme « le doux remède de la prière ». En effet, comme il existe des remèdes plus agréables que d’autres, la prière en est un qui nous aide à nous connaître davantage et ainsi, nous faire accéder de manière plus directe à la Présence réconfortante de Dieu.

La prière comme remède

La prière, que l’on définit habituellement comme « un dialogue avec Dieu », est un remède en ce sens qu’en nous permettant d’accéder, dès ici-bas, à la quiétude du ciel elle rétablit notre équilibre intérieur et extérieur.

En d’autres termes, la prière remet les choses à leur place intérieurement, non pas à la manière d’une journée au spa ou une séance de relaxation, mais en réorientant jour après jour l’ensemble de notre être à la volonté de Dieu. Créé par Dieu pour vivre de toute éternité en Union parfaite avec la Trinité, l’être humain perd trop souvent conscience des appels décisifs de l’Esprit Saint et finit par ne rechercher que le confort, ce qui se termine bien souvent dans le péché. C’est en ce sens que le « doux remède de la prière » nous permet de rétablir cet ordre intérieur, cette priorité donnée à l’orientation de tout notre être vers Dieu.

Par contre, comme le fait remarquer la plus récente instruction de la Congrégation de la Doctrine de la foi Placuit Deo, cet équilibre intérieur qu’offre Dieu dans la prière, ne doit pas nous convaincre qu’il s’agit d’un « parcours purement intérieur, en marge de nos rapports avec les autres et avec le monde créé ». Nous devons donc aussi demander, dans la prière, la force d’acquérir l’ensemble des vertus nécessaires à notre vocation de frères et sœurs dans le Christ, cet appel à trouver dans l’Église ou dans le monde ceux qui ont besoin de notre aide.

Le doux remède de la prière

Que notre cœur ne puisse être comblé que par l’Infini Amour de Dieu, l’expérience de chaque jour nous le prouve. Combien d’insatisfaits la recherche d’argent, du plaisir, du succès, etc. a-t-elle créés? De fait, « le salut total de la personne ne consiste pas en ce que l’homme pourrait obtenir par lui-même, comme la richesse ou le bien-être matériel, la science ou la technique, le pouvoir ou l’influence sur les autres, la bonne réputation ou l’auto-satisfaction ». Bien au contraire, ces tentatives nous éloignent du seul réconfort possible c’est-à-dire de se savoir aimé d’un Dieu Père qui prend soin de nous inconditionnellement.

Dans ce contexte, la prière nous met physiquement et spirituellement dans les bras de Celui qui, par le Christ, désire, plus que tout, que nous le rejoignions dans sa divinité même. Confiant en sa fidélité indéfectible, nous sommes ainsi délestés des soucis quotidiens qui empoisonnent trop souvent notre vie. Nous arrachant aux illusions des fausses assurances terrestres, la prière nous redonne la liberté nécessaire au bonheur humain. Ainsi, par contraste, on perçoit la douceur de cette prière qui apaise notre cœur et le libère de toutes ces insécurités qui naissent de cette incapacité à voir la Présence aimante de Dieu dans notre vie.

Nous poursuivrons la semaine prochaine cette analyse du message du pape François pour le Carême 2018.

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