Le Vatican à l’heure de l’intelligence artificielle

(CNS photo/Fabrizio Bensch, Reuters)

Cette semaine, le pape François recevait en audience privée le PDG de Microsoft, Brad Smith, afin de discuter des différents défis que pose le développement des technologies informatiques et plus spécifiquement de l’intelligence artificielle. Suite à de nombreux pourparlers et partageant une préoccupation commune, le Vatican et la firme américaine ont donc décidé de créer un prix international sur « l’éthique dans l’intelligence artificielle ». Ayant pour but d’encourager le développement d’une « intelligence artificielle » (IA) «au service du bien commun et de réduire la fracture numérique dans le monde », ce nouveau prix manifeste le souci des plus hautes instances de l’Église et l’industrie ainsi que de l’urgence d’élaborer une éthique à même d’accompagner son développement rapide.

Des robots au service de l’homme

L’intelligence artificielle est un problème complexe qui doit, pour être bien compris, faire l’objet de nombreuses nuances. Par exemple, nous chrétiens, nous savons que l’intelligence est une faculté proprement spirituelle[1] et, donc, que c’est seulement par analogie que nous utilisons le terme « intelligence ». Les développeurs actuels de la robotique et de l’informatique entendent plutôt une capacité autonome de faire des liens et de calculer. Ce qui n’est pas, à proprement parler, de l’intelligence. Cette première distinction nous permet d’éloigner les différents scénarios catastrophes à la « Terminator ». Derrière et devant toute machine, il y a un homme ou une femme. L’être humain étant la cause de l’acte exercé par une machine, il en demeura toujours le premier responsable. Ainsi, loin de condamner purement et simplement le développement technologique, l’Église invite plutôt à la formation des consciences des développeurs afin que leurs travaux soient orientés à créer des outils capables de servir le bien de l’humanité.

En ce sens, les outils technologiques apparus au cours des dernières décennies possèdent un potentiel incroyable pour améliorer les conditions de vie de l’humanité dans son ensemble. Par exemple, ces instruments de calcul des probabilités devenant extrêmement perfectionnés, les différents décideurs publics et privés pourront plus facilement prendre des décisions tenant compte de la complexité du monde et, ainsi, éviter le plus possible les effets pervers qui accompagnent toute décision politique ou sociale.

Des risques à éviter

Il est évident que les tentations liées au développement de l’intelligence artificielle sont là et elles sont nombreuses. Comme toute technologie, c’est l’intention et les buts poursuivis par ceux qui les utilisent qui rendent cette technologie bonne ou mauvaise. Lorsqu’on regarde certains courants de nos sociétés, on s’aperçoit rapidement que les risques de dérapages sont bien réels. On peut penser aux différentes pertes d’emplois qui pourraient découler d’une rapide automatisation dans divers secteurs. On voit aussi la tendance sous-jacente dans de nombreux milieux à vouloir utiliser ces technologies pour dépasser ce qu’ils considèrent comme des limites à la liberté humaine. Lorsqu’on écoute certains discours, on voit les conséquences sociales que pourrait produire la mise en application de l’utopie du transhumanisme.

Définir des priorités

Cette première collaboration entre Microsoft et l’Académie pontificale pour la Vie manifeste à quel point plusieurs hauts dirigeants de l’industrie sont conscients de leur responsabilité. Tous sont conscients que des innovations suivant une logique du profit à court terme ne peuvent être économiquement bénéfiques qu’à court terme. Mais à plus ou moins long terme, tous en sont victimes d’une manière ou d’une autre. Par exemple, on sait aujourd’hui que le développement doit se faire en respectant des normes environnementales et que, si ce n’est pas le cas, c’est l’ensemble de la société, y compris les corporations elles-mêmes, qui devront en payer les coût humains et économiques. D’où l’importance d’un développement respectant des principes clairs. En ce sens, on peut concevoir les principes éthiques non pas négativement comme des freins aux « mauvaises idées » mais positivement. Cela est vrai de deux manières.

D’abord, les principes éthiques rendent visibles les différents besoins réels de l’humanité. Par exemple, le principe de la « dignité humaine » pourra orienter les recherches de l’intelligence artificielle afin qu’elle améliore les conditions inhumaines dans lesquelles vivent encore des millions de personnes.

On peut également regarder ces technologies comme permettant une plus grande efficience dans l’utilisation des matières premières non-renouvelables. Par exemple, les ordinateurs ultra-puissants sont en mesure de calculer la trajectoire des transports de marchandises au niveau mondial et ainsi, permettent une organisation des transports plus efficace. En ce sens, on réduit considérablement l’empreinte environnementale liée au transport ainsi que les coûts liés au transport. Tout le monde y gagne !

Un urgent travail intellectuel

Comme l’affirmait le père Frédéric Louzeau dans une entrevue avec Hélène Destombes à Vatican média Cité du Vatican : « L’apport de l’Église à la réflexion se trouve, entre autres, dans le fait qu’elle permet d’éviter tant la diabolisation que la divinisation ». En ce sens, ce nouveau prix et cette collaboration entre Microsoft et l’Académie pontificale pour la Vie sera d’une aide précieuse dans les années à venir afin que, comme le disait le pape saint Paul VI : « Les progrès scientifiques les plus extraordinaires, les prouesses techniques les plus étonnantes, la croissance économique la plus prodigieuse » […] «si elles ne s’accompagnent d’un authentique progrès social et moral, se retournent en définitive contre l’homme »

[1] Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, 1a, q. 79.

Église en Sortie 15 février 2019

Cette semaine à Église en Sortie, on s’entretient avec le père Gilles Barette sur l’histoire et l’œuvre des pères et frères de la Société des missionnaires d’Afrique (pères blancs). On vous présente la chronique des actualités de la rue de février avec l’abbé Claude Paradis. Dans la troisième partie de l’émission, Francis Denis reçoit sœur Rita Toutant des religieuses missionnaires de Notre-Dame d’Afrique pour parler de l’histoire et de la mission de cette communauté au moment de la célébration de leur 150 e anniversaire d’existence.

Sur la route du diocèse de Chicoutimi (2e partie)

Dans cet épisode de « Sur la route des diocèses », Francis Denis vous présente la deuxième partie de son escale dans le diocèse de Chicoutimi à la rencontre de ces visages qui forment le peuple de Dieu dans cette région du Québec. Après avoir retracé les différentes étapes de l’histoire de ce diocèse, Francis Denis nous fait découvrir les services pastoraux qui parsèment son territoire. Que ce soit par sa présence paroissiale auprès des peuples autochtones, ses sanctuaires, son engagement social ou sa présence auprès des jeunes, le diocèse de Chicoutimi est pleinement engagé et disponible aux motions de l’Esprit Saint qui ne cessent de surprendre.

Discours du pape François lors de la Rencontre inter-religieuse d’Abu Dhabi

Vous trouverez ci-dessous le texte complet du discours du pape François tel que prononcé lors de la Rencontre interreligieuse au Founder’s Memorial d’Abu Dhabi aux Émirats arabes unis:

Al Salamò Alaikum ! La paix soit avec vous !
Je remercie de tout cœur Son Altesse le Sheikh Mohammed bin Zayed Al Nahyan et le

Docteur Ahmad Al-Tayyib, Grand Imam d’Al-Azhar, pour leurs paroles. Je suis reconnaissant au Conseil des Anciens pour la rencontre que nous venons d’avoir, près de la Mosquée du Sheikh Zayed. Je salue cordialement les Autorités civiles et religieuses et le Corps diplomatique. Permettez- moi aussi un remerciement sincère pour l’accueil chaleureux que tous m’ont réservé, ainsi qu’à notre délégation.

Je remercie aussi toutes les personnes qui ont contribué à rendre possible ce voyage et qui ont travaillé avec dévouement, enthousiasme et professionnalité pour cet événement : les organisateurs, le personnel du Protocole, celui de la sécurité et tous ceux qui de diverses manières ont donné leur contribution « dans les coulisses ». Un merci spécial à Monsieur Mohamed Abdel-Salam, ancien conseiller du Grand Imam.

De votre patrie je me tourne vers tous les pays de cette Péninsule, auxquels je désire adresser mon plus cordial salut, avec amitié et estime.

Avec un esprit reconnaissant au Seigneur, en ce huitième centenaire de la rencontre entre Saint François d’Assise et le sultan al-Malik al-Kāmil, j’ai accueilli l’opportunité de venir ici comme croyant assoiffé de paix, comme frère qui cherche la paix avec les frères. Vouloir la paix, promouvoir la paix, être instruments de paix : nous sommes ici pour cela.

Le logo de ce voyage représente une colombe avec un rameau d’olivier. C’est une image qui rappelle le récit du déluge primordial, présent en diverses traditions religieuses. Selon le récit biblique, pour préserver l’humanité de la destruction, Dieu demande à Noé d’entrer dans l’arche avec sa famille. Nous aussi aujourd’hui, au nom de Dieu, pour sauvegarder la paix, nous avons besoin d’entrer ensemble, comme une unique famille, dans une arche qui puisse sillonner les mers en tempête du monde : l’arche de la fraternité.

