Homélie du pape François lors de la Messe du Dimanche des Rameaux

(CNS photo/Paul Haring) Vous trouverez ci-dessous le texte complet de l’homélie du pape François telle que prononcée lors de la célébration de la Messe du Dimanche des Rameaux en la Place Saint-Pierre, Vatican:

Les acclamations de l’entrée à Jérusalem et l’humiliation de Jésus. Les cris festifs et l’acharnement féroce. Ce double mystère accompagne chaque année l’entrée dans la Semaine Sainte, dans les deux moments caractéristiques de cette célébration : la procession avec des rameaux de palmier et d’olivier au début et puis la lecture solennelle du récit de la Passion.

Laissons-nous impliquer dans cette action animée par l’Esprit Saint, pour obtenir ce que nous avons demandé dans la prière : accompagner avec foi notre Sauveur sur son chemin et garder toujours présent à l’esprit le grand enseignement de sa passion comme modèle de vie et de victoire contre l’esprit du mal.

Jésus nous montre comment affronter les moments difficiles et les tentations les plus insidieuses, en gardant dans le cœur une paix qui n’est pas une prise de distance, ni une insensibilité ou une attitude de surhomme, mais abandon confiant au Père et à sa volonté de salut, de vie, de miséricorde ; et dans toute sa mission, il est passé à travers la tentation de ‘‘faire son œuvre’’, en choisissant lui sa façon de faire et en se détachant de l’obéissance au Père. Dès le début, dans la lutte des quarante jours au désert, jusqu’à la fin, dans la Passion, Jésus repousse cette tentation par l’obéissance confiante au Père.

Aujourd’hui aussi, lors de son entrée à Jérusalem, il nous montre le chemin. Car dans cet événement, le malin, le Prince de ce monde avait une carte à jouer : la carte du triomphalisme, et le Seigneur a répondu en restant fidèle à son chemin, le chemin de l’humilité.

Le triomphalisme cherche à atteindre le but par des raccourcis, de faux compromis. Il vise à monter sur le char des vainqueurs. Le triomphalisme vit de gestes et de paroles qui cependant ne sont pas passés par le creuset de la croix ; il s’alimente de la confrontation avec les autres en les jugeant toujours pires, limités, ratés… Une forme subtile de triomphalisme est la mondanité spirituelle, qui est le pire danger, la tentation la plus perfide qui menace l’Église (De Lubac). Jésus a détruit le triomphalisme par sa passion.

Le Seigneur a vraiment partagé et s’est réjoui avec le peuple, avec les jeunes qui criaient son nom en l’acclamant comme Roi et Messie. Son cœur se réjouissait en voyant l’enthousiasme et la fête des pauvres d’Israël. Au point qu’à ces pharisiens qui lui demandaient de réprimander ses disciples à cause de leurs acclamations scandaleuses, il a répondu : « Si eux se taisent, les pierres crieront » (Lc 19, 40). L’humilité ne veut pas dire nier la réalité et Jésus est réellement le Messie, le Roi.

Mais en même temps, le cœur du Christ est sur une autre voie, sur la voie sainte que seuls lui et le Père connaissent : celle qui conduit de la « condition de Dieu » à la « condition de serviteur », la voie de l’humiliation dans l’obéissance « jusqu’à la mort, et la mort de la croix » (Ph 2, 6-8). Il sait que pour atteindre le vrai triomphe, il doit faire de la place à Dieu ; et pour faire de la place à Dieu, il n’y a qu’une seule manière : se dépouiller et se vider de soi-même. Se taire, prier, s’humilier. Avec la croix, on ne négocie pas, ou on l’embrasse ou bien on la rejette. Et par son humiliation, Jésus a voulu nous ouvrir la voie de la foi et nous y précéder.

Derrière lui, la première à la parcourir a été sa Mère, Marie, la première disciple. La Vierge et les saints ont dû souffrir pour marcher dans la foi et dans la volonté de Dieu. Face aux événements durs et douloureux de la vie, répondre avec foi coûte « une certaine peine du cœur » (cf. S. Jean-Paul II, Enc. Redemptoris Mater, n. 17). C’est la nuit de la foi. Mais ce n’est que de cette nuit que pointe l’aube de la résurrection. Aux pieds de la croix, Marie a repensé aux paroles par lesquelles l’Ange lui avait annoncé son Fils : « Il sera grand […] ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin » (Lc 1, 32-33). Au Golgotha, Marie se trouve face au démenti total de cette promesse : son Fils agonise sur une croix comme un malfaiteur. Ainsi le triomphalisme, détruit par l’humiliation de Jésus, a été également détruit dans le cœur de la Mère ; tous deux ont su se taire.

Précédés par Marie, d’innombrables saints et saintes ont suivi Jésus sur le chemin de l’humilité et de l’obéissance. Aujourd’hui, Journée Mondiale de la Jeunesse, je voudrais évoquer les nombreux saints et saintes jeunes, surtout de ‘‘la porte d’à côté’’, que Dieu seul connaît, et que parfois il se plaît à nous révéler par surprise. Chers jeunes, n’ayez pas honte de manifester votre enthousiasme pour Jésus, de crier qu’il vit, qu’il est votre vie. Mais en même temps, n’ayez pas peur de le suivre sur le chemin de la croix. Et quand vous sentirez qu’il vous demande de renoncer à vous-mêmes, de vous dépouiller de vos sécurités, de vous confier complètement au Père qui est dans les cieux, alors réjouissez-vous et exultez ! Vous êtes sur le chemin du Royaume de Dieu.

Des acclamations festives et un acharnement féroce ; le silence de Jésus dans sa passion est impressionnant. Il vainc aussi la tentation de répondre, d’être ‘‘médiatique’’. Dans les moments d’obscurité et de grande tribulation, il faut se taire, avoir le courage de se taire, pourvu que ce soit un silence serein et non rancunier. La douceur du silence nous fera apparaître encore plus fragiles, plus humiliés, et alors le démon, en reprenant courage, sortira à visage découvert. Il faudra lui résister dans le silence, ‘‘en maintenant la position’’, mais dans la même attitude que Jésus. Lui sait que la guerre est entre Dieu et le Prince de ce monde et qu’il ne s’agit pas de saisir une épée, mais de rester calmes, fermes dans la foi. C’est l’heure de Dieu. Et à l’heure où Dieu descend dans la bataille, il faut le laisser faire. Notre place sûre sera sous le manteau de la sainte Mère de Dieu. Et tandis que nous attendons que le Seigneur vienne et calme la tempête (cf. Mc 4, 37-41), par notre témoignage silencieux en prière, nous rendons à nous-mêmes et aux autres « raison de l’espérance qui est en [nous] » (1P 3, 15). Cela nous aidera à vivre dans la sainte tension entre la mémoire des promesses, la réalité de la détermination présente sur la croix et l’espérance de la résurrection.

Homélie du pape François lors de la Messe au complexe « Prince Moulay Abdellah »

Vous trouverez ci-dessous le texte de l’homélie du pape François telle que prononcée lors de la Messe du dimanche « Laetare » au au complexe « Prince Moulay Abdellah », Maroc:

« Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut saisi de compassion ; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers » (Lc 15, 20).

C’est de cette manière que l’Evangile nous place au cœur de la parabole qui montre l’attitude du père en voyant son fils revenir : touché au plus profond, il ne le laisse pas arriver à la maison, alors qu’il le surprend en courant à sa rencontre. Un enfant regretté et attendu. Un père ému lorsqu’il le voit revenir.

Mais cela n’a pas été le seul moment où le père a couru. Sa joie serait incomplète sans la présence de son autre fils. C’est pourquoi il sort aussi à sa rencontre pour l’inviter à participer à la fête (cf. v. 28). Mais, il semble que le fils aîné n’ait pas apprécié les festivités de bienvenue, que cela lui ait coûté de supporter la joie du père ; il ne salue pas le retour de son frère et dit : « ton fils que voilà » (v. 30). Pour lui, son frère demeure perdu, parce qu’il l’a déjà oublié dans son cœur.

Dans son incapacité à participer à la fête, non seulement il ne reconnaît pas son frère, mais il ne reconnaît pas non plus son père. Il préfère la situation d’orphelin à la fraternité, l’isolement à la rencontre, l’amertume à la fête. Non seulement il lui est difficile de comprendre et de pardonner à son frère, mais il ne peut pas non plus accepter d’avoir un père capable de pardonner, prêt à attendre et à veiller afin que personne ne reste dehors ; en définitive, un père capable de ressentir de la compassion.

Sur le seuil de cette maison le mystère de notre humanité semble se manifester: d’un côté, il y a la fête pour le fils retrouvé, et, de l’autre, un certain sentiment de trahison et d’indignation provoqué par la fête de son retour. D’un côté l’hospitalité pour celui qui a fait l’expérience de la misère et de la souffrance, et qui en était même arrivé à sentir et à vouloir se nourrir de ce que mangeaient les porcs ; de l’autre, l’irritation et la colère pour le fait d’avoir donné une telle accolade à qui n’en était pas digne ni le méritait.

Ainsi, une fois de plus, est mise en lumière la tension vécue dans nos peuples et nos communautés, et aussi en nous-mêmes. Une tension qui depuis Caïn et Abel nous habite et que nous sommes invités à regarder en face : qui a le droit de rester parmi nous, d’avoir une place à nos tables et dans nos assemblées, dans nos préoccupations et nos occupations, sur nos places et dans nos villes ? Cette question fratricide semble continuer à résonner : Est-ce que je suis le gardien de mon frère ? (cf. Gn 4, 9).

