Église en sortie 25 novembre 2016

Cette semaine à Église en sortie, on s’entretient avec le prêtre et théologien Gilles Routhier, doyen de la faculté de théologie et de science religieuse de l’université Laval. On vous présente un reportage sur la visite du Catholicos arménien de Cilicie Aram 1er  et sur la rencontre œcuménique organisée à Montréal pour l’occasion. Et dans la troisième partie de l’émission, on vous présente une entrevue réalisée avec le sociologue et chroniqueur au Journal de Montréal Mathieu Bock-Côté sur son tout dernier livre  Le multiculturalisme comme religion politique.

Le dialogue dans la vérité: réflexion sur « Nos voisins évangéliques »

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Cette semaine, la Commission épiscopale pour l’unité chrétienne, les relations religieuses avec les Juifs et le dialogue interreligieux de la Conférence des évêques catholiques du Canada publiait un document intitulé « Nos voisins évangéliques : Réflexion sur l’évangélisme chrétien ». Cette brochure de 12 pages, se veut une ressource pour les catholiques afin qu’ils en apprennent davantage sur le christianisme évangélique à travers «  l’histoire et les croyances des évangéliques et en prêtant une attention particulière aux relations entre les évangéliques et les catholiques ». Je retiens de ma lecture une foule d’informations tant historiques que théologiques ainsi qu’une posture cohérente avec le souhait du pape François pour que « la collaboration interreligieuse et œcuménique montre que les hommes et les femmes ne doivent pas oublier leur propre identité, ethnique ou religieuse, pour vivre en harmonie avec leurs frères et sœurs ».

Regard historique et théologique 

La première chose que l’on note, c’est que les différences qui séparent les catholiques des évangéliques s’enracinent dans une longue histoire. En effet, on commémore cette année le 500ième anniversaire de la Réforme protestante ! L’évangélisme est donc un mouvement chrétien issu de la tradition protestante , ce qui implique l’acceptation des principes théologiques qui y sont liés tels que « l’autorité exclusive de l’Écriture » et « la justification par la seule foi » (p.2). Le document de la CECC offre ensuite une description des différentes explications et implications de ces principes avant de présenter quelques-unes de ces manifestations dans la vie concrète de nos frères protestants. On explique ainsi les expressions tels que « born again », de « revivalism » ou de « fondamentalisme », tout en spécifiant que « les évangéliques forment un groupe diversifié » (p.4).

D’une perception à une autre

Ce qui est significatif dans ce document, c’est que l’on ose sortir de l’énumération des traits distinctifs, à la manière d’une encyclopédie, pour prendre en compte l’expérience concrète que ces mêmes différences peuvent avoir sur la vie quotidienne des membres des deux communautés chrétiennes. On offre ainsi pour les deux perspectives, un dialogue qui tient compte des critiques réciproques.

En effet, on se demande d’abord ce que pensent les catholiques des évangéliques ? On offre alors un portrait réaliste des éléments dont les catholiques peuvent naturellement faire l’éloge comme leur attachement à la Parole de Dieu telle que transmise dans la Bible mais également l’emphase mise sur la relation personnelle au Christ. capture-decran-2016-10-22-a-10-36-39Toutefois, on ne cache pas les réticences que les catholiques peuvent également avoir face à une certaine tendance à interpréter l’Écriture Sainte d’une manière trop littérale sans tenir compte de la Tradition c’est-à-dire la vie des chrétiens qui nous ont précédés ou, en d’autres termes, « la grande communauté chrétienne qui s’étend aussi bien à travers le temps que dans l’espace » (p.7). Enfin, l’unité de l’Église catholique et sa structure hiérarchique bien définie, expliquent comment « l’aspect transconfessionnel de l’évangélisme engendrent une sorte de corps indéfini que les catholiques ont de la difficulté à identifier au Corps du Christ » (p.7).

Dans un deuxième temps, on se demande ce qui, dans la pratique catholique, peut sembler étranger à un christianisme authentique tel que le conçoivent les évangéliques. D’abord, bien que l’on souligne les nombreuses avancées du dialogue œcuménique, on affirme qu’un certain nombre de cette mouvance ne sont toujours pas certains que les catholiques soient de véritables chrétiens (p.8). De plus, on montre comment l’accent mis sur la relation personnelle avec le Christ peut pousser les évangéliques à parler de leur salut « à l’imparfait » c’est-à-dire comme quelque chose de déjà accompli tandis que, du côté catholique, on a souvent tendance à parler du salut « au futur », mettant ainsi l’accent davantage sur la dimension ultime c’est-à-dire après la mort.