Le point de départ est de reconnaître que Dieu est à l’origine de l’unique famille humaine. Lui, qui est le Créateur de tout et de tous, veut que nous vivions en frères et sœurs, habitant la maison commune de la création qu’il nous a donnée. Se fonde ici, aux racines de notre humanité commune, la fraternité, comme « vocation contenue dans le dessein créateur de Dieu »[1]. Elle nous dit que nous avons tous une égale dignité et que personne ne peut être patron ou esclave des autres.

On ne peut honorer le Créateur sans protéger la sacralité de toute personne humaine et de toute vie humaine : chacun est également précieux aux yeux de Dieu. Parce qu’il ne regarde pas la famille humaine avec un regard de préférence qui exclut mais avec un regard de bienveillance qui inclut. Par conséquent, reconnaître à chaque être humain les mêmes droits c’est glorifier le Nom de Dieu sur la terre. Au nom de Dieu Créateur, donc, est condamnée sans hésitation toute forme de violence, parce que c’est une grave profanation du Nom de Dieu de l’utiliser pour justifier la haine et la violence contre le frère. Il n’existe pas de violence qui puisse être justifiée religieusement.

Un ennemi de la fraternité est l’individualisme, qui se traduit dans la volonté de s’affirmer soi-même et son propre groupe au-dessus des autres. C’est un piège qui menace tous les aspects de la vie, jusqu’à la plus haute et innée prérogative de l’homme, c’est-à-dire l’ouverture au transcendant et la religiosité. La vraie religiosité consiste dans le fait d’aimer Dieu de tout son cœur et le prochain comme soi-même. La conduite religieuse a donc besoin d’être continuellement purifiée de la tentation récurrente de juger les autres ennemis et adversaires. Chaque croyance est appelée à dépasser le clivage entre amis et ennemis, pour assumer la perspective du Ciel, qui embrasse les hommes sans privilèges ni discriminations.

Aussi je désire exprimer mon appréciation pour l’engagement de ce pays pour la tolérance et pour garantir la liberté de culte, en faisant face à l’extrémisme et à la haine. En faisant ainsi, alors qu’on promeut la liberté fondamentale de professer sa propre croyance, exigence intrinsèque à la réalisation même de l’homme, on veille aussi à ce que la religion ne soit pas instrumentalisée et risque, en admettant la violence et le terrorisme, de se nier elle-même.

La fraternité certainement « exprime aussi la multiplicité et la différence qui existent entre les frères, bien que liés par la naissance et ayant la même nature et la même dignité ».[2] La pluralité religieuse en est une expression. Dans ce contexte l’attitude juste n’est ni l’uniformité forcée, ni le syncrétisme conciliant : ce que nous sommes appelés à faire, en tant que croyants, c’est nous engager pour l’égale dignité de tous, au nom du Miséricordieux qui nous a créés et au nom duquel doit être cherché le règlement des oppositions et la fraternité dans la diversité. Je voudrais ici réaffirmer la conviction de l’Eglise catholique : « Nous ne pouvons invoquer Dieu, Père de tous les hommes, si nous refusons de nous conduire fraternellement envers certains des hommes créés à l’image de Dieu ».[3]

Diverses interrogations, cependant, s’imposent : comment nous garder réciproquement dans l’unique famille humaine ? Comment nourrir une amitié non théorique, qui se traduise en authentique fraternité ? Comment faire prévaloir l’inclusion de l’autre sur l’exclusion au nom de sa propre appartenance ? Comment, enfin, les religions peuvent-elles être des canaux de fraternité plutôt que des barrières de séparation ?

La famille humaine et le courage de l’altérité

Si nous croyons en l’existence de la famille humaine, il en découle qu’elle doit être protégée en tant que telle. Comme en toute famille, cela arrive d’abord par un dialogue quotidien et effectif. Il suppose sa propre identité, qu’il ne faut pas abdiquer pour plaire à l’autre. Mais en même temps demande le courage de l’altérité[4], qui comporte la pleine reconnaissance de l’autre et de sa liberté, et l’engagement qui suit à m’employer pour que ses droits fondamentaux soient toujours affirmés, partout et par quiconque. Parce que sans liberté il n’y a plus d’enfants de la famille humaine, mais des esclaves. Parmi les libertés je voudrais souligner la liberté religieuse. Elle ne se limite pas à la seule liberté de culte, mais elle voit dans l’autre vraiment un frère, un fils de ma même humanité que Dieu laisse libre et que par conséquent aucune institution humaine ne peut forcer, pas même en son nom.

Le dialogue et la prière
Le courage de l’altérité est l’âme du dialogue, qui se fonde sur la sincérité des intentions. Le dialogue est en effet compromis par la feinte, qui augmente la distance et le soupçon : on ne peut pas proclamer la fraternité et ensuite agir en sens contraire. Selon un écrivain moderne, « celui qui se ment à lui-même et écoute ses propres mensonges, arrive au point de ne plus pouvoir distinguer la vérité, ni en lui-même, ni autour de lui, et ainsi il commence à ne plus avoir d’estime ni de lui-même, ni des autres »[5].

En tout cela la prière est incontournable : tandis qu’elle incarne le courage de l’altérité par rapport à Dieu, dans la sincérité de l’intention, elle purifie le cœur du repli sur soi. La prière faite avec le cœur fortifie la fraternité. C’est pourquoi, « pour ce qui est de l’avenir du dialogue interreligieux, la première chose que nous devons faire est de prier. Et prier les uns pour les autres: nous sommes frères! Sans le Seigneur, rien n’est possible; avec Lui, tout le devient! Que notre prière – chacun selon sa propre tradition – puisse adhérer pleinement à la volonté de Dieu, qui désire que tous les hommes se reconnaissent frères et vivent ainsi, en formant la grande famille humaine dans l’harmonie des diversités »[6].

Il n’y a pas d’alternative : ou bien nous construirons ensemble l’avenir ou bien il n’y aura pas de futur. Les religions, en particulier, ne peuvent renoncer à la tâche urgente de construire des ponts entre les peuples et les cultures. Le temps est arrivé où les religions doivent se dépenser plus activement, avec courage et audace, sans artifice, pour aider la famille humaine à mûrir la capacité de réconciliation, la vision d’espérance et les itinéraires concrets de paix.

L’éducation et la justice

Nous revenons ainsi à l’image initiale de la colombe de la paix. La paix aussi, pour prendre son envol, a besoin d’ailes qui la soutiennent. Les ailes de l’éducation et de la justice.

L’éducation – en latin indique le fait d’extraire, de tirer au-dehors – c’est porter à la lumière les ressources précieuses de l’esprit. Il est réconfortant de constater comment en ce pays on ne s’investit pas seulement dans l’extraction des ressources de la terre, mais aussi dans celles du cœur, dans l’éducation des jeunes. C’est un engagement et je souhaite qu’il se poursuive et se répande ailleurs. L’éducation arrive aussi dans la relation, dans la réciprocité. A la célèbre maxime ancienne « connais-toi toi-même » nous devons accoler « connais le frère » : son histoire, sa culture et sa foi, parce qu’il n’y a pas de vraie connaissance de soi sans l’autre. En tant qu’hommes, et encore plus en tant que frères, rappelons-nous réciproquement que rien de ce qui est humain ne peut nous demeurer étranger[7]. Il est important pour l’avenir de former des identités ouvertes, capables de vaincre la tentation de se replier sur soi et de se raidir.

Investir dans la culture favorise une diminution de la haine et une croissance de la civilisation et de la prospérité. Education et violence sont inversement proportionnelles. Les instituts catholiques – bien appréciés aussi en ce pays et dans la région – promeuvent cette éducation à la paix et à la connaissance réciproque pour prévenir la violence.

Les jeunes, souvent entourés de messages négatifs et de fake news, ont besoin d’apprendre à ne pas céder aux séductions du matérialisme, de la haine et des préjugés ; d’apprendre à réagir à l’injustice et aussi aux douloureuses expériences du passé ; d’apprendre à défendre les droits des autres avec la même vigueur avec laquelle ils défendent leurs propres droits. Ce seront eux, un jour, qui nous jugeront : bien, si nous leur avons donné des bases solides pour créer de nouvelles rencontres de civilisation ; mal, si nous leur avons laissé seulement des mirages et la perspective désolée de néfastes affrontements de barbarie.

La justice est la seconde aile de la paix, laquelle souvent n’est pas compromise par des épisodes particuliers, mais est lentement dévorée par le cancer de l’injustice.

Donc, on ne peut croire en Dieu et ne pas chercher à vivre la justice avec tous, selon la règle d’or : « Tout ce que vous voudriez que les autres fassent pour vous, faites-le pour eux, vous aussi : voilà ce que disent la Loi et les Prophètes » (Mt 7, 12).