Sur le seuil de cette maison apparaissent les divisions et les affrontements, l’agressivité et les conflits qui frappent toujours aux portes de nos grands désirs, de nos luttes pour la fraternité et pour que toute personne puisse faire l’expérience dès maintenant de sa condition et de sa dignité de fils.

Mais dans le même temps, sur le seuil de cette maison brillera en toute clarté le désir du Père, sans élucubrations ni excuses qui lui enlèvent de la force : le désir que tous ses enfants prennent part à sa joie ; que personne ne vive dans des conditions inhumaines, comme le jeune fils, ni en orphelin, dans l’isolement ou l’amertume comme le fils aîné. Son cœur veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité (cf. 1 Tm 2, 4).

Certes, les circonstances qui peuvent nourrir la division et la confrontation sont nombreuses ; les situations qui peuvent nous conduire à nous affronter et à nous diviser sont indiscutables. Nous ne pouvons pas le nier. La tentation de croire en la haine et en la vengeance comme moyens légitimes d’assurer la justice de manière rapide et efficace, nous menace toujours. Mais l’expérience nous dit que la seule chose qu’apportent la haine, la division et la vengeance, c’est de tuer l’âme de nos peuples, d’empoisonner l’espérance de nos enfants, de détruire et d’emporter avec elles tout ce que nous aimons.

C’est pourquoi Jésus nous invite à regarder et à contempler le cœur du Père. C’est seulement à partir de là que nous pourrons, chaque jour, nous redécouvrir frères. C’est seulement à partir de ce vaste horizon, capable de nous aider à dépasser nos logiques à courte vue qui divisent, que nous serons en mesure de parvenir à un regard qui ne prétend pas clore ni abandonner nos différences en cherchant éventuellement une unité forcée ou la marginalisation silencieuse. C’est seulement si, chaque jour, nous sommes capables de lever les yeux vers le ciel et de dire Notre Père, que nous pourrons entrer dans une dynamique qui nous permet de nous regarder et de prendre le risque de vivre, non pas comme des ennemis, mais comme des frères.

Le père dit à son fils aîné : « Tout ce qui est à moi est à toi » (Lc 15, 31). Et il ne se réfère pas seulement aux biens matériels mais au fait de participer aussi à son amour même et à sa compassion. C’est l’héritage et la richesse les plus grands du christianisme. Pour que, plutôt que de nous évaluer et de nous classifier à partir de notre condition morale, sociale, ethnique ou religieuse, nous puissions reconnaître qu’il existe une autre condition, que personne ne pourra supprimer ni détruire puisqu’elle est pur don : la condition d’enfants aimés, attendus et célébrés par le Père.

« Tout ce qui est à moi est à toi », également ma capacité de compassion, nous dit le Père. Ne tombons pas dans la tentation de réduire notre appartenance de fils à une question de lois et d’interdictions, de devoirs et de conformités. Notre appartenance et notre mission ne naîtront pas de volontarismes, de légalismes, de relativismes ou d’intégrismes mais de personnes croyantes qui supplieront tous les jours, avec humilité et constance : que ton Règne vienne sur nous.

La parabole évangélique présente une fin ouverte. Nous voyons le père prier son fils aîné d’entrer et de participer à la fête de la miséricorde. L’Evangéliste ne dit rien sur la décision que celui- ci a prise. Se sera-t-il joint à la fête ? Nous pouvons penser que cette fin ouverte a été écrite pour que chaque communauté, chacun de nous, puisse l’écrire avec sa vie, avec son regard et son attitude envers les autres. Le chrétien sait que dans la maison du Père, il y a beaucoup de demeures, seuls restent dehors ceux qui ne veulent pas prendre part à sa joie.

Chers frères et sœurs, je veux vous remercier pour la manière dont vous rendez témoignage de l’Evangile de la miséricorde en ces lieux. Merci pour les efforts réalisés afin que vos communautés soient des oasis de miséricorde. Je vous encourage à continuer en faisant grandir la culture de la miséricorde, une culture dans laquelle personne ne regarde l’autre avec indifférence ni ne détourne le regard quand il voit sa souffrance (cf. Lett. ap. Misericordia et misera, n. 20). Continuez auprès des petits et des pauvres, de ceux qui sont exclus, abandonnés et ignorés, continuez à être des signes de l’accolade et du cœur du Père.

Que le Miséricordieux et le Clément – comme l’invoquent si souvent nos frères et sœurs musulmans – vous fortifie et rende fécondes les œuvres de son amour.

[00537-FR.01] [Texte original: Espagnol]

Discours du Pape aux personnes consacrées de Témara au Maroc

Vous trouverez ci-dessous le texte de l’allocution du pape François lors de la rencontre avec le clergé, religieux, religieuses ainsi que le Centre oecuménique des églises en la cathédrale de Rabat:

Chers frères et sœurs,
Je suis très heureux de pouvoir vous rencontrer. Je remercie spécialement le Père Germain et Sœur Mary pour leurs témoignages. Je tiens aussi à saluer les membres du Conseil Œcuménique des Églises, qui manifeste visiblement la communion vécue ici, au Maroc, entre les chrétiens de différentes confessions, sur le chemin de l’Unité. Les chrétiens sont un petit nombre dans ce pays. Mais cette réalité n’est pas, à mes yeux, un problème, même si elle peut parfois s’avérer difficile à vivre pour certains. Votre situation me rappelle la question de Jésus : « À quoi le règne de Dieu est- il comparable, à quoi vais-je le comparer ? […] Il est comparable au levain qu’une femme a pris et enfoui dans trois mesures de farine, jusqu’à ce que toute la pâte ait levé. » (Lc 13, 18.21). En paraphrasant les paroles du Seigneur nous pourrions nous demander : à quoi est comparable un chrétien sur ces terres ? A quoi puis-je le comparer ? Il est comparable à un peu de levain que la mère Eglise veut mélanger à une grande quantité de farine, jusqu’à ce que toute la pâte ait levé. En effet, Jésus ne nous a pas choisis et envoyés pour que nous devenions les plus nombreux ! Il nous a appelés pour une mission. Il nous a mis dans la société comme cette petite quantité de levain : le levain des béatitudes et de l’amour fraternel dans lequel, comme chrétiens, nous puissions tous nous retrouver pour rendre présent son Règne.

Cela signifie, chers amis, que notre mission de baptisés, de prêtres, de consacrés, n’est pas déterminée particulièrement par le nombre ou par l’espace que nous occupons, mais par la capacité que l’on a de produire et de susciter changement, étonnement et compassion ; par la manière dont nous vivons comme disciples de Jésus, au milieu de celles et ceux dont nous partageons le quotidien, les joies, les peines, les souffrances et les espoirs (cf. Conc. Oecum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes, n. 1). Autrement dit, les chemins de la mission ne passent pas par le prosélytisme, qui conduit toujours à une impasse, mais par notre manière d’être avec Jésus et avec les autres. Ainsi le problème n’est donc pas d’être peu nombreux mais d’être insignifiants, de devenir un sel qui n’a plus la saveur de l’Évangile, ou une lumière qui n’éclaire plus rien (cf. Mt 5,13-15).

Je pense que la préoccupation surgit quand nous chrétiens, nous sommes harcelés par la pensée de pouvoir être signifiants seulement si nous sommes une masse et si nous occupons tous les espaces. Vous savez bien que la vie se joue avec la capacité que nous avons de « lever » là où nous nous trouvons et avec qui nous nous trouvons. Même si apparemment cela ne peut pas apporter d’avantages tangibles ou immédiats (cf. Exhort. apost. Evangelii gaudium, n. 210). Parce qu’être chrétien, ce n’est pas adhérer à une doctrine, ni à un lieu de culte, ni à un groupe ethnique. Etre chrétien c’est une rencontre. Nous sommes chrétiens parce que nous avons été aimés et rencontrés et non pas parce que nous sommes des fruits du prosélytisme. Être chrétien, c’est se savoir pardonnés et invités à agir de la même manière dont Dieu a agi avec nous, puisque « à ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. » (Jn 13, 35).

Conscient du contexte dans lequel vous êtes appelés à vivre votre vocation baptismale, votre ministère, votre consécration, chers frères et sœurs, il me vient à l’esprit cette parole du saint Pape Paul VI dans son Encyclique Ecclesiam suam : « L’Église doit entrer en dialogue avec le monde dans lequel elle vit. L’Église se fait parole ; l’Église se fait message ; l’Église se fait conversation » (n.67). Affirmer que l’Église doit entrer en dialogue ne relève pas d’une mode, encore moins d’une stratégie pour accroître le nombre de ses membres ! Si l’Église doit entrer en dialogue, c’est par fidélité à son Seigneur et Maître qui, depuis le commencement, mu par l’amour, a voulu entrer en dialogue comme un ami et nous inviter à participer à son amitié (cf. Conc. Oecum. Vat. II, Const. dogm. Dei Verbum, n. 2). Ainsi, comme disciples de Jésus Christ, nous sommes appelés, depuis le jour de notre baptême, à faire partie de ce dialogue de salut et d’amitié, dont nous sommes les premiers bénéficiaires.