Le dialogue, une responsabilité partagée

Dans la dernière partie du document, on trouve une analyse de la réalité du dialogue œcuménique aujourd’hui tout en manifestant l’ouverture que nous devons avoir pour être fidèles au souhait du Christ « Ut unum sint ».

Le contexte actuel et l’expansion rapide du phénomène de sécularisation doivent nous pousser à dépasser nos différences et les blessures héritées du passé afin d’offrir au monde un témoignage plus à même de convaincre de la véracité de la Révélation chrétienne. Toutefois, puisque l’estime mutuelle qui se construit peu à peu entre les deux communautés « scandalise certaines personnes » (p.11), le document de la CECC insiste sur le contexte dans lequel ce dialogue est en mesure de porter des fruits. En ce sens, pour que la vérité puisse être au centre des aspirations de tous les interlocuteurs, il est essentiel que des liens de charité profonde soient d’abord créés entre les membres. Ainsi le travail œcuménique ne pourra être concluant que s’il « s’établit au quotidien dans la vie chrétienne des croyants […] le succès du dialogue à venir dépend en grande partie de vous » (p.11).

Tant du point de vue de la richesse des informations contenues dans ce document que de la place laissée à l’expérience concrète des croyants des deux communautés, il est possible de conclure que ce document de la CECC remplit bien son mandat d’instrument au service de l’œcuménisme. Que ce soit dans le fait d’affirmer haut et fort les points de désaccord inhérents aux identités respectives que dans l’estime mutuelle et dans la capacité de reconnaître l’autre d’abord comme un frère « dans le contexte d’une foi commune » (p.5), ce document est certainement un outil de premier plan facilitant cette responsabilité missionnaire  qui nous incombe à tous.

Église en sortie 7 octobre 2016

Cette semaine à Église en sortie, Francis Denis reçoit l’abbé Thierry Sol, prêtre de l’Opus Dei et professeur à l’Université Pontificale de la Sainte-Croix sur le thème du Droit canonique. Nous vous présentons un reportage sur l’Assemblée des évêques catholiques du Québec à Notre-Dame du Cap. Dans la troisième partie de l’émission, le professeur Ernest Caparros nous parle des procédures en nullité de mariage.

L’Évangile et la valeur spirituelle de l’argent

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Depuis l’étude de Max Weber sur l’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, on a souvent souligné l’influence de la religion dans la conception et les rapports qu’entretiennent les hommes avec l’argent. Dans son étude, Max Weber montrait comment le protestantisme avait eu un rôle important dans l’implantation du régime capitaliste. Bien que les distinctions entre les théologies des différentes communautés chrétiennes tendent à s’estomper de plus en plus, on a traditionnellement prétendu que les protestants considéraient la richesse comme une bénédiction de Dieu et comme une certaine récompense suite à un important labeur. Au contraire, du côté catholique, on a souvent considéré les personnes bien nanties d’un mauvais œil, ces dernières s’éloignant prétendument de l’état de pauvreté du Christ.

Dans un monde où les inégalités vont en s’accroissant, il est de mise de s’interroger sur notre rapport avec l’argent ainsi que sur sa réelle importance. Personne ne questionne le rôle extrêmement pratique de l’argent. En effet, dans les sociétés primitives, il était encore possible de fonctionner grâce au troc. Toutefois, à mesure que le marché se diversifiait, il devenait impossible de continuer de fonctionner de cette manière, d’où l’établissement d’une unité de mesure commune pour faciliter les échanges. C’est ainsi qu’est apparu l’argent. Tout au long de l’histoire, la responsabilité d’émettre et de réguler la valeur et les flux de l’argent a généralement été confiée aux plus hautes autorités des différents pays. C’était déjà le cas au temps de Jésus où l’autorité politique suprême de César émettait des devises (deniers ou autres.) dans le but favoriser l’unité du commerce dans l’empire Romain.