Paix et justice sont inséparables ! Le prophète Isaïe dit : « Le fruit de la justice sera la paix » (32, 17). La paix meurt quand elle divorce de la justice, mais la justice se trouve fausse si elle n’est pas universelle. Une justice adressée seulement aux membres de la famille, aux compatriotes, aux croyants de la même foi est une justice boiteuse, c’est une injustice masquée !

Les religions ont aussi la tâche de rappeler que l’avidité du profit rend le cœur inerte et que les lois du marché actuel, exigeant tout et tout de suite, n’aident pas la rencontre, le dialogue, la famille, dimensions essentielles de la vie qui nécessitent du temps et de la patience. Que les religions soient la voix des derniers, qui ne sont pas des statistiques mais des frères, et qu’elles soient du côté des pauvres ; qu’elles veillent comme des sentinelles de fraternité dans la nuit des conflits, qu’elles soient des rappels vigilants pour que l’humanité ne ferme pas les yeux face aux injustices et ne se résigne jamais aux trop nombreux drames du monde.

Le désert qui fleurit
Après avoir parlé de la fraternité comme arche de paix, je voudrais maintenant m’inspirer d’une seconde image, celle du désert, qui nous entoure. Ici, en peu d’années, avec clairvoyance et sagesse, le désert a été transformé en un lieu

prospère et hospitalier ; le désert est devenu, d’obstacle impraticable et inaccessible, un lieu de rencontre entre les cultures et les religions. Ici le désert est fleuri, non seulement pour quelques jours par an, mais pour de nombreuses années à venir. Ce pays, dans lequel sable et gratte-ciels se rencontrent, continue à être un important carrefour entre Occident et Orient, entre Nord et Sud de la planète, un lieu de développement, où des espaces un temps inhospitaliers, proposent des postes de travail à des personnes de diverses nations.

Le développement aussi, toutefois, a ses adversaires. Et si un ennemi de la fraternité était l’individualisme, je voudrais citer comme obstacle au développement l’indifférence, qui finit par convertir les réalités fleuries en landes désertes. En effet, un développement purement utilitariste ne donne pas de progrès réel et durable. Seul un développement intégral et qui a de la cohésion prépare un avenir digne de l’homme. L’indifférence empêche de voir la communauté humaine au-delà du profit et le frère au-delà du travail qu’il accomplit. L’indifférence, en effet, ne regarde pas vers demain ; elle ne fait pas attention à l’avenir de la création, elle n’a pas soin de la dignité de l’étranger et de l’avenir des enfants.

Dans ce contexte je me réjouis que justement ici à Abu Dhabi, en novembre dernier, ait eu lieu le premier Forum de l’Alliance interreligieuse pour des Communautés plus sûres, sur le thème de la dignité de l’enfant à l’ère numérique. Cet événement a recueilli le message lancé, un an auparavant, à Rome au Congrès international sur le même thème, auquel j’avais donné tout mon appui et mon encouragement. Je remercie donc tous les leaders qui s’engagent dans ce domaine et j’assure mon soutien, ma solidarité et ma participation ainsi que ceux de l’Eglise catholique à cette cause très importante de la protection des mineurs en toutes ses expressions.

Ici, dans le désert, s’est ouvert un chemin fécond de développement qui, à partir du travail, offre une espérance à de nombreuses personnes de divers peuples, cultures et croyances. Parmi elles, de nombreux chrétiens aussi, dont la présence dans la région remonte dans les siècles, ont trouvé une opportunité et apporté une contribution significative à la croissance et au bien-être du pays. Au-delà des capacités professionnelles, ils y apportent la qualité de leur foi. Le respect et la tolérance qu’ils rencontrent, de même que les lieux de culte nécessaires où ils prient, leur permettent cette maturation spirituelle qui bénéficie ensuite à la société tout entière. J’encourage à poursuivre sur ce chemin, afin que tous ceux qui vivent ici ou sont de passage conservent non seulement l’image des grandes œuvres élevées dans le désert, mais d’une nation qui inclut et embrasse quiconque.

C’est dans cet esprit que, non seulement ici, mais dans toute la bien-aimée et névralgique région moyen-orientale, je souhaite des opportunités concrètes de rencontre : que des sociétés où des personnes de diverses religions aient le même droit de citoyenneté et où soit enlevé ce droit à la seule violence, sous toutes ses formes.

Une cohabitation fraternelle, fondée sur l’éducation et sur la justice ; un développement humain, édifié sur l’inclusion accueillante et sur les droits de tous : ce sont là des semences de paix, que les religions sont appelées à faire germer. A elles, peut-être comme jamais dans le passé, incombe, dans cette situation historique délicate, une tâche qu’on ne peut renvoyer : contribuer activement à démilitariser le cœur de l’homme. La course aux armements, l’extension des propres zones d’influence, les politiques agressives au détriment des autres n’apporteront jamais la stabilité. La guerre ne sait pas créer autre chose que la misère, les armes rien d’autre que la mort !

La fraternité humaine exige de nous, représentants des religions, le devoir de bannir toute nuance d’approbation du mot guerre. Rendons-le à sa misérable cruauté. Ses néfastes conséquences sont sous nos yeux. Je pense en particulier au Yémen, à la Syrie, à l’Irak et à la Libye. Ensemble, frères dans l’unique famille humaine voulue par Dieu, engageons-nous contre la logique de la puissance armée, contre la monétisation des relations, l’armement des frontières, l’édification de murs, le bâillonnement des pauvres ; à tout cela opposons la douce force de la prière et l’engagement quotidien dans le dialogue. Que le fait que nous soyons ensemble aujourd’hui soit un message de confiance, un encouragement à tous les hommes de bonne volonté, pour qu’ils ne se rendent pas aux déluges de la violence et à la désertification de l’altruisme. Dieu est avec l’homme qui cherche la paix. Et du ciel il bénit tout pas qui, sur ce chemin, s’accomplit sur la terre.

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[1] Benoît XVI, Discours aux nouveaux Ambassadeurs près le Saint-Siège, 16 décembre 2010.
[2] Message pour la célébration de la Journée mondiale de la paix, 1er janvier 2015, n. 2.
[3] Déclaration sur les relations de l’Eglise avec les religions non-chrétiennes, Nostra aetate, n.5.
[4] Cf. Discours aux participants à la Conférence internationale pour la paix, Al-Azhar Conference center, Le Caire, 28 avril 2017.
[5] F.M. Dostoievski, Les Frères Karamazov, II, 2.
[6] Audience générale interreligieuse, 28 octobre 2015.
[7] Cf. Terence, Heautontimorumenos, I, 1, 25.

[00174-FR.01] [Texte original: Italien]

Sur la route du diocèse de Chicoutimi (1ère partie)

Fondé en 1878 par le pape Léon XIII, le diocèse de Chicoutimi se déploie sur plus de 100 000 km. Longeant le Fjord du Saguenay de Sagar à Jonquière et couvrant l’ensemble du territoire du Lac Saint-Jean d’Alma à Dolbeau-Mistassini en passant par Roberval-Saint-Félicien, l’Église au Saguenay-Lac-St-Jean célèbre cette année son 140e anniversaire. Nommé par le pape François le 18 novembre 2017, Mgr René Guay se dépense depuis, corps et âme, au service des 275 000 âmes qui lui sont confiées. Conscient des nombreux défis auxquels fait face son Église particulière, il n’en demeure pas moins à l’écoute de la Parole de Dieu et soucieux de l’urgence d’annoncer « la Bonne Nouvelle aux pauvres ». Dans cet épisode de « Sur la Route des diocèses », Francis Denis part à la découverte des racines de ce diocèse et des différentes communautés religieuses qui, par leur foi et leur dévouement, ont joué un rôle clef dans l’établissement de la société dans ce coin de pays.    De cette communauté qui, depuis ses origines, est pleinement consciente que « La volonté de Dieu, c’est que vous viviez dans la sainteté » (Première lettre de saint Paul aux Thessaloniciens, 4,3).

Discours du pape François aux bénévoles des JMJs 2019

(Photo:VaticanMedia) Vous trouverez ci-dessous le texte de l’allocution du pape François tel que prononcé lors de la rencontre avec les jeunes bénévoles des Journées mondiales de la jeunesse 2019 au Panama:

Chers volontaires
Discours du Saint-Père

Avant de terminer ces Journées Mondiales de la Jeunesse, j’ai voulu me retrouver avec vous tous, pour vous remercier, chacun de vous, du service qui a été accompli durant ces jours et dans les derniers mois qui ont précédés ces Journées.

Merci à Bartosz, à Stella Maris del Carmen et à Maria Margarida pour le partage de leurs expériences de première main. Comme il est important de les écouter et de se rendre compte de la communion qui est engendrée quand nous nous unissons pour servir les autres. Nous expérimentons comment la foi acquiert une saveur et une force complètement nouvelles : elle devient plus vivante, dynamique et réelle. On fait l’expérience d’une joie différente pour avoir eu l’opportunité de travailler côte à côte avec les autres pour réaliser un rêve commun. Je sais que vous avez tous vécu cela.