En ces terres, le chrétien apprend à être sacrement vivant du dialogue que Dieu veut engager avec chaque homme et chaque femme, quelle que soit sa condition de vie. Un dialogue que, par conséquent, nous sommes invités à réaliser à la manière de Jésus, doux et humble de cœur (cf. Mt 11, 29), avec un amour fervent et désintéressé, sans calculs et sans limites, dans le respect de la liberté des personnes. Dans cet esprit, nous trouvons des frères aînés qui nous montrent le chemin, parce que, par leur vie, ils ont témoigné que cela est possible, une « mesure haute » qui nous défie et nous stimule. Comment ne pas évoquer la figure de saint François d’Assise qui, en pleine croisade, est allé rencontrer le Sultan al-Malik al-Kamil? Et comment ne pas mentionner le Bienheureux Charles de Foucault qui, profondément marqué par la vie humble et cachée de Jésus à Nazareth, qu’il adorait en silence, a voulu être un « frère universel » ? Ou encore ces frères et sœurs chrétiens qui ont choisi d’être solidaires avec un peuple jusqu’au don de leurs propre vies ? Ainsi, quand l’Eglise, fidèle à la mission reçue du Seigneur, entre en dialogue avec le monde et se fait conversation, elle participe à l’avènement de la fraternité, qui a sa source profonde non pas en nous, mais dans la Paternité de Dieu. Ce dialogue de salut, comme consacrés, nous sommes invités à le vivre avant tout comme une intercession pour le peuple qui nous a été confié. Je me souviens d’une fois, parlant avec un prêtre qui se trouvait comme vous sur une terre où les chrétiens sont une minorité, il me racontait que la prière du « Notre Père » avait acquis en lui un écho spécial parce que, en priant au milieu de personnes d’autres religions, il ressentait avec force les paroles « donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour ». La prière d’intercession du missionnaire pour ce peuple, qui d’une certaine manière lui avait été confié, non pas pour l’administrer mais pour l’aimer, le conduisait à prier cette prière avec un ton et un goût spécial. Le consacré, le prêtre porte à son autel, dans sa prière la vie de ses compatriotes et maintient vivante, comme à travers une petite brèche dans cette terre, la force vivifiante de l’Esprit.

Comme il est beau de savoir que, en divers lieux de cette terre, dans vos voix, la création peut implorer et continuer à dire : « Notre Père ».

C’est donc un dialogue qui devient prière et que nous pouvons réaliser concrètement tous les jours au nom « de la “fraternité humaine” qui embrasse tous les hommes, les unit et les rend égaux. Au nom de cette fraternité déchirée par les politiques d’intégrisme et de division, par les systèmes de profit effréné et par les tendances idéologiques haineuses, qui manipulent les actions et les destins des hommes » (Document sur la fraternité humaine, Abu Dhabi, 4 février 2019). Une prière qui ne fait pas de distinction, ne sépare pas et ne marginalise pas, mais qui se fait l’écho de la vie du prochain ; prière d’intercession qui est capable de dire au Père : « Que ton Règne vienne ». Non pas par la violence, non pas par la haine, ni par la suprématie ethnique, religieuse, économique, mais par la force de la compassion répandue sur la Croix pour tous les hommes. C’est l’expérience vécue par la majorité d’entre vous.

Je remercie Dieu pour ce que vous avez fait, comme disciples de Jésus Christ, ici au Maroc, en trouvant chaque jour dans le dialogue, dans la collaboration et dans l’amitié, les instruments pour semer avenir et espérance. Ainsi vous démasquez et réussissez à mettre en évidence toutes les tentatives d’utiliser les différences et l’ignorance pour semer la peur, la haine et le conflit. Parce que nous savons que la peur et la haine, nourries et manipulées, déstabilisent et laissent spirituellement sans défense nos communautés.

Je vous encourage, sans autre désir que de rendre visible la présence et l’amour du Christ qui s’est fait pauvre pour nous pour nous enrichir de sa pauvreté (cf. 2 Co 8,9) : continuez à vous faire proches de ceux qui sont souvent laissés de côté, des petits et des pauvres, des prisonniers et des migrants. Que votre charité se fasse toujours active et soit ainsi un chemin de communion entre les chrétiens de toutes les confessions présentes au Maroc : l’œcuménisme de la charité. Qu’elle puisse être aussi un chemin de dialogue et de coopération avec nos frères et sœurs musulmans et avec toutes les personnes de bonne volonté. La charité, spécialement envers les plus faibles, est la meilleure opportunité que nous avons pour continuer à travailler en faveur d’une culture de la rencontre. Qu’elle soit enfin ce chemin qui permette d’aller, sous le signe de la fraternité, vers les personnes blessées, éprouvées, empêchées de se reconnaître membres de l’unique famille humaine. Comme disciples de Jésus Christ, dans ce même esprit de dialogue et de coopération, ayez toujours à cœur d’apporter votre contribution au service de la justice et de la paix, de l’éducation des enfants et des jeunes, de la protection et de l’accompagnement des personnes âgées, des faibles, des handicapés et des opprimés.

Je vous remercie encore vous tous, frères et sœurs, pour votre présence et pour votre mission ici au Maroc. Merci pour votre présence humble et discrète, à l’exemple de nos anciens dans la vie consacrée, parmi lesquels je veux saluer la doyenne, sœur Ersilia. A travers toi, chère sœur, j’adresse un salut cordial aux sœurs et aux frères âgés qui, en raison de leur état de santé, ne sont pas présents physiquement mais sont unis à nous par la prière.

Vous tous, vous êtes des témoins d’une histoire qui est glorieuse parce qu’elle est une histoire de sacrifices, d’espérance, de lutte quotidienne, de vie consumée dans le service, de constance dans le travail fatigant, parce que tout travail est à la sueur du front. Mais permettez-moi de vous dire aussi : « Vous n’avez pas seulement à vous rappeler et à raconter une histoire glorieuse, mais vous avez à construire une grande histoire ! Regardez vers l’avenir, où l’Esprit vous envoie » (Exhort apost. postsyn. Vita consecrata, n. 110), pour continuer à être un signe vivant de cette fraternité à laquelle le Père nous a appelés, sans volontarisme ni résignation, mais comme des croyants qui savent que le Seigneur nous précède toujours et ouvre des espaces d’espérance là où quelque chose ou quelqu’un semblait perdu.

Que le Seigneur bénisse chacun de vous, et à travers vous les membres de toutes vos communautés. Que son Esprit vous aide à porter des fruits en abondance : des fruits de dialogue, de justice, de paix, de vérité et d’amour pour qu’ici, sur cette terre aimée de Dieu, grandisse la fraternité humaine. Et, s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi. Merci.

Et maintenant, mettons-nous sous la protection de la Vierge Marie, en récitant l’Angélus. [00535-FR.01] [Texte original: Italien]

Discours du pape François avec les migrants de Rabat au Maroc


Vous trouverez ci-dessous le texte du discours du pape François tel que prononcé lors de la rencontre avec les migrants au Centre Caritas diocésain de Rabat au Maroc:

Chers amis,
Je suis heureux d’avoir cette possibilité de vous rencontrer au cours de ma visite au Royaume du Maroc. Il s’agit pour moi d’une nouvelle occasion de vous exprimer à tous ma proximité, et avec vous affronter une grande et grave blessure qui continue à déchirer le début de ce XXIème siècle. Blessure qui crie vers le ciel. Et c’est pourquoi nous ne voulons pas que l’indifférence et le silence soient notre parole (cf. Is 3, 7). Encore plus quand on relève qu’il y a de nombreux millions de réfugiés et d’autres migrants forcés qui demandent la protection internationale, sans compter les victimes de la traite et des nouvelles formes d’esclavage aux mains d’organisations criminelles. Personne ne peut être indifférent devant cette souffrance.

Je remercie Mgr Santiago pour ses mots d’accueil et pour l’engagement de l’Eglise au service des migrants. Merci aussi à Jackson pour son témoignage ; merci à vous tous, migrants et membres des associations qui sont à leur service, venus ici cet après-midi pour nous trouver ensemble, pour renforcer les liens entre nous et continuer à nous engager pour garantir des conditions de vie digne pour tous. Et merci aux enfants ! Eux sont l’espérance. Pour eux, nous devons lutter, pour eux. Ils ont droit, droit à la vie, droit à la dignité. Luttons pour eux. Tous nous sommes appelés à répondre aux nombreux défis posés par les migrations contemporaines, avec générosité, rapidité, sagesse et clairvoyance, chacun selon ses propres possibilités (cf. Message pour la Journée mondiale du Migrant et du Réfugié, 2018).

Il y a quelques mois s’est déroulée, ici au Maroc, la Conférence Intergouvernementale de Marrakech qui a entériné l’adoption du Pacte mondial pour une migration sûre, ordonnée et régulière. « Le Pacte sur les migrations constitue un important pas en avant pour la communauté internationale qui, dans le cadre des Nations Unies, affronte pour la première fois au niveau multilatéral le thème dans un document d’importance » (Discours aux membres du Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège, 7 janvier 2019).

Ce Pacte permet de reconnaître et de prendre conscience qu’il « ne s’agit pas seulement de migrants » (cf. le Thème de la Journée mondiale du Migrant et du Réfugié 2019 sur les migrations constitue un important pas en avant pour la communauté internationale qui, dans le cadre des Nations Unies, affronte pour la première fois au niveau multilatéral le thème dans un document d’importance » (Discours aux membres du Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège, 7 janvier 2019.), comme si leurs vies étaient une réalité étrangère ou marginale, qui n’aurait rien à voir avec le reste de la société. Comme si leur qualité de personne avec des droits restait « en suspens » à cause de leur situation actuelle ; « effectivement un migrant n’est pas plus humain ou moins humain en fonction de sa situation d’un côté ou de l’autre d’une frontière »[1].