Qu’est-ce que nous enseigne la Bible sur l’argent? Les enseignements de la Bible sur l’argent sont très complexes et peuvent diverger, surtout dans l’Ancien Testament, selon l’époque où le livre a été écrit. Cependant, une unité doctrinale peut en être tirée. De fait, un des enseignements fondamentaux de la Bible sur l’argent est qu’il est un bien mais également un moyen. Cela signifie qu’il ne doit pas être recherché pour lui-même mais pour une fin noble (no 328 – 329). Ainsi, ce n’est que si il est utile pour notre bien être corporel et spirituel qu’il doit être recherché. Dans le cas contraire, l’argent sera un grand obstacle à notre salut et nous risquons de « servir Mammon » (Mt 6,24). Ceci dit, l’Évangile ne doit pas être considéré comme un recueil de loi où l’on trouverait une réponse pour chaque cas particulier. Au contraire, le message de Jésus est un appel à la conscience et à la liberté humaine. On doit donc y chercher des principes avec lesquels nous devons juger nous-mêmes de la bonne chose à faire dans notre vie. Cela ne veut pas dire que nous pouvons faire n’importe quoi mais que c’est sur notre volonté et notre désir concret de connaître et de faire le bien que nous seront jugés. Comme le disait le Concile Vatican II, notre premier devoir est de « chercher la vérité et d’y adhérer » (no2).

Quels sont donc ces principes que nous enseigne le Nouveau Testament sur notre relation à l’argent ? Comme c’est le cas à de nombreuses reprises, nous sommes en présence d’un enseignement en apparence contradictoire.

D’un côté, Jésus nous enseigne à nous considérer comme des enfants aimés de Dieu. Une des caractéristiques fondamentales des enfants est qu’ils se savent dépendants de leurs parents et sont heureux de cet état. Un enfant va rarement jouer les indépendants devant sa mère mais va plutôt vouloir être avec elle et constamment attirer son attention. De la même manière, être enfant de Dieu nécessite de notre part une reconnaissance de notre totale dépendance par rapport à Dieu, non pas en la considérant comme un joug mais plutôt comme une présence réconfortante dont on ne voudrait être privé pour rien au monde. Dans ce contexte, l’argent peut être un obstacle puisqu’il peut nous porter à nous considérer comme étant autosuffisants et maîtres de nous-mêmes. Choisissant comme bon nous semble ce qui est bien et mal pour nous et notre prochain. En ce sens, « il est plus facile à un chameau de passer par un trou d’aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume des Cieux. » (Mt 19, 24). Toutefois, ce risque ne doit pas être pour nous une cause d’anxiété qui nous pousserait à ne pas prendre nos responsabilités et notre place dans la société y compris au niveau salarial. En effet, cela peut être aussi une occasion de sanctification au sens où l’on peut, par la possession des richesses, devenir l’instrument par lequel Dieu étend son Royaume dès ici bas.

D’un autre côté, Jésus nous enseigne que, malgré cet état de dépendance, nous devons tous travailler fort à notre amélioration personnelle, spirituelle et sociale. C’est l’enseignement de la parabole des talents (Mt 25, 14-46) dans laquelle Dieu nous demandera des comptes des fruits que nous avons ou aurions dû obtenir selon les talents que nous avons reçus. Ainsi, pas de place pour la paresse et la fainéantise. Nous devons tous donner le meilleur de nous-mêmes. Dans ce contexte, l’argent peut être un obstacle puisque si nous en avons trop, nous pouvons être tentés de jouir de la vie sans nous soucier du bien qui n’attend que nous pour se révéler. Nous cachons ainsi les talents qui nous ont été confiés avec la conséquence que nous connaissons« celui qui n’a rien se verra enlever même ce qu’il a ». Toutefois, l’argent peut également être extrêmement utile pour faire croître ces mêmes talents. L’exemple des études montre bien comment l’argent peut permettre à une personne d’exploiter son potentiel intellectuel au maximum et ensuite en faire bénéficier toute la société.

L’enseignement du Christ sur l’argent est, à la fois clair et indéterminé. En effet, d’un côté, l’argent n’est pas un bien absolu mais relatif à son utilisation. Le rechercher est impératif. Connaître le bien qui doit être fait avec lui l’est tout autant. Nous ne devons donc ni le craindre, ni le rechercher pour lui-même mais bien nous considérer comme des administrateurs de l’Unique vrai propriétaire et dépositaire des toutes les richesses créées. Ce faisant nous obéirons au conseil du Christ qui dit : « cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît » ( Mt 6, 33).

 

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