Vous savez maintenant comment le cœur palpite quand on vit une mission, non pas parce que quelqu’un vous l’a dit, mais parce que vous l’avez vécu. Vous avez touché dans votre propre vie qu’« il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jn 15,13).

Vous avez eu à vivre aussi des moments durs qui ont exigé l’un ou l’autre sacrifice. Comme tu nous as dit, Bartosz, on expérimente aussi ses propres faiblesses. La bonne chose, c’est que ces faiblesses ne t’ont pas arrêté dans ton dévouement, ni ne sont devenues l’essentiel et le plus important. Tu en as fait l’expérience dans le service, oui ; en essayant de comprendre et de servir les autres volontaires et les pèlerins, oui ; mais tu as eu le courage que cela ne te freine pas, ne te paralyse pas, tu es allé de l’avant. Ainsi c’est la beauté de nous savoir envoyés, la joie de savoir que par-dessus tous les inconvénients nous avons une mission qui nous porte de l’avant. Ne pas laisser les limites, les faiblesses, y compris les péchés, nous freiner et nous empêcher de vivre la mission, parce que Dieu nous invite à faire ce que nous pouvons et à demander ce que nous ne pouvons pas, en sachant que son amour nous prend et nous transforme de manière progressive (cf. Exhort. Ap. Gaudete et exsultate, n.49-50). Tu as mis le service et la mission à la première place, le reste, tu verras, viendra en plus.

Merci à tous, parce qu’en ces jours, vous avez été attentifs et ouverts jusqu’aux plus petits, quotidiens, et apparemment insignifiants détails, comme offrir un verre d’eau, et, en même temps, vous vous êtes occupés de choses plus importantes qui requièrent beaucoup de planification. Vous avez préparé chaque détail avec joie, créativité et engagement, et avec beaucoup de prière. Parce que les choses priées sont ressenties avec profondeur. La prière donne une épaisseur et une vitalité à tout ce que nous faisons. En priant, nous découvrons que nous faisons partie d’une famille plus grande que ce que nous pouvions voir et imaginer. En priant, « nous ouvrons le jeu » à l’Eglise qui nous soutient et nous accompagne du ciel, aux saints et aux saintes qui ont marqué notre chemin, mais surtout « nous ouvrons le jeu » à Dieu.

Vous avez voulu consacrer votre temps, votre énergie, vos moyens à rêver et à construire cette rencontre. Vous pourriez parfaitement avoir choisi d’autres choses, mais vous avez voulu vous engager. Donner le meilleur de soi-même, pour rendre possible le miracle de la multiplication non seulement des pains mais de l’espérance. Ici, une fois de plus, vous avez montré qu’il est possible de renoncer à ses propres intérêts en faveur des autres. Comme tu l’as fait toi aussi, Stella Maris, qui as rassemblé pesos après pesos pour pouvoir participer aux JMJ à Cracovie, mais qui as renoncé à y aller pour payer les obsèques de tes trois grands-parents. Tu as renoncé à participer à quelque chose qui te plaisait et dont tu avais rêvé, afin de pouvoir aider et accompagner ta famille, pour honorer tes racines ; et le Seigneur, sans que tu l’attendes ni ne le penses, te préparait le cadeau des JMJ qui allaient venir dans ton pays. Comme Stella Maris, beaucoup d’entre vous ont réalisé des renoncements de tout type. Vous avez eu à reporter les rêves de prendre soin de votre terre, de vos racines. Cela le Seigneur le bénit toujours, et il ne se laisse pas vaincre par la générosité. Chaque fois que nous renonçons à quelque chose qui nous plaît pour le bien des autres et spécialement des plus fragiles, ou de nos racines comme le sont nos grands-parents et les anciens, le Seigneur nous le rend à cent pour un. Parce que dans la générosité personne ne peut le battre, et dans l’amour personne ne peut le surpasser. Mes amis : donnez et il vous sera donné, et vous connaitrez comment le Seigneur « versera dans le pan de votre vêtement une mesure bien pleine, tassée, secouée et débordante » (Lc 6,38).

Vous avez fait une expérience de foi plus vivante, plus réelle ; vous avez vécu la force qui naît de la prière et une joie différente, fruit du travail côte à côte, y compris avec des personnes que vous ne connaissiez pas. Maintenant vient le moment de l’envoi : allez et racontez, allez et témoignez, allez et transmettez ce que vous avez vu et entendu. Tout cela, chers amis, donnez-le à connaître. Non pas avec beaucoup de paroles mais, comme vous l’avez fait ici, avec des gestes simples et quotidiens, ceux qui transforment et rendent chaque heure nouvelle.

Demandons au Seigneur sa bénédiction. Qu’il bénisse vos familles et vos communautés et toutes les personnes que vous allez rencontrer et croiser dans un avenir proche. Mettons-nous également sous le manteau de la Vierge Sainte. Qu’elle vous accompagne toujours. Et comme je vous l’ai dit à Cracovie, je ne sais pas si je serai aux prochaines JMJ, mais Pierre y sera assurément et il vous confirmera dans la foi. Continuez d’avancer, avec audace et courage, et s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi. Merci beaucoup.

Discours du pape François au foyer du Bon Samaritain

Vous trouverez ci-dessous le texte du discours du pape François lors de la visite au foyer du Bon Samaritain lequel a précédé la récitation de la prière de l’Angelus:

Chers jeunes,
Estimés directeurs collaborateurs et agents pastoraux, Chers amis, Merci, Père Domingo, pour les paroles que vous m’avez adressées au nom de tous. J’ai beaucoup désiré cette rencontre avec vous qui êtes ici dans ce foyer El Buen Samaritano, et aussi avec les autres jeunes présents venus du Centre Juan Pablo II, du foyer San José de las Hermanas de la Caridad et de la “Casa del Amor”, de la Congrégation Hermanos de Jesus Kkottonngae. Etre ici avec vous est pour moi un motif pour renouveler l’espérance. Merci de le permettre.

En préparant cette rencontre, j’ai pu lire le témoignage d’un membre de ce foyer qui m’a touché le cœur parce qu’il disait : « Ici, je suis né de nouveau ». Ce foyer, et tous les centres que vous représentez, sont le signe de cette vie nouvelle que le Seigneur veut nous donner. Il est facile de confirmer la foi de frères en la voyant agir, oindre les blessures, soigner l’espérance et encourager à croire. Ce ne sont pas seulement ceux que nous pourrions appeler les “premiers bénéficiaires” qui naissent ici de nouveau ; ici l’Eglise et la foi naissent et se recréent continuellement par la charité.

On commence à naître de nouveau quand l’Esprit Saint nous donne les yeux pour voir les autres, comme le disait le Père Domingo, non seulement comme nos proches – et c’est déjà beaucoup – mais comme notre prochain.

L’Evangile nous dit qu’une fois on demanda à Jésus : Qui est mon prochain ? (cf. Lc 10, 29). Il n’a pas répondu par des théories, il n’a pas fait de discours gentil ou élevé, mais il a utilisé une parabole – celle du Bon Samaritain –, un exemple concret de la vie réelle que vous tous connaissez et vivez très bien. Le prochain est avant tout un visage que nous rencontrons en chemin, et par lequel nous nous laissons déplacer et émouvoir : déplacer nos schémas, nos priorités, et émouvoir intimement par ce que vit cette personne, afin de lui donner un lieu et un espace dans notre agir. Le Bon Samaritain l’a compris ainsi face à l’homme qui avait été laissé à moitié mort sur le bord de la route, non seulement par des bandits mais aussi par l’indifférence d’un prêtre et d’un lévite qui ne firent rien pour l’aider, parce que l’indifférence, elle aussi, blesse et tue. Les uns pour quelques pauvres pièces, les autres par crainte de se contaminer, par mépris ou dégoût social, ils ne voyaient pas de problème à laisser cet homme étendu sur la route. Le Bon Samaritain, comme toutes vos maisons, nous montre que le prochain est en premier lieu une personne, quelqu’un avec un visage concret, réel, et non pas une chose par-dessus laquelle passer ou à ignorer, quelle que soit sa situation. C’est le visage qui révèle notre humanité tant de fois souffrante et ignorée.

C’est le visage qui gêne superbement la vie parce qu’il nous rappelle et nous met sur le chemin de ce qui est vraiment important, et nous délivre de banaliser et de rendre inutile notre suite du Seigneur.

Etre ici, c’est toucher le visage silencieux et maternel de l’Eglise qui est capable de prophétiser et de créer des foyers, de créer des communautés. Le visage de l’Eglise qui normalement ne se voit pas et passe inaperçu, mais qui est le signe de la miséricorde tendre et concrète de Dieu, le signe vivant de la bonne nouvelle de la résurrection qui agit aujourd’hui dans notre vie.