Ce qui est en jeu, c’est le visage que nous voulons nous donner comme société et la valeur de toute vie. Des pas en avant nombreux et positifs ont été faits dans différents domaines, spécialement dans les sociétés développées, mais nous ne pouvons pas oublier que le progrès de nos peuples ne peut pas se mesurer seulement par le développement technologique ou économique. Il dépend surtout de la capacité de se laisser remuer et toucher par celui qui frappe à la porte et qui avec son regard discrédite et prive d’autorité toutes les fausses idoles qui hypothèquent la vie et la réduisent en esclavage; idoles qui promettent un bonheur illusoire et éphémère, construit aux marges de la réalité et de la souffrance des autres. Comme devient déserte et inhospitalière une ville quand elle perd la capacité de la compassion ! une société sans cœur… une mère stérile. Vous n’êtes pas des marginaux, vous êtes au centre du cœur de l’Eglise.

J’ai voulu offrir quatre verbes – accueillir, protéger, promouvoir et intégrer – afin que ceux qui veulent aider à rendre plus concrète et réelle cette alliance puissent avec sagesse s’impliquer plutôt que se taire, secourir plutôt qu’isoler, édifier plutôt qu’abandonner.

Chers amis, je voudrais redire ici l’importance que revêtent ces quatre verbes. Ils sont comme un cadre de référence pour tous. En effet, nous sommes tous impliqués dans cet engagement – de façons diverses, mais tous impliqués – et nous sommes tous nécessaires pour garantir une vie plus digne, sûre et solidaire. J’aime penser que le premier volontaire, assistant, sauveteur, ami d’un migrant est un autre migrant qui connaît personnellement la souffrance du chemin. On ne peut pas penser des stratégies de grande portée, capables de donner la dignité, en se limitant à des actions d’assistance envers le migrant. C’est quelque chose d’incontournable, mais d’insuffisant. Il est nécessaire que vous, migrants, vous vous sentiez les premiers protagonistes et gérants dans tout ce processus.

Ces quatre verbes peuvent aider à réaliser des alliances capables de dégager des espaces où accueillir, protéger, promouvoir et intégrer. En définitive, des espaces où donner de la dignité.

« En considérant la situation actuelle, accueillir signifie avant tout offrir aux migrants et aux réfugiés de plus grandes possibilités d’entrée sûre et légale dans les pays de destination » (Message Journée mondiale du Migrant 2018). L’élargissement des canaux migratoires réguliers est de fait un des objectifs principaux du Pacte mondial. Cet engagement commun est nécessaire pour ne pas accorder de nouveaux espaces aux ‘marchands de chair humaine’ qui spéculent sur les rêves et sur les besoins des migrants. Tant que cet engagement ne sera pas pleinement réalisé, on devra affronter la pressante réalité des flux irréguliers avec justice, solidarité et miséricorde. Les formes d’expulsion collective, qui ne permettent pas une gestion correcte des cas particuliers, ne doivent pas être acceptées. Par contre les parcours de régularisation extraordinaires, surtout dans le cas de familles et de mineurs, doivent être encouragés et simplifiés.

Protéger veut dire assurer la défense « des droits et de la dignité des migrants ainsi que des réfugiés, indépendamment de leur statut migratoire » (ibid.). En regardant la réalité de cette région, la protection doit être assurée avant tout le long des routes migratoires, qui sont souvent, hélas, des théâtres de violence, d’exploitation et d’abus en tous genres. Ici aussi il apparaît nécessaire de porter une attention particulière aux migrants en situation de grande vulnérabilité, aux nombreux mineurs non accompagnés et aux femmes. Il est essentiel de pouvoir garantir à tous une assistance médicale, psychologique et sociale adéquate pour redonner dignité à qui l’a perdue au cours du chemin, comme s’y consacrent avec dévouement les opérateurs de cette structure. Et parmi vous, il y en a qui peuvent témoigner combien sont importants ces services de protection, pour donner une nouvelle espérance aux migrants, aussi longtemps qu’ils séjournent dans les pays qui les ont accueillis.

Promouvoir, signifie assurer à tous, migrants et autochtones, la possibilité de trouver un milieu sûr où se réaliser intégralement. Cette promotion commence avec la reconnaissance que personne n’est un déchet humain, mais que chacun est porteur d’une richesse personnelle, culturelle et professionnelle qui peut apporter beaucoup de valeur là où il se trouve. Les sociétés d’accueil en seront enrichies si elles savent valoriser au mieux la contribution des migrants, en prévenant tout type de discrimination et tout sentiment xénophobe. L’apprentissage de la langue locale, comme véhicule essentiel de communication interculturelle, sera vivement encouragé, de même que toute forme positive de responsabilisation des migrants envers la société qui les accueille, apprenant à y respecter les personnes et les liens sociaux, les lois et la culture, pour offrir ainsi une contribution renforcée au développement humain intégral de tous.

Mais n’oublions pas que la promotion humaine des migrants et de leurs familles commence aussi par les communautés d’origine, là où doit être aussi garanti, avec le droit d’émigrer, celui de ne pas être contraints à émigrer, c’est-à-dire le droit de trouver dans sa patrie des conditions qui permettent une vie digne. J’apprécie et j’encourage les efforts des programmes de coopération internationale et de développement transnational dégagés d’intérêts partisans, où les migrants sont impliqués comme les principaux protagonistes (cf. Discours aux participants au forum international sur « migration et paix », 21 février 2017).

Intégrer veut dire s’engager dans un processus qui valorise à la fois le patrimoine culturel de la communauté qui accueille et celui des migrants, construisant ainsi une société interculturelle et ouverte. Nous savons qu’il n’est pas du tout facile d’entrer dans une culture qui nous est étrangère – aussi bien pour qui arrive que pour qui accueille –, de nous mettre à la place de personnes très différentes de nous, de comprendre leurs pensées et leurs expériences. Ainsi, souvent, nous renonçons à la rencontre avec l’autre et nous élevons des barrières pour nous défendre (cf. Homélie pour la Journée mondiale du migrant et du réfugié, 14 janvier 2018). Intégrer demande donc de ne pas se laisser conditionner par les peurs et par l’ignorance.

Ici il y a un chemin à faire ensemble, comme de vrais compagnons de voyage, un voyage qui nous engage tous, migrants et autochtones, dans l’édification de villes accueillantes, plurielles et attentives aux processus interculturels, des villes capables de valoriser la richesse des différences dans la rencontre de l’autre. Et dans ce cas aussi, beaucoup parmi vous peuvent témoigner personnellement combien un tel engagement est essentiel.

Chers amis migrants, l’Eglise reconnaît les souffrances qui jalonnent votre chemin et elle en souffre avec vous. En vous rejoignant dans vos situations si diverses, elle tient à rappeler que Dieu veut faire de nous tous des vivants. Elle désire se tenir à vos côtés pour construire avec vous ce qui est le meilleur pour votre vie. Car tout homme a droit à la vie, tout homme a le droit d’avoir des rêves et de pouvoir trouver sa juste place dans notre ‘maison commune’! Toute personne a droit à un avenir.

Je voudrais encore exprimer mes remerciements à toutes les personnes qui se sont mises au service des migrants et des réfugiés dans le monde entier, et aujourd’hui particulièrement à vous, opérateurs de la Caritas, qui avez l’honneur de manifester l’amour miséricordieux de Dieu à tant de nos frères et sœurs au nom de toute l’Eglise, ainsi qu’à toutes les associations partenaires. Vous savez bien et vous faites l’expérience que pour le chrétien « il ne s’agit pas seulement de migrants », mais c’est le Christ lui-même qui frappe à nos portes.

Que le Seigneur, qui durant son existence terrestre a vécu dans sa propre chair la souffrance de l’exil, bénisse chacun de vous, vous donne la force nécessaire pour ne pas vous décourager et pour être les uns pour les autres « un port sûr » d’accueil.

Merci. ____________________

[1] Discours de S.M. le Roi du Maroc à la Conférence Intergouvernementale sur les migrations, Marrakech, 10 décembre 2018.

[00534-FR.02] [Texte original: Italien]

Appel du pape François et roi Mohammed VI sur Jérusalem

Vous trouverez ci-dessous le texte officiel de l’appel du pape François et de sa Majesté le roi Mohammed VI concernant Jérusalem/Al Qods comme ville sainte et lieu de rencontre:

A l’occasion de la visite au Royaume du Maroc, Sa Sainteté le Pape François et Sa Majesté le Roi Mohammed VI, reconnaissant l’unicité et la sacralité de Jérusalem / Al Qods Acharif et ayant à cœur sa signification spirituelle et sa vocation particulière de Ville de la Paix, partagent l’appel suivant :

« Nous pensons important de préserver la Ville sainte de Jérusalem / Al Qods Acharif comme patrimoine commun de l’humanité et, par-dessus tout pour les fidèles des trois religions monothéistes, comme lieu de rencontre et symbole de coexistence pacifique, où se cultivent le respect réciproque et le dialogue.

Dans ce but, doivent être conservés et promus le caractère spécifique multi-religieux, la dimension spirituelle et l’identité culturelle particulière de Jérusalem / Al Qods Acharif.

Nous souhaitons, par conséquent, que dans la Ville sainte soient pleinement garantis la pleine liberté d’accès aux fidèles des trois religions monothéistes et le droit de chacune d’y exercer son propre culte, de sorte qu’à Jérusalem / Al Qods Acharif s’élève, de la part de leurs fidèles, la prière à Dieu, Créateur de tous, pour un avenir de paix et de fraternité sur la terre ».

Rabat, le 30 mars 2019

S.M. le Roi Mohammed VI Amir Al Mouminine

S.S. le Pape François

Discours du pape François aux autorités civiles et politiques du Maroc

Vous trouverez ci-dessous le texte complet du discours au peuple marocain, au autorités civiles, politiques et au corps diplomatiques et tel que prononcé lors de la rencontre d’accueil officielle au Maroc:

Majesté,
Altesses Royales,
Distinguées Autorités du Royaume du Maroc, Membres du Corps diplomatique,
Chers amis Marocains,
As-Salam Alaikoum!

