Cette semaine à Église en sortie, on s’entretient avec le prêtre et théologien Gilles Routhier, doyen de la faculté de théologie et de science religieuse de l’université Laval. On vous présente un reportage sur la visite du Catholicos arménien de Cilicie Aram 1er et sur la rencontre œcuménique organisée à Montréal pour l’occasion. Et dans la troisième partie de l’émission, on vous présente une entrevue réalisée avec le sociologue et chroniqueur au Journal de Montréal Mathieu Bock-Côté sur son tout dernier livre Le multiculturalisme comme religion politique.
La religion a sa place dans le dialogue national – Benoît XVI
Benoît XVI s’est adressé le 17 septembre aux membres du parlement britanniques et aux membres de la British Society. Un discours raffiné et traitant des enjeux-clés d’une nation occidentale. Sa simple présence à Westminster Hall constitue un événement historique. U peu plus tôt, il avait été accueilli par l’archevêque de Canterbury. Sans aucun doute, la visite du Pape au Royaume-Uni constitue jusqu’à présent un énorme succès, une manifestation de dialogue et d’amitié réciproque. Nous publions ci-dessous un extrait du discours du Pape aux parlementaires et membres de la British Society:
[L]a question centrale qui se pose est celle-ci : où peut-on trouver le fondement éthique des choix politiques ? La tradition catholique soutient que les normes objectives qui dirigent une action droite sont accessibles à la raison, même sans le contenu de la Révélation. Selon cette approche, le rôle de la religion dans le débat politique n’est pas tant celui de fournir ces normes, comme si elles ne pouvaient pas être connues par des non-croyants – encore moins de proposer des solutions politiques concrètes, ce qui de toute façon serait hors de la compétence de la religion – mais plutôt d’aider à purifier la raison et de donner un éclairage pour la mise en œuvre de celle-ci dans la découverte de principes moraux objectifs. Ce rôle « correctif » de la religion à l’égard de la raison n’est toutefois pas toujours bien accueilli, en partie parce que des formes déviantes de religion, telles que le sectarisme et le fondamentalisme, peuvent être perçues comme susceptibles de créer elles-mêmes de graves problèmes sociaux. A leur tour, ces déformations de la religion surgissent quand n’est pas accordée une attention suffisante au rôle purifiant et structurant de la raison à l’intérieur de la religion. Il s’agit d’un processus à deux sens. Sans le correctif apporté par la religion, d’ailleurs, la raison aussi peut tomber dans des distorsions, comme lorsqu’elle est manipulée par l’idéologie, ou lorsqu’elle est utilisée de manière partiale si bien qu’elle n’arrive plus à prendre totalement en compte la dignité de la personne humaine. C’est ce mauvais usage de la raison qui, en fin de compte, fut à l’origine du trafic des esclaves et de bien d’autres maux sociaux dont les idéologies totalitaires du 20ème siècle ne furent pas les moindres. C’est pourquoi, je voudrais suggérer que le monde de la raison et de la foi, le monde de la rationalité séculière et le monde de la croyance religieuse reconnaissent qu’ils ont besoin l’un de l’autre, qu’ils ne doivent pas craindre d’entrer dans un profond dialogue permanent, et cela pour le bien de notre civilisation.
La religion, en d’autres termes, n’est pas un problème que les législateurs doivent résoudre, mais elle est une contribution vitale au dialogue national. Dans cette optique, je ne puis que manifester ma préoccupation devant la croissante marginalisation de la religion, particulièrement du christianisme, qui s’installe dans certains domaines, même dans des nations qui mettent si fortement l’accent sur la tolérance. Certains militent pour que la voix de la religion soit étouffée, ou tout au moins reléguée à la seule sphère privée. D’autres soutiennent que la célébration publique de certaines fêtes, comme Noël, devrait être découragée, en arguant de manière peu défendable que cela pourrait offenser de quelque manière ceux qui professent une autre religion ou qui n’en ont pas. Et d’autres encore soutiennent – paradoxalement en vue d’éliminer les discriminations – que les chrétiens qui ont des fonctions publiques devraient être obligés en certains cas d’agir contre leur conscience. Ce sont là des signes inquiétants de l’incapacité d’apprécier non seulement les droits des croyants à la liberté de conscience et de religion, mais aussi le rôle légitime de la religion dans la vie publique. Je voudrais donc vous inviter tous, dans vos domaines d’influence respectifs, à chercher les moyens de promouvoir et d’encourager le dialogue entre foi et raison à tous les niveaux de la vie nationale.