Créer un “foyer”, c’est créer une famille. C’est apprendre à se sentir unis aux autres au-delà des liens utilitaires ou fonctionnels qui nous font sentir la vie un peu plus humaine. Créer un foyer, c’est faire en sorte que la prophétie prenne corps et rende nos heures et nos jours moins inhospitaliers et anonymes. C’est créer des liens qui se construisent par des gestes simples, quotidiens et que nous pouvons tous faire. Un foyer, et tous, nous le savons très bien, a besoin de la collaboration de chacun. Personne ne peut être indifférent ou étranger puisque chacun est une pierre nécessaire à la construction. Et cela implique de demander au Seigneur de nous donner la grâce d’apprendre à avoir de la patience, à se pardonner ; apprendre tous les jours à recommencer. Et combien de fois pardonner ou recommencer ? Soixante-dix fois sept fois, chaque fois qu’il le faut. Créer des liens forts exige de la confiance qui se nourrit tous les jours de patience et de pardon.

Il se produit ainsi le miracle dans l’expérience qu’ici on naît de nouveau ; ici, tous, nous naissons de nouveau, parce que nous sentons agir la caresse de Dieu qui nous permet de rêver le monde plus humain et, par conséquent, plus divin.

Merci à vous tous pour l’exemple et la générosité ; merci à vos Institutions, aux volontaires et aux bienfaiteurs. Merci à ceux qui rendent possible le fait que l’amour de Dieu se fait chaque fois plus concret et réel, en regardant les yeux de ceux qui sont tout autour, et en nous reconnaissant comme prochains.

Maintenant que nous allons prier l’Angélus, je vous confie à notre Mère la Vierge. Nous lui demandons, en bonne Mère experte en tendresse et en proximité, de nous apprendre à être attentifs pour découvrir chaque jour qui est notre prochain, et de nous pousser à sortir avec diligence à sa rencontre, et de pouvoir lui donner une accolade, un foyer où il trouve refuge et amour des frères. Une mission dans laquelle nous sommes tous engagés.

Je vous invite maintenant à mettre sous son manteau toutes vos inquiétudes et besoins, les douleurs que vous portez, les blessures dont vous souffrez afin que, en Bonne Samaritaine, elle vienne à nous et nous porte secours par sa maternité, par sa tendresse, par son sourire de Mère.

Angelus Domini …

Homélie du pape François lors de la Messe de conclusion des JMJs 2019 au Panama

Vous trouverez ci-dessous le texte de l’homélie telle que prononcée lors de la Messe dominicale de conclusion des Journées Mondiales de la Jeunesse 2019 au Panama:

« Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui. Alors il se mit à leur dire : Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre » (Lc 4, 20-21).

L’Evangile nous présente ainsi le commencement de la mission publique de Jésus. Cela a lieu dans la synagogue qui l’a vu grandir, il est entouré de connaissances et de voisins et peut-être même quelques-uns des catéchistes de son enfance qui lui ont enseigné la loi. Un moment important de la vie du Maître, où l’enfant qui s’est formé et a grandi au sein de cette communauté, se lève et prend la parole pour annoncer et mettre en œuvre le rêve de Dieu. Une parole proclamée jusque-là seulement comme une promesse d’avenir, mais qui, dans la bouche de Jésus seul peut être dite au présent, devenant réalité : « Aujourd’hui s’accomplit ».

Jésus révèle l’heure de Dieu qui sort à notre rencontre pour nous appeler à prendre part à son heure de « porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur » (Lc 4, 18-19). C’est l’heure de Dieu qui, avec Jésus, se rend présent, se fait visage, chair, amour de miséricorde qui n’attend pas de situations idéales ou parfaites pour sa manifestation, ni n’accepte d’excuses pour sa réalisation. Lui, il est le temps de Dieu qui rend juste et approprié chaque situation et chaque espace. En Jésus, l’avenir promis commence et prend vie.

Quand ? Maintenant. Mais tous ceux qui, là, l’écoutaient ne se sont pas sentis invités ni convoqués. Tous les habitants de Nazareth n’étaient pas prêts à croire en quelqu’un qu’ils connaissaient et avaient vu grandir et qui les invitait à mettre en œuvre un rêve tant espéré. Même, « ils se disaient : « N’est-ce pas là le fils de Joseph ? » (Lc 4, 22).

Il peut se passer aussi la même chose pour nous. Nous ne croyons pas toujours que Dieu peut être si concret et si quotidien, si proche et si réel, et encore moins qu’il se rend si présent et agissant à travers une personne connue, comme peut l’être un voisin, un ami, un parent. Nous ne croyons pas toujours que le Seigneur peut nous inviter à travailler et à nous salir les mains avec lui pour son royaume, de manière si simple mais si forte. Il en coute d’accepter que « l’amour divin devient concret et presque tangible dans l’histoire avec tous ses événements amers et glorieux » (Benoît XVI, Audience générale, 28 septembre 2005).

Les fois sont nombreuses où nous nous comportons comme les habitants de Nazareth et préférons un Dieu à distance : beau, bon, généreux, mais à distance et qui ne gêne pas. Car un Dieu proche et quotidien, ami et frère, nous demande de tirer les enseignements en terme de proximité, de vie quotidienne et surtout de fraternité. Il n’a pas voulu se manifester de manière angélique ou spectaculaire, mais il a voulu nous offrir un visage fraternel, amical, concret, familier. Dieu est réel parce que l’amour est réel, Dieu est concret parce que l’amour est concret. Et, justement, ce « caractère concret de l’amour constitue l’un des éléments essentiels de la vie des chrétiens » (Benoît XVI, Homélie, 1er mars 2006).

Nous pouvons aussi courir les mêmes risques que les habitants de Nazareth, quand, dans nos communautés, l’Evangile veut se faire vie concrète et que nous commençons à dire “mais ces garçons- là ne sont pas enfants de Marie, José, ils ne sont pas les frères de… ceux-là ne sont pas les jeunes que nous aidons à grandir… Lui là-bas, n’est-il pas celui qui cassait toujours les vitres avec sa balle”. Et ce qui est né pour être prophétie et annonce du Royaume de Dieu finit enchaîné et appauvri. Vouloir enchaîner la parole de Dieu est chose quotidienne.

Et même vous, chers jeunes, il peut vous arriver la même chose chaque fois que vous pensez que votre mission, votre vocation, que même votre vie est une promesse seulement pour l’avenir et n’a rien à voir avec votre présent. Comme si être jeune était synonyme de salle d’attente de celui qui attend son heure. Et dans l’”entre-temps” nous vous inventons ou vous vous inventez un avenir hygiéniquement bien emballé et sans conséquences, bien armé et garanti, tout “bien assuré”. C’est la “fiction” de la joie. De cette manière nous vous “tranquillisons” et nous vous endormons, pour que vous ne fassiez pas de bruit, pour que vous ne vous demandiez pas ni ne demandiez, pour que vous ne vous remettiez pas en question ni ne remettiez en question ; et dans cet ”entre-temps”, vos rêves perdent de la hauteur, commencent à s’assoupir et deviennent des “rêvasseries” au raz du sol, mesquines et tristes (cf. Homélie du Dimanche des Rameaux, 25 mars 2018), seulement parce que nous considérons ou vous considérez que ce n’est pas encore votre heure ; qu’il y a assez de jeunes à s’impliquer, à rêver et à travailler à demain.

L’un des fruits du Synode passé a été la richesse de pouvoir nous rencontrer et surtout de nous écouter. La richesse de l’écoute entre générations, la richesse de l’échange et la valeur de reconnaître que nous avons besoin les uns des autres, que nous devons faire des efforts pour favoriser les canaux et les espaces où s’impliquer pour rêver et travailler à demain, dès aujourd’hui. Mais pas de manière isolée, ensemble, en créant un espace commun. Un espace qui ne s’offre ni ne se gagne à la loterie, mais un espace pour lequel vous devez aussi vous battre.

Parce que, chers jeunes, vous n’êtes pas l’avenir mais l’heure de Dieu. Il vous convoque et vous appelle dans vos communautés et vos villes à aller à la recherche de vos grands-parents, de vos aînés ; à vous lever et, à prendre la parole avec eux et à réaliser le rêve que le Seigneur a rêvé pour vous.

Pas demain, mais maintenant, parce que là où se trouve votre trésor sera aussi votre cœur (cf. Mt 6, 21) ; ce qui vous fait tomber amoureux atteindra non seulement votre imagination mais aussi affectera tout. Ce sera ce qui vous fera lever le matin et vous poussera dans les moments de lassitude, ce qui brisera le cœur et ce qui vous remplira d’étonnement, de joie et de gratitude. Sentez que vous avez une mission et tombez-en amoureux, cela décidera tout (cf. Pedro Arrupe, S.J., Nada es más práctico). Nous pourrons tout avoir, mais s’il manque la passion de l’amour, tout manquera. Laissons le Seigneur nous aimer !

Pour Jésus il n’y a pas d’”entre-temps”, mais un amour de miséricorde qui désire faire son nid et conquérir le cœur. Il veut être notre trésor parce qu’il n’est pas un ”entre-temps” dans la vie ou une mode passagère, il est amour de don qui invite à se donner.