Je suis heureux de fouler le sol de ce pays riche de beautés naturelles multiformes, gardien de vestiges de civilisations antiques et témoin d’une histoire fascinante. Je voudrais avant tout exprimer ma sincère et cordiale gratitude à Sa Majesté Mohammed VI, pour son aimable invitation et pour le chaleureux accueil qu’au nom de tout le peuple marocain, il m’a réservé tout à l’heure, en particulier pour les aimables paroles qu’il m’a adressées.

Cette visite est pour moi un motif de joie et de gratitude parce qu’elle me permet tout d’abord de découvrir les richesses de votre terre, de votre peuple et de vos traditions. Gratitude qui se transforme en une importante opportunité pour promouvoir le dialogue interreligieux et la connaissance réciproque entre les fidèles de nos deux religions, alors que nous faisons mémoire – huit cents ans après – de la rencontre historique entre saint François d’Assise et le Sultan al-Malik al-Kamil. Cet évènement prophétique manifeste que le courage de la rencontre et de la main tendue est un chemin de paix et d’harmonie pour l’humanité, là où l’extrémisme et la haine sont des facteurs de division et de destruction. Aussi, je forme le vœu que l’estime, le respect et la collaboration entre nous contribuent à approfondir nos liens de sincère amitié, afin de permettre à nos communautés de préparer un avenir meilleur pour les nouvelles générations.

Ici sur cette terre, pont naturel entre l’Afrique et l’Europe, je souhaite redire la nécessité d’unir nos efforts, pour donner une nouvelle impulsion à la construction d’un monde plus solidaire, plus engagé dans l’effort honnête, courageux et indispensable d’un dialogue respectueux des richesses et des spécificités de chaque peuple et de chaque personne. C’est là un défi que nous sommes tous appelés à relever, surtout en ce temps où on risque de faire des différences et de la méconnaissance réciproque des motifs de rivalité et de désagrégation.

Il est donc essentiel, pour participer à l’édification d’une société ouverte, plurielle et solidaire, de développer et d’assumer constamment et sans faiblesse la culture du dialogue comme chemin à parcourir ; la collaboration comme conduite ; la connaissance réciproque comme méthode et critère (cf. Document sur la fraternité humaine, Abu Dhabi, 4 février 2019). C’est ce chemin que nous sommes appelés à parcourir sans jamais nous fatiguer, pour nous aider à dépasser ensemble les tensions et les incompréhensions, les masques et les stéréotypes qui conduisent toujours à la peur et à l’opposition ; et ainsi ouvrir le chemin à un esprit de collaboration fructueux et respectueux. Il est en effet indispensable d’opposer au fanatisme et au fondamentalisme la solidarité de tous les croyants, ayant comme références inestimables de notre agir les valeurs qui nous sont communes. Dans cette perspective, je suis heureux de pouvoir visiter dans un moment l’Institut Mohammed VI pour les Imams, les prédicateurs et prédicatrices, voulu par Votre Majesté, dans le but de fournir une formation adéquate et saine contre toutes les formes d’extrémisme, qui conduisent souvent à la violence et au terrorisme et qui, en tout cas, constituent une offense à la religion et à Dieu lui- même. Nous savons en effet combien une préparation appropriée des futurs guides religieux est nécessaire, si nous voulons raviver le véritable sens religieux dans les cœurs des nouvelles générations.

Ainsi donc, un dialogue authentique nous invite à ne pas sous-estimer l’importance du facteur religieux pour construire des ponts entre les hommes et pour affronter avec succès les défis précédemment évoqués. Dans le respect de nos différences, la foi en Dieu nous conduit, en effet, à reconnaître l’éminente dignité de tout être humain, ainsi que ses droits inaliénables. Nous croyons que Dieu a créé les êtres humains égaux en droits, en devoirs et en dignité et qu’il les a appelés à vivre en frères et à répandre les valeurs du bien, de la charité et de la paix. Voilà pourquoi, la liberté de conscience et la liberté religieuse – qui ne se limitent pas à la seule liberté de culte mais qui doivent permettre à chacun de vivre selon sa propre conviction religieuse – sont inséparablement liées à la dignité humaine. Dans cet esprit, il nous faut toujours passer de la simple tolérance au respect et à l’estime d’autrui. Car il s’agit de découvrir et d’accueillir l’autre dans la particularité de sa foi et de s’enrichir mutuellement de la différence, dans une relation marquée par la bienveillance et la recherche de ce que nous pouvons faire ensemble. Ainsi comprise, la construction de ponts entre les hommes, du point de vue du dialogue interreligieux, est appelée à se vivre sous le signe de la convivialité, de l’amitié, et plus encore de la fraternité.

La Conférence internationale sur les droits des minorités religieuses dans le monde islamique, qui a eu lieu à Marrakech en janvier 2016, s’est penchée sur cette question. Et je me réjouis qu’elle ait permis de condamner toute utilisation instrumentale d’une religion pour discriminer ou agresser les autres, en soulignant la nécessité de dépasser le concept de minorité religieuse, au profit de celui de citoyenneté et de la reconnaissance de la valeur de la personne, qui doit revêtir un caractère central dans tout ordonnancement juridique.

Je considère aussi comme un signe prophétique la création de l’Institut Œcuménique Al Mowafaqa, à Rabat en 2012, par une initiative catholique et protestante au Maroc, Institut qui veut contribuer à promouvoir l’œcuménisme ainsi que le dialogue avec la culture et avec l’Islam. Cette louable initiative traduit le souci et la volonté des chrétiens vivant dans ce pays de construire des ponts pour manifester et servir la fraternité humaine.

Ce sont tous des parcours qui arrêteront « l’instrumentalisation des religions pour inciter à la haine, à la violence, à l’extrémisme et au fanatisme aveugle et mettront fin à l’utilisation du nom de Dieu pour justifier des actes d’homicide, d’exil, de terrorisme et d’oppression » (Document sur la fraternité humaine, Abu Dhabi, 4 février 2019).

Le dialogue authentique que nous voulons développer nous conduit aussi à tenir compte du monde dans lequel nous vivons, notre maison commune. Ainsi la Conférence internationale sur les changements climatiques, COP 22, qui s’est tenue ici même au Maroc, a témoigné, une fois encore, de la prise de conscience par de nombreuses Nations de la nécessité de protéger la planète sur laquelle Dieu nous a placés pour vivre et de contribuer à une véritable conversion écologique pour un développement humain intégral. Je salue toutes les avancées accomplies dans ce domaine et je me réjouis de la mise en œuvre d’une véritable solidarité entre les Nations et les peuples, afin de trouver des solutions justes et durables aux fléaux qui menacent la maison commune, ainsi que la survie même de la famille humaine. C’est ensemble, dans un dialogue patient et prudent, franc et sincère, que nous pouvons espérer trouver des solutions adéquates, pour inverser la courbe du réchauffement global et pour réussir à éradiquer la pauvreté (cf. Encyclique Laudato Si’, n.175).

Egalement, la grave crise migratoire à laquelle nous sommes affrontés aujourd’hui, est pour tous un appel pressant à rechercher les moyens concrets d’éradiquer les causes qui obligent tant de personnes à quitter leur pays, leur famille, et à se retrouver souvent marginalisées, rejetées. De ce point de vue, toujours ici au Maroc, en décembre dernier, la Conférence intergouvernementale sur le Pacte mondial pour une migration sûre, ordonnée et régulière a adopté un document qui entend être un point de référence pour toute la communauté internationale. En même temps, il est vrai que beaucoup reste encore à faire, surtout parce qu’il faut passer des engagements pris avec ce document, au moins au niveau moral, à des actions concrètes et, spécialement, à un changement de disposition envers les migrants, qui les considère comme des personnes, non comme des numéros, qui en reconnaisse dans les faits et dans les décisions politiques les droits et la dignité. Vous savez combien j’ai à cœur le sort, souvent terrible, de ces personnes, qui, en grande partie, ne laisseraient pas leurs pays s’ils n’y étaient pas contraints. J’espère que le Maroc, qui avec une grande disponibilité et une délicate hospitalité a accueilli cette Conférence, voudra continuer à être, dans la communauté internationale, un exemple d’humanité pour les migrants et les réfugiés, afin qu’ils puissent être, ici, comme ailleurs, accueillis avec humanité et protégés, qu’on puisse promouvoir leur situation et qu’ils soient intégrés avec dignité. Quand les conditions le permettront, ils pourront décider de retourner chez eux dans des conditions de sécurité, respectueuses de leur dignité et de leurs droits. Il s’agit d’un phénomène qui ne trouvera jamais de solution dans la construction de barrières, dans la diffusion de la peur de l’autre ou dans la négation de l’assistance à tous ceux qui aspirent à un légitime mieux-être pour eux-mêmes et pour leurs familles. Nous savons aussi que la consolidation d’une véritable paix passe par la recherche de la justice sociale, indispensable pour corriger les déséquilibres économiques et les désordres politiques qui ont toujours été des facteurs principaux de tension et de menace pour l’humanité tout entière.

Majesté et Honorables Autorités, chers amis ! Les chrétiens se réjouissent de la place qui leur est faite dans la société marocaine. Ils ont la volonté de prendre leur part à l’édification d’une nation solidaire et prospère, en ayant à cœur le bien commun du peuple. De ce point de vue, l’engagement de l’Église catholique au Maroc, dans ses œuvres sociales et dans le domaine de l’éducation à travers ses écoles ouvertes aux élèves de toute confession, religion et origine, me semble significatif. Aussi, en rendant grâce à Dieu pour le chemin parcouru, permettez-moi d’encourager les catholiques et les chrétiens à être ici, au Maroc, des serviteurs, des promoteurs et des défenseurs de la fraternité humaine.