Il est amour concret, proche, réel ; il est joie festive qui naît en choisissant et en prenant part à la pêche miraculeuse de l’espérance et de la charité, de la solidarité et de la fraternité face à tant de regards paralysés et paralysants, à cause des craintes et de l’exclusion, de la spéculation et de la manipulation.

Chers frères, le Seigneur et sa mission ne sont pas un ”entre-temps” dans notre vie, une chose passagère. Ils sont notre vie !

Tous ces jours-ci, le qu’il en soit ainsi de Marie a été murmuré de manière spéciale comme une musique de fond. Non seulement elle a cru en Dieu et en ses promesses comme une chose possible, elle a cru en Dieu et a osé dire “oui” pour participer à cette heure du Seigneur ? Elle a senti qu’elle avait une mission, elle est tombée amoureuse et cela a décidé de tout.

Comme cela est arrivé dans la synagogue de Nazareth, le Seigneur, au milieu de nous, ses amis et ses connaissances, se lève à nouveau pour prendre le livre et nous dire : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre » (Lc 4, 21).

Voulez-vous vivre la réalisation de son amour ? Que votre “oui” continue d’être la porte d’entrée, pour que l’Esprit Saint offre une nouvelle Pentecôte au monde et à l’Eglise.

[00118-FR.01] [Texte original: Espagnol]

Allocution du pape François lors de la Veillée de prière des JMJ 2019

Vous trouverez ci-dessous le texte de l’allocution du pape François telle que prononcée lors de la Veillée de prière avec les jeunes des journées mondiales de la jeunesse 2019 au Panama:

Chers jeunes, bonsoir !
Nous avons regardé ce beau spectacle sur l’Arbre de Vie qui nous montre comment la vie que Jésus nous offre est une histoire d’amour, une histoire de vie qui veut se mêler à la nôtre et plonger ses racines dans la terre de chacun. Cette vie n’est pas un salut suspendu “dans les nuages” attendant d’être déversé, ni une “application” nouvelle à découvrir, ni un exercice mental fruit de techniques de dépassement de soi. Elle n’est pas non plus un “tutoriel” avec lequel on apprendrait la dernière nouveauté. Le salut que le Seigneur nous offre est une invitation à faire partie d’une histoire d’amour qui se tisse avec nos histoires ; qui vit et veut naître parmi nous pour que nous donnions du fruit là où nous sommes, comme nous sommes et avec qui nous sommes. C’est là que le Seigneur vient planter et se planter ; il est le premier à dire “oui” à notre vie, à notre histoire, et il veut que nous aussi disions “oui” avec lui.

Il a de cette manière surpris Marie et il l’a invitée à faire partie de cette histoire d’amour. Bien sûr, la jeune de Nazareth ne sortait pas sur les “réseaux sociaux” de l’époque, elle n’était pas une “influencer”, mais sans le demander ni le rechercher, elle est devenue la femme qui a le plus influencé l’histoire.

Marie, l’“influencer” de Dieu. En peu de mots elle a osé dire “oui” et faire confiance à l’amour et aux promesses de Dieu, seule force capable de rendre toutes choses nouvelles.

Le force du “oui” de cette jeune attire toujours l’attention, son “qu’il en soit ainsi” dit à l’ange. Ce fut une chose différente d’une acceptation passive ou résignée, d’un “oui” voulant dire : on verra bien ce qui va se passer. Ce fut quelque chose de plus, quelque chose de différent. Ce fut le “oui” de celle qui veut s’engager et risquer, de celle qui veut tout parier, sans autre sécurité que la certitude de savoir qu’elle était porteuse d’une promesse. Elle aura, sans doute, une mission difficile, mais les difficultés n’étaient pas une raison pour dire “non”. Elle aura des difficultés, certainement, mais ce ne seront pas les mêmes difficultés qui apparaissent quand la lâcheté nous paralyse du fait que tout n’est pas clair ni assuré par avance. Le “oui” et les envies de servir ont été plus forts que les doutes et les difficultés.

Ce soir aussi, nous écoutons comment le “oui” de Marie fait écho et se multiplie de génération en génération. Beaucoup de jeunes, à l’exemple de Marie, risquent et parient guidés par une promesse. Merci Erika et Rogelio pour le témoignage que vous nous avez offert. Vous avez partagé vos craintes, vos difficultés et le risque vécu à la naissance de votre fille Inés. Vous avez dit à un moment : « A nous parents, en diverses circonstances, il en coûte d’accepter l’arrivée d’un bébé qui a une maladie ou un handicap », cela est certain et compréhensible. Mais le plus surprenant est lorsque vous avez ajouté : « A la naissance de notre fille, nous avons décidé de l’aimer de tout notre cœur ». Avant son arrivée, face à toutes les annonces et les difficultés qui apparaissaient, vous avez pris une décision et avez dit comme Marie : « Qu’il en soit ainsi », vous avez décidé de l’aimer. Devant la vie de votre fille fragile, sans défense et dans le besoin, la réponse a été un “oui” et là nous avons Inès. Vous avez cru que le monde n’est pas seulement pour les forts !

Dire “oui” au Seigneur, c’est oser embrasser la vie comme elle vient, avec toute sa fragilité, sa petitesse et, souvent, avec toutes ses contradictions et ses insignifiances, du même amour dont Erika et Rogelio nous ont parlé. C’est embrasser notre patrie, nos familles, nos amis tels qu’ils sont, aussi avec leurs fragilités et petitesses. Embrasser la vie se manifeste aussi quand nous accueillons tout ce qui n’est pas parfait, pur ou distillé, mais non pas moins digne d’amour. Une personne, n’est-elle pas digne d’amour parce qu’elle est handicapée ou fragile? Une personne n’est-elle pas digne d’amour parce qu’elle est étrangère, parce qu’elle s’est trompée, parce qu’elle est malade ou en prison ? Jésus a fait ainsi : il a embrassé le lépreux, l’aveugle et le paralytique, il a embrassé le pharisien et le pécheur. Il a embrassé le larron sur la croix et il a même embrassé et pardonné à ceux qui le crucifiaient.

Pourquoi ? Parce que seul celui qui aime peut être sauvé. Seul celui qui embrasse peut être transformé. L’amour du Seigneur est plus grand que toutes nos contradictions, nos fragilités et nos petitesses, mais c’est précisément à travers nos contradictions, nos fragilités et nos petitesses qu’il veut écrire cette histoire d’amour. Il a embrassé le fils prodigue, il a embrassé Pierre après son reniement et il nous embrasse toujours, toujours, après nos chutes, en nous aidant à nous relever et nous remettre sur pieds. Parce que la véritable chute, celle qui est capable de ruiner notre vie, c’est de rester à terre et ne pas se laisser aider.

Qu’il est difficile, souvent, de comprendre l’amour de Dieu ! Mais, quel don c’est de savoir que nous avons un Père qui nous embrasse au-delà de toutes nos imperfections !

Le premier pas consiste à ne pas avoir peur de recevoir la vie comme elle vient, d’embrasser la vie !

Merci Alfred pour ton témoignage et pour le courage de l’avoir partagé avec nous tous. J’ai été très impressionné quand tu as dit : « J’ai commencé à travailler dans le bâtiment jusqu’à ce que tel projet se termine. Sans emploi, les choses ont pris une autre couleur : sans école, sans occupation et sans travail ». Je le résume dans les quatre “sans” qui rendent notre vie sans racines et la dessèche : sans travail, sans éducation, sans communauté, sans famille.

Il est impossible que quelqu’un grandisse s’il n’a pas de racines fortes qui aident à être bien soutenu et enraciné dans la terre. Il est facile de “se faire exploser”, quand il n’y a pas de lieu pour se fixer. Cela c’est une question que nous, les aînés, sommes obligés de nous poser, et plus encore, c’est une question que vous aurez à nous poser et à laquelle nous aurons le devoir de répondre : quelles racines nous donnons vous, quels fondements, pour vous construire, nous fournissons vous? Combien il est facile de critiquer les jeunes et de passer son temps à murmurer, si nous vous privons des opportunités de travail, éducatives et communautaires auxquelles vous raccrocher et rêver l’avenir. Sans éducation il est difficile de rêver l’avenir, sans travail, il est très difficile de rêver l’avenir, sans famille ni communauté il est quasi impossible de rêver l’avenir. Parce que rêver l’avenir, c’est apprendre non seulement pour quoi je vis, mais aussi pour qui je vis, pour qui il vaut la peine de dépenser la vie.

Comme nous le disait Alfred, quand quelqu’un décroche et reste sans travail, sans éducation, sans communauté et sans famille, à la fin de la journée on se sent vide et on termine en remplissant ce vide avec n’importe quoi. Parce que nous ne savons pas encore pour qui vivre, lutter, aimer.

Je me rappelle une fois en bavardant avec des jeunes, l’un d’eux me demanda : Père, pourquoi aujourd’hui beaucoup de jeunes ne se demandent pas si Dieu existe ou pourquoi il leur est difficile de croire en lui et pourquoi ils n’ont pas beaucoup d’engagements dans la vie ? Je leur ai répondu : et vous, qu’en pensez-vous ? Parmi les réponses qui furent données dans la conversation, je me souviens d’une qui m’a touché au cœur et qui a rapport avec l’expérience qu’Alfred a partagée : “c’est parce que beaucoup d’entre eux sentent que, peu à peu, ils cessent d’exister pour les autres, ils se sentent souvent invisibles”. C’est la culture de l’abandon et du manque de considération. Je ne dis pas tous, mais beaucoup sentent qu’’ils n’ont pas beaucoup ou rien à apporter, parce qu’ils n’ont pas de véritables espaces où ils se sentent appelés. Comment vont-ils penser que Dieu existe, s’il y a longtemps qu’ils ont cessé d’exister pour leurs frères ?

Nous le savons bien, il ne suffit pas d’être toute la journée connecté pour se sentir reconnu et aimé. Se sentir considéré et invité à quelque chose est plus important qu’être “sur le réseau”. Cela signifie trouver des espaces où ils peuvent avec leurs mains, avec leur cœur et avec leur tête se sentir faire partie d’une communauté plus grande qui a besoin d’eux et qui a aussi besoin de vous.

Cela, les saints l’ont très bien compris. Je pense par exemple à Don Bosco qui n’est pas allé chercher les jeunes en des lieux lointains ou particuliers, mais qui a appris à voir tout ce qui se passait dans la ville avec les yeux de Dieu et, ainsi, il a été touché par des centaines d’enfants et de jeunes abandonnés sans études, sans travail et sans la main amie d’une communauté. Beaucoup vivaient dans la même ville, beaucoup critiquaient ces jeunes, mais ils ne savaient pas les regarder avec les yeux de Dieu. Lui l’a fait, et il osé faire le premier pas : embrasser la vie comme elle se présente et, à partir de là, il n’a pas eu peur de faire le second pas : créer avec eux une communauté, une famille où, avec le travail et l’étude, ils se sentent aimés. Leur donner des racines où se fixer pour qu’ils puissent parvenir au ciel.

Je pense à beaucoup de lieux de notre Amérique Latine qui promeuvent ce qu’on appelle la grande famille foyer du Christ qui, avec le même esprit que celui de la Fondation Jean Paul II dont nous parlait Alfred et de beaucoup d’autres centres, cherchent à recevoir la vie comme elle vient dans sa totalité et sa complexité, parce qu’ils savent qu’« il y a pour l’arbre un espoir : une fois coupé, il peut verdir encore et les jeunes pousses ne lui feront pas défaut » (Jb, 14, 7).

Et toujours on peut “reverdir et donner de jeunes pousses” quand il y a une communauté, la chaleur d’un foyer où prendre racine, qui donne la confiance nécessaire et prépare le cœur à découvrir un nouvel horizon : horizon d’enfant aimé, cherché, rencontré et donné à une mission. C’est par le moyen de visages concrets que le Seigneur se rend présent. Dire : “oui” à cette histoire d’amour, c’est dire “oui” au fait d’être des instruments pour construire, dans nos quartiers, des communautés ecclésiales capables de se promener dans la ville, d’embrasser et de tisser de nouvelles relations. Etre un “influencer” au XXIème siècle, c’est être gardien des racines, gardien de tout ce qui empêche que notre vie devienne évanescente, s’évapore dans le rien. Soyez des gardiens de tout ce qui nous permet de nous sentir partie les uns des autres. Que nous nous appartenons.

C’est ainsi que l’a vécu Nirmeen, lors des JMJ de Cracovie. Elle a rencontré une communauté vivante, joyeuse, qui est sortie à sa rencontre, qui lui a donnée une appartenance et lui a permis de vivre la joie qu’implique être rencontrée par Jésus.

Une fois, un saint s’est demandé : « Le progrès de la société, consistera-t-il seulement à parvenir à posséder la dernière voiture ou acquérir la dernière technique du marché ? Est-ce en cela que se résume la grandeur de l’homme ? N’y a-t-il rien d’autre que de vivre pour cela ? (cf. Saint Alberto Hurtado, Meditación de Semana Santa para jóvenes, 1946). Je vous demande: c’est là votre grandeur? Vous n’avez été créés pour rien d’autre? Marie l’a compris et a dit : Qu’il en soit ainsi ! Erika et Rogelio l’ont compris et ils ont dit : qu’il en soit ainsi ! Alfredo l’a compris et a dit : qu’il en soit ainsi ! Nirmeen l’a compris et a dit : qu’il en soit ainsi ! Chers amis, je vous demande : êtes- vous disposés à dire “oui” ? L’Évangile nous apprend que le monde ne sera pas meilleur, parce qu’il y aurait moins de personnes malades, faibles, fragiles ou âgées dont il faut s’occuper, pas même parce qu’il y aurait moins de pécheurs. Mais il sera meilleur quand plus nombreuses seront les personnes qui, comme ces amis, seront prêts et oseront concevoir demain et croire en la force transformatrice de l’amour de Dieu. Voulez-vous être “influencer” à la manière de Marie qui a osé dire qu’« il en soit ainsi » ? Seul l’amour nous rend plus humains, plus complets, tout le reste sont des placebos, bons mais vides.

Dans un moment, nous allons rencontrer Jésus vivant dans l’adoration eucharistique. Je suis certain que vous aurez beaucoup de choses à lui dire, à lui raconter sur les situations diverses de vos vies, de vos familles et de vos pays.

Devant lui, face à face, n’ayez pas peur de lui ouvrir votre cœur, qu’il renouvelle le feu de son amour, qu’il vous pousse à embrasser la vie avec toute sa fragilité et sa petitesse, mais aussi avec toute sa grandeur et sa beauté. Qu’il vous aide à découvrir la beauté d’être vivants.

N’ayez pas peur de lui dire que vous aussi, voulez prendre part à son histoire d’amour dans le monde, que vous pouvez faire plus !

Chers amis, je vous demande aussi que, dans ce face à face avec Jésus, vous priez pour moi pour que je n’ai pas, moi non plus, peur d’embrasser la vie, que je garde les racines et dise comme Marie : qu’il me soit fait selon ta parole !

[00117-FR.01] [Texte original: Espagnol]

Homélie du pape François lors de la Messe en la Cathédrale de Panama

(Photo: Courtoisie Vatican Media) Ce matin, le Pape François s’est rendu en voiture de la Nonciature apostolique au Panama à la Basilique-Cathédrale Santa Maria la Antigua. À son arrivée, il fut accueilli à l’entrée principale par le chapitre métropolitain qui lui a présenté un crucifix et de l’eau bénite. Alors qu’il se rendait à la sacristie pour revêtir les vêtements liturgiques, deux religieuses offrirent au Saint-Père une rose qui se trouvait aux pieds de la statue de la Vierge Marie. À 9:15 am, le Saint-Père a présidé la célébration eucharistique et procédé à la consécration de l’autel majeur de la Basilique-Cathédrale en présence des évêques, prêtres, personnes consacrées et membres de mouvements laïcs. À la fin de la Messe, le Pape fut remercié par l’archevêque de Panama, S. Excl. José Domingo Ulloa Mendieta o.s.a. avant de se rendre en voiture au Grand Séminaire San José de Panama. Vous trouverez ci-dessous le texte de l’homélie telle que prononcé lors de la Messe de consécration de l’autel:

« Là se trouvait le puits de Jacob. Jésus, fatigué par la route, s’était donc assis près de la source. C’était la sixième heure, environ midi. Arrive une femme de Samarie, qui venait puiser de l’eau. Jésus lui dit : « Donne-moi à boire. » » (Jn 4,6-7).

L’évangile que nous avons écouté n’hésite pas à nous présenter Jésus fatigué de marcher. A midi, quand le soleil se fait sentir avec toute sa force et sa puissance, nous le trouvons près du puits. Il avait besoin d’apaiser et d’étancher sa soif, de vivre une étape, de récupérer des forces pour continuer la mission.

Les disciples ont vécu au premier plan ce que signifiaient le don et la disponibilité du Seigneur pour porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, panser les cœurs blessés, proclamer la libération des captifs et la liberté des prisonniers, consoler ceux qui étaient en deuil et proclamer une année de grâce à tous (cf. Is 61,1-3). Ce sont toutes les situations qui te prennent la vie et l’énergie ; et ils « ne se sont pas ménagés » pour nous offrir tant de moments importants dans la vie du Maître, où notre humanité peut aussi trouver une parole de Vie.
Fatigué par la route

Il est relativement facile pour notre imagination, compulsivement productive, de contempler et d’entrer en communion avec l’activité du Seigneur, mais nous ne savons pas toujours, ou nous ne pouvons pas toujours contempler et accompagner les « fatigues du Seigneur », comme si elles n’étaient pas l’affaire de Dieu. Le Seigneur s’est fatigué et dans cette fatigue trouvent place tant de fatigues de nos populations et de notre peuple, de nos communautés et de tous ceux qui sont épuisés et accablés (cf. Mt 11,28).