Majesté, Distinguées Autorités, chers amis ! Je vous remercie une fois encore, ainsi que tout le peuple marocain, pour votre accueil si chaleureux et pour votre aimable attention. Shukran bi-

saf !
Que le Tout-Puissant, clément et miséricordieux, vous protège et qu’il bénisse le Maroc ! Merci.

[00533-FR.01] [Texte original: Italien]

« Vivit Christus » une Exhortation mariale ?

(CNS photo/Vatican Media) Lundi dernier, pour souligner la fête de l’Annonciation, le pape François s’est rendu à Lorette afin d’y visiter le Sanctuaire dédié à la Sainte Vierge et y rencontrer pèlerins et fidèles. Après avoir célébré la Messe dans la chapelle créée à l’intérieur de la petite maison située au centre de la basilique et qui, selon la tradition ancestrale, serait la demeure où vécut la sainte famille à Nazareth, le Pape François a signé l’Exhortation apostolique post synodale découlant du Synode sur « Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel ». Du parvis, le Pape a prononcé un discours qui nous en dit long sur le contenu de ce texte important et qui sera rendu public mardi le 2 avril prochain.

Intitulé « Christus vivit », ce texte qui vraisemblablement sera profondément marial, manifeste la centralité de la liberté humaine dans l’économie du salut. Alors que le « document final » du synode avait surtout utilisé l’épisode des pèlerins d’Emmaüs pour manifester la présence et l’accompagnement du Christ sur le chemin de la vocation, il m’apparaît très probable que c’est Marie qui sera au centre des réflexions du Saint-Père dans cette nouvelle Exhortation. En effet, pour lui, l’appel vocationnel de Marie à l’Annonciation révèle les trois moments clés qui « ont rythmé le synode : 1) écoute de la Parole-projet de Dieu ; 2) discernement ; 3) décision ».

« Christus vivit » grâce à sa mère

L’épisode de l’Annonciation est très éclairant autant pour les jeunes qui cherchent un sens à leur vie que pour les chrétiens qui se demandent comment servir Dieu le mieux possible. En effet, de par son écoute attentive à la Parole de Dieu ainsi qu’à sa Mystérieuse présence dans la vie quotidienne, Marie est devenue le « modèle de toute vocation et l’inspiratrice de toute pastorale vocationnelle »[3]. C’est par son ouverture au sens surnaturel de la réalité qu’elle a gardé cette vigilance à l’égard des motions de l’Esprit Saint et qu’elle a su prendre le risque de dire « oui » à l’invitation de l’ange.

Cette capacité à dépasser la superficialité des événements et à garder un regard profond sur le réel et sa propre personnalité a pu, au long de sa courte expérience, aiguiser son caractère au point où Dieu a cru bon de lui confier ce qu’Il avait de plus précieux : son Fils Unique. Comment ne pas s’émerveiller devant la maturité de cette jeune femme qui, malgré son jeune âge et son apparente petitesse, a su voir la sagesse divine se déployer à travers son élection. Loin de la remplir d’orgueil, ce choix divin l’a fortifiée dans sa conviction que Dieu manifeste sa grandeur en renversant « les puissants de leurs trônes » et en élevant « les humbles » (Lc 1, 52).

Un modèle pour « tous les âges » (Lc 1, 50)

Chaque époque porte son lot de défis et il se trouve que la jeunesse a toujours joué un rôle central pour les surmonter. Capable de voir avec une acuité particulière, l’écart entre ce qui est et ce qui devrait être, la jeunesse d’aujourd’hui voit pertinemment les failles d’un système et d’une culture incapable de rejoindre nos idéaux chrétiens de justice et de solidarité. Ces grands enjeux, bien qu’importants à un niveau macroscopique, peuvent être un obstacle à la prise de décision quotidienne. En effet, découragés par l’ampleur des défis écologiques, plusieurs jeunes peuvent désenchanter et tomber dans un cynisme des plus inefficaces et stérilisants pour leur propre potentiel personnel et pour leur monde. Au contraire, en Marie « il y a une attention à saisir toutes les exigences du projet de Dieu sur sa vie, à le connaître dans ses nuances, pour rendre sa collaboration plus responsable et plus complète »[4].

En ce sens, la Vierge Marie manifeste que c’est dans le concret de l’acceptation humble et fidèle des tâches quotidiennes de la vie que Dieu entre en contact avec nous. Elle nous montre comment, si nous désirons ardemment changer le monde, il nous incombe d’abord d’être « dignes de confiance dans la moindre chose » afin d’être rendus « dignes de confiance aussi dans une grande » (Lc 16, 10). Cet élément essentiel du discernement est particulièrement à risque en cette ère d’univers médiatique globalisé et c’est pourquoi nous avons besoin de l’aide de Marie.

Discerner en pleine connaissance de cause

Notre époque se présente souvent comme l’ère des possibilités. En effet, dans l’histoire, jamais les personnes n’ont eu autant de choix à leur disposition. Que ce soit dans les choix de carrière, de conjoint, de pays, d’intérêts, de canaux de télévision… jamais l’humanité n’a eu autant d’offres. Cette grande variété n’apporte cependant pas que des aspects positifs. L’analyse des différentes options peut souvent mener à de l’incertitude. Comme on dit « trop c’est comme pas assez » ! Les jeunes sont particulièrement sujets à ce type de paralysie qui les empêche de choisir et de se donner à fond dans ce qu’ils entreprennent. C’est ainsi qu’ils finissent souvent, quoi qu’ayant de grands idéaux, par confondre le bonheur avec « le confort d’un divan« .

En ce sens, « les jeunes qui sont en recherche ou qui s’interrogent sur leur avenir, peuvent trouver en Marie celle qui les aide à discerner le projet de Dieu sur eux et la force pour y adhérer »[5]. Avoir le courage de prendre les décisions essentielles à toute vie accomplie tout en étant conscients et prêts à assumer les sacrifices qu’implique cette dernière, voilà un des défis majeurs des jeunes de notre époque.

Une vie épanouie dans le Christ

Que ce soit par son écoute, son discernement ou sa force de décision, Marie est le modèle par excellence d’une vie humaine pleinement vécue sous le regard bienveillant de Dieu. Par son « Fiat », elle a su dire « oui » à l’aventure divine qui allait la mener aux confins de la terre et de l’histoire pour se rendre jusqu’à nous. En attendant la publication de l’Exhortation « Chistus Vivit » du pape François mardi prochain, confions à Marie nos vies, nos tracas. Confiants de son indéfectible intercession, aidons cette jeunesse à faire, comme le disait le cardinal Lustiger, « le choix de Dieu ».

Homélie du pape François lors de la célébration de Pénitence

Vous trouverez le texte de l’homélie telle que prononcée lors de la célébration de Pénitence et dans laquelle il a présidé le rite du sacrement de la réconciliation avec confession individuelle en la basilique Saint-Pierre de Rome:

« Il ne resta seulement qu’elles deux : la misère et la miséricorde » (In Joh 33,5). C’est decette manière que Saint Augustin resitue le final de l’Évangile que nous venons d’entendre. Ceux quiétaient venus pour jeter des pierres à la femme ou pour accuser Jésus vis-à-vis de la Loi sont partis.Ils sont partis, ils n’avaient pas d’autres intérêts. Jésus, au contraire, reste. Il reste parce qu’elle estprécieuse à ses yeux : cette femme, cette personne. Pour lui, avant le péché, il y a le pécheur. Moi, toi, chacun de nous, nous venons en premier dans le cœur de Dieu : avant les erreurs, les règles, lesjugements, et avant nos chutes. Demandons la grâce d’un regard semblable à celui de Jésus, demandons d’avoir l’image chrétienne de la vie, qui voit le pécheur avec amour avant le péché, celuiqui a erré avant l’erreur, la personne avant son histoire.

« Il ne resta seulement qu’elles deux : la misère et la miséricorde ». Pour Jésus, cette femme surprise en adultère ne représente pas un paragraphe de la Loi, mais une situation concrète danslaquelle s’impliquer. C’est pourquoi il reste là avec la femme, restant le plus souvent en silence. Et en attendant il fait deux fois un geste mystérieux : il écrit parterre avec le doigt (Jn 8, 6.8). Nous nesavons pas ce qu’il a écrit, et peut-être ce n’est pas la chose la plus importante : l’attention de l’Évangile porte sur le fait que le Seigneur écrit. L’épisode du Sinaï vient à l’esprit, quand Dieu avaitécrit les tables de la Loi avec son doigt (cf. Ex 31, 18), comme fait à présent Jésus. Par la suite, Dieu avait promis, par les prophètes, de ne plus écrire sur des tables de pierre, mais directement dans lescœurs (cf. Jr 31, 33), sur les tables de chair de nos cœurs (cf. 2 Co 3,3). Avec Jésus, miséricorde deDieu incarnée, le moment d’écrire dans le cœur de l’homme est arrivé, de donner une espérance sûreà la misère humaine : de donner, non seulement des lois extérieures qui laissent souvent Dieu etl’homme distants, mais la loi de l’Esprit qui entre dans le cœur et le libère. C’est ce qui arrive pour lafemme qui rencontre Jésus et qui se remet à vivre. Et elle part pour ne plus pécher (cf. Jn 8, 11).C’est Jésus qui, avec la force de l’Esprit Saint, nous libère du mal que nous avons à l’intérieur, dupéché que la Loi pouvait entraver mais non pas enlever.