Les causes et les motifs qui peuvent provoquer la fatigue du chemin en nous prêtres, personnes consacrées, membres des mouvements laïcs, sont multiples : depuis les longues heures de travail qui laissent peu de temps pour manger, se reposer et être en famille, jusqu’aux conditions « nocives » de travail et d’affectivité qui conduisent à l’épuisement et brisent le cœur ; depuis le simple et quotidien don de soi jusqu’au poids routinier de celui qui ne trouve plus le goût, la reconnaissance ou la subsistance nécessaire pour faire face au jour le jour ; depuis les habituelles et prévisibles situations compliquées jusqu’aux stressantes et angoissantes heures de pression. Toute une gamme de poids à supporter.

Il serait impossible de vouloir couvrir toutes les situations qui brisent la vie des personnes consacrées, mais nous ressentons dans toutes ces situations la nécessité urgente de trouver un puits qui puisse soulager et étancher la soif et la fatigue du chemin. Toutes réclament, comme un cri silencieux, un puits d’où repartir à nouveau.

A ce sujet, depuis quelque temps, semble s’être souvent installée dans nos communautés une subtile espèce de fatigue, qui n’a rien à voir avec la fatigue du Seigneur. Il s’agit d’une tentation que nous pourrions appeler la lassitude de l’espérance. Cette lassitude qui surgit quand – comme dans l’évangile – le soleil tombe comme du plomb et rend les heures ennuyeuses, et qui le fait avec une intensité telle qu’elle ne permet pas d’avancer ni de regarder en avant. Comme si tout devenait confus. Je ne me réfère pas à la « certaine peine du cœur » (cf. Lett. enc. Redemptoris Mater, 17; Exhort. ap. Evangelii gaudium, n.287) de ceux qui « sont brisés » par le don, à la fin de la journée, et qui parviennent à exprimer un sourire serein et reconnaissant; mais à cette autre fatigue, celle qui naît face à l’avenir quand la réalité « gifle » et met en doute les forces, les moyens et la possibilité de la mission en ce monde tellement changeant et qui interroge.

C’est une lassitude paralysante. Elle naît du fait de regarder en avant et de ne pas savoir comment réagir face à l’intensité et à la perplexité des changements que, comme société, nous traversons. Ces changements semblent non seulement interroger nos formes d’expression et d’engagement, nos habitudes et nos attitudes face à la réalité, mais ils mettent en question, dans de nombreux cas, la possibilité même de la vie religieuse dans le monde d’aujourd’hui. Et même la rapidité de ces changements peut conduire à paralyser toute option et toute opinion et, ce qui a été significatif et important en d’autres temps semble maintenant ne plus avoir lieu d’être.

Cette lassitude de l’espérance naît du constat d’une Eglise blessée par son péché et qui si souvent n’a pas su écouter tant de cris dans lesquels se cachait le cri du Maître : « Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mt 27,46).

Ainsi nous pouvons nous habituer à vivre avec une espérance fatiguée face à l’avenir incertain et inconnu, et cela laisse de la place pour que s’installe un pragmatisme gris dans le cœur de nos communautés. Tout semble apparemment avancer normalement, mais en réalité la foi s’épuise et dégénère. Déçus par la réalité que nous ne comprenons pas ou dont nous croyons qu’elle n’a plus de place pour notre proposition, nous pouvons donner le « droit de cité » à l’une des pires hérésies possibles de notre époque : penser que le Seigneur et nos communautés n’ont rien à dire et à apporter à ce monde nouveau qui est en gestation (cf. Exhort. Ap. Evangelii gaudium, n.83). Et puis il arrive que ce qui un jour a surgi pour être le sel et la lumière du monde finisse par offrir sa pire version.

Donne-moi à boire

Les fatigues du chemin arrivent et se font sentir. Que cela plaise ou non, elles sont, et c’est bon d’avoir le même courage que celui qu’a eu le Maître pour dire : « donne-moi à boire ». Comme cela est arrivé à la Samaritaine et peut nous arriver, à chacun de nous, nous ne voulons pas apaiser la soif avec une eau quelconque mais avec « la source d’eau jaillissant pour la vie éternelle » (Jn4,14). Nous savons, comme le savait bien la Samaritaine qui portait depuis des années des cruches vides d’amours ratés, que n’importe quelle parole ne peut pas aider à récupérer les forces et la prophétie dans la mission. Aucune nouveauté, aussi séduisante qu’elle puisse paraître, ne peut apaiser la soif. Nous savons, comme elle le savait bien, que le savoir religieux, la justification d’options déterminées et des traditions passées ou présentes, ne nous rendent pas non plus toujours féconds, ni ne font de nous de passionnés « adorateurs en esprit et en vérité » (Jn 4,23).

« Donne-moi à boire », c’est ce que demande le Seigneur et ce qu’il nous demande de dire. En le disant, nous ouvrons la porte à notre espérance fatiguée pour revenir sans peur au puits fondateur du premier amour, quand Jésus est passé sur notre chemin, nous a regardés avec miséricorde, nous a demandé de le suivre ; en le disant, nous retrouvons la mémoire de ce moment où son regard a croisé le nôtre, ce moment où il nous a fait sentir qu’il nous aimait, et non seulement de manière personnelle mais également comme communauté (cf. Homélie de la Vigile pascale, 19 avril 2014). C’est revenir sur nos pas et, dans la fidélité créative, écouter comment l’Esprit n’a pas engendré une œuvre ponctuelle, un plan pastoral ou une structure à organiser mais comment, par le moyen de tant de « saints de la porte d’à côté » – parmi ceux-là nous trouvons les pères et les mères fondateurs de vos instituts, les évêques et les curés qui ont su poser le fondement de vos communautés –, il a donné la vie et l’oxygène à un contexte historique déterminé qui semblait étouffer et écraser toute espérance et toute dignité.

« Donne-moi à boire » signifie encourager à laisser purifier et sauver la part la plus authentique de nos charismes fondateurs – qui ne se réduisent pas seulement à la vie religieuse mais qui concernent toute l’Église – et voir comment ils peuvent être exprimés aujourd’hui. Il s’agit non seulement de regarder le passé avec reconnaissance mais aussi de rechercher les racines de son inspiration et de les laisser résonner à nouveau, avec force parmi nous (cf. Pape François – Fernando Prado, La force de la vocation, p. 43).

« Donne-moi à boire » signifie reconnaître que nous avons besoin que l’Esprit nous transforme en hommes et en femmes qui se souviennent d’un passage, le passage salvifique de Dieu. Et confiants que, comme il l’a fait hier, ainsi il continuera de le faire demain : « aller à la racine nous aide, sans aucun doute, à bien vivre le présent, sans avoir peur. Il faut vivre sans peur, en répondant à la vie avec la passion d’être engagés dans l’Histoire, impliqués. C’est une passion amoureuse, […] » (cf. Ibid., p. 45).

L’espérance fatiguée sera guérie et jouira de cette « certaine peine du cœur », à partir du moment où l’on n’a pas peur de revenir au premier amour et de réussir à trouver, dans les périphéries et les défis qui aujourd’hui se présentent à nous, le même chant, le même regard qui ont suscité le chant et le regard de nos ainés. Ainsi nous éviterons le risque de partir de nous-mêmes et nous abandonnerons l’épuisant auto-apitoiement pour trouver le regard avec lequel le Christ aujourd’hui continue de nous chercher, de nous appeler et de nous inviter à la mission.

Cela ne me semble pas être un évènement mineur que la réouverture des portes de cette Cathédrale après une longue période de rénovation. Elle a connu le passage des années, comme témoin fidèle de l’histoire de ce peuple, et avec l’aide et le travail de beaucoup, elle a voulu offrir à nouveau sa beauté. Plus qu’une restauration classique, qui souvent essaie de revenir au passé original, on a cherché à préserver la beauté des années, en étant ouvert à l’accueil de toute la nouveauté que le présent pouvait lui offrir. Une Cathédrale espagnole, indienne et afro-américaine devient ainsi une Cathédrale panaméenne, de ceux qui hier mais également de ceux qui aujourd’hui l’ont rendu possible. Elle n’appartient plus seulement au passé, mais elle est la beauté du présent.

Aujourd’hui c’est une fois de plus un tournant qui conduit à renouveler et à alimenter l’espérance, à découvrir comment la beauté d’hier devient un fondement pour construire la beauté de demain.

Ainsi agit le Seigneur.

Frères et sœurs, ne nous laissons pas voler la beauté que nous avons héritée de nos pères, qu’elle soit la racine vivante et féconde qui nous aide à continuer à rendre belle et prophétique l’histoire du salut sur ces terres.

[00116-FR.01] [Texte original: Espagnol]

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