Et cependant le mal est fort, il a un pouvoir séduisant : il attire, il fascine. Pour s’en détacher,notre engagement ne suffit pas, il faut un amour plus grand. On ne peut pas vaincre le mal sans Dieu :seul son amour redresse à l’intérieur, seule sa tendresse déversée dans le cœur rend libre. Si nousvoulons être libérés du mal, de la place doit être faite au Seigneur qui pardonne et qui guérit. Et il le fait surtout à travers le sacrement que nous sommes en train de célébrer. La Confession, c’est le passage de la misère à la miséricorde, c’est l’écriture de Dieu dans le cœur. A chaque fois, nous y lisons que nous sommes précieux aux yeux de Dieu, qu’il est Père et qu’il nous aime plus que nousnous aimons nous-mêmes.

« Il ne resta seulement qu’elles deux : la misère et la miséricorde ». Elles seules. Combien defois nous nous sentons seuls et perdons le fil de la vie. Combien de fois nous ne savons plus comment recommencer, oppressés par la difficulté de nous accepter. Nous avons besoin de recommencer maisnous ne savons pas à partir d’où. Le chrétien naît du pardon qu’il reçoit au Baptême. Et il renaîttoujours de là : du pardon surprenant de Dieu, de sa miséricorde qui restaure. C’est seulement en tantque pardonnés que nous pouvons repartir rassurés, après avoir éprouvé la joie d’être aimés du Père jusqu’au bout. Des choses vraiment nouvelles en nous se produisent seulement à travers le pardon deDieu. Réécoutons une phrase que le Seigneur nous a dite aujourd’hui à travers le prophète Isaïe : « Je fais une chose nouvelle » (Is 43, 19). Le pardon nous donne un nouveau départ, il fait de nous unecréature nouvelle, il nous fait toucher du doigt la vie nouvelle. Le pardon de Dieu n’est pas unephotocopie qui se répète à l’identique à chaque passage au confessionnal. Recevoir, par l’intermédiaire du prêtre, le pardon des péchés est une expérience toujours nouvelle, originale et inimitable. Elle nous fait passer du fait d’être seuls avec nos misères et nos accusateurs, comme lafemme de l’Evangile, au fait d’être relevés et encouragés par le Seigneur qui nous fait repartir.

« Il ne resta seulement qu’elles deux : la misère et la miséricorde ». Que faire pour s’attacherà la miséricorde, pour vaincre la peur de la confession ? Accueillons encore l’invitation d’Isaïe : « Ne voyez-vous pas ? » (Is 43, 19). Se rendre compte du pardon de Dieu. C’est important. Il serait beau,après la confession, de rester comme cette femme, le regard fixé sur Jésus qui vient de nous libérer : non plus sur nos misères, mais sur sa miséricorde. Regarder le Crucifix et dire avec étonnement :“Voilà où sont allés finir mes péchés. Tu les as pris sur toi. Tu ne m’as pas pointé du doigt, tu m’as ouvert les bras et tu m’as encore pardonné”. Il est important de faire mémoire du pardon de Dieu, de se rappeler sa tendresse, de savourer de nouveau la paix et la liberté dont nous avons fait l’expérience. Parce que c’est le cœur de la confession : non pas les péchés que nous disons, mais l’amour divin quenous recevons et dont nous avons toujours besoin. Il peut nous venir encore un doute : “se confesser ne sert à rien, je fais toujours les mêmes péchés”. Mais le Seigneur nous connaît, il sait que le combatintérieur est dur, que nous sommes faibles et prêts à tomber, souvent récidivistes dans le mal. Et il nous propose de recommencer à être des récidivistes dans le bien et à faire de nous des créaturesnouvelles. Repartons alors de la Confession, redonnons à ce sacrement la place qu’il mérite dans la vie et dans la pastorale.

« Il ne resta seulement qu’elles deux : la misère et la miséricorde ». Nous aussi aujourd’huinous vivons dans la Confession cette rencontre de salut : nous, avec nos misères et notre péché ; le Seigneur, qui nous connaît, nous aime et nous libère du mal. Entrons dans cette rencontre, en demandant la grâce de la découvrir de nouveau.

[00526-FR.01] [Texte original: Italien]

Homélie du pape François pour le mercredi des Cendres

(Photo:CNS/Paul Haring) Vous trouverez ci-dessous le texte complet de l’homélie du Pape François lors de la célébration du Mercredi des cendres en la basilique Sainte-Sabine de Rome:

« Sonnez du cor, prescrivez un jeûne sacré » (Jl 2, 15), dit le prophète dans la Première Lecture. Le Carême s’ouvre avec un son strident, celui d’une corne qui ne caresse pas les oreilles, mais organise un jeûne. C’est un son puissant, qui veut ralentir notre vie qui va toujours au pas de course, mais souvent ne sait pas bien où. C’est un appel à s’arrêter, à aller à l’essentiel, à jeûner du superflu qui distrait. C’est un réveil pour l’âme.

Au son de ce réveil est joint le message que le Seigneur transmet par la bouche du prophète, un message bref et pressant : « Revenez à moi » (v. 12). Revenir. Si nous devons revenir, cela signifie que nous sommes allés ailleurs. Le Carême est le temps pour retrouver la route de la vie.Parce que dans le parcours de la vie, comme sur tout chemin, ce qui compte vraiment est de ne pas perdre de vue le but. Lorsqu’au contraire dans le voyage, ce qui intéresse est de regarder le paysage ou de s’arrêter pour manger, on ne va pas loin. Chacun de nous peut se demander : sur le chemin de la vie, est-ce que je cherche la route ? Ou est-ce que je me contente de vivre au jour le jour, en pensant seulement à aller bien, à résoudre quelques problèmes et à me divertir un peu ? Quelle est la route ? Peut-être la recherche de la santé, que beaucoup disent venir avant tout mais qui un jour ou l’autre passera ? Peut-être les biens et le bien-être ? Mais nous ne sommes pas au monde pour cela.Revenez à moi, dit le Seigneur. A moi. C’est le Seigneur le but de notre voyage dans le monde. La route est fondée sur Lui.

Pour retrouver la route, aujourd’hui nous est offert un signe : des cendres sur la tête. C’est un signe qui nous fait penser à ce que nous avons en tête. Nos pensées poursuivent souvent des choses passagères, qui vont et viennent. La légère couche de cendres que nous recevrons est pour nous dire, avec délicatesse et vérité : des nombreuses choses que tu as en tête, derrière lesquelles chaque jour tu cours et te donne du mal, il ne restera rien. Pour tout ce qui te fatigue, de la vie tu n’emporteras avec toi aucune richesse. Les réalités terrestres s’évanouissent, comme poussière au vent. Les biens sont provisoires, le pouvoir passe, le succès pâlit. La culture de l’apparence,aujourd’hui dominante, qui entraîne à vivre pour les choses qui passent, est une grande tromperie. Parce que c’est comme une flambée : une fois finie, il reste seulement la cendre. Le Carême est le temps pour nous libérer de l’illusion de vivre en poursuivant la poussière. Le Carême c’est redécouvrir que nous sommes faits pour le feu qui brûle toujours, non pour la cendre qui s’éteint tout de suite; pour Dieu, non pour le monde ; pour l’éternité du Ciel, non pour la duperie de la terre ; pour la liberté des enfants, non pour l’esclavage des choses. Nous pouvons nous demander aujourd’hui : de quel côté suis-je ? Est-ce que je vis pour le feu ou pour la cendre ?

Dans ce voyage de retour à l’essentiel qu’est le Carême, l’Evangile propose trois étapes que le Seigneur demande de parcourir sans hypocrisie, sans comédie : l’aumône, la prière, le jeûne. A quoi servent-elles ? L’aumône, la prière et le jeûne nous ramènent aux trois seules réalités qui ne disparaissent pas. La prière nous rattache à Dieu ; la charité au prochain ; le jeûne à nous-mêmes. Dieu, les frères, ma vie : voilà les réalités qui ne finissent pas dans le néant, sur lesquelles il faut investir. Voilà où le Carême nous invite à regarder : vers le Haut, avec la prière qui nous libère d’une vie horizontale, plate, où on trouve le temps pour le ‘je’ mais où l’on oublie Dieu. Et puisvers l’autre avec la charité qui libère de la vanité de l’avoir, du fait de penser que les choses vont bien si elles me vont bien à moi. Enfin, il nous invite à regarder à l’intérieur, avec le jeûne, qui nous libère de l’attachement aux choses, de la mondanité qui anesthésie le cœur. Prière, charité, jeûne : trois investissements pour un trésor qui dure.

Jésus a dit : « Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur » (Mt 6, 21). Notre cœur regarde toujours dans quelque direction : il est comme une boussole en recherche d’orientation. Nous pouvons aussi le comparer à un aimant : il a besoin de s’attacher à quelque chose. Mais s’il s’attache seulement aux choses terrestres, tôt ou tard, il en devient esclave : les choses dont on se sert deviennent des choses à servir. L’aspect extérieur, l’argent, la carrière, les passe-temps : si nous vivons pour eux, ils deviendront des idoles qui nous utilisent, des sirènes qui nous charment et ensuite nous envoient à la dérive. Au contraire, si le cœur s’attache à ce qui ne passe pas, nous nous retrouvons nous-même et nous devenons libres. Le Carême est un temps de grâce pour libérer le cœur des vanités. C’est un temps de guérison des dépendances qui nous séduisent. C’est un temps pour fixer le regard sur ce qui demeure.

Où fixer alors le regard le long du chemin du Carême ? Sur le Crucifié. Jésus en croix est la boussole de la vie, qui nous oriente vers le Ciel. La pauvreté du bois, le silence du Seigneur, son dépouillement par amour nous montrent les nécessités d’une vie plus simple, libre de trop de soucis pour les choses. De la Croix Jésus nous enseigne le courage ferme du renoncement. Parce que chargés de poids encombrants, nous n’irons jamais de l’avant. Nous avons besoin de nous libérer des tentacules du consumérisme et des liens de l’égoïsme, du fait de vouloir toujours plus, de n’être jamais content, du cœur fermé aux besoins du pauvre. Jésus sur le bois de la croix brûle d’amour, il nous appelle à une vie enflammée de Lui, qui ne se perd pas parmi les cendres du monde ; une vie qui brûle de charité et ne s’éteint pas dans la médiocrité. Est-il difficile de vivre comme lui le demande ? Oui, mais il conduit au but. Le Carême nous le montre. Il commence avec la cendre, mais à la fin, il nous mène au feu de la nuit de Pâques ; à découvrir que, dans le tombeau, la chair de Jésus ne devient pas cendre, mais resurgit glorieuse. Cela vaut aussi pour nous, qui sommes poussière : si avec nos fragilités nous revenons au Seigneur, si nous prenons le chemin de l’amour, nous embrasserons la vie qui n’a pas de couchant. Et nous serons dans la joie.

[00395-FR.01] [Texte original: Italien]

Message du pape François pour le carême 2019

Vous trouverez ci-dessous le texte complet du Message du pape François pour le Carême 2019 (CNS photo/Stefano Rellandini, Reuters):

«La création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu» (Rm 8,19)

Chers frères et sœurs,
Chaque année, Dieu, avec le secours de notre Mère l’Eglise, « accorde aux chrétiens de se préparer aux fêtes pascales dans la joie d’un cœur purifié » (Préface de Carême 1) pour qu’ils puissent puiser aux mystères de la rédemption, la plénitude offerte par la vie nouvelle dans le Christ. Ainsi nous pourrons cheminer de Pâques en Pâques jusqu’à la plénitude du salut que nous avons déjà reçue grâce au mystère pascal du Christ : « Car nous avons été sauvés, mais c’est en espérance » (Rm 8,24). Ce mystère de salut, déjà à l’œuvre en nous en cette vie terrestre, se présente comme un processus dynamique qui embrasse également l’Histoire et la création tout entière. Saint Paul le dit : « La création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu » (Rm8,19). C’est dans cette perspective que je souhaiterais offrir quelques points de réflexion pour accompagner notre chemin de conversion pendant le prochain carême.

1. La rédemption de la Création

La célébration du Triduum pascal de la passion, mort et résurrection du Christ, sommet de l’année liturgique, nous appelle, chaque fois, à nous engager sur un chemin de préparation, conscients que notre conformation au Christ (cf. Rm 8,29) est un don inestimable de la miséricorde de Dieu.

Si l’homme vit comme fils de Dieu, s’il vit comme une personne sauvée qui se laisse guider par l’Esprit Saint (cf. Rm 8,14) et sait reconnaître et mettre en œuvre la loi de Dieu, en commençant par celle qui est inscrite en son cœur et dans la nature, alors il fait également du bien à la Création, en coopérant à sa rédemption. C’est pourquoi la création, nous dit Saint Paul, a comme un désir ardent que les fils de Dieu se manifestent, à savoir que ceux qui jouissent de la grâce du mystère pascal de Jésus vivent pleinement de ses fruits, lesquels sont destinés à atteindre leur pleine maturation dans la rédemption du corps humain. Quand la charité du Christ transfigure la vie des saints – esprit, âme et corps –, ceux-ci deviennent une louange à Dieu et, par la prière, la contemplation et l’art, ils intègrent aussi toutes les autres créatures, comme le confesse admirablement le « Cantique des créatures » de saint François d’Assise (cf. Enc. Laudato Sì, n. 87). En ce monde, cependant, l’harmonie produite par la rédemption, est encore et toujours menacée par la force négative du péché et de la mort.

2. La force destructrice du péché

En effet, lorsque nous ne vivons pas en tant que fils de Dieu, nous mettons souvent en acte des comportements destructeurs envers le prochain et les autres créatures, mais également envers nous-mêmes, en considérant plus ou moins consciemment que nous pouvons les utiliser selon notre bon plaisir. L’intempérance prend alors le dessus et nous conduit à un style de vie qui viole les limites que notre condition humaine et la nature nous demandent de respecter. Nous suivons alors des désirs incontrôlés que le Livre de la Sagesse attribue aux impies, c’est-à-dire à ceux qui n’ont pas Dieu comme référence dans leur agir, et sont dépourvus d’espérance pour l’avenir (cf. 2,1-11). Si nous ne tendons pas continuellement vers la Pâque, vers l’horizon de la Résurrection, il devient clair que la logique du « tout et tout de suite », du « posséder toujours davantage » finit par s’imposer.

La cause de tous les maux, nous le savons, est le péché qui, depuis son apparition au milieu des hommes, a brisé la communion avec Dieu, avec les autres et avec la création à laquelle nous sommes liés avant tout à travers notre corps. La rupture de cette communion avec Dieu a également détérioré les rapports harmonieux entre les êtres humains et l’environnement où ils sont appelés à vivre, de sorte que le jardin s’est transformé en un désert (cf. Gn 3,17-18). Il s’agit là du péché qui pousse l’homme à se tenir pour le dieu de la création, à s’en considérer le chef absolu et à en user non pas pour la finalité voulue par le Créateur mais pour son propre intérêt, au détriment des créatures et des autres.

Quand on abandonne la loi de Dieu, la loi de l’amour, c’est la loi du plus fort sur le plus faible qui finit par s’imposer. Le péché qui habite dans le cœur de l’homme (cf. Mc 7, 20-23) – et se manifeste sous les traits de l’avidité, du désir véhément pour le bien-être excessif, du désintérêt pour le bien d’autrui, et même souvent pour le bien propre – conduit à l’exploitation de la création, des personnes et de l’environnement, sous la motion de cette cupidité insatiable qui considère tout désir comme un droit, et qui tôt ou tard, finira par détruire même celui qui se laisse dominer par elle.

3. La force de guérison du repentir et du pardon

C’est pourquoi la création a un urgent besoin que se révèlent les fils de Dieu, ceux qui sont devenus “une nouvelle création” : « Si donc quelqu’un est dans le Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né » (2 Co 5,17). En effet, grâce à leur manifestation, la création peut elle aussi « vivre » la Pâque : s’ouvrir aux cieux nouveaux et à la terre nouvelle (cf. Ap 21,1). Le chemin vers Pâques nous appelle justement à renouveler notre visage et notre cœur de chrétiens à travers le repentir, la conversion et le pardon afin de pouvoir vivre toute la richesse de la grâce du mystère pascal.

Cette “impatience ”, cette attente de la création, s’achèvera lors de la manifestation des fils de Dieu, à savoir quand les chrétiens et tous les hommes entreront de façon décisive dans ce “labeur” qu’est la conversion. Toute la création est appelée, avec nous, à sortir « de l’esclavage de la dégradation, pour connaître la liberté de la gloire donnée aux enfants de Dieu » (Rm 8,21). Le carême est un signe sacramentel de cette conversion. Elle appelle les chrétiens à incarner de façon plus intense et concrète le mystère pascal dans leur vie personnelle, familiale et sociale en particulier en pratiquant le jeûne, la prière et l’aumône.

Jeûner, c’est-à-dire apprendre à changer d’attitude à l’égard des autres et des créatures : de la tentation de tout “ dévorer” pour assouvir notre cupidité, à la capacité de souffrir par amour, laquelle est capable de combler le vide de notre cœur. Prier afin de savoir renoncer à l’idolâtrie et à l’autosuffisance de notre moi, et reconnaître qu’on a besoin du Seigneur et de sa miséricorde.Pratiquer l’aumône pour se libérer de la sottise de vivre en accumulant toute chose pour soi dans l’illusion de s’assurer un avenir qui ne nous appartient pas. Il s’agit ainsi de retrouver la joie du dessein de Dieu sur la création et sur notre cœur, celui de L’aimer, d’aimer nos frères et le monde entier, et de trouver dans cet amour le vrai bonheur.

Chers frères et sœurs, le « carême » du Fils de Dieu a consisté à entrer dans le désert de la création pour qu’il redevienne le jardin de la communion avec Dieu, celui qui existait avant le péché originel (cf. Mc 1,12-13 ; Is 51,3). Que notre Carême puisse reparcourir le même chemin pour porter aussi l’espérance du Christ à la création, afin qu’« elle aussi, libérée de l’esclavage de la dégradation, puisse connaître la liberté de la gloire donnée aux enfants de Dieu » (cf. Rm 8,21). Ne laissons pas passer en vain ce temps favorable ! Demandons à Dieu de nous aider à mettre en œuvre un chemin de vraie conversion. Abandonnons l’égoïsme, le regard centré sur nous-mêmes et tournons-nous vers la Pâque de Jésus : faisons-nous proches de nos frères et sœurs en difficulté en partageant avec eux nos biens spirituels et matériels. Ainsi, en accueillant dans le concret de notre vie la victoire du Christ sur le péché et sur la mort, nous attirerons également sur la création sa force transformante.

Du Vatican, le 4 octobre 2018 Fête de Saint François d’Assise.

[00312-FR.01] [Texte original: Français]

Testo in lingua inglese

FRANÇOIS

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